La société de consommation avant le capitalisme

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Il arrive qu'on prenne pour une caractéristique de l'humanité voire de la vie elle-même ce qui n'est que l'idéologie d'une nouvelle classe dominante voulant faire oublier qu'elle vient juste d'usurper la place mais il arrive tout autant qu'on prenne pour une nouveauté absolue ce qui ne date pas d'hier pourtant. Il est toujours difficile de faire la part de la continuité et celle de la rupture, il ne faut pas se fier là-dessus aux premières évidences trop tranchées et globalisantes. Le plus grave, en ces affaires, c'est de se tromper dans l'ordre des causalités. Ainsi, il n'est pas indifférent de faire de la société de consommation une cause ou une conséquence du capitalisme.

Tout dépend évidemment de ce qu'on appelle "société de consommation" et qui désigne normalement ce qu'on appelle aussi le compromis fordiste de l'après-guerre. C'est le moment où le travail salarié dépend directement de la consommation des salariés (l'emploi dépend de la croissance). On peut dire ainsi que le capitalisme s'impose d'abord matériellement par sa productivité puis dure ensuite par la société de consommation, ce que Debord appelait le spectaculaire intégré où toute la société s'intègre à l'économie de marché. Cette analyse reste valable pour cette période bien que dépassée par l'ouverture des marchés aux pays émergents qui entraîne baisse des salaires et dislocation des protections sociales en délocalisant les marchés (c'est le spectaculaire désintégré). La fièvre consumériste et la publicité envahissante n'ont rien de nouveau, dénoncées en vain depuis plus de 50 ans maintenant. Nombre de critiques de l'aliénation marchande avaient voulu faire du capitalisme l'unique cause d'un dérèglement du désir qui serait depuis entièrement dénaturé et fabriqué, avec pour conséquence un discours moralisateur inutile et pesant. C'est là que Jan de Vries apporte un démenti salutaire à cette fable trop simpliste, en montrant que la société de consommation, dans le sens cette fois d'une fin de l'autarcie, de la monétisation et de l’achat de marchandises, a bien précédé le capitalisme industriel au XVIIIè siècle.

Bien sûr, là aussi, on peut inverser la chronologie si l'on date le capitalisme de bien avant, notamment du commerce avec les Indes qui a fait la fortune de Venise. Le système de production capitaliste comme production déterminée par la circulation ne commence qu'avec l'industrie structurant toute la société salariale. C'est dans un autre sens qu'on peut parler de capitalisme marchand qui est une autre forme de capitalisme dont témoigne l'essor de l'activité bancaire pour financer ces expéditions lointaines mais cela reste malgré tout relativement marginal. Il n'est pas insignifiant que la cause ici soit aussi futile que les épices qui sont le contraire d'une denrée vitale, incarnation du "plus de jouir" comme dit Lacan. On se trouve à l'intersection d'un progrès technique, la maîtrise de la navigation en haute mer, et d'un effet de mode déjà dont la crise de la tulipe en 1637 constitue un autre exemple patent. On pourrait remonter à l'antiquité, il ne s'agit pas de feindre là non plus une quelconque nouveauté de la structure mimétique du désir qui est le propre de l'homme, pouvant valoriser des coquillages exotiques dès la préhistoire. De même, il y avait déjà une industrialisation de la menuiserie des bateaux en Hollande avec les moulins à vent bien avant les machines thermiques et on pourrait remonter jusqu'aux pyramides d'Egypte pour la rationalisation des grands travaux et l'utilisation de machineries hydrauliques. Il s'agit juste d'essayer de reconstituer un enchaînement de faits dans une trajectoire historique dont nous ne sommes qu'un moment particulier.

Selon Jan de Vries, ce qui aurait amorcé la pompe de la société de consommation, ce serait bien la disponibilité des produits exotiques au XVIIIè siècle, poussant à la consommation et faisant sortir la société européenne de l'autarcie comme d'une mentalité d'héritiers, poussant à l'augmentation du temps de travail pour se payer ces produits de luxe à la mode, les nouvelles drogues (café, thé, tabac ou alcools forts) mais surtout les étoffes indiennes en coton dont le succès incitera à leur production locale, ce qui sera à l'origine des premières fabriques et premières mécanisations dans le textile (métiers Jacquard), transformant profondément l'hygiène et l'habillement de la population y compris paysanne.

Ces pratiques ont vu le jour lorsque les familles nord-européennes ont modifié la répartition des rôles en leur sein, mis les femmes et les enfants au travail, afin d’accéder à de nouveaux biens de consommation, apparus avec l’essor du commerce et le développement des marchés. Cet effort des familles pour acquérir de nouveaux produits a donné lieu à une véritable « révolution industrieuse ». Dans les campagnes, les paysans spécialisèrent leur production agricole et consacrèrent l’hiver à la fabrication de produits textiles destinés au marché. Dans les villes, les femmes des artisans ouvrirent des boutiques et des tavernes. Au final, les journées de travail s’allongèrent, ainsi que le nombre de jours travaillés dans l’année.

Les nouveaux consommateurs du long XVIIIe  siècle ont changé la façon dont ils s’habillaient. Ils ont reconfiguré et remeublé leurs maisons, se sont mis à consommer des breuvages et des mets inédits. Et pour tout cela, ils dépendaient plus du marché et moins du travail domestique qu’auparavant.

Robes, corsages, gilets, robes de chambre et foulards sont confectionnés avec ces cotonnades, qui deviennent un objet de distinction et de prestige tant pour les femmes que pour les hommes.

Le commerce des étoffes indiennes se révèle à ce point lucratif qu’il incite des industriels à les imiter pour les produire localement, que ce soit aux Pays-Bas, en Angleterre, en France ou en Allemagne. Leur fabrication se répand dans la seconde moitié du XVIIIe  siècle avec un début de mécanisation, ce qui permet d’abaisser les coûts de fabrication et de toucher de nouveaux publics.

Ces affirmations qui ne correspondent pas tout-à-fait je crois à ce que dit Braudel dans "la civilisation matérielle" pour qui la généralisation des chemises en coton était bien un effet de l'industrie, devront être validées ou contestées par d'autres historiens, notamment pour l'importance numérique des populations concernées mais elles semblent plausibles au moins comme phénomène émergent justifiant une production locale. Il y avait d'ailleurs un autre fait très curieux qui avait précédé la révolution industrielle, c'est l'utilisation beaucoup plus intensive des animaux juste avant l'arrivée des machines à vapeur. On a l'impression que la technique vient plutôt après qu'un nouveau besoin s'est exprimé même si ensuite l'offre crée la demande, il n'empêche, c'est la technique qui est déterminante au moins dans la généralisation d'une production. Dans cette optique, ce ne sont pas les enclosures qui auraient obligé les pauvres à travailler ni l'industrie qui aurait fabriqué des besoins artificiels, mais un peu comme avec Toni Negri, ce sont les travailleurs qui sont les acteurs de la marche de l'histoire (et de leur malheur!). En fait il y a différents moments pris dans une dialectique où ce ne sont pas toujours les mêmes qui mènent la danse et ce qui pouvait être choisi au début devient vite contraint (ne serait-ce que par la baisse des prix). On a bien en tout cas une boucle de rétroaction se renforçant mutuellement entre offre et demande et qui ressemble à ce que connaissent les sociétés non développées confrontées à des produits "exotiques" comme les télévisions ou les mobiles, incitant à gagner de l'argent pour intégrer le marché mondial mais détruisant en même temps l'économie locale.

Il ne faudrait pas tomber pour autant comme Jan de Vries dans l'idéalisme faisant de la culture le facteur principal comme ont tendance à le faire aussi certains préhistoriens comme Jacques Cauvin, ou Jean Guilaine plus récemment. A l'autre extrémité, les prétentions de certains écologistes de domestiquer un désir déchaîné sont tout aussi à côté de la plaque, surestimant le pouvoir du surmoi et sous-estimant les contraintes systémiques. Les cultures et idéologies ont bien sûr leur importance qui peut être décisive dans certains cas mais, plus important encore, il y a leur efficacité matérielle qui les sélectionne après-coup. C'est la pression des conditions d'existence, de l'infrastructure matérielle, qui est déterminante en dernière instance même si les idéologies ont toute leur inertie. Ainsi, il est bien possible que les premiers agriculteurs aient eu des motivations religieuses ("faire le travail des dieux à leur place pour qu'ils se reposent" à suivre les mythes sumériens) mais la raison pour laquelle l'agriculture s'est imposée, c'est à la fois un changement climatique raréfiant les ressources naturelles et l'explosion de la population permise par l'agriculture malgré une nourriture appauvrie par rapport à celle des chasseurs-cueilleurs (mais plus constante). De même, ce ne sont pas tant les effets de mode qui ont été décisifs dans l'ouverture aux marchés que l'effet boule de neige engendré, servant d'accélérateur du développement et de facteur de puissance. C'est un mouvement général où l'idéologie épouse les évolutions matérielles plus qu'elle ne les cause. Le phénomène est le même dans la Chine contemporaine ou les pays arabes que dans la France des campagnes du XVIIIème.

Ce serait donc une conclusion erronée de s'imaginer qu'il suffirait de changer les esprits pour changer le monde, vieille illusion religieuse ancrée dans le langage narratif. Le désir ne sera pas redressé par nos nouveaux moralistes et ligues de vertu qui prétendent pénétrer jusqu'à nos chambres à coucher, c'est la base matérielle qu'il faut changer, ou plutôt ce sont de nouvelles institutions qu'il faut adapter aux évolutions matérielles déjà effectives dans la production avec la généralisation du numérique et de l'automation. Au lieu de partir dans des délires mystiques ou de pures abstractions, il s'agit de se situer au plus près de la dialectique du réel en son actualité et de sa formulation, non pas dicter sa loi au nom de grands mots mais tirer parti des potentialités de la situation. Que le désir reste indomptable en son excentricité, il y a peut-être une voie pour le détourner d'une consommation exacerbée, c'est de reporter le désir non plus sur la marchandise mais sur la production elle-même en valorisant le travail choisi, un travail autonome épanouissant même s'il n'est pas aussi rémunérateur qu'un emploi salarié dans une multinationale.

Cela ne se fera pas tout seul si on n'y met pas les forces nécessaires mais cela fait parti de la richesse des possibles dans la véritable rupture anthropologique que nous vivons, comparable au Néolithique justement. L'ère du numérique a pour l'instant incontestablement déçu tous les espoirs qu'on y avait mis, se traduisant presque exclusivement par une plus grande précarité et une intensification du stress mais le capitalisme salarial n'est pas adapté à l'économie immatérielle qui aura bien besoin pour assurer sa reproduction d'un revenu garanti donnant accès pour tous à un travail choisi et cassant la dépendance entre emploi et consommation à condition d'y joindre des coopératives municipales fournissant les moyens de son activité et des monnaies locales favorisant les productions locales et les échanges de proximité. Ce ne serait pas la fin de la société de consommation, sans doute, encore moins la fin de désirs mimétiques ou de dépenses ostentatoires qui ont toujours existé, mais la fin peut-être de désirs compensatoires et publicitaires, du moins leur diminution en privilégiant de nouveau le faire sur l'avoir, non par des discours enflammés mais en en donnant les moyens matériels.

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30 réflexions au sujet de “La société de consommation avant le capitalisme”

  1. "On peut dire ainsi que le capitalisme s’impose d’abord matériellement par sa productivité puis dure ensuite par la société de consommation, ce que Debord appelait le spectaculaire intégré où toute la société s’intègre à l’économie de marché. Cette analyse reste valable pour cette période bien que dépassée par l’ouverture des marchés aux pays émergents qui entraîne baisse des salaires et dislocation des protections sociales en délocalisant les marchés (c’est le spectaculaire désintégré)".

    C'est dommage que Debord ait décidé d'en finir, parce qu'il aurait pu écrire ce troisième tome de la société du spectacle. Vous pourriez sans doute reprendre son flambeau le temps d'un livre et le faire à votre sauce, ce serait un livre qui pourrait faire date.

  2. "...le capitalisme salarial n’est pas adapté à l’économie immatérielle..."
    Voilà quand même une affirmation qui demanderait à être étoffée. Je n'en suis pas aussi certain que vous, même si pour le moment, le capitalisme est à la recherche d'un modèle économique nouveau qui lui permette de s'adapter à l'économie immatérielle (pour laquelle le produit original peut être reproduit de façon très fiable pour quasiment rien et presque à l'infini).
    Par exemple (je pense tout haut) la monnaie non métalliste a quelques traits communs avec l'économie immatérielle, est-ce que le droit d'en émettre très encadré pourrait en partie être transposé aux produits de l'économie immatérielle? Il n'est pas impossible que les producteurs de logiciels libres soient pourchassés comme le sont les fournisseurs de variétés anciennes de graines (ces variétés sont justement reproductibles contrairement aux graines "progressistes" hybrides).

    • On n'est jamais à l'abri de ces tentatives de contrôle totalitaire mais d'une part les logiciels libres sont une nécessité technique et d'autre part les droits immatériels exigent un droit mondial (il ne peut y avoir de brevets dans un seul pays) mais il ne faut pas se méprendre, je n'ai pas dit qu'il ne pouvait pas y avoir de capitalisme dans l'immatériel, c'est le salariat qui n'y est pas adapté (la mesure du travail par le temps) qui était le fondement du capitalisme industriel et de son productivisme. Je ne crois pas à la disparition de la finance mais qu'elle peut prendre moins d'importance dans la production elle-même recentrée sur le producteur et dans la structuration de la société donc. Il faut faire le pari que le travail immatériel, quand il est autonome et choisi, puisse être assez épanouissant et qu'au niveau de développement auquel on est parvenu cela soit plus important que d'accéder immédiatement aux nouvelles marchandises les plus extravagantes offertes à notre concupiscence. La question ne se résume pas à une prédation qui ne peut avoir qu'un temps, la reproduction et la soutenabilité sont plus essentielles sur le long terme.

    • Une sorte de prêche inutile, aimez-vous les uns les autres, etc. Il y a bien sûr des choses vraies mais ce n'est pas en invoquant des principes bien connus qu'on fera avancer la question. S'il faut réhabiliter la place de la coopération dans la nature et dans la société, il est absurde d'aller jusqu'à nier qu'il y ait aussi beaucoup de compétition, la vie sauvage n'étant pas si tranquille que ça et la merveilleuse complémentarité du prédateur et de sa proie étant assez sanglante. Enfin, avec l'information numérique on sort de l'industrialisme et on se rapproche de la vie, de l'ADN, des organes des sens, des hormones, du langage, etc. Pas d'autre choix que d'en exploiter les potentialités mais on a besoin de mesures concrètes et de stratégies réalistes pas de chauffer les troupes avec des injonctions morales.

  3. "...je n’ai pas dit qu’il ne pouvait pas y avoir de capitalisme dans l’immatériel, c’est le salariat qui n’y est pas adapté (la mesure du travail par le temps) qui était le fondement du capitalisme industriel et de son productivisme"
    C'est en effet un angle imparable qui nous indique à coup sûr une mutation du capitalisme. Mais laquelle? Pas évident d'y voir clair aujourd'hui.

  4. Ce serait donc une conclusion erronée de s’imaginer qu’il suffirait de
    changer les esprits pour changer le monde, vieille illusion religieuse
    ancrée dans le langage narratif. (...) c’est la base matérielle qu’il faut changer,
    ou plutôt ce sont de nouvelles institutions qu’il faut adapter aux
    évolutions matérielles déjà effectives dans la production avec la
    généralisation du numérique et de l’automation.
    Mais comment adapter les institutions sans changer les esprits ? La question est d'autant plus pertinente que les institutions sont l’œuvre des esprits.

    • "Mais comment adapter les institutions sans changer les esprits ? La question est d’autant plus pertinente que les institutions sont l’œuvre des esprits."
      Changer les esprits ne pose pas de très gros problème, d'ailleurs nous le faisons plusieurs fois par jour, quand nous passons du cadre familial au cadre professionnel et puis ensuite au cadre associatif, puis éventuellement dans un lieu de culte... Pas besoin d'être schizophrène pour ça. Les esprits, comme la monnaie, s'adossent à un ensemble de règles possédant une certaine logique fonctionnelle interne dans chacune de ces situations. Mais ça ne dure qu'un temps du fait d'évolutions, soit internes, soit externes, qui finissent par rendre ces règles, ces contrats sociaux partiels obsolètes, par exemple en faisant apparaître des nœuds paradoxaux (cas de la situation syndicale qui ne peut aujourd'hui défendre l'état social sans le faire au détriment de l'emploi, ou par exemple notre impossibilité à résoudre l'équation de la durabilité nécessaire dans un contexte d'économie rythmée par la croissance). Ce qui est difficile, c'est de changer de partition du fait de nombreux mécanismes de stabilisation et de coordination. Quand on cesse de fumer, par exemple, on ressent vraiment ces forces de rappel internes et externes.
      Il y a une bonne blague Belge pour illustrer le volet coordination en jeu dans un changement de paradigme, si on change de côté de circulation, il est difficile de commencer par les camions et ensuite passer aux automobiles au cas où ça marcherait bien!

  5. Certes, on peut croire qu'il y a là un cercle vicieux mais pas si on croit à une dialectique du réel et de sa représentation au lieu d'un arbitraire des valeurs et un constructivisme sans limites des institutions. S'adapter à des transformations déjà effectives n'a pas grand chose à voir avec plier les institutions à ses quatre volontés.

    La question est cependant pertinente, que je me pose moi-même sans en avoir la réponse. L'idéologie a surtout une fonction d'inertie. Quand on chauffe les gens avec la religion ou la patrie, on ne peut arrêter ensuite les massacres.

    Actuellement, ce qui plombe la gauche et encore plus la gauche de la gauche, ce sont des idéologies périmées scotchées sur le XIXème siècle (industrie, protectionnisme, nation, etc.). Il faut donc essayer de se débarrasser de toute cette mythologie, ce qui n'est pas si aisé. Pour le reste, il me semble que s'impose de soi devant les nouvelles réalités à la fois revenu garanti et gratuité numérique. Ce ne sont pas des idées personnelles mais qui sont défendues de par toute la Terre par ceux qui y sont confrontés, ce sont les idées d'une ère nouvelle incompatible avec l'ancienne mais qu'on n'a pas choisi pour autant, évolution dans laquelle nous sommes pris plutôt.

    Je ne surestime pas la capacité à convaincre les croyants du caractère illusoire de leurs croyances. Je me demande donc quoi faire et ma réponse ne peut être que ce que je fais. En tout cas, s'il faut changer les esprits, ce n'est pas pour une conversion morale mais pour revenir sur terre, à la précarité et la misère qui gagnent. Il faudrait déconstruire les vieilles idéologies qui nous condamnent à l'accumulation de défaites malgré les foules rassemblées mais c'est surtout l'expérience du réel qui devrait les déconsidérer. Je ne sais pas comment avec tout cela faire du collectif, ce qui serait effectivement indispensable.

  6. J’ai soutenu le programme du Front de gauche qui, idéologiquement parlant ne promeut pas un socialisme "productiviste". Il n’envisage plus de « changer les esprits », je trouve, mais il est essentiellement keynésien, ce qui proposait pour 2012 une opportunité de planifier la transition vers de nouvelles technologies utilisant les énergies renouvelables. Reprendre les choses en arrière, ce n’est pas faire retour au passé, en effet révolu
    Il n’en demeure pas moins que notre programme « l’Humain d’abord » ne prend pas d’emblée en compte les nouvelles réalités que créent le numérique et l’automation, telles que vous-même en faites le constat avec quelques autres. Et je pourrais regretter que les syndicats et les salariés pas encore chômeurs omettent de prédiquer que les entreprises n’ont plus besoin d’embaucher une main d’œuvre nombreuse et peu qualifiée, ayant le choix entre la main d’œuvre des pays dits « émergents »où des chaînes robotisées. Cette réalité (« précarité et misère qui gagne ») n’est pas mobilisatrice ! Je pense qu’il est naturel que nous préconisions avant toute autre chose la résistance à la politique du pire actuellement proposée : l’austérité source de récession. Et aussi que l’idéologie de la gauche radicale a changé, justement, et que nous estimons qu’au XXIeme siècle les esprits doivent changer les états de choses essentiellement par eux-mêmes. Prendre conscience collectivement des mutations, sans qu’on pense à la place des gens concernés Il me semble que la grande majorité des gens sait tout cela, et redoute de constater que le salariat n’a plus d’avenir comme système dominant nourrissant la plus-value capitaliste. Une révolution est nécessaire, au-delà des pansements provisoires, et qui n’attend que l' Evènement déclenchant sans qu’on puisse en prévoir le moment, ni le comment, qui peut être pacifique ou bien très violent. Mais ce que j’en dis ne change pas grand-chose à la grande roue de l'évolution!

  7. Le problème, c'est qu'il y a plus d'un problème et qu'on ne fait qu'empirer les choses. S'il suffisait d'être keynésiens pour se sortir de cette crise, les USA devraient aller très bien avec les sommes gigantesques injectées qui devraient finir en hyperinflation. Non, il y a le problème de l'Euro, mais derrière le problème des dettes et derrière le problème du dollar et derrière le développement des pays les plus peuplés et derrière les problèmes écologiques (sans parler des problèmes d'inégalités insoutenables, de compétitivité, d'adaptation au numérique ou au vieillissement des populations). Bien malin qui aurait LA solution pour s'en sortir, ce pourquoi je préconise un repli sur le local sinon la seule chose qui semble souhaitable, ce serait de précipiter la crise, responsabilité impossible à prendre. Il ne sert à rien d'appeler une révolution sans que cela puisse déboucher sur des améliorations durables et les orientations du front de gauche sont beaucoup trop passéistes (comme le reste de la gauche de la gauche, on entend beaucoup trop parler d'industrie, de protectionnisme, de France, de souveraineté, etc.). De leur côté, les Verts sont trop inconsistants, il faudrait vraiment un parti écologiste à la fois radical et réaliste (essentiellement localiste et fédéraliste) tourné vers l'avenir et non vers le passé mais je n'en vois pas la moindre chance.

  8. Le problème, c'est qu'on a une BCE qui fait ses emplettes sur le marché secondaire au lieu de financer des projets de transition énergétique. D'ailleurs, je serais curieux de savoir si les textes de la zone Euro empêchent
    de tels financements dans le cadre d'un projet global européen, puisqu'il ne s'agit pas dans ce cas de financer directement ou secondairement les dettes des états, mais bien d'une forme de plan Marshall de relance, shuntant l'inefficacité flagrante actuelle des banques pour injecter une relance utile.

    La filière solaire européenne se prend un râteau sous la pression chinoise, on fait quoi ?

    La filière automobile fait pareil, on fait quoi, et que fait l'OMC ?

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/09/12/la-chine-va-aider-ses-exportateurs_1759137_3234.html

    L'anti protectionnisme intégriste est une position débile en termes de stratégie de négociation et de théorie des jeux et ne correspond en rien, et à rien, à la matière des rapports en cours, qui sont toujours des rapports de force de menaces, tout autant que de coopération quand on a montré ses forces :

    http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_2001_num_139_1_3351#

    • Je ne suis pas du tout anti-protectionniste. On a besoin d'une certaine dose de protectionnisme mais qui est forcément bilatéral et qui est donc fortement limité pour les pays exportateurs (que nous sommes) et ce qu'on gagne d'un côté en terme d'emplois sauvegardés peut se payer du même nombre de licenciements dans les entreprises exportatrices. Je suis contre faire du protectionnisme une mesure phare qui pourrait régler quoique ce soit, plutôt façon d'éviter de poser les vrais problèmes. Il faut se méfier de tout ce qui va dans le sens du nationalisme, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas du tout de protectionnisme mais que les problèmes sont ailleurs et que dans notre belle nation, il y a plusieurs classes dont l'une n'est pas tendre avec l'autre.

      • Je pense qu'une dose de mesures mixées protectionnistes, dont la TVA compensée, permettrait
        de réduire les inégalités, resserrement de la distribution statistique des revenus.

        La moyenne du pouvoir d'achat serait éventuellement en baisse mais les déciles inférieurs le verraient
        rehaussé. Mais de toutes façons, il faudra résoudre le problème d'un certain nombre de spéculations sur les marchés et de la circulation des capitaux, et autres paradis fiscaux. Là c'est l'échelle internationale qui est
        efficace et de longues négociations...

  9. Que peut-on attendre d’une table rase? dans la négation de toute l’ histoire? des nations avec leur diversité et avec leurs langages propres ? On ne relocalisera rien, ni on ne fédérera rien, hors des Umwelten nationaux , géographiques et culturels originaires, où nous avons notre là, par régions. Même si nous pensons les transformer. Voire à plus forte raison avec un tel dessein ! Mépriser l’histoire de chaque entité nationale pour concevoir l’Europe comme un nouvel empire fédéral, c’est aussi fou que de croire qu’on peut créer en peinture ou en architecture à partir de rien dans une vaste opération de table rase. On n'a toujours fait que développer une forme antérieure, fusse pour en récuser la structure lorsqu’on cherche à l’éprouver, à l’adapter à notre présence. Quant au concept de Mondialisation, c’est plutôt un enfumage mondain, un nouvel «opium du peuple », qui n’a aucune espèce de lien avec le vivant! Rien à attendre de l'OMC! Parlons plutôt de biotopes dans une biosphère. A maintenir en harmonie à commencer sur ce continent européen, où des peuples divers aspireraient à s'accomplir par le travail, comme depuis 2000 ans, sans autant de bureaucratie mortifère

    • C'est l'un des problèmes de l'Europe, les langues y sont tellement différentes que les émigrés des pays de son sud partent en Amérique latine ou en Australie au lieu des pays du nord.

      C'est à dire que même quand les gens sont prêts à partir, beaucoup de diplômés, c'est hors de l'Europe, un vrai siphonnage de compétences, à part des dingos comme moi, pas doué en langue qui part dans un pays de l'UE dont il ne maitrise rien de la langue. Mais bon, mais ça c'est moi...le côté aventureux barjo.

    • Il y a la véritable histoire, celle d'un long apprentissage nous dévoilant nos erreurs, et puis l'histoire qu'on raconte. C'est sûr que Michelet a fait fort pour donner crédibilité à cette histoire de France glorieuse qu'on aurait peur de perdre comme si les lieux allaient changer de nom sous prétexte qu'on se fédère à d'autres. Le post-moderne est un mélange des cultures, il faudra s'y faire (depuis le temps). On attribue au pouvoir des politiques et à la force du verbe une étendue démesurée qui n'a aucune commune mesure avec leurs marges de manoeuvre étroites. Pendant ce temps, pendant qu'on se mobilise pour quelques milliers d'emplois industriels et qu'on se croit plus fort que la terre entière pour rétablir un ordre perdu, ce sont des millions qui sombrent sans voix. Certes, on vit toujours dans le passé, mais il ne faut pas en faire trop car c'est toujours au détriment du présent qu'on ne veut pas voir.

  10. Tres interessant article, je me demande seulement s'il n'aurait pas mieux valu l'intituler société de consommation avant revolution technologique? Et est-ce apres que viennent les révolutions sociales et politiques? Si oui qu'en sera t'il apres cette revolution numérique? Peut-etre est-cela les revolutions arabes? Ne faut'il pas aussi renouveler les institions politiques autant qu'appeler au renouvellement economique par le revenu d'existence?
    N'y a t'il pas une faillite du modele socio-politique mondial actuel qui n'a pas apparemment de rechange ou de projet clairement défini et debattu? Bref si la mondialisation n'a pas ete heureuse pour tous ne faut-il donc pas craindre un risque d'emballement belliqueux a defaut de nouvelles utopies réalistes?

  11. Le véritable titre aurait dû être : "la société de consommation a précédé le capitalisme industriel" mais c'était trop long. Il ne suffit pas de parler de révolution technique car il y en a eu d'autres et ce qui est spécifique ici, c'est la boucle qui se met en place entre consommation et accélération technique grâce à l'investissement capitalistique et les progrès des sciences. C'est ce qui fait qu'on ne peut pas dire que ce serait la consommation qui est déterminante, elle n'est qu'un des éléments du moteur du développement, simplement on ne peut prétendre que la consommation ne serait qu'un effet (toujours la même absence de dialectique entre sujet et objet qu'on retrouve chez tous les idéalistes, notamment écologistes).

    Il est certain que le changement de système de production se traduit par la contradiction des nouvelles forces productives avec les anciens rapports de production, ce qui doit finir par provoquer un changement des institutions révolutionnaire. Nous sommes dans la même situation actuellement mais on voit que ce n'est pas le souci des anciennes institutions syndicales et idéologies dépassées, c'est comme toujours la jeunesse qui porte les revendications de l'avenir mais si les révolutions sont faites par les jeunes, ce n'est pas eux qui sont au pouvoir ensuite. D'un point de vue marxiste, ce seraient les véritables révolutions sauf qu'elles ne sont pas forcément liées à un renversement des pouvoirs et peuvent s'effectuer sur le long terme. Il y a un autre sens de révolution comme ce qui revient régulièrement pour combattre les inégalités et la corruption. Les deux sont nécessaires mais sont distinctes dans leurs buts et leurs moyens.

    Il faudrait bien sûr démocratiser les institutions, démocratiser la démocratie mais cela n'a pas le sens qu'on y donne en général. Il y a un espèce de mythe de la volonté générale et de l'inspiration divine qui ferait d'une démocratie directe le communisme achevé par l'effet d'une évidence, d'une révélation à tous de ce qu'il faut faire dans la situation et qui s'identifierait complètement à l'intérêt général adopté dans l'enthousiasme général, mais c'est tout le contraire. On a besoin d'une démocratie cognitive qui parte du fait qu'on ne sait pas ce qu'il faut faire et faire son deuil de "changer le monde" (même si ainsi on change le monde vraiment...). Une démocratie des minorités est la seule chose qui peut nous protéger des fascismes de gauche comme de droite mais les hommes préfèrent la guerre pour avoir l'illusion de la souveraineté sur les hommes comme sur les choses. La démocratie comme compromis est considérée par tous les croyants comme une compromission. On le voit avec les pays arabes, si ce sont les jeunes branchés qui ont fait la révolution, la démocratie majoritaire, c'est la dictature de la majorité qui est forcément la religion majoritaire imposant ses certitudes mais qui se confronte à son impuissance face au réel que sa dictature empire jusqu'à se résoudre à remplacer le volontarisme par la négociation et le dialogue. Ce n'est pas moi qui peut imposer mes certitudes à la place de ces illusions religieuses, c'est donc un processus qui se déroule à partir de l'idéalisme vers le réalisme. Il n'y a pas de truc pour éviter cette dialectique historique. Le revenu d'existence est d'une toute autre nature et concerne la production elle-même (adaptation des rapports de production au déclin post-industriel du salariat).

    Il y a une faillite patente de la société-monde, on est dans une crise profonde, le krach de la dette, des billets pris sur l'avenir et d'un capitalisme dérégulé mais il n'y a pas de "modèle". Encore une fois, le monde n'est pas la création d'une pensée mais un jeu de forces où les pensées ont un rôle mais sont produites par la situation plus que la produisant, ce qu'on voit bien lors de paniques bancaires par exemple. Il y aura certainement une nouveau régime du capitalisme et un nouveau système de production mais il sera lui aussi contraint par la situation plus que le produit d'une pensée théorique. Ce que je théorise moi-même comme nouveau système de production ne vient pas de mes pensées (je n'aurais jamais pensé ni au revenu garanti, ni aux monnaies locales) mais de la réalité elle-même des revendications comme des expérimentations, de ce qu'on peut faire pratiquement dans la situation, pas de grand principes qui transfigureraient tous les équilibres.

    Je crois vraiment qu'on se prépare un effondrement de grande ampleur qu'on ne fait que reculer à chaque fois. Les risques de guerre me semblent très grands, y compris en Europe (ce pourquoi, il faut mettre la pédale douce au nationalisme). En même temps, il y a possibilité que les réseaux numériques nous en protègent mais rien de moins sûr. En tout cas, on est très loin du monde enchanté du front de gauche, assurément...

      • Oui, bon, je connais très bien ces 3 mousquetaires (Jean-Marie Harribey, Michel Husson, Bernard Friot) depuis fort longtemps et le fait que ce soient toujours les mêmes montre que les opposants au revenu garanti ne se renouvellent pas du tout. Ils se caractérisent tous les 3 par leur dogmatisme borné (qui n'est pas le même pour chacun) et leur totale ignorance de l'économie immatérielle et du travail autonome, ne voulant absolument pas abolir le salariat mais le généraliser.

        On comprend bien les résistances tout comme la difficulté du financement, c'est exactement le même problème que la gratuité numérique, un changement complet de modèle qui n'est pas assimilable par les marxistes qui ne tiennent pas compte des Grundisse et cela ne vaudrait pas de s'y attarder effectivement si ce n'étaient les nouvelles forces productives qui l'imposaient plus que les troupes clairsemées des partisans d'un revenu d'existence.

        Cependant, ne pas s'en tenir au revenu garanti mais construire les institutions du travail autonome ferait tomber une grande partie de ces objections, seulement moi je suis encore plus insignifiant que les sommités du BIEN qui font un bon boulot quand même (et qui m'avaient invité) car inscrire un revenu de base comme un droit européen ne serait pas si mal. En effet, pendant que nos 3 économistes révolutionnaires s'opposent à un revenu qui ne rentre pas dans leur cadre et n'ont pas peur de craindre une "société duale" et plein de choses qui ne leurs semble pas désirables de leur point de vue, c'est la misère et la précarité qui gagnent (en Allemagne tout autant qu'on nous vante tant où la misère des uns semble la condition de la richesse des autres, pour le plein emploi promis, on peut attendre). C'est la réalité qui les rattrape et JMH s'en rend bien compte apparemment mais obtenir ce revenu de base au nom de la misère l'éloignerait encore plus d'un revenu productif, seul durable effectivement.

  12. Pas vraiment de modèle allemand mais des points utiles, période pré Schröder-Merkel

    Sinon les politiciens français ne sont pas vraiment pro fédéralisme, les propositions ont été faites depuis deux décennies par les allemands, et retoquées par les français. Une relance est en cours...on verra.

    A titre personnel, je constate que les expats sont quasiment considérés comme des traitres et des vaches à traire.

    Le fisc français me demande de payer 2 fois plus d’impôts sur des arriérés de revenus français quand j'étais en France, parce que je vis maintenant hors de France. Il y a vraiment un double discours sur l'Europe et la mobilité professionnelle. Les agents du fisc sont bornés, et je pense que je ne déclarerai plus les autres revenus français qui m'étaient dus. A chaque fois, j'ai pu constater que d'être expatrié est considéré comme une traitrise. Contrairement à ce que vous pensez, la classe politique française n'est pas fédéraliste, en témoigne entre autres les textes du CGI, et l'on constate que la classe politique allemande se rebiffe sur la question fédérale.

      • Une monnaie unique ne fait pas un fédéralisme et encore moins une BC qui ne se soucie que de l'inflation.
        Seule tâche qu'elle a échoué à assumer quand voit les bulles immobilières en Europe.

        La plupart des pays ont transgressé les critères d'endettement et budgétaires, France et Allemagne compris.

        Aucune mobilité professionnelle intra européenne, zéro budget européen, politique PESC zéro, budget européen égale 1% du PIB.

        Bon nombre de pays de l'Est ne veulent plus intégrer l'Euro.

        La sortie de l'Euro semble assez proche pour plusieurs pays. Ce ne sont pas les mesures d'austérité systémique qui changent la donne. Tous les pays qui ont appliqué ces mesures coulent. Et la France est
        sur cette pente.

        • Certes, il y a de bonnes raisons à un éclatement qui n'a rien d'impossible mais que je ne crois pas le plus probable pour l'instant. Il est certain que la situation ne peut pas rester en l'état. L'Europe d'après la crise sera de toutes façons très différente de l'Europe d'avant mais ce ne sont pas les carences très réelles de la construction européennes qui sont la cause d'une crise beaucoup plus générale et qui vient surtout des USA. Il se peut que le répit de la crise européenne (avec des bourses bien trop rassurées) reporte l'attention sur la situation américaine qui est la véritable clef du problème.

  13. La trilogie d’utopies concrètes qu’inlassablement vous soutenez avec conviction ( revenu universel d’existence, coopératives municipales, monnaies locales fondantes) constituent pour moi un Ouvert au lointain, qui m’est une raison d’agir au présent. Mais, dans l’instant-lieu de notre présence actuelle ( l’ ici et maintenant de notre irruption momentanée en responsabilité individuelle, très passagère, dans le monde du vivant) l’espace proche est un espace de lutte des classes farouche, qui engage plutôt à résister au pire ( une prédation sans précédent par le capitalisme financier).
    Je veux bien par exemple d’un fédéralisme européen, mais pas n’importe quoi ( ne pas poser le cadre avant d’avoir fait le tableau !!) . C’est pourquoi je ne partage pas votre expression a priori négative sur le Front de Gauche, et le syndicalisme, qui ne révèle rien d’autre que votre méconnaissance des changements réels qui se sont accomplis déjà dans la pratique militante de la gauche radicale. Libre à vous de trouver ces changements insuffisants, mais c’est tout de même au Parti de Gauche et parmi les écologistes que se réfugie de préférence la petite minorité des gens qui partagent les idées que vous défendez…
    Dans le texte donné en lien de Jan de Vries, il confond le luxe et la rareté. Les hommes ont toujours produit du luxe, du beau, soit pour leurs vêtements, ou pour le collectif de vie (l' oikos, la cité, la paroisse). Le luxe était le prédicat d'une fonction, ou du moment de la fête.
    Les arts populaires hors société bourgeoise occidentale ou antérieurs à leur emprise témoignent de cela. Quand le " bâton de berger" était la branche choisie et sculptée par le berger lui même et pour son usage de marche d'un vrai berger, et pas le signe d'une marque de saucisson sur le rayon du supermarché, par exemple. Quelle régression abominable dans la pure connerie! Et c'est le mercantilisme qui a commencé à établir la confusion et le charlatanisme , en substituant au luxe du travail pleinement accompli ( le sens ancien du verbe consommer) une rareté artificielle,venue d'ailleurs, du plus lointain, le signe ajouté qui épice le quotidien, ouvrant l'accés du bourgeois à la mode, qui distingue abstraitement les individus dans leur propre classe . Jusqu'à dévier le sens du verbe consommer et parvenir à notre société de consommation de purs signes , que décrivait Gorz, où ni le travail réalisé, ni les objets produits ne sont "consommés" c'est à dire l'effet d'un accomplissement de soi et des choses jusqu'à leur terme.

  14. D'abord, quand je parle du parti de gauche comme d'ATTAC, je parle de copains car pas mal on tenté l'expérience mais cela ne m'empêche pas de penser qu'ils font fausse route sur toute la ligne malgré les efforts pour être un peu plus écologistes (mais pas du tout localistes). Mes critiques sont précises et visent surtout Mélenchon mais il n'est pas prouvé que le parti de gauche ne s'identifie pas à lui et ce sont les mêmes critiques que je fais aux 3 anti-revenu garanti un peu plus haut, je ne parle même pas des communistes qui sont un boulet et aggravent l'archaïsme. Il faut ajouter que, jusqu'ici le bon côté du parti de gauche était qu'il était en formation et n'avait pas encore d'élus, maintenant le champ politique ayant ses contraintes, l'énergie va être bouffée par la cuisine électorale.

    L'agir utile aujourd'hui, c'est de défendre le revenu garanti (de refuser que les gens crèvent) et de faire des monnaies locales, pas de faire de grandes manifestations qui ne servent à rien qu'à se réchauffer et se rappeler les luttes glorieuses d'antan. Les protestations contre les mesures d'austérité c'est comme les manifestations pour augmenter les salaires, une force sur laquelle on peut s'appuyer mais qui ne débouche sur rien. Je considère les syndicats et les partis de gauche comme l'obstacle principal aux mesures dont on a besoin en privilégiant les positions acquises (lorsqu'un dirigeant de la CFDT était venu chez les Verts expliquer que le fait d'avoir coupé les vivres aux chômeurs comme moi était justifié par un refus du travail précaire, j'avoue avoir eu l'envie de tuer!). La divergence est profonde sur la gravité de la crise et donc sur ce qu'il est possible de faire (illusion de revenir à la prospérité antérieure), surtout lorsqu'on ne représente qu'un maximum de 15% de la population, ce qui n'est pas grand chose et surtout pas suffisant pour engager des politiques de rupture, juste assez pour faire du bruit sans que cela ne serve à rien. Il faudrait partir de notre impuissance pour construire une stratégie au lieu de s’enivrer de la magie du verbe et de nos si bonnes intentions en s'imaginant pouvoir devenir majoritaires un jour. La divergence c'est bien sûr aussi sur l'importance du numérique dans la reconfiguration du monde et donc sur ce qui est possible et nécessaire dans cette société post-industrielle. Je redis à quel point m'effraie d'entendre ces slogans passéistes et dangereux où l'on ne parle que d'industrie, de protectionnisme, de souveraineté et où le culte de la tradition révolutionnaire française est un peu trop franchouillarde à mon goût, masquant surtout le fait qu'il n'y a aucune chance qu'une révolution se produise ici justement, dans l'état actuel des choses. Marx attendait la révolution communiste en Allemagne mais c'est en Russie que ça s'est produit (et que la démonstration historique nécessaire aura été faite des impasses de l'étatisme).

    Je ne crois pas qu'on ait le choix du fédéralisme, encore moins de sa forme, nous avons été embarqués sciemment dans une union qui ne pourrait plus se défaire (voir les déclarations de Wolfgang Schäuble qui insiste sur le fait qu'il n'a pas le choix). Il y a un risque indéniable d'éclatement de l'Europe, ce qui peut arriver et ne serait rien de bon, mais il y a des forces de rappel qui obligent à aller dans l'autre sens qui ne dépendra effectivement pas de la volonté des peuples, volonté qui est purement fictive face aux réalités qui s'imposent dans l'urgence. On a la chance que la concurrence n'ait pas été constitutionnalisée, ce n'est pas l'Europe qui a été désapprouvée après de nombreux référendums pro-européens. Même les Grecs n'ont pas voulu quitter l'Europe qui les maltraite tant ! Il y a des tentations d'en finir avec les problèmes européens, comme en Hollande, mais finalement chacun sait que ce n'est pas son intérêt et ces velléités ne vont pas jusqu'au vote. Bien sûr, le fédéralisme n'est en rien la disparition des nations qui restent toujours là...

    C'est lancinant à répéter, mais on n'a rien vu encore, on est loin d'être sorti d'affaire, il y a toute une série de problèmes à régler et ce n'est pas une politique moins austère qui nous sauverait, nous allons être ballottés par les événements loin de les maîtriser (jusqu'à l'effondrement du dollar sans doute). Il y a plein de combats perdus, comme en toute époque, il faudrait renoncer à des objectifs illusoires pour se concentrer sur les victoires possibles mais, je le répète, il faudrait un Big Bang de la gauche, en finir avec les communistes qui sont déjà finis, en finir avec les rêves de ré-industrialisation (qui se produira mais automatisée pour se rapprocher du consommateur) comme avec le nationalisme pour retrouver notre véritable lieu de vie où l'on peut agir localement dès maintenant, au XXIème siècle pas dans le XIXème de notre enfance.

    • Il y a quand même le volet agricole qui peut être renouvelé grâce aux techniques d'agriculture durable qui deviennent vraiment efficaces. André pochon qui sait compter avait évalué dans "Les champs du possible" que l'agriculture durable pourrait générer 1 million d'emplois non délocalisables. Les écolos auraient pu s'emparer de ce thème porteur sur lequel il y a de beaux combats à mener contre l'agroindustrie et surtout l'agrobusiness. Mais bon, 1 million, si c'est bon à prendre, ça ne suffit pas à changer la tendance lourde au découplage entre temps et travail.

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