Comment peut-on être de droite ?

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Il ne fait aucun doute pour moi, qu'être de droite, c'est être un salaud, égoïste et violent envers les autres, partisan du colonialisme, de l'esclavage, de l'extermination des pauvres, du rejet des immigrés, du mépris des faibles, de la dictature de l'argent, si ce n'est de la dictature tout court. On voit bien tous les thèmes défendus par la droite, de la sécurité ou la xénophobie à la défense des riches ou de la réussite individuelle, en tout cas de la culpabilisation des assistés, toute la barbarie humaine même bien refoulée. On sait que Sarkozy a bâti sa carrière sur le refus de s'excuser d'être de droite, légitimant au yeux de ses partisans soulagés les positions les plus immorales (sa réplique habituelle étant "on ne va pas se gêner !").

Un livre qui vient de paraître voudrait nous persuader que c'est une erreur de perspective de la gauche d'avoir une idée si négative des électeurs de droite, qui seraient eux, plus clairvoyants sur les gauchistes ! Certes, il n'est pas imaginable qu'il n'y ait une droite et une gauche mais il est assez ridicule de vouloir réduire cette division constitutive des démocraties à une question biologique entre réformateurs et conservateurs, refoulant les déterminations sociologiques beaucoup plus prégnantes. Qu'il y ait une droite raisonnable, pourquoi pas, celle que représenterait le prétendu "Parti Socialiste" par exemple serait encore acceptable, mais les droites actuelles ne semblent pas si bien intentionnées.

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Changer de système de vote

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La revue Pour la Science du mois d'avril a fait un dossier assez engagé sur les élections, que ce soit sur l'énergie, la sécurité ou la santé, ce qui est quand même assez étonnant pour cette version française de Scientific American. Le plus intéressant, qui m'a semblé mériter un article à part, c'est la proposition de 2 mathématiciens, Michel Balinski et Rida Laraki, reprise du rapport d’Olivier Ferrand pour Terra Nova "Réformer l’élection présidentielle, moderniser la démocratie", qui consisterait à remplacer le vote par une sorte de note attribuée aux candidats : Excellent, Très bien, Bien, Assez bien, Passable, Insuffisant, à Rejeter. Ne votez pas, jugez  ! La proposition est certes critiquable mais elle mérite assurément réflexion.

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New Age, le retour

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La mode est au revival de ce qu'on croyait enterré depuis longtemps, occasion de rappeler que rien ne se perd d'un passé qu'il ne suffit pas de refouler. Ainsi, il n'a pas suffi de la victoire de 1945 pour supprimer tous les fascistes, de même que l'écroulement de l'URSS n'a pas été la disparition de tous les communistes de la terre, même réduits à la portion congrue. Ce n'est pas seulement que ces idéologies survivent et reviennent nous hanter mais que les nazis et les staliniens sont encore parmi nous sous d'autres habits néolibéraux ou religieux. Cependant, l'histoire ne se répète pas et les idéologies comme les gens évoluent dans l'après-coup de l'expérience et la confrontation avec de nouveaux contextes. Les fascistes d'aujourd'hui ne sont pas aussi abjects que les fascistes d'hier, de même que les communistes qui restent ont beaucoup changé et perdu de leur assurance. Qu'on assiste à une résurgence du passé qui se donne en spectacle ne veut pas dire que ces idéologies tournées vers un temps révolu auraient un quelconque avenir en dépit du retour critique dont elles auraient été capables.

Le nouveau monde numérique dans lequel nous sommes entrés exige de toutes autres idéologies et même un complet renversement des valeurs par rapport au monde industriel qui s'achève. S'il faut absolument revenir en arrière pour trouver un appui historique, après le retour à la crise de 1929, à la Commune de 1871, voire à la Bastille de 1789, pourquoi pas revenir à 1967 dont le mouvement des occupations n'est pas si loin ? Là aussi, il ne faut pas s'attendre à devoir reprendre toutes les extravagances du New Age, le travail de l'histoire devant permettre de balayer ses naïvetés et ses outrances, mais c'est quand même plutôt dans ce sens qu'il faudrait aller plutôt qu'un retour au XIXè ou aux 30 glorieuses. Nous avons besoin de l'expression du nouvel esprit du monde, celui des pirates, de l'intelligence et du jeu, de nouvelles valeurs pour une ère nouvelle soucieuse des questions écologiques autant qu'éprise de liberté tout comme à l'époque psychédélique mais avec les réseaux numériques en plus.

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La crise et le déclin de l’Occident

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4 ans ! plus de 4 ans déjà que cette crise systémique a commencé et qu'on nous promet qu'on en voit la fin, qu'elle est déjà derrière nous, qu'elle est circonscrite alors qu'on attend toujours son dénouement qui tarde à venir pendant que les pays tombent un à un sous le poids de leur dette. Ce n'est pas fini et pourrait durer longtemps encore. Le temps de l'histoire est bien trop lent pour nos vies humaines, on se lasse vite de redire tout le temps la même chose. J'avais déjà averti qu'un pilotage à vue pouvait retarder assez longtemps les inévitables conséquences de cette crise : krach de la dette, effondrement du dollar et retour de l'inflation qui devraient inaugurer un nouveau cycle de Kondratieff (de croissance). Il faut dire que les moyens employés sont démesurés, se chiffrant en milliers de milliards, ce qui donne à chaque fois l'impression d'une situation maîtrisée alors qu'on se met dans une position très instable, comme en surfusion où le moindre incident déclenche une nouvelle crise encore plus grave ! C'est effectivement une caractéristique de ces crises systémiques, plus on les retarde et plus elles s'aggravent...

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Revue des sciences 03/12

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Les 5 principaux regrets des mourants

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Bronnie Ware, une infirmière australienne en soin palliatif, a noté les réponses des mourants qu'elle accompagnait, dégageant dans un livre leurs 5 principaux regrets, étonnamment convergents, dont le Guardian a rendu compte au début du mois.

Occasion de quelques réflexions personnelles qui n'avaient guère leur place dans la revue des sciences.

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Le monde humain comme monde commun

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Etienne Bimbenet, L'animal que je ne suis plus, Folio

Le monde commun est un rêve qui nous façonne depuis la première parole. p401

Ce livre est intéressant à plus d'un titre. D'abord il fournit un accès à toute une littérature qui va du cognitivisme à la phénoménologie en passant par l'éthologie, ensuite il tente une phénoménologie du vécu spécifiquement humain, en opposition à celui de l'animal. Son parti pris lui interdit de faire vraiment du langage ce qui nous sépare de l'animalité en donnant matérialité à la pensée (ce qui la façonne en retour) pour essayer d'en cerner la condition de possibilité pré-verbale. On peut considérer que c'est une impasse conceptuelle mais qui se révèle étonnement productive même si, malgré tous ses efforts, l'empreinte du langage se fait constamment sentir. Il aboutit en effet à situer dans la désignation, le simple geste de montrer du doigt, ce qui différencie déjà l'enfant du chimpanzé (qui en serait à peu près incapable), d'autant plus que ce geste ne serait pas impératif mais déclaratif. On peut certes trouver des contre-exemples ponctuels mais non pas contester son caractère exceptionnel dans le règne animal. Par contre, il est difficile de ne pas faire le lien avec la nomination.

Faut-il donc y voir la condition du langage ou son effet (les bébés comprenant des mots dès 6 mois mais montrant du doigt dès 3 mois) ? Les deux pourraient se confondre dès lors qu'il y aurait eu sélection génétique, incorporation au génome de cette dimension essentielle de la nomination puisque c'est bien la spécificité de l'espèce humaine qui est visée (désignée) ici.

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Mais pourquoi donc les auteurs devraient-ils avoir des droits ?

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Comme on m'a demandé de participer à la réponse du Parti Pirate à un article de Laurent Joffrin sur le piratage, je me suis rendu compte que j'étais beaucoup plus radical qu'eux car opposé pour ma part au droit d'auteur, dans ma propre pratique, et peu soucieux de garantir les ressources des Majors. Position parfaitement "irresponsable" d'après le monsieur mais basée à la fois sur les capacités infinies de reproduction du numérique, sur la nécessité de partage du savoir ou de la culture, et sur les risques d'un contrôle totalitaire mais aussi sur le refus d'assimiler la création à un travail rémunérateur ou un investissement. Il n'y a en effet aucune raison que les auteurs aient des droits, pas plus que les artistes ne devraient absolument devenir riches quand ils ont du succès, eux qui ont toujours connu plutôt une vie de bohème. Si on veut gagner de l'argent, on fait autre chose.

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Ni César, ni tribun

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Dans cette période de retour du nationalisme, y compris à gauche, il n'est pas mauvais de citer ces paroles de l'Internationale que j'ai toujours préférées à celles de la Marseillaise (bien que je ne crois pas du tout qu'on puisse du passé faire table rase!). Cette composante libertaire qui faisait partie intégrante du communisme originel n'a pas empêché cependant que tous les pays socialistes qui avaient pris ce chant révolutionnaire pour hymne ne tombent systématiquement dans "le culte de la personnalité", pas assez analysé et dont cet article essaiera de montrer les convergences avec sa version individualiste.

En effet, de même que Guy Debord avait distingué le "spectaculaire concentré" caractérisant les régimes dictatoriaux du "spectaculaire diffus" de la société marchande, on peut distinguer deux types très différents de culte de la personnalité, celui du chef, paré de toutes les vertus, et celui du "développement personnel" (de l'entrepreneur risquophile au consommateur béat ou de la pensée positive au créatif culturel), du petit maître enfin que chacun est sommé d'être, même dans les milieux marginaux ou qui se veulent radicaux !

Il est toujours intéressant de comprendre en quoi on se trouve contaminé par ce qu'on croit combattre radicalement mais l'enjeu pratique ici, c'est d'appeler à une stricte séparation entre morale et politique comme entre vie privée et vie publique, séparation mise à mal notamment par la critique de la vie quotidienne, le féminisme et l'écologie, position moraliste renforçant une personnalisation qu'on projette ensuite facilement sur un leader comme sur quelques vedettes médiatiques. Ce qui se voulait émancipation s'est transmué ainsi en nouvelle aliénation. Si nous devons nous sauver nous-mêmes, ce n'est pas en fonction des personnes ni de leur supposée excellence mais en tant qu'opprimés, exploités, méprisés. Cette nécessaire séparation entre morale et politique ne va pas de soi pourtant puisqu'elle exige une sortie des logiques identitaires et de toute idéalisation avec la reconnaissance de notre part de négatif, chose à laquelle on ne peut se résoudre...

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Revue des sciences 02/12

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Homme-Femme, l’idéologisation de la science

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Le dernier numéro de Sciences et Avenir consacré à la réfutation des différences entre hommes et femmes m'a paru tellement caricatural qu'il constitue une bonne illustration des dérives idéologiques de la science, aussi bien du côté sexiste que du politiquement correct constituant son pendant et qui n'ont tous deux rien à voir avec la science faussement invoquée dans un cas comme dans l'autre.

Une nouvelle étude qui établit tout au contraire que ces différences existent mais qu'elles ne sont que statistiques va nous permettre de faire le point sur la confusion entre nature et norme.

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Quels sont pour vous les meilleurs textes ?

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Comme on m'a proposé d'éditer un choix de mes textes, je me suis dit qu'il serait intéressant d'avoir l'avis de mes lecteurs sur les textes qu'ils préfèrent. J'ai fait moi-même plusieurs fois des sélections et on a les scores des articles les plus lus mais ce n'est pas le critère le plus pertinent. En tout cas pour une fois, c'est moi qui vous sollicite pour une consultation toute subjective, un sorte de livre 2.0, voir ce que ça donnerait...

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Critique de la critique

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J'avais déjà montré comme les mouvements d'avant-garde post-révolutionnaires pouvaient trouver leur modèle originel dans le trio d'étudiants formé par Hölderlin, Schelling et Hegel (la poésie, la mythologie et la science) voulant réaliser immédiatement ce qui leur apparaissait comme la Vérité même dont la Révolution française leur avait donné la preuve en même temps qu'un sentiment d'inachèvement avec la grande déception thermidorienne finissant en césarisme... On peut dire que Hegel a forgé sa dialectique sur ces contradictions de l'affirmation d'une liberté absolue qui mène à la Terreur supprimant toute liberté alors qu'ensuite l'Empire dominateur répand le Code civil et le règne du Droit, apportant la liberté dans une grande part de l'Europe ! Ce renoncement à l'immédiateté est de l'ordre d'un deuil impossible qui plongera Hegel dans une grande dépression mais il ne faut pas voir dans ses élans de jeunesse un simple égarement qu'il aurait dû surmonter car l'opposition au monde et la négation de l'existant constituent le moment initial de la dialectique qui s'enclenche avec la nécessité que ce premier positionnement critique soit suivi d'une "critique de la critique". C'est effectivement ce qu'on désigne habituellement comme le troisième temps d'une dialectique qui ne se limite certes pas à l'opposition des bons et des méchants car après la thèse puis l'antithèse, il y a la "négation de la négation" qu'on appelle trop rapidement synthèse. C'est, en effet, loin d'être la fin de l'histoire, plutôt l'engagement dans une série de rebondissements futurs et de retournements contradictoires dont le schéma est toujours à peu près le même. Si un mouvement révolutionnaire se pose d'abord en s'opposant à l'ordre établi et son discours trompeur, son arbitraire, ses injustices, il lui faut ensuite faire face à ses divisions internes et ses propres préjugés à mesure qu'il devient lui-même un pouvoir.

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Revue des sciences 01/12

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2012, l’année de tous les dangers

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On a beau ne pas croire à toutes les prédictions farfelues sur la fin du monde et vouloir faire le malin à qui on ne la fait pas, il est quand même bien difficile de s'imaginer que le monde ne va pas s'écrouler cette année, sans attendre sans doute la date fatidique du 21/12/12 ! Certes, ce ne sera pas vraiment la fin du monde, même pas du capitalisme comme on se précipite à l'espérer, mais il est encore plus difficile de savoir comment on va pouvoir se sortir de ce bourbier, les élections ne faisant qu'ajouter à la confusion.

Pour les bons voeux, on repassera. Comme cela fait 4 ans que ça dure, on a pris l'habitude de l'extrême lenteur avec laquelle la crise s'aggrave et fait tomber les Etats un par un, on pourrait en avoir pour 10 ans peut-être mais, tout de même, cette fois on ne voit pas comment on va s'en tirer. Beaucoup dépend de l'effondrement du dollar qui devrait s'être produit depuis longtemps déjà et donc peut à nouveau être différé quelque temps alors même que la planche à billets tourne à plein régime, venant de rajouter au pot encore 1000 milliards fictifs, c'est Noël ! Il est quand même peu probable que ça tienne encore longtemps comme cela, la crise touchant maintenant au coeur, ne laissant personne à l'abri et devant se transmettre aux monnaies désormais.

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Un revenu pour travailler

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Je voudrais prendre à revers l'interprétation courante d'un revenu de base inconditionnel comme devant nous délivrer du travail alors qu'il est tout au contraire la condition d'un travail autonome et qu'il doit donc être considéré comme productif. C'est ce qui lui donne un tout autre sens que la seule suppression de la misère, justifiant dés lors un montant supérieur au minimum vital sans que cela puisse être considéré comme une simple dépense mais au contraire une ressource ou un investissement. Cependant, pour que ce point de vue soit effectif, on ne peut faire du revenu garanti une mesure isolée sans les institutions démocratisant l'accès au travail autonome (notamment des coopératives municipales), non pas un solde de tout compte mais un point de départ, une condition préalable au dépassement du salariat qui n'est en rien une fin du travail dans une civilisation des loisirs si ennuyeuse.

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Théorie de la société

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Dans le prolongement du livre sur la vie, je m'attelle à nouveau à une tâche impossible mais qui me paraît indispensable au vu des différentes idéologies politiques et des projets de transformation sociale. Il ne s'agit en aucun cas de prétendre à une théorie complète de la socialité humaine, ce qui exigerait de toutes autres dimensions, mais de donner simplement quelques repères principaux du fonctionnement des sociétés humaines au-delà des mythes qu'on s'en fait. Ce minimum d'anthropologie n'est pas, en effet, un problème théorique mais pratique au plus haut point en ce qu'il permet de déterminer, contre les rêves d'un "homme nouveau" fantasmé, ce qu'on peut espérer en politique et les limites de la plasticité humaine, au-delà de la fable d'une nature bonne qui aurait été pervertie ou de l'appel aux valeurs morales aussi bien qu'aux hommes de bonne volonté comme si tous nos problèmes venaient de la méchanceté du coeur des hommes. Le problème, c'est bien plutôt que pour comprendre les sociétés et leur rapport aux individus qui les composent, il faut non seulement adopter un matérialisme historique et dialectique complètement déconsidéré mais intégrer des concepts très controversés comme ceux de totalité sociale, de structure, de système ou de cycle (de macroéconomie), de champ social, de discours ainsi que de rationalité limitée, d'information imparfaite, etc.

La société, ce n'est pas la communauté, pas un peuple, ce n'est pas la famille, ce n'est pas seulement nos rapports ou nos échanges avec les autres, c'est une organisation sociale, des rites et des institutions, des textes fondateurs, un mode de vie et de coexistence sur un territoire, avec en premier lieu les systèmes de production assurant la survie matérielle et la reproduction sociale. Toute une tradition nominaliste a prétendu que la société n'existait pas, ce qui est consternant d'aveuglement, en particulier dans les rapports avec d'autres sociétés, pas seulement la guerre. Ce réductionnisme voudrait tout expliquer par l'auto-organisation des individus ou leurs capacités d'imitation alors que la mobilisation générale vient clairement d'un niveau supérieur sur lequel l'individu a peu de prises. Ce qui n'existe pas, c'est plutôt l'individu autonome, le self made man qui ne doit rien à personne et dont Robinson a créé le mythe fondateur. Il faut reconnaître tout au contraire nos interdépendances et nos appartenances, non seulement une langue commune et toute la culture dont nous héritons, mais aussi bien la coopération productive, la monnaie, les circuits du don et des échanges, l'état des techniques et de la médecine, les infrastructures matérielles et le code de la route qui va avec, etc., existence bien réelle de la société au-dessus de nous. Il faut être aveuglé par l'idéologie pour ne pas reconnaître l'utilité sociale, la sphère publique et les biens communs légitimant l'impôt qui les finance et qui doit être approuvé démocratiquement, domaine privilégié de la politique, mais cette société au-dessus de nous peut faire sentir aussi toute son oppression en écrasant les individus. On va donc essayer d'esquisser quels sont ces individus qui font société alors qu'ils en sont le produit, quels sont les principaux déterminismes sociaux et le système de production auxquels ils participent.

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Revue des sciences 12/11

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La montée des taux et le krach de la dette

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D'une certaine façon, on peut dire qu'il ne sert à rien de se projeter dans le long terme. Les boursiers savent bien qu'il ne faut pas avoir raison trop tôt et qu'il vaut mieux avoir tort avec les autres que raison tout seul, ce qui signifierait dans ce cas perdre gros sur le court terme. Cela explique les mouvements erratiques de la Bourse et leur réactivité disproportionnée aux nouvelles immédiates, bien trop rassurés en effet par les dernières péripéties d'une prise de pouvoir de la finance sur les Etats.

Non seulement on ne gagne rien sur le moment à la clairvoyance mais personne ne vous en saura gré lorsque les faits vous auront donné raison et que cette opinion sera devenue commune. On dira par exemple que, de toutes façons, il y a toujours des prophètes de malheur qui finissent par avoir raison quand une catastrophe se produit, un peu comme une montre arrêtée marque l'heure exacte une fois par jour... Ce n'est pourtant pas la même chose de croire qu'il n'y aura plus jamais de crises comme on s'était laissé allé à le penser (comme en toute bulle) ou d'annoncer la prochaine, même si on est bien incapable d'en donner la date.

Ce n'est pas de prévoir la crise cependant qui peut avoir un quelconque intérêt, mais de tenter d'en expliciter les mécanismes, même si c'est un exercice complètement inutile. En tout cas, dans les politiques de rigueur comme dans les réactions boursières personne ne semble apercevoir ce qui crève les yeux, que la hausse des taux contre lesquelles les Etats se mobilisent est inévitable à plus ou moins long terme, précipitant tôt ou tard le krach de la dette.

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Revue des sciences 11/11

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