Une rationalité décidément trop limitée

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rationalitéLa situation apparaît sans issue. C'est comme si nous avions atteint nos limites ! Il faut revenir en effet sur la raison profonde d'un échec patent, qui n'est pas seulement le mien, mais celui du mouvement social dans son ensemble, et même de la démocratie tout aussi bien que d'Internet dont l'irruption remarquée sur la scène politique a tout de même tournée court, manifestant sa volatilité extrême ! Il faut se persuader que cet échec ne trouve pas ses causes dans nos ennemis, dans la force de l'économie ou la puissance d'un patronat animé des plus mauvaises intentions, mais bien en nous-mêmes, puisqu'il relève en dernière instance d'un déficit intellectuel, déficit théorique et idéologique flagrant, responsable de la dispersion de nos forces et de l'absence de projet commun.

En effet, ce n'est pas tant un manque de solidarité ni même une passivité soumise devant le spectacle des marchandises qui sont responsables de notre défaite, alors même que les manifestations contre le CPE étaient apparemment "victorieuses". La responsabilité est bien politique, c'est le manque de perspective et d'accord programmatique, d'une alternative crédible et, finalement, un manque d'intelligence collective qui se heurte à notre inorganisation (où même ATTAC sombre), livrée à une rationalité décidément trop limitée et qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez !

Certains trouveront insultant de le reconnaître car il faudrait faire confiance à l'intelligence de nos concitoyens et ne pas prendre les électeurs (ou les spectateurs) pour des cons ! Là où le bât blesse, ce n'est pas seulement qu'on feint d'ignorer de la sorte des effets de groupe aussi lamentables qu'indiscutables, mais on trahit surtout ainsi la très haute opinion qu'on peut avoir de sa propre intelligence, ignorant l'étendue de notre ignorance qui est bien ce que nous avons tous en partage alors que nos savoirs sont si différents d'un individu à l'autre mais toujours très limités. On peut même dire que, sans la reconnaissance de cette ignorance première qui nous est commune, aucune démocratie n'est pensable (ni aucune science, ni aucune parole même!). Il suffirait, en effet, d'un quelconque qui sait y faire pour le faire pour tous sans discussions (et c'est ce que font chacun dans leur tête les libertaires qui rêvent d'un monde futur à leur sauce!), alors que, de par notre ignorance commune, ce qu'il faut, c'est apprendre des autres et que les populations, dans toutes leurs composantes, participent à l'élaboration des mesures qui les concernent pour y apporter le témoignage de leur expérience concrète et décider de leur avenir. Il ne s'agit donc pas qu'un homme providentiel vienne nous sauver de notre ignorance ni de justifier le pouvoir d'une élite ou d'une technocratie tout aussi ignorantes. La démocratie c'est un pouvoir qui n'est pas un savoir mais un apprentissage et qui s'informe auprès de ses électeurs, un pouvoir qui ne s'impose pas d'en haut mais doit toujours apprendre de sa base. Il ne s'agit pas que n'importe qui fasse n'importe quoi ou décide pour les autres sans rien y connaître !

Devant la rupture anthropologique que nous vivons, passage de l'ère de l'ènergie à l'ère de l'information, l'enjeu du moment serait d'arriver à organiser une intelligence collective nous permettant de renouveler nos analyses et de les unifier dans un projet commun, préfigurant une nécessaire "démocratie cognitive". Il ne s'agit pas tant de "la construction de l'organisation" que de l'organisation du commun ouvert sur toute la société, la convergence de ce qui existe déjà, le dialogue des idées les plus actuelles, et la distribution de l'information enfin, sans occulter tous les conflits qui vont avec et l'existence d'une scission inévitable entre deux lignes opposées (les anciens et les modernes, les riches et les pauvres, les hommes et les femmes, etc.). Facile à dire ! Le problème, c'est que cela n'a rien d'évident du tout, on le voit bien. Il faudrait commencer d'abord par se rendre compte qu'on n'y arrive pas ! On n'en est même pas encore là, pourtant, chacun restant dans son petit train-train. Il faudra une défaite plus sévère sans doute, en tout cas rien n'incite à un quelconque optimisme pour les prochaines échéances...

Connais-toi toi-même

Il serait temps de sortir des naïvetés d'une démocratie libérale réduite au marché ainsi que d'une conception idéalisée de l'homme et du citoyen, du spontanéisme des mobilisations de masse ou de la supposée sagesse des peuples, si ce n'est des marchés financiers, qui n'ont pas fini de nous décevoir les uns comme les autres si on "laisse-faire". En effet, devant le résultat actuel, il n'y a pas de quoi être tellement fier de notre prétendue étincelle de divinité, qui ne nous aide en rien, pas de quoi se donner en modèle, encore moins de promettre la Lune ! Je ne parle pas là d'une mythique "communauté internationale" et de son impuissance à réguler la violence, mais bien de notre impuissance à nous, celle des altermondialistes comme celle des diverses résistances locales au néolibéralisme.

Devant l'absence d'alternative crédible, la première chose à faire serait de reconnaître notre échec complet et notre part de bêtise indécrottable qui n'est pas créée par la télévision ou Internet, y trouvant juste un nouveau terrain d'expression, s'ils n'en guérissent pas, c'est certain ! On peut voir sur les divers forums à quel point la bêtise s'y déchaîne si facilement, toujours prête à bondir à la première occasion. Rien de vraiment nouveau mais il faut faire avec. Cela ne fait que mettre, de façon insupportable pour nos idéaux, cette réalité massive un peu plus devant notre nez : voilà ce que nous sommes ! Pas seulement certes, mais pas de quoi rêver à une démocratie pacifiée et consensuelle, de quoi plutôt déchoir de tous nos idéaux.

Pas d'hymne à notre humanité, donc, à notre intelligence supérieure qui ne serait pas beaucoup plus que celle d'un singe bien éduqué si nous ne parlions pas et ne pouvions lire tous les livres du passé. En tout cas, si je suis sûrement aussi bête que les autres, pris en masse, c'est encore bien pire ! Ce n'est pas qu'on soit de mauvais bougres ni qu'on pourrait rabaisser ainsi la dignité de chacun, car on est loin d'être complètement idiots, du moins pris un par un, et parfois même admirables. Notre puissance technique est sans doute impressionnante et nos sentiments touchants, mais cela n'empêche pas que notre esprit est lent, lourd même, et un peu trop court, surtout au niveau d'une conscience collective qui n'avance guère que péniblement et par secousses... Plus on veut progresser, et plus on éprouve la fragilité de nos raisons et l'inévitable force d'inertie du sens commun. La question du revenu garanti est un exemple de ce qui s'impose dans la pratique à ceux qui étudient la question, comme Loïc Wacquant maintenant (dans son dernier livre : "Les parias urbains"), mais qui rencontre une considérable résistance idéologique car obligeant à une complète réorganisation de nos valeurs, tout comme la gratuité dans le domaine numérique. Chaque pas a dû être durement gagné contre le conformisme et la bêtise régnante. Ce n'est jamais facile, chaque nouvelle vérité devant se faire sa place au milieu des savoirs qu'elle dérange, ou dément parfois, sans jamais pouvoir être tout-à-fait certaine de ne pas se tromper, sûre même plutôt qu'elle sera dépassée...

La physique ici devrait avoir valeur de démonstration, qui étonnera toujours notre sens commun en contredisant les théories apparemment les mieux fondés et les évidences les plus évidentes comme le fait que le Soleil tourne autour de la Terre ! Il y a bien d'autres exemples célèbres entre relativité et physique quantique, débouchant sur une science de plus en plus spéculative et bien difficile à comprendre. Il faut se méfier des raisonnements abstraits, trop logiques et généralisants qui sont démentis par les faits tellement plus complexes. Notre foi n'est la preuve d'aucune existence réelle, seule l'expérience décide de celui qui a raison. Le caractère indécidable et hypothétique du réel pour notre pauvre raison se retrouve naturellement décuplé en économie et en politique où des vérités contraires se contredisent impunément dans une guerre des religions dont aucune n'est vraie...

On ne peut se cacher à quel point notre rationalité peut être limitée par l'imitation et toutes sortes de raccourcis, d'analogies, de généralisations. Le pire, c'est que ce ne sont pas des défauts dont on pourrait se passer puisque ce sont les instruments même de la connaissance, d'une connaissance toujours approximative, un bricolage cognitif souvent, aggravé au niveau collectif par une nécessaire simplification du message en fonction du nombre, tout simplement pour rester audible au niveau signal/bruit. L'étonnant, c'est que ça marche, et qu'on aille tous du même pas, pour le Mondial du foot par exemple... De sorte que la suggestion d'Amartya Sen d'élargir notre base d'information et d'introduire d'autres dimensions que l'économique est toujours bonne à prendre mais trouve très vite sa limite aussi.

rationalité limitée

Qu'on s'entende bien. Ce qu'il faut comprendre, c'est que nos limitations n'ont rien de marginales par rapport à une rationalité qui serait aussi bien partagée que le bon sens, nous dit-on. Mais, que les croyants de toutes les religions pensent donc aux autres religions pour mesurer à quel point on peut vivre dans l'imaginaire ! De toutes façons, on n'a aucun accès direct au réel, reconstruit à partir des informations de nos sens ou d'ailleurs. L'information étant toujours imparfaite, il est impossible de tout savoir, de tout enregistrer, de tout lire... La saturation de nos capacités de traitement, d'attention ou de transmission, est le phénomène central d'un monde de l'information qui émerge du bruit ambiant. On s'est offusqué de l'aveu du président d'une télévision commerciale : "Ce que nous vendons à Coca-Cola, c?est du temps de cerveau humain disponible" mais l'important ici n'est pas la marque commerciale, c'est le caractère limité de nos capacités de réception et de disponibilité à l'information. Cela implique non seulement qu'on ne peut tout voir, tout lire, tout savoir, mais qu'il ne peut y avoir de croissance immatérielle car, après la période de démarrage, on se trouve toujours à la limite de la saturation avec une publicité qui doit rivaliser d'audace. La concurrence féroce qui en résulte pour capter l'attention mène inévitablement à la concentration de la diffusion (sa gratuité aussi) et l'appauvrissement des sources (y compris pour les minoritaires). Il vaut mieux le savoir, c'est notre champ d'action à l'ère de l'information.

Il n'y a pas que les limitations de nos capacités, telles qu'énoncées par Herbert Simon, que ce soient nos capacités restreintes de réception, nos connaissances réduites, notre émotivité perturbatrice, notre expérience passée, il y a bien d'autres contraintes "discursives" ou dogmatiques limitant les réponses possibles. C'est ce que Michel Foucault a montré dans "L'ordre du discours" et que Lacan a repris dans ses "4 discours", mais en fait les limites de la rationalité ne sont pas autres que celles de notre monde dans son historicité, sa facticité, la partialité d'un point de vue particulier où voudrait se résumer toutes les forces de l'univers et les lois de la parole ! Chacun n'est pas pour autant enfermé dans sa bulle car nous parlons et nous nous adressons aux autres, au nom même de notre ignorance première, depuis le cri poussé dans l'angoisse de l'inconnu, question posée à qui pourrait y répondre peut-être...

Notre esprit est toujours ensorcelé, que ce soit par l'amour ou par les dieux, c'est-à-dire par les mots et par les autres. Il faudrait admettre au moins qu'on est toujours dans l'idéologie (les libéraux comme les altermondialistes), si ce n'est même dans la religion ou la propagande de guerre, en tout cas dans un "effet de groupe", une conception du monde plus ou moins commune mais complètement imaginaire, fantasmatique et simplificatrice, grille de lecture préconçue à travers laquelle nous parvient la rumeur du monde et qui lui donne sens pour nous. On colle au sens, on n'en sort pas (sinon par éclairs peut-être) perdus dans nos pensées, dans une projection idéalisée abstraite, avant d'être ramené au sol d'une réalité bien plus riche et complexe, dans sa diversité mais aussi, sa durable dureté. Le dogmatisme de l'idéologie est un terrible obstacle surtout lorsqu'on vit une rupture anthropologique, une révolution des forces productives qui obligent à changer toutes nos façons de penser !

On peut s'apercevoir pourtant qu'on change de sens et de pensées avec le temps, que nos certitudes vacillent soudain devant un nouvel éclairage qui les dissipe comme un mirage (qu'il y a-t-il de commun entre un amoureux et celui qui ne l'est plus? entre un croyant et celui qui n'y croit plus?). Un raisonnement qui se construit, comme toute recherche, fait l'expérience d'une série d'arguments décisifs, d'épreuves successives qui peuvent faire changer complètement d'avis à chaque fois. Le difficile alors, c'est de ne pas sombrer au nom de notre rationalité limitée dans un scepticisme excessif qui éloigne encore plus d'une réalité concrète dont il faudrait se rapprocher au contraire, notamment en organisant un peu mieux notre intelligence collective avec la coopération de tous, si c'est possible...

Surmonter nos divisions

On ne peut prétendre dépasser nos limitations cognitives (la demande de simplisme, les contraintes de communication, le besoin d'identification, la répétition du passé, les effets de groupe), sinon à en tenir compte, ce qui voudrait dire ne pas se contenter d'un démocratisme de façade et de ses beaux discours flattant notre intelligence mais redonner la parole aux faits et aux opprimés pour alléger le poids de notre bêtise collective et sortir de l'impasse. On n'en prend pas le chemin. Il se pourrait que cela soit pourtant une condition vitale de notre survie et de notre capacité d'adaptation aux problèmes "écologiques" que nous créons nous mêmes ! C'est bien sûr une question d'organisation, plus que de communication, de pratique plus que d'idéologie et ce sont nos pratiques qu'il faut changer (tirer les leçons de l'échec de la forme parti, tout comme de l'échec des réseaux comme ATTAC). Mais pour transformer le monde et s'adapter à ses transformations, il faut d'abord essayer de le comprendre, dans toutes ses dimensions, et ce n'est guère facile !

Ordinairement, la pensée savante ou informée ne peut faire beaucoup plus que fournir une caution, un soutien, une arme à la protestation sociale. Qu'on sache, contre la propagande du pouvoir, qu'il y a écrit quelque part qu'on a raison de se révolter et que cet ordre injuste doit être renversé. Parfois sa fonction peut être beaucoup plus décisive, et dans le moment actuel, on voit bien que c'est le côté qui flanche, le point sur lequel il faudrait porter toutes nos forces : l'élaboration d'alternatives à la globalisation marchande et leur appropriation par la résistance au néolibéralisme. On pourrait penser que reconnaître notre défaite ainsi que toute la part négative du mouvement social actuel, ses archaïsmes, ses divisions, sa désorientation, ce serait saper le moral des troupes, travailler contre l'union et l'esprit de résistance, alors que c'est au contraire l'indispensable préalable à la construction d'une intelligence collective capable de remédier à ce défaitisme de la pensée comme à la désunion. La priorité, on le voit bien, c'est l'organisation d'une intelligence collective à partir de la constatation de son absence et de notre rationalité très limitée. La priorité, c'est de reconnaître l'impasse dans laquelle on se trouve plutôt que de vouloir compter ses voix.

Le problème, c'est qu'il ne suffit pas d'un devoir pour le remplir. Ce n'est pas gagné, c'est le moins qu'on puisse dire, et le pire est à craindre. Les chances d'une intelligence de la complexité sont bien minces, pratiquement inexistantes et il n'y a pas d'autre voie ! La bonne volonté s'empressera de souscrire à cette prise de conscience salutaire, sauf que de salut, il n'est pas vraiment question quand il est question de complexité, et c'est à coup sûr la plus grande faute politique de ne pas vouloir vendre des rêves ! Dernière limitation cognitive, donc, mais radicale celle-là. En effet, il semble bien qu'on se heurte ainsi à un impossible dans la société du spectacle et de la communication, on ne voit guère comment on pourra s'en sortir. Qui voudrait d'une pensée modeste, provisoire et tâtonnante ? On repassera quand on aura quelque chose de plus assuré à dire !

Mais justement, la seule chose assurée, le seul savoir absolu, ce sont les limites de notre rationalité, c'est le caractère subjectif et donc limité de tout savoir, simple moment d'une dialectique, d'un apprentissage progressif qui procède par négations (partielles) successives, par une vérification infinie de notre savoir, travail du scepticisme qui se confronte à l'expérience, extérieure aussi bien qu'intérieure, sans reculer à se contredire s'il le faut ou faire sa si difficile autocritique. Il ne s'agit pas de tomber pour autant dans un scepticisme généralisé ou le marché de la com ni de prétendre qu'on ne sait rien, mais bien de prendre conscience de la part d'ignorance au coeur de tout savoir, de son caractère imparfait et insuffisant qui doit nous mener à sa vérification dans la pratique et sa rectification continuelle, sa correction, sa complexification, et sa diffusion enfin.

La question de l'attribution à la pensée humaine d'une vérité objective n'est pas une question de théorie, mais une question pratique. (K. Marx, 2ème thèse sur Feuerbach)

On est loin avec cela d'un mot d'ordre entraînant ou d'opposer une certitude à d'autres certitudes, et contrairement aux marxistes qui croyaient à la réconciliation finale avec la fin de l'histoire, nous ne voyons pas le bout du chemin et ne pouvons plus être si sûrs de nous après les ravages du communisme. Reconnaître notre part de bêtise et notre "inhabileté fatale", n'est pas promettre de nous délivrer de notre voile d'ignorance pour revenir à une pureté originelle et indicible. Nous sommes des êtres de parole les uns pour les autres, dés lors il n'y a pas d'aliénation d'une nature idéale qu'on pourrait retrouver, il y a plutôt construction de toute une dialectique du rapport à la nature et au passé perdu. Il ne s'agit pas plus d'atteindre un paradis ni d'attendre le messie, ce qu'il faut c'est bricoler dans son coin et tous ensemble en faisant ce qu'on peut pour améliorer un peu les choses, prendre conscience des effets négatifs de notre action pour les corriger autant que faire se peut ! Ce n'est pas une petite affaire puisqu'il faudrait ne pas se laisser aveugler par le dogmatisme sans faire n'importe quoi pour autant, ce qui devrait aller jusqu'à reconnaître le positif du négatif tout autant que le négatif du positif !

Pas de véritable bonne nouvelle donc, sauf que ce serait une bonne nouvelle de devenir un peu plus prudent et méfiant envers les idéologies, de tenir compte de notre rationalité limitée assez pour construire une véritable démocratie cognitive, pas parfaite non, mais juste moins mauvaise. Ce serait une bonne nouvelle sans aucun doute, mais qu'en dire ? sinon qu'on n'en est pas là encore ! Il faudrait d'abord prendre conscience du fait qu'on est très loin d'y arriver et d'être des citoyens modèles, de purs esprits sachant tout et prenant les décisions appropriées après un calcul rationnel !

Les divers groupuscules qui s'agitent devraient plutôt prendre conscience de leur complet ridicule et de leurs archaïsmes. Il faudrait rendre la honte un peu plus honteuse de ne pas arriver à faire un peu mieux que ça. Hélas, il ne faut pas se faire d'illusions, on n'y arrive pas. De plus, défendre notre faiblesse, voilà qui ne peut que décevoir l'ardeur militante. La tâche semble décidément très au-delà de nos forces ! Il faut bien le dire et, sauf surprise qui n'est jamais impossible en ces affaires, il y a bien peu de chances dans ces conditions qu'on s'en sorte et qu'on n'aille pas au pire...

La période des présidentielles où chacun fait assaut de démagogie, et qui prennent de plus en plus des allures américaines, n'est de toutes façons guère favorable à la réflexion ni à l'union, si ce n'est que s'y pose la question préalable, la seule qui compte sans doute, et qui est de retrouver une véritable solidarité sociale, la volonté de refaire société, de vivre ensemble et de sauvegarder notre avenir commun. Quelque chose pourrait donc prendre forme, au-delà des partis, on peut toujours l'espérer. Seulement, ce n'est pas contre les autres que nous devons nous battre mais contre nous-mêmes, ce n'est pas la droite la menace principale mais l'inconsistance de la gauche incapable d'y opposer une quelconque alternative, sans parler des écologistes (la maison brûle mais ils regardent ailleurs) !

Plutôt que de vouloir rendre des idéologies opposées compatibles en négociant entre organisations, l'objectif devrait se réduire sans doute à regrouper tous les militants au niveau local, pour élaborer ensuite un projet commun sur de nouvelles bases, évolutives, et dans un nouveau langage. Notre projet devrait se limiter dans un premier temps à rassembler, refaire du commun, sortir de nos organisations pour en créer de nouvelles. Tout est à reconstruire, depuis le 21 avril, depuis le 29 mai, depuis que la banlieue s'est enflammée, depuis la lutte contre le CPE. Il faudrait un Big Bang de toute la gauche pour éviter la débandade et le chacun pour soi ! Pourtant, rien ne semble bouger encore, et c'est à désespérer de notre intelligence collective comme de celle de chacun...

10-15/09/06

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12 réflexions au sujet de “Une rationalité décidément trop limitée”

  1. Intelligence collective, modestie, bricolage: voilà quelques notions qui résonnent agréablement à mes oreilles.
    J'y rajouterais un zeste indispensable de MATÉRIALISME, ce truc marxisant qu'on a tendance à rejeter parce que connoté à une idéologie dont plus grand monde ne veut: ce sont nos conditions d'existence qui déterminent notre capacité à changer des choses ou pas. On peut toujours disserter ad vitam eternam sur les méfaits de l'économie marchande, rien ne change tant qu'on ne bricole pas concrètement des embryons de fonctionnements différents, à deux, à dix, à cinq cent ou à dix mille.
    Les limites de la rébellion sont donc les limites inhérentes à toute pensée qui ne s'articule pas en permanence avec le réel de nos existences quotidiennes.
    En ce sens, le revenu garanti inconditionnel au Smic, s'il n'est ni une SOLUTION ni un PROGRAMME à lui tout seul, me semble une condition nécessaire (et non suffisante).
    Revendiquer ce revenu, défendre et propager cette revendication, c'est parier sur cette capacité d'intelligence collective (donc c'est refuser l'inéluctabilité de la concurrence de tous contre tous), c'est donner plus de moyens et plus d'espace pour la réalisation des alternatives au tout-marchandise, c'est donner plus de possibilités à tous ceux qui se le sentent de commencer à BRICOLER.

    Pour faire rebondir, voire bifurquer, le débat, je renvoie à un petit ouvrage écrit par P.M. au début des années 80, et dispo en ligne: BOLO'BOLO, "modeste proposition pour un nouvel arrangement sur notre vaisseau spatial après la disparition de la Machine-Travail planétaire".
    Je recommande notamment la préface "La mort lente de l'économie", rajoutée en 1998, où entre autre P.M. montre les limites du revenu garanti. Je ne partage pas le jugement plutôt négatif qu'il porte sur cette proposition, simplement parce que contrairement à lui je ne la situe pas dans l'APRÈS (après le capitalisme, ..), mais dans le MAINTENANT, en tant que quasi unique porte de sortie pas trop catastrophique ni barbare à la situation dans laquelle nous nous enfonçons jour après jour, et der plus en plus vite.
    Laissons les fantasmes de l'incantation aux bouffons politiques: L'abolition du salariat ne se décrète pas, elle se produira d'elle-même si les conditions sont réunies, et le revenu garanti en est une fondamentale à mes yeux.

    Pour lire Bolo'bolo en ligne:
    http://www.lyber-eclat.net/lyber...

  2. Bravo et merci pour cette lucidité exigeante. On est effectivement encore très loin d'une alternative crédible. Il faut en être conscient.

    Deux remarques toutefois:

    1. " (...) la seule chose assurée, le seul savoir absolu, ce sont les limites de notre rationalité, c'est le caractère subjectif et donc limité de tout savoir".
    Cette affirmation est elle-même subjective et limitée. Même si elle semble la sagesse même, et s'il semble raisonnable de parier -au sens pascalien- sur elle, on ne peut en faire une vérité définitive.
    Au-delà de cette considération formelle (le paradoxe bien connu), il faut souligner que dans ce vide "kantien" peuvent aussi se glisser tous les obscurantismes; religion et loi du marché y font notamment bon ménage.
    La rationalité n'oblige-t-elle pas à considérer (au moins) l'hypothèse que ce vide puisse être combler, qu'une vision du monde puisse être globalement valide, que la ligne hegelo-marxiste (et républicaine à la française), notamment, puisse encore être prolongée aujourd'hui?

    (voir les "petits cercles" de Kojève dans ses conférences sur la métaphysique hegelienne)

    2. Vous citez à juste titre le 21 avril, le 29 mai, la banlieue enflammée, la lutte contre le CPE.
    Même si je crois moi-même encore en la France, jusqu'à ne pas exclure qu'elle puisse avoir raison contre le reste du monde (par exemple dans sa méfiance envers le libéralisme), il me semble toutefois indispensable de penser vraiment global, mondial, et d'abord européen évidemment!
    Malgré les réserves que vous relevez, internet est un outil à s'approprier, et qui peut être plus positif que négatif. La pensée commence tout en bas, par l'échange, et les blogs / wiki / forums, permettant une liberté d'expression souvent plus grande que dans la vie courante, y contribuent.

    En simplifiant un peu:
    1. Mondialisation de l'économie
    2. Mondialisation de l'information ("opinions publiques" etc), essentiellement grâce à internet
    3. Mondialisation politique, réformiste (de type ONU, avec armée) ou révolutionnaire (les conditions dont Marx avait l'intuition étant bientôt enfin réunies).

  3. Merci de votre constat salutaire:
    “C'est bien sûr une question d'organisation, plus que de communication, de pratique plus que d'idéologie et ce sont nos pratiques qu'il faut changer (tirer les leçons de l'échec de la forme parti, tout comme de l'échec des réseaux comme ATTAC). Mais pour transformer le monde et s'adapter à ses transformations, il faut d'abord essayer de le comprendre, dans toutes ses dimensions, et ce n'est guère facile !”
    Je suis frappé d’un fait parmi d’autres,le peu d’interet pratique aux diverses experiences sociales en cours dans le monde actuellement de la part des sites d’expression francophones.
    Notre ideologie franchoullarde basée sur le mythe de notre grand passé revolutionnaire,nous permet de ne pas nous interesser aux processus revolutionnaires en cours ailleurs,notamment en Amerique Latine, tres peu de textes en français sur des experiences concretes tant en Argentine, au Bresil et qu’au Venezuela.
    Il serait temps de faire le bilan du reseau ATTAC;
    qui bien sur a failli en tant que reseau, puisque il ne s’est jamais pourvu du minimum organisationnel a savoir un reseau de traducteurs qui soit en liaison avec les terrains sociaux.
    J’avais un espoir dans L’Indymedia pour constuire
    l’echange et le debat mondial mais eux aussi bien qu’ils l’aient tenté donc compris,n’ont pu mettre en place un reseau de traducteurs practiciens stable et efficace.
    Le plus grand mythe des dernieres années furent les Forums Sociaux,une tentative collective d’elaboration d’un projet avec des participants sans ecoute,sans modestie,et qui reussirent a chaque fois a marginaliser ceux qui venaient la poser les vraies questions et casser la messe en cours.
    Nous avons été mystifiées par les “mediatisés”, que leur prestige mediatique dispensait de tout effort d’elaboration collective.
    Aujourd’hui il nous faut repartir sur d’autres bases en ayant la conviction que les terribles bouleversements climatiques a l’oeuvre nous obligeront tous a revoir nos copies et nos pratiques.
    Pour ma part,je m’oblige a mettre en ligne sur Bellaciao/en, tous les textes en anglais interessants que je peux trouver et j’invite les traducteurs a s’en emparer.

     

  4. La lecture de ce texte m'inspire un commentaire .. "guerrier" disons : contre qui devrait-on lutter ? qui faudrait-il déloger ? car à vous lire, il me semble qu'un de ces groupe, une de ses personnes dirigeante en place (à moins que ce ne soit l'ensemble) a très bien compris un principe guerrier des plus simple : "diviser pour reigner" ...

    La division globalisé, en de plus en plus petits morceaux, jusqu'a une sorte d'individualisme primaire, jusqu'á la lutte de chacun pour sa propre survie, c'est vers celà que semble tendre le monde - sans vouloir paraitre trop défaitiste - c'est vers cela que l'"individu moyen" est amené par les médias, par le terrorisme entretenu par l'empire, par toutes les idéologies : "défendez la vôtre !!" - sic.

    L'idée est bonne de défaire pour reconstruire mais le risque est grand qu'en défaisant chaque groupe existant, il ne s'en recrée que de plus petits...

  5. Je trouvais mon texte bien imparfait mais la qualité des commentaires suscités le justifient à mes yeux.

    J'approuve entièrement "Zarf" sur la nécessité du matérialisme et d'une pensée qui s'appuie sur la pratique, peut-être un peu moins sur Bolo'bolo et "la mort lente de l'économie" mais on est tout-à-fait sur la même ligne, ce qui est très encourageant.

    Tommaso soulève un véritable problème bien qu'il soit difficile à traiter en commentaire. On ne peut pas tout dire et toute formulation est fautive par certains côtés. Certes, on peut tirer les limitations subjectives vers le scepticisme et le relativisme qui sont le fondement dogmatique du libéralisme mais ce n'est pas du tout ce que je défends, je le répète plusieurs fois dans le texte et j'ai même écrit un appel "Pour un mouvement anti-sceptique" dirigé contre l'idéologie libérale. Je ne me situe pas dans une optique kantienne subjectiviste mais bien dans une logique hégélienne objective, l'utilisation du terme "savoir absolu" faisant clairement référence à Hegel, même si je n'ai pas la même interprétation que Kojève du savoir absolu (j'ai fait un texte sur le sujet). Les limites du savoir d'un sujet ne sont pas subjectives mais objectives, c'est bien un savoir définitif tout comme le caractère dialectique du processus d'apprentissage, tout comme les mathématiques mais le seul savoir absolu concerne le sujet lui-même, sa logique, son intentionalité alors que tout savoir objectif est inévitablement approximatif. Il faudrait en dire plus mais je me situe clairement dans la prolongation de Hegel et Marx même si je suis très éloigné du marxisme.

    Bien sûr il faut penser global et bien au-delà de la France, mais il faut aussi agir local et cela pourrait être un enjeu mondial que la France montre la voie, en tout cas c'est à la situation du mouvement en France que je suis confronté, et c'est en français que j'écris. Je ne rejette évidemment pas l'usage d'Internet, je souligne que sans organisation on ne peut rien construire de durable et qu'Internet ne produit pas de miracles, c'est juste un outil supplémentaire dont il faut tirer le maximum. Je vois la "mondialisation politique" comme construite sur le local, sous forme de fédération plutôt que d'opinion publique mondiale, qui existe aussi, et pour commencer cette révolution, il n'ya pas besoin d'attendre le grand soir, on peut commencer au niveau des municipalités. Il est vrai que les conditions sont réunies d'une transformation des forces productives qui exigent de nouveaux rapports de production.

    Sinon, la seule chose que je peux ajouter à ce que dit Vladimir et que j'approuve tout-à-fait, c'est qu'il ne suffit pas de mettre des textes sur des sites, il faudrait travailler en équipes, se répartir le travail, avoir des relais et des filtres, faire des compte-rendus, des extraits, des synthèses. Voilà ce que devrait apporter un peu plus d'organisation !

    Enfin, au passant, je dirais qu'il a bien raison de dénoncer le marché des idéologies mais cela ne veut pas dire que la cause en soit facilement identifiable, c'est plutôt le résultat de la décomposition des anciennes forces politiques qui se survivent alors qu'elles sont mortes depuis longtemps et n'ont plus de sens. Ce n'est donc pas en chassant telle ou telle figure que cela serait suffisant pour retouver l'unité. Non, la question n'est pas du tout "contre qui ?", mais bien "pour quoi faire ?". Et c'est l'accord sur l'objectif qui manque, pas la combattivité. Il y aurait un risque que la dissolution des groupes existants ne fasse que les multiplier si l'organisation commune ne devait avoir une base locale unifiée mais il est vrai que pour se regrouper il faut une certaine dramatisation (révolutionnaire) sinon tout le monde a de bonnes raisons de rester dans son coin comme maintenant !

  6. Ce texte confirme ce que je pensais depuis longtemps : L'absence d'alternative commune à la globalisation marchande. Mais je pense qu'il ne faut ni oublier l'urgence de répondre à la problématique écologique et social, ni oublier que le mouvement alter-mondialiste est en une sorte de naissance et que MALHEUREUSEMENT la "bonne" construction de l'analyse de la société monde amenant à la proposition subversive fédérative mettra du temps à émerger (si elle émerge).

    Il ne faut pas oublier non plus que l'echec du communisme dans divers états a créé ce vide politique que nous remarquons aujourd'hui et qu'il est difficile pour beaucoups de reconstruire d'une manière aussi subversive et radicale après un tel échec.

    Un renouveau est indispensable face à l'ampleur de la problématique : espérons que cette nouvelle construction se fasse à temps et qu'elle réponde agréablement aux attentes.
    En ce qui me concerne je ferais tout ce qui est en mon possible à mon echelle pour que cela se réalise. Il ne reste plus que l'espoir aujourd'hui face à toutes ces désencourageantes analyses.

  7. Merci pour votre texte. J'apprécie beaucoup votre recherche intellectuelle. Selon moi il est essentiel d'articuler utilement reflexion et action. Pourquoi ne pas évoquer l'espace du Forum Social Mondial et toutes les possibilités qu'offre cette plateforme inovente.Aussi imparfaite soit-elle, elle a au moins le mérite d'exister et elle deviendra ce que ses membres le déciderons. "Penser global, agir local", agissons à petits pas efficaces. A Genève, voici ce que quelque uns d'entre nous avons imaginés et entrepris. Une utopie? Oui, nous avons besoins d'utopies pour élargir notre horizon de perspective qui tend à se rétrécir. Une utopie de conscientisation à petite échelle dont chacun peut s'inspirer, ici ou là. pour info passez voir http://www.jatur.ch/page_1156354...

    C'est ultra concrêt, mais réfléchi!

  8. Bonjour,

    Espérer voir et mettre une alternative passera peut-être par des choses qui nous dérangeront forcément dans notre perception du monde, de l'histoire, etc. Si nous en avons le courage, lisons le livre d'yves paccalet "l'humanité disparaîtra, bon débarras". Allons jusqu'au bout de ces conclusions et repensons notre perception du monde, de l'histoire à partir de ce qu'il dit...

    Je ne suis pas certain que beaucoup aient envie de faire ce genre de travail... car ce qui pourrait en sortir ne sera pas du tout réconfortant pour nos bonnes consciences pratiques occidentales... Je me suis amusé à ce petit jeu, mais c'est trop long pour être mis en commentaire.

  9. Si je publie des analyses si décourageantes c'est dans l'espoir (mince) de s'en sortir car le préalable pour retrouver l'espérance c'est de constater à quel point la situation est désespérée... On n'a pas pour autant le luxe de sombrer dans le désespoir, il faut faire le maximum pour redresser la barre : celui qui ne porte plus l'armoire la rend encore plus lourde pour les autres!

    Mon texte suivant, qui est l'illustration pratique de celui-ci, montre que tous les forum sociaux n'ont rien produit d'utilisable. Il n'y a encore aucune alternative. Même Chavez consulte de toutes parts pour savoir quoi faire, ce qui est tout à son honneur mais pas à celui d'un mouvement incapable d'y répondre. Les forums sociaux étaient un préalable, celui de se rencontrer et de se rassembler. Il faudrait passer rapidement aux choses sérieuses et commencer à se constituer en alternative, on en est loin pour l'instant. On ne peut même pas dire que ces forums ne font que du bla-bla, car on a effectivement besoin de se parler et d'élaborations théoriques, mais c'est le contenu qui est trop nul, paroles adressées dans le vide sans reprise par le collectif et sans conséquences pratiques...

    Enfin si je partage le pessimisme d'Yves Paccalet, je trouve ses analyses trop simplistes et trop biologiques. Ce n'est pas notre perception du monde qu'il faut changer, absurdité moralisante, c'est l'organisation sociale et le système de production. Nos représentations changent avec nos conditions de vie, pas le contraire, et on aura toujours les yeux au milieu de la figure ! Pas de travail sur soi ni de conversion individuelle mais un travail collectif de discussion et d'organisation, please, il y a urgence !

  10. "Mon texte suivant, qui est l'illustration pratique de celui-ci, montre que tous les forum sociaux n'ont rien produit d'utilisable. Il n'y a encore aucune alternative."

    C'est bien là le problème. [Je n'ai pas le temps de le lire en profondeur ces derniers jours mais je m'y attarderai bientôt.]

    "Même Chavez consulte de toutes parts pour savoir quoi faire, ce qui est tout à son honneur mais pas à celui d'un mouvement incapable d'y répondre."

    Bis repetita... et c'est effrayant.

    "Les forums sociaux étaient un préalable, celui de se rencontrer et de se rassembler. Il faudrait passer rapidement aux choses sérieuses et commencer à se constituer en alternative, on en est loin pour l'instant."

    Et la tolérance, qu'en faîtes-vous ? Depuis que je traîne un peu dans les cercles militants et plus ou moins rattachés à la politique et à ceux qui s'affirment alternatifs il n'y a que suspiscion, crainte, peur d'être manipulé pour telle ou telle raison sans parler des rancoeurs politiques à cause de ceci ou cela ; comment voulez-vous avancer ? Sérieusement, très peu de personnes sont capables de vivre ensemble et même dans un espace réel... Il y a trop d'a priori, de jugements, et tout ce qui s'ensuit !

    "On ne peut même pas dire que ces forums ne font que du bla-bla, car on a effectivement besoin de se parler et d'élaborations théoriques, mais c'est le contenu qui est trop nul, paroles adressées dans le vide sans reprise par le collectif et sans conséquences pratiques..."

    Les forums sont les pires mensonges qui existent, désolé d'être aussi direct, mais il ne faut pas rire quand même. Les forums fonctionnent parce qu'on édulcore la parole et on la réduit à sa plus simple forme expressive : des mots détachés de toute représentation, simples expressions abstraites et tout le monde se repose là-dessus croyant avoir trouvé le graal alors qu'en fin de compte non. Il n'y a rien, ce n'est qu'une illusion de plus. Beaucoup croient que les forums n'expriment que l'essence de la personne (sa pensée, son âme, ce que l'on veut) et croient que les a priori, les jugements n'existent pas. Laissez moi rire encore une fois.

    "Pas de travail sur soi ni de conversion individuelle mais un travail collectif de discussion et d'organisation, please, il y a urgence !"

    Oui pour le travail collectif mais non pour pas besoin de "travail sur soi" ; désolé mais voir plus haut la raison ! Comme je m'évertue à le dire depuis longtemps : il y a trop de voiles qui viennent masquer l'envie de travailler ensemble et chaque jour sur n'importe quel forum (y compris pour les logiciels libres) il y a un énorme travail d'entente, d'écoute et de compréhension de l'autre à faire. Tout le monde passe son temps à juger à l'emporte pièce et on perd son temps à expliquer que non : "je ne suis pas ceci ou je ne suis pas ce que tu crois que je suis".

    Voilà ce que nous faisons et c'est peut-être pour ces raisons que nous avons du mal à véritablement avancer. Un autre problème, c'est que tout le monde attends une sorte de "sous-commandant marcos européen" ou quelqu'un qui donnerait la direction voire un groupe mais le problème, le vrai problème c'est qu'il n'y a pas de direction à prendre ni à montrer du doigt, il n'y a rien. Et cela personne ne veut l'entendre et espère qu'une analyse pourra enfin dire quelle direction il faut prendre... Alors qu'une analyse ne montre pas le chemin à prendre. Se prendre en charge, voilà la chose la plus dure à faire car il faut le faire tout en ayant conscience qu'il n'y a peut-être pas de réponses ou que, plus simplement, c'est croire naïvement qu'en posant des/une question qu'il y aura savoir donc connaissance mais quelle forme aurait la connaissance si on enlevait la question ? (attention il y a un piège 😉 )

  11. J'ai quand même tendance à penser qu'il y a trop de travail sur soi, de travail du chapeau, et ce qu'il faut c'est apprendre à travailler avec les autres (on peut bien appeler cela un travail sur soi mais pas dans son coin).

    Il peut tout de même y avoir des analyses meilleures que d'autres et il faut bien une compréhension du monde et de comment le transformer collectivement pour se prendre en charge localement.

    Je pense pour ma part qu'on peut partir de 3 exigences : reconstituer les solidarités sociales, construire une intelligence collective et relocaliser l'économie à l'ère de l'information, de l'écologie et du développement humain avec, comme mesures collectives, coopératives municipales, monnaies locales et revenu garanti. On en est loin, mais cela donne une direction, à partir justement de ce qui manque, de la nécessité de s'adapter aux nouvelles forces productives, de relocaliser et de sortir du productivisme. Ce serait déjà bien de le savoir.

  12. D'abord, merci à monsieur Zin, non seulement pour le texte, mais je dirais pour l'ensemble de son oeuvre !

    L'urgence d'un changement de direction radical paraît évidente à plusieurs, mais nul ne semble en mesure de partir un réel mouvement de redéfinition effective des relations sociales, non seulement celles de production, mais aussi celles genrées et racialisées, à mon avis pré-capitalistes. Les écrits, les projets et les idées fusent, mais les actions restent rares et partielles.

    C'est bien sûr au local et et quotidien que tout doit commencer, c'est un pré-requis, mais cela demeure nettement insuffisant.

    Il faut réseauter à l'international selon moi les diverses forces subversives, aux intérêts et aux identités variés, pour espérer forger une contre-hégémonie démystifiant nos lieux communs.

    Je fais partie de l'Association L'Ëtre Terre (www.lateresto.org) qui mets présentement sur pied un centre virtuel multilingue (fonctionnant gratuitement à partir de logiciels libres) pour grosso modo mettre en contact les gens désirant participer à un projet, soit d'ordre humanitaire, écologique, etc. et des organismes ou autres qui sont à la recherche de ressources humaines pour réaliser leurs projets. Nous allons aussi y intégrer un service d'échanges locaux (SEL) dans le but de sortir le plus possible de la structure économique capitaliste dominante.

    N'est-ce pas exactement de ce type d'actions dont on a besoin pour construire un monde "alternatif" ?

    Le coquace de l'histoire, c'est que l'inauguration du centre de contact clora la tenue du Forum social québécois, cet été (rappelons que la délégation du Québec, population de 7 millions d'habitants, est la troisième en importance dans les FSM). Malgré que je partage l'opinion que ce soit beaucoup de bruits pour rien -et de temps et d'argent- je crois que ce genre d'événements permets au moins d'attirer l'attention médiatique, et donc populaire, sur des enjeux que ceux bénéficiant du statu quo préfèrent voir marginalisés et même relegués aux oubliettes. Si aucun résultat concret ne sort de ce type de happening, peut-être peut-on toutefois espérer que leurs effets cumulatifs mèneront à modifier le sens commun populaire et donc à un changement de cap radical du fonctionnement global.

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