Le moment de vide qui précède une élection serait assez comparable à l'indétermination du vide quantique avant une mesure, selon l'image qu'en donne Gilles Cohen-Tannoudji. C'est le calme avant la tempête. Quand chacun retient son souffle, immobile et comme suspendu à la question, tout semble encore possible. Les sondages ont beau vendre largement la mèche, il leur arrive heureusement de se tromper, ce qui mène d'ailleurs certains à leur nier toute pertinence (dans une dénégation plus ou moins délirante de la réalité des rapports de force). Il est indéniable que les votes restent effectivement plus ou moins indéterminés et fluctuants avant l'ouverture des bureaux de vote, alors qu'une fois exprimés, c'est comme si les raisons qui nous ont mené à ce résultat existaient depuis toujours (la sociologie politique la plus concrète et matérielle, bien plus que l'idéologie de la liberté et des valeurs dont on voudrait se persuader).
De tout côté on nous promet rupture ou révolution ! Même si c'est un signe des temps, on ne sait si on doit en rire ou en pleurer, se replier sur soi ou prendre les jambes à son cou. Plutôt que de parler de politique et d'ajouter de la confusion à la confusion en ces temps d'incertitude et même d'angoisse du futur, on peut toujours essayer de se consoler en rappelant comme cette indétermination (relative) de l'avenir est malgré tout consubstantielle à notre liberté et même à notre simple intérêt pour la vie ! Le pire n'est pas toujours sûr, voilà qui suffirait à notre joie de n'avoir pas seulement des mauvaises nouvelles, du moment qu'on ne peut savoir vraiment de quoi demain sera fait. Bien sûr tout cela paraîtra un peu trop paradoxal ou sacrificiel, alors qu'on ne fait que rêver d'un bonheur sans fin. C'est donc ce qu'il faut essayer de montrer.