Lutte pour la reconnaissance et dialectique du Maître et de l'esclave
Pour inaugurer la nouvelle version du blog, il m'a semblé utile de mettre à la portée de tous cette introduction à la fameuse "introduction à la lecture de Hegel" d'Alexandre Kojève analysant le désir humain comme désir de désir, texte qui a été essentiel pour la philosophie française et la réception de Hegel, ayant influencé Bataille, Lacan, Sartre, etc. On peut contester son interprétation de Hegel à la lumière de l'être pour la mort heideggerrien et du travail marxien mais il a le mérite de le rendre lumineux, ce qui n'est pas rien ! Il ne s'agit pas de prendre au mot cette dialectique du maître et de l'esclave qui reste au niveau du B.A.BA mais de donner à penser la structure du désir (il s'agit de philosophie pas d'idéologie). Ainsi, une interprétation individualiste serait bien peu hégélienne d'une lutte à mort des riches contre les pauvres. On naît du côté des dominants, plus souvent qu'on ne le devient soi-même. Reste la structure du désir et d'une conscience-de-soi qui renie sa part animale pour être reconnue par les autres consciences-de-soi dans son autonomie mais se heurte plutôt à toutes ses dépendances, n'ayant d'autre issue que la transformation révolutionnaire du monde (son humanisation) et la reconnaissance mutuelle dans toutes nos imperfections, c'est-à-dire en abandonnant la prétention à la maîtrise (l'homme total) ainsi que la conception aristocratique de la liberté, miroir inversé de l'asservissement...
Misérables métamorphoses
Ontologie de l'accident, Catherine Malabou,
Essai sur la plasticité destructrice
Le mythe de la métamorphose est consubstantiel à l'être parlant, au monde des mots. Pour les chamans, le devenir animal était certes une véritable transformation personnelle, bien qu'éphémère, alors que l'initiation constituait un rite social, rite de passage entre l'adolescence et l'âge adulte par la confrontation avec la drogue, la séparation et la mort (la peur et la souffrance).
Depuis l'Empire romain, dépouillant le citoyen de tout pouvoir politique, c'est tout autre chose, on a commencé à se replier sur soi en rêvant d'une transformation purement individuelle (cultiver son jardin), thème repris par les mystiques néoplatoniciens et par la conversion chrétienne, parant la métamorphose attendue de toutes les vertus, sauvés un par un de tous nos péchés et du poids du monde !
Je vends la vie parfaite, la vie sainte et vénérable. Qui veut être au-dessus de l'homme ? Qui veut connaître l'harmonie de l'univers et revivre après sa mort ? (Lucien de Samosate, Philosophes aux enchères).
Ces promesses ultimes ont été reprises un peu trop légèrement par les théories de l'aliénation nous faisant miroiter l'idéal d'un homme complet et d'une existence authentique enfin, dépouillée du vieil homme et de nos anciennes dépendances, comme si la vieillesse et la dépendance n'étaient pas notre avenir et qu'on pouvait vivre impunément, sans blessures ni remords.
L’auto-entrepreneur et la fin du salariat
Le nouveau statut d'auto-entrepreneur est une véritable révolution en ce qu'il supprime toute "barrière d'entrée" pour le travail autonome, contrairement aux professions libérales exigeant des revenus conséquents pour payer charges sociales et impôts, avec un décalage d'un an souvent, ce qui rendait dramatique l'arrêt de l'expérience réservée aux classes moyennes supérieures. Paradoxalement les charges sociales sensées protéger les travailleurs empêchaient donc de travailler les plus modestes : ne pouvant se mettre à leur compte ils étaient condamnés au travail au noir ou au chômage s'ils ne trouvaient pas d'emploi salarié. La suppression de cette barrière d'entrée va amener une concurrence nouvelle pour les professions libérales qu'elle protégeait, réduisant leurs revenus en participant à la déqualification générale. On s'étonne qu'il n'y ait pas eu de réaction de ce côté pour concurrence déloyale. Mais, c'est que les effets ne sont pas encore visibles, puisque l'expérience commence à peine...
Ce n'est pourtant pas de ce côté que la montée en puissance des auto-entrepreneurs sera le plus dévastateur puisqu'il pourrait sonner la fin du salariat, rien de moins, dans une précarité généralisée sans aucune protection sociale pour l'instant. Il ne semble pas qu'il y ait une limite au nombre d'auto-entrepreneurs qu'une entreprise peut employer et les cotisations sociales étant plus que divisée par 2 (23%), on ne voit pas pourquoi l'employeur ne préférerait pas des auto-entrepreneurs qui coûtent moins cher et qui n'obligent à rien, ne bénéficiant d'aucuns droits sociaux.
L’avenir radieux
Beaucoup en conviendront, c'est une très bonne nouvelle que l'ancien monde s'écroule. Il n'y a pas à se lamenter sur son sort mais à s'impatienter plutôt d'un effondrement d'une insupportable lenteur. Même si on doit en passer par des moments difficiles, ce qu'on nous présente comme de très mauvaises nouvelles, sont pour nous un retour plus que salutaire à la réalité, à la prise de conscience collective. Au moment du plus grand danger et malgré toutes les menaces qui s'amoncellent, on peut retrouver paradoxalement un optimisme perdu depuis bien longtemps, la Guadeloupe n'étant que la première de nos victoires dans la reconquête de tous nos droits et la réappropriation de la démocratie par ses citoyens.
Il ne faut plus en douter, c'est un avenir radieux qui s'ouvre devant nous, nous sommes dans l'An 01 d'une ère nouvelle avec tout à construire, tout à inventer, ce qui ne veut pas dire faire n'importe quoi et donner libre cours à tous les fantasmes mais, tout au contraire, pour répondre aux défis qui nous sont lancés, il nous faudra tenir compte de toutes les contraintes écologiques, économiques, techniques, sociales ainsi que de tous nos défauts, individuels et collectifs, de notre nature double et fragile, de notre besoin d'autonomie comme de solidarité.
Après avoir tenté de donner un programme minimal susceptible d'unir les revendications sociales, il est temps d'esquisser dès maintenant ce que pourrait être l'étape suivante, pas si éloignée, un programme maximum si l'on veut, afin d'en éprouver les limites et sortir des visions religieuses, idéologiques ou émotionnelles de la politique au profit d'un projet concret, d'une nouvelle organisation économique et sociale au service de l'épanouissement humain.
Revue des sciences 03/09
- Grippe, vers un traitement universel ?
- Effets cancérigènes de l'alcool, de la viande et des béta-carotènes
- Confirmation de l'effet anticancérigène de la vitamine C
Une monnaie locale pour la Guadeloupe !
La gwadloup cé tan nou, la gwadloup cé pa ta yo
Les Guadeloupéens nous montrent la voie d'un retour des mouvements sociaux et de la lutte des classes mais surtout d'une réappropriation par les citoyens de leur propre pays et d'un retour aux fondements de la démocratie. Leurs revendications apparaissent à l'évidence légitimes, faisant apparaître la nécessité d'un gouvernement démocratique local, sans quitter pour autant la communauté nationale. Voilà de quoi ranimer l'aspiration révolutionnaire au modèle fédératif conciliant localisme et solidarité nationale.
Il y a un élément qui ne fait pas partie du programme pour l'instant et qui pourtant semble pouvoir résoudre pas mal de problèmes dans le contexte actuel : la création d'une monnaie guadeloupéenne. Il ne s'agit pas de créer une devise nationale concurrente à l'Euro mais une monnaie locale, monnaie complémentaire et non convertible, monnaie de consommation dite aussi monnaie fondante (car elle perd de la valeur avec le temps contrairement à l'épargne). C'est le meilleur instrument, surtout dans une île, pour favoriser les échanges locaux, les circuits courts et réduire la dépendance des produits importés.
Il est sans doute déjà un peu tard pour s'en préoccuper car les désordres monétaires nous menacent à courte échéance maintenant (qu'ils viennent des pays de l'Est ou de l'effondrement du dollar) mais dans ce contexte, il n'y a pas que les îles qui pourraient tirer profit de monnaies locales. Il faut savoir du moins que ça existe, que c'est possible, que les instruments en sont prêts et qu'une monnaie comme le SOL peut être expérimentée rapidement avec cartes à puce, lecteurs de carte et programmes associés !
André Gorz, un penseur pour le XXI° siècle
André Gorz bénéficie d'une gloire posthume étonnante par rapport à son audience relativement confidentielle jusqu'ici. C'est à l'évidence dû en grande partie à son dernier livre Ecologica, recueil de textes sur l'écologie politique qu'il a rassemblés juste avant son suicide le 22 septembre 2007. En particulier son tout dernier texte, publié dans EcoRev' et repris dans Ecologica, "La sortie du capitalisme a déjà commencé" parait largement prémonitoire puisqu'il annonce l'effondrement du capitalisme financier. D'autres pourraient se prévaloir d'avoir vu venir la crise avec plus de précisions sur les mécanismes de son déclenchement, mais aucun ne propose comme lui les voies d'une sortie du capitalisme, alternative dessinée en 1997 dans "Misères du présent, richesse du possible" et qui fait sa valeur irremplaçable dans le contexte actuel.
Le livre qui vient de sortir aux éditions La Découverte, André Gorz, un penseur pour le XXI° siècle, regroupe des contributions très disparates d'anciens interlocuteurs d'André Gorz, rassemblées par Christophe Fourel (Patrick Viveret, Jean Zin, Carlo Vercellone, Denis Clerc et Dominique Méda, Marie-Louise Duboin, Jean-Baptiste de Foucauld, Philippe Van Parijs), témoignant de la diversité de ses influences et même des lectures contradictoires qu'on peut faire de son oeuvre.
Changer la vie, sans rire !
Changer la vie, sans rire! Qu'ont-ils fait de nous ces pantins cravatés et sans fiel ? Je réclame le droit de réponse et décrète, au nom de tous les offensés, la révolution poétarienne (REVOCU, 1987).
Depuis l'effondrement du capitalisme financier et le retour des grandes mobilisations sociales, après ces longues années d'hiver, on se précipite de tous côtés à reparler de "changer la vie". Certes, il y a du pain sur la planche et l'on sera bien obligés de changer, ne serait-ce que pour des raisons écologiques, mais, pour atteindre nos objectifs, il vaudrait mieux ne pas se tromper de cible et promettre plus qu'on ne pourra tenir.
Ce serait un véritable changement de résister à la tentation de trop belles utopies et un progrès décisif pour la crédibilité de l'alternative car promettre de changer la vie, cela n'a rien d'original, il semble qu'on n'ait fait que cela depuis des temps immémoriaux. Il n'y a pas que le Parti Socialiste mitterandien pour avoir osé en faire une promesse électorale, tous les poètes communistes se sont attachés à nous vanter des lendemains qui chantent où tous les coeurs s'étreignent dans une société réconciliée, sans parler des libéraux qui nous font sans cesse la réclame de marchandises sensées pouvoir nous changer la vie (individuellement cette fois) !
Plus les lendemains sont flous et plus on peut délirer dessus, c'est sûr, en laissant croire que tout s'arrange à la fin. C'est, en tout cas, ce qu'on voudrait croire au nom du nécessaire optimisme de l'action dit-on, car il ne fait pas de doute qu'il va falloir changer le système, mais justifiant ainsi une propagande excessive où toute vérité se perd, vite à nos dépens. Il est crucial de savoir garder la bonne mesure.
Revue des sciences 02/09
Programme minimal
On rêve de tous côtés d'un après-capitalisme qui reste complètement mythique alors que ce qui se met en place pour l'instant ce n'est qu'une régulation minimale du système, son renforcement beaucoup plus que sa remise en cause, même s'il y a des inflexions notables vers plus de justice sociale ainsi qu'une totale déconsidération des classes supérieures et de leur cynisme, considérées désormais comme aussi parasitaires et inutiles que la noblesse a pu l'être aux tout débuts de la révolution industrielle !
Certes, pour le moment on est encore dans "l'avant-guerre", avant les "événements" qui se multiplient un peu partout, avant que les conséquences de l'effondrement ne se fassent sentir socialement dans la vie de tous les jours. Pour l'instant tout cela reste abstrait, de l'ordre de l'événement médiatique qu'on proclame si facilement historique voire révolutionnaire alors qu'on avait perdu la notion même d'événement dans un monde où plus rien ne semblait pouvoir changer.
L'histoire risque de bousculer ces trop beaux ordonnancements et la catastrophe engendrer des possibilités nouvelles mais il n'y a jamais création ex nihilo. Les révolutions s'inspirent inévitablement de philosophies et d'expériences révolutionnaires précédentes plus qu'elles n'en inventent de toutes pièces. On part toujours de quelque part. Il n'est donc pas inutile de faire un état des lieux des propositions qui émergent pour l'instant afin de tenter d'évaluer leur portée et tirer le maximum du peu de potentialités révolutionnaires qu'elles laissent.
Interventions publiques (audio et vidéo)

En audio on peut juste recommander l'interview sur les monnaies locales qui peut servir.
Pour les vidéos disponibles on a : sur le numérique, sur Gorz, sur la sortie du capitalisme et, enfin, la relocalisation.
La nouvelle adresse de cette page :
https://jeanzin.fr/interventions-publiques/
Monnaie, société et individuation
Entre une simple réforme du capitalisme financier suite à son effondrement et le réveil des utopies métaphysiques provoquées par le caractère apocalyptique de la conjonction des crises, il y a une seule voie praticable qui est celle à la fois de la régulation globale et des alternatives locales. C'est ce qu'illustrent à merveille les monnaies locales bien que la monnaie soit si mystérieuse et difficile à penser dans ses deux faces sociales et individualisantes, témoignant de nos limites cognitives mais aussi d'une réalité plus riche et contradictoire que toutes nos théories.
Il s'agit de comprendre que la monnaie est un instrument entièrement social, véritable fétiche plus encore que la marchandise mais en tant qu'elle incarne la société comme telle et constitue une façon d'une société d'agir sur elle-même tout en augmentant le degré d'indépendance des individus (mais aussi leurs inégalités!).
Voilà qui devrait inciter à la réappropriation politique de la monnaie, notamment au niveau local par des monnaies locales, mais ce sera l'occasion aussi de revenir sur le fétichisme de la marchandise et la théorie de la valeur comme théorie systémique et théorie de la représentation plutôt que théorie de l'aliénation.
Un se divise en deux
Quand le libéralisme triomphant nous imposait un individualisme débridé avec une conception de l'homme réduite à ses plus mauvais côtés, l'urgence était bien d'affirmer notre communauté originaire et de refonder nos solidarités sociales mais lorsque les mouvements sociaux se réveillent et qu'on assiste au retour de l'Etat, l'urgence redevient l'affirmation de la liberté individuelle et de ne pas tomber dans un angélisme destructeur mais de préserver la dualité, voire la duplicité de notre réalité humaine. Ce n'est pas parce qu'il y a de l'universel qu'il n'y a pas de particulier. Il y a du collectif mais il y a aussi de l'individuel. Certes, il n'y a pas que des corps, il y a aussi les relations entre les corps mais il y a quand même la part du corps. Il n'y a pas de dignité en dehors de l'appartenance à la communauté humaine mais cette dignité réside malgré tout dans notre liberté et responsabilité individuelle ; liberté constituant l'essence même de l'amour et de ses contradictions, à mille lieues de la liberté idéalisée du libéralisme.
Tout est matière, tout est solidaire mais tout ne forme pas une unité indistincte, il y a différentes dimensions, une pluralité de systèmes et d'organismes, il y a des vivants, il y a de l'information, il y a du langage, il y a de l'esprit (dans toute parole, toute réflexion). Il n'y a pas que l'identité de tous avec tous, il y a aussi la différence de chacun avec chacun. Il n'y a pas que ce qui nous rassemble, il y a aussi ce qui nous divise voire nous oppose et après avoir voulu tout réunir, il nous faudra séparer de nouveau.
Revue des sciences 01/09
- Risques financiers : quelle modélisation mathématique ?
- Le grand rebond
- La régulation des gènes, moteur de l’évolution
- Les marges de désert, berceaux des civilisations
- Presque tout est indécidable !
- LUCA, l'ancêtre ARN de la vie ADN reconstitué
- L'origine de la sexualité
- La disparition de Néandertal dû à la compétition avec l'homme
- L’auto-organisation des moules
La conjonction des crises
Tout pourrait revenir comme avant ou presque, semble-t-il, avec quelques règles en plus, quelques ajustements, de sévères corrections même, mais tout cela n'aurait été au fond qu'un mauvais moment à passer, une simple réduction de l'activité, des bénéfices, des revenus. On nous annonce pour l'année prochaine une récession entre 1% et 5%, la belle affaire ! Pas de quoi faire un plat pour cela, chacun peut retourner à ses petites affaires et joyeuses fêtes à tous ceux qui croient au Père Noël !
L'optimisme forcé des économistes a été dénoncé comme un des facteurs de la crise, il ne semble pas qu'on en soit sorti pour autant, passant de l'affirmation que "le plus dur est derrière nous" à ces prévisions qui ne prévoient rien mais ne font que faire tourner des modèles qui viennent pourtant de démontrer leur incapacité d'intégrer les hypothèses extrêmes, les facteurs externes, les ruptures de seuil et, donc, de calculer les risques réels alors même qu'on assiste au télescopage de toute une série de crises pas seulement économique et financière.
Théorie de la crise et crise de la théorie
La crise, et après ?, Jacques Attali, Fayard
Alors qu'on s'enfonce dans la récession, que les premiers effets commencent tout juste à s'en faire sentir mais que montent déjà l'angoisse et la révolte, on aurait bien cru devoir approuver sans réserve pour une fois ce petit livre de Jacques Attali, tant l'accord peut être grand sur le diagnostic, aussi bien sur les causes que sur la gravité d'une crise qu'il avait été l'un des premiers à annoncer. Ce qui ne gâte rien, on y retrouve une rhétorique de gauche assez "percutante" (sans doute liée au fait qu'il en profite pour régler quelques comptes avec les banquiers de la City qui l'avaient obligé à démissionner de la présidence de la BERD !).
Comme on le verra, ça commence fort, effectivement, et rien à dire sur le déroulé des événements, mais ça se gâte tout de même sur la fin au niveau des propositions. Non que la plupart ne soient pas raisonnables mais ce sont surtout ses conceptions idéologiques de l'économie et de la démocratie qu'on peut trouver très insuffisantes et bien trop technocratiques, minimisant par trop les dimensions sociale et politique.
Cette théorie de la crise révèle une crise théorique plus profonde de l'économie libérale et de la place qu'y occupe la politique, crise provoquée par l'éclatement de la bulle idéologique, tentative désespérée de retrouver un nouveau consensus sans rien chambouler, juste en serrant quelques boulons par-ci par-là, voire en imaginant quelque autorité supérieure. C'est un vieux rêve de conseiller du prince, sans doute, comme s'il y avait des sages qui savaient assez de vérités déjà connues pour décider de l'avenir sans faillir, alors que les économistes se disputent sans arrêt dans de véritables guerres des religions ! Ce n'est pas encore la fin de l'histoire. La question est de savoir s'il ne s'agit que de rétablir l'ordre ou d'en changer, ce qui d'ailleurs ne dépend pas tellement de l'opinion qu'on peut en avoir mais ne se fera pas pour autant sans luttes ni sans douleurs. Le meilleur qu'on peut en attendre, c'est la refondation de nos solidarités dans une crise systémique qui nous dépasse tous mais nous réunit aussi de par toute la Terre.
L’épreuve du réel (matérialisme et dialectique)
Le voile se déchire, l'empire s'écroule, les fortunes se défont, les pouvoirs sont renversés ! Les belles histoires qu'on nous racontait se révèlent ce qu'elles étaient, de la pure idéologie justifiant l'injustifiable de la domination des dominants. Ce n'est pas une raison pour ne plus croire en rien ni pour croire que ce sont les idées qui mènent le monde et retomber encore une fois dans les mêmes ornières en ne faisant que passer d'une idéologie à une autre, tout aussi aveugle et barbare.
Au lieu de se perdre dans le ciel des idées, il nous faut profiter de la crise et de l'éclatement de la bulle financière pour revenir aux réalités, revenir sur terre, à la critique de la vie quotidienne, et donc en premier lieu du travail qui en occupe une grande part. Il ne faut pas renoncer à prendre notre revanche ni à continuer l'émancipation humaine mais ce n'est pas en faisant des promesses inconsidérées ni en rêvant de quelconques utopies qu'on s'en sortira, c'est en s'attachant à ce qui constitue l'expérience même de la vie, dans l'exploration des possibles, avec toutes ses contradictions et ses déceptions, ses hauts et ses bas, ses ombres et ses lumières, ses forces et ses faiblesses.
Revue des sciences 12/08
- Le secret de la masse du proton percé
- Détection de matière noire et de dimensions supplémentaires ?
- Production en masse d'anti-matière
L’émergence de l’humanité
Quand d'autres hommes peuplaient la Terre, Jean-Jacques Hublin
En toutes choses, il est bon de revenir au commencement, Ab Ovo. Le problème pour l'émergence de l'homme hors de l'animalité, c'est qu'il y a plusieurs commencements mais cela n'empêche pas qu'il est essentiel de comprendre d'où l'on vient. En particulier, contrairement à ce dont on voudrait se persuader, l'homo sapiens est loin d'avoir été non-violent, ni véritablement en harmonie avec son environnement dans les époques pré-néolithiques supposées époques d'abondance et d'an-archie.
Il est significatif qu'un paléontologue du XIXème siècle (Gabriel de Mortillet mort en 1898, p154), libre penseur attaché à la laïcité n'ait pu se résoudre à reconnaître les premières tombes de Cro-Magnon découvertes en 1868 et témoignant à l'évidence d'un rituel religieux. La religion n'était donc pas une création récente des prêtres pour nous dominer mais nous sortions bien de l'obscurantisme depuis l'origine ! Dans l'enfance de l'humanité déjà, les mots étaient chargés de magie et les choses de sens, animés par nos projections et nos terreurs. Le savoir n'est jamais donné au départ, si ce n'est dans l'instinct animal, il progresse avec le temps et, comme on sort de l'animalité, on sort de l'ignorance : petit à petit, pas à pas. L'émergence de l'humanité, c'est l'émergence de la conscience de soi de l'être parlant, d'une pensée matérialisée dans un langage et d'un savoir cumulatif, ce qui n'a pas commencé tellement avant 50 000 ans, et ce qui n'est pas si long au regard des temps cosmiques ou même de l'évolution biologique...
L’expression du négatif
Devant les malheurs du temps, il semble qu'il ne nous resterait plus qu'à rêver à quelque monde merveilleux ou alors nous raidir dans une radicalité extrême sans aucune effectivité. Tous nos murs sont couverts de promesses de bonheur en technicolor, nous croulons sous les marchandises qui voudraient maintenir notre désir en haleine, mais un certain nombre de contestataires de l'ordre établi voudraient nous persuader que leur produit est bien meilleur encore, renchérissant sur les promesses d'une jouissance supposée plus authentique celle-là, certifiée par quelques experts auto-proclamés, comme d'autres lavent plus blanc que blanc !
Ce n'est pas pour autant bonnet blanc et blanc bonnet, paraît-il, puisque les deux jouissances s'opposeraient comme le bien au mal, la vérité au mensonge ou l'avoir à l'être. Hélas, on a vu si souvent la vérité se transformer en mensonge et le vrai n'être plus qu'un moment du faux. Il n'est pas impossible que ces prétentions excessives ne soient pire encore et un progrès de l'aliénation plutôt, avec une plus grande intériorisation des normes sociales, une soumission plus terrible encore à quelques leaders pris en modèle. Ce ne serait, en quelque sorte, que la continuation de la dictature des apparences par d'autres moyens...