Revue des sciences juillet 2013

Temps de lecture : 7 minutes

Pour la Science

La Recherche

Physique, espace, nanos

Climat, écologie, énergie

Biologie, préhistoire, cerveau

Santé

Techno

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Système solaire en mouvement dans l'espace

Pour une fois, et bien que la physique nous gratifie de nouveau de théories extravagantes où l'intrication acquiert un statut physique qui pourrait être assimilé à des trous de vers, il y a plus extravagant encore ! Nous entrons vraiment dans un monde de science-fiction même si c'est toujours très différent de ce qu'on avait imaginé, mais, qu'on en juge : on pourrait bientôt greffer une tête sur un autre corps (ce qu'on ne croyait pas du tout possible) et même, lire dans un cerveau au repos des pensées de la veille ! Il est vraiment très étonnant que ces nouvelles n'aient pas fait la une des journaux. Le dossier de La Recherche sur le cerveau donne l'occasion de revenir sur la (re)construction de la réalité et les biais cognitifs, notamment un optimisme démesuré et réellement constitutif bien que démenti par l'histoire. Le contrôle par la pensée va semble-t-il se généraliser (drones, prothèses, etc.) d'autant plus qu'il deviendrait assez vite naturel et automatique. Il est amusant d'apprendre que pour développer leur cerveau les premiers anthropoïdes mangeaient les cervelles de charognes en cassant leur crâne avec des pierres, ce que ne pouvaient pas les prédateurs. On a du mal à définir ce qui nous sépare des Chimpanzés et qui semble une multitude de petites différences dont plusieurs décisives, mais le fait de pouvoir lancer des pierres comme des armes pourrait avoir été déterminant. Sinon, après avoir découvert depuis peu l'existence de l'empathie et l'altruisme, chez les animaux comme chez l'homme, existence longtemps déniée par le darwinisme social, voilà que les Anglo-Saxons en viennent à découvrir la fausseté du dogme des années fric : Non, les entrepreneurs ne créent pas des entreprise pour l'argent mais pour être leur propre patron ou pour créer quelque chose, seuls 8% le font pour l'argent (heureusement, car ce n'est pas la meilleure méthode pour cela). Il est par contre quelque peu troublant de voir la grimace des bébés juste avant leur naissance, ce qui apparaît comme une souffrance, sans qu'on puisse en être sûr, dernière illusion de paradis perdu qui tombe...

Du côté du numérique, ce qui pourrait arriver plus vite qu'on ne pensait, en dehors des drones ou cafard robotisées, ce sont les voitures qui vont se garer toutes seules et les voitures connectées. Les imprimantes 3D devraient recevoir pour leur part une nouvelle impulsion avec l'intégration de l'impression 3D à Windows, ce qui en faciliterait grandement l'usage. On apprend aussi que Fleur Pellerin voudrait généraliser les fablabs. La manipulation des ondes sonores manifeste enfin des potentialités inouïes aussi bien pour le contrôle des ondes lumineuses que pour manipuler des nanoparticules, ouvrant un nouveau champ d'applications.

La forme actuelle de la revue des sciences n'est pas satisfaisante. Je vais revenir à quelque chose de plus proche de la formule précédente, pour autant que j'ai le temps, tout cela restant très précaire...

 

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Qu’appelle-t-on penser ?

Temps de lecture : 22 minutes

le-penseur-de-rodin

Ce que la pensée, en tant qu'elle est percevoir, perçoit, c'est le présent dans sa présence. [p166] Le trait fondamental de la pensée est la re-présentation. [p167] Toutefois nous ne pensons pas encore en mode propre, aussi longtemps que nous ne considérons pas en quoi l'être de l'étant repose, lorsqu'il apparaît comme présence. [p169]

Heidegger, Que veut dire "penser" ?

D'être revenu récemment sur le nazisme de Heidegger m'a fait mesurer à quel point sa conception de la pensée (comme présence tournée vers son origine, recueil d'un sens déjà donné, simple perception enfin) était étrangère à ma propre expérience (mise en relations et travail critique de réflexion d'un savoir en progrès dans l'épreuve historique de ses contradictions). Bien sûr tout dépend de ce qu'on désigne comme pensée, simple flux de la conscience, reconstitution de mémoire, exercice logique, examen rigoureux, choix décisif ou rêverie poétique (voire érotique). Il est d'autant plus étonnant d'avoir réduit ainsi la pensée (et le langage) à un simple recueillement d'essence religieuse et dépourvu de toute négativité même si la présence est chez lui aspiration à l'être, tension vers l'objet de la pensée. Là-dessus, les critiques de Derrida, dans "La voix et le phénomène", restent très utiles, montrant comme cette métaphysique de la présence (ou mystique de l'authenticité) compromettait toute la phénoménologie (et l'existentialisme). Il vaut d'y revenir car, politiquement, on sait où peut mener la surévaluation de l'origine mais c'est un peu la même chose avec la "tradition révolutionnaire", à vouloir "refaire Mai68" par exemple, comme si on n'avait rien appris de ses errements, au lieu de proclamer un nouvel âge de liberté capable de reconnaître ses erreurs.

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De la pensée globale à l’action locale

Temps de lecture : 12 minutes

ATTACL'action politique passe par plusieurs étapes. Il y a d'abord le moment de l'indignation ou de la sensibilisation aux désastres écologiques et sociaux du capitalisme qui motivent l'engagement de s'opposer au monde tel qu'il est.

Ensuite, le premier devoir d'un militant est celui de sa formation, moment pour comprendre les raisons qui nous ont mené là et les transformations en cours. C'est le travail auquel Marx s'était astreint avec "Le Capital", dégageant les causes globales de notre système de production (détermination de la production par les marchés financiers, l'innovation et le salariat). Il ne s'agit pas en effet de laisser libre cours à une imagination débridée ni de se limiter aux condamnations morales et aux bons sentiments, il faut connaître les processus matériels et les contraintes systémiques qui mènent à des conséquences si funestes. On peut dire qu'on remonte du local au global en remontant des effets aux causes. Il y a également tout un travail d'information à approfondir notamment sur le climat et l'épuisement des ressources, il ne suffit pas de convictions personnelles.

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La Turquie peut-elle ébranler l’Europe ?

Temps de lecture : 4 minutes

turquieLoin d'être finie, la crise ne fait que s'aggraver et préparer un krach pire que les précédents. Le temps des révolutions ne fait lui-même que commencer sans doute dans cette période de grands bouleversements. Ce n'est qu'un début ! Il est impossible de savoir à l'heure actuelle quel sera le destin d'un mouvement encore informel mais si les manifestations en Turquie sont très émouvantes, c'est dans un tout autre sens que les révolutions arabes car "ceci n'est pas une révolution". C'est plutôt un souffle de liberté qui a été comparé spontanément à Mai68 plus qu'à un renversement de dictature. Il n'est pas insignifiant, en effet, que se revendique ouvertement pour la première fois une sorte de droit à l'alcool, ceci après le Mali où les djihadistes avaient fait de l'interdiction du tabac et de l'alcool un marqueur de leur pouvoir régressif.

On peut dire que cette revendication d'occidentalisation rapproche la jeunesse turque de l'Europe. Bien qu'il y ait un nationalisme assez fort, il semble bien, en effet, que ce soit aussi un mouvement pour l'Europe, dont ils se sentent exclus, et non pas contre, alors que ceux qui sont dedans en font l'origine de tous les maux...

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Revue des sciences juin 2013

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Pour la Science

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La montée du national-capitalisme

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imgscan-contrepoints-660-Capitalisme-de-connivence-300x169Ce serait une insulte de confondre militants ou économistes "de gauche" et l'extrême-droite malgré le développement assez récent d'une mouvance rouge-brun mais comment ne pas voir que le national-capitalisme qu'ils défendent les uns comme les autres se combine bien mieux avec le nationalisme et le rejet des immigrés qu'avec un antiracisme universaliste ?

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Du bon usage du dictionnaire de synonymes

Temps de lecture : 2 minutes

Comme tout le monde, j'utilise beaucoup le dictionnaire de synonymes de l'université de Caen. N'y voyant qu'un seul synonyme de l'expression "pour le moment" je leur ai suggéré "jusque là", suggestion qu'ils prendront sans doute en compte mais ils ont d'abord contesté que ces expressions soient équivalentes. Ce à quoi j'ai répondu que, bien sûr, elles n'étaient pas toujours synonymes mais seulement parfois, raison suffisante pour l'indiquer.

Cela m'a fait réfléchir à l'usage que j'avais du dictionnaire de synonyme et qui va bien au-delà du souci de ne pas répéter le même mot, ce qui est certes une contrainte forte de l'écriture, en français au moins. Dans ce cas, on cherche un simple substitut mais cet usage purement technique n'a pas grand intérêt alors qu'on peut rechercher des synonymes plutôt pour trouver le mot juste. Parfois, on peut avoir une véritable illumination, un déblocage de la pensée en visualisant les différents contextes où une expression peut être employée. L'emploi d'un synonyme plus adapté, plus précis peut véritablement ajouter une dimension supplémentaire qui change le sens initial.

Il me semble que cela permet d'éprouver à la fois comme on s'enferme dans un horizon limité, emporté par la mécanique du texte ou les formules toutes-faites, et comme notre mémoire linguistique s'organise autour de la synonymie plus que du son. Cela veut dire aussi qu'il y a sans doute très peu de véritables équivalences entre synonymes qui se différencient de quelque façon selon les contextes, et que c'est cela le travail de l'écriture ou de la langue, de trouver le mot juste au milieu de cette myriade. Ne pas se servir du dictionnaire ne serait donc qu'une faute de réflexion au lieu d'une garantie d'authenticité.

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Plaidoyer pour l’altermonde

Temps de lecture : 22 minutes

un-autre-monde-est-possibleA mesure de notre impuissance face à la crise, on voudrait nous persuader, contre toute évidence, que les hommes auraient toujours choisi la société dans laquelle ils voudraient vivre et que ce ne serait qu'une question de volonté. On ne voit pas sur quels exemples historiques pourraient s'appuyer de telles prétentions, la révolution de 1789 n'ayant pas été préméditée, échappant en permanence à ses acteurs, et celle de 1917 ayant produit le contraire de ce qui était voulu ! Ce sont des forces historiques qui sont à l'oeuvre et nous dépassent, ce sont elles qu'il faut tenter de comprendre avec les opportunités qu'elles peuvent ouvrir et qui dépendent assez peu de nos préférences subjectives. Il n'y a aucune raison de surestimer nos moyens ni de croire qu'on pourrait construire une quelconque utopie (en plus celle de notre choix !) dans une rage normalisatrice. Au contraire, la situation semble plutôt désespérée sur tous les fronts, accumulant défaites sur défaites. Sur le plan social, le sud de l'Europe dévasté nous entraîne sur la même pente alors que la lutte contre le réchauffement climatique semble perdue, du non renouvellement du protocole de Kyoto à l'exploitation de toutes les sources d'hydrocarbure (gaz de schiste, méthanes marins, pétroles non conventionnels, charbon). On ne sait comment on va faire face, non pas tant au pic de population qui n'est plus tellement éloigné qu'à un nouveau doublement de la classe moyenne mondiale qui est déjà passée de 1 à 2 milliards depuis l'an 2000 et devrait plus que doubler encore dans les années qui viennent. Le refus de prendre en compte ces évolutions géopolitiques tout comme le bouleversement total que le numérique apporte dans nos vies depuis une dizaine d'années ne peut que renforcer notre impuissance collective et notre soumission aux événements qui décident de nous plus que nous n'en décidons dans l'urgence, le nez dans le guidon.

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Revue des sciences mai 2013

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Pour la Science

Physique, espace, nanos, mathématiques

Climat, écologie, énergie

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Le tournant identitaire et gnostique du nazi Heidegger

Temps de lecture : 20 minutes

Jean-Pierre Faye, L'expérience narrative et ses transformations, 2010

Jusqu'ici les philosophes n'ont fait qu'examiner les récits, la narration, le mythos à la lumière du logos, de la raison. N'est-il pas urgent d'examiner les "raisons" à la lumière des positions de narration ? Une simple "tache" narrative peut contribuer à renverser la position de la "pensée". p59

S'il y a bien un aveuglement consternant, c'est celui d'un grand nombre d'intellectuels envers le nazisme de Heidegger, qui n'aurait jamais dû faire le moindre doute pourtant, et qu'on peut assimiler à du négationnisme (il faut voir comme Guillaume Fagniez, dans le numéro de l'hiver 2012 de la revue Philosophie, tente de désamorcer, en dépit du contexte lourdement antisémite, la charge de Heidegger contre "l'Asiatique" dans une conférence italienne de 1936 "L'Europe et la philosophie allemande" et de le disculper entièrement par la méfiance qu'il suscite malgré tout chez les idéologues officiels alors qu'il est quand même l'ambassadeur du régime à cette occasion et membre du parti - certes du côté des SA qui avaient perdu la partie en 1934). Il faut bien dire que même ceux qui parlaient déjà, comme moi, du nazi Heidegger, avaient cependant tendance à atténuer sa responsabilité, en faisant tout au plus un "idiot utile" du régime, sa conception toute personnelle du national-socialisme étant supposée très éloignée de la vulgarité d'un racisme biologique et de toute politique d'extermination. C'était sans doute le croire plus bête qu'il n'était car on découvre depuis quelques années à quel point il adhérait à l'idéologie hitlérienne et tentait de l'intégrer à sa philosophie, d'en donner sa version du moins, certes critique mais avec le souci de se conformer à l'orthodoxie nazi, et pas seulement pour se protéger.

Ce qu'il appellera lui-même un tournant de sa philosophie, daté de son époque nazie, se révélera effectivement une véritable introduction du nazisme dans la philosophie, passant de l'angoisse de la mort trop individuelle à l'enracinement, l'identitaire, l'originaire, l'appartenance à un peuple mythique, le retour d'une religiosité vaguement mystique et la réduction de l'histoire à une décadence où nous perdrions notre humanité et notre âme à cause de l'empire de la technique et de la raison. On ne peut dire que ce soit un tournant nazi car il était encore plus nazi avant mais bien l'introduction de son nazisme dans sa philosophie (devenue en même temps critique du nazisme réel, un peu comme un trotskiste critiquant Staline). On ne peut dire non plus que ces thèmes soient étrangers à notre actualité, leur résurgence témoignant plutôt qu'ils n'ont pas fait l'objet d'assez d'attention de la part de nos penseurs.

Il faut tout de suite préciser que cette faute originelle ne suffit pas à l'annulation de tout ce que Heidegger a pu apporter à la philosophie et qui est considérable mais c'est justement le scandale, exigeant d'y penser à deux fois et qui ne peut laisser indemne ses apports justement. Le point sur lequel je voudrais insister et qui rapproche l'existentialisme d'une sagesse plus que d'une philo-sophie avec le thème de l'aliénation, c'est la complicité entre authenticité et extermination. De quoi choquer, certes, les âmes sensibles qui trouveront cela trop exagéré pour leurs intentions si pures mais qu'on ne peut que constater chez les critiques de la technique comme de l'aliénation ravalant facilement les autres à des automates ou des bêtes en troupeau, délestés de toute humanité. La recherche de l'origine comme de leur propre identité en aura décidément ébloui beaucoup trop par ses promesses d'inouï (et il faut bien dire que ses analyses existentiales pouvaient être éblouissantes, tout comme sa lecture du Sophiste par exemple, et ce qu'il peut avoir de plus faux reste un moment de la vérité comme sujet qui se dévoile dans ses errements mêmes, impossible à expulser de l'histoire de la philosophie, pas plus qu'on ne peut expulser le nazisme de l'Histoire qui ne renvoie pas à une vérité de l'origine mais au compte de ses impasses et illusions).

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Entropie et perte de l’information des trous noirs

Temps de lecture : 13 minutes

Leonard Susskind, La guerre des trous noirs, folio
trousnoirsJ'arrête la physique ! C'est du moins ce à quoi me pousse la lecture de ce livre qui n'est pas si récent mais vient seulement de sortir en poche et m'a consterné. Non pas à cause de la théorie holographique qui parait certes très délirante mais dont j'avais rendu compte favorablement au tout début de ma revue des sciences et qui n'est pas la disparition d'une dimension comme on la présente ici aussi mais son internalisation, les différences de distances étant remplacées par des différences de taille. Non, ce qui me sidère, c'est que les conceptions de base sur lesquelles s'appuie l'auteur, entropie et information, me semblent fausses dans leur imprécision comme dans les conséquences qu'il croit pouvoir en tirer. Inutile de dire que je ne peux me mesurer avec Leonard Susskind qui fait partie des plus grands physiciens contemporains (et dont j'avais bien apprécié le livre précédent sur le paysage cosmique). C'est sûrement moi qui ai tort, ne comprenant décidément rien à la Physique. Je peux juste faire état de ma perplexité et de mes objections, en attendant qu'on les réfute...

La notion d'information utilisée en physique quantique désigne en fait un ensemble de paramètres des matrices de diffusion (S-matrix) suffisantes pour décrire l'évolution d'une interaction et supposée pouvoir s'inverser pour reconstituer l'état initial (p249), "assurant qu'aucune information n'est jamais perdue" (p251). Le problème, c'est que ce qu'on désigne ici comme information, n'est une information que pour nous, désignant en réalité une énergie (cinétique, électrique, spin, etc.) ou ses degrés de libertés (plus tard on parlera même des ondulations d'une corde), en tout cas une réalité "matérielle" et non pas une information "immatérielle" sur cette réalité ("l'information que le général Grant est enterré dans sa tombe se trouve dans la tombe de Grant !", p174). Dès lors, ce qu'on appelle la conservation de l'information n'est rien d'autre que la conservation de l'énergie qui s'égare à glisser à une conservation de la forme alors que l'énergie est au contraire ce qui se trans-forme, et se conserve dans cette transformation (les deux côtés de l'équation devant s'équilibrer). La confusion entre l'énergie et l'information a pour conséquence d'étendre ce qui se conserve vraiment (l'énergie cinétique ou électrique) aux relations et structures qui sont perdues par les interactions multiples qu'elles subissent et qui les brisent en morceaux.

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Revue des sciences avril 2013

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Pour une société duale

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alterLa crise commence à nous atteindre, confirmant que nous sommes le suivant sur la liste du club Med. Même si les chiffres ont été révisés à la baisse, jusqu'ici les protections sociales avaient servi d'amortisseur et les salaires avaient continué à augmenter globalement, même très peu, mais c'est fini, le pouvoir d'achat est sur la pente descendante risquant d'aggraver la récession et malgré tous ceux qui prétendent pouvoir nous sortir d'affaire, nous allons nous heurter comme les autres à l'impuissance des peuples (qui est celle de leurs gouvernements). Face à cet appauvrissement programmé, il vaudrait mieux essayer de s'y adapter que de compter sur un nationalisme exacerbé qui n'est plus de saison même s'il a fait le succès économique des totalitarismes des années 1930.

Une Europe unie et forte pourrait nous faire retrouver une certaine prospérité mais plusieurs processus matériels menacent le modèle européen salarial (numérique, déclin de l'industrie et de l'Occident, développement des pays les plus peuplés, contraintes écologiques), cette crise pouvant n'être qu'un avant-goût de ce qui nous attend par la suite. Du point de vue écologique, on pourrait même considérer la crise comme une chance - à condition de s'organiser pour cela et ne pas faire porter le plus gros du poids sur les plus pauvres comme maintenant.

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Le refus du réel

Temps de lecture : 18 minutes

deni_realiteIl ne suffit pas d'avoir des idées claires et distinctes pour que ce soient des idées justes. Il ne suffit pas non plus de trouver une situation intolérable pour trouver comment s'en sortir, ni surtout pour se mettre d'accord sur les solutions. Il n'y a pas que les divisions entre droite et gauche mais au sein même de la gauche, il y a profonde division sur les politiques à suivre. Cette division est notre réalité première qu'il faudrait reconnaître, nous condamnant sinon à l'impuissance ou à l'échec, mais cela devrait nous faire renoncer à toute vision totalitaire d'une société unie, ce que chacun désire sans aucun doute mais qui ne se peut pour de très bonnes raisons et d'abord parce que personne ne détient la vérité qui n'est pas donnée mais fait l'objet de luttes acharnées et ne se détermine qu'après-coup dans l'expérience du réel.

On ne s'unit que dans le combat contre l'ennemi, extérieur aussi bien qu'intérieur (prenant ainsi immanquablement le parti pour le tout). On devrait le savoir désormais, l'idée que "le" peuple prenne le pouvoir n'a pas de sens dans nos démocraties pluralistes, du moins en dehors du niveau local et d'une démocratie de face à face. Plus le pouvoir s'étend sur de vastes contrées et plus il doit composer avec des forces et des masses en jeu qui ne dépendent pas de notre bon vouloir (pas plus que les sciences ne peuvent dépendre de la démocratie). A ce niveau, ce qui compte, c'est moins le volontarisme que la justesse et la réactivité des politiques suivies, largement aux mains de technocrates. Le "déficit démocratique" n'est pas très différent entre les USA, la Chine et l'Europe même si ce n'est pas pour les mêmes raisons (l'argent, le parti, le jeu des nations), la pertinence des politiques suivies se jugeant au résultat. L'enjeu est donc bien d'abord cognitif, non pas qu'un hypothétique peuple accède au pouvoir on ne sait comment mais de savoir quoi faire. L'important serait d'avoir une analyse juste de la situation, ce qui n'est pas du tout le cas de la gauche actuelle dont les discours se caractérisent plutôt par un refus du réel obstiné et sans issue où l'imputation à la crise de causes imaginaires amène à des solutions tout aussi imaginaires (on va en examiner quelques unes), essuyant avec constance défaite sur défaite.

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La question du suicide

Temps de lecture : 20 minutes

SuicideLe suicide est incompréhensible pour une société de consommation individualiste qui nous pousse sans cesse au jouir, ne valorisant que la pensée positive et le développement personnel. Ecraser les autres, jouer des coudes dans une compétition acharnée, voilà qui est naturel mais se retirer du jeu n'a aucun sens pour un biologisme primaire et une interprétation un peu trop simpliste du darwinisme (réduit à une naturalisation du capitalisme). Au début des attentats suicides pratiqués par les Islamistes, ce qui dominait, c'était bien l'incrédulité qu'une telle chose soit encore possible dans notre monde alors qu'on ne tolère même plus que la guerre fasse une seule victime dans nos rangs ! C'est pourtant de l'étonnement qu'il aurait fallu s'étonner tant le suicide a toujours eu une grande place dans notre humanité, conséquence immédiate de notre conscience de la mort et de notre liberté, loin d'une supposée aberration psychologique. Pour Camus, on le sait, il n'y a même qu'un seul problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide, et les surréalistes sont partis de la question : le suicide est-il une solution ? Ce n'est pas pour autant sujet dont on parle (un professeur en a fait l'expérience récemment) mais qu'on préférerait bien plutôt refouler de nos consciences si le suicide n'était si présent dans notre actualité.

C'est un suicide qui a déclenché la révolution tunisienne et les suicidés du travail sont devenus une nouvelle forme de protestation sociale alors même que le suicide assisté est devenu la revendication d'une fin de vie dans la dignité (si ce n'est dans l'amour comme pour André Gorz avec sa compagne). Cela ne cadre pas bien avec notre prétendue réduction à l'animalité pas plus qu'avec la soi-disant disparition de la mort, le Maître absolu, dans nos sociétés marchandes. On ne peut mettre bien sûr tous les suicides sur le même plan, le fanatique qui se fait exploser et le philosophe qui se suicide. Ce n'est pas la même chose de se sacrifier pour les siens ou d'affirmer sa liberté, de vouloir culpabiliser les survivants ou simplement se soustraire à la douleur et la déchéance. Ce n'est pas la même chose une décision rationnelle ou prise sous le coup de l'émotion, de la fatigue, de l'épuisement. Il vaut certainement le coup de bien faire ces distinctions, de sortir de la confusion générale mais aussi d'en discuter les raisons et la limite que le suicide pose à des conditions de vie insupportables comme à l'humiliation, du moins lorsque des luttes collectives ne peuvent y suppléer.

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Réorganisation du blog

Temps de lecture : 2 minutes

Les articles sur les sciences n'apparaîtront plus sur la page principale du blog, pour les voir il faut aller sur https://jeanzin.fr/science/ ou cliquer sur Science dans le menu du haut.

C'est parce que j'ai arrêté la revue des sciences et vais tester des publications de brèves au fil de l'eau que je n'ai pas voulu noyer le reste avec et préféré déporter le blog de sciences à part. Du coup les articles de sciences font l'objet aussi d'une liste de diffusion à part, sans les brèves cependant, qui font l'objet d'une autre liste et n'apparaîtront que dans le RSS de science, mais tout cela est en test et susceptible d'évoluer.

[En fait, seules les brèves n'apparaissent pas sur la page principale du blog]

Les adresses des articles n'ont pas changé mais il faut changer l'ancien https://jeanzin.fr/category/sciences par l'adresse ci-dessus (pour les autres catégories aussi, il faut supprimer /category et faire https://jeanzin.fr/politique/ par exemple). De même pour le RSS des catégories qui devient pour la catégorie science : https://jeanzin.fr/science/feed/ ou https://jeanzin.fr/science/feed/atom/

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Revue des sciences mars 2013

Temps de lecture : 108 minutes

 

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Stéphane Hessel

Temps de lecture : 2 minutes

C'est quelqu'un que j'aimais beaucoup, bien avant qu'il ne soit connu (il était proche de Jacques Robin). Il m'aimait bien et m'encourageait à participer au comité d'éthique mondial (Collegium) que j'avais trouvé si vain. Moi j'admirais sa façon d'exprimer avec un large sourire des convictions très fortes et charpentées, c'était vraiment la classe, mais je m'en veux tellement de ne pas avoir pu aller à ses 90 ans où j'étais convié, ne l'ayant pas revu depuis...

Son rôle dans le mouvement des indignés est de l'ordre du miracle, d'une rencontre avec l'actualité inespérée (c'est ça le bonheur), incarnant une sorte de plus petit dénominateur commun. Cela a tourné court et il n'avait lui-même aucune idéologie à vendre mais il croyait surtout à l'ONU, il croyait qu'aussi modeste cela apparaisse, c'était essentiel et témoignait du progrès de l'humanité. On peut dire qu'il m'a réconcilié avec l'idée de progrès, dans des mesures concrètes, des droits universels même d'apparence minime par rapport à nos idéaux. Quelqu'un de profondément positif à l'opposé de mon propre tempérament !

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Sur les villes en transition

Temps de lecture : 8 minutes

villesentransitionLes "villes en transition" sont incontestablement des initiatives positives et nécessaires qu'il faut encourager comme tout ce qui va dans le sens d'une relocalisation de l'économie et de ce qu'ils appellent les capacités de résilience locale (diversité, modularité, proximité). On pourrait cependant préférer un projet plus global de villes vertes car il y a deux points, qui sont au centre de cette démarche, sur lesquels on peut avoir un regard plus critique. D'abord la focalisation sur une fin du pétrole qui est loin d'être avérée encore, ensuite la dépolitisation d'une démarche qui gagnerait à prendre une dimension véritablement municipale.

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Stopping creative destructions

Temps de lecture : 12 minutes

destructionAt a time of financial bubbles, there is a surrealist aspect to watching an entire scaffolding, incapable of standing upright but nonetheless failing to collapse, as if suspended in the air. It can only hold for a certain time, until the bubble bursts, but one shouldn't underestimate the essential inertia that is a function of the masses at stake and that perturbs judgment. One can interpret the current euphoric phase as if the crisis is already behind us, although nothing has been resolved yet. The most likely outcome is that we will relapse like the Arabic revolutions that turned sour. Worst case scenarios are still possible but we should still consider the very unlikely hypothesis that we will manage to avoid complete collapse (at least to repel it indefinitely). It isn't completely impossible, as we have the means to do so in any case in an era of information and ecology, global regulations and the establishment of a universal state. Especially this time, there isn't just natural inertia but active coordination between states, even at minimum, even reluctantly, which already sets us in a very different regime.

Avoiding systematic crisis, the principal worry since the bankruptcy of Lehman Brothers, could reveal itself as the already main effective vector of the achievement of a world unification. This new situation couldn't be without consequences. In the first place, to get rid of what Schumpeter called the "creative destructions" which according to him is caused by innovation ("the novelty doesn't come from the old but appears beside the old, competes with it and ruins it"). Some have even said that there is crisis only if there is innovation, which is very exaggerated. For René Passet, the necessity of these creative destructions would be rather a characteristic of complex systems obliged to pass through collapse in order to get rebuilt on a different basis. In any case wanting to prevent systemic crisis would decidedly be a way of stopping the economic evolution or at least to slow it down. Indeed, it has been clearly demonstrated, firstly by a state warranty of the banks that suppresses the risk ‘the moral hazard’ yet composing their first matter as much as their private character. Many take offense, demanding that the banks are allowed to become bankrupt in a very good liberal logic but, like the nuclear bomb, it is a bomb that has been revealed far too devastating to be released again.

However one doesn't see how we could avoid this protection being extended to other big companies including those who have a strong local impact, in what would look more like an administered economy rather than market laws. Big part of the economy could be irresistibly contaminated in the long run. So behind the posted liberalism, what is being set is a global governance that we can call cybernetic as it evolves at sight under the pressure of events and not at all according to a preconceived plan like the old planned economies. One has to see it as a major event that can be analysed like the transformation of the planetary ecosystem in an organism, thanks not only to the digital networks but also to the systemic crisis that could have made us enter in the end of liberalism. Like an organism is defined by its resistance to death, the prevention of systemic crisis (including ecological ones) contains the requirements of global regulations and change the deal regarding the international competition, a sign that we are to quit the wild economy and market jungle to form a kind of planetary organism with regulated exchanges.

We are not there yet, but wanting to prevent the closure of companies, the collapse is also preventing the recovery, to be deprived of outbursts by positive feedbacks (snowball effect) and elimination of the less performing that makes the dynamism of capitalism. We will enter in a entirely new environment and if not at an end of cycles at least to their neutralisation, an end of their seriousness and of their revolutionary character. There are no reasons to be alarmed by a slow-down of innovation and growth in developed countries (except if it is to be paid by unemployment), but we have to wonder how that can be viable.

An ecosystem isn't an organism even if it shares some similar systematic characteristics. What distinguishes an organism is that it behaves as a whole, there are internal regulations (homeostasis) and it is organised towards purposes, which are
missing from an ecosystem or a market. An organism, as a result of evolution doesn't evolve so much by it self, it is rather through learning that it evolves and not by creative destructions like an ecosystem does. An organism preserves itself and if we are to change planetary systems, (it might one day be destroyed under the weight of its own complexity, its stiffness, its inequalities, its unsustainability) the living world shows us that we can come to pass of creative destructions providing that we form a learning organisation.

As we are at the start of this process, we cannot for now expect the overturn of a global power, though still not alive, but rather its strengthening in the long run (even if we go through a phase of breakouts and conflicts in the short term). It is still fragile, quite new, but it has nothing to do with an empire whose leaders we could change, and the perspective of an economic collapse is strong enough to dictate its law with much urgency. It would undoubtedly need a last collapse to convince us, like feeling closely the blast of a bullet. This has nothing to do with a determined will, or an obscure plot, just systematic constraints. Indeed, a system is compelling, as it determines the behavior of its individuals more than the individuals impact its functioning because it is composed of circulating flux, like streams that can carry away everything. There is no alternative to the plain arithmetic. States are well informed of it and although they can call for a mythic sovereignty, they have no choices. They can't allow their economy collapse (neither the biggest companies) making us enter in this new era of stability that sets positions.

Therefore to be part of the same ecosystem and above all to know that it constitutes us as an organism; it means that politics from the right or the left can't be that different and remain inevitably at the equilibrium. Even if each presidential election promises to change everything, it never goes very far, thankfully by the way. Despite constant denials from the experience, it is very difficult to get rid of the illusion that it would be easy to change things and that it would only be a question of good will or of high aspirations, as it appears that we are thoughtful beings. Yet we are forced to consider the reality in all its complexity and seek to understand why we are where we are and how to get out of it, materially more than spiritually. Unlike what we think, the more a system is complex, the more it is robust and opposes a resistance to change and to individual deeds. We don't need revolutionary heros, it doesn't help to assume being a god that can decide world destiny, which is the natural position of the author or of the narrative language that makes us human but has little to do by its simplicity with the interacting effective processes. All what we can do, it is to displace the flux, to get networked and act locally.

Not overestimating our means and measuring the obstacles is primordial if we don't want just to talk and be satisfied with good intentions. On the contrary we shouldn't fear going backward as if social progress had just been a whim without reasons. The "social model of Europe" risks knowing new regressions but that can't challenge everything. Here as well we should be able to count on the inertia of societies. Whatever the political movement, vital emergencies, material constraints and global environment have to be taken in account, and sorted at best. So despite the ideologues of neo-liberalism, who are giving evidence of a too logical madness, inequalities when they are too glaring aren't a good thing, neither for society nor for the economy and the care for the social welfare isn't going to disappear because brainless guys from deep USA think they are alone in the jungle. As far as that goes ecological problems can't be swept under the carpet by going back to every man for himself, it is simply no more possible.

Basically, the global economical governance joins the ecological governance that imposes itself since mankind has become a geophysical force and characterises the anthropocene era. We are far away from the cool ecologists or the coming back to earth movement (farming) but one has to say that there is a huge misunderstanding about political ecology. Many think that it is just a matter of letting nature go, to act as if we weren't here and returning to a more primitive way of life, when in fact it is the opposite, a civilizing entreprise that preserves our life conditions and therefore fixes the evolution. The "natural" attitude would be to let (laisser faire) the human species do what they want, who are integrated in nature, until its destruction, leaving an empty place; its excesses being punished by its annihilation. The political ecology is opposed to this extreme liberalism, and sides rather with the fight against entropy, which sets us on the active side of the living and not one of an inert passivity or a simple ecosystem wrongly supposed to be self-regulated. We can see it with the climate who we have become responsible for not only because we are disrupting it but also because we now have the means to control it. It isn't only that we must limit the warming but that we may have to reheat the atmosphere when the ice-age comes back. Here we may have a global action, which limits itself to fix the climate as it is, to prevent it from changing and maintain a certain homeostasis. Out of this global stabilising action we can agree on, we can't imagine to change the totality just by speech. However, as long as we are alive it shouldn't stop us being concrete in detail, in our range of actions and in our daily life to make retreat death and injustice.

Are we to know the end of revolutions like the one of the creative destructions? It is a bit paradoxical to pretend at a time when there are revolutions, countries collapsing and that the worst is still expected but to make the hypothesis isn't as stupid as it looks; as despite appearances it would undoubtedly be a mistake to focus on endangered liberalism when it is a completely different system that is being established and should deeply affect the running of economies. Not to place oneself in the framework of a revolutionary rupture shouldn't mean that one can't do anything but one has to take a more experimental and progressive position, building from the bottom up, a new system of relocated production in the era of information, ecology and human development. It would nevertheless be a complete paradigm's change from the old still fashionable ideologies.

Traduction par Loïc Barbarin de l'article En finir avec les destructions créatrices.

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