La plus grande énigme économique de ces dernières années était sans conteste le mystère de l'absence d'inflation malgré l'injection de liquidités en quantités inouïes. On a invoqué les prix décroissants de l'électronique et du numérique, la mondialisation et la concurrence des pays les plus peuplés ou encore le néolibéralisme consacrant la victoire des actionnaires et l'affaiblissement des syndicats, menant à une réduction des protections salariales et l'augmentation de la précarité. Pas sûr pourtant que tout cela suffise à expliquer le peu d'inflation engendré jusqu'ici par les milliers de milliards distribués et le quoi qu'il en coûte de la pandémie. L'inflation se serait cantonnée à la finance et la spéculation, notamment immobilière, mais pourrait avoir été simplement retardée ailleurs.
On trouve toujours des raisons à tout et c'est une caractéristique des bulles avant leur krach de théoriser la fin des anciennes lois de l'économie pour une nouvelle ère où il n'y aurait plus de cycles ni de limite et où les arbres monteraient jusqu'au ciel... Il reste quand même très étonnant que la planche à billet débridée n'ait pas provoqué jusqu'ici une dépréciation de la monnaie et une inflation des prix et des salaires. Précisément, c'est bien ce qui semble se produire désormais même si le FMI assure que cela devrait être temporaire et ne pas aller au-delà du premier trimestre 2022, mais rien n'est moins sûr. Or un retour de l'inflation changerait du tout au tout la configuration économique des prochaines années avec des conséquences importantes aussi bien au niveau social qu'au niveau écologique, pouvant à la fois intensifier les luttes salariales, renverser le rapport de force actuel capital/travail, mais aussi accélérer une croissance qui n'est plus aussi bien venue quand il faudrait plutôt la tempérer et, en premier lieu, réduire notre consommation d'énergies fossiles qui repart au contraire à cause de la surchauffe économique.