Les champs quantiques

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aimantOn m'a demandé une petite note sur les champs quantiques. Bien sûr je ne suis pas compétent pour cela mais il faut bien dire que ce qu'on trouve sur le sujet (sur Wikipédia par exemple) est absolument incompréhensible pour le commun des mortels. Ce que j'ai fait sera incompréhensible aussi à beaucoup mais un peu moins tout de même et ce serait déjà mieux si les encyclopédies se mettaient à ce niveau pour éviter tous les délires que suscite la physique quantique. On a besoin de toutes façons de plusieurs niveaux de vulgarisation. Evidemment, il faudrait que les physiciens compétents corrigent mes simplifications et mes erreurs...

Les bases de la physique quantique sont très simples même si elles ne sont pas intuitives. Disons tout de suite que la dualité onde/particule signifie qu'une particule est une onde qui manifeste ses propriétés de particules (quantifiées) seulement dans les interactions (elle n'est donc pas à la fois onde et particule mais se manifeste soit comme onde en mouvement, soit en interaction localisée, émission ou absorption). C'est Einstein qui est à l'origine de cette théorisation pour les photons en 1905 (ce qui lui a valu le prix Nobel, et non la relativité) mais c'est le jeune Louis de Broglie qui l'a généralisée en 1924 à toute la matière selon la formule E = h x f (l'énergie E d'une particule est égale à sa fréquence multipliée par la constante de Planck h).

L'important, c'est qu'on a pu effectivement vérifier que la matière (un atome de carbone par exemple) se comporte dans certaines conditions comme une onde, en particulier lorsqu'elle est proche du zéro absolu, dans un état appelé "condensation de Bose-Einstein". On a même fait des "lasers à matière" dont les interférences manifestent le caractère ondulatoire. Seulement, si la matière est une onde, sa longueur d'onde est très petite : plus elle est lourde et plus elle est petite. L'électron est plus léger que le noyau et donc il prend paradoxalement plus de place car sa longueur d'onde est plus grande (mais ce n'est pas du tout une planète tournant autour du noyau!). On le comprend bien avec une corde qui ondule mollement lorsqu'on la remue doucement (grande longueur d'onde) mais qui peut claquer comme un fouet si on l'agite énergiquement (petite longueur d'onde). C'est pourquoi lorsqu'on regarde avec un microscope électronique on voit des détails plus petits qu'avec un microscope ordinaire utilisant la lumière visible. Dans cet univers, plus on contient d'énergie et plus on est réduit à un point localisé, ce qui veut dire aussi, plus on perd ses propriétés ondulatoires. Ainsi, la lumière se manifeste sous forme d'onde plus que les électrons par exemple.

Une fois admis que la base de la physique quantique c'est le caractère ondulatoire des particules, on se trouve dans une généralisation des champs électro-magnétiques. L'univers quantique est constitué de champs quantiques dont, un des problèmes par rapport à la relativité générale, est que ces champs se déploient dans un univers euclidien à 3 dimensions, comme le nôtre, et non dans la géométrie riemannienne à 4 dimensions de la relativité générale. En fait, la mécanique quantique, qui est une physique ondulatoire, remplace l'espace par le champ comme espace d'interaction entre deux corps. Le champ est l'espace physique qui traverse aussi bien le vide (il n'y a pas d'espace vide de champs), et constitue la topologie de l'univers, son substrat physique peut-on dire (sans qu'on sache en quoi il consiste). Le champ (électrique par exemple) décrit simplement l'évolution d'une onde en fonction de l'espace et du temps (sa diffusion et son atténuation avec la distance), les particules étant des excitations de ce champ ou des interactions entre champs. La fonction d'onde de Schrödinger dérive de la formule précédente de de Broglie mais sous la forme L = h / p (la longueur d'onde L = la constante de Planck h divisée par l'impulsion p qui est la masse multipliée par la vitesse, ou l'énergie potentielle plus l'énergie cinétique). L'équation de Schrödinger en 1925 ressemble à : E = (p2 / 2m) + V (r) où V est l'énergie potentielle et r la position observable, mais on se rendra vite compte (Max Born) qu'elle ne donne que des probabilités de position des particules, probabilités actualisées par la mesure (constituant "l'effondrement de la fonction d'onde" ou une "réduction du paquet d'onde", passage de la probabilité au fait). Il faudra encore la rendre compatible avec la relativité restreinte, ce que fera Dirac. La quantification correspond, pour l'électron par exemple, au fait que les différentes orbites possibles de l'électron correspondent à des multiples entiers de sa longueur d'onde.

l'électron comme onde stationnaire

La "mécanique" quantique est une physique ondulatoire et probabiliste qui décrit l'évolution des probabilités de diffusion d'une onde. Sous ses aspects compliqués, c'est très simple puisqu'il ne s'agit que d'additionner des ondes et des probabilités. Toutes les ondes peuvent s'additionner (on peut décomposer n'importe quel signal en combinaison de différentes ondes par des transformations de Fourier). Le champ se comporte comme un substrat matériel qui transmet une tension ou une vibration, tout comme les vagues de la mer ou une corde. C'est donc une sorte d'éther malgré tout, d'autant plus qu'il est le support des "fluctuations du vide". Ces fluctuations qui découlent du "principe d'incertitude" de Heisenberg ne résultent pas de notre ignorance mais sont des fluctuations bien réelles (responsables d'une attraction à très courtes distances dit "effet Casimir") et d'autant plus grandes que le temps et la distance sont courts : les probabilités sont "réelles" contrairement à ce que croyait Einstein, tout comme la constante de Planck h est bien réelle et ne résulte pas de la limitation de nos instruments (sinon l'énergie d'un four serait infinie). L'ordre quantique est donc bien construit sur un désordre sous-jacent, la stabilité des liaison atomiques sur une agitation aléatoire à plus petite échelle. A partir de là, on peut décrire avec les diagrammes de Feynman les interactions entre particules et leur décomposition en particules plus stables dont la somme doit conserver l'énergie et la charge.

Il faut ajouter qu'il y a un nombre infini de "lignes de champs" passant par toutes les directions à la fois, bien qu'avec des probabilités plus ou moins grandes, le chemin direct étant seulement le plus probable mais il faut tenir compte dans les calculs de tous les autres chemins possibles (dits indiscernables). Ainsi la lumière passe par tous les trous à la fois même par derrière! C'est ce qu'on appelle "l'intégrale de chemin" bien qu'on soit obligé d'éliminer les infinis par la procédure de renormalisation qui ne garde que les probabilités les plus significatives (limitant ainsi l'horizon où une théorie effective reste valable, sa portée au-delà de laquelle elle perd toute pertinence).

Il n'y a rien de mieux vérifié par l'expérience, malgré toutes ces "approximations", que la théorie quantique des champs. Les problèmes viennent de leur interprétation. Ainsi, la découverte par Dirac de l'anti-matière (de deux solutions positives et négatives pour les carrés présents dans ses équations) laisse ouverte la possibilité de création de couples de particules matière/anti-matière à partir du vide, et donc d'une "création ex nihilo" puisque le bilan énergétique serait nul (en fait on observe plutôt la création de couples électron/positron à partir de la collision de photons au voisinage de noyaux fortement chargés). Surtout, il faut souligner le paradoxe soulevé par Einstein et appelé paradoxe EPR : une seule fonction d'onde servant à décrire des couples de particules émises simultanément, cela entraîne que les particules restent liées quelque soit leur distance (ce qu'on appelle "intrication"), contredisant apparemment la relativité restreinte puisque supposant une transmission d'information plus rapide que la lumière (ce qu'on appelle abusivement "téléportation"). Bien qu'il n'y ait pas de transmission d'information, semble-t-il, cette corrélation a été vérifiée par l'expérience comme exacte (pas seulement probable) mais reste un problème théorique non résolu sur lequel toutes sortes d'hypothèses plus ou moins délirantes ont pu être échafaudés (et que la théorie holographique pourrait résoudre peut-être). C'est un des principaux mystères de la physique quantique.

De plus, les particules se caractérisant par un ensemble de propriétés (impulsion, charge, spin) les équations impliquent semble-t-il une "conservation de l'information" mais le mot d'information est mal employé ici pour ce qui concerne des propriétés physiques. On exprime ainsi seulement le caractère mathématique des fonctions et le fait que "le réel n'oublie rien", mais ce qui se conserve, c'est l'énergie, pas l'information. D'ailleurs si on peut superposer plusieurs états dans les fonctions de probabilité, ce qui est à la base des "qubits" de l'informatique quantique, on sait aussi que la moindre interaction (ou mesure) supprime cette superposition, ce qu'on appelle la "décohérence" et qu'illustre le paradoxe du chat de Schrödinger (la décohérence viendrait de la perte d'énergie dans l'interaction). Il y a donc bien perte d'information, de même que dans les trous noirs.

Il faut d'ailleurs souligner que si la théorie quantique des champs permet de rendre compte de la presque totalité des interactions (ce qu'on appelle la théorie standard des particules), elle échoue par contre à prendre en compte la gravitation. La grande question actuelle est d'arriver à combiner physique quantique et relativité générale, en particulier dans les trous noirs qui relèvent des deux théories puisqu'ils se réduisent à une dimension quantique avec une force de gravitation qui devient significative à ce niveau alors qu'elle est négligeable d'ordinaire à cette échelle. La gravitation en boucle ou la théorie holographique ou la théorie des cordes tentent de prendre la relève, cette dernière étant surtout une généralisation mathématique nécessitant tout de même au moins 6 dimensions supplémentaires (qu'on dit repliées sur elles-mêmes au niveau microscopique!) mais qui est peu compatible pour l'instant avec la relativité générale contrairement à la gravitation en boucle...

Je rappelle que je ne suis absolument pas compétent et que je n'y comprends rien, comme tout le monde, j'essaie simplement de donner un résumé rapide de la question sans se perdre dans des équations illisibles.

Voir aussi la plus ancienne Initiation à la mécanique quantique.

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