La bulle spéculative

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On ne parlera pas ici de la bulle financière mais bien de la formation d'une bulle spéculative dans l'idéologie, d'un idéalisme arrogant qui s'affiche d'un bout à l'autre du spectre politique, véritable symptôme de l'époque. On peut dire en effet que ce ne sont pas seulement les bourses qui ont été contaminées par la fièvre spéculative, mais bien toute la pensée, l'idéalisme s'exaspérant dans la dernière période à la mesure de notre impuissance, au point de toucher jusqu'aux derniers représentants du marxisme.

On pourrait faire remonter cet idéalisme assez loin, au Waterloo politique de la chute du communisme, mais il n'est devenu hégémonique qu'assez récemment, nourrissant souvent une forme de romantisme de la surenchère purement verbale. C'est à qui claironnera le plus fort une critique métaphysique décisive devant laquelle les murs de Babylone sont supposés s'écrouler tout seuls, avec le capitalisme et la techno-science par dessus le marché ! Il suffirait d'en convaincre le monde entier : la marchandise nous aliène, nous sommes exploités dans notre travail, la technique nous déshumanise, la compétition c'est pas bien, nous sommes tous frères, aimons-nous les uns les autres... Même un vieux philosophe marxiste (il est vrai surtout platonisant!!) prétend ramener le communisme à une simple idée régulatrice (avec ses invariants), et plus du tout en tant que mouvement réel des forces productives prises dans une histoire ! Etre matérialiste, c'est ringard, bien trop prosaïque. Pour frimer, il faut être idéaliste, montrer sa hauteur d'âme !

On range Hegel parmi les idéalistes, c'est même "l'idéalisme absolu", sauf que sa dialectique, en interaction avec son objet, s'oppose complètement au subjectivisme voulant dicter sa loi au monde, ce qu'il appelle "la loi du coeur", pas loin du délire de présomption et de la folie des grandeurs. Il ne s'agit jamais pour la réflexion comme pour l'action que d'avancer pas à pas, une négation étant toujours partielle, au rythme lent de l'histoire, même s'il y a des périodes de grands bouleversements, longuement mûris. Il ne faut pas trop croire au Père Noël et surtout pas que tout va s'arranger à la fin comme par miracle, délivrés de toute aliénation, de toute domination, de toute injustice ! Certes, Hegel reconnaît bien l'idéalisme comme dimension de l'action mais la dialectique avec le réel ne laisse pas l'idéalisme indemne pas plus que la chose en soi dans sa prétendue inatteignable transcendance. La "ruse de la raison" relève d'ailleurs d'un certain "matérialisme" ou plutôt d'une contrainte logique indépendante de la volonté des acteurs et de leurs intérêts particuliers du seul fait qu'ils parlent et doivent justifier leurs actes, donc les universaliser.

D'une certaine façon, à travers les multiples domaines que j'explore, je ne fais qu'essayer de retrouver un peu partout, et dans le plus concret de l'existence, la dialectique hégélienne en acte (et non plaquée de l'extérieur) ; non seulement, ce qui est très important, en rendant accessible la phénoménologie que Hegel a pu en donner (Misère de la morale, entre autres), mais surtout en la retrouvant dans notre actualité scientifique ou politique. La dialectique est essentiellement cognitive, cela n'empêche pas que Marx a eu pleinement raison de faire le pas suivant et, conscient en cela même d'être fidèle à Hegel, de soumettre la dialectique au retournement matérialiste, un matérialisme dialectique, de la pratique d'un sujet actif, attentif à l'objectivité du subjectif comme aux conditions concrètes de la liberté. En comprenant les causes matérielles de l'idéologie, on reste dans le cognitif, mais on débouche sur l'activité pratique qui transforme les conditions matérielles. On peut noter que le "tournant" de Heidegger va un peu dans le même sens en passant de la subjectivité existentielle à la clairière de l'être en son objectivité.

La négation de l'être est l'essence, la négation de l'essence est le concept, la négation du concept est... l'Idée absolue. Mais qu'est-ce, maintenant, que l'Idée absolue? Elle se nie elle-même à son tour, si elle ne veut pas parcourir à nouveau toutes les étapes de l'abstraction depuis son commencement ni se contenter d'être une totalité d'abstractions ou l'abstraction consciente de soi. Mais l'abstraction qui se conçoit comme telle se reconnaît comme néant; elle doit renoncer à elle-même comme abstraction, et elle aboutit ainsi à un être qui est précisément son contraire: la nature. La logique toute entière est donc la preuve que la pensée abstraite n'est rien pour soi, que l'Idée absolue n'est rien pour soi, que seule la nature est quelque chose. (Marx II-138)

L'argument suprême du volontarisme, c'est qu'on ne peut accepter aucun état de fait sous prétexte que ce serait accepter l'injustice et la misère partout, l'esclavage et le patriarcat ! Il est difficile de ne pas se laisser prendre à ces généralisations absurdes car, bien sûr, il y a ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Ce n'est pas si facile à déterminer et l'objet de disputes interminables mais notre marge de liberté est très limitée et c'est bien pourquoi il faut à chaque fois une analyse précise des situations et des rapports de force. Ce n'est pas une question de puissance de la volonté ("là où il y a une volonté, il y a un chemin" ? Mon oeil !) mais de justesse de l'analyse et de réponses adaptées. On peut dire que plus on vise juste, moins on a besoin de puissance. Jusqu'en 1914, on se persuadait que c'était le moral des armées qui assurait la victoire, se préoccupant surtout de gagner la guerre dans les esprits avant de confronter vite ces trop belles théories à la dure réalité de massacres inouïs et de s'enterrer dans les tranchées. Au lieu de volontés individuelles dispersées, c'est une représentation collective claire des enjeux du moment qui nous manque, pas des discours culpabilisants et moralisateurs.

S'il y a un retour à Marx, cela devrait être à son fondement matérialiste, au développement des contradictions matérielles (écologiques et sociales), au recours aux forces matérielles (nouvelles forces productives). Hélas, la défaite du marxisme est si totale que même ceux qui s'en réclament encore renient son matérialisme d'une façon ou d'une autre. On oublie ainsi ce qui constituait pour Marx le rôle historique du capitalisme, ce qui faisait sa puissance qui n'est pas idéologique mais bien réelle : "Le bon marché de ses marchandises est l’artillerie lourde avec laquelle elle abat toutes les murailles de Chine et contraint à capituler les barbares qui nourrissent la haine la plus opiniâtre de l’étranger" (Manifeste 1848). Ce n'est donc pas immédiatement par l'effet d'une volonté ni par sa propagande et ses fausses séductions que la force de frappe industrielle s'impose mais à plus long terme (en dernière instance) par sa productivité matérielle effective. C'est la base d'un matérialisme de la reproduction avant d'être un réalisme du possible par la lutte et le travail. La valeur-travail elle-même, tellement mythifiée, n'est rien d'autre qu'une valeur de reproduction et c'est par les contraintes de la reproduction que l'écologie s'impose matériellement.

A l'opposé, le communisme est ramené à une simple idée par Badiou (qui s'énerve stupidement sur la jeunesse) si ce n'est à une foi ou une religion pour Gianfranco La Grassa et bien d'autres. Ce que Costanzo Preve conteste avec quelques excellents arguments (Sur le concept de communisme) mais pour identifier aussitôt le marxisme à l'idéalisme fichtéen ! Son idéalisme est même redoublé par le rêve d'une abolition de la division du travail, dont on se demande ce qu'elle peut signifier, ou d'une démocratie directe, qui n'a jamais été que transitoire, tout en lorgnant vers un communautarisme assez nauséabond. La désorientation des anciens marxistes est tout-à-fait consternante. Le communisme n'est plus le nom de la participation à notre histoire commune et d'une libération des forces productives mais l'utopie d'un idéal moral et d'une réconciliation finale purement imaginaire.

Sans un matérialisme de base, méthodologique, on ne peut plus rien comprendre au pouvoir, ramené à une effectivement bien incompréhensible servitude volontaire qu'on voudrait briser par une bonne rééducation politique et dont on examine les moindres rouages comme les biologistes tentent de comprendre à partir de son métabolisme intérieur un comportement de la cellule contraint par l'extérieur ! Après Foucault, Agamben s'obnubile ainsi des dispositifs de pouvoir déshistorisés et devenus purement persécuteurs, symptômes d'une étrange déraison qui entretient l'illusion d'un monde sans pouvoirs. Foucault montrait au contraire que le pouvoir était omniprésent (là où il y a une liberté, il y a un pouvoir qui la contraint) tout simplement parce que le pouvoir est productif. Dès lors, il s'agit seulement de trouver de meilleurs dispositifs, plus adaptés aux nouvelles forces productives, moins contraignants, laissant une plus grande place à l'autonomie, et non pas de vouloir surmonter une désolante "pulsion de mort" ou de domination, ni même notre avidité supposée. Parler de relocalisation permet de revenir sur Terre et remettre les choses à leur place, y compris pour les pouvoirs locaux facilement féodaux. La démocratie directe s'épuise vite en dehors des moments révolutionnaires et la question du pouvoir reste toujours posée auquel il faut opposer des contre-pouvoirs, notre vigilance et nos mobilisations.

Il n'y a pas que le communisme dont il ne reste plus qu'une idée fantomatique, spectre informe du supposé dépérissement de l'Etat, mais par contamination la démocratie subit le même sort à signifier au fond la même chose : la constitution d'une conscience collective agissante. La critique qu'en fait Badiou nous ramène au temps de Platon comme si la démocratie avait toujours été ainsi, vérité mathématique éternelle, indifférente à l'histoire. C'est bien la fonction de l'idéologie d'abolir le temps et d'interpréter le passé à la lumière du présent, "nostalgie d'un monde qui n'a jamais existé", dit-il cette fois avec raison. De son côté, Jean-Luc Nancy va définir la démocratie après 1968 comme le non-politique qui fonderait la politique mais qui ne pourrait s'identifier à un mode de gouvernement ni même d'intériorisation du pouvoir. Une Idée, là encore. D'ailleurs, en opposant démocratie et religion, il les met malgré tout sur le même plan lui aussi (c'est vraiment le retour du religieux dans la politique) et reste complètement idéaliste à s'imaginer tout expliquer par le principe d'équivalence qui nous aurait livré au marché alors que nous sommes tous irremplaçables ! Certes, certes, sauf que ce n'est pas comme ça du tout que ça s'est passé ! Ce ne sont pas les principes qui mènent le monde et il ne suffit pas de trouver la clef qui dévoile sa trompeuse illusion aux yeux du monde ébahi. Tous ces intellectuels disent des choses fort sympathiques, avec lesquelles on voudrait pouvoir s'accorder mais qui ont plutôt la forme d'une dénégation de l'échec de la démocratie ou du communisme, échec dont il faut partir pour essayer de le surmonter (ce que croit faire Badiou en abandonnant la forme militaire, comme s'il suffisait de rompre les rangs pour gagner la guerre). Ce qui répugne toujours, c'est la dialectique lorsqu'elle s'applique à nos valeurs les plus précieuses qu'on ne veut pas renier, qu'on ne doit pas renier mais dont il faut reconnaitre les contradictions et les limites.

Il faut souligner comme Jacques Rancière est devenu la référence incontournable de tous ceux qui contestent le parlementaro-capitalisme. C'est justifié par la confiance aveugle qu'il garde à la démocratie mais se paie justement d'un certain aveuglement. Il a bien raison, sans aucun doute, de fonder la démocratie sur une égalité de principe et de dénoncer une "haine de la démocratie" comme "médiocratie", "des positions qu'on retrouve depuis la droite jusqu'à l'extrême gauche, disons depuis Finkielkraut jusqu'à Tiqqun" (p96), mais il ne faut pas aller trop loin dans les principes, on est là encore dans la pure idéologie. Mieux vaut privilégier la réduction des inégalités. La véritable démocratie n'est sans doute rien d'autre qu'une volonté de démocratisation. Le problème, c'est que si nous sommes effectivement égaux, c'est dans l'ignorance et non dans un savoir supposé, c'est dans le fait d'être mortels et par notre désir de reconnaissance ou notre besoin d'amour. Si nous sommes égaux, c'est bien dans l'inégalité de tous avec tous.

La revue des livres a mis en libre accès un interview de Jacques Rancière à propos de son "Spectateur émancipé". Il faudrait sans aucun doute que je fasse une critique de son esthétique idéaliste, hors de l'histoire, ainsi que d'une émancipation vu comme une parenthèse, autant dire, les grandes vacances ! Je trouve malgré tout sa critique souvent pertinente, voire indispensable, contre les dérives de la critique post-moderne teintée de haine de la démocratie. Hélas, j'ai plutôt l'impression de crétins critiquant des crétins tant on reste dans le superficiel. Si sa réfutation porte contre une certaine critique de l'aliénation, ce sont plus les pro-situs qui sont légions aujourd'hui que Debord lui-même qui peut être visé. Rancière prend le spectacle un peu trop au mot alors que c'est un rapport social. Il ne semble pas comprendre la poésie critique et la fonction d'un art qui se dénonce lui-même en intégrant la critique (le narrateur, l'énonciation) dans l'oeuvre (l'énoncé). Il ne suffit certes pas de rabâcher comme Debray que tout est représentation quand le monde de la marchandise tente de capter nos désirs et privilégie l'emballage sur le produit. Ce n'est pas parce qu'on ne saurait s'en débarrasser qu'il ne serait pas nécessaire de subvertir notre capture dans notre propre image ni de critiquer l'hypocrisie sociale. Enfin, la critique de la passivité qu'on retrouve chez Lukàcs est surtout une critique de l'objectivation qui masque la subjectivation, l'intentionalité formatrice et non un fétichisme qui nous séparerait de la vraie vie (des relations humaines authentiques). On ne peut réduire l'art à l'invention ni même à la transgression en ignorant sa fonction de formulation, de levée du refoulement et d'expression du négatif mais il est vrai que ce qui manque surtout à Rancière c'est la négativité dont sa démocratie semble délivrée dans la transparence d'une égalité ontologique où l'histoire n'est plus qu'un théâtre d'ombres... (ajout 08/09)

Ce n'est là qu'un petit florilège d'une époque désorientée qui aspire à un renouveau qu'elle attend depuis trop longtemps mais c'est un constat accablant sur les forces de transformation et les alternatives politiques au moment où l'on en a le plus besoin. Il y aurait une multitude d'autres prophètes des temps nouveaux qu'on pourrait citer appelant à changer les hommes ou seulement nos représentations. Ce n'est pas seulement une caractéristique de la gauche mais bien de l'époque où même la droite veut moraliser le capitalisme ! On ne parle même pas des écologistes qui devraient être les plus matérialistes pourtant mais prônent la "joie de vivre" et veulent "décoloniser notre imaginaire", ni de quelques utopistes qui veulent "changer la vie" rien de moins, ni de pro-situs de carnaval un peu trop répétitifs ! On est à l'évidence complètement dans le moment idéaliste, celui de l'esprit tout-puissant et des grandes déclarations. Ce spiritualisme doit sûrement quelque chose à l'éducation de masse mais on peut y voir aussi la réaction à la bulle financière, au discours néolibéral qui se présentait comme le réalisme le plus froid, celui des intérêts à courte vue et de l'égoïsme le plus prédateur : le trader honteux et ruiné se bat la coulpe et va proclamer à l'église sa haute moralité, son repentir et sa foi en des valeurs supérieures aux bourses décidément trop capricieuses... jusqu'à la prochaine bulle !

Il y a très certainement un matérialisme borné, un scientisme bêtifiant, un réalisme indigne mais on n'arrivera à rien en échauffant les esprits et en appelant à la conversion des coeurs. Nous avons besoin d'analyses justes et de réponses concrètes, d'un réalisme du possible qu'il faut opposer au conformisme conservateur. On peut s'appuyer pour cela sur la nécessité écologique mais aussi sur la philosophie du care, du soin et de la survie où Frédéric Worms(1) voit notre actualité philosophique après l'esprit, l'existence, la structure. Cette partition serait elle-même très idéaliste si le passage d'un concept à l'autre n'était déterminé par l'expérience historique (la dialectique, ce n'est rien d'autre). Le moment suivant devra garder sans aucun doute cette attention précautionneuse au vivant dans sa fragilité et sa souffrance, loin de tout idéalisme, mais y joindre aussi l'audace d'une transformation radicale qui n'ait rien du caprice de la subjectivité mais explore la richesse du possible et des opportunités qui s'ouvrent à nous pour répondre à des nécessités matérielles. On en est loin, dans cette atmosphère de fin de monde où les religions reviennent avec leurs vaines incantations qui ne promettent rien de bon...


(1) Frédéric Worms, La philosophie en France au XXé siècle, folio. Je précise que cette histoire n'est pas du tout mon histoire, ceux qui ont compté pour moi n'y figurant pas, mais sa caractérisation de notre moment présent n'est pas sans intérêt même si elle est bien sûr contestable et partiale. Soulignons d'ailleurs que la philosophie du care n'est pas du tout française, comme son nom l'indique, et plutôt féminine :

Il se peut en effet que ce soit avant tout à la conjonction des problèmes soulevés par le vivant et de ceux relevant de la justice, que se pose quelque chose comme le problème du moment présent. Il s'agit par exemple du seuil franchi, dans le domaine politique, du côté du pouvoir aussi bien que des menaces sur la vie.

Mais, là aussi, plutôt qu'un fait simple, on y trouve avant tout une polarité ou une tension irréductible. Le risque est, en effet, justement, plus encore qu'ailleurs ou avant, de réduire l'éthique ou la politique à une tâche seulement négative qui pourra d'ailleurs prendre deux formes : la tâche apparemment minimale, tout d'abord, mais soudain devenue commune, voire universelle, et urgente, d'assurer la survie ; mais aussi la tâche exclusivement critique, en apparence, devant le pouvoir et les abus de pouvoir sur la vie, critique de dangers ou de "catastrophes" qui ne sont jamais seulement naturelles mais toujours aussi humaines et sociales, techniques et politiques.

Mais de telles tâches n'ont rien de simple ou de simplement négatif. La première n'implique pas seulement la survie individuelle comme objectif isolé (le "chacun pour soi" d'une sorte de nouvel "état de nature"), mais la survie de tous comme objectif maximal, et surtout entre les deux le soin comme tâche et comme relation entre les hommes, d'une manière qui ne peut pas être seulement négative, préservatrice, mais qui pourrait bien être aussi positive et créatrice. La deuxième n'implique pas seulement la critique de la technique, mais aussi son usage, précisément polarisé, plus que jamais par l'alternative non seulement abstraite de l'arme et du médicament, de la potion et du poison (le double sens du "pharmakon" étudié par Derrida), mais bien celle de la catastrophe et de son évitement, lequel produit lui aussi une exigence de justice. p564

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6 réflexions au sujet de “La bulle spéculative”

  1. Plutôt que conformisme conservateur, on pourrait envisager un idéalisme conservateur. L'idéalisme étant toujours une forme d'évitement du réel dans son courant, la peur de se noyer et de ne pas savoir nager.

    Cette propension de notre psychisme à exhauster le réel pour mieux l'éviter.

  2. En effet, c’est partout le déni de la réalité. Les autorités appellent à la mobilisation de la « confiance » du pékin, c’est-à-dire à une foi aveugle en leur capacité supposée de réparer les désordres présents, pour peu que tous les dirigeants se donnent la main et mobilisent jusqu’à leur dernière énergie (et des moyens matériels qu’ils n’ont pas). C’est une autre façon d’appeler à concrétiser un pouvoir mondial susceptible de contraindre le réel à se conformer à l’idéologie dominante. Feue l’Union soviétique ne disait pas autrement : lorsque les difficultés s’aggravaient, ses dirigeants les imputaient au fait qu’il en serait nécessairement ainsi tant que le communisme n’aurait pas conquis toute la planète.
    La plupart des anti- ou des alter- partent finalement des mêmes prémisses : il faut <i>changer l’homme</i>, le rendre plus ceci et moins cela, <i>mondialiser les bons sentiments</i>, en quelque sorte. Ils se différencient surtout par le sort plus ou moins cruel réservé aux réfractaires…
    Dans un cas comme dans l’autre, c’est l’aspiration à une solution globale et immédiate. C’est-à-dire totalement irréaliste, et finalement contraire aux objectifs poursuivis par la tyrannie qu’elle implique.
    En défendant le « réalisme du possible », l’expérimentation à l’échelle locale d’une autre organisation sociale, dans laquelle chacun ne peut échapper à la nécessité de s’impliquer de façon concrète, vous dynamitez le confortable cocon de déresponsabilisation dans lequel l’immense majorité des populations s’est laissé enfermer (pas vraiment « à l’insu de son plein gré » !) De la même façon, plaider pour l’utopie dans les circonstances présentes, c’est également faire preuve d’irresponsabilité intellectuelle.
    Considérant que de spectaculaires bouleversements nous sont promis, avec l’effondrement prévisible de notre système moribond, il n’est pas impossible que l’on soit confronté demain à d’élémentaires questions de survie. Qui imposerait alors le « réalisme du possible » : autant y avoir réfléchi avant…

  3. c'est à croire que la vérité est décidément en dessous de tout .

    moi le délire je vois ça comme un système de survie , et pour tous ces gens qui ont connu trentes ans de désert , pas étonnant qu'il y a des dénies de réalité ; surtout à tremper dans tout un tas de mondanités plus ou moins médiatiques .

    ils sont sans doute déjà socialement trop déconnecté du monde , si penser c'est prendre le point de vue de l'opprimé , pas seulement par le verbe.
    et le racisme qui est surtout anti pauvre aujourd'hui signe bien la vision de toute une époque incapable de reconnaitre ses faiblesses , ça vulnérabilité ses limites , au point qu'ils en viennent à pérsécuter les faibles , par tout un tas d'illusions criminelles. je ne sais si cela a déjà été fait mais il y aurait un portrait du philosophe à faire en animal de compagnie ( chien de salon avec ses crocs bien limée) juste bon à briller en société, à frimer en fait . ceux que vous citez font pourtant le meilleur de ce qui se trame à l'université , c'est dire la médiocrité de cette institution et son caractère contre révolutionnaire , idéaliste .

    sinon cette histoire de philosophie du CARE ne nous conduirait elle pas à faire une révolution qui ai pour motif, voir pour raison , la santé ?

  4. et la santé ça me semble une vieille histoire philosophique , au moins depuis antyphon d'abder et sa thérapie par le feu verbale . mais c'est comme pour la démocratie avec rancière, il y a 2500 ans de pratiques et d'évolutions créatrice dans ce domaine jusqu'à lacan . où la santé c'est justement ce réalisme révolutionnaire du matérialisme dialectique dont vous parlez .

  5. Oui, je parle des meilleurs, pas de Luc Ferry ou autres clowns, ni d'autres dont j'ai déjà fustigé les prétentions à changer les hommes. C'est bien que les meilleurs soient touchés qui montre que c'est une caractéristique de notre moment historique.

    Le philosophe médecin n'est pas nouveau, avec ses deux branches : la médecine dogmatique (théorie des humeurs) et la médecine empirique (empiricus désigne un médecin). Une philosophie qui se réduirait à la santé serait dramatique, on ne peut abandonner l'universel ni à la biologie ni au communautarisme mais il est indispensable de prendre en compte la fragilité du vivant et ses limites, sans renoncer à se dépasser.

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