Des coopératives municipales pour des travailleurs autonomes

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Comme on le voit bien, colloque après colloque, il n'y a pas du tout d'unité du revenu garanti dont les différentes versions expriment toute une gamme de positions politiques différentes. C'est qu'on ne peut donner sens à un dispositif isolé qui dépend du rôle qu'on lui fait jouer dans l'organisation sociale. Cela peut aller de la simple mesure sociale, d'un palliatif du marché du travail assurant une consommation minimum, jusqu'à l'élément d'un nouveau système de production relocalisé qui change la façon de produire en donnant accès au travail choisi. C'est uniquement grâce à un ensemble de dispositifs faisant système (production, revenu, échange) qu'un revenu garanti permettrait de sortir du salariat capitaliste et de passer de la sécurité sociale au développement humain, mais surtout de la consommation à la production, de la valorisation des marchandises à celle des oeuvres (de l'avoir à l'être comme disent les publicitaires).

Dans cette optique, le revenu garanti constitue effectivement pour beaucoup la condition d'un travail autonome et du travail choisi, ce qui est bien dans ce cas un revenu pour travailler (et qui donc s'auto-finance en partie) même si on ne doit pas y être obligé du tout, condition de la liberté du travail (et de prendre le temps d'élaboration, de formation, d'expérimentation, de soins, etc., sans oublier le temps de vivre évidemment!). La difficulté, comme toujours, c'est de tabler sur la liberté individuelle plutôt que la contrainte mais s'il est exclu d'obliger quiconque à un travail autonome (ni à une quelconque contrepartie productive d'ailleurs), cela n'empêche pas de l'encourager, de le rendre possible, d'y inciter par toutes sortes de mesures.

Ce serait la fonction des "coopératives municipales" de fournir, quand c'est possible, les conditions matérielles et humaines du travail autonome permis par un revenu garanti, offrant ainsi à tous une alternative au marché du travail et à l'emploi salarié dans une entreprise marchande.

La valorisation du travail autonome ne va pas de soi puisque c'est l'opposé de la société salariale défendue par la social-démocratie et les syndicats, et tout aussi éloigné des utopies contraires de la fin du travail. On pourrait y voir une simple lubie d'intellectuel, une prétendue "critique artiste", si ce n'étaient d'abord les nouvelles forces productives, le travail immatériel, le niveau des compétences qui exigent de plus en plus d'autonomie et de motivation des travailleurs. Cette "libération du travail" est aussi ce que les luttes d'émancipation devraient viser après l'échec de la collectivisation des moyens de production ne remettant pas en cause la subordination salariale, après l'épuisement rapide, sauf exceptions, des tentatives autogestionnaires ne transformant pas fondamentalement les rapports de production et vite laminés par la concurrence (et les banques). L'abolition du salariat et d'un travail mesuré par le temps a longtemps été l'objectif final des syndicats et il aurait dû le rester. Sortir de l'aliénation salariale, c'est accéder au travail autonome et produire en dehors du système capitaliste. Seulement, pour cela, il faut donner les moyens de sortir du salariat à ceux qui le voudraient, d'abord par un revenu garanti procurant un minimum d'indépendance financière, mais aussi en les aidant à valoriser leurs compétences et coopérer avec d'autres. L'autonomie est une production sociale permettant de relâcher la pression des nécessités vitales. C'est pour cela qu'on a besoin des institutions du travail autonome pour universaliser nos droits, les rendre effectifs pour tous en fournissant les supports sociaux de l'autonomie à ceux qui n'ont pas de capital.

L'idée de "coopératives municipales" paraît contradictoire, une coopérative étant normalement la propriété de ceux qui y travaillent mais, c'est Bookchin qui en avait forgé l'expression dans le souci de protéger les coopératives de la pression concurrentielle en les municipalisant (sorte de nationalisation mais qui laisserait un fonctionnement coopératif, les décisions financières relevant de la municipalité mais le fonctionnement interne des participants). J'ai simplement rapproché ce dispositif des "ateliers coopératifs" d'André Gorz qui m'en a témoigné son intérêt (y compris en m'envoyant un peu d'argent à cette occasion) mais sans le reprendre vraiment à son compte pour autant. Il avait évoqué, en effet, dans son livre "Misères du présent, richesse du possible" (1997) à la fois le revenu garanti, les monnaies locales et ces ateliers coopératifs. Mon apport se limite à souligner leur complémentarité, qu'ils font système, et à les avoir communalisés, c'est-à-dire d'en faire une fonction politique, de rendre au politique sa fonction de régulation de l'économie, y compris au niveau local (il n'y a de communisme que de la commune). Je n'en dis pas beaucoup plus, sinon que ce triptyque pourrait effectivement constituer la base des alternatives locales à la globalisation marchande, et qu'il n'y en a pas d'autres...

La finalité de ces coopératives municipales est clairement un objectif de démocratisation puisqu'il s'agit cette fois encore de remplacer les privilèges du capital par des droits sociaux, plus précisément de ne pas laisser les travailleurs autonomes, les hommes libres, isolés et vulnérables, ni les coopératives sous la coupe des marchés. C'est une assistance à l'autonomie, le contraire d'un renforcement de la répression sociale et du workfare, mais dont la durabilité et la reproduction dépendent non pas de nos bonnes intentions mais de son caractère productif et de sa capacité plus ou moins grande à relocaliser effectivement l'économie. Les augmentations de salaire et les protections sociales n'ont pu perdurer que par leurs effets positifs sur le fonctionnement économique dans le "cercle vertueux" de ce qu'on a appelé le fordisme et qui n'est rien d'autre que la société de consommation. Sur de toutes autres bases, revenu garanti et coopératives municipales devront faire la preuve de leur viabilité à la fois en terme de production, d'écologie et de développement humain. Plus que leurs justifications morales ou théoriques, ce qui compte, ce sont les conséquences matérielles qu'elles auront. Il ne faut pas se cacher notamment que ces dispositifs devraient produire un certain appauvrissement monétaire et peut-être même une décroissance du PIB, mais les conséquences négatives sur l'économie devraient en être atténuées du fait d'une dépendance bien moindre de la consommation des travailleurs autonomes, sans parler d'une qualité de vie supérieure, notamment par la possibilité ouverte d'un épanouissement dans le travail au lieu de loisirs marchands. Une des difficultés de structures municipales subventionnant des activités économiques, c'est aussi le risque d'entrer en concurrence déloyale avec des artisans ou entreprises locales, ce qui est une raison pour laquelle les activités couvertes par les coopératives municipales ne seront pas partout les mêmes.

Sous le nom de "coopérative municipale" on désigne ainsi une institution locale à laquelle sont assignés plusieurs objectifs concrets : dynamiser les échanges locaux, donner les moyens d'un travail autonome et du développement humain, faciliter les coopérations mais il s'agit bien en premier lieu d'assurer une production. Si aujourd'hui l'ordinateur est le moyen de production universel que chacun peut posséder, ce n'est pas suffisant dans la plupart des cas et les autres moyens de production devraient être fournis par l'investissement municipal - ce qui est l'aspect limitatif de ce projet de propriété municipale des moyens de production. Bien sûr, les coopératives municipales n'ont pas vocation à un quelconque monopole local, pas plus que les monnaies locales ne sauraient se substituer aux devises courantes. On se situe bien dans une économie plurielle en offrant simplement une alternative au salariat, en favorisant l'autonomie dans le travail, de même que la relocalisation est destinée à équilibrer la globalisation, pas à s'enfermer dans son quartier ou son village !

Il n'y a pas beaucoup plus à en dire même si on n'a pas abordé pour l'instant les modes pratiques d'atteindre ces objectifs car ils sont à inventer. Il n'est pas impossible que ce soit une utopie mais la coopérative municipale n'est pas le nom d'un modèle d'organisation plus ou moins idéale, c'est le nom de problèmes à résoudre et qui se posent avec acuité, ne pouvant être résolus par l'organisation économique actuelle : questions du travail autonome, de la relocalisation et de la sortie du totalitarisme de marché à l'ère post-industrielle et de l'écologie. Ce qui contrebalance l'apparence trop utopique ou ambitieuse de ces coopératives municipales et de la constitution d'une économie municipale, c'est qu'elles peuvent s'expérimenter localement et sans tarder, ne supposant aucune restriction des libertés mais au contraire leur extension. Il ne s'agit en aucun cas d'idéologie (non marchande, etc.), nécessitant la conversion des esprits, mais de la volonté politique de répondre à un besoin et surtout que ça marche !

Vouloir entrer plus dans le concret est bien présomptueux, s'apparentant plutôt à de la science-fiction surtout que les formes devraient en être très diversifiées selon les pays, selon qu'on soit en ville ou à la campagne. Les grandes villes constituent d'ailleurs l'enjeu principal puisque cela concerne désormais la majorité de la population mondiale. L'essentiel pour une municipalité qui déciderait de créer une coopérative de travailleurs autonomes, c'est d'essayer de répondre aux objectifs fixés, c'est-à-dire de leur fournir d'abord des locaux ou des ateliers mais aussi des services (formation, assistance) procurés en priorité par des coopérateurs. Une autre fonction importante de la coopérative, on l'a vu, c'est de rapprocher les besoins locaux avec les compétences locales aussi bien dans la constitution d'équipes de production (voire d'entreprises) que dans les échanges locaux (pour lesquels on a besoin aussi d'une monnaie locale), ce qui nécessite une certaine visibilité et des lieux de rencontre ou de rassemblement. A partir de là, l'organisation concrète dépendra forcément des municipalités et des participants.

Plus généralement, il ne faut pas prendre la coopérative municipale comme un modèle prêt à l'emploi, sur lequel j'aurais en plus une espèce de copyright, alors que je ne fais qu'énoncer un certain nombre de nécessités auxquelles elles pourraient répondre. Les coopératives seront ce que vous voudrez en faire, à la fois individuellement et collectivement. Sur le côté juridique, je ne suis pas particulièrement compétent et, là aussi, les formes peuvent être très différentes, entre une simple association municipale ouverte à tous les habitants (ou simplement aux auto-entrepreneurs) et des Scic (Sociétés coopératives d'intérêt collectif) plus rigides.

On peut certes relever quelques points communs entre ces structures municipales et la nouvelle mode des fab labs dédiés à la fabrication personnelle assistée par ordinateur (avec des imprimantes 3D et des découpes laser), ce qui enthousiasmait tant André Gorz. De quoi effectivement constituer l'amorce d'une coopérative municipale mais l'auto-production n'est qu'un aspect du travail autonome, plus proche du bricolage. Ces ateliers municipaux pourraient faciliter la réparation d'objets usagés et la fabrication de pièces détachées, ce qui n'est pas sans intérêt, mais ce nouvel artisanat ne devrait pas couvrir une part majoritaire de l'activité. La première chose à souligner, en tout cas, c'est qu'une coopérative municipale recouvre plusieurs types d'activités, en fonction des compétences disponibles et des souhaits de chacun, les principaux domaines étant de plus en plus du côté de la santé, du service aux personnes, de l'éducation, la formation, la culture, l'information, l'informatique, le divertissement, etc. Cela suppose différentes structures à chaque fois en fonction du nombre concerné mais on voit facilement qu'il est impossible de comparer ce qui sera fait dans les petites ou grandes villes et selon les lieux (restauration, tourisme, etc).

Il ne s'agit pour l'instant que de principes d'action que je suis bien incapable de mettre en pratique à moi tout seul. On ne peut même pas dire que j'y crois vraiment, seulement à la nécessité de donner des supports sociaux au travail autonome et de dynamiser les échanges locaux avec l'engagement de la municipalité dans l'économie locale. Il n'y a pas de truc ni de formule magique ! Beaucoup dépend de l'efficacité de la mise en relation entre l'offre et la demande, de l'organisation de l'échange et de la valorisation des capacités inutilisées. Peu importe le nom ou la forme, on aura besoin d'institutions plus ou moins équivalentes, liées au territoire et protégées du marché pour réduire la précarité, permettre le développement des activités autonomes, favoriser les échanges locaux et la coopération des habitants.

S'il n'est donc pas question de fournir des recettes pour les marmites de l'avenir, il faudrait du moins se convaincre qu'il n'y a pas d'autres alternatives que cet ancrage dans le local et la démocratie de face à face pour réinsérer l'économie dans le social et le politique. C'est la seule raison de prêter attention à ces propositions improbables prenant le contrepied de tout étatisme en partant de la motivation et de l'autonomie des travailleurs.

Ecrit pour le collectif PouRS (POUrs un Revenu Social) et la publication de leur colloque du 31 mars.

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22 réflexions au sujet de “Des coopératives municipales pour des travailleurs autonomes”

  1. admettons : on a quelque part en France , un local avec l'eau et l’électricité et des petits financements ( de quoi être de bons travailleurs pauvres à l'ère de l'information) . on est sur un territoire avec des pb donnés , que faire et comment s'y prendre ? la question reviens aussi à choisir un bon nom de baptême : l'art moderne a dit jadis qu'il fallait "construire l'hacienda" ! la psychothérapie institutionnelle parlais de club thérapeutique , Rogers de groupes de rencontre dans sa psychologie humaniste centrée sur la personne ! la pédagogie institutionnelle de classe coopérative , tiqqun de communisme et sans doute de maison du peuple : leur "communes " !! les institutionnalistes Vincennois disent éducation populaire et ghetto neurone , et les pirates disent vaisseau fantôme (squat, terrain aménagées en habitats légers , zone autonome temporaire auquel fait écho la zone d’opacité offensive de tiqqun ), debord de conseil ouvriers et la société pollen recherche une ruche . c'est en fonction des richesses et des misères d'un territoire et de ce que l'on veut collectivement en faire que l'on s'orientera et que l'on choisira les bonnes options , et le bon nom , il faut peut être plus voir la coopérative municipale comme une devenir et un avenir local de chaque groupe palabre constitué et possibles . pas de recette , juste un horizons local . mais la question centrale dans chaque cas me semblera surtout être la question de l'hospitalité au sens fort ( avec une dimension presque clinique ) et aussi celle du dialogue entre bavardage et discussion et de l'entente .

    moi ça vaut ce que ça vaut mais ça y est j'ai construit presque entièrement l'hacienda à moi tout seul , mais c'est bien loin de ce qu'il faudrait . comme une squat légalisé dans un logement au confort moyen en zones rurales et complètement souterrain ( c'est au sens fort une "galerie") . je ne suis pas complètement seul à faire des trucs dans le même genre pas ici , il y a aussi une école de cirque et de spectacles vivante et d'art graphique . le magic rock circus . dans mon histoire je me dis il faut voir sur pièce le lieu et ses possibles et voir si en prenant le large ( il faut peut être tenter le passage au nord ouest ? ) on ne rencontre pas d'autres personnes dans des démarches parallèles et à partir du lieu construire les carrefours du labyrinthe , toujours critiques et difficile , pour reprendre le mot de castoriadis , une phénoménologie ludique et astucieuse du lieu et de son esprit mais aussi de ses fièvres par lesquelles on y parvient parfois à se créer un nouveau sol comme dans toute bonne histoire de vie collectives et d'éducation populaire !

    l'hacienda et son petit rébéthico des instants tragi-comiques , dans la pulsative ambiance de fête des opprimés et les mélodies épiciées et métissées en créolités pirates ! quoiqu'on en dise dans le tube cathodique , on est tous des groupuscules , rien à branler !! et rendez vous sur le macadam
    quand les rues transpirent et la ville s'écrie , s'écrit , tente collégialement de se raconter sans trop se la raconter : dire notre histoire , nos mémoires , comment on habite le présent et on investir le futur . il ne faut pas avoir peur de parler son dialecte , même si les les bizarreries sont vites misent de côté dans ce monde fiévreux fuyant et fragile ; si sombre pour l'esprit ! parfois le ghetto produit des trésors , et les dévore ! un petit détonateur , une hacienda , dans la vraie vie et sur Internet : ils appartiennent aussi à ceux qui s'en emparent . dans la brume de l'aurore ! peut être pas encore la solution mais peut être un bon début , prometteur . une petite vérité qui se cherche ...

  2. Une coopérative qui n'est pas municipale n'est pas une coopérative municipale, certes beaucoup plus difficile à faire puisqu'il faut convaincre une municipalité de s'y mettre. En attendant, c'est très bien de constituer des lieux alternatifs mais qui sont plus fragiles. L'article n'est pas tellement optimiste sur la faisabilité mais insiste sur le besoin malgré tout de ces institutions municipales pour la relocalisation de l'économie et le développement humain.

  3. C'est vrai que nous avons besoin d'une révolution sociale après la révolution technique de l'informatique. Et ce que vous développez le revenu d'existence, les coopératives municipales et les monnaies locales semblent bien être le contrepoids au totalitarisme de marché, à une économie en crise voir une civilisation....
    Et cette révolution sociale a besoin de relais politiques sinon jamais elle ne deviendra sociétale. Car si la rationalisation et le libéralisme ont eu une utilité c'était bien de diminuer le temps de travail et augmenter les libertés entre autre le loisir de l'homme. Mais quand aujourd'hui le travail n'est pas accessible à tous, le temps libre ne sert à rien sans moyens de consommer.... Sans compter que la pénibilité du travail n'a pas disparut quand elle est moins physique elle est davantage psychologique! Et puis que tout travail n'est pas rémunéré et qu'il faut bien débloquer des énergies pour s'attaquer à la crise environnementale et énergétique. Sortir des énergies fossiles.... Bref je ne fais peut-être que vous paraphrasez mais je milite quand même à mon niveau pour ces mêmes idées, que le travail ne soit plus conditionné au salaire, à l' entreprise, et même au métier. Il est plus que temps que le travail devienne autonome et c'est à chacun et tous de s'emparer de cette question et d'en faire une priorité politique.
    Que pensez vous à ce sujet du film de D.Häni et E.Scmidt sur le revenu de base? http://www.dailymotion.com/video/xg...
    Merci

  4. Toutes ces questions sont très pertinentes. Pour ma part, je suis partisan de construire (le mot n'est pas terrible) des lieux, des démarches locales et voir ce qui accroche, en discuter. En fait il faut pas mal bosser. Mais quand c'est choisi, c'est tout autre chose.

  5. Je ne suis quand même pas très optimiste. Comme je le dis dans le texte, je n'y crois pas vraiment seulement à la nécessité de ces dispositifs mais il faut sûrement attendre que la crise s'aggrave pour s'y mettre. Je trouve cela un peu déprimant de ne pouvoir répondre aux demandes que je reçois de création d'une coopérative municipale, comme si c'était un club sportif ou une franchise dont j'aurais le mode d'emploi. Cela ne peut que décourager ceux qui veulent s'y mettre devant tant d'incertitudes. J'ai l'impression de me trouver comme les premiers économistes suggérant que l'économie pourrait être régulée par le politique, ici par le local ce qui paraît aussi saugrenu qu'à l'époque quand il manquait aux Etats tous les instruments d'une politique économique. Je suis loin d'être un propagandiste et n'ambitionne qu'à être utile par ces réflexions exploratoires lorsque le problème se posera à d'autres, dans quelque temps peut-être, peut-être très bientôt car l'effondrement qui tarde tant peut se produire à tout moment désormais (d'autant plus avec ces interminables élections jusqu'aux législatives).

    Sinon, le film sur le revenu de base est un très bon film, sans doute le meilleur sur la question. Je ne l'ai pas revisionné mais il ne me semble pas que la question des moyens de production et du soutien pratique au travail autonome soit abordé, ce n'est pas le sujet et si je suis identifié à cette question, c'est uniquement que personne d'autre ne s'en soucie. Je préférerais qu'on soit plus nombreux, jusqu'à en être banal, à se poser concrètement des questions comme le travail autonome et la relocalisation au lieu de s'en tenir au baratin des justifications morales. L'économie a beau voir augmenter toujours plus la part de l'immatériel, c'est du concret, de l'effectif, pas des beaux discours. Il faut que ça marche et on sait comme il est difficile de dompter la sauvagerie des mécanismes économiques qui ne se plient pas à nos quatre volontés pas plus qu'à nos bonnes intentions.

  6. Malgré une présentation assez modeste, on peut mesurer l'ambition révolutionnaire considérable portée par ce projet de coopérative municipale. Il s'agit d'une proposition "d'exode" radical de l'économisme et de l'utilitarisme ambiant qui produisent tant d'exclusion et tant d'aliénations vers la fin de l'exploitation "animale" de l'homme par l'homme, vers le travail autonome et la mise en synergie choisie des talents.
    On est ici loin des thèmes dominants de cette campagne de chiffonniers, sauf peut-être de certains thèmes portés par les verts. Presque toutes les forces politiques veulent faire notre bonheur malgré nous et vous nous rappelez ce non sens.
    Je ne vois rien de déraisonnable ni rien qui ne soit à notre portée dans ce projet de coopérative municipale à développer pratiquement. Pourquoi n'aurait-il pas autant de succès que le mouvement des indignés et pourquoi ne pourrait-il pas être une des formes qui lui donnent une suite pratique? C'est tout le succès que je souhaite à ce projet enthousiasmant.

  7. Bonjour à tous,

    une expérience locale:
    http://www.youtube.com/watch?v=JqeN...
    comme parfois, j'ai un peu de la bouillie dans la bouche, je précise quelques points ( dont certains ne sont pas évoqués dans le " clip " ):
    notre collectif s'appelle la ZAP ( Zone d'Activités Poétiques ), basé dans une ancienne école maternelle, à Esmes, hameau de quelques habitations, de la commune de Montesqieu/Ste Thècle ( 82 ). Il a été créé en 2009 & compte aujourd'hui 12 membres: 4 enseignants ( 2 en lycée professionnel, 1 en lycée général & 1 dans le privé ); 1 ouvrier; 1électricien; une graphiste; 1 informaticien; 1 agent immobilier; une orthophoniste; une employée; 1 artiste/auteur. Autour de ce noyau dur, gravitent des étudiants, un éducateur, une bibliothécaire, 1 agriculteur...
    Notre devise, empruntée à Robert Filliou: " L'art, c'est ce qui rend la vie plus intéressante que l'art ". Et pour se faire, nous proposons régulièrement des Sessions ( que nous assurons et/ou avec des invités/amis ): siestes poétiques, concerts, marionnettes, musiques improvisées & images mixées live sur un thème donné, ambiances ( maison hantée, rétro-futuriste... )... Le lieu est en constante mutation & toutes les sessions sont en libre participation pour les visiteurs ( et en essayant de les impliquer dans les futurs processus ).
    Quelques données:
    nous avons signé une convention avec la mairie, nous offrant la libre jouissance du lieu ( magnifique ) & carte blanche artistique. Pour info, la négociation a été conclue en une quinzaine de jours & l'accord voté à l'unanimité au conseil municipal ( divers droite ), alors qu'après 6 mois de négociation avec une autre mairie ( PS ), dans le cadre de l'intercommunalité, rien n'a jamais abouti ( mais elle nous accorde généreusement 400 euros de subvention annuelle )... De mes contacts avec les différentes instances officielles ( conseil général, conseil régional ), il n'y a rien à attendre ( leurs promesses - verbales - n'ont pas été tenues; ou bien il faut proposer un GROS projet unique ( type festival ), ce qui n'est pas du tout notre but... Il faut donc assurer soi-même une autonomie maximale à la structure ( avec les cotisations des membres & les dons divers ). Avant & après, il faut viser un idéal ( différent d'une utopie ) & prendre les mesures qui vous en approchent ( & déterminer celles qui vous en éloignent ).
    Et notre ZAP n'est qu'une première étape vers des dispositifs plus diversifiés ( & pourquoi pas vers une sorte de coopérative municipale )...

  8. Ces périodes électorales sont toujours pénibles. On a l'impression d'entendre sans arrêts les mêmes choses. Il faut bien reconnaître qu'en huit heures maximum tous les candidats pouvaient sans problèmes présenter leur analyse et leur propositions. Et là, ça dure des mois ...
    Surtout que finalement il continuent a penser leur programme en fonction des outils que leurs fournissent les institutions sans se rendre compte que ces outils n'ont quasiment plus d'efficacité sur les problèmes à traiter, quand ils ne sont pas carrément contre productifs. je suis bien d'accord qu'Il n'y a plus grand chose d'autre à faire que de se coltiner le réel local et que c'est pas facile tout en votant pour le moins pire.

  9. @jean songe : Cette Zone d'Activités Poétiques paraît très sympa. A première vue, ces activités artistiques n'ont pas grand chose à voir avec une coopérative municipale mais cela apporterait incontestablement un plus, une sorte d'animation locale qui pourrait être décisive pour la réussite du projet. La présence de personnes dynamiques est évidemment cruciale et il y a toujours développement parallèle de l'économie et des arts.

    Tout en soutenant cette démarche, je dois dire que si cette tendance COBRA correspondait exactement à ce que je voulais faire (à ce que j'ai fait quelques fois), j'en suis beaucoup plus éloigné maintenant, trouvant qu'on est menacé par le simple passe-temps insignifiant, voire le jardin d'enfant, ou alors par le théâtre, l'hystérisation et la pensée de groupe. Je ne supporte plus les groupes, question d'âge sans doute, la pensée et la création exigeant temps long et solitude (il y a quand même des moments - rares - d'improvisation collective très excitants). Le fait de se situer dans le cadre démocratique ou républicain de la municipalité n'évite pas vraiment ces risques mais me semble plus acceptable d'être déterminé par le territoire plus que par l'amour qui nous tient ensemble. Il est bien sûr préférable d'avoir une bonne ambiance dans une coopérative comme dans une municipalité mais c'est mieux de savoir qu'on n'est pas là pour cela (ce qui n'est pas une raison de ne pas laisser toute leur place à ces Zones d'Activités Poétiques, juste de ne pas confondre les registres).

  10. @Jean Z., bien sûr, on est dans un autre registre, parallèle. L'idée ( qui n'est pas nouvelle ), c'est de pas séparer la vie ( dans toutes ses composantes ) de l'art, & de montrer qu'il existe d'autres façons de créer, & de préférence ensemble ( j'ai passé plus de 10 ans enfermé à écrire & j'ai fini par étouffer ). On n'est pas dans le passe-temps ou le divertissement, mais dans l'enrichissement de la vie, chercher ce que Dubuffet nommait: " les traces brûlantes de la vie ". Et c'est un espace autonome qui permet de se rencontrer, de dialoguer, & d'élaborer des projets. Quand nous avons commencé, la plupart des membres ne se connaissaient pas ( j'étais le lien de tous ), & c'est vraiment le désir de créer un lieu " vivant ", ouvert, décloisonné, & de l'habiter artistiquement, qui nous a rassemblés. Ce n'est qu'un début...

  11. Comme cela peut être utile et compléter le texte, je recopie ici des réponses que j'ai faites pour un projet de coopérative municipale :

    Il est bien évident que les producteurs visent à vivre de leurs produits. Il ne s'agit pas d'une machine à empêcher le profit mais à donner accès au travail choisi à ceux qui n'ont pas de capital. Si une décroissance en est attendue, elle n'est pas forcée mais une conséquence du gain d'autonomie dans le travail.

    Les coopératives municipales sont destinées à aider les travailleurs autonomes, notamment à travailler avec d'autres. Rien n'oblige quelqu'un à quitter la coopérative même si ses affaires marchent bien mais il ne faut pas l'empêcher non plus. On peut donc penser qu'une bonne part de ceux qui marchent bien et n'ont plus besoin de garantie du revenu ni d'aide à la création d'entreprise voudront s'autonomiser de la coopérative et rejoindre la sphère marchande. Il s'agit d'étendre la liberté dans une économie plurielle, pas de la brider, mais cela n'empêche pas de valoriser le fait de gagner peu et de rester dans le cadre coopératif (le but étant quand même que le plus grand nombre y reste mais la liberté d'en sortir est une condition de la réussite).

    Une des solutions possibles étant de doter les coopérateurs du statut d'auto-entrepreneur, lorsque les gains dépassent les plafonds, ils seraient obligés de quitter ce statut pour devenir une entreprise commerciale (c'est une question de taxation). L'autre solution serait de devenir salariés de la coopérative fonctionnant alors comme société de portage.

    Comme toute association, la coopérative peut dégager un profit mais il faut plutôt s'attendre à ce qu'elle soit déficitaire, surtout si elle doit prendre en charge une garantie de revenu (en complément des minima comme le RSA ou autres aides) même si, idéalement, cela ne devrait pas être le cas, il faut bien faire avec l'existant.

    Bien sûr que les activités de la coopérative sont supposées être bénéficiaires, quand c'est possible, qu'elles soit commerciales ou productives même si des activités déficitaires doivent être possibles aussi. Des bourses d'échange peuvent être gratuites mais on se situe bien dans le cadre d'une valorisation des compétences et non pas d'une gratuité généralisée. Valorisation ne signifie pas marchandisation (prix du marché) mais il y a une pluralité de secteurs : le public, l'associatif et le marchand. Il s'agit de s'insérer dans le monde existant comme les villes franches s'inséraient dans un système féodal en échappant à sa sujétion.

    Il y a des services qui s'échangent à l'intérieur de la coopérative, et peuvent être monétisés en monnaie interne, mais les biens et services ont vocation à trouver preneur, d'abord certes dans la coopérative, mais ensuite dans la municipalité, enfin à l'extérieur.

    J'insiste sur la complémentarité avec une monnaie locale mais il est difficile de faire tout à la fois. Commencer par la monnaie locale semble plus facile pour rendre acceptable un revenu partiellement en monnaie locale (il ne peut pas être entièrement en monnaie locale, notamment pour payer l'énergie, le loyer, etc). Il faut insister là aussi sur la diversité, ne pas imposer le même moule à chacun. Il faut s'organiser en fonction de l'activité, au moins par grands domaines (culturel, productif, marchand) selon une tripartition qui n'est pas seulement indo-européenne.

    L'intérêt d'avoir une monnaie interne serait notamment de se soustraire à la tva de même que dans les SEL mais c'est fragile et dépend de l'administration. Il faut absolument profiter de cet avantage autant qu'on le peut puisque c'est un des leviers de la relocalisation, la tva fonctionnant comme droit de douane par rapport à la production locale. On ne peut sans doute se soustraire à la tva qu'en utilisant une monnaie locale ou interne, ce qui correspond à la jurisprudence. Que celle-ci évolue en fonction du succès rencontré est plus que probable mais sans qu'on puisse en préjuger exactement. Ce n'est pas sans raisons qu'on l'a toléré, il faut absolument essayer de maintenir cet avantage (ce sera effectivement difficile mais c'est un combat qu'il faut mener).

    Il y a bien peu de chances qu'une municipalité s'engage dans un projet à la fois si ambitieux et si incertain, mais ce n'est pas impossible sur le nombre... Pour les convaincre, on peut jouer sur le fait d'être des pionniers, sur l'expérimentation, mais ce qui compte, ce sont les objectifs de ces coopératives, ce sont ces objectifs qui doivent être validés par les élus (et popularisés auprès des habitants), en premier lieu la relocalisation et la dynamisation de l'économie locale mais aussi le caractère social et l'objectif de développement humain. Il n'est pas sûr que la défense du travail autonome soit un argument convaincant (encore moins la décroissance marchande), c'est pourtant ce qui en fait tout l'intérêt pour l'avenir mais les politiques, qui ne sont plus tout jeunes, se croient encore à l'ère industrielle...

  12. Ce qui est pourtant en phase avec la thèse de bien des économistes qui mentionnent que la part des services augmente, tandis que les emplois industriels diminuent d'autant plus que l'automatisation augmente. Une bonne part des services est locale. Les politiques sont comme toujours en retard d'une guerre.

  13. Sur la condition d'auto-entrepreneur.
    Pour qu'il puisse jouer son rôle, il me semble qu'il serait pertinent que ce soit un statut très souple, qu'on puisse arrêter, recommencer facilement, mais en contrepartie que ce soit moins avantageux sur le plan contributif que pour un artisan par exemple. Ce statut jouerait surtout un rôle de lancement de projets. Ensuite, si ça marche, l'autoentrepreneur aurait intérêt a passer à un statut de TPE/PME et les TPE/PME en place n'auraient rien à y redire. Mais pour ça, il faudrait déjà un mode contributif beaucoup moins pénalisant pour l'emploi pour les PME/TPE, parce que en l'état actuel, le niveau contributif de l'autoentrepreneur devrait être si élevé pour être supérieur à une TPE qu'il serait trop dissuasif.

  14. Je parle de l'auto-entrepreneur parce que c'est un statut existant qu'on peut utiliser tant qu'il n'est pas supprimé. On ne peut pas gagner beaucoup plus que le minimum avec ce statut qui est donc bien un tremplin. Il y a bien sûr contradiction de ce statut avec les droits des salariés (pauvres) et j'ai déjà dit qu'il faudrait interdire aux entreprises d'utiliser des auto-entrepreneurs sur des bases horaires ou d'en avoir plusieurs sur une même fonction. La concurrence avec les artisans est plus difficile à éviter car la "barrière d'entrée" constituait une protection de la concurrence pour les artisans ou professions libérales installés. Dès le moment où l'on n'empêche plus les gens de travailler avec des impôts et charges sociales obligeant à dégager des revenus assez élevés, il y a incontestablement une pression à la baisse sur les anciens travailleurs indépendants mais il restera une différence avec les vrais professionnels. On pourrait croire que moins il y a de chômage et plus il y a de concurrence qui fait baisser les prix mais c'est plutôt l'inverse car moins il y a de chômage et plus il y a de demande, donc de travail mais dans tout changement économique, il y a des perdants.

  15. Parmi les collectifs existants, je voudrais souligner les maisons vertes de Françoise Dolto qui comporte quelques similitudes avec les coopératives municipales, bien que son objet soit limité au domaine social, alors que les coopératives municipales couvrent le domaine productif et le domaine social et même le domaine culturel (avec toutes les réserves d'usages pour l'utilisation de toute grille de classement et de description).
    Dans les maisons vertes, les pouvoirs publics apportent des moyens (lieux+régulateurs) pour que les personnes ordinaires puissent "produire" du capital social de façon très autonome.

  16. En attendant les coop municipales il y a les Coopératives d'activité qui permettent à des créateurs indépendants de se lancer :
    http://www.apce.com/pid648/cooperat...
    Je suis pour la relocalisation mais pas en équilibrage de la mondialisation : il faut une mondialisation orientée vers la relocalisation .
    Pas plus utopique que les coopératives municipales qui ne feront système que si Le système change .
    Pas demain la veille ! Les choses vont changer , l'économie s'ébouler et le reste avec comme sur tous les graphiques avec des pics et des creux mais dans une direction descendante. Je ne suis pas matérialiste : ce n'est pas l'écroulement ,l'affaissement qui nous changera ; il obligera peut être cette capacité de liberté sur le déterminisme qui est en nous à faire quelque chose ? Mais pas sûr . L'idée que c'est quand on touche le fond qu'on remonte n'est pas scientifiquement prouvé : on peu couler . On peut aussi s'y prendre plus tôt ? En tous cas tout faire pour cela .

  17. Les coopératives d'activité sont des sociétés de portage qui peuvent effectivement faire partie des montages juridiques utilisés. Peu importe les intentions avec lesquelles ont s'engage dans la relocalisation, de toutes façons on n'a pas de prise sur la mondialisation qui continue à l'ère du numérique. Avant que le monde entier s'y mette, on a le temps, mais c'est au niveau local que les coopératives font système avec une monnaie locale et un revenu garanti. Il y a des petits systèmes qui peuvent prospérer dans un gros système (il y a toujours pluralité de systèmes) !

    Même si l'homme s'identifie à sa liberté, cela ne le soustrait pas aux déterminismes matériels et sociaux. Je ne vois aucune solution possible à la crise actuelle sans destruction des dettes qui ne peut se faire que sous un mode catastrophique (et se propageant aux USA). Il n'y a certes jamais aucune garantie que ça reparte après mais c'est tout de même biologiquement et économiquement "prouvé" que ces "destructions créatrices" dégagent le terrain pour un nouveau départ (qui peut prendre du temps). Les cycles sont l'un des fondements les plus constants de la nature. Ce qui veut dire aussi qu'on n'en a pas fini avec la globalisation marchande, il ne faut pas en attendre une conversion écologique automatique mais plutôt une nouvelle phase du capitalisme. C'est juste que lorsque plus rien ne marche, on peut trouver ici et là assez de motivation pour s'engager sur de nouvelles voies comme la coopérative municipale. C'est loin d'être gagné mais il semble impossible de prendre un tel risque dans une période ordinaire (condition nécessaire sans être suffisante). Il vaut mieux s'y préparer avant mais cela pourrait venir très vite maintenant après la Grèce, l'Espagne, ça se rapproche...

    Pour le revenu garanti, comme je l'introduis dans l'article, il y a des versions politiques très différentes et là, avec Loic Abadie, on reconnaît l'esprit libéral à son merveilleux objectif d'un revenu assurant une "survie inconfortable" (effectivement avec 500€ !) confirmant que le montant insuffisant caractérise le revenu garanti de droite destiné à faire baisser le coût du travail au contraire d'un revenu suffisant.

    Je suis dans la revue des sciences et n'ai plus beaucoup de temps pour répondre.

  18. Pour rebondir sur quelque chose que tu disais dans un autre article (RTT contre revenus garantis, enfin dans les commentaires) : Il n'y a pas si longtemps j'ai participé à une réunion entre écolos sur le revenu universel, de base, garanti ou ce que tu veux.
    Répartition de la population:
    + de 45 ans : contre
    - de 45 ans : pour
    Aucune exception. Qui d'autre constate ça ?
    Bon évidemment dans les réunion de famille c'est pas la même (plutôt 10% pour, toutes catégories confondues, 30% NSP et 60 contre)
    Mais je remarque de plus en plus la fracture idéologique fondamentale entre les baby-boomers (qui ont connu le plein emploi) et ceux qu'on appelle, de plus en plus à tort, "jeunes".

    Un autre argument pour le revenu garanti : le faible taux d'indemnisation effective des chômeurs en fin de droit.

  19. Moi, j'ai bien plus de 45 ans, donc heureusement ce n'est pas une loi absolue mais c'est vrai qu'il y a une coupure générationnelle due en grande partie au fait qu'on vit une rupture anthropologique (avec les vieux en CDI et les jeunes précaires). Bien que des écologistes comme Jacques Ellul aient défendu une allocation universelle dès les débuts de l'écologie politique, j'ai d'ailleurs, tout comme André Gorz, eu du mal à l'accepter au début, ce qui nous a convaincu, l'un comme l'autre, c'est bien les transformations du travail à l'ère du numérique et donc il est normal que tous ceux qui vivent dans le passé et croient pouvoir réindustrialiser la France ne puissent s'y résoudre (ce serait un renoncement, croient-ils). C'est bien une question d'époque et de changement de paradigme, ce pourquoi aussi c'est une revendication qu'on retrouve dans tous les pays. Il n'y a pas cependant que l'illusion du plein emploi qui nourrit l'opposition (souvent assez violente) au revenu garanti. Quand j'ai travaillé avec les commissions économiques et sociales à l'introduction de cette mesure dans le programme des Verts, j’avais fait cet argumentaire :

    http://jeanzin.fr/ecorevo/politic/r...

    Ceci dit, avec le temps j'ai fini par considérer qu'on ne pouvait défendre le revenu garanti comme mesure isolée et qu'il fallait y joindre les institutions du travail autonome permettant d'en faire "un revenu pour travailler" et la base d'une production alternative relocalisée (d'une sortie du productivisme qui n'est pas l'oisiveté mais le travail choisi, non pas la fin du travail mais la transformation du travail).

    J'en profite pour dire que je suis en train de réécrire l'article sur les coopératives municipales (pour publication).

  20. Bonjour Jean,

    Sur ta première phrase : "Comme on le voit bien, colloque après colloque, il n'y a pas du tout d'unité du revenu garanti dont les différentes versions expriment toute une gamme de positions politiques différentes."

    Certes, mais entre les têtes pensantes du revenu de base et la base militante qui défend l'idée, je pense qu'il y a tout de même un décalage là dessus. Les guerres de chapelles n'existent pas entre les partisans, mais il y a une vraie volonté de travailler ensemble pour faire émerger le débat malgré les divergences sur la mise en place finale de l'idée. Les non théoriciens sont plus dans une logique de compromis à ce que je vois.

    C'est dans cet esprit que nous préparons en tout cas le site http://revenudebase.info dont l'objectif est d'être la caisse de résonance pour tous les partisans du revenu de base en France.

    A mon sens, il n'y a qu'en rassemblant les forces de tout bords que l'on peut réellement faire pression sur le monde politique. Je ne crois pas que l'on puisse arriver à gagner en présentant le revenu garanti comme un projet global. Non que cette démarche ne soit pas intéressante et nécessaire, mais ce n'est pas ça qui politiquement nous fera gagner : on se fera plus d'ennemis qu'autre chose. Enfin, à mon avis...

  21. J'ai effectivement répondu au BIEN que je comprenais très bien que cela n'avait pas de sens de défendre un projet global comme je le faisais quand ils essayaient de faire voter par le parlement européen la reconnaissance d'un droit au revenu. On ne peut pas dire que je sois négatif là-dessus, restant assez discret pour ne voulant pas compromettre les chances infimes de faire voter ce droit en dehors d'une période exceptionnelle. Il n'empêche que le résultat, c'est que ce que je dis (après Gorz) disparaît du paysage sur la nécessité d'un revenu suffisant.

    On sait que ceux qui se déclarent ni de droite ni de gauche, sont de droite. Ainsi, le consensus sur le revenu d'existence abouti à sa version la plus libérale, ce qui veut dire la plus faible. Mettre, pour des raisons purement idéologiques, l'universalité avant le montant mène aux montants les plus faibles, ce qui est un facteur de dérégulation, de petits boulots complémentaires et finalement de baisse des salaires. Ce qui n'est pas de l'idéologie, cette fois mais la triste réalité. Je ne me sens rien de commun avec ceux qui défendent explicitement un revenu insuffisant obligeant à travailler. Comme je le martèle, un dispositif quelconque n'a aucun sens en lui-même mais seulement en fonction du rôle qu'il prend dans un système.

    Je crois donc exactement le contraire, que si on ne présente pas le revenu garanti comme "un revenu pour travailler" adapté à l'ère du numérique (post-industrielle), il n'a aucune chance de s'imposer. Je ne crois pas à la force de l'idée mais à celle des forces matérielles (ce pourquoi je ne me foule pas trop pour convaincre qui que ce soit me contentant de la force des arguments). Si on ne peut pas éviter que le revenu garanti soit insuffisant, il est utile qu'on en donne avant les raisons pour lesquelles ce n'est pas un bon système qui n'aura pas de bons effets. Ce que je développe, ce sont les conditions pour que ce revenu garanti soit productif et grâce à cela universel, tout à l'inverse de l'abstraction d'un universel de pure forme. Il est évident que si on rejette ceux qui ne sont pas d'accord, on obtient une unité de façade.

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