La fin de la philosophie

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  ni sagesse ni savoir absolu ni surhomme
Les éléments d'une philosophie écologique que je viens de rassembler ont toute l'apparence d'une philosophie (écologique, dualiste matière/information) et prolongeant l'histoire de la philosophie (Hegel, Marx, etc). Pourtant, je me suis senti très souvent obligé de préciser qu'on pouvait contester que cette philosophie sans consolation soit encore de la philosophie car ne promettant aucune sagesse et plutôt nouvelle version d'une vision scientifique du monde qui est souci écologique, conformément à l'époque, et qui ne procède pas d'un philosophe particulier ni d'un système a priori mais de résultats scientifiques pouvant toujours être remis en cause par l'expérience, après-coup.

On serait donc bien dans la fin de la philosophie au sens que lui donne Heidegger pour qui "Fin de la philosophie signifie : début de la civilisation mondiale en tant qu'elle prend base dans la pensée de l'occident européen. La fin de la philosophie au sens de sa ramification en sciences" (Questions IV p118). Ce point de vue "positiviste" vide toujours plus la philosophie de substance au profit des diverses sciences, poursuivant la déconstruction des philosophies idéalistes et de leurs illusions, y compris le matérialisme dogmatisé du marxisme prouvant qu'il ne suffit pas de se vouloir scientifique (car sans Dieu) pour l'être et ne pas tomber dans un nouveau dogmatisme idéaliste. C'est la leçon de l'histoire, raison pour laquelle il y a une histoire nous faisant avancer quoiqu'on dise. Tant que nous ferons des erreurs et que nous aurons des illusions sur la réalité, il y aura donc toujours une histoire de la philosophie mais qu'on pourrait considérer malgré tout comme une sortie de la philosophie et de la métaphysique. Nous serions ainsi dans l'histoire, qui n'est pas finie, de la fin de la philosophie absorbée par les sciences, et se réduisant finalement à la morale, à l'éthique comme philosophie première (Lévinas).

Pour Hegel, c'est un peu différent, le simple fait de situer les philosophies dans le temps et la contradiction de leur prédécesseur suffisant à décréter la fin de la philosophie ayant parcourue toutes les figures possibles qui ne pourraient qu'être rejouées en vain. On peut dire pourtant que ces philosophies en progrès égarent et révèlent à la fois. En effet, la dialectique hégélienne enseigne d'une part que les erreurs dans la pensée se paient cher, se heurtant douloureusement aux démentis du réel qui sont au principe du progrès cognitif par une sorte de sélection historique, mais, d'autre part, qu'une négation est toujours partielle, il n'y a pas un côté de la contradiction qui supprime l'autre côté sans reste. Il faut donc bien reconnaître ce qu'il y avait de vrai dans toutes les philosophies du passé pour les dépasser en intégrant leurs avancées, car si chaque philosophe réfutait ce que les systèmes philosophiques précédents avaient de faux, d'unilatéral, de dogmatique, et même si leurs belles promesses étaient fondamentalement trompeuses, ils s'appuyaient à chaque fois sur de fortes vérités pour nous en convaincre, et qu'on peut considérer acquises pour la suite, dans la continuité d'une histoire cumulative.

La critique de nos prédécesseurs est donc absolument nécessaire, dictée par les événements. Il faut critiquer l'idéalisme de Hegel et de Marx que nous épousions dans notre jeunesse, mais, cette réfutation de ce qui nous paraissait l'essentiel pourtant, n'empêche pas d'en recueillir une somme de savoirs ("Les vérités qui tombent de Hegel comme la farine du moulin" disait Alain). Ainsi, la succession des positions morales que décrit Hegel ou la dialectique du désir de reconnaissance comme désir de désir sont toujours aussi éclairantes, de même les analyses de Marx du Capital et des rapports de classe peuvent toujours être utiles, mais est-ce encore de la philosophie qui donne sens ou simple description phénoménologique voire scientifique devant être mise à jour ? Il y a bien de quoi se moquer aussi de nos naïvetés passées : notre émancipation de la morale bourgeoise ressemblait fort à une nouvelle normativité, la libération sexuelle à la domination masculine, notre authenticité était un peu trop forcée, plutôt maladroite identification à nos héros libertaires comme à de nouveaux maîtres ! Par contre, et comme le chantait Lennon, "A working class hero is something to be". Le souci que nous avions des travailleurs, des plus faibles et opprimés était plus que légitime. Surtout, il y a eu quelques résultats précieux qui permettent de se réconcilier avec un passé qui est celui de toute une génération et n'a pas été seulement un égarement, ne nous laissant que nos illusions perdues, ayant réellement fait progresser la justice et la liberté - certes loin de ce qu'on pouvait espérer - progrès du Droit, notamment pour l'égalité des sexes, qu'il nous faut continuer même à ne plus croire à l'émancipation finale et devoir s'affronter aux nouvelles contradictions de l'émancipation. Il n'est pas question de refouler nos indignations et passer à droite ni de permettre aucun retour en arrière, mais de se concentrer sur les nouveaux progrès exigées par notre moment historique. De ce côté, il n'y a pas de fin de l'histoire semble-t-il mais un progrès infini.

La propension à se croire toujours à la fin de tout ce qui nous précède est un peu ridicule mais le plus critiquable dans l'idée d'une fin de l'histoire, c'est qu'elle est supposée finir bien, de Hegel à Marx ou Kojève. Cependant, il ne suffit pas de la critiquer pour en finir avec la fin et si on considère qu'il y a une part de vérité dans chaque grande philosophie, on doit admettre qu'il y a une part de vérité dans la proclamation d'une fin de l'histoire qui correspond assez bien à notre situation historique d'un Etat de Droit planétaire en formation avec la globalisation marchande, financière, juridique, numérique, écologique (pandémique). Pour Hegel, cette fin de l'Histoire (qu'il appelle plutôt une fin du temps) implique logiquement la fin de la philosophie, parvenue au savoir absolu de la conscience de soi de l'Esprit. Remarquons qu'il annonce aussi la fin de l'Art et qu'il le fait juste avant l'Art moderne qui nous a tant ébloui jusqu'aux années 1960, illustrant le caractère paradoxal d'une fin qui nous paraît plutôt un commencement, mais en fait commencement d'une destruction des règles. Ce qui est vécu comme une libération de la représentation, explosion de la créativité, trouve cependant sa limite, aboutissant au monochrome, au lettrisme, à la dissonance et, finalement, au silence ou au simple geste de rupture. S'il y a une fin de l'Art, ce serait plutôt de nos jours, réduit au marché. L'idée de fin de la Philosophie a eu par contre beaucoup plus de succès que celle de fin de l'Histoire ou de l'Art, ses successeurs ayant presque tous revendiqué aussi une fin de la philosophie qui s'est déclinée en différentes formes de négations, de Kierkegaard à Marx, Comte ou Nietzsche, qu'elle se réclame de l'existentialisme, du matérialisme, de la science ou de la sélection naturelle (et du déterminisme implacable de l'éternel retour).

A l'exception notable de l'existentialisme, qu'on peut considérer comme étant une philosophie morale, la fin de la philosophie se présente comme la fin d'un subjectivisme idéalisant, alors même que le prophétisme de la fin de l'histoire en fait tout au contraire son apothéose, ce qu'on retrouve chez Kant ou Hegel aussi bien que chez Marx, ce qui est plus surprenant. Leur surévaluation de l'humanité, présentée en héros de l'universel et sujet de l'histoire, fait de l'histoire le développement de son essence propre quand elle résulte plutôt de la confrontation à un réel extérieur intériorisé, apprentissage plus qu'extériorisation de sa merveilleuse intériorité, causalité écologique avant que génétique. Il est sûr que cette exaltation de l'esprit et de notre supériorité sur l'animal ou le biologique, ne peut mener qu'à une fin triomphante, véritable royaume de Dieu sur terre. C'est naturellement, ce qu'on veut entendre, qu'on flatte notre narcissisme, mais c'est aussi ce qui n'est plus crédible à l'ère du numérique, de l'Intelligence Artificielle et des neurosciences. L'accélération technologique rend encore plus manifeste que ce n'est pas "l'humanité" qui est cause de son histoire, et ce n'est pas non plus que l'essence de l'homme serait l'action négatrice, l'esprit qui dit non, l'innovation en constituant le moteur: de longues périodes de stagnation le contredisent. La subjectivité peut sembler l'opérateur du progrès historique mais elle n'en détermine absolument pas le sens, qu'elle subit plutôt comme le travailleur son travail, y compris dans l'histoire de l'Art qui ne dépend pas autant qu'on le dit des artistes ne faisant que déployer le formalisme de l'époque, à l'instar des progrès de la science dont Poincaré soulignait que "la part de l'homme n'est que celle de l'erreur". Il ne s'agit pas de notre subjectivité mais bien de processus objectifs. L'impulsion ne vient pas de notre activisme inné, de notre créativité, notre négativité, mais de la pression du milieu.

On perd certes beaucoup à ne plus être au centre de l'univers ni de l'histoire, perdus sur une petite planète, comme il doit y en avoir d'autres, et simples produits de l'évolution - même si le langage, la culture et la technique dépassent le biologique mais pour nous livrer à l'évolution culturelle et technique. Il faut s'y faire. L'histoire et la philosophie ne s'achèvent pas par la totale objectivation de la subjectivité mais par la sortie du subjectivisme, non par la complète réalisation de notre essence et la réconciliation des coeurs mais en retournant la charge de la cause sur le réel extérieur, ce qui implique le dépassement de la fin, devenue sans objet, ainsi que le renoncement à supprimer complètement toute contradiction. Paradoxalement, la véritable fin de l'histoire serait de savoir qu'elle n'a pas de fin, perdant ainsi tout enjeu, alors qu'une fin de l'histoire réalisant la philosophie se révèle vite contradictoire. Hegel était d'ailleurs conscient que l'individu ne pouvait se satisfaire d'un système impersonnel totalisant comme celui de Spinoza qui le traite universellement. La fin de l'individu est sa mort tout simplement. "Est-il devenu complètement objectif à lui-même, il est alors sans le procès de la vitalité. L’accomplissement de son commencement est la mort de son être-là" p155. Jamais le pour-soi ne peut se réduire à l'en-soi qui le fige, l'existence à l'étant, le rapport à l'autre aux rapports aux objets. Au lieu d'une fin, on aurait donc un progrès infini non seulement des connaissances et des techniques mais aussi de la liberté effective et de la conscience de soi de l'individu comme appartenant à son temps et une communauté historique (politique et "religieuse").

Ce qui est plus difficile à dénier, c'est la part de vérité de la face objective de la fin de l'histoire, qui s'incarne concrètement dans l'État de Droit universel, comme de la fin de la philosophie achevée par son encyclopédie des sciences philosophiques, où le Droit prend une place centrale. On n'est plus du tout ici dans le subjectivisme et une liberté capricieuse. C'est l'Etat et le Droit qui rendent effectives nos libertés objectives, garanties par le gouvernement, en premier lieu la propriété (privée ou commune), tout comme ils assurent la reconnaissance juridique universelle de chacun. Cette importance des institutions est un apport décisif de Hegel contre l'idéalisme et le recours nébuleux à l'esprit des peuples. Nous aspirons à la liberté, mais pas sans Loi (qui libère) ni contradictions, et sans que cela nous fasse accéder pour autant à notre "réalisation" ou à la satisfaction du sage que prétendait être Kojève. Sur ce plan du Droit, il y a bien une sorte de fin de l'histoire avec l'universalisation du Droit, qui commence avec le code Napoléon et la fin des peuples particuliers dans l'Empire (n'en déplaise à Bernard Bourgeois), où commence l'humanité prenant conscience de son unité. L'évolution animale jusqu'à l'histoire de l'esprit ne promet ainsi ni sagesse ni savoir absolu ni surhomme ni l'extériorisation par notre travail de notre intériorité, production d'un monde prétendu humanisé, ni volonté de puissance, mais nous soumet plutôt au devoir moral et au Droit, ce qui est moins drôle. Il n'est pas certain que cela permette le passage de l'histoire subie à l'histoire conçue où la Phénoménologie de l'esprit s'achève après être passée de la conscience de soi à la conscience morale puis à la conscience politique et religieuse ou artistique. Ce serait sûrement nécessaire, et pas impossible, mais n'est pas si facile ni immédiat, le progrès des institutions prenant beaucoup de temps...

Nous avons encore bien des progrès à faire et des combats à mener mais nous ne sommes pas soumis qu'au Droit mais tout autant à l'état des techniques qui sont l'autre face de nos libertés objectives. On peut dire que nous sommes les produits de la technique, l'outil de l'outil, son agent, son animateur, son utilisateur enfin plus que son inventeur. Cela ne fait pas de nous les esclaves de la technique, pas plus que du Droit, comme on le conclut un peu vite, alors que, objectivement, jamais nous n'avons été aussi libres (en particulier les femmes). Qu'il n'y ait pas de fin des progrès techniques, pas plus que de lutte finale, de fin de l'entropie, d'idéal réalisé, et qu'en plus on ne soit même pas les auteurs de notre histoire, ne signifie absolument pas qu'il faudrait se laisser faire, accepter son sort sans réagir, mais qu'on doit agir dans la finitude concrète de notre temps et notre lieu avec tous les moyens techniques à notre disposition. Qu'on ne puisse pas tout nous ouvre au possible effectif.

L'idéalisme absolu (u-topique) doit être renversé en matérialisme où la cause vient de l'extérieur, et où les contradictions sont réelles plus qu'idéologiques. Si, comme le disait Novalis, "La philosophie est proprement nostalgie – aspiration à être partout chez soi", la fin de la philosophie serait de reconnaître l'être extérieur comme étranger, un monde qui n'est pas fait pour nous et n'a guère d'égard pour nos mérites, monde de l'entropie contre laquelle on doit se défendre tant qu'on vit, monde de guerres et de grandes destructions qui ne réalise pas nos rêves, ne comble pas nos attentes, ne se plie pas à nos quatre volontés mais dans lequel on est né et qu'il faut tenter de sauver du désastre. La fin de la philosophie n'est pas la réduire à rien mais à l'histoire de la sortie de nos erreurs et illusions laissant place à la vérification scientifique.

C'est seulement après avoir abandonné l'espérance de supprimer l'être-étranger d'une façon extérieure que cette conscience se consacre à soi-même. Elle se consacre à son propre monde et à la présence, elle découvre le monde comme sa propriété et a fait ainsi le premier pas pour descendre du monde intellectuel. p306

Il est certain que Heidegger a essayé de sortir à sa manière du subjectivisme en faisant dépendre le sujet, son Être-là, du temps et du lieu, de son milieu extérieur (umwelt), de l'ouverture d'une clairière qui se dévoile à nous dans la lumière de l'Être, mais c'était pour tomber dans une sorte de mystique où l'humanité, voire l'Allemand ou l'Occident, garde un rôle disproportionné de "Berger de l'Être" dans le langage, ce qui serait la tâche de la pensée après la fin de la philosophie. On peut préférer le caractère bien plus concret de l'écologie comme "gardien de l'Être", à tenter de préserver nos conditions de vie détruites par notre puissance technique. Depuis Être et Temps, Heidegger a toujours eu un problème avec la question de la subjectivité qui semble au coeur de son ouvrage, ce qu'il n'aura de cesse de dénier, la part de la subjectivité humaine (de la conscience, de l'intentionalité) étant d'abord minorée avant de lui redonner un rôle central. Que ce soit le péril qui nous sauve, en nous forçant à réagir, n'en fait pas un destin divin qui s'enracinerait dans notre origine et un chez-soi, retour d'un subjectivisme qui avait justifié son engagement nazi avant qu'il ne se fasse le prophète de temps nouveaux, d'un Dieu à venir, d'une nouvelle pensée de l'Être (en fait du devenir). Cette méditation sur les conditions d'apparition de l'événement s'est révélée assez stérile et donne une vision éthérée de l'Etre, qu'on peut dire immatérielle, ce qui est un comble, finissant enfin en fictions opposant des dieux et des mortels comme le ciel et la terre. La philosophie rationnelle qui finit en sciences multiples, laisserait la place ainsi à la poésie, la mystique, l'irrationnel ? L'existentialisme de Sartre montre qu'il peut y avoir une autre voie qui assume sa subjectivité comme sa liberté, mais sans égard à l'Être ni aux sciences, seulement au regard des autres (qui sont notre enfer), laissant place à la psychanalyse.

Ce qu'on n'a pas voulu comprendre du positivisme si décrié d'Auguste Comte, ce qui l'a rendu insupportable, c'est de reconnaître que la vision scientifique se confronte plutôt à nos limites cognitives et notre horizon limité, nous forçant à l'abandon des questions métaphysiques comme de savoir : "pourquoi y a t-il quelque chose plutôt que rien?", question qui ne peut que renvoyer à un créateur. Ne plus prétendre répondre à ce qui constitue l'étonnement philosophique, selon Schopenhauer, serait bien un progrès de la connaissance (de nos limites) du même type que l'athéisme se passant de dieux - constatation que la question ne peut avoir de réponse hors d'un dogmatisme religieux, révélant le rôle de garant de la vérité d'un être suprême, fixant les choses dans une onto-théologie qui donne sens, donne un récit mythique comme vrai, soudant le groupe. La loi des trois états (théologique, métaphysique, positif) est peu de chose mais essentielle pour comprendre qu'il y a le même progrès cognitif à sortir de la religion qu'à sortir de la métaphysique, confrontés à notre finitude et la fragilité de nos savoirs comme de notre existence. La pensée, l'imagination, cherchent à donner sens à ce qui arrive. Ce donner sens échoue. Notre esprit, pur produit sociologique, n'est pas si merveilleux, nous ne sommes pas si glorieux (si faciles à tromper) mais le reconnaître est un progrès, inaugurant le stade scientifique basé sur la vérification et qui connaît son ignorance (étalée ces derniers temps devant la pandémie).

On doit bien constater qu'en finir avec la philosophie est un travail de longue haleine, travail de déconstruction, comme l'ont appelé Heidegger et Derrida, prenant leur distance avec les évidences véhiculées par la tradition ou le langage, brouillant les oppositions, dénonçant les faux savoirs, destruction du sens qui achève de vider la philosophie de l'intérieur, fragilisant ses bases, non pour déboucher cependant sur un scepticisme aveugle mais sur une contestation des hiérarchies et des vérités officielles au même titre que la sociologie. Impossible dès lors de revendiquer une vérité définitive ni d'aspirer à une découverte sensationnelle qui nous ouvrirait enfin les yeux. Il n'y a plus de philosophie - mais il y a tant à faire et nous n'avons plus le temps de croire à des balivernes. Ce qui finirait avec la philosophie, ce serait donc bien ses dernières illusions de clore la question face à notre rationalité limitée, et comme je le disais dans L'illusion de la fin :

Au lieu du romantisme révolutionnaire d'une réconciliation finale où tous les coeurs s'enflammeraient dans un grand élan de fraternité, notre avenir n'est donc pas à l'expression des peuples, ni d'une subjectivité particulière excluant les autres, ni d'une volonté démocratique arbitraire, et pas plus d'une prétendue essence humaine, mais bien plutôt le règne de la science et du droit, de l'économie et la technique, des catastrophes et de l'écologie enfin, histoire devenue universelle du climat.

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2 réflexions au sujet de “La fin de la philosophie”

  1. Texte paradoxal, en ce qu'il développe (et l'on souscrit largement à ses vues philosophiques) un point de vue ... très philosophique, pour acter de la fin de la philosophie (certes longue à finir). Je crois quand même, que malgré la place croissante prise par l'extériorité du réel dans la pensée, appréhendée par les champs scientifiques (au sens large, on pourrait - on doit - y inclure la sociologie et l'économie nonobstant les réserves à l'endroit de leur scientificité), il subsistera toujours un questionnement sur le(s) sens global (non pas seulement la vérité) à conférer à notre devenir. Et si une certaine manière de "philosophie" n'y prend pas sa part, ce sont les diverses formes de religiosités et spiritualités qui pourraient fort bien tenir ce rôle.

    • Oui, je me situe dans l'histoire qui n'est pas finie de la fin de la philosophie et dans une dialectique de négation partielle de la philosophie qui en reconnaît la part de vérité. J'ai voulu ainsi rendre compte de ma propre position par rapport à la philosophie que je pratique.

      Que le questionnement perdure, et les religions et les théories du complot qui donnent sens (comme la sorcellerie), c'est inévitable mais ce que Auguste Comte a montré (après Kant), c'est qu'admettre les limites de notre savoir et qu'il y a des questions sans réponse est un progrès décisif. Cela a permis à Darwin de construire sa théorie de l'évolution sans avoir à lui donner un sens. J'ai longtemps trouvé révoltant ce renoncement, avec la prétention de trouver ce sens de l'histoire chez Hegel et Marx. Qu'il faille continuer la philosophie pour rappeler la coupure épistémologique des sciences et déconstruire les évidences idéologiques ne suffira pas cependant à éteindre les rumeurs ni à supprimer les dogmatismes.

      Faire le constat de la fin de la philosophie est surtout ne plus en attendre de miracles et inciter à se consacrer aux problèmes concrets avec les outils de la recherche et de la sociologie au lieu de belles idées.

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