Incertitudes climatiques et marchands de doute

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Les nouvelles du climat vont de pire en pire, réfutant la relative modération des prévisions précédentes qui se voulaient raisonnables. C'est bien le pire des scénarios qui était le plus réaliste, avec le développement des pays les plus peuplés (comme l'Inde) et les populistes climato-sceptiques au pouvoir, ce qui atteste du déficit de gouvernance mondiale qui serait nécessaire pour réduire nos émissions, les prochaines années étant cruciales. On n'évitera donc pas des bouleversements climatiques catastrophiques, même si ce n'est pas la fin du monde, encore moins de l'humanité.

Il y aurait de quoi baisser les bras si des actions n'étaient en cours aussi bien sur le front de la reforestation que des énergies renouvelables (solaire, éolien). Il est remarquable que, pour la première fois, les combustibles fossiles sont au coeur de la campagne électorale américaine. Il faut dire que l'énergie verte procure déjà 10 fois plus d'emplois aux USA que les énergies fossiles (fuel, charbon, gaz). Certes, tout cela reste pour l'instant trop insuffisant pour faire autre chose que d'atténuer les conséquences du réchauffement mais c'est déjà ça et il faut tout faire pour accélérer le mouvement.

Ce n'est peut-être pas assez apparent pour le public mais il est frappant de voir comme cette accumulation de mauvaises nouvelles a provoqué, depuis moins d'un an, un regain de mobilisation des scientifiques devant l'aggravation de la situation, se focalisant désormais sur l'étude des solutions après avoir travaillé à réduire les incertitudes des modèles climatiques. C’est d'ailleurs le moment où un rapport intitulé "How the fossil fuel industry deliberately misled Americans about climate change" montre que les entreprises pétrolières connaissaient très bien les dangers de leurs émissions de CO2 mais finançaient les climato-sceptiques et la désinformation, polluant le débat en exagérant les incertitudes qui sont effectivement très grandes et pouvaient motiver une certaine retenue des scientifiques - ce qui n'est pas le cas des climato-sceptiques qui ne sont pas du tout sceptiques mais sont au contraire absolument certains d'une vérité alternative et qu'il n'y aurait pas de réchauffement anthropique seulement un cycle naturel !

On sait que toutes les nouvelles études scientifiques ont besoin de confirmation et peuvent toujours être contestées ou corrigées par des études suivantes, mais, en plus, ce n'est pas seulement que le domaine climatique est très complexe, c'est qu'il est dépendant de facteurs externes imprévisibles, que ce soit un événement cosmique, volcanique ou l'action humaine, les projections scientifiques dans les années futures ne peuvent être considérées comme des prédictions. Il ne faudrait pas montrer trop de certitude en ce domaine, il suffit que le pire soit non seulement possible mais probable dans l'état actuel de nos données, et que la certitude que tout se passera bien soit beaucoup moins soutenable. Entre certitude et déni, on doit laisser toute sa place aux incertitudes sans dénier les tendances globales qui se dégagent et sont assez paniquantes (du point de vue de Sirius évolutionniste, cette épreuve peut sembler "naturelle" mais pour chacun les risques encourus sont très concrets).

Il est à noter que non seulement le public peut comprendre les incertitudes météorologiques mais admettre cette incertitude des prévisions climatiques renforcerait leur acceptation. D'ailleurs, au lieu de s'en tenir aux incertitudes à long terme, il faudrait sans doute mieux avertir des risques à court terme sous-évalués et de probables changements abrupts dans le climat arctique sans attendre la fin du siècle. La bombe méthane semble aussi trop minimisée. Cependant, l'incertitude forcément plus grande sur les conséquences, aurait (selon la même étude) un effet complètement démobilisateur. Ce qui se comprend. On a besoin d'objectifs clairs et d'y croire. On progresse dans le diagnostic mais les paramètres les plus prévisibles comme la montée des eaux restent débattus. De même, s'il est important que les études scientifiques se portent maintenant sur les mesures proposées et leur impact possible, sortant de l'idéologie, le degré d'incertitude en reste inévitablement élevé. Et d'abord parce que le monde réel ne sort pas de l'idéologie, lui, ni surtout des intérêts et des jeux de puissances - où l'on retrouve le manque de gouvernance mondiale dont on aurait tant besoin et qui sans doute s'ébauche déjà dans le cadre de l'ONU mais reste malgré tout menacé d'éclatement.

S'il y a incontestablement des marchands de doute, des intérêts qui font tout pour déformer les faits et nous cacher la vérité, il y a aussi les erreurs d'analyse, le manque d'information ou les biais cognitifs des écologistes eux-mêmes qui introduisent de l'incertitude et nous fragmentent en différentes sectes. En dehors des prophéties de fin du monde, des survivalistes et d'une collapsologie sans nuance bien éloignée des travaux scientifiques, sans parler de tous les utopistes, le cas le plus flagrant de dissonance cognitive concerne la question de l'énergie pour laquelle on rameute une thermodynamique un peu trop grossière pour nous persuader d'un épuisement imminent de l'énergie et d'un manque de pétrole apocalyptique alors que tout démontre le contraire et que notre problème n'est pas de manquer de pétrole, hélas, mais qu'il n'y en a que trop et que ce qu'il faudrait, c'est d'arrêter d'extraire pétrole et charbon au lieu de se préparer à l'effondrement énergétique supposé salvateur. Bien sûr il est impossible d'affirmer que cela ne se produira pas, il n'y a à l'évidence aucune certitude qu'on ne manquera jamais d'énergie transitoirement, ni qu'on ne connaîtra pas des périodes de désordre ou de guerre avec une interruption des flux d'échanges mais là encore l'incertitude doit nous porter vers le plus probable, qui n'est déjà pas rassurant du tout, au lieu d'aller immédiatement aux extrêmes et se battre contre des moulins, au lieu d'avoir une action effective. Les certitudes d'effondrement ne sont que le pendant des certitudes des climato-négationnistes pour un avenir qui n'est pas donné d'avance mais qui est lourd de menaces dont nous sommes la cause.

Un autre problème qui risque de s'ajouter dans ce contexte de réchauffement accéléré des prochaines années, c'est de ne pas percevoir les bénéfices des actions entreprises car, même si on arrêtait nos émissions sur le champ, ce ne serait pas la fin des catastrophes météorologiques de plus en plus nombreuses et violentes, ouragans, inondations, sécheresses, canicules. Il y aura encore de la place pour les marchands de doute et les démagogues, comme on allait chercher un sorcier pour nous sauver du mauvais temps. Malgré toute notre science, nous en serions toujours au même point. On vit toujours effectivement dans un monde d'événements imprévisibles, une durée limitée, l'incertitude de l'avenir et de notre fin. Il est tout de même possible que l'informatique et la science finissent par réduire l'incertitude, ce qui est la fonction de l'information dont nous sommes submergés.

En attendant, il nous faut bien agir dans l'incertitude, ce que nous faisons tous les jours, en faisant tout pour éviter le pire à chaque fois, car ne pas être tout à fait sûr ne signifie pas ne rien savoir et il n'y a plus besoin d'attendre de nouvelles preuves d'un réchauffement déjà sensible, et qui s'annonce infernal, pas plus que d'attendre que le pétrole ne s'épuise pour s'en passer. La seule question est celle de l'efficacité, à court terme de préférence, ce que les études scientifiques pourraient améliorer tout comme des stratégies politiques réalistes, tenant compte de leur milieu et de toutes les forces d'inertie qu'il faut surmonter.

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42 réflexions au sujet de “Incertitudes climatiques et marchands de doute”

    • En ce moment on est effectivement submergé de nouvelles plus mauvaises les unes que les autres alors que les soulèvements en cours semblent voués à l'échec, sans aucun débouché réel autre que des régimes autoritaires et destructeurs. De l'autre côté, la montée de la conscience écologiste ne semble pas encore faire le poids mais demain peut-être ?

      • Je dirais plutôt que ces soulèvements révèlent la nature autoritaire des régimes. C'est le cas au Chili bien sûr, dont la constitution date de Pinochet, où les contestataires font face à une armée qui n'a guère changé depuis la dictature. Mais aussi de la France. Les gilets jaunes nous auront permis au moins de faire tomber les masques d'un pouvoir brutal.

        • Cet article d'Alain Bertho "L’effondrement a commencé. Il est politique" est intéressant car il retrace tous les soulèvement récents (qui ressemblent plus à des jacqueries souvent) et montre qu'il n'ont pas de débouché politique, son injonction à en trouver étant bien naïve et contradictoire avec le juste constat que l'épuisement des ressources est aussi un épuisement des possibilités politiques. Cela confirme mon propre constat que la catastrophe n'est pas seulement écologique mais politique. Au lieu de nourrir cependant l'espoir d'un renouveau politique étatique (ce qui ne peut que favoriser les régimes autoritaires), on peut penser qu'on finira par ne plus attendre tout de l'Etat et qu'on se décidera à s'organiser localement.

          https://www.terrestres.org/2019/11/22/leffondrement-a-commence-il-est-politique/

          • Peut être faudrait-il se passer en partie de l'état et acter l'impuissance des politiques social-démocrates à l'ère du capitalisme globalisé. Mais la question des services publics demeure entière: comment fait-on pour les hôpitaux, les transports, les écoles.

            Peut être un service public davantage municipalisé.

          • Non, on ne peut pas se passer des niveaux étatiques et supra-étatique, la municipalité doit faire sa part mais il ne faut pas en attendre de miracles non plus. Le déficit des niveaux supérieurs est dramatique car ils sont indispensables mais le local peut faire plus que maintenant et décharger un peu l'attente des niveaux supérieurs.

  1. Une étude internationale remet en cause les prévisions les plus pessimistes sur le climat car ne tenant pas compte des actions engagées. Ils vont jusqu'à prétendre qu'on pourrait encore tenir les 1,5°C, ce qui est quand même très douteux.

    Même si les modèles climatiques avaient bien sous-estimé le potentiel de réchauffement, ils ont minimisé les mesures d'atténuation prises.

    "En effet, depuis 2010, et malgré le ralentissement décevant des économies d'énergie réalisées ces trois dernières années, la décarbonisation mondiale s'est accélérée".

    https://phys.org/news/2019-11-climate-reassessment-prompts-sober-discourse.html

    Problème, l'étude originale est introuvable l'adresse donnée étant fausse...

  2. On est foutu, plusieurs points de basculement seraient déjà atteints (la perte de la forêt amazonienne et des grandes calottes glaciaires de l'Antarctique et du Groenland), ceci beaucoup plus tôt que prévu, ce qui pourrait entraîner un effet domino (bombe méthane, pergisol) avec une élévation irréversible du niveau de la mer de 10 mètres. La situation serait même sans doute déjà hors de tout contrôle.

    https://www.nature.com/articles/d41586-019-03595-0
    Climate tipping points — too risky to bet against

    C'est ce qu'on disait il y a plus de 10 ans, études scientifiques à l'appui, mais considéré comme très spéculatif par la majorité des climatologues encore. C'est une planète infernale qui s'annonce jusqu'au risque de gaz mortel, même si ce n'est pas la fin de toute civilisation ou de l'humanité...

    http://jeanzin.fr/2008/01/13/quels-risques-climatiques-majeurs/
    http://jeanzin.fr/2007/12/08/l-hypothese-extreme/

    http://jeanzin.fr/2018/08/20/la-plus-grande-menace-sur-la-vie-a-l-odeur-d-oeufs-pourris/

  3. Bonjour, je reprend votre phrase
    "le cas le plus flagrant de dissonance cognitive concerne la question de l'énergie pour laquelle on rameute une thermodynamique un peu trop grossière pour nous persuader d'un épuisement imminent de l'énergie"
    Si j'en crois les lectures et conférences qui ont pu m'informer, Marc Halevy, Jancovici et d'autres la thermodynamique dit des choses à ce sujet qui paraissent peut-être plus réelles que ce que votre phrase ne le laisse entendre.
    Marc Halevy, physicien de la complexité défend l'idée que nous sommes dans une dynamique de raréfaction des source d'énergie fossiles à bas coût et que toute transition écologique basée sur des renouvelables est une fumisterie. L'énergie autre que fossile a en effet une entropie trop importante et nécessite des moyen immenses pour la reconcentrer. La somme de l'énergie qu'il faudrait pour fabriquer et entretenir ces machines (photovoltaïque, éolien) rendrait illusoire tout EROI intéressant.
    En tout cas merci pour votre blog et vos "revue des sciences" que je regrette.

    • Oui, ce sont ces gens là (il y en a d'autres) et leurs raisonnements à la mords-moi le noeud que je vise et qui paraissent convaincants à première vue mais ne sont que des "calculs de coin de table" complètement faux (tout comme un polytechnicien prétendait que les éoliennes allaient ralentir les vents, voire la Terre!). Il ne suffit pas d'être un scientifique (comme Claude Allegre ou François Gervais) pour ne pas dire des conneries, ce pourquoi il y a des revues scientifiques validant ou non les recherches.

      Moi aussi j'ai cru à ces histoires d'EROI et de fin du pétrole, ce qui était plus crédible au début des années 2000, mais ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui et il faut être de mauvaise foi pour ne pas l'admettre en défendant les convictions de gourous nuisibles, voire criminels en freinant la transition. Pour ma part, je n'ai pas d'opinion personnelle, je ne fais que suivre les actualités scientifiques et défendre les préconisations des rapports scientifiques qui ne parlent plus du tout d'un pic de production mais d'un indispensable pic de la demande d'énergies fossiles qui ne manquent pas mais qu'il faudrait au contraire laisser dans le sol. Quand aux performances des énergies renouvelables elles sont désormais flagrantes pour tous (et se répandent partout).

      La dissonance cognitive a été inventée pour ceux qui, comme Yves Cochet, prédisent la fin du monde pour la semaine prochaine et ne tiennent aucun compte du fait que ce n'est pas arrivé, ne faisant que repousser leurs prédictions d'années en années. Il est quand même sidérant qu'on puisse défendre avec obstination des contre-vérités mais ce n'est pas nouveau (voir les religions ou idéologies) et cela donne de l'audience, de l'importance à ceux qui détiendraient la vérité que les autres ignoreraient ne connaissant rien à la thermodynamique ni aux lois physiques que eux seuls comprennent ! Il y aura toujours de tels crétins, ce pourquoi il ne faut se fier qu'aux véritables travaux scientifiques publiés qui sont justement là pour faire le tri. Encore une fois ce n'est pas le fait que leur baratin ne soit pas convaincants à première vue, plus que les hésitations des véritables scientifiques, c'est qu'ils sont démentis par les faits.

  4. Deux études viennent de montrer que la capture du carbone est tout-à-fait possible, malgré les doutes émis, et que cela permettrait d'éviter le pire, il faut donc s'y mettre sans tarder.

    https://phys.org/news/2019-12-ramping-carbon-capture-key-mitigating.html

    https://phys.org/news/2019-11-carbon-dioxide-capture-big-business.html

    J'avais averti dès 2015 de "L’urgence d’une capture du CO2 massive" qui avait rebuté mes camarades d'EcoRev' se croyant obligés de faire suivre mon article d'un démenti. C'est le problème de l'idéologie écolo qui peut aller contre des mesures vitales car pas assez écolos, comme si on avait le choix. Nous avons perdu depuis longtemps sur le développement, maintenant il faut faire avec notre situation catastrophique et si on n'arrive pas à réduire assez nos émissions mondiales, il faut accélérer leur capture.

    http://jeanzin.fr/2015/08/08/l-urgence-d-une-capture-du-co2-massive/

    • Toutes les techniques pouvant limiter le CO2 sont bonnes à prendre et il est ridicule d'être pour ou contre une technique , ici la capture du carbone. Cela d'autant que le développement technique , oui , ne dépend pas de nous.
      Après , on peut être pour ou contre une politique ; les techniques n'étant alors que des éléments disposés d'une manière ou l'autre au service d'une planification plus globale qu'on a choisi.
      Où le bât blesse c'est lorsqu'on veut , ou qu'on l'accepte, remplacer le politique par les techniques ; Parce que là il n'y a plus d'humanité.
      On prend alors une position de neutralité et de gestion de l'évolution comme on le fait déjà pour le marché libre et sans entraves , faisant qu'on peut profiter par exemple du creusement des pipelines de transport du co2 pour extraire des graviers qui vont servir à implanter un grand complexe touristique.

      • La capture du CO2 est entièrement politique puisqu'elle dépend de la taxe carbone (discutée en ce moment) et d'infrastructures assez lourdes. Il y a plusieurs "techniques" les meilleures étant la reforestation et le changement des pratiques agricoles mais l'urgence est telle qu'il faut utiliser toutes les autres techniques de capture du CO2, en premier lieu dans les centrales et usines qui en émettent beaucoup, mais aussi en retirer directement de l'atmosphère, ce qui était le moins crédible mais les nouvelles techniques m'avaient convaincu en 2015 que ce n'était pas hors de portée même si c'était pharaonique, les nouvelles études montrant que cela reste inférieur aux puits de pétrole actuels et donc faisable (même s'il serait préférable de minéraliser le CO2).

        Ce qui est important, c'est que cette capture du CO2 devrait prendre de l'ampleur avec le temps et aboutir finalement à une diminution du CO2 et de l'effet de serre, non pas condamnés à un réchauffement s'aggravant de siècle en siècle (sans parler de la glaciation qui vient mais c'est plutôt dans quelques millénaires...).

        Ceci dit, bien sûr, toute mise en oeuvre doit être examinée, ses effets pervers dénoncés, tout comme une reforestation mal faite avec des conifères peut être catastrophique. Ce sont des politiques globales qui doivent être contrôlées par les politiques locales mais il y a beaucoup de choses qui se font sans nous, on ne contrôle qu'une petite partie, heureusement que ce n'est pas une absence d'humanité pour autant, sinon qu'il y a toujours manque d'humanité dans un monde inhumain.

  5. Alors que la COP25 se termine par un échec complet et que Greta Thunberg fait le constat que l'urgence climatique n'est pas du tout prise au sérieux, on peut trouver surréaliste d'avoir un mouvement social en France qui se mobilise contre une réforme ne devant prendre effet qu'en 2037 comme si tout devait continuer comme avant...

    • En fait dés 2022. L'âge pivot augmentera jusqu'à de 64 ans en 2027. Mais on peut aussi soutenir le point de vue que la lutte contre ces "réformes" est une lutte (certes inégale) contre les retraites par capitalisation c'est à dire la finance spéculative qui contribue tout de même au réchauffement climatique. Ensuite, le temps de vie après le travail est compatible avec une économie écologique, il me semble (au sens à la fois d'une possibilité effective de participer davantage à la vie locale et d'une contribution moindre au productivisme). Il y a de plus le lien intrinsèque (souligné par Gorz me semble t-il) entre les loisirs aliénés donc éco-destructeurs et le travail stressant et aliénant au cours de la vie.

    • Les gens ont besoin de concret et sentir qu'ils peuvent réellement agir .
      Le combat pour des retraites décentes , même si l'échéance est lointaine est motivant .
      Il y a un rapport de force à mener qui peut donner des résultats.

      Le réchauffement climatique est bien trop au delà de ce que peut faire un individu ; et contrairement aux retraites où les possibilités politiques organisés existent (grève , manifs, négociations ...) ,pour le climat c'est une autre histoire .

      Il manque c'est certain , au niveau local des territoires , des outils politiques de projet et de planifications collectives permettant de mener des actions publiques réunissant les acteurs locaux dans des actions structurantes concrètes.

      Mais par expérience il faut d'abord faire sauter le couvercle de plomb des oligarchies locales composée d'élus influents, de président de chambres consulaires , grands chefs d'entreprises.... etc de tous ceux qui font partie de "l'élite" dirigeante qui craint comme la peste un changement de gouvernance qui remettrait en cause leur petit monde de "costumés".
      La transition sera avant tout politique et locale, territoriale.

    • Je voulais surtout témoigner que je me sens sur un autre planète et que les débats actuels font comme si rien ne devait changer, sans aucun sentiment d'urgence. Il y a un fabuleux contraste entre les préoccupations de long terme selon qu'elles concernent les retraites ou le climat, ce qui fait qu'on est bien moins assuré d'avoir une retraite en 2037 que d'avoir quelques catastrophes climatiques déjà. Certes la retraite semble bien plus concrète pour l'instant mais en grande partie illusoire.

      Je crois aussi que les gens se font des illusions sur le système actuel, l'âge de 62 ans est bien trompeur. On est trompé par les retraites dorées des cadres des générations précédentes. J'avais voulu prendre ma retraite à cet âge de 62 ans et je n'ai pas pu, ne pouvant la prendre que dans quelques mois sans doute à plus de 66 ans et avec un montant proche du minimum vieillesse. Cette situation liée à la précarisation de l'emploi sera de plus en plus commune, et déjà l'âge moyen de départ est proche de 64 ans, l'âge pivot n'y changera pas grand chose pour la plupart et pourrait être supprimé sans conséquences. A plus long terme, je crois possible que la retraite n'existe plus que pour ceux en incapacité de travailler (quand d'autres croient à la fin du travail). Bien sûr, la retraite a des avantages écologiques (le chômage aussi!), je ne suis pas sûr que cela suffise à la garantir étant données les tendances actuelles, organiser une production locale plus écologique avec un travail plus épanouissant et adapté à l'âge me semble une voie plus sûre bien que difficilement majoritaire.

      Je ne dis pas que le mouvement ne se justifie pas, en particulier pour l'éducation nationale, soutenu par un mécontentement plus général et une "convergence des luttes" assez hétéroclite où certains voudraient voir le grand soir alors que c'est encore un mouvement sans débouché (hors petits ajustements) après celui plus sérieux des gilets jaunes. Il y a bien sûr de quoi se réjouir de voir les syndicats reprendre la main et ce qui pourra être obtenu sera toujours ça de gagné mais ils jouent un peu trop leur partie en gonflant les chiffres et en faisant miroiter un retrait pur et simple bien improbable au vu du niveau de mobilisation. Tout cela témoigne surtout de l'impuissance politique, d'une déconnexion totale avec la réalité technologique, démographique, climatique et de l'absence d'alternative autre que démagogique, ce qui est un très mauvais présage pour notre avenir, le déficit de gouvernance étant le pire ennemi de la transition écologique. Il faut le redire, la catastrophe est politique, sinon, on aurait les moyens de s'en sortir.

      • Ce qui est étonnant, c'est que beaucoup n'ont aucune visibilité concernant leur retraite alors qu'il y a des simulateurs de revenus de retraite sur le web que probablement peu utilisent.

        Le pire, ce sont les couples non mariés dont le conjoint a une meilleure retraite que son conjoint qui n'aura droit à aucune pension de réversion complémentaire, en cas de son décès, du fait qu'il n'y a pas eu mariage, c'est donc que le régime de concubinage ou le PACS sont des arnaques complètes, très modernes et libérales en apparence, sur le plan de la retraite.

      • A plus long terme, je crois possible que la retraite n'existe plus que pour ceux en incapacité de travailler (quand d'autres croient à la fin du travail).

        Je suis quand même étonné de trouver dans ce blog des réflexions que ne désavouerait pas un néolibéral. Je ne vais pas vous faire l'affront de rappeler (ce que vous savez bien) par exemple les différences d'espérance de vie, et d'espérance de vie en bonne santé, selon les catégories socio-professionnelles. Ce fait que l'allongement de l'espérance de vie s'explique par la diminution de la durée du travail sur une vie (en particulier celle des travaux pénibles).

        Par ailleurs, il n'y a pas réellement de problème de déficit sur l'ensemble des régimes de sécurité sociale qui seraient en excédent de 20 milliards d'euros. Outre une réserve financière paraît-il de 130 milliards d'euros. Ok nous parlons ici du moyen terme.

        Mais bon au pire, une mise à contribution des hauts revenus et du capital serait aussi une (certes hypothétique, au vu du rapport de force) solution, au lieu de s'enferrer dans le plafonnement des dépenses à 14% du PIB (ce qui reste à voir semble t-il, car le PIB croissant, la part des dépenses serait constante).

        Mais peut être M. Zin veut-il suggérer que, sous condition d'un revenu suffisant garanti, nous n'aurions plus besoin de retraite: là évidemment je serais d'accord. En attendant, je ne me vois pas, comme d'autres, mourir au boulot.

        • Je suis assez d'accord, le travail, même pour un cadre comme moi, c'est une putain de galère à se farcir des crétins de chefaillons narcissiques au quotidien qui n'ont rien dans le crâne et font chier leurs subordonnés au quotidien.

          S'user pendant des décennies à peindre en rose puis en bleu des murs selon les caprices de connards hiérarchiques qui entassent des ingénieurs dans des open space bruyants contre productifs :

          https://bfmbusiness.bfmtv.com/france/l-open-space-est-il-l-arnaque-du-xxeme-siecle-1603225.html

          c'est usant et ne fait que faire espérer la retraite.

          Je trouve pour le moins étrange que J Zin défende le travail alors qu'il n'est pas salarié ni ne travaille depuis belle lurette.

          La seule façon d'améliorer les conditions de travail, c'est le syndicalisme dont se fout complètement J Zin, alors que 90% des travailleurs sont des salariés.

        • C'est assez comique, tout le monde déteste Jean Zin qui veut nous priver de notre retraite, détruire l'Etat social et sucer le sang des travailleurs ! Mais pourquoi donc bon dieu ne m'accuse-t-on pas du réchauffement et de l'échec de la COP25 puisque là aussi, je ne fais que rendre compte des faits et d'un avenir qui n'est certes pas rose du tout ?

          La disparition de la retraite et le travail des seniors est un fait planétaire, que la France y échappe encore dans 20 ans n'est pas impossible mais n'est pas garanti non plus au vu des évolutions démographiques dont on peut ne pas vouloir tenir compte pas plus que de nos émissions de CO2. En tout cas, "à plus long terme", c'est-à-dire à la fin du siècle le modèle actuel ne me semble pas tenable même si on ne peut pas se projeter si loin, toutes les conditions ayant changé. Le dire n'est pas en décider mais attirer l'attention sur ce qui s'annonce contrairement aux wishful thinkings. Il se peut que le revenu garanti en fasse partie, du moins à un niveau suffisant, un minimum devant quand même s'imposer, il me semble nécessaire et je le défends, il n'est pas sûr qu'il soit possible.

          Par contre, je ne réclame nullement l'abolition de la retraite bien sûr mais la France n'est plus qu'un tout petit pays dans le monde, il ne sert à rien d'échafauder des solutions imaginaires. Que la plupart attendent leur retraite avec impatience n'empêche pas de ne pas pouvoir partir à 62 ans ni d'avoir une retraite trop faible pour vivre, obligeant de plus en plus de retraités à travailler. Il semble qu'à le constater, ce soit comme dire à un croyant que Dieu n'existe pas et qu'il n'y a pas de paradis à espérer au bout du chemin.

          Au lieu de s'en prendre au messager, cela devrait du moins inciter à trouver un travail qui nous plaise même à gagner beaucoup moins (production locale plus écologique avec un travail plus épanouissant et adapté à l'âge) mais la plupart préfèrent le salariat en entreprise capitaliste qui paie mieux.

          • J'ai en tant qu'agriculteur environ 850 € de retraite par mois et ma femme 750€.
            J'adore mon job et la retraite n'est en fait qu'un soutien financier pour pouvoir continuer à bosser et aider mon fils qui s'est installé; j'y arrive uniquement parce que j'avais installé au bon moment une toiture solaire qui me crée du revenu , que ma femme continue à vendre nos fromages sur le marché et fait un jardin ; et aussi parce que j'ai tout auto construit, notamment ma maison .
            Tout mon fric part dans l'agricole ,concevoir et fabriquer un outil en non labour, un appareil à tamiser la moutarde , acheter des semences etc Ou le militantisme (actuellement des requêtes au tribunal administratif de Lyon et Grenoble contre agglos et syndicat Mixte , ça prend du temps et des sous.
            Si je ne comptais que sur ma seule retraite , ce serait la misère et impossible de continuer à bosser ou à jouer les militants. J'irais sans doute à la manif.

            Jean a raison de prendre de la hauteur et de chercher à penser global et un peu plus loin.

          • "cela devrait du moins inciter à trouver un travail qui nous plaise même à gagner beaucoup moins"

            Où ça ?

            Si le salariat concerne la majorité des travailleurs, c'est qu'il permet une productivité et un filet social minimal, c'est pas plus compliqué que ça.

            Ce songe d'une nuit d'été du travailleur libre comme le vent me parait irréaliste pour la plupart, sauf pour moi qui suis un cas rare, mobile comme un tapis volant.

            C'est décevant, mais on ne trouve pas un job même mal payé en traversant la rue de son village, comme le croit ce crétin de Macron.

          • D'une certaine façon, je pourrais m'en foutre.

            Mes revenus à la retraite, je n'y suis pas encore, seront de 3400 euros/mois selon une première estimation, avec un patrimoine de 250 000 euros.

            Je n'en ai aucune honte, j'ai apporté pas mal de réflexions et résultats chiffrables ayant permis de sauvegarder des emplois et même d'en créer, permettant dès lors des fortes économies d'échelle de l'ordre de millions d'euros.

            Mais, je trouve néanmoins insupportable la misère dans laquelle se trouvent nombre d'humains. Il ne s'agit pas d'une foi religieuse, mais d'une conviction existentielle de type phénoménologique.

          • Je trouve hallucinant que quelqu'un prône le boulot jusqu'à la mort alors qu'il ne travaille pas lui même depuis des lustres. Faites ce que je dis pas, pas ce que je fais...

            Le mec qui s'est coltiné en tant que maçon des charges qui lui ont détruit le dos sous forme symptomatique d'arthrose, il est condamné à crever sans retraite ?

            L'âge en "bonne santé", difficilement déterminable, reste faible, 65 ans, et faire travailler des gens au delà est tout simplement ignoble, c'est de l'ordre de la torture.

          • Que la plupart attendent leur retraite avec impatience n'empêche pas de ne pas pouvoir partir à 62 ans ni d'avoir une retraite trop faible pour vivre, obligeant de plus en plus de retraités à travailler.

            Parce que ce sont les gouvernements successifs qui ont organisé l'allongement du temps de travail sur une vie, c'est à dire l'augmentation du nombre de trimestres de cotisation et l'âge pivot de départ.

            n'est pas garanti non plus au vu des évolutions démographiques

            Je constate quand même malgré tout, que vous repreniez un point de vue "malthusien" en établissant un lien mécanique entre le recul de l'âge de la retraite et la démographie. Alors même que la chômage est maintenu à un haut niveau sous un rapport capital / travail défavorable à ce dernier. Ou que nous pourrions penser différemment le rapport au travail.

          • Ces discussions sont ridicules, je ne fais que décrire la réalité. Il est certain que les militants s'opposent à la réalité, ce n'est pas souvent qu'ils la changent.

            C'est donc un fait que je n'ai pas pu prendre ma retraite à 62 ans et que seulement lorsque je croyais l'avoir prise à 64 ans j'ai dû l'annuler au vu des évaluations fournies très en retard, pour attendre encore 2 ans au moins avant de toucher une maigre retraite (les simulations ne sont pas fiables pour tous les parcours). Que ce soit dû aux mesures prises depuis des années, c'est évident. Que je le regrette aussi, c'est obligé, mais la retraite actuelle est bien celle-là, il faut le dire pas faire comme si on défendait un droit préservé.

            Moi je veut bien être "malthusien", bien que cela n'ait aucun sens, si on nomme ainsi ceux qui "établissent un lien mécanique entre le recul de l'âge de la retraite et la démographie". Dans le système suédois, c'est très explicite que la pension est calculée en rapport avec l'espérance de vie au moment où l'on prend sa retraite. La négation du réel, courante chez les militants, est une impasse et la démographie est sacrément réelle, le rapport entre actif/inactif tout comme la durée de vie. Certes, ce serait mieux de supprimer le chômage d'abord mais jusqu'ici on n'a pas été brillant sur ce point alors que l'âge de la retraite a été bien plus reculé dans la plupart des autres pays.

            Evidemment, tous ceux qui ne me connaissent pas savent que je ne peux pas "penser différemment le rapport au travail" mais on ne parle pas de ce que je pense, on parle de la réalité, d'une réalité qui ne se réduit pas à notre petite France qui sortirait du monde comme le Royaume désuni veut quitter l'Europe. Le jour où je serais roi du monde je changerais tout ça mais en attendant le rapport de force est loin d'être favorable ni les moyens disponibles.

            Je ne dis pas que la réforme est bonne mais que les espérances du mouvement seront déçues (ce n'est pas de ma faute), l'échec pouvant d'ailleurs finir par porter le Front National au pouvoir. Il y a un réel sur lequel on se cogne et pas d'alternative en vue.

            Ce que je souligne surtout, c'est que cette bataille perdue d'avance mobilise beaucoup plus que la question du climat, bataille perdue aussi sans doute mais où un mouvement d'ampleur pourrait quand même limiter les dégâts, notamment en changeant le travail, mais on voit bien que ce n'est pas d'actualité, ce n'est pas encore aussi urgent que la retraite.

          • Tout le monde se réclame de la réalité, sauf que celle ci n'est pas si simple à cerner.

            La réalité sociale est aussi un construit à laquelle on ne peux pas opposer si béatement un concept TINA pseudo réaliste.

            Bon, sur ce, je retourne me coucher après une gamelle en vélo électrique qui est une véritable machine assez puissante et fun à se casser la gueule sur des feuilles mortes d'automne humides collées sur la chaussée.

            L'écolo transport en vélo n'est pas dénué de risques...

  6. Ce qu'il faut, ce n'est pas réduire nos émissions en passant au gaz mais se passer d'énergie fossile.

    Il y a déjà des mesures qui vont dans le bon sens, notamment la politique allemande d'incitation aux énergies renouvelables et la politique norvégienne d'incitation aux véhicules électriques. Parmi les autres initiatives figurent l'amélioration de l'urbanisme et la tarification du carbone, entre autres.

    https://phys.org/news/2019-12-halting-climate-world-fossil-fuelsnot.html

  7. Dans les années 1930 pourtant si noires et bien qu'à long terme on soit tous morts, Keynes prédisait une fin de l'histoire paradisiaque pour ses petits enfant (“Economic Possibilities for Our Grandchildren”) grâce aux gains de productivité comme d'autres attendaient le paradis du communisme, paradis qui tournent tous au cauchemar :

    Le destin de la génération Z était censé être de prendre du bon temps dans une vie de loisirs et de créativité. Au lieu de cela, elle se prépare à une stagnation des salaires et à une crise écologique.

    https://www.technologyreview.com/s/614892/keynes-was-wrong-gen-z-will-have-it-worse/

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