Prendre ses désirs pour des réalités ?

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Ce slogan de Mai68, "prenez vos désirs pour des réalités", avait une charge libératrice, engageant à l'action, à s'affirmer et n'avoir pas peur de prendre des risques, ce qui évoquerait plus aujourd'hui l'esprit d'entreprise et les injonctions du développement personnel que l'esprit de révolte initial. Il n'était pas si absurde pourtant, à cette époque de libération des moeurs et d'émancipation sociale, de prendre au sérieux ses désirs, ou comme disait Lacan, de "ne pas céder sur son désir", car les désirs sont réels aussi et orientent nos vies, rien de pire que de les refouler. C'était alors un important progrès sur le surmoi punitif et a pu participer notamment à la légitimation du désir de libération des femmes, à la simple reconnaissance de leur désir, de leur existence de sujets désirants.

Cette sacralisation du désir avait cependant une face moins reluisante, celle d'un surmoi devenu injonction à la jouissance, idéologie du désir dénoncée dès le début par des marxistes comme Clouscard, soulignant sa complicité avec le libéralisme et la société de consommation qui en constituent incontestablement l'infrastructure matérielle, comme la publicité l'illustrera à outrance. En ce temps-là, la formule de Spinoza affirmant que "le désir est l'essence de l'homme" avait pris le caractère de l'évidence plus que de raison, se situant à l'opposé de l'homme de devoir que tous (curés, moralistes, idéologues, militaires, etc.) professaient avant, glorifiant au contraire le sacrifice des femmes, des soldats, des travailleurs. Là aussi, il faut y voir une conséquence des évolutions du travail qui ne se contente plus de la peine du travailleur pour "créer de la valeur" mais a besoin de sa motivation et veut explicitement mobiliser son désir devenu facteur de production.

Faire du désir un quasi impératif moral est non seulement problématique mais comporte aussi un côté autoritaire incitant les mâles dominants à forcer le consentement au nom du désir - comme le revendiquait Sade ("Français, encore un effort si vous voulez être républicains") - ce qui est abondamment dénoncé dans notre actualité. Il faut bien dire que l'interprétation courante n'allait pas plus loin que de donner crédit à la naïveté de l'enfant roi de croire pouvoir réaliser tous ses désirs, que ce serait même un droit de l'homme en plus d'un devoir, fantasme de toute puissance assez commun mais qui se cogne vite au réel justement. Pourtant rien de plus efficace encore de nos jours que de laisser croire aux foules qu'elles sont toutes puissantes, qu'il ne s'agit que de volonté, appelant logiquement à un pouvoir autoritaire capable de s'imposer à tous pour modeler la réalité selon nos désirs en dépit des résistances et des forces contraires, la libération des désirs se renversant en répression féroce des dissidents.

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Se préparer à l’inflation

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La plus grande énigme économique de ces dernières années était sans conteste le mystère de l'absence d'inflation malgré l'injection de liquidités en quantités inouïes. On a invoqué les prix décroissants de l'électronique et du numérique, la mondialisation et la concurrence des pays les plus peuplés ou encore le néolibéralisme consacrant la victoire des actionnaires et l'affaiblissement des syndicats, menant à une réduction des protections salariales et l'augmentation de la précarité. Pas sûr pourtant que tout cela suffise à expliquer le peu d'inflation engendré jusqu'ici par les milliers de milliards distribués et le quoi qu'il en coûte de la pandémie. L'inflation se serait cantonnée à la finance et la spéculation, notamment immobilière, mais pourrait avoir été simplement retardée ailleurs.

On trouve toujours des raisons à tout et c'est une caractéristique des bulles avant leur krach de théoriser la fin des anciennes lois de l'économie pour une nouvelle ère où il n'y aurait plus de cycles ni de limite et où les arbres monteraient jusqu'au ciel... Il reste quand même très étonnant que la planche à billet débridée n'ait pas provoqué jusqu'ici une dépréciation de la monnaie et une inflation des prix et des salaires. Précisément, c'est bien ce qui semble se produire désormais même si le FMI assure que cela devrait être temporaire et ne pas aller au-delà du premier trimestre 2022, mais rien n'est moins sûr. Or un retour de l'inflation changerait du tout au tout la configuration économique des prochaines années avec des conséquences importantes aussi bien au niveau social qu'au niveau écologique, pouvant à la fois intensifier les luttes salariales, renverser le rapport de force actuel capital/travail, mais aussi accélérer une croissance qui n'est plus aussi bien venue quand il faudrait plutôt la tempérer et, en premier lieu, réduire notre consommation d'énergies fossiles qui repart au contraire à cause de la surchauffe économique.

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Se concentrer sur les plus gros pollueurs

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Il y a difficilement plus absurde que le mythe du petit colibri faisant soi-disant sa part avec son petit bec pour éteindre l'incendie de la planète. C'est de la même eau que les petits gestes écolos de chaque jour qui ne servent qu'à donner bonne conscience aux classes aisées qui se dédouanent ainsi à bon compte de leur train de vie. Cela fait longtemps que je dénonce cette écologie individuelle moralisatrice. Le climat n'ayant que faire de nos bonnes intentions, seul compte le résultat bien peu sensible de ces petits sacrifices personnels. La capacité d'action de chacun est vraiment très limitée, avec un impact exclusivement local qui peut d'ailleurs être important à ce niveau mais est absolument insignifiant au niveau global. Privilégier cette vision libérale et culpabilisatrice de l'écologie est une impasse en plus d'être réservée à ceux qui en ont les moyens.

Ce constat déjà ancien m'avait convaincu de la nécessité d'un changement radical de système de production mais, comme j'ai dû l'admettre, qu'il soit nécessaire ne suffit pas hélas à le rendre possible, en tout cas pas assez rapidement pour constituer une solution à court terme alors que c'est maintenant qu'il nous faut réduire drastiquement nos émissions. Pour avoir un effet notable, il reste indispensable d'agir sur l'organisation sociale (production, distribution), comme on l'a fait avec le tri sélectif par exemple, organisation collective sans laquelle les actes individuels n'ont aucune portée. On ne peut plus rêver cependant d'une révolution planétaire instantanée, seulement d'une assez lente transition écologique, effectivement en cours depuis peu bien qu'à un rythme très insuffisant encore, et qui prendra donc pas mal de temps à produire des effets même si on travaille à l'accélérer.

Dans l'immédiat, le plus urgent serait de prendre conscience de l'étonnant petit nombre d'entreprises et d'acteurs globaux qui sont responsables de l'essentiel des pollutions. Ainsi, 70% des émissions de gaz à effet de serre seraient imputables à seulement une centaine d'entreprises, parmi lesquelles 20 entreprises sont responsables d'un tiers des émissions ! Il s'agit surtout de pétroliers, de cimentiers et d'industries métallurgiques ou minières mais c'est à l'évidence sur ces entreprises qu'il faut mettre la pression pour arrêter l'hémorragie en abaissant radicalement leurs émissions de CO2 ou de méthane avec un effet massif et rapide cette fois, sans commune mesure en tout cas avec le fait de baisser son chauffage - ou d'augmenter le prix de l'essence pour ceux qui ne peuvent réduire leurs déplacements.

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La catastrophe annoncée qui vient

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Il n'y a rien de vraiment nouveau, et on ne peut dire que je puisse être surpris par le ton de plus en plus alarmiste du Giec alors que j'étais parmi les premiers écologistes qui en faisaient une priorité, très minoritaires au début (une des raisons pour lesquelles j'avais quitté les Verts), mais voir la catastrophe annoncée arriver, le point de basculement tant redouté étant sans doute déjà dépassé, n'a rien pour nous consoler de l'avoir tant prédit quand c'est la rage de ne pas l'avoir empêché que je ressens plutôt.

C'est le progrès des connaissances qui fait monter l'inquiétude et qui certes n'étaient pas aussi assurées au début des années 2000. On pouvait être effarés de l'inconscience générale des risques à l'époque (après-nous le déluge) mais les "climato-sceptiques" (crétins ou vendus) semaient assez efficacement le doute et les scientifiques restaient prudents à cause de quelques résultats contradictoires, ce qui les menait à une modération sans doute excessive.

D'un autre côté, il y a toujours eu des prophètes de malheur annonçant la fin du monde ou de l'humanité (ce dont il n'est pas question dans le rapport du Giec), exagérations basées sur des raisonnements simplistes et qui ne sont absolument pas nécessaires pour prendre la mesure de toutes les terribles conséquences d'un réchauffement même limité alors qu'on se dirige vers des niveaux extrêmes. On n'évitera pas des catastrophes en série. La seule chose qui permet de garder espoir, c'est que, plus on en subit des conséquences néfastes palpables, et plus on assiste à leur prise en compte effective par les Etats, plus les températures vont monter et plus des mesures drastiques pour réduire le réchauffement pourront être prises.

Il faudrait certainement que la jeunesse se mobilise de nouveau en masse, cette pression de la rue étant indispensable pour légitimer des politiques gouvernementales trop dures à prendre sinon mais ce sera difficile à court terme, dans l'euphorie d'une fin de la pandémie ou dans l'urgence de combattre la montée de l'extrême-droite. Il faut remarquer cependant que malgré toutes les limites du politique et la pression économique, la transition écologique et énergétique est bien en cours, et ceci grâce aux études scientifiques plus qu'aux militants écologistes. Les militants ont quand même un rôle crucial à jouer mais les écologistes ont une obligation de résultat ne pouvant se cantonner à la protestation.

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Prédictions 2020

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La pandémie n'aura pas été une surprise pour les scientifiques qui avertissaient depuis longtemps de leur inéluctabilité. Je pourrais dire que moi-même je l'avais prévu en reprenant cette information sur mon blog, tout comme des rapports officiels ou militaires l'ont fait. Il n'est donc pas si étonnant qu'on voit une vidéo de Bill Gates affirmant, il y a 5 ans, que la plus grande menace viendra d'un virus qui reste asymptomatique le temps de contaminer les autres.

Il faut ajouter que les progrès de l'édition de gènes (CRISPR), rendue accessible à tous, font craindre que la prochaine pandémie puisse venir d'un virus modifié par quelque biologiste fou, sans avoir besoin de moyens importants, mais ce bioterrorisme qu'on peut prédire désormais n'est pas plus pris au sérieux que le risque pandémique n'a été pris au sérieux jusqu'ici. On y croyait d'autant moins que les risques étaient impossibles à estimer et qu'il y avait, comme toujours, des opinions contraires, minimisant leur impact. C'est tout le problème des prédictions, c'est qu'il y en a une multitude et aucune absolument certaine. Tout a toujours été prévu par quelqu'un, donc on trouve fatalement après-coup la bonne prédiction, mais comme il y avait des prédictions contradictoires, il n'était pas si facile de déterminer la bonne avant. Ce ne sont pas les prédictions qui nous ont convaincus du risque épidémique, c'est qu'on le subit, de même que, ce qui a fait passer le risque climatique des scientifiques aux politiques, c'est de commencer à en éprouver des conséquences néfastes et les coûts démesurés alors qu'on n'est qu'au tout début d'un réchauffement bien plus catastrophique.

Ce qui est facile, c'est de faire le procès de ceux qui n'ont pas tenu compte des bonnes prédictions quand on voit le résultat, alors qu'on n'était pas forcément plus clairvoyant à l'époque mais, en fait, il est même contestable qu'on puisse dire qu'on avait vraiment prédit la pandémie actuelle car les scénarios envisagés étaient bien plus terribles avec une mortalité beaucoup plus élevée, alors que les conséquences économiques en étaient sous-estimées qui vont peser sur les prochaines années et accélérer les adaptations au numérique. On peut juste dire qu'on avait attiré l'attention sur le risque d'une pandémie, non pas prévu celle-ci avec ses particularités, encore moins la façon d'y réagir, qui était impensable avant, laissant les gouvernements dans l'incertitude, obligés de prendre ces mesures dans l'urgence, en grande partie par imitation.

Les véritables prédictions sont donc bien impossibles et nous laissent dépourvus devant la menace, obligés de reconnaître notre ignorance en dépit de toute notre Science. Tout ce qu'on peut, c'est présenter les données et tendances actuelles, essayer d'évaluer les risques en sachant qu'on peut se tromper au moins sur leur ampleur, ce qui rend ces prédictions en général à peu près inutilisables. Pire, on l'a bien vu avec la grippe H1N1 et le fait que la ministre Roselyne Bachelot ait été accusée d'avoir surréagi et acheté trop de masques, ce qui a constitué une des causes de leur manque quand la véritable pandémie fut venue. C'est comme les alertes au tsunami. Evacuer de grandes villes pour rien rend très difficile ensuite de prendre la même décision quand il y a un nouveau tremblement de terre. A trop crier au loup, on n'est plus entendu quand le loup est là...

On peut en tirer une certaine typologie de ces catastrophes qui avaient pu être prédites. D'abord, on n'y croit pas, d'autant plus qu'elles sont présentées sous des formes cataclysmiques qui les déconsidèrent et nourrissent un scepticisme plus ou moins intéressé. Puis, quand la catastrophe arrive, on tente le tout pour sauver ce qui peut l'être, bien au-delà de ce que permettait auparavant une politique de prévention. C'est ce qui permet de penser que c'est la catastrophe qui nous sauvera, quand elle devient imminente et ne laisse plus de place au doute et à la temporisation. Il ne faut pas trop se lamenter de l'insuffisance des politiques écologiques actuelles car, immanquablement, elles ne feront que monter en puissance à mesure que les températures n'arrêteront pas de monter (tout comme le niveau de la mer), avec des canicules, des sécheresses, des effondrements d'écosystèmes devant lesquels on ne pourra rester inactifs. Tout ce qu'on obtient aujourd'hui, même minime, est crucial mais ne fait que préparer l'avenir d'une véritable transition écologique qui limite les dégâts ou les répare, mais seulement dans l'après-coup. Il y a ensuite un troisième temps, après le déni puis la réaction, celui de l'après-guerre peut-on dire, ne faisant que refaire la dernière guerre, obnubilé par la crainte d'une deuxième vague avec le risque d'en faire trop (ce qui peut avoir comme on l'a vu, l'effet inverse), au lieu de se préparer à la prochaine et servir de répétition générale nous permettant de mieux affronter les virus plus dangereux qui ne manqueront pas d'arriver et nous trouveront sinon dans le même état de vulnérabilité et d'impréparation qu'on pourra dénoncer à loisir.

Notre situation est contradictoire puisque dans ce monde en bouleversement écologique et technologique, on n'a jamais eu autant besoin de prédictions à long terme, devenues vitales pour le climat, le travail ou l'énergie, mais qui sont à la fois indispensables et impossibles malgré nos moyens considérables. Il est bien évident qu'il est impossible de prédire les prochaines découvertes ou innovations qui pourront résoudre de nouveaux problèmes ou impacter radicalement notre mode de vie, de même qu'il est impossible de prévoir ce que sera notre réaction collective. Malgré tout, que nous ne puissions jamais vraiment déterminer la date, l'ampleur, les conséquences des catastrophes qui s'annoncent, et que, comme toujours, nous devrons agir en situation d'information imparfaite, cela ne doit pas nous empêcher pour autant de faire le point régulièrement et réfléchir à notre futur avec toutes ses incertitudes.

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Incertitudes climatiques et marchands de doute

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Les nouvelles du climat vont de pire en pire, réfutant la relative modération des prévisions précédentes qui se voulaient raisonnables. C'est bien le pire des scénarios qui était le plus réaliste, avec le développement des pays les plus peuplés (comme l'Inde) et les populistes climato-sceptiques au pouvoir, ce qui atteste du déficit de gouvernance mondiale qui serait nécessaire pour réduire nos émissions, les prochaines années étant cruciales. On n'évitera donc pas des bouleversements climatiques catastrophiques, même si ce n'est pas la fin du monde, encore moins de l'humanité.

Il y aurait de quoi baisser les bras si des actions n'étaient en cours aussi bien sur le front de la reforestation que des énergies renouvelables (solaire, éolien). Il est remarquable que, pour la première fois, les combustibles fossiles sont au coeur de la campagne électorale américaine. Il faut dire que l'énergie verte procure déjà 10 fois plus d'emplois aux USA que les énergies fossiles (fuel, charbon, gaz). Certes, tout cela reste pour l'instant trop insuffisant pour faire autre chose que d'atténuer les conséquences du réchauffement mais c'est déjà ça et il faut tout faire pour accélérer le mouvement.

Ce n'est peut-être pas assez apparent pour le public mais il est frappant de voir comme cette accumulation de mauvaises nouvelles a provoqué, depuis moins d'un an, un regain de mobilisation des scientifiques devant l'aggravation de la situation, se focalisant désormais sur l'étude des solutions après avoir travaillé à réduire les incertitudes des modèles climatiques. C’est d'ailleurs le moment où un rapport intitulé "How the fossil fuel industry deliberately misled Americans about climate change" montre que les entreprises pétrolières connaissaient très bien les dangers de leurs émissions de CO2 mais finançaient les climato-sceptiques et la désinformation, polluant le débat en exagérant les incertitudes qui sont effectivement très grandes et pouvaient motiver une certaine retenue des scientifiques - ce qui n'est pas le cas des climato-sceptiques qui ne sont pas du tout sceptiques mais sont au contraire absolument certains d'une vérité alternative et qu'il n'y aurait pas de réchauffement anthropique seulement un cycle naturel !

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Déconnexion – retour à la nature

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Il y a deux mystères, celui de l'effet extraordinaire des couleurs d'automne, laissant bouche bée, et qu'il n'en reste pratiquement rien dans les photos comme celle-là.

Il est assez clair que nous devenons de plus en plus dépendants de nos outils à mesure qu'ils se perfectionnent. Plus une voiture nous emmène loin, ce qui étend notre autonomie, et plus nous en avons besoin pour revenir, ce qui nous en rend dépendants. C'était déjà le cas de nos premiers abris, du feu, de l'agriculture et de tout progrès devenu irréversible dont il ne sert à rien de dénoncer le revers de la médaille comme on l'a toujours fait. C'est notre destin d'Homo faber, d'espèce technicienne, qui a beau tisser sa toile et construire ses villes, n'affirme pas ainsi sa liberté, ne faisant que suivre l'évolution des techniques, processus cumulatif dont personne ne décide mais l'état des connaissances, et qui modifie les modes de vie selon les époques - pas toujours pour le mieux, c'est le moins qu'on puisse dire, mais pas sans avantages non plus, dont on ne peut plus se passer.

De nos jours, c'est le numérique qui bouleverse toutes nos pratiques, ce dont les beaux esprits s'alarment dans la nostalgie des temps anciens qui n'étaient pourtant pas si brillants, et prônent pompeusement les vertus de la déconnexion comme d'une révélation de la vraie vie perdue (comédie humaine chaque fois recommencée). La déconnexion, la vraie, a bien cependant la vertu de faire sentir concrètement à quel point nous sommes devenus dépendants des réseaux numériques (y compris pour les démarches administratives, factures, compte bancaire, train, etc.), à quel point nos vies ont changé en une dizaine d'année seulement, nous faisant déjà une autre humanité dont une bonne partie de la mémoire a été externalisée et qui est habituée à trouver rapidement les réponses à toutes ses questions comme à rester proches de la famille ou des amis malgré les distances. Il s'agit bien de l'humanité toute entière, équipée si vite partout de smartphones (qui datent de 2007 seulement), jusque dans les pays les plus pauvres, jusque parfois dans la jungle la plus reculée !

Ces réseaux qui nous relient et sont devenus vitaux constituent du coup une nouvelle vulnérabilité face aux tempêtes terrestres comme aux éruptions solaires pouvant nous priver soudain de toute connexion avec l'extérieur ou d'électricité. Ainsi, après un orage assez violent, résidu d'un lointain cyclone (et subissant le peu d'empressement de Free, qui ne semble pas en mesurer l'importance, pour remplacer ma box hors d'usage), j'ai été coupé du monde une dizaine de jours. Occasion rêvée, n'est-il pas, de retrouver l'ancien temps qui n'était pas virtuel, et par dessus le marché, au moment le plus beau de l'automne avec des érables éclatants...

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L’avenir écologiste, féministe, psychédélique et libertaire

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Au moment où l'Amazonie est en flamme, et devant les prévisions climatiques catastrophiques ou d'effondrement de la biodiversité alors que, de plus, sur la ruine des idéologies, on assiste à la montée des régimes autoritaires (populistes, illibéraux), il y a vraiment de quoi voir l'avenir tout en noir. Mais on aurait bien tort. D'abord, il apparaît désormais clairement que la forêt amazonienne constitue un élément vital pour l'humanité, un bien commun qui ne peut être détruit au nom d'une prétendue souveraineté nationale, qui s'en trouve ainsi délégitimée et purement limitée à l'usufruit. Après l'accord de Paris, il se confirme que le réchauffement global arrive à réunir une communauté mondiale s'imposant au-dessus des Etats. Il y a encore du chemin (les menaces de guerre sont à la hausse) mais le fait est déjà là et c'est une rupture avec l'ère précédente (des Etats combattants).

Tout n'est pas perdu même si la chaleur devient étouffante et que, pas plus que les générations précédentes ou futures, nous n'éviterons les catastrophes - seulement plus nombreuses sans doute. Le réchauffement va rendre la vie plus difficile, l'urgence est de tout faire pour le réduire, et les risques de guerre sont élevés sur lesquels nous avons peu de prise - mais les guerres ont été constantes dans l'histoire humaine (plus encore que les catastrophes naturelles), nous en avons plutôt été épargnés comme jamais. Enfin, la faillite du marxisme et la décrédibilisation de toutes les utopies font bien actuellement le lit du populisme. La situation est incontestablement dramatique mais ce n'est pas une raison pour baisser les bras, tout au contraire. Comme dans le passé, ces malheurs n'empêcheront pas de nombreux progrès, au moins technologiques (avec leurs bons et mauvais côtés) mais aussi moraux. Surtout, ces sombres perspectives ne devraient pas nous empêcher de continuer l'émancipation.

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Du souci de soi au souci du monde

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La maîtrise du réchauffement et de notre écologie est l'affaire du siècle, et plus encore des 30 années qui viennent. Vouloir en faire une question individuelle ou morale est absurde quand il est question d'organisation collective et de système de production ou de distribution, donc d'une question à la fois éminemment politique mais planétaire (et non pas nationale) dont l'individu ne décide pas. S'il y a des différences individuelles dans l'évaluation de l'urgence et plus encore dans les réponses qu'on y donne, l'urgence, elle, n'a rien d'individuel ou de subjectif, étant objet de sciences. Nous avons plutôt affaire au choc de deux extériorités matérielles, contradiction entre l'économie et l'écologie dont les réalités massives nous dépassent largement et nous confrontent même au désespérant constat que le nécessaire n'est pas toujours possible pour autant. Plus que jamais nous avons besoin d'une intelligence collective, trop souvent absente hélas, mais qui ne peut être que le fruit de recherches scientifiques, indépendantes des individus, là aussi.

Cependant, même si ces enjeux écologiques ne dépendent pas de l'individu, contrairement à ce qu'on nous serine, on va voir qu'ils en modifient profondément son être-au-monde. C'est un peu comme une guerre mobilisant les jeunes malgré eux le plus souvent mais modifiant soudain l'ambiance générale et forgeant ainsi l'unité d'un peuple (on ne dépasse jamais les divisions intérieures qu'au nom d'une opposition extérieure). La nouvelle figure de l'individu qui émerge paraît en tout cas aussi différente de l'individu religieux que de l'individu libéral car, sans se réclamer d'un fondement dogmatique ni d'un acte de foi, il n'est plus délaissé par l'absence de tout fondement éprouvé depuis la mort de Dieu, et ne se réduit pas non plus au seul fondement moral du rapport aux autres. En effet, la destinée de l'individu est devenue inséparable d'une communauté de destin planétaire qui donne sens à nos vies, lui donne un cadre, qu'on le veuille ou non. Au-delà de l'éthique comme rapport à l'autre, existe aussi le rapport à la totalité, au global et à l'histoire.

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Changement de monde

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   Rien ne sera plus comme avant
Il est devenu quasiment impossible de se projeter dans le monde futur tant il devrait être différent du nôtre, malgré les vaines tentatives d'arrêter le temps. On peut juste lister un certain nombre des bouleversements attendus dans les dizaines d'années qui viennent, bouleversements technologiques, climatiques, géopolitiques. Les incertitudes sont au plus haut, et pas seulement l'ampleur du réchauffement climatique, qui semble avoir été sous-estimé (notamment la fonte du pôle Nord et du permafrost), mais il apparaît que les plus grandes incertitudes sont politiques et géopolitiques aujourd'hui avec une montée des risques de guerre, y compris nucléaire (ou de cyber-guerres), que seuls les risques économiques semblent pouvoir empêcher. L'opposition des mondialistes aux souverainistes prend ici tout son sens.

Si le réchauffement n'est pas maîtrisé d'ici 2050, ce qui est une question (géo)politique plus que technique, les conséquences en seront démesurées même si ce n'est pas la disparition de la civilisation humaine. J'ai toujours combattu les exagérations absurdes mais il est un fait que les nouvelles ne sont pas bonnes et n'incitent certes pas à l'optimisme même si le pire n'est jamais sûr et qu'il y a des améliorations sur certains plans. Ce ne sera donc pas la fin du monde ni de l'humanité mais de toutes façons la fin de notre monde actuel assurément. Nous ne sommes plus dans le temps arrêté d'une fin de l'histoire, d'un dimanche de la vie où l'individu n'aurait plus qu'à s'épanouir et jouir d'un éternel présent, mais pris dans les mouvements de l'histoire qui nous dépassent et menacent de toutes parts. On n'est pas prêts de sortir d'une crise permanente si la crise est le nom d'un réel qui nous échappe et nous déstabilise.

L'inquiétude est d'autant plus justifiée que pour l'instant, nos émissions continuent à monter. Il n'empêche que tout n'est pas désespéré car la première partie du siècle aura été celle de la prise de conscience planétaire nous engageant dans la transition énergétique sinon écologique - même si cet unanimisme affiché n'a pas eu beaucoup d'effets depuis l'accord de Paris de 2015. Il faut se rappeler, en effet, que dans cette première période, des relevés semblaient indiquer un plateau des températures, ce qu'on appelait le "hiatus climatique", qui avait de quoi nourrir les soupçons sur les modèles. Cela avait pu donner un peu plus de crédit aux climato-sceptiques mais n'est plus le cas avec un progrès des mesures et les effets de plus en plus sensibles du réchauffement - sans parler des boucles de rétroaction positives sous-évaluées jusqu'ici et qui menacent d'un emballement (fonte des glaces, bombe méthane). Ce n'est qu'une conséquence du nouveau consensus mondial (qui ne peut être que celui de l'état de la science), si le climato-scepticisme est devenu dés lors un simple marqueur politique (d'extrême-droite ou de connerie), anti-système, anti-science, anti-mondialisme. Sinon, un cap a bien été franchi, dans la conscience au moins, et surtout des jeunes, même si le secrétaire général de l'ONU, avertit que "Nous continuons de perdre la bataille". Du moins, il est clair qu'il s'agit maintenant de passer aux actes.

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L’urgence écologique

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  Adresse à la jeunesse
Devant l'aggravation sensible de la situation et alors même que la nécessité de changer de système se fait de plus en plus pressante, il est devenu impossible, irresponsable, de continuer à défendre une écologie utopique, purement incantatoire, et reprendre les anciens discours écolos ayant fait preuve de leur ineffectivité. Au moment où il nous faut radicaliser les combats écologistes, on se trouve obligés pourtant d'abandonner cet espoir d'un changement de système trop improbable. C'est, sans aucun doute, aller contre la pente naturelle du mouvement et peut paraître bien paradoxal mais quand l'eau prend de toutes parts, il n'est plus temps de se disputer sur la direction à prendre, ce sont les objectifs limités mais très concrets d'un Green New Deal qu'il nous faut adopter. C'est une question vitale et ne pas l'admettre est une négation de la réalité qui ne vaut pas beaucoup mieux que le négationnisme des climatosceptiques.

Ce n'est pas qu'on devrait délaisser les alternatives locales mais il y a deux niveaux différents où la radicalité écologiste peut intervenir, de deux façons bien distinctes. Je défends depuis longtemps le triptyque revenu garanti, monnaies locales et coopérative municipale constituant bien les bases d'un système de production plus écologique et d'une relocalisation de l'économie. Ces mesures sont toujours à encourager au niveau local. C'est fondamental pour construire un nouveau système par le bas mais il ne faut pas se cacher la difficulté et les nombreux échecs passés - même si le municipalisme et la relocalisation semblent bien incontournables pour équilibrer la globalisation. Le problème, c'est qu'en partant de ce niveau local, pour qu'il y ait un effet macroéconomique notable et qu'on puisse parler d'un changement de système, il faudra beaucoup plus que quelques dizaines d'années...

Or, d'une part on assiste à tout le contraire pour l'instant avec le développement des pays les plus peuplés, mais surtout, au niveau global, ce sont bien les 20-30 prochaines années qui sont décisives, ce pourquoi il faut absolument que les jeunes générations se mobilisent. Cependant, le but étant d'arracher des mesures concrètes immédiates, il ne suffira pas de beaux discours, cela exige le plus grand réalisme, certes bien décevant par rapport à ce qu'il faudrait. L'urgence doit même nous amener à nous allier avec ceux qu'on avait combattu hier sous le nom de capitalisme vert, au lieu d'attendre longtemps encore une fin du capitalisme qui ne vient pas. L'écologie n'est pas une idéologie, c'est une obligation matérielle et qui doit se situer dans son milieu réel, pas dans une planète imaginaire. Toute action écologiste se juge au résultat, pas à ses bonnes intentions.

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Le temps de l’après-coup

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Depuis Kant et la Révolution française jusqu'à Hegel et Marx, l'histoire s'est voulue la réalisation des finalités humaines - menant directement au conflit des finalités, des idéologies, des conceptions du monde, des valeurs. L'existentialisme insistera aussi, mais au niveau individuel cette fois, sur la prévalence du futur, du projet, de nos finalités encore. Et certes, malgré le poids du passé, notre monde est bien celui des fins, des possibles, de ce que nous pouvons faire, de nos libertés donc. Nos représentations comme nos émotions sont puissances d'agir, intentionalités tendues vers un objectif, mais ce n'est pas pour autant ce qui suffit à spécifier notre humanité alors que le règne des finalités est celui du vivant et du monde de l'information, au principe de la sélection par le résultat inversant les causes.

Ce qui change tout avec l'humanité, c'est d'en faire un récit constituant un monde commun, en dehors du visible immédiat, et dont nous connaissons la fin : conscience de la mort qu'on tentera sans cesse de renier. C'est de s'inscrire dans un récit commun, dont nous épousons les finalités, que nous pouvons avoir un avenir, une "précompréhension de l'être", de la situation et de nous-mêmes, du rôle que nous y jouons. Ce n'est pas une communion mystique avec l'Être, l'ouverture directe de l'existence à sa vérité alors qu'il n'y a d'être et de vérité que dans le langage (qui peut mentir, faire exister ce qui n'existe pas). Ce qui rend trompeurs les grands récits qui nous rassemblent, c'est de toute façon leur caractère linéaire et simplificateur, où le début annonce déjà la fin qui de plus se terminerait forcément bien, règne de la finalité et des héros de l'intrigue, refoulant les causalités matérielles et l'après-coup qui réécrit sans cesse l'histoire.

La question des finalités reste bien sûr l'affaire constante de la liberté, même dans les tâches utilitaires, mais ces finalités, toujours sociales, se heurtent à un réel extérieur qui ne se plie pas à nos quatre volontés et se moque bien de nous. C'est la première leçon de l'existence, qu'il n'y a pas d'identité de l'être et du devoir-être et qu'il faut constamment s'y confronter. Il y a assurément de nombreuses réussites, des finalités concrètes qui sont atteintes quotidiennement, sans quoi nous ne serions pas là, mais impossible d'ignorer tous les ratés de la vie et la dureté du réel, toutes les illusions perdues et d'abord les illusions politiques, rêves totalitaires qui tournent mal de réalisation de l'idée. En ne se pliant pas à nos finalités, ce qui se manifeste, c'est bien l'étrangeté du monde et la transcendance de l'être, son extériorité. De quoi nous engager non pas à baisser les bras ni à foncer tête baissée à l'échec mais à régler notre action sur cet écart de l'intention et du résultat pour corriger le tir et se rapprocher de l'objectif.

Le matérialisme doit être pris au sérieux contre les utopies, l'idéalisme, le subjectivisme. L'histoire reste une histoire subie car effectivement déterminée en dernière instance, c'est à dire après-coup (post festum dit Marx) par la (re)production matérielle et, donc, d'abord par le progrès technique. Il y a un progrès incontestable, le progrès des connaissances qui ne dépend pas tellement de nous ni de nos finalités puisqu'on ne peut savoir à l'avance ce qu'on n'a pas encore découvert et qui bousculera encore nos anciennes évidences. Par contre, il est clair que nous dépendons complètement de ces avancées et de cette accumulation de savoirs, tout comme du monde extérieur et de notre écologie.

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La stabilisation du climat comme objectif économique

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Il faut revenir sur l'assimilation abusive du caractère effectivement dramatique du réchauffement climatique à la "fin du monde" et la fin de l'humanité, ou même à un effondrement général mal défini. Il est clair qu'on sort ainsi des prévisions scientifiques pourtant déjà assez alarmistes, annonçant bien l'effondrement de nombreux écosystèmes mais pas de tous, et une multiplication des catastrophes, voire une "terre étuve" si on ne fait rien, ce qui est incontestablement très grave mais n'a rien à voir avec une fin de l'humanité.

On peut s'interroger sur le besoin d'en rajouter à ce point comme si seule la montée aux extrêmes pouvait nous toucher. Il n'est pas question de minimiser les risques qui peuvent aller jusqu'à l'empoisonnement de l'atmosphère à très long terme alors que des boucles de rétroaction positives sont enclenchées, notamment la fonte du permafrost. On peut difficilement imaginer pire mais ce n'est pas tout-à-fait la même chose malgré tout que l'événement grandiose d'un effondrement final.

Il faut bien dire que lorsqu'on entend les scientifiques égrener avec prudence les conséquences probables du réchauffement, cela ne nous fait ni chaud ni froid en général (que la mer monte de 7m, qu'importe ?), on n'en est pas ébranlé dans notre être, chacun imaginant comment il pourrait s'en tirer, ce qui n'est plus possible si c'est l'humanité elle-même qui est menacée d'extinction. Il y a cependant un gros problème avec cette présentation. En dehors du fait qu'elle paraît bien absurde alors qu'on n'a jamais été aussi nombreux, elle suppose qu'on pourrait se mobiliser contre cette fin du monde catastrophique pour l'éviter alors que la question est plutôt de stabiliser le climat et d'empêcher la multiplication des catastrophes même si nous ne pourrons les empêcher toutes. Ce n'est pas tout ou rien, ce n'est donc pas la fin du monde qu'on aura évité, et ce sera toujours la fin du monde pour tous ceux qui resteront victimes des catastrophes futures, même à contenir le réchauffement (ce qui n'est pas encore le cas).

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C’est la catastrophe qui nous sauvera…

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Une chose me surprend toujours lorsqu'on parle de la catastrophe écologique, c'est qu'on en parle comme d'une apocalypse totale et instantanée, plus proche en cela d'une guerre nucléaire qui d'ailleurs nous menace de plus en plus sauf qu'elle ne sera pas totale. Pour détruire la planète il faudrait vraiment mettre le paquet. Le pire qui pourrait se produire, ce serait un hiver nucléaire de quelques années. Ce serait catastrophique, faisant beaucoup de morts et favorisant les famines et les épidémies, mais pas la fin du monde (accélérant plutôt son unification sans doute?).

De leur côté, les catastrophes écologiques n'auront pas la soudaineté de l'explosion d'une bombe et ne seront pas simultanées sur toute l'étendue de la planète. Des effondrement écologiques locaux risquent bien de se multiplier mais il est délirant de prolonger les courbes à l'infini et s'affoler de la disparition de l'humanité au moment même où elle n'a jamais été aussi nombreuse. Ce qu'on peut craindre de ces catastrophes, c'est là aussi une mortalité accrue temporairement par famines, épidémies ou guerres qui pourront certes diminuer la population mais très loin d'une extinction.

D'autant qu'à mesure que la population diminuerait, son empreinte écologique diminuerait aussi (tout comme la crise a réduit pendant quelques années les émissions mondiales). Parler de fin du monde n'a aucun sens sinon, certes, la fin de notre monde actuel et de sa précieuse biodiversité qu'on ne réussit pas à préserver. Il ne s'agit pas de minimiser la gravité des effondrements écologiques qui se préparent et leur coût humain probable qu'il faudrait éviter à tout prix, mais cela n'empêche pas qu'à l'opposé de ce qu'on dit, les catastrophes ne s'ajoutent pas dans un emballement qui irait jusqu'à nous rayer de la carte. Non seulement les catastrophes attendues sont la plupart du temps progressives mais elles devraient provoquer des réactions de plus en plus fortes empêchant qu'on aille au pire. L'idée répandue que la totalité des catastrophes annoncées se produiraient toutes et en même temps ne tient pas debout, il faudra les affronter une à une.

Le malheur, c'est qu'en dépit de tous les lanceurs d'alerte et des prévisions scientifiques, il semble bien qu'il soit nécessaire qu'une catastrophe se produise pour que les solidarités en sortent renforcées et qu'on mobilise assez de moyens pour empêcher qu'elle se reproduise.

Notre situation est donc bien catastrophique, elle n'est pas complètement désespérée. Sortir de la naïveté du tout ou rien est indispensable pour mieux repérer les menaces réelles et leurs échéances afin de construire des stratégies à long terme capables de s'en prémunir. Il n'y a aucune raison d'être optimiste pour un court terme inquiétant tenté par les régressions écologiques, les pouvoirs autoritaires et les confrontations militaires mais la globalisation climatique et numérique est encore très récente et nous ne sommes pas sans ressources. Malgré les désastres qui se profilent à l'horizon, il faut se persuader que tout n'est pas perdu et que, si nous ne pouvons les empêcher encore, après les catastrophes les beaux jours reviendront, plus déterminés à préserver l'avenir.

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Aux écologistes radicaux

Temps de lecture : 16 minutes

La situation est grave, cela commence à se savoir. Dans ce contexte, on a sans conteste besoin qu'il y ait de plus en plus d'écologistes radicaux si cela veut dire des écologistes ayant pris la mesure des problèmes et décidés à consacrer leurs forces à essayer de les résoudre. Par contre, on n'a pas du tout besoin de querelles de chapelles sur ce qui serait la véritable écologie surtout si c'est le prétexte à mettre des bâtons dans les roues de ceux qui agissent. La plupart des écolos qui traitent les autres d'écotartuffes pourraient bien en être accusés à leur tour et mis devant leurs contradictions. Reconnaître la gravité de la situation, c'est aussi reconnaître qu'il n'est plus temps de faire la fine bouche et carrément débile de s'opposer à la transition énergétique en cours (en prétendant "s’extraire de l’imaginaire transitionniste", on croit rêver !). Il faut redescendre sur terre où il ne suffit pas de vouloir sortir de la croissance, du capitalisme, de l'industrie pour que cela change quoique ce soit à ces puissances effectives qui ont conquis désormais toute la planète. C'est dramatique mais on ne change pas si facilement un système de production lié à l'état de la technique et qui se transforme profondément avec le numérique.

Il est de la plus haute importance de prendre conscience de notre impuissance pour la dépasser au lieu de croire pouvoir réussir là où les générations précédentes ont échoué et halluciner une insurrection de toute la société qui nous sauverait in extremis. On n'a plus de temps à perdre avec ces enfantillages car cela ne veut pas dire qu'on ne peut rien faire mais que nos moyens sont limités et qu'il faut combiner différentes formes d'action, où les écologistes radicaux restent indispensables, que ce soit pour construire des modes de vie plus écologiques ou défendre des territoires, mais à condition de ne pas se retourner contre les autres acteurs qui sont plus décisifs au niveau mondial - même si on n'appartient pas au même monde ! La première exigence est la prise de conscience de l'urgence, faisant des enjeux écologiques une priorité absolue, mais en second, vient la nécessité de prendre la mesure de l'ampleur du problème et de ce qui résiste à nos bonnes intentions. Il ne suffira ni de sortir tous dans la rue, ni d'une décision gouvernementale, encore moins d'une conversion des esprits.

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La température n’arrête pas de monter

Temps de lecture : 9 minutes

Après les avertissements des scientifiques de plus en plus catastrophistes, les dernières "marches pour le climat" qui ont eu lieu un peu partout dans le monde peuvent être jugés bien trop timides mais pourraient en annoncer d'autres. On n'est pas du tout au niveau des mobilisations sociales (ou des manifestations sportives) alors qu'il faudrait une mobilisation de toute la société mais il y a une chose dont on peut être sûr, ce n'est qu'un début, le combat ne fera que prendre de l'ampleur à mesure que la température va continuer à monter et il faut encourager cet élan citoyen hors parti même s'il est pour l'instant de peu de poids. Il faut parier sur la montée en puissance de la conscience écologique et du soutien populaire qui seront absolument déterminants, même si on ne peut pas attendre une conversion de l'humanité entière à l'écologie.

Cette tendance de fond regardant vers le futur est cependant concurrencée, au moins à court terme, par le réveil des nationalisme, souverainisme, protectionnisme (anti-immigrants), tournés vers le passé et qui pourraient conduire à des catastrophes d'un autre ordre. Ces réactions autoritaires peuvent malgré tout s'appuyer d'une certaine façon sur l'écologie (qu'elles contestent souvent) du fait que l'écologie aussi introduit des limites au libéralisme et défend un certain protectionnisme (plutôt local). Il est significatif de voir dans un rapport de l'ONU que l'enjeu écologique oblige à dépasser l'économie néoclassique et le libéralisme économique, jusqu'à prendre en modèle un régime autoritaire comme la Chine ! La différence avec le populisme tient dans la prétention de rétablir une véritable démocratie et souveraineté, contre le mondialisme y compris celui de l'écologie, le leader élu incarnant une volonté populaire libre de toute contrainte alors que l'écologie et les enjeux planétaires, tout comme l'Etat de Droit, limitent réellement ce pouvoir "populaire" fantasmé qui n'aboutit finalement qu'à la xénophobie et au rejet des migrants.

On peut remarquer comme, du coup, l'idéologie démocratique se trouve en porte-à-faux quand elle critique ces régimes populistes, obligée de reconnaître la globalisation des problèmes et la constitution effective d'une gouvernance globale (objectif de l'ONU et de ses organisations) qui réduisent largement le pouvoir démocratique et contredisent le mythe d'une démocratie fondée sur elle-même, d'un pouvoir qui vient du peuple. Cette idéologie démocratique officielle qui reste fixée sur le niveau national et un imaginaire appartenant à l'histoire n'est plus assez crédible pour s'opposer aux démocratures autoritaires. Pour se mettre à jour d'une démocratie consciente de son intégration dans l'écologie planétaire, ce n'est plus cette volonté générale arbitraire qu'on doit revendiquer comme fondement d'une démocratie qui retrouve sa dimension humaine et locale, celle d'une démocratie de face à face et d'une nécessaire relocalisation qui est loin de la dimension nationale mais où la démocratie réelle, quotidienne, est celle du développement humain et de la préservation de son environnement, non de la souveraineté.

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Revue des sciences septembre 2018

Temps de lecture : 83 minutes

Pour la Science

Physique, espace, nanos

Climat, écologie, énergie

Biologie, préhistoire, cerveau

Santé

On ne peut pas dire qu'il manque de nouvelles importantes pour cette avant-dernière revue alors que le catastrophisme climatique monte d'un cran - m'ayant fait revenir sur le risque d’empoisonnement de l'atmosphère par l'hydrogène sulfuré qui à petite dose rajeunit pourtant nos mitochondries ! Alors que la biodiversité s'effondre autour de nous, il est quasi certain qu'on arrivera à prolonger la vie en bonne santé. L'annonce sinon qu'on aurait trouvé des traces d'un univers précédent dans le fond cosmologique serait un événement considérable si c'était confirmé, mais on a toutes les raisons d'en douter. Un des changements les plus surprenants depuis le début de cette revue, c'est la revalorisation à laquelle on assiste des bienfaits des drogues psychédéliques, y compris des micro-doses, justifiant après-coup un mouvement psychédélique qui avait été si décrié. En tout cas, même si on s'y habitue et que c'est même un peu répétitif, on n'en a pas fini avec les disruptions dans tous les domaines (agriculture, nourriture, transport, médecine, construction, industrie, espace, IA, robots, éducation, travail, etc.), et comme jamais il n'y a eu autant de capital disponible facilement (notamment avec le crowdfunding), cela ne va pas s'arrêter de sitôt. Ainsi, des implants cérébraux connectés et des prothèses qui s'intègrent au corps, comme un membre originel, ouvrent la voie au cyborg qui paraissait pourtant si lointain. Enfin, ce qu'il faut retenir de la découverte d'une fillette de 90 000 ans dont la mère est néandertalienne et le père dénisovien, c'est qu'il n'y a sans doute qu'une seule espèce humaine malgré ses diversifications régionales. D'ailleurs, notre préhistoire sans cesse réécrite illustre bien la fragilité de nos savoirs. La science n'est pas la Vérité, et il n'y en a pas d'autre ! C'était l'un des objectifs de cette revue d'entretenir l'esprit scientifique, son humilité si difficile à garder, en s'affrontant aux limites de nos connaissances et au verdict de l'expérience. Mes capacités étant limitées, je n'ai sûrement pas été à hauteur de la tâche mais au moins, j'espère avoir montré l'intérêt d'une véritable synthèse mensuelle des avancées de la recherche (il ne suffit pas de retweeter les dernières nouvelles). Dans le monde de l'information et de l'Intelligence Artificielle, la question de la vérité est, en effet, d'autant plus essentielle alors que les réseaux rendent si facile la manipulation des opinions par la diffusion de fausses nouvelles. C'est ce qui rend aussi la censure incontournable en même temps qu'injustifiable (par des sociétés privées) et change la nature même de la démocratie. C'est bien, en tout cas, la fin des utopies numériques avec le gouvernement par les nombres, la généralisation de la surveillance et même la reconnaissance faciale open source désormais à la portée de n'importe qui...

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La plus grande menace sur la vie a l’odeur d’oeufs pourris

Temps de lecture : 8 minutes

  Ça sent très mauvais !
Lorsque j'étudiais, en 2006 déjà, les risques climatiques majeurs, il y avait deux de ces risques qui semblaient très sous-estimés, la bombe méthane en premier lieu et à plus long terme les émanations mortelles d'hydrogène sulfuré (ou sulfure d'hydrogène, H2S) mais les études qui ont suivi sur les dégagements de méthane étaient pour la plupart rassurantes, restant ainsi dans un scénario plus graduel de réchauffement.

Ce n'est plus le cas désormais, les changements du régime des vents accélérant de façon inquiétante la fonte du pôle Nord, ce qui fait donc craindre des libérations massives de méthane venant du permafrost comme des hydrates de méthane marins. Le catastrophisme scientifique est monté d'un cran.

Bien sûr tout est une question d'échelle de temps mais, du coup, je m'étonne qu'on ne parle pas plus de ce qui représente le véritable risque d'extinction à plus long terme d'une acidification de l'océan menant à des zones mortes sans assez d'oxygène puis au dégagement de ce gaz toxique, l'hydrogène sulfuré, qui répand une odeur d'oeufs pourris sur toute la terre en exterminant plantes et animaux sur son passage.

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Revue des sciences août 2018

Temps de lecture : 113 minutes

Pour la Science

Physique, espace, nanos

Climat, écologie, énergie

Biologie, préhistoire, cerveau

Santé

Techno

Qu'il n'y ait pas d'asymétrie causale entre passé et avenir au niveau quantique (permettant la reconstitution des événements précédents) a de quoi interloquer en laissant croire qu'on pourrait inverser l'entropie mais, si on ne peut pour autant inverser le temps, il ne serait pas impossible, nous dit-on, d'inverser le vieillissement puisqu'il suffirait de régénérer nos mitochondries défaillantes pour que nos rides disparaissent et nos cheveux repoussent ! On a du mal à croire aussi qu'un ver ait pu revivre après 40 000 ans dans les sols gelés de Sibérie. Il est toujours difficile d'évaluer la portée d'une innovation mais des plantes modifiées pour fixer l'azote de l'air sans engrais changeraient profondément l'agriculture. Ce qui change nos représentations, en revanche, c'est la découverte qu'Homo Sapiens est issu du métissage de plusieurs espèces, et non pas du développement linéaire d'une population originelle, renforçant l'hypothèse d'une convergence multirégionale et que l'homme est bien le produit de la technique plus que de ses gènes, lui permettant d'investir les milieux les plus hostiles. Il faut d'ailleurs s'attendre à des enfants génétiquement modifiés. Il est intéressant enfin de voir que l'ADN peut servir d'intelligence artificielle (pour la reconnaissance  des formes), fonction cognitive qu'il assurait dans les cellules bien avant les neurones. On pourra trouver le reste très répétitif : réchauffement, batteries, blockchain, IA, impression 3D, robots, CRISPR, Alzheimer, Mars, et même les taxis volants...

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Revue des sciences juin 2018

Temps de lecture : 57 minutes

Pour la Science

La Recherche

Climat, écologie, énergie

Biologie, préhistoire, cerveau

Santé

Techno

Une hypothèse séduisante pour l'histoire de notre planète et de la vie prétend que la tectonique des plaques serait plus récente que supposée jusqu'ici et aurait provoqué la "Terre boule de neige" puis favorisé l'explosion cambrienne, qui a pris 40 millions d'années et suit de peu la fin de cette glaciation généralisée, profitant de l'apport par la tectonique de nutriments dans les mers. Une hypothèse plus sensationnelle (mais beaucoup moins crédible) prétend que les pieuvres auraient intégré des gènes extraterrestres par des virus venus d'autres planètes ! Moins farfelue, mais à confirmer quand même, la possibilité dont on avait déjà parlé de transférer une mémoire entre deux organismes. Ce qui mérite le plus d'attention sans doute, c'est qu'on pourrait bientôt tous porter un casque pour la stimulation électrique du cerveau aussi bien que pour la lecture des pensées et le contrôle de nos appareils, de jeux ou de films, éventualité qui ne nous effleurait pas l'esprit mais devient de plus en plus probable. Le passage de la génétique à la programmation épigénétique n'avait pas non plus été anticipé et devrait être de grande conséquence. Sinon la réalité virtuelle pourrait être adoptée grâce aux vidéos familiales 3D. Enfin, l'ère des taxis volants se rapproche un peu plus avec la mise au point par la Nasa et Uber de la régulation du trafic aérien nécessaire.

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