Temps de lecture : 30 minutesPour finir la série, après avoir survolé l'histoire de l'humanisation du monde et de sa transformation matérielle, il s'agit de comprendre en quoi précisément le langage narratif a pu tout changer de notre vécu au point de nous séparer des autres animaux.
Il n'y a pas de nature humaine, ce qui fait l'homme, c'est la culture qui s'oppose à la nature par construction, la raison qui nous détache du biologique, la civilisation qui réprime nos instincts, l'histoire qui prend le relais de l'évolution. C'est un nouveau stade de la séparation du sujet et de l'objet, de l'autonomisation de l'individu par rapport à son environnement, processus qui vient de loin et n'est pas réservé à notre temps. Tout n'est pas culturel pour autant. Il ne s'agit en aucun cas de nier les mécanismes biologiques étudiés avant, par exemple dans la différence des sexes, mais de ne pas les assimiler trop rapidement à ce que la culture y superpose de systématisation (dans la division actif/passif notamment). Pour les sociétés humaines, rien ne justifie de faire du biologique une raison suffisante, encore moins une norme culturelle, et il faudrait éviter les tentations scientistes de mettre sur le compte de la biologie ce qui résulte d'une longue histoire.
L'essentiel, c'est le lien de la culture et du langage tel qu'il avait été établi par le structuralisme dont l'apport là-dessus est considérable et ne peut être ignoré. On peut regretter le discrédit dans lequel il est tombé de nos jours, certes à cause de ses excès, ses erreurs, ses errements. Le phénomène est on ne peut plus classique et relève justement d'une analyse structurale : chaque génération se construit sur l'opposition à la génération précédente et toute théorie trop dominante est destinée à un temps de purgatoire quand elle est passée de mode ! Il n'empêche que la culture, les contes, les mythes, les rites, les modes relèvent bien d'une approche linguistique et structurale, ce qui n'est en rien une négation de l'histoire comme le craignait Jean-Paul Sartre, ni même de l'humanisme, encore moins de la liberté. On devrait parler plutôt, comme Lucien Goldmann, d'un structuralisme génétique car les structures évoluent, bien sûr. Ce n'est pas parce qu'il y a des règles qu'elles ne peuvent pas changer, simplement elles doivent garder une certaine cohérence, un peu comme l'évolution du squelette doit respecter des contraintes structurelles, évoluant donc plutôt par sauts et changements de paradigme (ou d'épistémé).
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