La catastrophe annoncée qui vient

Temps de lecture : 8 minutes

Il n'y a rien de vraiment nouveau, et on ne peut dire que je puisse être surpris par le ton de plus en plus alarmiste du Giec alors que j'étais parmi les premiers écologistes qui en faisaient une priorité, très minoritaires au début (une des raisons pour lesquelles j'avais quitté les Verts), mais voir la catastrophe annoncée arriver, le point de basculement tant redouté étant sans doute déjà dépassé, n'a rien pour nous consoler de l'avoir tant prédit quand c'est la rage de ne pas l'avoir empêché que je ressens plutôt.

C'est le progrès des connaissances qui fait monter l'inquiétude et qui certes n'étaient pas aussi assurées au début des années 2000. On pouvait être effarés de l'inconscience générale des risques à l'époque (après-nous le déluge) mais les "climato-sceptiques" (crétins ou vendus) semaient assez efficacement le doute et les scientifiques restaient prudents à cause de quelques résultats contradictoires, ce qui les menait à une modération sans doute excessive.

D'un autre côté, il y a toujours eu des prophètes de malheur annonçant la fin du monde ou de l'humanité (ce dont il n'est pas question dans le rapport du Giec), exagérations basées sur des raisonnements simplistes et qui ne sont absolument pas nécessaires pour prendre la mesure de toutes les terribles conséquences d'un réchauffement même limité alors qu'on se dirige vers des niveaux extrêmes. On n'évitera pas des catastrophes en série. La seule chose qui permet de garder espoir, c'est que, plus on en subit des conséquences néfastes palpables, et plus on assiste à leur prise en compte effective par les Etats, plus les températures vont monter et plus des mesures drastiques pour réduire le réchauffement pourront être prises.

Il faudrait certainement que la jeunesse se mobilise de nouveau en masse, cette pression de la rue étant indispensable pour légitimer des politiques gouvernementales trop dures à prendre sinon mais ce sera difficile à court terme, dans l'euphorie d'une fin de la pandémie ou dans l'urgence de combattre la montée de l'extrême-droite. Il faut remarquer cependant que malgré toutes les limites du politique et la pression économique, la transition écologique et énergétique est bien en cours, et ceci grâce aux études scientifiques plus qu'aux militants écologistes. Les militants ont quand même un rôle crucial à jouer mais les écologistes ont une obligation de résultat ne pouvant se cantonner à la protestation.

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Les politiques des philosophes

Temps de lecture : 29 minutes

La philosophie apparaît en général comme une sagesse individuelle, Alain la définissant même comme une "doctrine du salut sans Dieu", même si Dieu y était bien présent jusqu'à Hegel et Schelling au moins. La philosophie politique apparaît par contre assez marginale tout au long de l'histoire de la philosophie mais c'est un peu comme la religion qui semble consister dans l'expérience mystique de l'adepte, sa foi, alors qu'elle a une fonction éminemment sociale (d'adhésion à un récit collectif et d'appartenance à un monde commun, celui de sa secte). De même, on va voir comme les différentes philosophies, opposées entre elles, s'avèrent en fait fonder des politiques et des idéologies encore vivaces, qui toutes promettent un salut, collectif cette fois.

Même Descartes, qui ne s'est guère occupé de politique, a pu faire dire à Tocqueville que la Révolution française était le fait de "cartésiens descendus dans la rue", ce qui est bien sûr exagéré, et peu conforme aux faits, mais n'est pas faux pour autant. Ainsi, la table rase du passé et la tentative de reconstruction rationnelle de la société par les révolutionnaires rejoignent bien la reconstruction rationnelle entreprise par Descartes comme par chaque système philosophique, reconstruction qui s'avère à chaque fois fautive. L'affirmation un peu trop optimiste d'un bon sens qui serait la chose la mieux partagée - ce que tout dément pourtant, notamment les sciences - participera beaucoup aussi à la légitimation de la démocratie, dans une conception "cognitive" de la démocratie, au moins très prématurée, et d'une volonté générale ne pouvant se tromper (pas de malin génie qui nous trompe).

En tout cas, pour ma part, c'est effectivement par souci politique surtout que je me suis intéressé à la philosophie, d'abord sous l'égide de Hegel et Marx, dans le sillage de Mai68, mais ayant fini par adopter une "philosophie" écologique de l'extériorité, je suis devenu plutôt antiphilosophe puisque réfutant aussi bien les promesses d'un salut personnel que d'un salut collectif dans une fin de l'histoire idyllique qui escamote l'extériorité du réel et les causalités écologiques. Les philosophies, qui ont fait avancer les connaissances et permis les sciences rationnelles, ne pêchent pas seulement en effet par ce qu'elles ignorent mais par ce qu'elles veulent refouler in fine grâce à quelque formule magique bien trouvée, le vrai n'étant plus qu'un moment du faux.

L'actualité politique illustre cependant qu'il ne suffit pas de simplement rejeter toute la tradition philosophique pour ne se fier qu'aux sciences car l'influence des diverses métaphysiques est bien réelle, elle aussi, motivant les différents mouvements de l'extrême-gauche à l'extrême-droite, les illusions révolutionnaires et démocratiques tout comme les revendications identitaires ou d'un retour à la nature. Ces illusions métaphysiques prennent des formes opposées entre Marx, Heidegger, Deleuze, etc., mais à chaque fois nous promettent la lune, une vie tout autre. Examiner l'histoire de la philosophie sous cet angle politique est en tout cas assez éclairant (rejoignant d'ailleurs des analyses marxistes).

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Concepts fondamentaux pour comprendre notre monde

Temps de lecture : 23 minutes

Un petit nombre de concepts fondamentaux qui vont à rebours des modes de pensée religieuses, métaphysiques ou idéologiques, suffisent à renverser la compréhension habituelle, à la fois idéaliste et subjectiviste, de notre humanité (et de la politique). Il n'y a, sur ces concepts examinés ici (information, récit, après-coup, extériorité), que du bien connu, vérifiable par tous, et il n'y aurait aucun mystère ni difficulté si les conceptions matérialistes (écologiques) n'étaient par trop vexantes et n'entraient en conflit avec nos récits, pour cela déniées ou refoulées constamment afin de sauver les fictions d'unité qui nous font vivre. On verra d'ailleurs que ces concepts fondamentaux touchent aux débats les plus sensibles de l'actualité (numérique, démocratie, identitaires, racisme, sociologie, etc).

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Alerte drogues : légalisation ou fascisation

Temps de lecture : 10 minutes

La bêtise et l'aveuglement peuvent nous coûter cher. Le refus d'écouter les scientifiques n'est pas réservé à une catégorie de la population et ne se limite pas aux complotistes mais peut se propager jusqu'en haut de l'Etat, en particulier au sujet des drogues. Ce n'est pas un sujet mineur par rapport aux questions sociales comme la gauche a pu le penser quand elle ne partageait pas elle aussi l'utopie d'un monde sans drogues (accusées de se substituer à la politique et sans lesquelles les jeunes seraient révolutionnaires!). Les récents événements montrent au contraire que leur interdiction favorise les circuits mafieux et peut gangrener toute la société par la violence. Il y a véritablement péril en la demeure. Il faut sonner le tocsin contre les risques d'un durcissement d'une guerre à la drogue perdue d'avance mais qui amène la guerre dans nos cités et militariserait la société.

La légalisation du cannabis au moins devient un enjeu urgent et absolument décisif pour la sauvegarde de nos libertés. S'enferrer dans la prohibition, quand les autres pays y mettent un terme, serait prendre le risque d'une fascisation de la société comme l'illustrent des policiers du RN appelant à imiter "Les présidents Bolsonaro et Duterte qui obtiennent d’excellents résultats en ayant donné carte blanche à la police pour reprendre le contrôle des zones de non droit". On ne rigole plus. Imaginez que Marine Le Pen gagne la prochaine présidentielle, ce qui n'est plus tout-à-fait impossible, et qu'on lègue une telle situation à un gouvernement d'extrême-droite !

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Rimbaud, la Commune et le retour au réel

Temps de lecture : 12 minutes

Rimbaud

Qu'est-ce pour nous, Mon Cœur, que les nappes de sang
Et de braise, et mille meurtres, et les longs cris
De rage, sanglots de tout enfer renversant
Tout ordre ; et l'Aquilon encor sur les débris

Et toute vengeance ? Rien !... — Mais si, toute encor,
Nous la voulons ! Industriels, princes, sénats
Périssez ! puissance, justice, histoire, à bas !
Ça nous est dû. Le sang ! le sang ! la flamme d'or !

Tout à la guerre, à la vengeance, à la terreur,
Mon Esprit ! Tournons dans la Morsure : Ah ! passez,
Républiques de ce monde ! Des empereurs,
Des régiments, des colons, des peuples, assez !

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Théories du complot et critique sociale

Temps de lecture : 18 minutes

Les théories du complot sont, tout comme les mythes et religions, une des manifestations massives des limites de notre rationalité et de nos tendances paranoïaques au délire d'interprétation, manifestant à quel point Homo sapiens est tout autant Homo demens. C'est ce dont on semble refuser absolument de prendre toute la mesure pour ne pas attenter à notre narcissisme et continuer d'entretenir l'illusion de notre fabuleuse intelligence - illusion qui est justement le ressort du complotiste persuadé d'avoir tout compris et de n'être plus dupe de la vérité officielle, ressort plus généralement des militants plus ou moins révolutionnaires.

Ces contre-récits réapparaissent, en effet, à chaque fois que nos anciens modes de vies sont perturbés, que ce soit par la guerre, une épidémie ou une crise économique, les Juifs servant dans tous les cas de boucs émissaires à portée de main (accusés de profanations d’hosties ou de crimes rituels et d’empoisonnements des puits dès le XIIe siècle, jusqu'à la seconde guerre mondiale dont on voulait les rendre responsables). Ce n'est pas si différent d'Oedipe chargé de la culpabilité d'une peste décimant Thèbes, sauf que s'y ajoute l'idée, plus proche de la sorcellerie, d'une volonté humaine agissante derrière de fausses apparences qui masquent les véritables commanditaires et qu’il faut démasquer publiquement afin d'y mettre un terme et retrouver l'harmonie, la transparence et la souveraineté d'un temps passé idéalisé.

Ce dont il faudrait s'étonner, ce serait donc plutôt de notre étonnement pour ce qu'on peut considérer comme une constante tendance de l'esprit humain et de la psychologie des foules que les réseaux ne font qu'étaler aux yeux de tous. Ce qui devrait nous étonner, c'est l'idéalisation, en dépit de toutes les preuves du contraire, de notre intelligence humaine au nom des savoirs péniblement accumulés au cours des siècles, les sciences étant pourtant explicitement basées sur notre ignorance première et la fausseté de nos représentations ou convictions méthodiquement réfutées par l'expérience. C'est pourquoi on peut espérer que la place prise par les théories du complot les plus absurdes constituent un véritable tournant historique nous obligeant à reconnaître enfin notre rationalité limitée contre toutes les utopies rationalistes ?

D'un certain côté, on peut dire qu'il n'y a là rien de neuf depuis les théories fumeuses aussi bien sur l'inexistence que sur la création du virus du sida dans les années 1980 ou, plus récemment, les climatosceptiques s'opposant à la "pensée unique" en s'imaginant déjouer le complot mondial des climatologues (pour capter les budgets de la recherche !). Il y en a eu bien d'autres et à toutes les époques (notamment en 1789 au moment où la Révolution affirmait que ce sont les hommes qui font l'Histoire) mais il faut bien admettre un renouveau depuis le 11 septembre 2001, illustré entre autres par le succès du Da Vinci Code en 2003. Il est quand même remarquable que ce renouveau recycle le plus souvent d'anciennes traditions complotistes, en particulier avec les Illuminati qui en ont constitué une sorte de modèle, simple remake des anciennes théories du complot qui sont toujours des sortes de complots du diable. Le numérique et la globalisation leur donnent cependant une toute autre dimension.

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Dernières nouvelles de notre préhistoire

Temps de lecture : 13 minutes

Il faut toujours prendre les dernières découvertes scientifiques avec des pincettes, surtout quand elles contredisent ce qu'on croyait bien établi avant mais, comme je le répète souvent, il n'y a rien qui change plus que notre passé, la préhistoire étant basée sur un nombre de faits assez réduit (contrairement à la physique par exemple, beaucoup plus difficile à prendre en défaut). Ainsi, après la tendance ces dernières années à repousser toujours plus nos origines (notamment l'Homo sapiens à 300 000 ans), deux études les rapprochent radicalement au contraire, bien que sur des temporalités différentes.

La première, étudiant les crânes des premiers Homo (Habilis, etc) depuis 2,6 millions d'années, montre qu'ils restaient très proches de ceux des singes jusqu'à l'Homo erectus à partir de 1,7 millions d'années, ce qui n'est pas si nouveau mais permet maintenant d'établir que les premières migrations hors d'Afrique, qui remonteraient à plus de 2 millions d'années, ont précédé le développement du cerveau. Comme l'utilisation des premiers outils et la bipédie commencent avec les Australopithèques, ce qui particularise les tout premiers Homo, s'adaptant à un changement climatique majeur, serait plutôt, non seulement une bipédie plus exclusive et le recours plus systématique aux pierres taillées mais surtout la construction d'abris de fortune et le début de l'acquisition de l'aptitude à la course (avec sans doute une perte des poils favorisant la sudation ? La plus grande indépendance des forêts que cela donnait, bien qu'ils étaient encore en partie arboricoles, pourrait suffire alors à expliquer leur extension à l'Europe et l'Asie ?). Ils étaient aussi devenu omnivores, commençant à manger de la viande (en charognards) sans être encore vraiment carnivores, alors que les australopithèques étaient presque exclusivement végétariens.

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L’utopie rationaliste à l’ère du numérique

Temps de lecture : 13 minutes

L'ère du numérique et des réseaux planétaires, donnant un accès immédiat à toutes les connaissances, nous a fait entrer dans un nouvel âge des savoirs qui, étonnamment, sonne le glas de l'utopie rationaliste républicaine, c'est-à-dire de l'émancipation par l'éducation. Ce n'est pas bien sûr la raison elle-même qu'il faudrait mettre en cause pour revenir à l'irrationnel, aux mythes, au mysticisme, à la loi du coeur ou l'intuition. Ce n'est pas non plus la rationalité instrumentale tant critiquée pour sa froideur bureaucratique qui est en question. Tout au contraire, ce que révèle notre actualité, c'est bien plutôt comme notre folie s'oppose à la raison dans une histoire qui n'est pas la paisible accumulation progressive de connaissances mais un champ de bataille où s'affrontent des illusions contraires, dialectique bien présente qu'un progressisme naïf voudrait oublier.

Ce travail du négatif avec son lot d'hostilités et d'errance fait dire à Hegel que "Le vrai est ainsi le délire bachique dont il n’y a aucun membre qui ne soit ivre" (Phénoménologie p40). S'il y a bien malgré tout progrès de la raison dans l'histoire, c'est seulement après-coup, car, comme le dit à peu près Valéry, si le monde ne vaut (et n'évolue) que par les extrêmes (les extrémistes), il ne dure que par les moyens et les modérés, ce dont les écologistes notamment devraient prendre de la graine.

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Rater sa vie

Temps de lecture : 9 minutes

Qui ne voudrait réussir sa vie ? C'est l'injonction répétée partout, des parents à la publicité. Les bibliothèques sont pleines d'ouvrages et de conseils pour y parvenir. Et pourtant, cela fait partie des fausses évidences qui n'ont aucun sens (tout comme la recherche du bonheur) ou bien dont le sens est d'une indigence extrême, que ce soit le conformisme social de la reproduction familiale, de la réussite financière ou professionnelle, voire d'une petite célébrité ou d'une position dominante tout aussi éphémères. On a beau se rengorger de ces futilités et d'avoir effectivement réussi quelque chose, comme dit Pascal : "le dernier acte est toujours sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste. On jette enfin de la terre sur la tête, et en voilà pour jamais".

Que serait effectivement une vie réussie comme si elle avait atteint sa destination, achevé sa mission ? Il ne suffit pas de rester dans les mémoires, d'être encensé par ses proches ni de susciter des regrets éternels. Même si quelqu'un universellement célèbre comme Jean-Paul Sartre semble bien pouvoir légitimement juger dans son dernier interview avoir réussi sa vie, cela n'a pas empêché que j'en avais pourtant éprouvé un malaise. N'avait-il pas, en effet, raté l'essentiel de ce qu'il poursuivait, cette utopie communiste supposée nous rendre transparents les uns aux autres et qui l'avait mené tant de fois à se tromper avec toute sa bonne conscience (au lieu d'avoir raison avec Aron). Simone de Beauvoir a été plus authentique dans l'aveu final de "La force des choses" mesurant avec stupeur à quel point elle avait été flouée par une histoire suivant une toute autre voie que celle espérée après la libération et la décolonisation, sans parler du communisme réellement existant qui finira par s'écrouler.

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Le point sur la dépression, causes et remèdes

Temps de lecture : 19 minutes

L'épidémie de dépressions, depuis le confinement et les mesures de distanciation sociale, manifeste à quel point nous ne nous suffisons pas à nous-mêmes et qu'on est loin de pouvoir se satisfaire de "demeurer en repos, dans une chambre" ni du simple plaisir d'exister. Notre état naturel serait plutôt dépressif et d'un terrible ennui si la vie sociale ne nous divertissait pas de nous-même - ce qu'on peut mettre sur le compte de notre nature d'animal grégaire ou celui d'être parlant. En tout cas, comme on le verra, Alain considérait avec raison que le meilleur traitement des humeurs dépressives serait de parler à d'autres que nos proches, nous sortant de notre enfermement intérieur et de notre complaisance avec notre malheur, ce qui ne veut pas dire que cela suffirait à soigner les dépressions mais expliquerait que, pour la plupart (pas tous), les états dépressifs sont certainement aggravés dans l'isolement.

Cette actualité de la dépression justifie de tenter de faire le point sur cette maladie, une des plus douloureuses et courantes, d'autant plus qu'elle reste, en dépit de progrès récents, relativement incomprise et mal soignée, mais aussi qu'elle reste largement déniée et considérée même comme une maladie honteuse. C'est pourtant une maladie non seulement très répandue mais qui est partie intégrante de la condition humaine et remarquable à combiner les dimensions biologiques, psychologiques, sociales, la façon dont l'état du corps est interprété par les discours, les histoires qu'on se raconte et les représentations sociales.

Ainsi, un peu comme dans l'amour (dont il serait l'envers), où l'instinct sexuel nourrit les idéalisations de la personne aimée, de même le malaise du corps (l'écoeurement digestif par exemple) trouve facilement des raisons à son angoisse et l'écoeurement du monde (il faut voir comme la dépression raisonne d'une raison raisonnante!). Il y a bien à la fois un fondement biologique à la dépression et de bonnes raisons d'être déprimé. L'étonnement serait dès lors qu'on ne soit pas tous dépressifs si la sélection naturelle n'avait été contrainte de s'y opposer, fournissant ordinairement sa dose d'antidépresseurs pour nous faire voir la vie en rose, la dépression étant l'échec de nos antidépresseurs naturels faits pour refouler nos échecs et nos blessures.

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Intégration mobile-PC-TV

Temps de lecture : 6 minutes

Cela fait longtemps qu'on annonçait - notamment dans ma revue des sciences - l'intégration incontournable des différents dispositifs numériques, mais cela n'avait pas beaucoup avancé jusqu'ici et ce n'est que très récemment que j'en ai moi-même éprouvé la nécessité au point de changer de distribution linux (de linux Mint à Kde et Neon), juste pour utiliser Kdeconnect qui intègre bien le mobile au portable - ce que j'ai trouvé effectivement très pratique. Même si cela ne marche pas toujours parfaitement, voilà de quoi compléter l'utilisation de Chromium, Mkchromecast ou Vlc permettant de passer sur la télé le son ou l'image (cast de l'écran ou de la fenêtre), tout comme on peut le faire à partir du mobile.

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De l’autonomie à l’écologie

Temps de lecture : 32 minutes

L'idéal d'autonomie, qui domine le champ intellectuel et politique depuis si longtemps, avait été mis par Castoriadis à la base de sa philosophie qui a toujours des partisans et revient dans l'actualité avec la publication de morceaux choisis sous le nom "Écologie et politique".

C'est l'occasion de reprendre la critique des fondements et de l'inconsistance, au regard d'une philosophie écologique, de philosophies de l'autonomie qui nous avaient tant séduits (chez Castoriadis comme chez Gorz, entre autres) mais qu'on retrouve paradoxalement de nos jours aussi bien dans le développement personnel ou le management que dans les idéologies révolutionnaires mais aussi sous des formes fascisantes, souverainistes, populistes, nationalistes et xénophobes, ce qu'on ne peut continuer à ignorer. De même, la prétendue "institution imaginaire de la société", qui fait de Castoriadis un peu l'héritier de Georges Sorel et du mythe de la grève générale, pourrait être tout autant récupérée par l'extrême-droite et ceci pour la forte raison que remplacer la nécessité matérielle par un conflit de valeurs arbitraires mène à la violence totalitaire, comme on a pu le montrer avec l'interprétation du marxisme par Gentile, le philosophe du fascisme.

Il y a un besoin indiscutable d'autonomie, qui est effectivement vitale comme on le verra, mais à l'idéalisme subjectiviste et moraliste au fondement des idéologies progressistes aussi bien qu'identitaires, on doit opposer le matérialisme écologique, la prévalence de l'extériorité et donc de l'hétéronomie dont il est illusoire de pouvoir se délivrer quand ceux qui le prétendent ne font que se ranger sous une autre pensée héritée, qui va de la tradition révolutionnaire au complotisme et l'antisémitisme. Il se trouve qu'en 1983 un petit livre reprenait une conférence de Castoriadis et Cohn-Bendit sous le nom "De l'écologie à l'autonomie" alors qu'il s'agira ici, tout au contraire, de passer de l'autonomie à l'écologie.

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Le virus numérique et les guerres futures

Temps de lecture : 6 minutes

Parmi les nouvelles récentes de 2020, il en est une qui a été absorbée dans le flux des informations quotidiennes, concernant un autre virus, numérique cette fois, qui pourrait pourtant faire date, préfigurant sans doute les guerres futures et le bouleversement radical des stratégies militaires à l'ère du numérique. C'était bien sûr annoncé depuis longtemps mais restait très théorique jusqu'ici, jusqu'à la découverte donc de ce cyberpiratage de grande ampleur (certes on commence à être habitué) qui cette fois avait pu toucher jusqu'à l'armée américaine et même des sites nucléaires (ce qui est moins anodin).

En fait, les dommages sont difficiles à évaluer et semblent minimes à ce stade, peut-être même inexistants. La seule chose qui semble bien établie, c'est que le virus, qui utilise des fonctions très communes, donnerait accès aux bases de données et sans doute aux mots de passe enregistrés ou aux fichiers. De plus la propagation du virus serait purement opportuniste touchant tout autant des grandes entreprises, sans donc cibler particulièrement l'armée. On pourrait donc penser qu'on s'est affolé pour rien, sauf que preuve a été donnée concrètement de la fragilité des réseaux et du caractère décisif de la capacité de s'y introduire, au moins pour espionner et paralyser l'ennemi. Ce n'est pas pour rien que la contamination est venue d'une entreprise, SolarWinds, fournissant des concentrateurs de réseaux. Cela devrait convaincre que la sécurité de ces méga-réseaux ne peut jamais être parfaite, trouvant toujours une faille quelque part et les exposant à de nouveaux virus informatiques tout-à-fait comme la surpopulation nous expose irrémédiablement à de nouvelles pandémies.

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La beauté sauvage de l’évolution

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Ainsi l'homme doute et désespère, en se fondant il est vrai sur bien des expériences apparentes de l'histoire ; et même en une certaine mesure cette triste plainte a pour elle toute l'étendue superficielle des événements mondiaux; c'est pourquoi j'en ai connu plus d'un qui sur l'immensité océanique de l'histoire humaine cherchaient en vain le Dieu que sur la terre ferme de l'histoire naturelle ils voyaient avec les yeux de l'esprit et avec une émotion toujours renouvelée dans chaque brin d'herbe et chaque grain de sable.

Dans le temple de la création, tout leur apparaissait plein de toute-puissance et de bienveillante sagesse. Au contraire sur le théâtre des actions humaines auquel notre durée de vie est proportionnée, ils ne voyaient que le conflit permanent de passions aveugles, de forces déréglées, d'armes de destruction ne servant aucun dessein positif. L'histoire pour eux ressemblait à une toile d'araignée, dans le coin de ce merveilleux palais, dont les fils entremêlés conservent encore les traces d'un carnage bien après que l'araignée qui la tissa se soit dérobée aux regards.

Cependant, s'il est un Dieu dans la Nature, il existe aussi en histoire.
Herder, Histoire et cultures, p187

Bien sûr, en tant qu'évêque réformé, le pré-romantique Herder prêche pour sa paroisse en s'opposant au Voltaire de l'Essai sur l’histoire générale après le désastre de Lisbonne impossible à justifier aux yeux de ceux qui voulaient croire à la providence divine. Pour nous convaincre que nous vivons malgré tout dans le meilleur des mondes possibles, Herder reprend l'argumentation de Leibniz dans sa Théodicée faisant de l'imperfection du monde et de l'existence du mal l'indispensable condition de la biodiversité sans quoi nous serions certes dans un paradis de créatures parfaites, semblables à Dieu mais toutes identiques. Ce rôle fondamental donné à la biodiversité devrait nous parler, à notre époque d'extinctions de masse mais aussi pendant cette période de pandémie, mal dont la fonction biologique est notamment la régulation des populations trop nombreuses, et donc la préservation de la biodiversité justement...

Le bon côté des religions, c'est qu'attribuer à Dieu la création du monde suscite l'admiration pour son oeuvre et engage à lui rendre grâce pour ses bienfaits et la magnificence de la nature, gratitude des enfants pour leurs parents qui veillent sur eux malgré tous les dangers, alors que, sans cette garantie divine, injustices et malheurs nourrissent plutôt la révolte et le désespoir en dépit de tous les paysages somptueux, des grandes civilisations et leurs créations artistiques, ou même des trop rares mouvements de solidarité et générosité. Impossible de célébrer la sauvagerie régnante. On ne peut nier pour autant les beautés de la nature et l'exaltation qu'elles peuvent produire. Si on doit les attribuer à l'évolution plutôt qu'à un projet divin, substituant au nom de Dieu dans la citation en exergue celui d'évolution, on comprendra mieux le ressort du progrès humain qui semblerait sinon trop paradoxal au milieu du désastre et de la connerie universelle, en l'absence de toute providence divine ou rationnelle.

Il faut, en effet, qu'on soit contraint par la pression extérieure d'être raisonnable et de s'unir, c'est ce que ça veut dire, sinon la folie et l'avidité dominent. Pas d'évolution sans catastrophes, sans échecs répétés. Il ne s'agit pas d'un développement endogène, de la réalisation d'une essence (humaine), d'un sens de l'histoire, d'une production de notre liberté. Il faut y voir plutôt un processus d'optimisation, de complexification, ou un apprentissage, une intériorisation souvent douloureuse de l'extériorité plus que l'expression d'une intériorité préalable, relevant ainsi d'une causalité écologique. De même les beautés de la nature ne sont pas tombées du ciel mais les vestiges de grandes destructions, des difficultés rencontrées par la vie et d'une sélection féroce (de l'adaptabilité). L'évolution biologique est jonchée de cadavres et ce n'est pas par un malheureux hasard car sans la mort, pas d'évolution des organismes, tout comme, sans la guerre et la disparition d'anciennes civilisations, il n'y aurait pas d'histoire. Dans l'amour de la nature le plus naïf, la violence naturelle est beaucoup trop déniée de même que le fait qu'il n'y a d'évolution que forcée. C'est oublier le travail du négatif et le processus dans le résultat, le cri de la créature derrière la beauté des paysages, des ruines même, tout comme l'émerveillement de l'improbable miracle d'exister en gomme les plus terribles épreuves.

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Temps de suspens

Temps de lecture : 5 minutesIl y a des moments où il est bon de garder le silence pour ne pas ajouter à la confusion ambiante en étalant ses opinions, ses pauvres convictions (et son incompétence), surtout quand les incertitudes se cumulent de la pandémie, du Brexit et de l'élection américaine empêchant toute prédiction à court terme. Il fallait attendre au moins l'élection présidentielle américaine mais plusieurs jours après, le suspens demeure quand à la suite pouvant facilement dégénérer. Le Brexit qui devait se régler en octobre reste lui aussi suspendu à des négociations ne pouvant déboucher que sur une réintégration à l'Europe ou une dangereuse période de chaos.

Même si  on se débarrasse finalement de Trump, il ne faut pas trop se rassurer que ce serait la fin de notre descente aux enfers et qu'on serait tiré d'affaire pour autant tant le niveau de connerie est au plus haut entre épidémie et terrorisme. Ce n'est sans doute pas que ce soit si pire qu'avant, mais c'est devenu quand même beaucoup plus visible, à en rester bouche bée ! Cela va des consternantes téléréalités et réseaux sociaux aux chaînes d'infos racoleuses et aux complotistes les plus fous (comme ceux de QAnon) qui ont micro ouvert, jusqu'aux polémiques scientifiques partisanes les plus bornées. Les intellectuels ne sont pas épargnés par ces logorrhées haineuses, perdant ce qui leur restait de crédit. Bien sûr, tout cela n'a rien de nouveau, pas plus que la recherche de boucs émissaires ni les illuminés sanguinaires (les crétins d'Action directe ne valaient pas mieux que les terroristes islamistes). La panique durcit l'hostilité entre fausses certitudes contraires, que ce soit sur la politique sanitaire, l'Islam, la laïcité, la France, nos valeurs, etc. Dans ce contexte d'affolement général, inutile de faire appel à la raison, mieux vaut laisser passer l'orage...

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Les leçons de la préhistoire

Temps de lecture : 6 minutes

Une bonne partie de mon travail aura été de vulgarisation des sciences et des recherches actuelles, donnant accès à des connaissances encore peu enseignées, notamment sur notre préhistoire, et qui sont indispensables pour se faire une idée plus juste de notre monde comme de notre humanité. C'est pourquoi j'ai rassemblé ces quelques textes sur les aspects les plus importants des dernières découvertes paléo-anthropologiques.

Il ne s'agit pas ici de faire preuve d'originalité, ces connaissances étant bien sûr accessibles partout ailleurs avec les moyens actuels, et ces écrits sont sans doute ce qui vieillira le plus à mesure qu'on fera de nouvelles découvertes. C'est toujours le cas pour la préhistoire basée sur de trop rares données, contrairement aux autres sciences, et se trouvant obligée de changer de récit à chaque nouvelle découverte, ce qui fait que, paradoxalement, rien ne change autant que notre passé. Du moins jusqu'ici.

Il est probable en effet qu'on soit arrivé enfin à une représentation plus juste de nos origines multiples et d'une évolution buissonnante, remisant aux antiquités l'ancienne vision trop linéaire et uniforme de la descendance de l'Homme comme développement de son essence. Une nouvelle fois, nous avons dû apprendre que nous ne sommes pas le centre du monde mais que nous sommes le produit de l'évolution technique, tout comme ce n'est pas le soleil qui tourne autour de nous mais bien le contraire !

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CRISPR, le Nobel OGM de tous les dangers

Temps de lecture : 7 minutesPour les lecteurs de ce blog, et de son ancienne revue des sciences, il n'y a rien de surprenant à ce que la découverte de l'édition génétique ait été récompensée par un prix Nobel car c'est indubitablement une des découvertes les plus importantes qui soient. En effet, le mécanisme CRISPR-Cas9 utilisé par des bactéries pour se défendre des virus en coupant leur ADN s'est révélé un outil puissant d'intervention sur des séquences du génome, facilitant énormément les modifications génétiques jusqu'à les mettre à la portée de n'importe quel biologiste. Si ce n'est donc évidemment pas le début des OGM, c'est un changement d'échelle considérable qui devrait généraliser les manipulations génétiques, y compris sur notre propre génome (un Chinois l'a déjà fait), pour des améliorations qui seront le plus souvent très utiles mais pouvant constituer tout aussi bien une nouvelle "bombe nucléaire" (s'attaquant à l'ADN du noyau) plus dangereuse encore que la menace atomique.

Il est on ne peut plus logique qu'à chaque fois qu'on augmente notre puissance technique, on augmente le risque de son utilisation destructrice. Emmanuelle Charpentier admet d'ailleurs tout-à-fait que sa découverte pourrait être mal employée mais ce qui renforce l'inquiétude cette fois, c'est que, contrairement à la physique nucléaire, il n'y a pas besoin d'un Etat ni même d'un véritable laboratoire pour qu'un savant fou fabrique un virus bien plus dévastateur que notre coronavirus. J'y vois un risque majeur bien qu'il ne soit pas pris du tout au sérieux, à ce qu'il semble.

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Nouvelle présentation du blog

Temps de lecture : 3 minutes

Beaucoup se sont déjà aperçus que je travaillais sur le blog depuis plusieurs semaines. En fait, j'ai d'abord perdu du temps à essayer de trouver une façon de pouvoir le modifier hors ligne mais ce que j'ai trouvé ne marche pas (le plugin swichta qui change le thème personnel et que j'ai laissé juste pour quelques jours mais qui m'a bien foutu la zone en mélangeant les thèmes !).

Il fallait adapter le blog aux mobiles qui deviennent majoritaires et cela m'a demandé un temps incroyable pour finalement choisir une version (à base de GeneratePress) très proche de la précédente présentation avec une barre latérale qui est rejetée à la fin de page sur les mobiles. J'ai développé aussi (difficilement) une version plus adaptée aux mobiles (à base de Chaplin) mais je trouve le blog assez lisible ainsi sur les mobiles pour ne pas être obligé d'utiliser un autre thème (pour l'instant, je le ferais peut-être ?).

J'avais testé d'autres thèmes, la plupart sans barre latérale à cause des écrans mobiles trop petits, ce que je trouvais gênant quand on est sur ordi. Le dernier thème de wordpress (TwentyTwenty) m'a paru trop difficilement modifiable ou il fallait en passer par des plugins payants. Il y a en effet pas mal de nouveautés depuis les 10 ans de la version précédente qui rendent à la fois l'adaptation plus facile pour un nombre limité d'options proposées, et plus difficile si on veut intervenir directement sur les fichiers eux-mêmes. Des plugins offrent plus d'options mais sont payants pour les plus intéressantes... La plus grande nouveauté est l'éditeur de blocs mais je ne l'ai pas encore utilisé. Ce qu'il y a de bien avec l'informatique, c'est qu'il faut tout réapprendre à chaque fois, les compétences acquises auparavant ne servent plus à rien (ou presque) !

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La vérité des religions

Temps de lecture : 26 minutes

- Permanence et diversité des religions

Les religions sont une réalité massive impossible à ignorer puisque correspondant à un stade décisif de notre développement cognitif au même titre que les mythes. C'est d'abord en effet le produit du langage narratif, de sa grammaire permettant le récit du passé et se substituant au langage simplement phonétique qu'on peut dire encore animal, ne servant que de signal ou de désignation (nomination). Ce n'est pas qu'il était impossible avant de représenter des scènes de chasse en combinant images et gestes, mais le langage narratif ouvre au foisonnement des récits et de leurs univers parallèles, récits du lointain ou de l'invisible, monde du sacré opposé au monde profane (visible, matériel, immédiat), mais faisant exister un monde commun qui est un monde de l'esprit, de la culture, avec un langage commun à des groupes élargis qui en assurent la pérennité et la complexification. C'est sans doute la véritable fondation de notre humanité, plus que l'outil - et bien plus récemment, un peu plus de 100 000 ans sans doute jusqu'à 40 000 ans pour Alain Testart car il se produit une "explosion de la communication à l'aide de symboles vers 38000/35000" (Avant l'histoire, p234). Ainsi, société, culture et religion ("l’état théologique ou fictif") seraient indissociables à partir d'un certain stade pour des êtres parlants qui se racontent des histoires.

Il n'est pas si facile en tout cas de se débarrasser des religions comme l'espéraient les républicains rationalistes et les marxistes - assimilant la religion à l'opium du peuple et l'oppression des dominés par le clergé mais qui auront vu le retour stupéfiant, comme si de rien n'était, de la religion orthodoxe en Russie après plus de 70 ans d'athéisme pourtant (il faut dire que la religion y était remplacée par le dogmatisme du marxisme-léninisme stalinien servant d'idéologie commune). Il ne faut pas se fier à notre France déchristianisée et son improbable laïcité républicaine, héritière de nos guerres de religions. Car les religions sont diverses et se tolèrent mal entre elles, servant de marqueurs identitaires. Il n'a pas manqué de tentatives de les réconcilier ni de déclarations oecuméniques, mais l'exemple de Leibniz montre qu'à vouloir réconcilier protestants et catholiques on n'arrive qu'à se faire détester des deux camps car on ne marchande pas avec la vérité, du moins avec ce qu'on croit tel et constitué en conviction "profonde" inébranlable, existentielle.

De même, ce qui fait obstacle à la récupération des religions par le rationalisme qui prétend en incarner la vérité, c'est le fait qu'elles touchent à la vérité justement et sont liées à des groupes sociaux, des civilisations. "La religion est le lieu où un peuple se donne la définition de ce qu'il tient pour le Vrai" Hegel, p151. Il est significatif que cette récupération par des athées endurcis se formule presque de la même façon chez Auguste Comte, Durkheim ou Alain, débutant par la proclamation que toutes les religions sont vraies pour en donner des explications scientifiques assez différentes mais qui ratent l'essentiel.

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La fin de la philosophie

Temps de lecture : 20 minutes  ni sagesse ni savoir absolu ni surhomme
Les éléments d'une philosophie écologique que je viens de rassembler ont toute l'apparence d'une philosophie (écologique, dualiste matière/information) et prolongeant l'histoire de la philosophie (Hegel, Marx, etc). Pourtant, je me suis senti très souvent obligé de préciser qu'on pouvait contester que cette philosophie sans consolation soit encore de la philosophie car ne promettant aucune sagesse et plutôt nouvelle version d'une vision scientifique du monde qui est souci écologique, conformément à l'époque, et qui ne procède pas d'un philosophe particulier ni d'un système a priori mais de résultats scientifiques pouvant toujours être remis en cause par l'expérience, après-coup.

On serait donc bien dans la fin de la philosophie au sens que lui donne Heidegger pour qui "Fin de la philosophie signifie : début de la civilisation mondiale en tant qu'elle prend base dans la pensée de l'occident européen. La fin de la philosophie au sens de sa ramification en sciences" (Questions IV p118). Ce point de vue "positiviste" vide toujours plus la philosophie de substance au profit des diverses sciences, poursuivant la déconstruction des philosophies idéalistes et de leurs illusions, y compris le matérialisme dogmatisé du marxisme prouvant qu'il ne suffit pas de se vouloir scientifique (car sans Dieu) pour l'être et ne pas tomber dans un nouveau dogmatisme idéaliste. C'est la leçon de l'histoire, raison pour laquelle il y a une histoire nous faisant avancer quoiqu'on dise. Tant que nous ferons des erreurs et que nous aurons des illusions sur la réalité, il y aura donc toujours une histoire de la philosophie mais qu'on pourrait considérer malgré tout comme une sortie de la philosophie et de la métaphysique. Nous serions ainsi dans l'histoire, qui n'est pas finie, de la fin de la philosophie absorbée par les sciences, et se réduisant finalement à la morale, à l'éthique comme philosophie première (Lévinas).

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