Religions | Sciences | Politiques |
Bien que sujet à tous les malentendus, je crois que cette histoire des religions est tout à fait sans équivalents dans sa concision et malgré les inévitables défauts de ce parti pris. La possibilité de penser ensemble les grandes religions est ici l'essentiel. Bien que tout soit forcément "discutable" en ces matières, elle me parait indispensable justement pour ouvrir une discussion qui est inexistante et qu'on ne peut éviter dans notre actualité. Il n'y a bien sûr aucun appel à l'obscurantisme mais à restaurer la fonction linguistique de la garantie dans sa clôture religieuse. La leçon du structuralisme est qu'il faut rendre consciente la structure inconsciente afin de la modifier. L'histoire des religions est, en soi, une critique des religions reprenant le projet émancipateur du XIXè mais celui-ci se limitait, en fait, à la critique de la religion chrétienne, critique de l'ordre existant. Élargir cette critique à l'ensemble des religions est une réfutation d'un athéisme naturel, primitif, évident, que dément toute l'histoire du XXè siècle, pour rétablir qu'il ne s'agit, malgré tout, que d'une autre forme de religion, d'idéologie, soumise à l'histoire sans que cela nous dispense en quoi que ce soit d'abolir l'ancien ordre établi.
Le florilège de l'Hermétisme réhabilite la tradition et la réflexion théologique refoulée par le christianisme. La remise en cause sérieuse du christianisme exige, en effet, de montrer sur quoi il s'appuie et ce qu'il a recouvert mais aussi de prendre la mesure de la créativité religieuse qui précède les grands bouleversements religieux.
Ce qui frappe dans l'étude de l'antiquité, c'est qu'une
grande différence de figurations, de préceptes, de civilisation,
ne s'opposait pas à une grande unité de pensée des
prêtres ou des sages, contacts réciproques et traductions
des mythes pour aboutir, à l'époque hellénistique,
au syncrétisme des religions d'Orient et d'Occident (on pourrait
dire la même chose pour l'époque actuelle dominée par
des monothéismes à la fois très ressemblants et attachés
à leurs divergences. Pour Lévi-Strauss le mythe est toujours
"dérivé
par rapport à d'autres mythes...Il est une perspective sur une langue
autre" p576).
Il s'agit de bien distinguer les trois types de discours. Le discours pratique à efficacité immédiate, le discours théorique qui doit rendre compte de l'univers du discours, de sa possibilité, d'un point de vue exclusif de tout autre (Théologique, Scientifique ou Moral), sous une forme axiomatique, sceptique ou dogmatique, c' est-à-dire ne rendant pas compte, de lui-même comme discours. Le discours philosophique, enfin, qui se spécifie, au contraire, de rendre compte de sa propre énonciation, de sa position historique et sociale, soumettant sans cesse son propre discours à la critique, dans le rapport dialectique à l'Autre.
L'idée de Justice a trois formes consécutives : la Justice (thétique) d'égalité du Maître, la Justice (antithétique) d'équivalence de l'Esclave, et la Justice synthétique du Citoyen (équité).
L'apport de Kojève est d'avoir réintroduit la contradiction dans le Droit et sa fonction arbitrale entre liberté et déterminations. C'est sans doute ce qui manque à la critique de Marx qui est pourtant indispensable pour comprendre la liaison des droits de l'Homme et du capitalisme. Le Droit est d'abord droit abstrait et séparation de l'individu avec sa communauté. Le Droit ne peut se réaliser qu'en retrouvant l'individu concret produit par son milieu et responsable de sa communauté bien que gardant toute son autonomie. Le droit abstrait de l'égalité est droit réel de l'inégalité, comme le droit abstrait de la liberté est liberté de l'argent et perte d'autonomie réelle des hommes.
En même temps que s'écrivait Mein Kampf, Breton et le surréalisme se présentent, les premiers, comme responsables de leurs inconscients et ils sont ici des précurseurs de cette démarche exigeante d'une liberté qui se réclame de l'histoire de la poésie, de la psychanalyse et de la dialectique de Hegel ou de Marx. Contemporains de la psychanalyse, ils entretiennent les équivoques et les espoirs d'un accès à l'inconscient, comme un trésor identifié à la poésie même.
Le résultat concret fut une libération du contenu que ne permettait pas vraiment le dadaïsme destructeur de toute forme mais aussi de tout idéal et, donc, de toute liberté. Breton a permis le foisonnement surréaliste en justifiant simplement l'expression des idées les plus singulières.
Au moment où la société découvre qu'elle dépend de l'économie, l'économie, en fait, dépend d'elle. Cette puissance souterraine, qui a grandi jusqu'à paraître souverainement, a aussi perdu sa puissance.
Le spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images.
Tout discours montré dans le spectacle ne laisse aucune place à la réponse; et la logique ne s'était socialement formée que dans le dialogue.
L'humour, l'ironie peuvent avoir une fonction de critique sociale décapante, rabaissant le prestige du pouvoir, en même temps que l'autorité et le sérieux de la psychologie scientifique ainsi que les idéaux de la réussite. Il n'y a pas que la démocratie dont on puisse se moquer : tous les bureaucrates se ressemblent, en toute dictature, dure ou molle. On appelle cela des chefs !
C'est bien des tares réelles qui sont dénoncées ici et qui sont déjà prises en compte par les nouvelles organisations. Mais la banalité hiérarchique s'étend à tous les liens de dépendances, divers sectes, mafias, clientélismes et chaînes de dépendances dont la société moderne meuble dangereusement sa solitude et la disparition des liens communautaires traditionnels.
Ce texte, plus directement lié à l'actualité peut être considéré comme dépassé désormais (pas complètement mais surtout sur le dépassement du salariat)
L'Écologie a des significations radicalement différentes selon l'utilisation politique qui en est faite. Plutôt que de vouloir rassembler des stratégies antagonistes, elle doit se scinder au contraire en trois tendances contradictoires : l'écologie fondamentaliste et réactionnaire, dont le mot d'ordre est "respectons les lois de la nature" reprenant les argumentations des droites traditionnelles, l'écologie environnementaliste libérale et centriste dont le mot d'ordre est "la qualité de la vie" mais qui n'a d'autre ambition que de limiter les dégâts, l'écologie-politique enfin dont le mot d'ordre est de "prise en compte de la totalité et maîtrise de notre environnement, des conséquences de nos actions sur nous-mêmes".
Comme en toute révolution, l'artiste doit rejoindre le révolutionnaire. Il s'agit de prendre la mesure des moyens qui nous restent. C'est en se situant à la fin de l'histoire de l'art qu'on peut tenter de dire quelque chose de l'art, de son histoire et de son emploi actuel, sans se réclamer d'une autre qualification qu'une pratique sommaire car, c'est le résultat de cette histoire de l'art : la déqualification totale de son producteur. Reste cette indignation qui d'après Juvénal est la véritable condition de l'art. L'histoire de l'art ayant épuisé tout formalisme, il reste pour l'art d'aujourd'hui à se donner des règles formelles mais non pas comme moment (quelconque formellement) mais comme adaptées à son sujet ou à sa destination. Il reste à exprimer les conditions de l'époque, d'un temps qui n'est pas achevé, d'un monde qui n'en finit pas de nous faire mourir. Ce ne peut être que pour le changer.
La coexistence est troublée plus ou moins fortement par la prise de conscience des différenciations entre régimes politiques et socio-économiques ou des disparités entre classes sociales.
Mais dès la défaite de l'un des camps, les coalitions
se relâchent ; dès qu'un ensemble assez grand a pu s'unir
par relative identification et n'a plus à subir de pressions externes
importantes, des divisions intestines apparaissent et tendent à
reconstituer de l'intérieur de nouveaux pôles de décision
ou de suscitation qui détermineront de nouvelles luttes.
Ce parti-pris ne pouvait se satisfaire d'une position d'auteur, d'une nouvelle énonciation singulière s'ajoutant à la série infinie des opinions. C'est pourquoi j'ai voulu renvoyer aux textes historiques eux-mêmes, que je cite abondamment. Il y a lieu, là aussi, de distinguer l'usage que j'en fais ; Il ne s'agit pas de fournir un résumé de chaque auteur. Il ne s'agit pas non plus d'avancer ma propre théorie en la cautionnant simplement par des citations bien choisies mais plutôt de donner les éléments de chaque auteur à partir desquels je soutiens ma position qui n'est pas tout-à-fait neuve, chaque lecteur pouvant se référer au texte original pour en mesurer la pertinence et en dater l'émergence. Mais l'essentiel qui me distingue d'une entreprise éducative est bien l'orientation générale qui ne vise à aucune érudition, aucune totalisation du savoir ni aucune vulgarisation mais bien l'urgence de sauvegarder notre liberté et de penser la nouvelle communauté mondiale. C'est donc un projet politique ne visant qu'à défendre l'idée de liberté et en préciser le contenu.
Sa forme d'anthologie couvrant tous les domaines du savoir est, certes, une ouverture pour l'inculture contemporaine, s'adressant à nos bacheliers et faisant au plus court. C'est bien, aussi, parce que je ne veux solliciter aucune confiance aveugle qui me supposerait un savoir absolu dans tous les domaines (religion, sciences, philosophie, psychanalyse, art, politique, économie), que je renvoie aux textes de chaque discipline. Ainsi l'usage intensif des citations se veut contestation de la notion d'auteur en même temps que nécessité d'inscrire toute réflexion dans une tradition historique contre l'illusion médiatique d'une révélation immédiate, géniale et définitive. La forme retenue est bien une rupture qui se réclame de l'art moderne (collages, détournement) et vise à un nouveau discours, situé historiquement. Cependant, comme tel, c'est bien le contenu qui différencie ce livre d'autres projets dont la forme pourrait sembler proche.
Son contenu se présente d'abord comme une mise à jour du système hégélien (et mise à jour de la mise à jour de Kojève), donnant accès, par ce biais, à toute la tradition philosophique ainsi qu'à la science la plus moderne et aux questions religieuses les plus actuelles. Mais l'essentiel réside dans l'aboutissement politique (Tome 3) d'une action concrète, d'une volonté agissante où Guy Debord sert de guide (maintenant de l'autre bord) pour la défense improbable de nos libertés toujours menacées.
D'un bout à l'autre, c'est l'appel de la liberté contre l'esclavage de la technique, tout autant que l'ancienne servitude volontaire, et la difficile expression de notre communauté la plus réelle, la plus précieuse, la plus essentielle. La valeur de ce livre dépend entièrement de la valeur qu'on accorde à cette liberté et du jugement qu'on porte sur le sort qui nous est fait par l'économie scientifique dominant le monde moderne.
Religions (22 août
1993-Juin 1994)
Philippe de Suarez L'évangile
selon Thomas, Metanoia 1974
Sciences (27 juin 1994-15 septembre 1994) Les références à
Hegel sont notés par un H et, sauf indication contraire, sont tirées
des Leçons sur la philosophie de l'histoire.
Kuhn, La structure des révolutions
scientifiques, Flammarion, Champs 1993
René Thom, Esquisse d'une
Sémiophysique, InterEditions 1991
J.-P. Sartre, Esquisse d'une théorie
des émotions, Hermann 1965
Heidegger, Les concepts fondamentaux de la métaphysique, Gallimard 1992 |
Kojève, Introduction à
la lecture de Hegel, Gallimard, Idées 1971
Kojève, Essai d'une histoire raisonnée de la philosophie païenne, Gallimard, Idées 1968-73 Lacan, Écrits, Seuil 1966
Hegel, Leçons sur la philosophie
de l'histoire, Vrin 1987
Politiques (20 aoüt 1994-20 Novembre 1994) Primo Levi, Si c'est un homme, Julliard,
Pocket 1990
Hegel, Principes de la philosophie
du droit, Gallimard, Tel 1989
Marx, Oeuvres, Pléiade, 1977-1982
Tzara, Oeuvres complètes
tome 1, Flammarion 1975
Guy Debord, Internationale Situationniste,
Van Gennep-Amsterdam
Peter L.J. et R. Hull Le principe de Peter, Stock, Poche 1994 Hegel, Introduction à l'Esthétique,
Le beau, Flammarion, Champs 1984
Charnay J.P., Essai général
de stratégie, Champ libre, 1973
|