Le massacre des utopies

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http://raforum.apinc.org/IMG/jpg/Mscroi.jpgC'est peu de dire que notre rationalité est limitée et qu'il n'y a aucune alternative crédible. Lorsque le Monde diplomatique prétend le contraire et nous donne les dernières nouvelles de l'Utopie, c'est vraiment à pleurer ! A lire le niveau des propositions et des débats, la situation semble décidément bien plus grave qu'on ne pouvait le penser. Qu'on dérange des gens de si loin pour des bêtises pareilles, c'est incroyable ! Il y a de quoi être en colère contre ces mondes imaginaires qui se présentent comme libertaires alors qu'ils sont encore plus contraignants et moralistes, jusqu'à un certain totalitarisme ne tolérant aucune survivance du passé, et tout cela au nom de principes illusoires et de fausses analyses ! Il faut en finir avec ces utopies stupides et dangereuses alors que c'est la globalisation marchande qui est complètement utopique et qu'il faudrait y opposer rapidement des alternatives locales.

Il y a des problèmes pratiques à résoudre et nous avons besoin d'une alternative concrète au productivisme et au libéralisme qui nous menacent, pas d'un monde prétendu parfait, ni d'un homme nouveau complètement fantasmé, bien loin de ce que nous sommes réellement. C'est pour défendre notre liberté concrète qu'il nous faut nous organiser collectivement et combattre les utopies "libertaires" tout aussi bien que l'utopie libérale. C'est pour avoir une chance de s'en sortir qu'il faut remplacer les idéologies abstraites et les déclarations de principe par une véritable intelligence collective qui prenne en compte les contraintes écologiques, sociales et matérielles. C'est contre nos propre rangs qu'il faut nous retourner car c'est de là que vient le danger, de là ce qui nous condamne à l'impuissance. Après le constat théorique, les travaux pratiques, donc.

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Une rationalité décidément trop limitée

Temps de lecture : 21 minutes

rationalitéLa situation apparaît sans issue. C'est comme si nous avions atteint nos limites ! Il faut revenir en effet sur la raison profonde d'un échec patent, qui n'est pas seulement le mien, mais celui du mouvement social dans son ensemble, et même de la démocratie tout aussi bien que d'Internet dont l'irruption remarquée sur la scène politique a tout de même tournée court, manifestant sa volatilité extrême ! Il faut se persuader que cet échec ne trouve pas ses causes dans nos ennemis, dans la force de l'économie ou la puissance d'un patronat animé des plus mauvaises intentions, mais bien en nous-mêmes, puisqu'il relève en dernière instance d'un déficit intellectuel, déficit théorique et idéologique flagrant, responsable de la dispersion de nos forces et de l'absence de projet commun.

En effet, ce n'est pas tant un manque de solidarité ni même une passivité soumise devant le spectacle des marchandises qui sont responsables de notre défaite, alors même que les manifestations contre le CPE étaient apparemment "victorieuses". La responsabilité est bien politique, c'est le manque de perspective et d'accord programmatique, d'une alternative crédible et, finalement, un manque d'intelligence collective qui se heurte à notre inorganisation (où même ATTAC sombre), livrée à une rationalité décidément trop limitée et qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez !

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Newsletter 09/06

Temps de lecture : 49 minutes

Leonard de VinciRevue des sciences du mois de septembre 2006

  • L'auto-organisation au pays des criquets
  • Langage et organisation de l'action
  • Les exoplanètes
  • Un ARN qui sait corriger ses erreurs
  • Les limites de la préservation de la biodiversité
  • L'argent ne fait pas le bonheur
  • La population en 2025
  • Le Sahara et les changements climatiques
  • Faire pleuvoir à la demande !
  • Le travail du génie
  • Un gène-clé dans l'évolution du cerveau humain
  • Liaisons longue distance dans le cerveau
  • La molécule qui garde la mémoire à long terme
  • Lien entre allergies et Parkinson
  • Vers un traitement éclair de la dépression ?
  • Les dangers du café contaminé
  • Forcer au suicide les cellules cancéreuses
  • Cancer de la prostate et masturbation !
  • Une peau toujours jeune ?
  • Le sexe des organes !
  • Recherche de violations de la relativité
  • Médailles Fields (Werner, Perelman)
  • Menace d'éruption d'un supervolcan près de Naples !

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Le revenu garanti comme base d’une production alternative

Temps de lecture : 13 minutes

Alternatifs Invité par les Alternatifs à parler du revenu garanti le 26 août à Auch, j'ai d'abord dénoncé la dispersion actuelle des forces politiques et le manque total d'alternative responsable de l'absence de débouché du mouvement contre le CPE.

Si j'ai bien défendu le revenu garanti, c'est comme base d'une production relocalisée, à l'ère de l'information. En effet, sans revenu garanti favorisant le travail autonome, on tombe dans le travail forcé ou la misère, mais le revenu garanti comme socle de tout développement humain, n'est une véritable alternative qu'à permettre une production plus écologique, simple élément d'un nouveau système de production constitué notamment de coopératives municipales et de monnaies locales.

En mémoire de Bookchin mort le 30 juillet 2006

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De l’individualisme de marché à l’organisation collective

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Jacques Sapir Les trous noirs de la science économiqe En réfutant les bases individualistes du libéralisme grâce à la psychologie expérimentale, Jacques Sapir met en évidence la complexité des rapports de l'individu avec le collectif et l'organisation. Ces courts extraits devraient permettre d'avoir un abord plus réaliste de "l'économie comme problème de cohérence multi-critères et multi-niveaux", plutôt que simple équilibre entre l'offre et la demande, ainsi que d'une société organisée et diversifiée dont les statistiques, trop uniformisantes, ne peuvent rendre compte (ce que montrait déjà Maurice Halbwachs).

Bien sûr, il ne fait que redécouvrir la sociologie économique (qui n'est pas seulement marxiste) et croit un peu trop rapidement apporter ainsi une révolution en économie qui réduirait à zéro toute la science économique antérieure, ce qui est excessif car le point de vue statistique garde une certaine pertinence macroéconomique (de même qu'en Bourse, le modèle Black-Scholes de répartition gaussienne des cours est vérifié d'ordinaire, hors situations extrêmes dont les fractales de Mandelbrot rendent mieux compte). Il apporte du moins quelques éléments pour comprendre les anomalies, les ratages, "les trous noirs de la science économique" comme il appelle un de ses livres.

Le plus intéressant c'est que ce démontage de l'individualisme dépasse l'économie proprement dite pour s'étendre à la formation de tout collectif, dont on sait bien (sauf les libéraux) qu'il se distingue de la somme des individus qui le composent et de leur action, car tout collectif est multi-dimensionnel et doit intégrer un ensemble de contraintes et d'enjeux, ce qu'un point de vue unilatéral (économiciste) ne peut que rater. A l'époque d'Internet, il est indispensable de rappeler le rôle de l'organisation dans la constitution d'une conscience collective qui n'émerge pas d'elle-même mais s'inscrit toujours dans un cadre préétabli, dans un discours institué.

Il est clair que les institutions ou les organisations construisent bien une pensée collective, qui cesse d'être l'addition de la pensée des acteurs inclus soit dans l'institution soit dans l'organisation. p41 (2003)

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La question de la technique

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Jacques Ellul, Le bluff technologique, 1988
Jacques EllulLe bluff technologiqueA l'évidence, le progrès technique s'emballe (omniprésence des réseaux, télésurveillance, biotechnologies, nanotechnologies, etc.) jusqu'à pouvoir nous menacer dans notre existence même. L'optimisme technologique n'est plus de mise devant les dérives, les déceptions et les nuisances qui se multiplient. Il faut absolument dénoncer, avec Jacques Ellul, l'obscurantisme du "bluff technologique" qui prétend résoudre tous nos problèmes et nous faire accéder à l'épanouissement individuel, ou même une surhumanité (si ce n'est l'immortalité), tout aussi bien qu'à une véritable intelligence collective qui brille surtout par son absence, jusqu'à présent du moins !

Au-delà de l'indispensable critique écologiste de la technique, sommes-nous condamnés pour autant à son rejet pur et simple, tombant ainsi d'un obscurantisme dans l'autre ? La technique est-elle ce "processus sans sujet", d'essence totalitaire, qui nous mène à notre perte plus sûrement que le totalitarisme du marché ? Société de la Technique ou société du Spectacle ? Forces matérielles ou rapports sociaux ? C'est une question vitale, celle en tout cas de la transformation des moyens en fin, et plus difficile à trancher qu'il n'y paraît à première vue tant les choses sont intriquées, mais, ce qui est sûr, c'est que cela constitue l'enjeu même de notre temps, la question qui nous est posée et à laquelle nous devons répondre collectivement.

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Seuls sur la Terre ?

Temps de lecture : 18 minutes

Le petit princeSommes-nous seuls sur la Terre ou bien existe-t-il d'autres vies extra-terrestres ?

Contrairement à ce qu'on croit habituellement, la réponse est loin d'être évidente. En effet, si le nombre d'étoiles et de galaxies semble faire pencher la balance du côté de l'existence de planètes semblables à la nôtre, les conditions à rassembler pour l'apparition de la vie restent vraiment exceptionnelles, encore plus pour pouvoir abriter des êtres évolués, et les chances que d'autres civilisations puissent exister en même temps que la nôtre sont pratiquement nulles...

Sans qu'on puisse être vraiment certain qu'on soit un cas unique dans l'histoire de l'univers, comme certains le prétendent, on ne peut non plus être aussi certain qu'on a pu le penser qu'il y aurait d'autres formes d'intelligence en dehors de la nôtre, ce qui a de quoi nous interloquer. Il est intéressant, en tout cas, d'essayer d'en évaluer les probabilités en dehors de toute idée préconçue, la question se divisant en 3 parties : 1) la probabilité d'un environnement qui permette l'éclosion de la vie, 2) la probabilité que la vie apparaisse lorsque les conditions y sont favorables, 3) la probabilité que la vie évolue vers des formes complexes et une intelligence comparable à l'intelligence humaine, lorsqu'on lui en laisse le temps.

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Newsletter 08/06

Temps de lecture : 33 minutes

Leonard de VinciRevue des sciences du mois d'août 2006

  • Le sucre fait dormir
  • Les lois universelles du mouvement
  • Avantage sélectif de la coopération sur l'agressivité
  • La perméabilité du cerveau par les ondes
  • La dépendance au bronzage
  • Commander un ordinateur par la pensée
  • Pilotage d'un mécanisme par des neurones
  • Fabrication de spermatozoïdes à partir de cellules souches
  • Superposition des Big Bang !
  • Existe-t-il des petits trous noirs ?
  • Krach immobilier et crise systémique
  • Incertitudes sur le réchauffement climatique
  • La structure ondulatoire de la matière

La dominante ce mois-ci, c?est peut-être le passage de la frontière entre l?animé et l?inanimé, entre biologie et physique comme entre neurone et ordinateur, mais c?est aussi l?opposition du court et du long terme. Pour ce mois de vacances on se permettra aussi une petite évasion aux marges de la science vers des théories non standards ("la structure ondulatoire de la matière") et des opinions dissidentes (sur le réchauffement climatique).

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Les champs quantiques

Temps de lecture : 11 minutes

aimantOn m'a demandé une petite note sur les champs quantiques. Bien sûr je ne suis pas compétent pour cela mais il faut bien dire que ce qu'on trouve sur le sujet (sur Wikipédia par exemple) est absolument incompréhensible pour le commun des mortels. Ce que j'ai fait sera incompréhensible aussi à beaucoup mais un peu moins tout de même et ce serait déjà mieux si les encyclopédies se mettaient à ce niveau pour éviter tous les délires que suscite la physique quantique. On a besoin de toutes façons de plusieurs niveaux de vulgarisation. Evidemment, il faudrait que les physiciens compétents corrigent mes simplifications et mes erreurs...

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Conditions d’une alternative antilibérale démocratique

Temps de lecture : 18 minutes

FSE La désorientation actuelle est totale, au moins dans la mouvance antilibérale tiraillée entre différents archaïsmes plus ou moins inquiétants et sans véritable projet, prête à se vouer à tous les saints... C'est pourtant un besoin impérieux, en politique, d'avoir une vue claire de ses buts, mais il faut bien dire que la conjoncture est déroutante. En effet, ce n'est pas sur un seul front qu'on doit se battre (la globalisation néolibérale) alors que la mutation historique que nous vivons est à la fois politique, économique, écologique et cognitive ! C'est donc sur ces 4 fronts qu'il faudrait avancer pour redonner sens à la démocratie et à la politique en luttant contre un libéralisme destructeur sans retomber pour autant dans un totalitarisme criminel. Voie étroite et difficile, pleine de contradictions mais qui est de notre responsabilité collective. Nous n'avons pas le droit d'échouer si on veut garder une petite chance d'éviter le pire et de sauvegarder notre avenir commun. Il faut se persuader que les causes de l'échec ne sont pas la méchanceté et l'égoïsme de nos adversaires mais bien notre propre bêtise et l'insuffisance de nos propositions.

Il faut bien dire que les obstacles semblent insurmontables et l'objectif impossible à atteindre puisqu'il faudrait à la fois : 1) refonder la démocratie et nos solidarités sociales par la mobilisation populaire sans tomber dans un volontarisme autoritaire et intolérant, 2) plutôt que d'en faire un moyen pour des systèmes sociaux, faire au contraire de l'individu la finalité de tous en s'organisant pour assurer son autonomie concrète et sa participation politique ("mettre l'homme au centre"), 3) on ne peut éviter sans dommages de tenir compte de notre entrée dans l'ère de l'information et de l'écologie ce qui implique de réorienter l'économie vers le développement humain, l'immatériel et la relocalisation, rupture considérable s'il en est ! 4) enfin, il faudrait réussir à construire l'intelligence collective qui nous manque si cruellement, entre démagogie et technocratie, instituer peut-être une improbable mais si nécessaire "démocratie cognitive".

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Newsletter 07/06

Temps de lecture : 21 minutes

Leonard de VinciRevue des sciences du mois de Juillet 2006

  • Rien de pire que d'attendre
  • Devenir invisible !
  • Et si l'on manipulait le climat ?
  • Le partage social des émotions
  • Des globules blancs anticancer !
  • Un nanofrigo !
  • Un ordinateur à enzymes dans le corps
  • Parkinson : un déficit de sélection des mouvements
  • On a produit une température de deux milliards de degrés !
  • Famines et diabète
  • Choux et soja goitrogènes (hypothyroïdies)

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Le caractère révolutionnaire de la science

Temps de lecture : 21 minutes

Carlo RovelliQu'est-ce que le temps ? Qu'est-ce que l'espace ? Carlo Rovelli

Il y a parfois d'excellentes surprises comme ce petit livre d'une centaine de page et qui se lit comme un roman bien que le sujet en soit des plus difficiles puisque c'est "la gravité quantique à boucles" ! Certes on ne fait que survoler la question, et on ne saura pas vraiment à la fin ce qu'est le temps ni ce qu'est l'espace. On a plutôt affaire au récit de cette recherche avec toutes ses incertitudes.

Carlo Rovelli, qui a été un militant révolutionnaire dans l'Italie des années '70, participant entre autres à une des premières radios libres, radio Alice, insiste sur le caractère révolutionnaire de la science, bouleversant nos conceptions comme la "révolution copernicienne" nous obligeant à reconnaître que nous ne sommes pas le centre de l'univers et que c'est nous qui tournons (2 fois même!), et non pas le Soleil autour de nous (absolument inimaginable!). Copernic parlait de la "révolution des planètes" mais c'était un tel renversement de nos représentations que le terme a pris un sens "révolutionnaire".

Cette capacité de remise en cause qui maintient tout en doute montre qu'il n'y a pas de véritable différence entre science et philosophie. S'il y a une opposition c'est entre scientisme (ou technique) et philosophie, c'est-à-dire un savoir qui se voudrait objectif, sans place au subjectif et au processus d'apprentissage, réduisant l'homme à l'animal ou même à un automate. La physique fondamentale, devenue tellement spéculative, se rapproche au contraire de la philosophie, offrant un terrain où l'esprit révolutionnaire peut s'exercer et triompher des conservatismes sociaux. Bien maigre consolation sans doute d'une société qui se délite, mais où se nouent de façon exemplaire science, philosophie et démocratie autour du caractère révolutionnaire de tout apprentissage et du travail du négatif, d'un scepticisme qui fait progresser le savoir plutôt que de le détruire.

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Toute la vérité sur le cannabis ?

Temps de lecture : 20 minutes

18 JointIl est toujours difficile de dire la vérité mais il y a des sujets plus difficiles encore, où l'on n'ose dire autre chose que ce qu'on doit dire (il y a même des lois qui voudraient nous interdire de dire la vérité !). C'est un peu comme lorsque la pédophilie a pris soudain la place du mal absolu dans l'imaginaire social, au point que certains aient pu s'imaginer investis d'une mission, assez en tout cas pour en prendre à leur aise avec la vérité, jusqu'au premier scandale judiciaire... Chaque fois que la vérité est bafouée et qu'on hurle avec les loups, on fait plus que s'en mordre les doigts. Vérifier les faits ne relève pas d'une complaisance coupable, c'est le préalable à toute prétention de juger.

Mais sur le sujet des drogues c'est encore plus difficile car c'est un sujet plein de contradictions (puisque toute drogue est à la fois remède et poison) ! Dès lors, au lieu de faire la part des choses, on se retrouve d'ordinaire avec des discours simplistes qui s'affrontent, entre partisans qui ne voient que des avantages (il y en a) et les adversaires qui ne voient que les dégâts (il y en a aussi). Ce n'est pas comme cela qu'on peut faire une politique efficace de réduction des risques et dans l'état actuel ça mène plutôt au pire (par rapport aux autres pays beaucoup moins répressifs et plus réalistes).

Disons-le tout de suite : le cannabis (le chanvre) est la moins dangereuse des drogues, ce qui n'est pas rien au vu des ravages de l'alcool notamment, mais cela ne veut pas dire que ce n'est pas une drogue, ni qu'elle n'a aucun dangers. Cette journée du "18 Joint" m'a semblé l'occasion d'une mise au point, nécessaire après une récente campagne médiatique et des contre-preuves aussi insatisfaisantes les unes que les autres !

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Les phénomènes révolutionnaires

Temps de lecture : 23 minutes

Jean Baechler, PUF 1970 - La table ronde 2006 Baechler

Si l'époque actuelle est bien révolutionnaire, cela ne signifie en aucun cas qu'on pourrait revenir naïvement au mythe du grand soir et à la vulgate marxiste alors que nous avons besoin, au contraire, d'étudier lucidement les "phénomènes révolutionnaires" du passé afin de tirer toutes les leçons de leurs échecs et de leurs dérives autoritaires, ce qui ne nous laisse guère de raisons d'être optimistes...

Il faudrait tout de même accorder une plus grande place aux analyses de Marx, et plus généralement à l'économie, que ne l'a fait l'auteur de cette petite étude. En effet s'il y a bien nécessité d'une révolution, c'est au moins pour adapter les rapports de production (qui datent du fordisme) aux nouvelles forces productives (immatérielles). Ce qui est d'ailleurs une conception en tout point conforme à celle de Schumpeter. Il ne s'agit pas simplement d'adapter les institutions actuelles mais bien d'en changer, de les reconstruire sur d'autres bases (revenu garanti et développement humain). Un tel bouleversement ne pourra se faire sans doute en dehors d'une situation révolutionnaire, dont la lutte contre le CPE a pu donner une sorte d'avant-goût, même si elle a tourné court, hélas. Rien à voir en tout cas avec une révolution communiste à l'ancienne, du moins on peut l'espérer !

Il y a une autre raison, tout aussi impérative, à la révolution de notre organisation sociale et de notre système de production, ce sont les contraintes écologiques. Pour sortir du productivisme insoutenable du capitalisme globalisé et de la société de consommation, il y a urgence à relocaliser l'économie et se libérer de la subordination salariale en développant le travail autonome. Le réformisme n'y suffira pas, il faut construire un autre monde, un autre système productif qui tire parti du devenir immatériel de l'économie. Nous avons besoin pour cela d'une alternative, pas seulement d'une "réduction" ou d'une "décroissance". Ce qui importe, ce n'est pas tant d'être révolutionnaire, encore moins de "prévoir" une révolution qui ne se ramène pas ici à un événement ponctuel, c'est le contenu qu'on lui donne, la réponse aux contradictions de notre époque de transition, la prise en compte de notre entrée dans l'ère de l'information, de l'écologie et du développement humain.

Ce n'est pas tout. A suivre Hegel, Kojève, Castoriadis, il y a nécessité pour les sociétés démocratiques qui ne font plus la guerre de se refonder périodiquement par des soulèvements populaires, par l'intervention des mobilisations sociales, affirmation de l'auto-nomie de la société, de sa solidarité active et d'une véritable démocratie participative.

Enfin, on peut considérer que les révolutions ne sont pas simplement un renversement d'institutions périmées, ce sont aussi (comme les révolutions des astres) des phénomènes cycliques et générationnels (voir "Les cycles du capital").

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Les aventures de la dialectique

Temps de lecture : 74 minutes

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Phénoménologie de l'esprit II (VI)

Phénoménologie

L'histoire universelle est le progrès dans la conscience de la liberté - progrès dont nous avons à reconnaître la nécessité. (Philosophie de l'Histoire, p27-28)

Voici donc la suite de la misère de la morale. Le chapitre précédent ayant exploré les contradictions des positions morales et leur insuffisance concluait sur la nécessité du passage au politique pour la réalisation de la justice. On entre ainsi dans la dialectique de la prise de conscience historique de notre existence collective, histoire politique succédant à la morale individuelle.

Faite dans des conditions matérielles difficiles et m'ayant demandé beaucoup plus de travail que je ne pensais, je n'ai pas réussi à simplifier autant cette partie, bien plus longue et moins convaincante sans doute que le parcours des impasses morales, mais il y a malgré tout de précieuses analyses historiques qui font tout le charme de la Phénoménologie de l'Esprit (Antigone, l'individualisme romain, la critique trop réductionniste des religions par les lumières, les contradictions de la liberté menant à la Terreur révolutionnaire, etc.). Comme Marx le soulignait :

La "conscience malheureuse", la "conscience honnête", le combat de la "conscience noble" et de la "conscience vile", etc., toutes ces parties isolées contiennent (bien que sous une forme encore aliénée) les éléments nécessaires à la critique de domaines entiers, tels que la religion, l'État, la vie bourgeoise, etc. (Marx II p125)

Je ne prétends pas rendre compte de toute la richesse de la dialectique hégélienne, juste donner un aperçu de sa puissance de dévoilement et de son caractère indispensable en politique. Si cela pouvait permettre à tous ceux qui se prétendent anti-hégéliens (qui ne l'est pas de nos jours?) de savoir au moins un peu de quoi il est question... Par exemple, et à l'opposé de ce qu'on croit, il serait bien salutaire que les marxistes reviennent à Hegel pour comprendre qu'il n'y a pas plus d'abolition des classes qu'il n'y a de volonté générale quelque soit l'acharnement de la Terreur pour en imposer l'existence par la négation de l'existant.

Les figures de la moralité pouvaient être représentées par des contemporains, les figures de la politique renvoient à des situations ou des personnages historiques, et donc moins actuels, même si on peut en tirer des enseignements pour notre temps et surtout pour l'action politique qu'elle éclaire singulièrement.

En effet, la dialectique n'est plus individuelle, elle est collective avec ses retournements et ses changements de mode, ses retours de bâton toujours surprenants, où progresse, malgré d'inévitables régressions, la conscience de notre liberté (et de notre responsabilité collective). Il est, en tout cas, très amusant d'en suivre les tribulations, de contradictions en effets pervers (du Conformisme à l'Ethique puis au Droit et à la Culture jusqu'à la reconnaissance mutuelle dans l'Etat démocratique comme intelligence collective consciente d'elle-même).

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Newsletter 06/06

Temps de lecture : 23 minutes

Leonard de VinciRevues scientifiques du mois de Juin 2006

  • Les forêts ne sont pas des puits de carbone
  • Drogues et neurotransmetteurs
  • Cerveau et méthode globale
  • L'ordinateur quantique
  • Les émotions sociales
  • L'environnement sculpteur de gènes
  • Refroidissement global !
  • Energie sombre et neutrinos
  • Les retombées de Tchernobyl
  • Le caractère culturel de l'intelligence
  • Vieillissement, hormone de croissance et insuline
  • Des anti-dépresseurs contre le cancer
  • Danger du faux sucre et collusion avec l'industrie

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Misère de la morale

Temps de lecture : 33 minutes

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Phénoménologie de l'esprit I (V-B)

MoralitéJ'ai toujours trouvé extrêmement regrettable que ne soient pas plus largement présentes dans le débat public (ou même les controverses philosophiques) les réflexions si éclairantes de Hegel dans la "Phénoménologie de l'Esprit" sur la généalogie de la morale et les contradictions de ses figures successives, contradictions qui ne peuvent se résoudre que par le passage à l'action politique.

C'est, bien sûr, à cause de son style impénétrable que la lecture de Hegel est réservée au tout petit nombre. Cela justifie à mes yeux la tentative d'en restituer la "trame romanesque" avec ses multiples péripéties et ses retournements dialectiques, en espérant que cela puisse clarifier les enjeux d'un retour au politique du moralisme ambiant.

En effet, la conscience morale apparaît lorsque la conscience de soi se reconnaît dans la conscience des autres (un Je qui est un Nous), nostalgie de l'unité avec les autres. Seulement, en restant paradoxalement individuelles et abstraites, ces positions morales développeront ensuite toutes leurs limites et contradictions. Hegel illustre ainsi la succession dialectique de leurs impasses respectives : du traditionnalisme à l'hédonisme, puis de la "loi du coeur" utopique à la discipline de la vertu, bientôt réduite au mérite individuel et aux "bonnes oeuvres" quand ce n'est pas au développement personnel ou même à une simple occupation plus ou moins distrayante... En retour, la volonté de défendre une loi morale qui soit véritablement universelle se révèle inapplicable, aboutissant à une morale réflexive, morale de la responsabilité et de la vigilance (pouvant aller jusqu'à la désobéissance civique) qui débouche enfin sur l'engagement politique, seul à même de rendre le monde un peu plus juste en dépassant l'impuissance morale et la conscience malheureuse de l'individu isolé.

J'illustrerais, pour rire et pour faciliter la compréhension, ces différentes positions morales par des figures contemporaines plus ou moins inadéquates (Finkielkraut, Onfray, Glucksmann, Foucault, Benasayag, Kouchner, Sartre, Morin, Rosanvallon, Slama, Bové), qu'on m'en excuse !

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Newsletter 05/06

Temps de lecture : 10 minutes

Leonard de VinciRevues scientifiques du mois de Mai 2006

  • Maximum solaire en 2012
  • Le niveau des mers pourrait monter de 4 mètres d'ici 2100
  • L'effondrement des sociétés
  • Grippe aviaire et vaccin
  • Un antidépresseur mélatoninergique très prometteur
  • Calculer avec des tresses quantiques
  • Jeûner pour rajeunir
  • Recherches sur le "transfert de cerveau" !
  • La Voie Lactée protégée des explosions gamma

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Qu’est-ce que la philosophie ?

Temps de lecture : 58 minutes

Platon et Aristote

Si le pouvoir d'unifier disparaît de la vie humaine et si les oppositions perdent leur relation vivante, leurs interactions, et gagnent leur indépendance, la philosophie devient alors un besoin.

G.W.F. Hegel, La différence entre les systèmes philosophiques de Fichte et de Schelling, p110

La philosophie est à la mode, parait-il. Du moins une certaine forme de philosophie qui procède de l'individualisme et du développement personnel, tout autant que de la demande de sens et de spiritualité, entre la religion et la thérapeutique. On voudrait faire de la philosophie un traité de "savoir vivre", voire un catalogue de recettes pour une vie déjà vécue, pour l'assurance vie d'un bonheur garanti, alors qu'à vrai dire, "le bonheur est toujours pour demain" et "le temps d'apprendre à vivre, il est déjà trop tard" !

Il faut rétablir que le philo-sophe n'est pas le sage puisque, au contraire, la philosophie c'est d'abord la découverte de notre ignorance et de notre bêtise, causes des malheurs du temps. Le philo-sophe est un citoyen, la philo-sophie est une discussion publique, c'est "la recherche de la vérité", la question plus que la réponse. Pour Aristote, c'est l'étonnement, le savoir pour le savoir, le plaisir de la découverte et de la spéculation, mais pour les philosophies existentialistes, c'est plutôt la remise en cause de notre être et de notre propre authenticité. C'est donc à la fois la connaissance la plus désintéressée et la vérité la plus brûlante sur ce que nous sommes, en son incertitude.

Kojève situe la philosophie et les sciences en opposition aussi bien au dogmatisme qu'au scepticisme comme savoir en progrès, la philosophie se distinguant des sciences à devoir rendre compte de son propre discours, de son énonciation, de sa vie et de sa propre éthique. Il oppose ainsi la philosophie aux discours théoriques ou pratiques. En tout cas, elle s'affronte à la vérité dans ses limitations historiques, ce pourquoi elle est d'abord histoire de la philosophie, que cela plaise ou non, depuis Platon dans ses dialogues et surtout depuis Aristote débutant l'examen d'une question par les opinions de ses prédécesseurs. La recherche du bonheur qui peut mener à toutes sortes de techniques du corps tout autant ne constitue ici qu'une porte d'entrée possible à l'initiation philosophique (voir Proclus, sur le premier Alcibiade) pour s'interroger sur ses finalités, un moment daté de la conscience de soi comme fausse conscience et de la recherche de la vérité comme de l'unité perdue.

Le philosophe n'est pas le sage ni le saint, la confusion qui date de l'Empire romain ne devrait pas être possible sur ce point (ni Aristote, ni Platon ne sont en rien des ascètes). C'est pourtant la même confusion qu'on retrouve de nos jours du philosophe avec le savant ou l'expert (quand ce n'est pas avec le journaliste ou le politique qui a réponse à tout). Il n'y a pas plus grande erreur alors que la philo-sophie interroge les savoirs, cultive le doute, l'étonnement devant les évidences, la prudence enfin, découvrant toujours plus l'étendue de notre ignorance et de notre débilité mentale. Elle ne promet ni bonheur ni certitude sinon cette vérité inavouable de nos limites cognitives et des vertus de la discussion publique. Cette position critique, c'est ce qu'on appelle la "docte ignorance", aussi éloignée de l'ignorance crasse et de ses préjugés que d'un scepticisme aveugle ou de ces demi-savants dont Pascal se moquait parce qu'ils "ont quelque teinture de cette science suffisante, et font les entendus. Ceux-là troublent le monde et jugent mal de tout" (327).

Etre philosophe c'est juste savoir un peu mieux ce qu'on ignore, être plus prudent peut-être, mais sur le plan de la sagesse et des savoirs, il faut bien dire qu'on en est tous à peu près au même point. Malgré des différences individuelles qui peuvent paraître considérables, il n'y a pas de quoi se donner des grands airs, encore moins de se donner en modèle. Ce qu'on peut savoir de plus que les autres n'est finalement pas grand chose par rapport à tout ce qu'on ignore encore et l'on n'est jamais à l'abri de dire des bêtises, on ne le sait que trop!

La recherche du bonheur est sans doute très différente des temps anciens à notre époque, plutôt contaminée par le spectacle publicitaire de l'individualisme marchand. Hannah Arendt remarquait très justement que le bonheur est devenu une revendication de salariés consommateurs, une compensation d'un travail aliénant, au contraire d'un homme d'action notamment. Ce n'est pas ce qu'on entend d'ordinaire, et qu'il faut redire avec force, depuis que la psychanalyse existe au moins, et contre les philosophes s'il le faut, car c'est bien notre réalité la plus quotidienne, la plus essentielle, la vérité de l'insatisfaction qui est le vrai passage du temps et nous poursuit jusqu'au bout. On n'en guérit pas plus que de la vie. Etre philosophe serait d'y reconnaître notre condition et renoncer à la maîtrise, au bonheur parfait comme au bien suprême, devenus inutiles fardeaux, sans renoncer à ses rêves de justesse et de justice, sans renoncer à prendre ses responsabilités, sans renoncer à mettre sa vérité et son existence en jeu. L'homme c'est le désir et la liberté, l'appel du large, l'incomplétude de l'être et la difficulté de choisir, le manque de savoir et le besoin d'être reconnu par les autres, de se distinguer et de s'inscrire dans l'histoire humaine, in-dividu social et divisé pourtant entre la souffrance et l'ennui, mi-ange, mi-bête si ce n'est pire encore! mais l'aventure n'est pas finie où nous avons notre part à jouer avant de rire de nos rêves...

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