Une monnaie locale pour la Guadeloupe !

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La gwadloup cé tan nou, la gwadloup cé pa ta yo
Les Guadeloupéens nous montrent la voie d'un retour des mouvements sociaux et de la lutte des classes mais surtout d'une réappropriation par les citoyens de leur propre pays et d'un retour aux fondements de la démocratie. Leurs revendications apparaissent à l'évidence légitimes, faisant apparaître la nécessité d'un gouvernement démocratique local, sans quitter pour autant la communauté nationale. Voilà de quoi ranimer l'aspiration révolutionnaire au modèle fédératif conciliant localisme et solidarité nationale.

Il y a un élément qui ne fait pas partie du programme pour l'instant et qui pourtant semble pouvoir résoudre pas mal de problèmes dans le contexte actuel : la création d'une monnaie guadeloupéenne. Il ne s'agit pas de créer une devise nationale concurrente à l'Euro mais une monnaie locale, monnaie complémentaire et non convertible, monnaie de consommation dite aussi monnaie fondante (car elle perd de la valeur avec le temps contrairement à l'épargne). C'est le meilleur instrument, surtout dans une île, pour favoriser les échanges locaux, les circuits courts et réduire la dépendance des produits importés.

Il est sans doute déjà un peu tard pour s'en préoccuper car les désordres monétaires nous menacent à courte échéance maintenant (qu'ils viennent des pays de l'Est ou de l'effondrement du dollar) mais dans ce contexte, il n'y a pas que les îles qui pourraient tirer profit de monnaies locales. Il faut savoir du moins que ça existe, que c'est possible, que les instruments en sont prêts et qu'une monnaie comme le SOL peut être expérimentée rapidement avec cartes à puce, lecteurs de carte et programmes associés !

La crise pourrait se révéler une chance pour la Guadeloupe, et ses handicaps devenir des atouts décisifs du fait qu'elle se trouve assez bien placée pour réunir les 3 instruments d'une production alternative relocalisée : revenu garanti, monnaies locales, coopératives de travailleurs autonomes. Bien que très insuffisant, le RSA généralisé pourrait servir de base à un véritable revenu garanti. Les avantages d'une monnaie locale, étant donnée la situation, devraient pousser à une expérimentation rapide. Reste, pour être viable et faire système, à construire des coopératives municipales comme instruments de valorisation des compétences et de développement humain. Sans doute le plus difficile mais qui ferait de la Guadeloupe l'avant-garde de l'altermondialisme et d'un nouveau système de production à l'ère de l'information de l'écologie et du développement humain!

Il faudrait d'abord introduire cette idée de monnaie locale comme outil pour la relocalisation de l'économie et moyen de se soustraire à la mondialisation marchande, en insistant sur le fait que ce n'est qu'une monnaie complémentaire qui ne remplace pas l'Euro et n'est pas convertible théoriquement mais ne nécessite aucune fermeture au marché. Il faut absolument que la gestion de la monnaie locale soit confiée à une instance démocratique comme une municipalité mais qui peut être étendue à l'ensemble de l'île. Cette monnaie locale peut être créée ex nihilo au début, et donc distribuée en plus des revenus monétaires, d'autant plus qu'il y a un fort chômage puisqu'elle incite à l'emploi des compétences disponibles localement. D'une certaine façon, la monnaie locale réduit aussi les prix pour les résidents par rapport aux touristes en permettant de payer un pourcentage du prix en monnaie locale (sorte de rabais), ou d'en acquérir par ses achats (sorte de points de fidélité). C'est, enfin, une monnaie qui ne crée pas d'inégalités car on ne peut l'accumuler puisqu'elle perd de la valeur avec le temps. Les effets se feraient très vite sentir.

Tout cela est bien trop exotique encore mais on sera peut-être obligé bientôt de tous s'y mettre car l'effondrement du système monétaire est de plus en plus probable ! Il faut bien dire que la situation de la Guadeloupe semble idéale pour tenter l'aventure dès maintenant, notamment cet élan populaire et l'expression d'une solidarité retrouvée, mais comment en convaincre ?

''La gwadloup cé tan nou - la gwadloup cé pa ta yo
yo bisyon fé sa yo vlé - a dan péyi en nou''

- Interview (audio) sur les monnaies locales :

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18 réflexions au sujet de “Une monnaie locale pour la Guadeloupe !”

  1. Je suis d'accord avec vous mais il faudrait d'abord lever l'hypothèque du complot venant de l'étranger ( et je n'ai pas besoin de montrer du doigt le " gros " étranger à qui je pense...) Cette hypothèse peut plomber complètement votre raisonnement. Or j'ai l'intuition que c'est çà!
    Avez-vous entendu parler de cette affaire de monnaie locale en France à Lignières dans les années 50, pourquoi l'expérience s'est-elle arrêtée alors qu'elle marchait?

  2. Jérôme Blanc parle de Lignières dans le dossier sur les monnaies plurielles de Transversales :
    grit-transversales.org/ar...

    Il y avait aussi un lien mais je viens de découvrir qu'il ne marche plus !

    Il est certain que les monnaies locales ont été presque toujours réprimées ou récupérées, mal vues par les banques mais l'économie a changé et elles sont de plus en plus acceptées voire encouragées. Le Sol est un projet financé par l'Europe.

  3. Moi, ce que je trouve terrifiant c'est qu'on ne parle pas sérieusement de ce qu'est la production. Tout est étouffé par la finance, la politique, la philosophie et tout ce qu'on voudra bien mettre en plus. Mais ceux qui parlent savent t ils de quoi ils parlent. Ont ils un vécu au sens informatif de ce quoi ils veulent traiter. Ne pas avoir navigué dans les méandres du monde actuel de la production est une lacune. Blabla, ça occupe, mais ça ne trompe pas, les mains il faut les mettre dans le cambouis pour saisir d"une façon tripale le malaise d'une déstructuration. A quand la parole des forces productives ?

    C'est pour quand le droit de dire aux clampins qui marnent ?

  4. Entièrement d'accord. C'est aussi ce que je reproche aux partisans du revenu garanti qui parlent uniquement de ce que ça coûte et jamais ce que ça rapporte car ce n'est pas pensé avec les institutions productives qui vont avec, ce que j'appelle des coopératives municipales, mais il faudrait sans doute rentrer plus dans le concret de la production immatérielle et de la valorisation des compétences spécifiques.

  5. Pour "le concret de la production immatérielle et de la valorisation des compétences spécifiques.", je ne saurais mieux dire, mais le gap est encore immense, quoiqu'on puisse entendre actuellement. C'est de l'ordre d'une révolution, d'un saut quantique, comme celui du néolithique, au moins. Certain dans sa nécessité, mais très improbable dans sa possibilité de réalisation historique.

  6. J'ai quelques doutes par rapport à la monnaie locale. Si le but de la monnaie locale est de privilégier la production locale, je ne vois pas bien comment le consommateur peut agir sur le producteur. Par défaut, le consommateur cherche local; personne ne fait 300 km pour aller faire ses courses. Tous les biens et services, par défaut, sont recherchés au plus proche, à moins d'être un peu frappé. Ce dont j'ai besoin, nourriture, médecin, plombier, je vais d'abord toujours le chercher près de là où j'habite. Ce n'est que si à proximité de mon habitat, je ne trouve pas ce dont j'ai besoin, qu'il faut que j'aille plus loin. Malheureusement cela arrive fréquemment. Trouver un bon dentiste par exemple, vu le nombre d'incompétents, requiert parfois de devoir faire 100 km. Maintenant, comment un consommateur peut obliger le commerçant à offrir des biens locaux? Il faut que le commerçant fasse plus de bénéfice avec la vente de biens locaux. C'est donc au niveau du transport qu'il faudrait agir : taxer le transport au prorata de sa quantité. Cela revient à instaurer une forme de protectionnisme, des droits de douane.
    Par ailleurs cela rendrait le consommateur captif du local qui alors pourrait abuser de son monopole en refourguant des biens et services chers et bâclés. Souvenons-nous. Dans quoi est-ce qu'on roulerait maintenant, dans quelles caisses à savon, si on n'avait pas eu la concurrence des voitures japonaises?
    Est-ce que la localisation de l'économie rime avec sa rationalisation? Pas nécessairement, je pense. Faut-il par exemple une fabrique de boîtes de conserve dans chaque village?
    En plus, il faut bien admettre que la mentalité de village est quelque chose d'insupportable à beaucoup de gens qui préfèrent l'anonymat des villes. On étouffe dans le local et son contrôle, son espionnage, son commérage. Il y a là quelque chose de rédhibitoire.
    Je pense donc que la monnaie locale est une mauvaise réponse à une bonne question.

  7. Il n'a jamais été question de tout fabriquer localement ni de se couper du marché mondial mais juste de donner une possibilité supplémentaire, de rendre plus attractifs les productions locales et la valorisation des compétences disponibles. Bien sûr qu'on ne peut avoir toutes les compétences localement mais on peut favoriser l'utilisation des compétences existantes. De sorte qu'on ne part pas de la demande ou des besoins en voulant qu'ils soient satisfaits localement, on part des compétences, des gens, de ce qu'il veulent et peuvent faire pour leur donner l'occasion d'en tirer un revenu.

  8. Il y a sans doute toujours eu du commérage dans les villages-qui ne s'y est jamais adonné d'ailleurs?-mais le fait que les gens ne se rencontrent plus, ou moins, n'arrange sûrement pas le problème. On développe des délires à propos de gens que l'on ne connait pas, et quand on en connait qui sont vraiment délirant, on peut ne pas en être déçu...!

  9. La relocalisation de l'économie est une réponse à la mondialisation. Mais peut-être qu'il y a une contradiction interne à cette mondialisation. Dans la mesure où un progrès, un enrichissement requièrent de l'autre (du sous-développement, de la pauvreté) pour apparaître, la mondialisation est une impasse. Une nation n'est riche qu'en rapport à une autre nation pauvre. Si le trésor d'une nation riche regorge d'or, c'est qu'elle a pris cet or en dehors d'elle chez d'autres nations. Mais un monde 1, sans dehors, ne peut être comparé à rien, il ne peut être ni riche, ni pauvre, ni développé, ni sous-développé.
    C'est sans doute aussi ce qui explique l'impossibilité de l'égalité entre tous. Il n'y aurait plus alors ni riches ni pauvres; et par suite ni inégalité ni égalité, tout serait indiscernable, perdant son sens.
    Ainsi sans doute une monnaie mondiale n'aurait aucune valeur, elle ne saurait ressortir comme forme et ne serait que fond indifférent, marécage.

  10. Il faut se méfier des raisonnements trop logiques qui ne sont que des sophismes ou des passages à l'absurde (genre Baudrillard). La vérité est souvent dans la voie moyenne. Ainsi on constate historiquement qu'un peu d'inégalités est la marque des civilisations et profite à tous, ce qui n'empêche pas que lorsque les inégalités explosent, c'est forcément au détriment des plus pauvres et pour que l'argent garde de la valeur il faut qu'il soit rare et qu'on en prive certains. Cela n'empêche qu'une monnaie mondiale ne serait certes pas dépourvue de valeur !

    @herman

    Lorsqu'on vit comme moi dans un village on ne se fait pas tant d'illusions sur les rapports de voisinages qui sont vraiment difficiles et largement fonction de l'espace. Ainsi je m'entends bien avec tout le monde car je suis un peu en dehors ne gênant personne, alors que tous mes voisins très différents et sympathiques ont le plus grand mal à se supporter entre eux !

  11. Je suis d'accord avec vous, Jean. Loin de moi l'idée que l'harmonie règnerait naturellement dans les relations humaines entre voisins, ou habitants d'un même village! Moi aussi, j'en habite un, mais pas depuis assez de temps pour juger de cela. Mais, tout de même, on peut pas dire qu'il y ait beaucoup de vie, ici! En dehors des bistrots...ce qui n'est déjà pas si mal, me direz-vous!...Mieux vaut(pour moi)des relations humaines(même tendues), que pas de relations du tout. Même si c'est vrai qu'internet permet d'y remedier..

  12. Ici, il n'y a pas de bistrot, c'est trop petit et, au début on faisait des repas du village très sympa. Alain soulignait comme les nouveaux venus jouissent souvent d'un préjugé favorable, contrairement à ce qu'on croit (cela dépend des circonstances), c'est à la longue que les récriminations s'accumulent mais l'ambiance générale joue beaucoup et dans des périodes de troubles les liens peuvent se resserrer (ou se tendre...).

  13. et en métropole n'est ce pas aussi le moment de tenter les monnaies locales ? quelles avantages particuliers peut on en attendre dans la tourmente monétaire qui s'annonce ? moi perso , j'ai envoyé une lettre ouverte à la municipalité de mon bled ( 800 habitants) même si je sais que l'echelle intercommunale est plus pertinente . malgré tout je ne m'attends pas particulièrement à trouver d'échos chez ce brave conseil municipal de couze . mais sait on jamais. j'ai lancé une invite à la constitution d'une commission extra municipale , ouverte à la population , de concertation et d'informations sur la mise en place du projet .

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