Petit interview pour le Journal du Pays Basque à l'occasion de ma venue au Forum Social de Bayonne le 29 avril
- décroissance ou alternative
- l'enjeu de la garantie du revenu
- dimension philosophique de la résistance à la barbarie néolibérale.
Ecologie-politique, ère de l'information et développement humain
Petit interview pour le Journal du Pays Basque à l'occasion de ma venue au Forum Social de Bayonne le 29 avril
Revues scientifiques du mois d'avril 2006
Alors que la lutte contre le CPE s'annonce victorieuse et que se pose la question de la suite du mouvement, le débat entre enfin dans sa phase décisive où ce n'est plus seulement la précarité des jeunes mais la précarisation de toute la société qui est en cause avec la nécessité de trouver de nouvelles protections contre cet état de fait insupportable. Il n'est plus possible de s'en tenir à des positions libérales ni au simple conservatisme. Pour l'instant le modèle inaccessible semble être celui du Danemark, c'est-à-dire d'une grande liberté juridique équilibrée par des syndicats puissants, une grande flexibilité des emplois associée à tous les moyens du développement humain, assez loin de notre réalité actuelle et pas aussi bien qu'on le prétend. L'idée d'un contrat unique où l'on gagne des points à mesure qu'on reste dans la même entreprise ne fera que renforcer la précarité des plus précaires. C'est aussi le reproche qu'on peut faire à la revendication d'une sécurité sociale professionnelle qui représente bien ce qu'il faudrait faire (assurer une continuité du revenu "au-delà de l'emploi") mais avec le même inconvénient de protéger surtout les plus protégés, les insiders, en laissant de plus en plus d'exclus à l'extérieur, outsiders sans droits et sans avenir.
Il n'est pas possible de tolérer ceci plus longtemps et il est temps d'affirmer, comme un nouveau droit de l'homme, le droit à un revenu décent, revenu d'autonomie sans lequel il n'y a pas vraiment de droits. Cela semble encore trop utopique et pourtant c'est une revendication qui insiste et gagne de plus en plus de partisans, revendication qui devrait s'imposer dans le contexte actuel car le revenu garanti n'est pas seulement l'instrument de la lutte contre la précarité et la misère, c'est surtout un renversement complet de logique de la sécurité sociale au développement humain, c'est l'investissement dans la personne, dans son autonomie et sa créativité exigées par le devenir immatériel de l'économie où ceux qui sont devenus plus ou moins des "travailleurs du savoir" sont destinés à la résolution de problèmes dans un environnement incertain. C'est enfin la base d'une production alternative et d'une économie relocalisée.
Forum Social de Bayonne, 29 avril, 9h
La nécessité d'une décroissance matérielle est reconnue par tous les écologistes ainsi que la critique des illusions d'un développement durable. Rappel salutaire des contraintes écologiques, cela ne suffit pas à faire de la décroissance un programme politique pour autant. D'abord, parce que la décroissance matérielle ne signifie pas automatiquement une décroissance économique. La croissance du PIB est un indicateur monétaire (en partie donc annulée par l'inflation) et la croissance des services ou de l'immatériel se distingue par définition d'une croissance matérielle ! Malgré les dévoiements d'un développement prétendu durable, on ne peut confondre développement complexifiant et croissance matérielle. Ce n'est pas l'essentiel pourtant car, outre cet aspect "réducteur", le slogan de la décroissance a surtout l'inconvénient de se présenter comme une simple réduction quantitative : la même chose en moins, où la seule chose qu'on puisse faire c'est de se serrer la ceinture en espérant que ce soit assez massif pour avoir un effet global significatif (étant donné le nombre de pauvres et de miséreux dans le monde on devrait faire vraiment très fort pour peser dans la balance!).
Il faudrait à l'évidence construire un système de production alternatif sur d'autres bases plutôt que s'imaginer pouvoir réduire la croissance d'un système productiviste qui s'emballe au contraire à un rythme de plus en plus insoutenable ! Il n'y a pas d'autre solution que l'altermondialisme, c'est-à-dire une alternative locale au capitalisme globalisé. Une économie écologisée n'est pas une économie plus économe encore (!), mais une économie réinsérée dans son environnement, relocalisée et recentrée sur le développement humain. Il ne s'agit pas tant de produire moins mais autrement, il ne s'agit pas de réduction mais d'alternative, pas seulement de décroissance matérielle quantitative mais de développement humain et de qualité de la vie.
Colloque AlterEkolo du samedi 25 mars 2006
Il n'y a pas d'un côté les problèmes de chômage ou de précarité de nos vies privées d'avenir, et de l'autre les problèmes écologiques de décroissance et de sauvegarde de notre avenir commun, ce qui semble bien peu compatible sous cette forme, alors que, dans les deux cas, il s'agit de mettre des limites à un néolibéralisme destructeur et de préserver nos conditions vitales. Tout projet politique ne tenant pas compte des contraintes écologiques est condamné par avance, de même que tout projet écologiste qui voudrait ignorer les contraintes économiques et sociales. L'altermondialisme représente, bien plus que les Verts, cette prise de conscience écologique et sociale avec ses deux exigences de relocalisation et de développement humain. Ce qui manque souvent à l'altermondialisme malgré tout, c'est la prise en compte des transformations considérables d'une économie informationnelle qui se se réduit pas du tout à la globalisation marchande.
Un autre monde est possible mais il ne suffit pas de résister au totalitarisme marchand, il faut se poser la question : que pourrait être la société à venir, plus écologique et moins précaire ? Ni simple décroissance, ni retour en arrière, cette économie relocalisée et recentrée sur le développement humain doit constituer une alternative concrète au capitalisme en permettant la sortie du salariat productiviste, grâce notamment au revenu garanti ainsi qu'à des monnaies locales. Hélas, tout cela parait encore trop utopique, à contre-courant de la mondialisation et de la précarisation néolibérale mais très éloigné aussi des revendications des organisations de gauche (ATTAC, Copernic, LCR, PC, PS...). Même s'il faut effectivement renforcer l'Etat et réformer la fiscalité, les solutions que nous proposent ces partis (protectionnisme, "plein emploi", étatisme, taxations et même réduction du temps de travail) ne sont pourtant que des solutions imaginaires et trop souvent liberticides alors que c'est notre autonomie qu'il faudrait développer. Il y a de quoi désespérer et se persuader que c'est foutu d'avance... Dans la période actuelle on ne peut se contenter de baratin sur la sécurité de l'emploi, ni d'objectifs trop lointains. Il ne s'agit pas d'établir le programme détaillé d'une cité idéale ni de faire le catalogue de nos valeurs mais de donner une ligne directrice forte et lisible pour la construction d'alternatives locales à la globalisation marchande.
Le moment est crucial. Jamais la situation n'avait été aussi favorable aux luttes sociales. C'est l'occasion ou jamais pour les salariés de se joindre au mouvement pour défendre leurs revendications, il n'y a pas de doute là-dessus. Et pourtant, il semble que les syndicats s'effraient de leur pouvoir et reculent devant l'appel à la grève générale. Il semble surtout que les salariés ne soient pas favorables encore au renversement du régime, rencontrant la limite du mouvement actuel, son absence de projet qui peut causer sa perte. L'abolition du CPE ne mérite pas une révolution à lui tout seul ! Si on fait une révolution, certes bien nécessaire, cela ne peut être pour revenir simplement au passé et un CDI de plus en plus théorique. Chacun sent bien confusément que c'est une chimère sous cette forme.
Pour sortir de la précarisation de nos vies, il faut une ambition plus positive et tournée vers l'avenir, une refondation des protections sociales centrées sur la personne et les nouvelles forces productives. Il faut profiter de la conjoncture pour adapter notre système social à l'ère qui s'ouvre devant nous, en développant notre autonomie plutôt qu'en rigidifiant les règles. Ce n'est pas la direction empruntée pour l'instant (on comprend pourquoi quand on impose la flexibilité sans la sécurité). Heureusement, cette fois nous avons le temps puisque le mouvement est fait semble-t-il pour durer maintenant, temps indispensable à la réflexion et l'élaboration collective.
Il est comique de voir le gouvernement s'accrocher au CPE et tenter de le justifier ou de l'adoucir sans comprendre qu'il s'agit de bien autre chose désormais. Ce n'est pas seulement contre une mesure discriminatoire et imposée sans concertation que s'élève la jeunesse mais plus encore contre l'officialisation de la précarisation de l'emploi et la destruction des protections sociales dont le CPE ne représente qu'une étape supplémentaire.
Derrière ces revendications immédiates, il y a tout le malaise d'une jeunesse maltraitée mais, au-delà de la jeunesse même, il s'agit pour toute la société de défendre nos valeurs humaines de solidarité, après des années d'un individualisme arrogant, et de rétablir enfin la vérité sur ce que nous sommes, vérité trop longtemps bafouée par les salauds en tout genre.
Au-delà du CPE, l'enjeu du mouvement actuel est bien la résistance à la précarisation de nos vies et la refondation des solidarités sociales mais tout autant la contestation d'une démocratie procédurale qui se résume à la formule : vote et tais-toi !
Il serait bien étonnant que le gouvernement ne mette pas un terme à la mobilisation étudiante en retirant le CPE. Même dans ce cas, l'essentiel semble pourtant déja acquis : le retour des mobilisations sociales et la reconstitution de nos solidarités devant ce qui a été perçu comme une déclaration ouverte de précarité par toute la société, au-delà de ses jeunes. Fini le temps des défaites, la honte a changé de camp, les revendications sociales ont retrouvé toute leur légitimité. Un nouveau cycle de luttes est enclenché et il y a longtemps que les circonstances n'avaient été aussi favorables.
Bien sûr tout pourrait retomber avec un retrait qui s'impose à l'évidence. On constate malgré tout que, dans les grandes crises, les pouvoirs s'obstinent souvent à envenimer les choses (les dieux aveuglent ceux qu'ils veulent perdre), ce qui n'est la plupart du temps que le symptôme d'une perte de légitimité de leur autorité. Pour l'instant le gouvernement semble avoir tout fait pour provoquer l'explosion et, s'il ne recule pas, ce sera le signe que décidément les temps sont bien mûrs pour une révolution !
Elisabeth Roudinesco, Philosophes dans la tourmente, Fayard, 2005
Ce livre ne dit pas vraiment son projet qui consiste à mobiliser la philosophie française (Sartre, Canguilhem, Foucault, Deleuze, Derrida), donc au-delà même de la "French Theory", contre l'offensive des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) et la remise en cause de la psychanalyse. Pas étonnant donc que l'historienne de la psychanalyse s'en mêle et convoque les philosophies de la liberté contre une psychologie de la soumission, du conditionnement et de la normalisation, héritière de la bonne vielle méthode Coué et de l'hypnose!
La "tourmente" des philosophes, c'est donc ici leur dissidence et leur part de folie, leur rejet de la normalisation et leur position par rapport au tragique de l'existence ou par rapport à la psychanalyse : comment leurs propres fêlures pouvaient s'intriquer avec leurs oeuvres sans pouvoir les expliquer de façon simpliste ni avoir les oeuvres sans leur part d'ombre, sans pouvoir diminuer enfin le témoignage de leur liberté dans cette lutte avec l'ange.
Point de vue partiel et partial sans doute mais qui n'est pas sans valeur pour défendre la liberté de l'esprit contre une entreprise de contrôle généralisé, surtout en ramenant au jour l'oeuvre de Canguilhem. On peut regretter tout de même qu'on soit contraint finalement au choix entre un biologisme déraisonnable et un psychisme désincarné sans pouvoir faire sereinement la part du corps et de l'esprit.
Tout n'est pas toujours pareil et tous ceux qui se persuadent, libéraux en tête, que rien ne peut jamais leur arriver vont devoir se réveiller de leur sommeil dogmatique car nous vivons sans doute la fin d'un monde, celui du XXème siècle au moins et de la globalisation libérale, la fin du monde "moderne", et Gramsci le disait bien, c'est au moment où l'ancien se meurt et le nouveau ne parvient pas à voir le jour que surgissent des monstres.
L'hypothèse que le temps de demain sera identique à celui d'aujourd'hui est toujours, et de loin, l'hypothèse la plus probable, mais cela n'empêche pas le temps de changer, ni d'être le changement même... La stabilité ordinaire des échanges n'empêche pas les krachs de se produire après trop d'arrogances nourrissant des bulles spéculatives qui peuvent durer un moment mais finissent immanquablement par éclater. Les tensions s'exacerbent jusqu'au point de rupture.
Il semble que toute une série de fractures pourraient converger et se rejoindre pour faire de cette année l'année de tous les dangers, sous les plus mauvaises augures. Et si ce n'est pas cette année ce sera la suivante !
A quoi bon jouer les oiseaux de malheur ? Ne vaut-il pas mieux se taire quand tout semble perdu et qu'on ne peut plus y croire ? Les chances sont bien maigres de ne pas céder à la tentation du pire mais s'il faudrait en effet pouvoir se donner un objectif commun, défendre l'espérance dans une utopie collective, tirer parti des si considérables potentialités de l'époque, il faut bien constater que tout cela manque cruellement encore, n'emporte pas l'adhésion, et, si on veut avoir une chance de les surmonter, il faut reconnaître d'abord les causes de notre impuissance devant ces bouleversements considérables que nous devons subir dans les pires conditions.
Il n'y a pas seulement la destruction du code du travail presque achevée (du CNE au CPE), l'extension considérable d'une précarité invivable, le choc des générations qui s'amorce à peine, la guerre des religions qui n'est pas prête de s'éteindre, l'entrée dans l'ère de l'information comme ignorée de tous ! Il y a aussi la menace d'une nouvelle peste qui décime des populations devenues trop nombreuses, avant le déclenchement sans doute d'un nouveau déluge avec le réchauffement climatique ; et le plus extraordinaire c'est que nous continuons comme si de rien n'était, comme si on voulait brûler tout le pétrole qui nous reste jusqu'à sa dernière goutte et courir à notre perte ! Surtout ne rien changer, le nez dans le guidon ! Pas étonnant que le ciel nous tombe sur la tête.
On ne peut considérer une société ou un marché comme une foule inorganisée d'individus isolés n'ayant aucun rapport entre eux. Dès lors les statistiques sont trompeuses en ne retenant que les effets globaux sans tenir compte des différenciations internes et de l'organisation sociale (ce qui, notamment, justifie la richesses des riches en accablant les pauvres responsables de leur pauvreté).
Il est aussi absurde de traiter statistiquement une société que les lettres d'un livre qui ne sont pas du tout distribuées au hasard ! Il faut au moins reconnaître que la société est divisée par la lutte des classes, mais aussi par toutes autres sortes de divisions (sexuelle, générationnelle, géographique, inclus/exclus, etc), ce que l'approfondissement par Maurice Halbwachs des causes du suicide permettait déjà d'établir contre Durkheim.
Quelques nouvelles des revues scientifiques du mois de février :
Introduction du livre "L'écologie-politique à l'ère de l'information" (éditions è®e, 128 pages, 11 euros, dans toutes les bonnes librairies à partir du 20 janvier 2006!).
Un spectre hante les cauchemars du monde marchand globalisé : le spectre de l'écologie. Toutes les puissances politiques, religieuses ou commerciales du vieux et du nouveau monde se sont groupées en une sainte alliance pour y faire allégeance, verbalement du moins, faisant étalage de sommets internationaux en conférences mondiales de leur souci constant des questions écologiques... tout en continuant, la plupart du temps, comme si de rien n'était !
Dans la plus grande confusion se mêlent développement durable, sauvegarde de la nature, crise de l'énergie et altermondialisme pour réduire l'écologie à une vague menace qui plane sur nos têtes tout en restant complètement inconsistante et insaisissable, tiraillée entre tendances contradictoires. Chacun semble persuadé de la nécessité d'une alternative écologiste sans avoir la moindre idée de la façon d'y parvenir, jusqu'à dénier son caractère politique et social pour se contenter d'un catastrophisme sans nuances, de bonnes intentions, de grandes déclarations et de petits gestes...
1§ Quel regard portez-vous sur la popularité grandissante du mouvement pour la décroissance ? Avez-vous l'impression, comme certains, que la décroissance est en train de devenir un concept fédérateur au sein de la nébuleuse altermondialiste ?
Le mouvement pour la décroissance est d'abord le symptôme de la faillite des Verts qui ne portent plus aucun projet et qui se sont vidés de leurs militants écologistes en se transformant en parti d'élus à la remorque du PS. A l'évidence, cet écologisme de gestion n'est pas à la hauteur des défis que nous devons surmonter. Le mot d'ordre de la décroissance a le mérite d'introduire une rupture et de regrouper un grand nombre de militants écologistes plus ou moins radicaux. Il a surtout le mérite de réintroduire la question écologique dans le débat public. En même temps il a les défauts des slogans derrière lesquels on peut tout mettre. C'est effectivement un concept fédérateur qui arrive à regrouper des tendances très différentes malgré un nombre limité de militants pour l'instant.
Je ne crois pas que les altermondialistes soient vraiment séduits par la décroissance, mot d'ordre de riches, alors qu'ils seraient plus intéressés par la relocalisation de l'économie qui en est le véritable coeur. Je suis pour ma part assez critique sur la possibilité de faire de la décroissance une base politique sérieuse et je déplore une dimension moralisante beaucoup trop présente à mon goût alors qu'il s'agit d'organisation sociale. Je suis donc en désaccord avec une certaine idéologie de la décroissance, mais je me sens très proche de Serge Latouche à qui j'apporterais volontiers mon soutien. Simplement, je ne cherche pas comme lui à "décoloniser notre imaginaire" car ce n'est pas notre imaginaire qui est colonisé mais nos vies et il faudrait proposer des alternatives matérielles plutôt que des bons sentiments, question d'organisation collective encore, plus que d'état d'esprit.
Où l'on reparle de constitution européenne...
Après le temps de la bouderie et de la politique du pire, les gouvernements européens se décident enfin à remettre en chantier le "plan B" (rebaptisé "plan D" pour ne pas avoir l'air de se désavouer !), sur une base largement conforme à ce qu'on avait prévu (en particulier l'abandon de la IIIème partie) avec une possible innovation intéressante : un référendum européen pour le ratifier. On a donc bien eu raison de voter NON !
Seulement il ne faut pas rêver, cela ne veut pas dire que c'est gagné et que les libéraux s'avoueraient vaincus. Les déclarations actuelles sur la compétitivité de l'Europe pour justifier une nouvelle constitution montrent qu'ils n'ont rien compris et qu'ils ne sont pas du tout prêts à retirer du texte cette concurrence libre et non faussée complètement mythique et folle, contredisant le caractère politique d'une constitution qui rassemble des citoyens, non pas des clients, et prenant le contre-pied d'une nécessaire relocalisation de l'économie. Il nous faut donc reprendre la lutte, procéder à la reconstitution de nos forces après avoir dû tenir pendant des mois contre les railleries des partisans du OUI nous accusant de tous les échecs de l'Europe et du déclin de la France même! C'est aussi l'occasion d'approfondir la fracture idéologique qui s'est manifestée lors du référendum entre raison d'Etat et résistance sociale.
La revue Pour la Science du mois de janvier est particulièrement intéressante en premier lieu sur la gravitation bien sûr mais Il y a aussi l'article sur la nouvelle génération de centrales nucléaires, celui sur Le stress de la pauvreté (relatif à la richesse des riches dont le stress augmente aussi avec les inégalités alors qu' une réduction de l'inégalité des revenus se traduit par une meilleure santé tant pour les pauvres que pour les riches !). Dans le même ordre d'idée Jean-Paul Delahaye montre que la ségrégation urbaine est un effet nuisible majeur que personne ne prévoit ni ne désire résultant de l'agrégation de microcomportements.
La neurobiologie du soi est un peu décevante. On peut en retenir malgré tout que le système réflexif ne code pas des souvenirs, mais des intuitions, sollicitant des régions qui produisent des réponses émotionnelles rapides fondées non pas sur le raisonnement explicite, mais sur des associations statistiques. Ce système n'élabore la connaissance de soi que très lentement, parce qu'il doit disposer de nombreuses expériences pour former ces associations, mais dès qu'il commence à prendre forme, il devient très puissant. D'autre part le sentiment de soi serait un produit de la vie sociale et l'idée que le soi humain pleinement développé est un produit de la société des hominidés expliquerait pourquoi il y a tant de recouvrements entre la façon dont nous pensons à nous et celle dont nous pensons à autrui (théorie de l'esprit). Ce que confirme Ivar Ekeland pour qui, dans les alliances, peu importe ce que je pense, ce qui compte c'est ce que je pense que mon adversaire pense que je pense !
Le plus passionnant (et le plus incompréhensible!) c'est tout de même cette "théorie holographique de la gravitation", véritable "révolution copernicienne" dont nous allons essayer de rendre compte. L'accroche de la revue (La gravité : une illusion?) est un peu trop racoleuse, rappelant l'affaire Sokal. Il ne peut y avoir de doute sur le fait que la gravitation n'est en aucun cas une "illusion". Elle est aussi réelle que l'alternance du jour et de la nuit. Ce qui peut être remis en cause, c'est uniquement notre "représentation" naïve du monde (de même que ce n'est pas le soleil qui tourne autour de la Terre malgré ce qu'on voit tous les jours mais la Terre qui tourne autour du soleil et sur elle-même) ! C'est peut-être encore plus extraordinaire.
Ce blog prend la suite de mon ancien site (Ecologie révolutionnaire) créé en 1997 et qui n'a pas démérité mais qui commençait à être un peu trop fourni ! Cette fin d'année où l'on ressent plus qu'à aucun autre moment nos appartenances sociales et notre fragilité humaine, m'a poussé à tenter d'en faire le bilan, d'en donner une présentation sommaire qui fasse sens peut-être pour quelques-uns. Il est toujours difficile de juger de la valeur de ce qu'on fait et de faire un choix parmi ses propres textes, voici du moins une sorte de digest du chemin parcouru jusqu'ici.
Documentaire de John Rubin et John Bredar (2004)
National Geographic Television, 22 Décembre 2005 sur France 5 à 17h25, 85'
J'ai trouvé ce documentaire particulièrement intéressant, en particulier pour le rôle crucial attribué au jet de pierre comme première arme à distance qui aurait suffi à donner la suprématie à notre espèce. Il est amusant aussi de voir les divergences et convergences avec les hypothèses autour des origines de l'homme dont je me faisais l'écho il y a 6 mois à partir d'un article de Pour la Science.