Loin de tous les archaïsmes qui nous hantent encore, nous sommes vraiment à un moment historique de notre "conscience de soi", et si presque tout ce qu'on pensait de l'esprit est devenu obsolète depuis le lancement de ChatGPT, quelques unes des théories précédant cette révélation peuvent au contraire s'en trouver confortées, telle cette théorie de la conscience comme mémoire épisodique (de la suite des événements), que j'avais signalée par un tweet en octobre 2022 mais qui vaut qu'on y revienne, alors que, d'un autre côté, l'évolution de ChatGPT semble impliquer non seulement une possibilité des Intelligences Artificielles d'avoir une conscience mais son inévitabilité pour des systèmes d'apprentissage évolués voués à la prédiction de la suite : "le cerveau apprend à être conscient en essayant continuellement de prédire les conséquences de ses actions à la fois sur lui-même et sur le monde extérieur", ce qui donne une forme de conscience du contexte et de soi, y compris aux robots conversationnels capables d'apprentissage. C'est ce que confirme un article s'interrogeant sur "Comment l'IA sait des choses que personne ne lui a dites" - ce qui étonnait même ses concepteurs. Cela viendrait de l'acquisition d'une capacité connue sous le nom d'apprentissage en contexte. "C'est un type d'apprentissage différent dont on ne comprenait pas vraiment l'existence auparavant" bien qu'il suive une "procédure d'apprentissage standard, connue sous le nom de descente de gradient" - sauf que ce n'était pas programmé, le système l'a découvert tout seul.
On verra qu'on peut à peine parler de conscience pour cette sorte de conscience de soi qui participe quand même à l'éclairer comme propriété commune à tout apprentissage (ou réseaux de neurones) aussi bien animale qu'humaine ou artificielle (bien que la plupart des IA spécialisées en soient dépourvus). Cela oblige à redéfinir la conscience, sujette à tous les fantasmes (comme l'Esprit) et à laquelle on a même voulu donner un rôle décisif dans la physique quantique ! Il faut maintenir que notre conscience humaine (la voix de la conscience) comme conscience morale se différencie largement d'une simple conscience de soi animale, mais tout en admettant une nouvelle continuité entre différents niveaux de conscience qui ne se recouvrent pas, depuis la perception jusqu'à la conscience de soi et la culpabilité. Encore une fois, il ne s'agit pas de tout réduire au mécanisme de base des modèles de langage ou de la mémoire comme s'il n'y avait rien d'autre, mais de réduire quand même drastiquement le rôle du sujet humain à constater tout ce qu'on explique sans avoir besoin de lui, ni d'ailleurs d'autres composants indispensables de correction, de validation ou de modèle du monde (qui sont déjà en développement). Les générateurs de langage actuels manquent pourtant non seulement de mémoire mais surtout de tout ce qui est lié à un corps autonome et son histoire, ce qu'ils pourraient cependant acquérir bientôt par leur incarnation dans un robot mobile ou un avatar qui devront être doués de sensibilité et intégrer une certaine conscience morale...