La drôle de guerre

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Le pire s'annonce sur tous les fronts, celui du climat, de la biodiversité, des pandémies à répétition, de la famine, de la fascisation qui gagne même les États-Unis et bien sûr le spectre d'une troisième guerre mondiale opposant les régimes autoritaires aux démocraties libérales. Les canicules se succèdent, la guerre fait rage depuis plusieurs mois à nos portes, l'inflation s'accélère, l'énergie et le blé devraient manquer, entre autres et surtout aux plus pauvres, jamais l'effondrement du système mondial n'a paru aussi imminent mais pour l'instant rien ne trouble encore un quotidien habituel dans l'insouciance d'un été précoce et de grandes vacances précipitées entre deux pics de la pandémie.

Ce faux calme avant la tempête n'est pas sans évoquer le temps de la drôle de guerre de 1939 avant que cela ne devienne beaucoup moins drôle et la véritable guerre, mais le contraste actuel entre les belles journées de juin-juillet et les menaces qui s'amoncellent produit une semblable dissonance cognitive et un effet déréalisant dont le réveil sera brutal.

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Se préparer à l’inflation

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La plus grande énigme économique de ces dernières années était sans conteste le mystère de l'absence d'inflation malgré l'injection de liquidités en quantités inouïes. On a invoqué les prix décroissants de l'électronique et du numérique, la mondialisation et la concurrence des pays les plus peuplés ou encore le néolibéralisme consacrant la victoire des actionnaires et l'affaiblissement des syndicats, menant à une réduction des protections salariales et l'augmentation de la précarité. Pas sûr pourtant que tout cela suffise à expliquer le peu d'inflation engendré jusqu'ici par les milliers de milliards distribués et le quoi qu'il en coûte de la pandémie. L'inflation se serait cantonnée à la finance et la spéculation, notamment immobilière, mais pourrait avoir été simplement retardée ailleurs.

On trouve toujours des raisons à tout et c'est une caractéristique des bulles avant leur krach de théoriser la fin des anciennes lois de l'économie pour une nouvelle ère où il n'y aurait plus de cycles ni de limite et où les arbres monteraient jusqu'au ciel... Il reste quand même très étonnant que la planche à billet débridée n'ait pas provoqué jusqu'ici une dépréciation de la monnaie et une inflation des prix et des salaires. Précisément, c'est bien ce qui semble se produire désormais même si le FMI assure que cela devrait être temporaire et ne pas aller au-delà du premier trimestre 2022, mais rien n'est moins sûr. Or un retour de l'inflation changerait du tout au tout la configuration économique des prochaines années avec des conséquences importantes aussi bien au niveau social qu'au niveau écologique, pouvant à la fois intensifier les luttes salariales, renverser le rapport de force actuel capital/travail, mais aussi accélérer une croissance qui n'est plus aussi bien venue quand il faudrait plutôt la tempérer et, en premier lieu, réduire notre consommation d'énergies fossiles qui repart au contraire à cause de la surchauffe économique.

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Temps de suspens

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Il y a des moments où il est bon de garder le silence pour ne pas ajouter à la confusion ambiante en étalant ses opinions, ses pauvres convictions (et son incompétence), surtout quand les incertitudes se cumulent de la pandémie, du Brexit et de l'élection américaine empêchant toute prédiction à court terme. Il fallait attendre au moins l'élection présidentielle américaine mais plusieurs jours après, le suspens demeure quand à la suite pouvant facilement dégénérer. Le Brexit qui devait se régler en octobre reste lui aussi suspendu à des négociations ne pouvant déboucher que sur une réintégration à l'Europe ou une dangereuse période de chaos.

Même si  on se débarrasse finalement de Trump, il ne faut pas trop se rassurer que ce serait la fin de notre descente aux enfers et qu'on serait tiré d'affaire pour autant tant le niveau de connerie est au plus haut entre épidémie et terrorisme. Ce n'est sans doute pas que ce soit si pire qu'avant, mais c'est devenu quand même beaucoup plus visible, à en rester bouche bée ! Cela va des consternantes téléréalités et réseaux sociaux aux chaînes d'infos racoleuses et aux complotistes les plus fous (comme ceux de QAnon) qui ont micro ouvert, jusqu'aux polémiques scientifiques partisanes les plus bornées. Les intellectuels ne sont pas épargnés par ces logorrhées haineuses, perdant ce qui leur restait de crédit. Bien sûr, tout cela n'a rien de nouveau, pas plus que la recherche de boucs émissaires ni les illuminés sanguinaires (les crétins d'Action directe ne valaient pas mieux que les terroristes islamistes). La panique durcit l'hostilité entre fausses certitudes contraires, que ce soit sur la politique sanitaire, l'Islam, la laïcité, la France, nos valeurs, etc. Dans ce contexte d'affolement général, inutile de faire appel à la raison, mieux vaut laisser passer l'orage...

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Prédictions 2020

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La pandémie n'aura pas été une surprise pour les scientifiques qui avertissaient depuis longtemps de leur inéluctabilité. Je pourrais dire que moi-même je l'avais prévu en reprenant cette information sur mon blog, tout comme des rapports officiels ou militaires l'ont fait. Il n'est donc pas si étonnant qu'on voit une vidéo de Bill Gates affirmant, il y a 5 ans, que la plus grande menace viendra d'un virus qui reste asymptomatique le temps de contaminer les autres.

Il faut ajouter que les progrès de l'édition de gènes (CRISPR), rendue accessible à tous, font craindre que la prochaine pandémie puisse venir d'un virus modifié par quelque biologiste fou, sans avoir besoin de moyens importants, mais ce bioterrorisme qu'on peut prédire désormais n'est pas plus pris au sérieux que le risque pandémique n'a été pris au sérieux jusqu'ici. On y croyait d'autant moins que les risques étaient impossibles à estimer et qu'il y avait, comme toujours, des opinions contraires, minimisant leur impact. C'est tout le problème des prédictions, c'est qu'il y en a une multitude et aucune absolument certaine. Tout a toujours été prévu par quelqu'un, donc on trouve fatalement après-coup la bonne prédiction, mais comme il y avait des prédictions contradictoires, il n'était pas si facile de déterminer la bonne avant. Ce ne sont pas les prédictions qui nous ont convaincus du risque épidémique, c'est qu'on le subit, de même que, ce qui a fait passer le risque climatique des scientifiques aux politiques, c'est de commencer à en éprouver des conséquences néfastes et les coûts démesurés alors qu'on n'est qu'au tout début d'un réchauffement bien plus catastrophique.

Ce qui est facile, c'est de faire le procès de ceux qui n'ont pas tenu compte des bonnes prédictions quand on voit le résultat, alors qu'on n'était pas forcément plus clairvoyant à l'époque mais, en fait, il est même contestable qu'on puisse dire qu'on avait vraiment prédit la pandémie actuelle car les scénarios envisagés étaient bien plus terribles avec une mortalité beaucoup plus élevée, alors que les conséquences économiques en étaient sous-estimées qui vont peser sur les prochaines années et accélérer les adaptations au numérique. On peut juste dire qu'on avait attiré l'attention sur le risque d'une pandémie, non pas prévu celle-ci avec ses particularités, encore moins la façon d'y réagir, qui était impensable avant, laissant les gouvernements dans l'incertitude, obligés de prendre ces mesures dans l'urgence, en grande partie par imitation.

Les véritables prédictions sont donc bien impossibles et nous laissent dépourvus devant la menace, obligés de reconnaître notre ignorance en dépit de toute notre Science. Tout ce qu'on peut, c'est présenter les données et tendances actuelles, essayer d'évaluer les risques en sachant qu'on peut se tromper au moins sur leur ampleur, ce qui rend ces prédictions en général à peu près inutilisables. Pire, on l'a bien vu avec la grippe H1N1 et le fait que la ministre Roselyne Bachelot ait été accusée d'avoir surréagi et acheté trop de masques, ce qui a constitué une des causes de leur manque quand la véritable pandémie fut venue. C'est comme les alertes au tsunami. Evacuer de grandes villes pour rien rend très difficile ensuite de prendre la même décision quand il y a un nouveau tremblement de terre. A trop crier au loup, on n'est plus entendu quand le loup est là...

On peut en tirer une certaine typologie de ces catastrophes qui avaient pu être prédites. D'abord, on n'y croit pas, d'autant plus qu'elles sont présentées sous des formes cataclysmiques qui les déconsidèrent et nourrissent un scepticisme plus ou moins intéressé. Puis, quand la catastrophe arrive, on tente le tout pour sauver ce qui peut l'être, bien au-delà de ce que permettait auparavant une politique de prévention. C'est ce qui permet de penser que c'est la catastrophe qui nous sauvera, quand elle devient imminente et ne laisse plus de place au doute et à la temporisation. Il ne faut pas trop se lamenter de l'insuffisance des politiques écologiques actuelles car, immanquablement, elles ne feront que monter en puissance à mesure que les températures n'arrêteront pas de monter (tout comme le niveau de la mer), avec des canicules, des sécheresses, des effondrements d'écosystèmes devant lesquels on ne pourra rester inactifs. Tout ce qu'on obtient aujourd'hui, même minime, est crucial mais ne fait que préparer l'avenir d'une véritable transition écologique qui limite les dégâts ou les répare, mais seulement dans l'après-coup. Il y a ensuite un troisième temps, après le déni puis la réaction, celui de l'après-guerre peut-on dire, ne faisant que refaire la dernière guerre, obnubilé par la crainte d'une deuxième vague avec le risque d'en faire trop (ce qui peut avoir comme on l'a vu, l'effet inverse), au lieu de se préparer à la prochaine et servir de répétition générale nous permettant de mieux affronter les virus plus dangereux qui ne manqueront pas d'arriver et nous trouveront sinon dans le même état de vulnérabilité et d'impréparation qu'on pourra dénoncer à loisir.

Notre situation est contradictoire puisque dans ce monde en bouleversement écologique et technologique, on n'a jamais eu autant besoin de prédictions à long terme, devenues vitales pour le climat, le travail ou l'énergie, mais qui sont à la fois indispensables et impossibles malgré nos moyens considérables. Il est bien évident qu'il est impossible de prédire les prochaines découvertes ou innovations qui pourront résoudre de nouveaux problèmes ou impacter radicalement notre mode de vie, de même qu'il est impossible de prévoir ce que sera notre réaction collective. Malgré tout, que nous ne puissions jamais vraiment déterminer la date, l'ampleur, les conséquences des catastrophes qui s'annoncent, et que, comme toujours, nous devrons agir en situation d'information imparfaite, cela ne doit pas nous empêcher pour autant de faire le point régulièrement et réfléchir à notre futur avec toutes ses incertitudes.

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Sommes-nous déjà passés à l’économie administrée ?

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Il semble qu'on assiste à un décalage grandissant entre les discours et une réalité prenant, sans qu'on s'en soit aperçu, le contrepied de la situation précédente. Les récents plans de sauvetage de l'économie témoignent en effet par leur ampleur du fait que nous serions entrés, depuis la crise de 2008, dans une phase économique à l'antithèse du néolibéralisme précédent, celle d'une économie administrée par les banques centrales et d'un ordre mondial interconnecté devenu too big to fail. Alors même que la pandémie a fermé temporairement les frontières, faisant croire à un retour des nations souveraines, c'est au contraire la solidarité et la coopération économique qui devraient en sortir renforcées ?

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Retour à la normale

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On n'en est certes pas encore à un retour à la normale qui devrait être très progressif mais beaucoup s'imaginent que cela n'arrivera pas, soit que l'état d'exception durera toujours, soit qu'on verrait la fin du capitalisme, du néolibéralisme, de la mondialisation, du productivisme. Devant le désastre, on nous appelle de toutes part à repenser le monde, comme si le monde dépendait de nos pensées alors que c'est plutôt le monde qui nous pense, pourrait-on dire, et nous oblige à réagir en bousculant nos sociétés et nos habitudes. Même des économistes parmi les plus conformistes tombent dans le panneau, comme au moment de la crise de 2008... On a vu la suite. Evidemment, il y aura des changements importants dans quelques secteurs, sans doute une relocalisation de productions vitales voire, espérons-le, une relance des protections sociales mais cela devrait rester assez modéré et s'épuisant d'années en années. Par contre, la reconfiguration économique autour du numérique devrait s'accélérer car, loin d'être un "choix de société", c'est un mouvement irrésistible déjà bien entamé.

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Etat d’urgence

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Certains, comme Agamben, se ridiculisent en assimilant l'état d'urgence sanitaire actuel à l'état d'exception de Carl Schmitt et un déchaînement de l'arbitraire du pouvoir. Sa nécessité est niée pour une pandémie dont la dangerosité ne justifierait pas des mesures si radicales alors qu'elles s'imposent par la rapidité de la contagion et la saturation des hôpitaux qui s'ensuit. On n'est pas loin des théories du complot absurdes pour lesquelles le pouvoir étant l'incarnation du mal, il ne peut rien faire de bon. Il n'y a pas que l'extrême-droite qui délire, au lieu de relever justement la radicalité du moment et l'effraction de l'événement dans notre quotidien.

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Le retour des fachos (qui s’ignorent)

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La situation n'est pas seulement catastrophique sur le plan écologique mais aussi sur les plans politiques et géopolitiques avec une irrésistible montée des régimes autoritaires. Il semble difficile qu'on échappe à l'éclatement des nationalismes et au retour d'une forme de fascisme, sinon à la guerre. La comparaison avec les années trente depuis la dernière crise se confirme hélas, bien que dans un tout autre contexte, ce pourquoi on peut trouver assez contestable d'appeler fascisme les tendances autoritaires actuelles qui n'ont rien à voir avec les prolongements de la guerre de 14-18 et l'époque des grandes industries de masse. Parler du retour des fachos se justifie tout de même par de nombreux thèmes similaires et la recherche de boucs émissaires mais aussi par le fait que l'existence historique du fascisme, et surtout du nazisme, avait jusqu'ici refoulé ces tendances, devenues indéfendables d'avoir mené notamment au génocide des Juifs d'Europe.

S'il y a des cycles historiques et idéologiques, c'est effectivement à cause de l'épuisement de la mémoire qui permet le retour d'un passé, qu'on pensait révolu, et des mêmes errements - ceci malgré la présence quotidienne de films sur le nazisme à la télé mais qui, justement, en se focalisant sur ses côtés les plus sombres rendent moins identifiable et plus acceptable sa version actuelle, très éloignée de ces extrémités jusqu'ici.

On peut sans doute dater de 1990 le début de la levée du refoulement avec l'apparition du Point Godwin dans l'internet naissant, disqualifiant la référence au nazisme sous prétexte qu'elle finissait immanquablement par être brandie à la fin de longues controverses - témoignant simplement par là que nos sociétés occidentales avaient depuis 1945 leur fondement dans ce rejet du nazisme (bien plus que sur les droits de l'homme). Tout comme la critique du politiquement correct, ce poing Godwin dans la gueule de celui qui osait invoquer le nazisme ouvrait petit à petit la porte à la "libération de la parole" la plus abjecte. Bien sûr, il ne s'agit pas de prétendre pour autant qu'il y aurait un retour du nazisme, on en est loin, ce pourquoi il vaut mieux parler d'un retour des fachos, plus proches de Mussolini que d'Hitler.

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L’imposture populiste

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Ce qui devrait être le coeur de la philosophie, c'est bien la question politique, de son irrationalité et de son impuissance. La seule question philosophique sérieuse est celle de notre suicide collectif, la philosophie pratique ne pouvant se réduire à l'individuel qui n'est rien sans l'action collective. Ce que les anciens Grecs appelaient sagesse, celle des 7 sages, était une sagesse politique, bien si précieux car si rare au milieu des folies collectives. Platon lui-même n'aura pas brillé par ses tentatives d'occuper le rôle du roi-philosophe. Rien de plus difficile en effet que de faire régner la concorde et la justice quand tout s'y oppose, passions publiques et intérêts privés, mais surtout notre ignorance qui nous fait adhérer aux solutions simplistes de démagogues.

De nos jours, dans le monde des réseaux globalisés et des échanges marchands, c'est-à-dire d'un Etat de droit qui s'impose à nous et qu'on ne peut plus remettre en cause à cette échelle, on peut trouver cela encore plus désespérant car, au-delà du local, la portée de l'action politique s'en trouve extrêmement réduite par rapport aux cités antiques. Un peu comme dans les empires, et contrairement aux discours d'estrade, désormais les institutions démocratiques ne sont plus du tout dans nos pays l'émanation d'un peuple souverain mais s'adressent à la diversité des citoyens dans un ordre mondial établi (défendu par la puissance américaine au nom des droits de l'homme et de la marchandise).

C'est là qu'on aurait bien besoin d'une critique de la raison pratique qui en montre toutes les limites, comme la raison pure a dû admettre les siennes, au lieu de prétendre à un universel sans effectivité. Il s'agit de renverser l'idéalisme du sujet, actif et libre, en matérialisme d'une action dictée par l'extérieur. Alors qu'on s'enorgueillit de toutes parts de cultiver l'idéalisme des valeurs qui nous élèvent et les vertus du volontarisme, qui nous ferait triompher de tous les obstacles sur lesquels nos prédécesseurs s'étaient cassé le nez, il nous faudrait nous résoudre au contraire à un peu plus de modestie et une rationalité limitée confrontée à des forces sociales qui nous sont hostiles et des puissances matérielles qui nous contraignent. Ce n'est pas la radicalité du devoir-être, des bonnes intentions initiales, qu'il nous faudrait renier mais les fantasmes de toute-puissance qui font disparaître la dureté du réel, sa multiplicité et la part du négatif dans une surestimation délirante de nos moyens. Ce délire de présomption si enthousiasmant promet des lendemains qui déchantent et cherchent des boucs émissaires à la trahison d'un si beau projet (on a déjà connu). Au lieu de faire assaut de radicalité, s'enivrer de mots et faire violence à un réel qui nous résiste, il n'y a pas d'autre voie que d'essayer d'identifier les leviers qui nous restent et de guider son action sur ses résultats, on peut même dire sur son peu de résultat, question qui devrait nous préoccuper plus que tout car on ne peut en rester là.

Il ne fait aucun doute que ce monde est insupportable et qu'il faudrait le changer, il n'y a absolument pas coïncidence entre la pensée et l'être mais bien plutôt disjonction entre l'être et le devoir-être. Nous sommes loin de vivre dans le meilleur des mondes qu'on puisse célébrer. Comment ne pas avoir la rage, depuis toujours, contre les conditions qui nous sont faites et l'injustice universelle ? S'y ajoute désormais l'impératif des urgences écologiques qui rendent plus incontournable encore la nécessité de changer de vie. Il faut partir de ce dualisme initial, rencontre d'une pensée immatérielle menacée matériellement par le non-être qu'elle doit surmonter. Il ne suffit pas pour autant de vouloir pour pouvoir. C'est difficile à comprendre, encore plus à admettre, tant les solutions peuvent sembler relever de l'évidence, mais la réalité première que nous devons reconnaître est bien celle de notre échec, de l'impossible sur lequel on se cogne et du peu de portée d'années de militantisme comme des débats théoriques de l'époque. C'est le préalable pour essayer au moins de trouver les voies d'une action plus efficace, que ce ne soit pas un devoir-être pour rire.

La révolte se tourne naturellement vers les théories subversives disponibles qui prétendent offrir un débouché à sa volonté de changer le monde mais elle ne fait le plus souvent ainsi que se nourrir d'illusions. Depuis la fin du communisme, car notre problème est bien l'échec du communisme partout, les aspirations révolutionnaires à l'égalité et la justice, ne trouvant plus d'autres issues, ont dérivé de plus en plus vers l'extrême-droite, de l'islamisme au nationalisme. Au niveau théorique, on a assisté aussi à l'impensable retour d'une sorte de fascisme, sous la forme adoucie du "populisme", auquel Ernesto Laclau et Chantal Mouffe ont voulu donner une dangereuse caution intellectuelle, organisant la confusion entre gauche et droite, alors que, malgré leurs dénégations, le populisme reste l'appel à un pouvoir autoritaire, volontariste, souverainiste, nationaliste et identitaire.

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Le retournement du cycle

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L'existence de cycles ne fait aucun doute malgré tous ceux qui le dénient mais les étudier ne permet pas pour autant de faire des prédictions certaines tant leur durée peut être variable et les conditions extérieures différentes (ou la position dans les autres cycles). Nous ne sommes pas dans l'éternel retour du même car le temps linéaire continue, notamment du progrès des sciences et techniques mais il n'y a pas qu'une histoire cumulative, il y a aussi des renversements dialectiques qui se produisent avec une relative régularité aussi bien en politique, dans la mode ou les idées qu'en économie. Justement, l'intérêt d'en reconnaître le caractère cyclique est en premier lieu de ne pas considérer toute tendance actuelle comme définitive mais comme un moment transitoire du cycle.

Ainsi, les analogies de notre crise avec celle qui a suivi 1929 sont assez frappantes pour devoir admettre que les mêmes causes ont les mêmes effets, donnant un aperçu de la suite malgré toutes les différences - c'est très loin d'être aussi dramatique pour l'instant mais on n'est même pas à l'abri d'un conflit nucléaire si les tensions devaient monter ! Evidemment, on s'intéressera d'autant plus aux cycles qu'on espère sortir d'une époque régressive. Lorsque nos idées progressent, on s'imagine facilement que ce sera pour toujours tant il est difficile d'admettre que nos évidences puissent n'être que momentanées mais quand tout va au pire, attendre que le cycle se retourne pour retrouver l'espoir mène sans aucun doute à voir un retournement à tous les coins de rue. Tout de même, les signes ne manquent pas qu'on soit, depuis 2008 au moins, dans un tel moment de bascule avec une montée des protectionnismes, une relative démondialisation et une possible reprise de l'inflation. Il n'est pas sûr par contre que ce soit une si bonne nouvelle pouvant annoncer dans l'immédiat une période encore plus régressive et quelques catastrophes à venir - avant de sortir du cauchemar ?

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Avant-première : rajeunir, fin d’Uber, boom des renouvelables

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Il m'a paru intéressant de faire part en avant-première de trois nouvelles qui me semblent importantes, témoignant de l'accélération technologique, mais qui risquaient d'être noyées dans la Revue des sciences :

On connaît la puissance de la nouvelle méthode d'édition de gènes CRISPR qui pourrait tomber dans de mauvaises mains mais ce qui n'était pas prévu, c'est qu'elle aurait la possibilité de, non plus seulement réduire le vieillissement mais bien de nous faire rajeunir ! Ce n'est pas pour tout de suite mais des expériences sur des petits animaux en ont montré la possibilité.

Il faudrait expérimenter ces 65 gènes différents dans différentes combinaisons pour voir si nous pouvons reproduire l'inversion du vieillissement que nous avons observé chez les petits animaux.

Nous ne savons pas ce que l'inversion d'âge signifierait en termes d'années humaines. Les animaux ont eu leur durée de vie prolongée par des facteurs de deux à 10. Cela semble trop beau pour être vrai pour les humains.

La blockchain utilisée par le Bitcoin est une technique permettant d'effectuer des transactions publiques infalsifiables sans intervention d'un tiers (banque, notaire, Etat). On pourrait assister ainsi à la fin d'Uber avec la blockchain ? Pour se passer de la centralisation et du prélèvement d'un pourcentage, il suffirait en effet de passer par la blockchain, qui va révolutionner de nombreux autres domaines et pourrait donc annoncer la fin d'Uber dont la chute serait alors aussi rapide que son ascension. Sauf à offrir un service en plus ou à pouvoir s’équiper rapidement de voitures autonomes...

Enfin, alors que l'économie est atone un peu partout, même en Chine, il se pourrait malgré tout qu'on puisse être à la veille d'un nouveau boom économique lié au développement encore bien trop timide des énergies renouvelables qu'il faudrait accélérer par des politiques publiques et de meilleures réglementations. Cela fait plusieurs années que Michel Aglietta plaide pour une telle sortie de crise. Les conditions en seraient désormais réunies malgré la baisse du pétrole et bien qu'une aggravation de la crise ne peut être exclue (les raisons n'en manquent pas), mais l'effondrement n'est pas absolument inéluctable.

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Travail = Revenu

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Il est frappant qu'on n'arrive même pas à s'accorder sur des choses aussi communes que travail et revenu, jusqu'à s'imaginer qu'il n'y aurait là nul réel et seulement de l'idéologie plus ou moins arbitraire ! Il n'est pas inutile de revenir aux bases matérielles (sans tomber pour autant dans un simplisme trompeur), surtout lorsque les discussions s'égarent dans des subtilités où personne n'y comprend plus rien.

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La révolution nationale (le retour)

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revolution_nationaleLa confusion est à son comble avec des électeurs de gauche qui se mettent à voter à l'extrême-droite et des intellectuels de gauche qui ne comprennent pas qu'ils s'y trouvent assimilés, eux qui ont pourtant de si bonnes intentions ! S'il est presque impossible d'arrêter ce basculement vers la droite et le nationalisme (qui a des raisons objectives mais auquel l'ancien marxiste Jean-Pierre Chevènement sert de pivot), on peut du moins essayer de comprendre et dénoncer l'irrationalisme des "vestiges théologiques sur lesquels repose la souveraineté de l’État-nation" comme dit Wendy Brown, ce nouveau souverainisme n'étant qu'une forme de sécularisation ("démocratique") d'un pouvoir de droit divin, conception qu'on peut dire religieuse de la politique mais, surtout, symptôme d'une situation bloquée et de notre impuissance réelle devant la dégradation de nos conditions de vie.

L'incroyable résurgence de tendances fascisantes qu'on croyait complètement refoulées s'explique d'abord par une crise économique assez comparable à celle qui leur a donné naissance (bien que dans un contexte très différent) mais aussi par une méconnaissance de la nature du fascisme trop facilement assimilé aux régimes autoritaires, en oubliant qu'il vient de la gauche et prétend parler au nom du peuple qui le soutient de ses votes. A force de le diaboliser, avec quelques raisons, on n'y voyait plus que la violence alors que l'adhésion populaire considérable qu'il a suscité venait d'un besoin de solidarité et d'appartenance pas si éloigné des aspirations communistes (bien que s'y opposant radicalement par le matérialisme, l'internationalisme et le collectivisme). C'est à cause de cette image tronquée du fascisme que nos souverainistes de gauche ne peuvent absolument pas s'y reconnaître, découvrant soudain tout étonnés que cette solidarité nationale était tout ce qu'ils cherchaient à l'extrême-gauche !

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Non, les robots ne sont pas la cause du chômage !

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Une étrange rumeur se répand : nous serions menacés du grand remplacement par les robots qui nous voleraient nos emplois, alors même que nous connaissons actuellement un chômage de masse sans que les robots n’y soient pour rien, ou si peu ! Décidément, cette peur du remplacement prend toutes les formes. On a peur d'être remplacés par d'autres cultures, d'autres religions, comme on a peur d'être remplacés par des robots ou des transhumains. Cette peur d’un monde dont nous serions expulsés est on ne peut plus originaire, témoignant de la fragilité de notre ex-sistence et du caractère éphémère de la vie - car nous serons remplacés, cela ne fait pas de doute, pas plus que notre condition de mortels dont nous ne serons pas délivrés de sitôt !

L'idée que les progrès techniques feraient disparaître le travail est un classique qu’on retrouve à chaque grande crise où l’effondrement économique détruit les emplois en masse et crée soudain une « surpopulation » d’inemployables. Ce n'est pas du tout la première fois mais, à ne pas vouloir croire aux cycles économiques, on s’imagine à chaque fois que ce serait définitif cette fois, comme Dubouin dans les années 1930 qui parlait alors de « la grande relève par la machine » s’appuyant sur une déjà prétendue fin du travail pour justifier un revenu d’existence (qui se justifie tout autrement, par la non-linéarité du travail immatériel et non sa fin). Ce n'était pourtant un mystère pour personne que les causes de la crise de 1929 étaient bien financières !

Il faudrait quand même prendre conscience de toute la distance entre ces prophéties réitérées et les faits qui ont suivi. On peut rapprocher ces fausses évidences de ceux, pour qui ce sont les immigrés qui nous volent nos emplois mais, au fond, vouloir faire de la réduction du temps de travail un remède à la raréfaction des emplois procède de la même erreur d’analyse sur le fonctionnement économique et la nature du travail dans une société développée, qui n’a plus rien de la couverture de besoins basiques ni d'un ensemble de tâches fixes à partager mais évolue avec la technique et dépend largement de facteurs monétaires.

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Les 1% contre-attaquent

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PeterThielMême si elle est critiquable sur de nombreux points, une étude d'Oxfam prétend qu'en 2016 les 1% les plus riches du monde possèderaient autant que les 99% autres. En fait, ce serait surtout les 0,1% qui en détiendraient la plus grande part, grâce aux bénéfices mirobolants de la pharmacie ou de la finance. On a donc confirmation d'un monde dominé par une toute petite oligarchie, conformément aux thèses de Piketty et du mouvement d'occupation des places. Un peu comme devant les désastres de la saignée grecque, on se dit que la simple connaissance de ces faits devrait suffire à mettre fin à ces aberrations. Ce n'est pas du tout ce qui semble se passer. Non seulement il n'a pas suffi de révéler le complot pour que les conjurés tout honteux soient mis hors d'état de nuire mais l'oligarchie organise la contre-attaque, justifiant d'un côté ces inégalités par des lois de la nature (loi de puissance) ou de l'économie (compétitivité) et achetant des politiciens de l'autre. Il ne faut pas s'attendre à ce qu'ils baissent la garde et se laissent dépouiller par souci de justice !

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Le piège de l’islamophobie

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Evidemment, malgré les appels à ne pas faire d’amalgame entre terrorisme et musulmans, cela ne fait pas un pli, on sait à qui va profiter le crime dans une Europe où l’islamophobie est à son comble, notamment en France avec le succès des Finkielkraut, Zemmour, Houellebecq et la montée du Front National. On le voit avec les crétins qui accusent immédiatement le Coran, rien que ça, d’être le véritable coupable de la tuerie ! Ce ne sont plus des caricatures cette fois mais un livre qui serait maléfique. Au moins, il n’y a pas à s’embêter avec des causes plus concrètes et complexes, le simplisme est bien plus satisfaisant pour l’esprit et pour protéger les si gentils chrétiens que nous sommes, pleins d’amour et d’ouverture à l’autre, contrairement à ces chiens de musulmans. Il serait bien justifié de massacrer ces barbares, au moins de les renvoyer « chez eux » sinon les parquer dans des camps…

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Il faut que ça pète !

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La situation est étrange avec à la fois l'impression que tout s'écroule de partout et que rien ne bouge, comme englués dans un passé immobile en même temps que passent devant nous des trains à grand vitesse. Il semble bien inutile de continuer à écrire sur le sujet tant on pourrait ressortir d'anciens billets sur la crise pour décrire notre présent où rien n'a été résolu, seul a été évité - ou reporté - l'effondrement général mais avec pour résultat de l'éterniser. Chacun peut constater le prix exorbitant payé par les populations les plus fragiles, à cause d'obstinations dogmatiques surannées, condamnées même par le FMI et les USA, ainsi que le caractère irréel des discours tenus, sans qu'il semble qu'on ne puisse rien y faire...

C'est peut-être pour cela qu'on n'entend pas plus parler de ce qui se présente pourtant comme le plus grand défi à l'Europe et à l'Allemagne depuis les pétards mouillés de Matteo Renzi et Hollande. On ne semble pas croire qu'il sera impossible d'acheter à coups de millions une vingtaine de députés pour éviter des élections ! Et si le 29 décembre le compte n'y est toujours pas, que des élections sont inévitables, une victoire de Syriza reste inimaginable. Et pourtant c'est, à l'heure actuelle le plus probable et ce qui pourrait changer complètement les perspectives de l'année à venir, mais dans quel sens ? Tout est là. Dislocation de l'Europe ou son renforcement ? L'hypothèse que cela se passe bien n'est certes pas la plus plausible mais comme toujours qu'il ne se passe rien alors qu'à l'évidence, au point où certains pays sont étranglés, il faudra bien que ça pète un jour ou l'autre !

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Devrons nous refaire des ateliers nationaux ?

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1848ateliersnationaux2Ce n'est certes pas le moment de tirer des plans sur la comète ni de rêver à quelque sixième république fantasmée. On doit plutôt s'attendre au pire dans les années qui viennent avec sans doute une droite dure décidée à démanteler nos protections sociales et l'effondrement annoncé du parti socialiste. Il ne semble pas qu'on prenne la mesure de notre situation catastrophique avec le chiffre officiel de 3 millions et demi de chômeurs et près de 6 millions d'inscrits au total (auquel on peut ajouter 1 ou 2 millions qui ne sont plus inscrits). Avec ça, inciter les chômeurs à rechercher un emploi est mission impossible. Plus durablement, la précarité se généralise avec la perte des droits sociaux attachés au salariat traditionnel. Cela fait des millions de vies détruites et participe à la désespérance générale sinon une colère sourde pas forcément orientée sur les véritables coupables.

Les politiques démontrent leur impuissance à influer sur ces phénomènes économiques massifs et on peut trouver assez risible que face à cette marée, on annonce 10 000 emplois aidés de plus ! histoire de dire qu'on fait ce qu'on peut, sans doute, mais qui fait une belle jambe à tous les autres chômeurs... On retrouve cette disproportion entre l'étendue du problème et le léger des solutions qu'on prétend y apporter avec ceux qui défendent encore une réduction du temps de travail. En dehors du caractère complètement irréaliste de cette revendication dans la France actuelle, alors que les 35h risquent plutôt d'être abrogées, ce qui frappe, c'est qu'on ne pourrait en attendre qu'une centaine de milliers d'emplois dans l'immédiat, ce qui ne serait là encore qu'une goutte d'eau par rapport aux millions de chômeurs. Les 35h avaient effectivement créé 300 000 emplois sur le moment, pense-t-on, mais si cela nous avait protégé durablement du chômage, cela se saurait, ne pouvant constituer une réponse proportionnée. Il y a une véritable dissonance cognitive dans ce type de propositions complètement déconnectées de la réalité, tout autant que dans les rêves de plein emploi à coup de grandes politiques macroéconomiques.

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Les salauds au pouvoir

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C'est une tendance bien connue dans les moments de crise de rechercher des boucs émissaires et de rendre les pauvres et précaires responsables de leur propre sort. La montée du chômage qui en fait un phénomène social, macro-économique, le rend aussi forcément trop lourd à financer, charge qu'on va imputer aux chômeurs eux-mêmes, devenus une surpopulation indésirable dont on aimerait bien se débarrasser. Il y a toute une tradition anglo-saxonne complètement décomplexée qui va dans ce sens, de Malthus et Spencer à Thatcher et ses successeurs qui en rajoutent sur la culpabilisation des pauvres même si on ne va plus jusqu'à prôner ouvertement leur élimination au nom de la science lugubre que serait l'économie ! Chez nous, cette brutalité était moins bien admise par notre égalitarisme républicain, restant l'apanage de l'extrême-droite ou de petits salauds ambitieux genre Wauquiez. C'est pourquoi il faut s'alarmer de voir ces discours repris par un gouvernement, censé de plus être de gauche !

Certes, il n'y a là rien de neuf, dira-t-on. Les pauvres ont constamment été soumis à l'état d'exception, l'oppression et le mépris : ce sont les perdants, les losers, une race inférieure que les winners, très contents d'eux-mêmes et de leur réussite sociale, contemplent de haut. Il faudrait bien faire changer la honte de camp, rendre plus honteux ces véritables salauds qui nous accablent de leur morgue et de leurs petits esprits mais, par définition, on ne pourra jamais mettre les perdants (prolétariat) au pouvoir. La seule force des pauvres est le nombre - ce qui ne veut pas dire hélas qu'il suffirait de faire nombre pour ne pas se croire du côté des dominants, mettre encore plus salauds au pouvoir et chercher d'autres boucs émissaires : juifs, musulmans, immigrés, étrangers. Le ressentiment peut être ravageur, mieux vaudrait ne pas l'attiser par la haine des chômeurs.

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La fin de la politique

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Politique_par_Miss_TicPlus la situation est bloquée, et dépourvue de toute perspective, et plus on se croit obligé de proclamer sa radicalité, appeler à l'insurrection et promettre une société idéale refaite à neuf, en rupture totale avec la société précédente et tous les millénaires passés... sans aucune chance, bien sûr, d'aboutir à rien, sinon au pire. Car ces visions exaltées, qui sont récurrentes dans l'histoire et auxquelles je n'ai pas échappé avec ma génération, ne sont pas du tout si innocentes qu'on croit mais répondent bien plutôt à un besoin profond dont les Islamistes nous rappellent le caractère à la fois religieux et criminel, en dépit d'intentions si pures (où, dans leur rêve, il n'y aurait aucune raison de ne pas être de leur côté sauf à être foncièrement mauvais).

Plutôt que s'imaginer devoir renforcer les convictions, gagner l'hégémonie idéologique, changer les esprits, appeler à l'amour universel, il faudrait pourtant en finir au contraire avec ces conceptions messianiques de la politique et d'une communauté fusionnelle pour revenir à la dimension matérialiste et pluraliste d'une politique démocratique qui n'est pas "souveraine" et dominatrice mais bien plutôt faite de compromis et de rapports de force. C'est ce qui est sans aucun doute inacceptable à la plupart dans ce besoin d'absolu devant l'injustice sociale et les désastres écologiques qui s'annoncent. C'est pourtant ce qui constitue la condition pour donner un minimum d'effectivité à nos protestations et avoir une petite chance d'améliorer les choses au lieu d'aller de défaites en défaites (en croyant garder la tête haute et n'avoir pas à s'en alarmer!). Il y a le feu, il n'est plus temps de faire des phrases et se donner des grands airs.

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