Changer la vie, sans rire !

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Changer la vie, sans rire! Qu'ont-ils fait de nous ces pantins cravatés et sans fiel ? Je réclame le droit de réponse et décrète, au nom de tous les offensés, la révolution poétarienne (REVOCU, 1987).

Depuis l'effondrement du capitalisme financier et le retour des grandes mobilisations sociales, après ces longues années d'hiver, on se précipite de tous côtés à reparler de "changer la vie". Certes, il y a du pain sur la planche et l'on sera bien obligés de changer, ne serait-ce que pour des raisons écologiques, mais, pour atteindre nos objectifs, il vaudrait mieux ne pas se tromper de cible et promettre plus qu'on ne pourra tenir.

Ce serait un véritable changement de résister à la tentation de trop belles utopies et un progrès décisif pour la crédibilité de l'alternative car promettre de changer la vie, cela n'a rien d'original, il semble qu'on n'ait fait que cela depuis des temps immémoriaux. Il n'y a pas que le Parti Socialiste mitterandien pour avoir osé en faire une promesse électorale, tous les poètes communistes se sont attachés à nous vanter des lendemains qui chantent où tous les coeurs s'étreignent dans une société réconciliée, sans parler des libéraux qui nous font sans cesse la réclame de marchandises sensées pouvoir nous changer la vie (individuellement cette fois) !

Plus les lendemains sont flous et plus on peut délirer dessus, c'est sûr, en laissant croire que tout s'arrange à la fin. C'est, en tout cas, ce qu'on voudrait croire au nom du nécessaire optimisme de l'action dit-on, car il ne fait pas de doute qu'il va falloir changer le système, mais justifiant ainsi une propagande excessive où toute vérité se perd, vite à nos dépens. Il est crucial de savoir garder la bonne mesure.

En dehors de l'absence désespérante de véritables projets alternatifs, le plus incompréhensible c'est l'air de nouveauté que se donnent les prophètes d'un "homme nouveau" qui n'est déjà plus de la première fraîcheur, c'est le moins qu'on puisse dire. C'est le fond de commerce aussi bien des sagesses et des religions que des idéologies politiques ou des psychothérapies, dont on attend à chaque fois une résurrection qui nous sauve de nous-mêmes et nous délivre du mal. Qu'il vienne, qu'il vienne, le temps dont on s'éprenne ! Bien sûr, rien de tout cela ne se produit durablement car, hélas, c'est le bien qui est la cause du mal alors que "la vraie vie est absente" et le manque au coeur de l'être...

Il n'est pas très difficile d'expliquer la merveilleuse constance de cette profonde nostalgie qui nous exile du monde, confrontée à son inhumanité, mais comprendre, c'est déjà ne plus s'y laisser prendre. Ce qui n'est pas une raison pour rester les bras croisés et se laisser faire sans réagir. Il y a des luttes à mener, des enjeux vitaux, des injustices à réparer, des réponses à donner, des problèmes à régler, des règles à changer et il y a besoin pour cela de plus de rationalité et d'intelligence collective que d'exaltation des foules. Ce n'est pas tout ou rien. Il faut changer de vie, sans aucun doute, en mieux si possible, en plus écologique en tout cas, mais cela ne peut changer fondamentalement notre être au monde où le désir s'égare, l'amour se déchire et le réel s'éprouve dans l'obstacle qu'il nous oppose, dans un apprentissage sans fin : "le temps d'apprendre à vivre, il est déjà trop tard"...

Il y a de bonnes raisons d'être optimistes sur le retour des solidarités sociales et le renversement des rapports de force où les vaincus d'hier auront enfin leur revanche longtemps attendue. Cela vaut le coup de se battre dans la période qui s'ouvre, le sort du monde est entre nos mains comme jamais mais ce n'est pas une raison pour s'imaginer une fin de l'histoire au moins prématurée. Il y aura de bons moments, de grands moments même, mais beaucoup de déceptions aussi, de dérives, d'échecs, de trahisons. La vie quoi. On peut juste espérer améliorer un peu les choses. Il ne faudrait pas en faire trop, ni dans un sens ni dans l'autre. Certes, ne pas trop charger la barque et noircir le tableau d'une vie de peines, mais de joies aussi qui ne sont jamais très loin de l'équilibre. Rien ne pourra ternir le souvenir de mille illuminations éprouvées et de moments de grâce aussi précieux que rares, mais ce n'est qu'une face de la farce, j'en témoigne ("que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson"). De toutes façons, là n'est pas la question quand il est question de politique et d'enjeux très concrets, d'enjeux vitaux même. La véritable poésie n'est pas dans le rêve facile et l'amour aveugle, elle est dans l'action qui donne sens au monde, qu'elle transforme déjà en brisant le silence, donnant un terme à nos communes souffrances restées trop longtemps informulées (intériorisation coupable).

Il est probable qu'on ne puisse éviter dans les combats politiques de promettre la lune aux "foules sentimentales" mais ce n'est sûrement pas aussi essentiel que ne le prétendent les communicants ou que peuvent l'imaginer ceux qui croient que ce sont les idées qui mènent le monde et qu'à donner force à une idée, on finit par la réaliser ("loi du coeur" qui peut mener à la folie). On peut en avoir parfois l'illusion mais ce n'est pas du tout comme cela que les choses se passent réellement, on le voit bien dans notre actualité. On peut défendre les plus belles idées et même faire preuve du plus grand fanatisme, d'une volonté farouche et intrépide, cela ne débouche sur rien du tout quand les temps ne sont pas venus alors que, lorsque la crise est là et que le peuple se soulève, il n'est plus question que de choisir son camp. Le plus important alors, n'est pas le groupe en fusion qui se constitue dans l'allégresse mais de faire preuve du plus grand réalisme et de tenir compte des leçons de l'histoire pour ne pas répéter les mêmes erreurs. L'idéalisme exacerbé n'est d'ailleurs qu'un symptôme de nos défaites et de notre impuissance depuis près de 30 ans. Ce sera vite oublié quand il faudra s'occuper des choses sérieuses et de notre véritable faiblesse qui est l'absence d'alternative depuis la chute du communisme et pas du tout la toute-puissance supposée du système jusque sur nos esprits. Le problème, ce n'est pas l'autre, c'est nous.

Bien sûr, chacun ne tire pas les mêmes leçons de l'histoire, en particulier des horreurs du stalinisme ou de la révolution culturelle. Certains vous diront sans rire que c'est par manque d'amour que ces systèmes ont échoué alors qu'on pourrait dire au contraire que c'est sans doute par excès d'amour qu'ils sont devenus totalitaires ! De toutes façons ce n'est en rien une explication, plutôt une façon de faire croire qu'il y aurait une solution imaginaire immédiate et de dénier les causalités effectives dans le déroulement des faits. C'est surtout dénier les leçons de l'histoire, comme si la religion d'amour n'avait pas déjà démontré tous les ravages commis en son nom ! Tous les pouvoirs personnels mobilisent l'émotion des foules et l'amour de la patrie, se présentant en vaillants combattants du mal comme si le mal n'était pas inséparable du bien mais qu'il y avait des bons et des méchants. Les foules hypnotiques se rassemblent dans l'amour du chef qui prend la place de l'idéal du moi, nourrissant le culte de la personnalité. Ce n'est en rien nouveau, mais toujours aussi dangereux, opposant l'amour du maître et celui de la démocratie. Plus généralement, la conception idéalisée de l'amour se heurte à sa réalité bien plus sordide, avec ses ombres et ses lumières (que j'ai explorées dans "L'amour libre"), des chagrins d'amour aux violences conjugales. Nous n'avons pas à nourrir de nouveaux mensonges, une nouvelle religion, de nouvelles idoles ("ni Dieu, ni César, ni tribun"). Il nous faut rester du côté des lumières et de la recherche de la vérité avec le plus de justesse possible ("La question de l'attribution à la pensée humaine d'une vérité objective n'est pas une question de théorie, mais une question pratique", Thèses sur Feuerbach).

Une autre vision extraordinaire du changement social voudrait qu'il résulte de changements individuels, ce qui est un aveuglement millénaire lui aussi puisqu'il est partagé par les religions sacrificielles et l'économie libérale ! C'est au nom des mêmes fausses évidences que Montaigne nous fait croire que notre servitude serait volontaire, ce qui est d'une rare bêtise alors que l'ordre établi nous est imposé par les faits et notre fonction par le système où nous nous insérons. Marx a montré comme le système de production s'autonomise de ses acteurs qui y sont subordonnés, actionnaires comme salariés, tout comme dans le fétichisme des sociétés originaires. On s'est imaginé devoir dépasser ce fétichisme de la monnaie, inutile rêverie, nous sommes toujours des sauvages. Le structuralisme a montré comme des logiques souterraines, des rapports de parenté s'imposaient aux acteurs à leur insu. La façon dont un système contraint les individus n'a rien de mystérieux pourtant. Ce n'est pas de la manipulation des esprits, plutôt de l'ordre du code de la route et des flux qui nous entraînent comme les modes du moment. La situation présente montre bien que la crise ne dépend pas du tout de nous individuellement mais de sa gestion globale uniquement, c'est la même chose pour l'écologie quoiqu'un peu moins vrai peut-être. En tout cas, l'individualisme libéral est une idéologie collective qui a beaucoup surestimé le rôle de l'acteur en mettant en valeur quelques vedettes. S'il n'y a pas de "procès sans sujet", la subjectivité vouée à sa reproduction ne joue vraiment qu'aux marges ou sur le long terme, même si notre liberté n'est jamais aussi effective que dans ces moments révolutionnaires et que l'individu doit rester la finalité de la démocratie.

On ne peut se passer de mobilisations collectives pour changer l'organisation sociale mais il vaudrait mieux ne pas apporter la division parmi nous avec la prétention de se conformer à de nouvelles exigences morales. Aussi, à rebours des prétentions omniprésentes actuellement de changer une humanité qu'on a trouvé indigne, j'oserais dire plutôt "rejoignez-nous mais ne changez rien, on vous aime comme vous êtes, ce sont seulement les lois qu'il faut changer !". Il y a bien sûr mille raisons de détester l'humanité entière, capable du pire comme du meilleur, mais si on ne peut améliorer les hommes, c'est que leurs mauvais côtés sont l'envers des bons ! Ainsi, on oppose à tort égoïsme et altruisme alors que l'égoïsme est le plus souvent un égoïsme de groupe (famille, parti, nation, classe), un égoïsme altruiste, donc (on se bat voire on se sacrifie pour les autres). De sorte qu'il n'y a pas du tout opposition entre les deux. L'opposition qu'on peut faire c'est plutôt entre liens forts (internes) et liens faibles (avec l'étranger voire l'ennemi), ce qui est beaucoup moins facile à arbitrer que le choix entre le bien et le mal ! Il n'empêche que la concurrence et la coopération, ce n'est pas pareil, mais, plus généralement, l'anthropologie ne laisse guère d'illusions : ce sont les deux faces de la socialité qu'il faudrait prendre en compte, la face individuelle et la face communautaire, avec toutes leurs contradictions, ce que ne faisaient ni le libéralisme, ni le communisme et qu'une écologie pourrait peut-être arriver à concilier ?

On peut améliorer les choses, il n'y a pas de doute, et même améliorer les hommes un peu, à condition de tenir compte de leurs mauvais côtés, en adaptant mieux l'organisation de la société à ses finalités humaines et aux contraintes matérielles. L'amour reste l'amour, la moralité publique reste fluctuante. Ce qui s'améliore, c'est d'abord les connaissances ou l'information. L'amélioration est largement cognitive mais c'est un processus lent, même s'il y a des sauts qualitatifs comme celui du numérique justement. Dès lors, une métamorphose du capitalisme est encore une fois indispensable mais plus encore un nouveau système de production plus adapté à l'ère de l'information, de la globalisation et de l'écologie. Nous vivons une rupture anthropologique qui nous obligera à changer, cela ne fait pas de doutes. Il s'agit de savoir comment, concrètement, le temps de rêver est passé quand il faut passer à l'action.

Même sur le plan cognitif, il ne faut pas trop s'illusionner sur notre propre clairvoyance et la possibilité de faire beaucoup mieux qu'avant. Il ne suffit pas de prendre le contrepied de la propagande officielle. On a raison de se révolter mais il ne suffit pas de se révolter pour avoir raison. La pensée critique produit ses propres dogmatismes. Les petits maoïstes qui récitaient leur petit livre rouge se croyaient bien plus intelligents que tous les autres. La lumière aveugle et rejette dans l'ombre, passant d'un extrême à l'autre, selon les lentes pulsations de l'histoire. Il faudrait reconnaître tout ce qui limite notre rationalité, pas seulement l'inconscient (le refoulement ne s'auto-analyse pas) mais plus encore le parti pris, le point de vue, l'idéologie, le dogmatisme, l'énonciation enfin, tout ce qui fait qu'il ne suffit pas de proclamer sa capacité d'auto-critique, voire de confession publique, toutes chose qui se transforment facilement en hypocrisie et en bonne conscience si on n'avoue pas les limites de l'exercice. Mon expérience est plutôt qu'on reste enfermé dans ses certitudes et, de toutes façons, on ne fera pas une société d'élites et de saints. Toute morale devrait partir de notre insuffisance, de notre état de pêcheurs, de perdants, de ratés, incitant au pardon de nos insuffisances qu'il faut d'abord reconnaître. La question est donc finalement cognitive plus que morale, d'intégrer les limites de la rationalité, de la réflexion, de l'auto-critique, de la conscience, de la morale...

Ce n'est pas parce qu'on ne sait pas tout qu'on ne sait rien, ce n'est pas parce qu'on déforme la réalité qu'on ne se cogne pas au réel. Il ne faudrait pas croire que nous vivons dans un monde aussi illusoire et arbitraire que celui de Matrix, marionnettes de complots tout puissants, opinion complètement manipulée par les médias. C'est plus compliqué. Il n'y a rien d'arbitraire, tout a une cause, tout s'explique par une longue histoire et par notre position sociale, sujets du langage inscrits dans des discours qui nous précèdent. Nous sommes parlés, plus que nous ne parlons, mais plus libres qu'avant quoiqu'on dise et plus intelligents globalement, loin de l'abêtissement qu'on nous annonce depuis Tocqueville au moins et qui était plutôt dernièrement celui des nouveaux riches ridiculement bling-bling. L'époque qui s'annonce sera moins superficielle et plus positive, plus sensible aux injustices, plus solidaire mais ce n'est pas l'effet d'une conversion morale, c'est un renversement de cycle, essentiellement générationnel. Ce n'est pas parce qu'effectivement on nous bourre le mou qu'on pourrait croire n'importe quoi, opposant simplement nos valeurs à d'autres valeurs. On ne change pas son histoire ni la réalité d'aujourd'hui par de simples discours, par un changement de paradigme qui nous révèlerait à l'être, mais en comprenant les nécessités et les opportunités du moment, l'ancien monde qui ne veut pas disparaître et le nouveau qui tarde à naître. On peut décider de l'avenir par des mots à condition qu'ils touchent juste, qu'ils parlent de la réalité et s'incarnent dans des institutions. Rien de magique là-dedans.

Bien sûr, personne n'empêche quiconque de créer de nouvelles communautés, expérience qui nous apprend beaucoup sur nous-mêmes. Il n'est pas impossible que quelque chose comme la mode hippie revienne au goût du jour, et ce ne serait pas une si mauvaise chose pour l'écologie notamment, mais il faudra bien tenir compte de l'apprentissage historique et des déceptions passées. Il y aura toujours plein de gens qui voudront vivre autrement et suivre ceux qui leur promettent la lune mais on ne peut rêver que ce soit pour tout le monde pareil. Il y a, heureusement, une pluralité des modes de vie et de pensée, une pluralité des fins légitimes, on ne s'en sortira que par une "économie plurielle". Dès lors, on ne voit pas bien comment un nouveau mode de vie pourrait constituer sérieusement une base politique même s'il faut encourager de ne pas supporter des conditions de vie insupportable. D'ailleurs, s'il y a une voie pour changer profondément la vie, c'est bien celle de la transformation du travail, sinon la communauté de base, en politique, c'est la commune dont on ne choisit pas les citoyens.

La vie change tout le temps, donc on pourra toujours dire que la vie a changé ; en mieux, on peut l'espérer, même si ce ne sera jamais le paradis et que l'amour nous manquera toujours. Il faut certes changer la vie, d'abord des plus démunis et des plus précaires. Cela n'a rien de métaphysique. Oui il faut changer le monde ! Oui nous devrons changer, mais cela ne sera jamais à hauteur de nos rêves. Ce n'est pas parce qu'on ne peut supprimer toute aliénation qu'il ne faut pas combattre de nombreuses aliénations qui nous oppressent, et d'abord dans le travail. C'est là qu'on peut tirer parti concrètement de la nécessité du travail autonome à l'ère de l'information pour construire un système alternatif combinant production (coopératives), circulation (monnaies locales) et reproduction/distribution (revenu garanti). Les avantages qu'on peut en attendre sont loin d'être négligeables, mais il n'y a pas de raisons d'en attendre des miracles, non, ce serait tromper son monde. L'abolition de l'esclavage n'a pas été rien, mais il n'a pas ouvert pour autant sur un bonheur sans fin, loin de là !

C'est folie de vouloir changer les hommes, par contre nous avons de sérieux problèmes à résoudre et dont nous devons discuter les dispositifs matériels qui y répondent, rien d'autre ne peut se discuter politiquement, démocratiquement. Ce qui nous rassemble, ce sont nos divisions, nos différences idéologiques, sociales, religieuses, philosophiques. Toute communauté se fonde sur ce à quoi elle s'oppose, "toute définition est une négation". Il y a un conflit sur le possible et le souhaitable, conflit à politiser. Ce que nous avons de commun, c'est notre avenir, qui est l'enjeu de la lutte politique pour savoir qui décide et comment on répartit les ressources.

On ne peut nier qu'il soit positif de vouloir se libérer, de vouloir se dépasser et se désaliéner. Même si c'est casse gueule, viser trop haut n'est pas tout-à-fait vain, je n'ai pas à juger. Il ne sert à rien d'essayer d'amortir la chute des nouveaux idéaux, pas plus que de persuader l'amoureux qu'aucun amour ne dure... Dans Mein Kampf, Hitler insiste sur l'importance de toujours présenter le prochain combat comme la lutte finale pour mobiliser ses troupes. Ce n'est assurément pas la voie à emprunter pour nous, il faudrait plutôt raison garder, même si l'histoire est "un délire bachique dont il n’y a aucun membre qui ne soit ivre" (Hegel). Adieu aux foules, donc, je reste du côté de la raison et de la fonction critique, même au milieu de la liesse populaire, résistant à toutes les intimidations, insupportable à tous les pouvoirs. Comme toujours, la difficulté est de rester fidèle à notre élan premier sans tomber pour autant dans la naïveté ou le dogmatisme. L'improbable solution ne tombera pas du ciel ni de la communion des coeurs alors qu'elle sera la réponse trouvée aux contraintes effectives et donc de l'ordre du cognitif. Il ne s'agit pas de ré-enchanter le monde d'un sens mystérieux mais de retrouver une vie démocratique et pouvoir donner sens à ce qu'on fait, voir le bout de ses actes comme disait Gorz, liberté toujours à reconquérir, difficile poésie de la vie quotidienne contre tout ce qui nous renie.

Voir aussi :
- Le frimeur, l'idiot et le vendu
- L'individualisme pseudo-révolutionnaire
- Le massacre des utopies
- Misère de la morale
- L'épreuve du réel (matérialisme et dialectique)
- Un se divise en deux, etc.

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6 réflexions au sujet de “Changer la vie, sans rire !”

  1. oui la libération du désir , qui est massive aujourd'hui , c'est plus que casse gueule , c'est du suicide . mais l'expérience peut aussi être très riche , et je ne blamerais certainement pas ceux qui s'y risquent avec intelligence et briot . je pense que c'est une donnée incontournable des 30 dernières années si bien que n'a sans doute jamais été aussi vrai l'adage que vous reprenez : l'histoire est "un délire bachique dont il n’y a aucun membre qui ne soit ivre".

    alors on a envie de se dire que pour avoir une chance d'être entendu , il faut en tenir compte est que c'est en quelque sorte un luxe de ne pas accompagner ce mouvement .

    pourtant oh combien je comprends votre position tellement les deception sont grandes et les égarrement sont multiples . tout cela est bien trop éprouvant pour qu'une générartion en passe par là.

    si bien que sur la question des dispositifs, moi , en préambule de ces coopératives , j'aurais tendance à croire qu'il est indispensable de créer une institution à caractère sanitaire . je l'appelle "clinique cityenne" qui est une sorte d'espace pour les déglingés du système et pour élaborer aussi une medecine du stress. il y a aussi une finalité politique , si les maux deviennet des mots , cela doit être l'occasion de renforcer la dynamique locale dans cette démocratie délibérative et par projet que vous appelez de vos voeux

  2. M. Zin

    Comment expliquez vous qu'il y ait tant d'obstacles à l'adoption d'un revenu garanti?
    Alors que les vertus marchandes de l'humanité nous ont été vantés sans complexe sur x et x années, reconnaître un droit financier inaliénable à l'humain est-il le dernier tabou moderne?
    Je me pose la question et me permets de vous demander conseil?

    Sinon je ne suis on ne peut plus d'accord avec votre texte peut-être modérais-je mon opinion sur les foules, que je ne crois ni pire ni meilleur que l'individu, en tous cas le commentaire de Brunet me semble on ne peut plus juste quant à l'actualité ( le besoin) de clinique citoyenne!
    Et si un sursaut démocratique pouvait se produire je n'y verrais certainement pas d'inconvénient tant un renouveau est urgent, n'ayons pas peur des mots!

  3. Les obstacles idéologiques au revenu garanti sont innombrables mais, sans remonter à la Bible, la raison principale c'est que le capitalisme salarial et le marché du travail sont basés sur le fait que le prolétaire est libre (de se vendre) mais dépouillé de tout. C'est pourquoi le revenu garanti c'est la sortie du capitalisme et il est atterrant qu'il y ait des anarchistes qui soient contre le revenu garanti sous prétexte qu'il viendrait de l'Etat ! S'il ne s'imposait pas quand même ce serait à désespérer mais malgré toutes les oppositions et son caractère complètement utopique, c'est une revendication qui insiste et gagne des partisans. Le problème, c'est que ce n'est pas une mesure qui suffit lorsqu'elle est isolée et que les expériences tentées sont vouées à l'échec si elles ne sont pas couplées avec les institutions du développement humain et de la valorisation des compétences.

    Encore une fois, il ne faut pas trop croire à la puissance des idées, ce n'est pas la propagande qui nous fait accepter le système mais le fait qu'il marche, c'est pourquoi il est remis en cause quand il ne marche plus ! Les tabous sont levés quand ils ne sont plus indispensables mais rien ne nous fera accepter des belles idées qui ne marchent pas.

    L'intelligence des foules, c'est de la blague mais il n'y a pas que les foules qui sont plus stupides que l'individu : "quand on est plus de quatre, on est une bande de con !". Cela n'empêche pas qu'il y a une ivresse de foules et des manifestations, c'est même une des raisons...

    Je trouve intéressantes les propositions d'Yvan même si je n'y crois guère mais j'ai un super souvenir des free clinics aux US. C'est dans ce sens qu'il faut aller, de l'appropriation par les usagers, sans trop en demander sinon ça ne dure pas. Dans les périodes de bouillonnement il faut que toutes sortes d'expériences soient tentées, même si la plupart échoueront, c'est la vie.

    Notez que le sursaut démocratique, s'il a lieu, nous est offert sur un plateau et que nous n'y sommes pas pour grand chose. Cela n'empêche pas que beaucoup dépend de ce qu'on va en faire maintenant. Je m'attends plutôt au pire mais il ne faut pas rater l'occasion.

  4. "j'ai un super souvenir des free clinics aux US"

    je serai curieux d'en savoir plus .

    moi ce que j'ai vu de mieux dans le genre c'est des expériences de squat politique plutot réussit . j'ai même entendu dire qu'à marseille un psychiatre avait ouvert un squat pour accueillir des malades mentaux .

    ces trucs , c'est vrai , ne sont pas très durable car ils reposent en parti sur l'auto organisation et la bonne volonté . mais on devrait pouvoir s'en inspirer poour pervertir la clinique telle qu'elle existe .

  5. Je parle des free clinics des années 1970... J'accompagnais juste un copain mais j'ai été frappé par le côté, simple, sympa, compétent, bien organisé. A Montréal c'était autre chose, un médecin passait voir ceux qui le demandaient, accompagné d'une secrétaire ! En France, c'est Olivenstein qui avait lancé les free clinics mais ça n'a pas marché parce que le système de santé est gratuit, sans doute.

    Je reste réservé, bien plus que Guattari, sur le caractère politique de la maladie mentale qui sert tout juste de symptôme et d'amplificateur, mais il est bon de tout politiser dans ces moments révolutionnaires et revendiquer nos faiblesses.

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