L’avenir du développement humain comme libertés concrètes

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On le sait, notre avenir n'est pas assuré tant qu'on ne prendra pas les mesures qui s'imposent pour ne pas nous précipiter nous-mêmes dans l'abîme. On a d'ailleurs commencé depuis peu à réagir devant la multiplication des catastrophes mais on est encore loin de compte. Il faudrait indéniablement une transformation profonde de l'économie pour qu'elle devienne plus soutenable à long terme et affronte le pic démographique mais cela n'a rien de facile et surtout prendra beaucoup de temps. Ce n'est pas ce qui nous sauvera à court terme. Vu l'urgence, il faut se persuader que ce sont des mesures immédiates ciblées et planétaires qui peuvent réduire le réchauffement en cours, en se concentrant sur les plus gros pollueurs, et non un changement radical d'économie à l'échelle de la planète. Il est trop tard. Cela n'empêche pas que ce changement se fera sur le long terme et qu'il est même amorcé depuis plusieurs décennies au nom du développement humain, sans qu'on en prenne toute la dimension véritablement révolutionnaire dans un contexte d'unification planétaire et du passage à l'économie numérique aussi bien que locale.

Impossible de se cacher comme l'avenir est lourd de menaces, pas seulement écologiques. S'il est peu probable qu'on sombre dans un chaos total à la Mad Max, il n'a rien d'impossible qu'on connaisse des années très régressives de tentations autoritaires face à l'immigration massive et la concurrence mondialisée, ces dérives fascisantes s'ajoutant à la multiplication des catastrophes climatiques ou pandémiques. On peut redouter aussi les tensions internationales, les jeux de puissances nucléaires, la lutte pour l'hégémonie (l'affaiblissement de la puissance dominante). En attendant, on peut remarquer que la coopération entre les Etats, bien qu'insuffisante, n'est pas absente malgré tout sur les enjeux planétaires, qu'ils soient écologiques, économiques ou épidémiques, Etat universel et homogène en construction depuis longtemps en dépit des rivalités géostratégiques

Les raisons de désespérer ne manquent pas et pourtant, depuis toujours, derrière le théâtre sanglant un peu trop réel de l'Histoire, des progrès sont en marche malgré tout, non seulement le progrès des sciences et techniques mais effectivement de l'unification planétaire quoiqu'on en pense, progrès de la civilisation et des droits individuels ou sociaux, notamment des droits des femmes aujourd'hui. L'ONU n'est pas aussi insignifiante qu'il peut y paraître (ce dont Stéphane Hessel m'avait convaincu). Des organisations comme l'OMS ou le GIEC incarnent véritablement cette unité planétaire déjà effective malgré les résistances nationalistes ou souverainistes. Elle est effective aussi dans une économie mondialisée pilotée par les banques centrales qui, après l'épreuve de crises systémiques, nous ont sorti "naturellement" d'un néolibéralisme sauvage, de marchés prétendus autorégulés, pour revenir au système keynésien de politiques macro-économiques réactives. Enfin, l'accélération technologique et les réseaux numériques fournissent l'infrastructure de l'homogénéisation du monde (et de sa division en tribus) alors que l'intelligence artificielle devrait mener (comme les sciences) à des convergences idéologiques et des solutions universelles (adaptées aux réalités locales).

Il n'y a aucune chance que tout se passe bien mais, comme le XXe siècle aura vu le pire et le meilleur - massacres de masse et progrès sociaux substantiels -, il se pourrait que, malgré les catastrophes annoncées qu'il faudra affronter, le XXIe siècle soit bien meilleur que prévu sur le plan des droits humains, du travail et des libertés concrètes. Un monde unifié écologiquement, économiquement et numériquement peut changer la donne. Certes, on n'en n'est pas encore tout-à-fait là et on a toujours tort de trop espérer, la réalité reste rugueuse, les relations humaines difficiles, douloureuses voire violentes. Il y a quand même de réels progrès en cours par rapport à notre ancienne barbarie envers les femmes, les pauvres, les immigrés, les racisés. L'avenir pourrait n'être pas si désespérant, et pas seulement catastrophique, si enfin triomphaient l'écologie, le féminisme, l'anti-racisme et le développement humain ?

Ce n'est pas en tout cas par pure utopie, ni sans raisons impératives, que la notion de développement humain s'est imposée au cours des décennies précédentes notamment avec l'indice de développement humain. Si dès 1975 Jacques Robin ("De la croissance économique au développement humain") en faisait déjà la promotion, c'est en 1990 que le terme a été adopté par l'ONU puis c'est Amartya Sen (prix Nobel 1998, ayant travaillé pour la Banque mondiale et le Programme des Nations unies pour le développement) qui l'a théorisé comme développement des "capabilités" (!) des individus, c'est à dire de leurs libertés effectives, développement des capacités d'action et de possibilités effectives, libertés qui ne sont pas données par la nature ni purement formelles mais sont une production sociale très concrète (formation, revenu, santé, financement). Pour Sen, "Il n’y a de développement que par et pour la liberté", passage de la liberté théorique à la liberté pratique, des libertés formelles, juridiques, aux liberté réelles.

Il faut réaliser ce que représente la conversion au point de vue du développement humain en termes de libertés d’action, de capacités à faire. C'est un renversement complet par rapport aux conceptions classiques de l'économie et du salariat. On retrouvera de façon exemplaire cette nouvelle logique dans les "territoires zéro chômeurs", basés sur les préférences individuelles au contraire des politiques du workfare (de la mise au travail forcé des chômeurs). L'impact en reste marginal à ce jour mais ces tendances témoignent clairement d'un renversement complet de l'idéologie libérale qui faisait de l'individu, considéré autonome par "essence", le seul responsable de sa situation, alors que le développement humain affirme, tout au contraire, que l'autonomie doit être produite socialement (pas seulement par la famille) et qu'il est de l'intérêt collectif de développer les compétences et talents de chacun. C'est d'autant plus indispensable dans l'économie numérique valorisant le travail passion hyper-spécialisé mais laissant moins de place aux travailleurs non qualifiés devenus "inemployables" à un salaire acceptable.

Il ne s'agit pas de prétendre que la conversion humaniste du capitalisme serait totale mais une autre manifestation de ce changement de paradigme, c'est la prise en compte si récente du véritable coût du chômage, intégrant le manque à gagner privant l'économie d'un apport précieux. Il peut sembler qu'on découvre tout-à-coup qu'il est de l'intérêt de tous d'aider chacun à ne pas échouer dans ses entreprises qui sont positives pour la société et d'aider les perdants à se relever ! La réelle nouveauté, c'est que, ce qui n'était que sermons sans conséquence est maintenant un souci économique assumé, ceci parce que c'est une nécessité du numérique, de la formation, de la participation interactive (pour assurer le circuit des flux). Il ne faut pas y voir une révolution brutale et pleinement consciente mais, plus subtilement, que les précédentes justifications de l'inhumanité du passé ne tiennent plus devant l'évolution technique et le mouvement de démocratisation ou de métissage qui se poursuit.

A plus court terme, le succès du développement humain devrait se trouver renforcé par l'entrée dans un nouveau cycle d'inflation et de croissance qui n'est pas sans problème mais qui devrait réduire drastiquement le chômage et donc les salariés disponibles. Ceci d'autant plus que, bien avant le pic démographique, nous aurions déjà atteint le premier stade de la décroissance avec le pic des travailleurs (aussi bien en Europe qu'en Chine) à cause de la transition démographique, du vieillissement de la population d'un côté et l'allongement de la formation de l'autre. Ce nouveau rapport de force entre travail et capital engendré par ce manque de bras (malgré tous les robots et automates) devrait favoriser l'immigration mais surtout le bien-être dans son travail et son entreprise pour garder ses salariés, et donc la prise en compte des aspirations de chacun, le plaisir étant devenu un facteur de production - jusqu'à brouiller la séparation entre travail et loisir, vie de bureau et vie privée. Parler d'une économie du sens est un peu exagéré mais relativement pertinent pour l'investissement dans son travail et dans l'optique du développement humain, de plus en plus à l'opposé de la condamnation divine à la souffrance au travail, voire de la subordination. Il est devenu bien clair que ce n'est plus la souffrance du travailleur qui fait la valeur de son travail, ce n'est plus la pénibilité, la désutilité du travail pour lui, qui justifie son salaire comme compensation de son sacrifice, mais bien plutôt la reconnaissance de son utilité, sa productivité, son savoir-faire, son implication.

Si le travail ne disparaît pas, loin de là, et qu'il y en a même trop, de plus en plus envahissant, qu'on manque de candidats dans plusieurs professions, il y a quand même de toute évidence besoin de moins en moins d'actifs. On vit dans une société d'inactifs (retraités, enfants, étudiants, mères au foyer), ce qui n'a pas empêché le chômage massif des 30 dernières années, manifestant qu'il y avait donc encore un surnombre d'actifs ! Un revenu garanti, qui s'impose dès lors qu'on passe de la sécurité sociale au développement humain, générerait sans doute une classe supplémentaire d'inactifs, à l'importance difficile à évaluer, mais, bien qu'ils aggraveraient encore un peu la pénurie de main-d'oeuvre, ces assistés, condamnés par toutes les droites, pourraient avoir pourtant eux aussi un effet bénéfique sur la société, notamment sur le long terme (formations et recherches au long cours, expérimentations, eSport, jeux, politique, associations, dévouement, etc). En tout cas, les projets de revenu minimum inconditionnel se multiplient un peu partout et seront plus faciles à financer avec un chômage en recul.

J'y insiste depuis longtemps, bien que nécessaire, un revenu garanti n'est pas suffisant et doit être complété par les institutions du travail autonome et de l'économie locale, qui font partie des institutions de base du développement humain. J'ai défendu pour cela des coopératives municipales mais qui peuvent prendre d'autres formes, éclatées en différents organismes et plateformes numériques. On peut du moins raisonnablement espérer que le développement humain finisse par rendre l'économie moins insoutenable en sortant du productivisme, du simple fait qu'il permettrait à plus de gens de s'affranchir du salariat sans perdre leurs droits sociaux et qu'il donnerait une large place aux services et au local.

Tout cela n'est pas assuré. Même s'il imprime déjà sa marque, le développement humain est une tendance à long terme, plus qu'une réalité présente, et peut subir de nombreux revers. Ce n'est pas non plus de la science-fiction pour autant mais une réelle possibilité de notre avenir au milieu du désastre (et de la solidarité des catastrophes). Il s'agit de prendre au sérieux le fait que la liberté n'est pas donnée ni sans cause, qu'elle n'est pas naturelle ni expression de soi ("devenir ce qu'on est" !) mais qu'elle est bien une liberté conditionnée par l'environnement et des moyens matériels ou humains, conditions sociales nécessaires pour améliorer ses compétences, valoriser ses points d'excellence, ses talents ou juste le plaisir qu'on prend à les exercer. Cet objectif social de développement humain se distingue bien d'un développement personnel individualiste et ne se réduit ni au revenu garanti ni même aux institutions du travail autonome, ce nouveau paradigme devant irriguer toute la société. Ainsi, de façon inattendue, il se trouve dès maintenant pris en charge par de plus en plus d'entreprises considérant leur personnel comme leur principale richesse, constituant possiblement l'avant-garde d'un avenir du travail plus humain peut-être - mais pas pour tous comme toujours ?

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11 réflexions au sujet de “L’avenir du développement humain comme libertés concrètes”

  1. Optimiste, réaliste, pessimiste ?
    Difficile de positionner cette publication, je la trouve équilibrée entre les trois même si mes expériences et mon vécu m’amènent à voir des urgences et des importances différentes.

    Mais d’abord juste pour l’évacuer rapidement regardons le terme « liberté conditionnée » qui dans le texte se pare de variantes comme libertés réelles, concrètes, pratiques, d’action, voire de capacités, mais peut être n’ai je pas saisi toutes les subtilités. (Suis je le seul?)
    Avec mes mots, la liberté conditionnée devient un ensemble d’espaces de liberté. Plusieurs espaces car il trouvent leur source soit dans l’individu, la société, ou la civilisation.
    J’ai en tête un bref exemple qui met en jeu les trois aspects : en tant que citoyen Européen je peux aller habiter dans le pays de l’UE que je veux, la société m’offre un espace de liberté, je dispose de moyens de transports adaptés, avion, train, automobile, bicyclette etc, la civilisation m’offre un autre espace de liberté et en tant qu’individu je peux par exemple estimer que je peux m’établir dans des pays dont je maîtrise la langue, mes capacité individuelles m’offrent un autre espace de liberté.

    Nous sommes là dans le concret ce qui ne met pas en cause le fait que je n’ai pas choisi mes gènes (aucune liberté individuelle), ni ma nationalité (pas de choix dans la liberté sociétale), ni le siècle de ma naissance (aucune liberté dans le choix du niveau de civilisation).

    Ma compréhension de la liberté conditionnée se résume ainsi à l’ensemble de ces espaces de libertés qui m’ont été imposés. Merci de me corriger si je me trompe.

    J’aimerai revenir sur l’équilibre global de la publication avec mes mots.
    Différentes forces sont en jeu, l’intelligence collective de l’humanité génératrice de progrès et qui permet aux civilisations de progresser, l’ego des individus qui se transforme en ego des groupes à la source de bien des tensions/inégalités entre individus ou nations. Il y a d’autres aspects humain : propension à croire, curiosité, etc mais ils sont en partie annexes dans ce débat. C’est ce conflit permanent entre l’intelligence collective et les égos qui est notre quotidien. Nous semblons bien d’accord qu’il faut renforcer l’une et diminuer les autres ou tout du moins leur pouvoir de nocivité.

    L’urgence est donc pour moi géopolitique et politique, tant que nous n’arrivons pas à éjecter du pouvoir les égo hypertrophiés de ceux qui le trustent, le reste est illusoire. Ensuite comme la répartition géologique de l’énergie que nous utilisons est totalement aléatoire et attire les égos malsains, il est urgent de réaliser une transition énergétique qui nous sorte du piège dans lequel la géologie nous enferme. Pour moi c’est dix fois plus urgent que n’importe quel réchauffement climatique. Je me retrouve donc bien dans cette phrase « S'il est peu probable qu'on sombre dans un chaos total à la Mad Max, il n'a rien d'impossible qu'on connaisse des années très régressives de tentations autoritaires face à l'immigration massive et la concurrence mondialisée » à laquelle j’aurai bien ajouté le contrôle de l’énergie et le pouvoir qui va avec.

    Désolé d’avoir été aussi long.
    Bonne soirée.

    • J'essaie effectivement d'être réaliste, dans la lignée des articles précédents "Le progrès humain", "La beauté sauvage de l'évolution" et "L'avenir n'existe pas, il n'y a que des temporalités multiples", c'est-à-dire de ne pas peindre tout en noir ou en rose mais de penser les deux ensemble, ce qui ne plaira ni aux optimistes ni aux pessimistes.

      La liberté est effectivement une liberté d'action, pas une liberté de se choisir soi-même ce qui n'a aucun sens, pas plus qu'une liberté acausale qui en plus d'être impossible serait vraiment stupide d'agir sans cause ni raison (c'est l'acte surréaliste de tirer dans la foule qui est le summum de la débilité et n'est pas sans cause à vouloir faire le malin en prétendant affirmer sa liberté). Pour Kant la liberté est d'agir conformément à sa raison, liberté très contraignante loin d'être sans cause, ce serait aussi commencer quelque chose, une nouvelle chaîne de causes, mais l'idéal de liberté et de désaliénation n'est que de la frime à poursuivre une chimère, ce qui n'est pas le cas de vouloir augmenter sa liberté réelle et de se libérer des dominations afin de pouvoir faire ce qu'on voudrait faire.

      Je ne crois pas non plus que la géopolitique puisse être ramenée à des problèmes d'ego alors qu'il s'agit de jeux de puissance inévitables, qui ont toujours eu lieu avec des conséquences funestes qui n'empêchent pas l'évolution de continuer (la guerre est le père de toutes choses).

      • Bonjour

        Je comprends mais je tique toujours sur le mot liberté, quelle que soit la personne qui en parle. Cela reste pour moi une illusion. Si cela n’avait pas de conséquences je ne m’en soucierais pas mais cette illusion étant plus forte chez certains, notamment chez les egos trop développés, sans parler des croyants , j’ai du mal à en faire abstraction.

        « vouloir augmenter sa liberté réelle ... afin de pouvoir faire ce qu'on voudrait faire. » Le mot liberté me semble inadapté, je vois là, désolé pour l’image, un engrenage ou un vilebrequin auquel il faut laisser de l’espace dans le carter si l’on ne veut pas d’ennuis. Le vilebrequin tourne, est ce vraiment une liberté réelle ou un devoir, une fatalité, une nécessité, je ne sais pas. Mais le mot liberté me semble porteur d’un sens trop lourd pour décrire la situation que je vois et je vis.

        Il y a 20 ans, j’aurais dit comme vous : « Je ne crois pas ... que la géopolitique puisse être ramenée à des problèmes d'ego ». Au gré de rencontres et de lectures j’ai profondément changé ma vision. Certains profils psychologiques ont une importance démesurée dans nos sociétés parce qu’ils trustent les postes de pouvoir. Les travaux du docteur Robert Hare sont assez récents, les travaux sur les narcissiques le sont encore plus et les travaux sur l’intelligence collective sont encore embryonnaires. J’ai peut être un prisme déformant devant les yeux, ou j’ai maintenant de meilleures lunettes, je ne peux rien vous garantir. Ma vision de la liberté m’empêche d’insister et d’essayer de vous convaincre que j’ai raison. Je partage ce que je vois, à travers mes verres déformants, rien de plus.

        J’aime beaucoup les points de vue réalistes, j’aurai du plaisir à vous lire.
        Bonne continuation

  2. Développement humain, liberté concrète mais conditionnée : içi à chateaubriant le cinéma a préféré fermer ses portes plutôt que d'accueillir des descentes de gendarmerie armée pour contrôle des pass' (2 contrôles successifs en pleine séance). Qui fixe les conditions de la liberté? Qui fixe les compétences requises? Autre exemple : dans l'enseignement les méthodes de benchmarking effacent petit à petit toute référence à un art de faire et de penser : une fois de plus compétences et critères d'évaluation font ressembler, sous forme d'un tableur excel, tout travail à un procès industriel (just in time just in place). Je le vois également sur mes pauvres chantiers : Ceux qui fonctionnent encore sur un mode artisanal (humain) comprennent de moins en moins les exigences fixées par en haut, ceux qui adoptent le procès industriel se réfugient derrière de l'administratif pour se déresponsabiliser et "chinter" vos propres directives en vous tenant volontairement à l'écart. Non je ne crois pas à votre développement humain : ni à court terme ni à long terme. N'êtes vous pas complètement idéaliste, dans les bulles que vous dénocez depuis plusieurs années? Sincèrement. (Il faut dire que la lecture de votre texte, après consultation des dernières vidéos semi-délirantes de mehdi belhaj kacem, ça fait comme un choc).

    • On n'est effectivement pas dans la même bulle et je ne suis pas du tout étonné que ce que je dise soit comme souvent difficile à avaler mais il ne s'agit pas d'idéal, il s'agit d'un processus réel en cours depuis quelque temps et qui est soutenu par l'ONU mais surtout par l'infrastructure matérielle, ce qui n'empêche pas en effet qu'on est loin de compte et pas à l'abri de régressions, il y en a incontestablement, mais il ne faut pas idéaliser le passé. La situation des travailleurs et des femmes n'est plus celle du XIXe. Il y a de quoi craindre le pire mais cela n'empêche pas des progrès réels. Pour des raisons matérielles. Ce qui ne garantit pas pour autant que cela se passe bien, jamais gagné d'avance.

      • Nous sommes divisés (vous ne cessez de nous le dire). Il faut remplacer "développement" par efficacité. Et "liberté" par rayon d'action individuel. Approche beaucoup plus froide, scientifique, qui est une critique à double-effet kiss-cool de toute narration. Effort de pensée cruel, implacable effectivement. Et pourtant vous ne cessez de dire que le récit est premier pour comprendre le monde. Il faut donc arrêter de se raconter des histoires, et attendre que la réalité se cale sur l'idée qu'on s'en fait pour être heureux (idéalisme de fainéant). Cependant être réaliste est un effort d'aliénation volontaire. Effort d'objectivité qui nous constitue comme sujet. Mais plus l'on est "sujet" moins l'on veut être seul, moins l'on veut désespérer, ce qui est assez dur en fait, on en revient à la division et à la séparation. Une chose est claire : je tourne en rond.

        • Il est certain que "développement humain" peut paraître trop beau pour ceux qui ont une vision idéalisée de l'humain (comme les situationnistes ou les croyants), ce qui n'est plus mon cas.

          De même l'utilisation du mot développement indique sa dimension économique, comme pour le développement durable, mais pour se substituer au simple profit en se situant en amont de la production, au niveau de la formation. Il y a pas mal d'écologistes qui dénoncent ce mot de développement comme origine du mal, confondu avec la croissance matérielle, mais d'une part le développement est un fait qu'il ne suffit pas de condamner et que le développement humain permet de réorienter, d'autre part il s'agit bien d'un développement de capacités, d'un accroissement de compétences et de libertés d'action.

          On peut penser que ce n'est pas l'humanité qui est ainsi augmentée, selon la définition qu'on en a (communauté, solidarité, don, amitié, spiritualité, etc) mais ce n'est pas si faux si l'humanité est bien le produit de ses outils (il n'est pas si facile cependant de se penser comme effet au lieu du récit de soi comme cause opprimée).

          De toutes façons, il n'est pas question de changer un nom dont on cherche à montrer l'influence effective qui se renforce depuis des années, même si ce n'est certes pas l'utopie rêvée (on est toujours seul, étranger en terre étrangère et sans autre espoir que d'éviter le pire. Il y a toujours séparation). En faire le récit historique ne permet pas d'en faire autre chose que ce que c'est de façon très concrète et prosaïque sans promesse de salut, sauf à se raconter des salades "pour être heureux" (même si l'indice de bonheur brut n'est pas sans pertinence).

          • Du point de vue matérialiste que vous aimez défendre (à juste titre) le développement humain et la liberté concrète se traduisent par l'arnaque des pauvres à l'assurance auto et le bullshit de l'art contemporain officiel. Vous ne faites que décrire ce qui se passe, ce qui nous arrive, notre seule puissance tenant dans la capacité d'en faire le récit, c'est-à-dire de le théoriser. Ce qui voudrait dire, à bien lire vos nombreux textes, qu'on ne réalisera pas la philosophie, on ne transformera pas le monde. Il n'y a pas de sujet révolutionnaire, mais seulement un agent humain. Cette grande mécanique générale ne donne pas envie de défendre ses conditions de travail ou ses conditions d'existence puisque tout y semble justifié. Or : on voit bien que ça ne va pas, notre vie n'a pas lieu dans la grande histoire, reste entière la défense de nos conditions de travail et d'existence sans donner trop d'excuse à la cause finale. Je suis de plus en plus gêné par le caractère téléologique de vos articles.

  3. "Il faudrait indéniablement une transformation profonde de l'économie pour qu'elle devienne plus soutenable à long terme et affronte le pic démographique mais cela n'a rien de facile et surtout prendra beaucoup de temps"

    Je pense aujourd'hui que le levier de cette transformation est l'agriculture ; c'est sur l'agriculture que repose les sociétés. Les nouvelles approches de l'agriculture ( agriculture du vivant ) induisent des transformations techniques , cognitives ,culturelles , économiques , sociales ....En profondeur ; c'est une agriculture productrice de biodiversité (végétalisation massive ) , de climat ( capture du co2 , d'organisation économique sociale et démocratique nouvelle.

    • Je suis d'accord, l'agroécologie est vitale, c'est sans doute le pilier principal avec la reforestation, mais cela échappe à l'action de la plupart, le pourcentage des agriculteurs étant devenu très faible (même s'il devrait augmenter?). L'économie locale et les circuits courts concernent plus de gens et l'agriculture en est aussi un des piliers mais changer l'agriculture est bien plus urgent que le reste, sans pouvoir aller aussi vite qu'il le faudrait.

      • Le nombre d'agriculteurs ne peut que continuer à s'affaisser, malgré une demande certaine vers cette activité ; cela s'inscrit dans la matérialité de la logique de l'agriculture industrielle . L'agro écologie s'inscrit ,elle, dans une toute autre logique sur laquelle peut s'appuyer un contre système . Pour que cela puisse s'opérer il faut un vrai projet - planification politique reposant sur une réappropriation du foncier au fur et à mesure qu'il se libère par les acteurs publics privés des territoires , des formations -installations massives de paysans-artisans, micro industries par le biais de coopératives d'activité ; tout ce petit monde , s'engageant volontairement dans une mission individuelle et collective , capturant du carbone , produisant massivement du végétal et de la biodiversité à des fins alimentaires,, vestimentaires , énergétiques, de santé ....Des matériaux pour l'habitat etc A la diversité végétale inscrite dans la permaculture caractérisant l'agro écologie correspond une permaculture sociale ; une multiplicité de micro activités , de créateurs individuels s'inscrivant dans une démarche commune ancrée dans une relation nouvelle avec la terre que porte le projet agro écologique comme seule réponse concrète et efficiente aux divers enjeux actuels ; c'est selon moi la seule arche encore disponible avant des basculements , qui sans pouvoir les prévoir dans les détails seront à coup sûr très très douloureux . Pour avoir quelque efficience, ce projet bien qu'inscrit dans le local des collectivités territoriales doit être impulsé à l'échelon national . L'idéal c'est qu'il s'inscrive dans une programmation politique au niveau des élections présidentielles . Ce qui bien sûr ,au regard des réalités actuelles, est à ce stade , complètement irréaliste.

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