Relocalisation, mode d’emploi

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La relocalisation économique et politique se trouve au coeur de l'écologie-politique et ceci, non pas tant pour économiser de l'énergie, comme le croient ceux qui réduisent la question écologique à celle de l'énergie, mais bien pour équilibrer la globalisation marchande et préserver notre milieu, notre qualité de vie, nos échanges humains, pour réhabiter notre territoire enfin, en traduisant une pensée globale en agir local.

La relocalisation n'a pas les inconvénients d'un protectionnisme national ou européen qui pour être en partie nécessaire ne peut aller trop loin désormais au risque d'attiser les conflits. On peut donc s'étonner qu'on ne parle pas plus de relocalisation alors qu'elle constitue une composante essentielle de la sortie de crise et devrait être centrale au moins dans les programmes écologistes. On aimerait effectivement que les partis écologistes proposent les voies d'une véritable alternative et ne se contentent pas de vouloir accumuler des contraintes et des mesures isolées sensées réduire un productivisme qu'on sait pourtant consubstantiel au capitalisme, ne pouvant absolument pas se passer de croissance !

Changer de système de production

Encore faut-il savoir comment arriver à une relocalisation qui marche ainsi qu'à une sortie du productivisme salarial. Il ne s'agit pas simplement de grands mots ou de petits gestes, ni de prendre ses désirs pour la réalité, mais de nouveaux rapports de production qui doivent faire système et s'adapter aux nouvelles forces productives immatérielles (c'est le travail qui est devenu immatériel bien plus que les produits dont une bonne part reste évidemment matérielle).

Essayer de penser l'après-capitalisme n'est pas s'imaginer que son dépassement puisse être immédiat, comme s'il suffisait d'en prendre le contrôle pour que tout change alors que l'infrastructure resterait inchangée. Il ne peut y avoir de métamorphose immédiate que dans la politique ou les représentations alors que l'inertie matérielle est considérable dans l'économie. Un changement de système de production a besoin de temps pour se construire en suivant sa propre logique avant de pouvoir monter en puissance, tout comme l'économie de marché s'est développée d'abord dans les villes franches de la féodalité. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, c'est donc localement qu'il faut se donner les moyens de sortir du capitalisme et d'adopter un autre mode de travail.

Si André Gorz a pu diagnostiquer avec raison que la sortie du capitalisme avait déjà commencé, c'est sur ce temps long de l'histoire et sous la pression des nouvelles forces productives immatérielles. Nous devons cependant organiser cet exode de la société salariale qui nous condamne sinon à une précarité grandissante. Nous devons essayer de tirer parti de transformations qui se font contre nous si elles ne se font pas avec nous. Heureusement, la relocalisation peut commencer immédiatement, c'est le bon côté du fait qu'il n'y a que des alternatives locales à la globalisation marchande !

Il y a différentes temporalités et si la sortie de crise, qui n'est pas pour demain, ne sera certes pas la fin du capitalisme, cela devrait être tout de même l'occasion d'une large restructuration de l'organisation productive et des protections sociales, comme en 1946 après la terrible crise des années 1930. Le capitalisme ne disparaitra donc pas du jour au lendemain mais il devrait revenir à un régime plus social, comme pendant les 30 glorieuses, et surtout bien plus écologique cette fois. C'est même sans doute l'écologie, la fin du pétrole et le dérèglement climatique qui devraient relancer le capitalisme industriel et les grands travaux d'infrastructure avec le développement des pays les plus peuplés. On ne peut réduire pour autant nos perspectives à ce capitalisme repeint en vert, notamment pour la production immatérielle. Il faudra donc profiter de la crise pour mettre en place les conditions d'une sortie du productivisme et du salariat (relocalisation et travail autonome),

Alors que l'absence de réelle alternative a pu susciter toutes sortes d'utopies et de discours idéalistes qui ne font que décrédibiliser l'écologie, il faut essayer d'avoir une représentation concrète de ce que pourrait être un système de production relocalisé dans une économie ouverte et plurielle, afin d'en éprouver toutes les potentialités et les limites. Il s'agit d'évaluer les options qu'il nous reste, les possibilités réelles de la situation mais surtout de les traduire en propositions pratiques. A l'opposé d'une approche technocratique, il s'agit bien de continuer les luttes pour l'émancipation, la justice et la solidarité sans répéter les erreurs du passé mais en tenant compte du nouveau contexte écologique et technologique.

Contexte

Il est bien difficile de hiérarchiser les problèmes comme de faire une évaluation de leur gravité effective. L'extrémisme consistant à noircir le tableau est aussi irresponsable que les inconscients qui minimisent les risques. Tout miser sur le manque d'énergie, c'est n'avoir plus rien à dire si ce n'est pas l'énergie qui manque ! Bien sûr on ne peut avoir aucune certitude sur notre avenir mais on ne se situe pas ici dans l'hypothèse bien peu probable d'une fin catastrophique du capitalisme, qui en a vu d'autres, ni d'une pénurie énergétique générale, encore moins d'une régression aux stades pré-industriels ou pré-numériques auxquels certains voudraient croire.

Nous ne manquerons pas d'énergie, malgré ce qu'on nous serine, sauf dans une période d'adaptation peut-être, mais l'énergie sera peut-être un peu plus chère, une flambée est même probable si la croissance revenait. Cela pourrait participer à limiter les transports mais il le faudra surtout pour réduire les gaz à effet de serre et, à cet égard, il y a encore bien trop de pétrole et de charbon ! Il faut souhaiter l'augmentation du prix des énergies non renouvelables mais après une période d'adaptation plus ou moins longue, le coût de l'énergie devrait s'orienter de nouveau à la baisse. Répétons-le, s'il faut relocaliser l'économie, ce n'est pas seulement pour ces questions énergétiques, c'est pour des raisons écologiques bien plus larges !

La crise est loin d'être terminée et il est illusoire de s'imaginer que tout pourrait repartir comme avant. On ne reviendra pas aux années folles d'un capitalisme financier vivant sur le crédit et la spéculation, ce n'est pas pour autant la fin d'un système qui en a vu d'autres et repart d'autant mieux sur un champ de ruines. On assiste plutôt (de G8 en G20, etc.) au renforcement de la globalisation marchande et d'une sorte de gouvernement mondial qui est en formation surtout depuis l'effondrement du communisme (OMC, conférences sur le climat, TPI, etc). L'unification du monde n'est certes pas achevée, ce n'est pas la fin de l'histoire. Il y aura encore du chemin à parcourir et bien d'autres crises sans doute avant qu'on puisse compter sur une véritable gouvernance mondiale mais il serait déraisonnable de penser que la globalisation puisse ne pas être irréversible et qu'on revienne aux bons vieux Etats-Nations, taillés pour la guerre. On ne peut compter non plus sur une Europe, devenue ingérable, même pour protéger son "marché intérieur", les nations vidées de leur substance restant malgré tout les instances de redistribution par l'impôt.

Il n'y a ni écosocialisme dans un seul pays ni écosocialisme mondial à espérer, ce qui laisse bien peu d'espoir semble-t-il mais, si un autre monde est possible pourtant, c'est en partant du niveau local avec des circuits alternatifs, dans le cadre donc d'une économie plurielle, ce que certains pays d'Amérique latine commencent à comprendre. L'économie a toujours été plurielle, au moins une économie mixte combinant les sphères publiques, privées et familiales auxquels se sont ajoutées les associations, fondations et tout ce qu'on a regroupé sous le terme de "tiers secteur". Il s'agit d'y ajouter un niveau local soustrait au marché mondial, sans avoir besoin de barrières douanières ni vouloir abolir le marché.

L'économie plurielle implique qu'il n'y aura pas de disparition immédiate du capitalisme mais qu'il faut en organiser une sortie civilisée, c'est-à-dire progressive. En se concentrant sur la relocalisation, on ne s'attardera pas ici sur les transformation du capitalisme lui-même, qui devrait se cantonner à une industrie de plus en plus automatisée, ni à la nouvelle économie numérique qui se met en place, économie de valorisation (des travailleurs et de la gratuité numérique).

Bien sûr, même si on ne peut s'en passer, agriculture et industrie devront se reconvertir à des pratiques plus écologiquement soutenables, ce qui est un défi considérable. Les technologies numériques aussi consomment des ressources. Dès lors qu'elles sont généralisées, il faut absolument se préoccuper de leur soutenabilité mais elles font néanmoins partie de la solution plus que du problème, aussi bien en optimisant les régulations (énergétiques entre autres) qu'en dématérialisant une part de la production et des transports (il faudrait banaliser beaucoup plus télétravail, téléconférences, téléachats). Les réseaux numériques font certes parti des acteurs principaux de la mondialisation et de la déterritorialisation mais tout autant de la conscience écologique planétaire. Il ne faut pas négliger non plus leurs potentialités décentralisatrices, favorisant donc la relocalisation ainsi que la constitution de réseaux alternatifs. On ne va pas revenir en arrière et abolir l'informatique de la Terre entière ni les téléphones portables, pas plus que l'industrie ! C'est perdre son temps que d'entretenir de telles illusions. Pas d'autre choix que d'en tirer le meilleur parti, en évitant le pire.

Objectif

On peut regretter qu'André Gorz soit encore trop méconnu des écologistes eux-mêmes car non seulement il est à peu près le seul qui ait su dessiner les voies de l'alternative pour sortir du capitalisme, après l'échec d'une prétendue appropriation collective des moyens de production, mais surtout il avait su clarifier dès le début ce que devaient être les objectifs d'une véritable écologie-politique, ses enjeux politiques contre un catastrophisme qui nous dicterait sa loi. Dans son texte inaugural "Leur écologie et la nôtre", il prend le parti d'une écologie émancipatrice en opposition frontale aux tendances autoritaires, technocratiques ou marchandes de l'écologie, rejetant expertocratie, écofascisme, contrôle des populations aussi bien que société de marché. Il y a bien sûr des écologies de droite, qu'il faut combattre activement !

L'objectif ne peut être de nous sauver à tout prix (notamment au prix de nos libertés), ni une société idéale avec une harmonie naturelle retrouvée encore moins une utopie totalitaire imposant un même mode de vie communautaire à tout le monde. Bien sûr, il faut encourager ceux qui veulent vivre de façon naturelle, au moins le rendre possible mais pas vouloir l'imposer à quiconque. L'objectif reste de rendre compatible la défense de notre autonomie avec les contraintes écologiques, de réduire autant que possible les consommations matérielles tout en améliorant notre qualité de vie. Ce n'est pas par des préceptes moraux, des réglementations, des rationnements, des taxes qu'on pourra changer fondamentalement nos consommations et le fonctionnement du système mais seulement grâce à un système de production relocalisé et plus adapté au travail immatériel, basé sur le développement humain, la pluralité des fins légitimes et le travail autonome. Ce n'est qu'en changeant la production et le travail lui-même qu'on peut changer la vie et l'essentiel de nos consommations.

C'est au nom de cet objectif d'une émancipation du travailleur d'un salariat productiviste, plus que d'une pression sur le consommateur, qu'André Gorz a pu dessiner des alternatives locales avec les principaux dispositifs de la relocalisation qu'il n'a certes pas inventés mais seulement rassemblés (parfois après les avoir combattus comme le revenu garanti) dans "Misères du présent, richesse du possible" où il leur donne toute leur cohérence. C'est la leçon de toute une vie dédiée à l'écologie et l'analyse du travail mais qui intègre les derniers bouleversement de la production immatérielle. Venu aussi bien du marxisme que de l'existentialisme, il a réussi à donner une toute autre vision d'un écosocialisme à visage humain, basé sur le local et qu'on peut voir comme un retour de la fédération et des communes à l'ère du numérique mais qui s'incarne dans 3 dispositifs principaux : distribution, production, circulation.

Revenu garanti, coopératives municipales et monnaies locales

Le premier instrument de la relocalisation de l'économie, ce sont les monnaies locales. Bien sûr une monnaie locale ne peut être qu'une monnaie complémentaire à la devise européenne, ne pouvant avoir l'ambition d'être une monnaie unique, pas plus que la relocalisation ne peut signifier une impossible autarcie. La monnaie locale vise uniquement à favoriser les échanges de proximité permettant de soustraire les prestations locales à la TVA qui fonctionne alors comme droit de douane pour les importations marchandes. Cela n'empêche pas d'encourager aussi les échanges non marchands, tout ne doit pas être monétisé, mais les monnaies locales visent à s'étendre à une part significative de l'activité économique locale. Non seulement cela s'avérerait fort utile en cas de désordres monétaires (imminents) mais il ne saurait y avoir une relocalisation digne de ce nom sans monnaie locale, c'est le premier point (même si cela paraît surréaliste à l'heure de l'Euro) : pas de pouvoir économique (local) sans pouvoir monétaire !

Il ne s'agit pas de tomber dans un nouveau monétarisme ne se préoccupant que de la circulation, il faut s'occuper évidemment en priorité de la production elle-même. Le deuxième instrument de la relocalisation, c'est des coopératives municipales organisant les échanges de proximité et les coopérations locales. Leur fonction ne saurait se limiter aux échanges alors que leur rôle doit être de fournir des moyens de production, de réparation, de recyclage et d'être les véritables institutions du développement humain comme développement des compétences et de l'autonomie de chacun. On devrait y trouver des ateliers de fabrication, y compris avec les instruments numériques disponibles comme des imprimantes 3D qui peuvent favoriser l'auto-production et la fourniture de pièces détachées, entre autres. Inspiré de Murray Bookchin, le caractère municipal de ces coopératives constitue une propriété publique locale (comparable à une nationalisation), propriété collective nécessaire pour soustraire cette production locale au marché concurrentiel et à son productivisme. Sans une telle structure productive, la relocalisation resterait marginale, c'est donc un enjeu essentiel (mais difficile comme toute entreprise). Il faut que la municipalité s'y engage en la dotant des moyens nécessaires pour assurer ses missions.

Un système de production ne se limite pas à la circulation et la production mais se caractérise aussi par la distribution des revenus et la répartition des richesses. Pour qu'une majorité de travailleurs puissent se passer de trouver un emploi salarié dans des entreprises capitalistes mues par le seul profit, il faut qu'ils aient un revenu garanti, revenu assuré éventuellement par la coopérative municipale mais c'est là où le local n'est pas suffisant et doit bénéficier d'une solidarité nationale. Le localisme n'est pas le repli sur soi, ni la négation de nos appartenances à des ensembles plus larges, tout au contraire, ce qui s'exprime au niveau de la redistribution, des impôts, des services publics et des réseaux nationaux (sans parler de l'intégration au marché qui reste effective pour les produits industriels au moins). Même si coopérative municipale et monnaie locale paraissent encore très exotiques, leur mise ne place peut être assez rapide à un niveau strictement local, il n'en est pas de même du revenu garanti qui devra être obtenu au niveau national (voire européen?), par des luttes sociales et politiques. C'est le point nodal de l'anti-productivisme sur lequel il faudrait porter nos revendications nationales car sans revenu garanti il ne peut y avoir de production non concurrentielle. Ce n'est pas un revenu destiné à la consommation passive de marchandises mais qui doit permettre travail autonome et production locale hors de la pression du marché, ceci afin de se substituer à une part de plus en plus grande de la production marchande (même si c'est une part seulement). Heureusement, et bien qu'elle rencontre toutes sortes de résistances, c'est une revendication qui progresse petit à petit au sein du mouvement social devant la montée de la précarité et de l'intermittence. Un revenu garanti suffisant est indispensable au moins pour améliorer le rapport de force salarial et pouvoir arrêter la dégradation du droit du travail en refusant des emplois sous-payés (ce serait un "revenu de résistance", le contraire du RSA!).

Ces mesures ne doivent pas être isolées : il ne suffit pas d'un revenu garanti s'il n'y a pas les structures de valorisation des compétences locales. Revenu garanti et coopératives municipales permettent de sortir du salariat et de passer du travail forcé au travail choisi ou travail autonome, brisant la dépendance entre producteur et consommateur, salariat et société de consommation (où la baisse des consommations et de la croissance met le travailleur au chômage). De l'autre côté, coopératives et monnaies locales permettent de trouver des débouchés locaux à cette production locale en se soustrayant, en partie du moins, au marché global. Le revenu garanti ne peut être entièrement en monnaie locale puisque tout n'est pas produit localement mais il pourrait l'être pour un tiers peut-être ? En tout cas, ces dispositifs complémentaires dessinent un tout autre système de production, bien moins productiviste et plus écologique, recentré sur le développement de l'autonomie et la valorisation des compétences ainsi que le vivre ensemble et les rapports de face à face. Tout cela sans revenir en arrière pour autant, ni augmenter les contraintes mais en libérant au contraire les potentialités des individus et leur capacité d'initiative.

Le revenu garanti constitue le point faible de ces mesures indissociables mais en attendant qu'il devienne une revendication phare des mouvements sociaux, on peut s'appuyer sur les dispositifs existants (car le revenu garanti existe presque, même s'il est très insuffisant, éclaté en une multitude de prestations : retraite, chômage, maladie, allocations familiales, revenu minimum, formations, etc.). Plutôt que de rêver à des transformations radicales au niveau global, on peut dès maintenant créer des monnaies locales (avec le SOL) et des coopératives municipales pour mettre en place sans attendre de nouvelles pratiques dont on ne peut attendre des miracles mais qui pourront s'étendre assez rapidement quand elles auront fait leurs preuves.

On peut discuter pour savoir si ce serait assez radical et à la hauteur des défis du temps, c'est du moins par là qu'il faut commencer, la relocalisation étant indispensable de toutes façons et n'étant pas aussi utopique qu'il y paraît, beaucoup moins en tout cas que bien des projets sensés nous sortir magiquement de la crise économique, sociale, écologique. Il ne s'agit pas de tout relocaliser, répétons-le, mais seulement de briser la dépendance entre emploi et croissance ainsi que de revenir à une échelle humaine en donnant un cadre à une relocalisation de la production, au développement du travail autonome et des échanges de proximité (jardins bios, artisanat, réparations, formation, création, services, etc.). Ce n'est qu'un point de départ à partir duquel tout reste à faire, à inventer, à expérimenter. S'il s'agit bien de transformer activement notre environnement et de se réappropier notre vie, impossible de s'imaginer un monde parfait à ce niveau local. Le plus grand des réalismes est de mise avec nos voisins de la Commune, obligés de tenir compte de tous dans un renouveau de la démocratie de face à face (au lieu de rester dans l'entre-nous communautaire).

Après la sensibilisation et la propagande, il faudra bien passer à l'action, il y a urgence, et plutôt que de se réfugier dans un extrémisme contre-productif, il faut se persuader que la relocalisation est l'urgence du moment, la seule façon de sortir du capitalisme et de changer le monde sans tomber dans la barbarie. Il est certain malgré tout que ces propositions paraissent trop utopiques, y compris la réactivation de la démocratie locale par quoi tout commence. Surtout, elles ne sont pas du tout dans la ligne des revendications actuelles. C'est le genre de solutions qui ne s'imposent, hélas, qu'une fois que toutes les autres prétendues solutions ont raté, tellement plus simples ou plus exaltantes que ce retour au réel, à la vie locale et aux rapports humains ordinaires ! Heureusement, il y a malgré tout déjà un peu partout dans le monde quelques tentatives d'aller dans ce sens, comme les transition towns qui doivent être radicalisées, mais on n'est qu'au début d'une ère nouvelle qui a bien du mal à émerger et que la crise pourrait aider à naître, l'ère de l'information, de l'écologie et du développement humain où nous pourrons peut-être apprendre à réhabiter notre territoire et nous réapproprier notre travail comme notre propre vie.

(EcoRev' no 33, Penser l'après capitalisme avec André Gorz)

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15 réflexions au sujet de “Relocalisation, mode d’emploi”

  1. Si je comprends bien la relocalisation implique des unités de production de taille artisanale

    N'est ce pas faire un grand pas en arrière dans la productivité ? Est ce que 2 ou 3 usines spécialisées sur tous le territoire ne valent pas mieux que des cohortes d'ateliers dispersés ? Ou alors ces ensembles de production locale ne sont réservés qu'au travail cognitif ?

    Comment gérer des ensembles comme la sidérurgie et toutes les industries qui en découlent ? Bref comment gérer (avec quel système) les contraintes/besoins collectifs ?

  2. Il n'est pas question de refaire l'erreur de vouloir relocaliser la production d'acier comme les Chinois en ont fait l'amère expérience. J'insiste sur le fait qu'on se situe dans le cadre d'une économie plurielle où l'industrie ne disparait pas mais emploie de moins en moins de salariés. La relocalisation s'appuie sur le fait que le travail devient de plus en plus autonome et immatériel à mesure que le niveau de formation s'élève mais aussi, sur le fait qu'il faut réduire nos consommations et donc, effectivement "faire un grand pas en arrière dans la productivité" à condition que ce soit pour un travail choisi, épanouissant et valorisant. La perte de productivité d'une production locale est en partie compensée par le raccourcissement des circuits et l'absence de TVA mais il ne s'agit pas de tout relocaliser. Dans certains domaines, créatifs, small is beautiful, il faut encourager l'agriculture locale et l'artisanat mais on ne va pas construire sa propre voiture ni même son vélo ! Il s'agit de briser la dépendance entre emploi et croissance, pas de s'enfermer dans le local et une impossible autarcie. Je le souligne dans le texte (je viens d'en rajouter une couche) mais il est bien difficile de penser une économie plurielle, on généralise trop facilement!

  3. On en avait déjà parlé. C'est une des nombreuses initiatives qui témoignent de l'insistance de la revendication d'un revenu d'existence même si la faiblesse de ces positions, c'est de trop attendre d'une mesure isolée et de ne pas s'inscrire dans une véritable alternative ce qui peut favoriser les versions libérales d'un revenu d'existence insuffisant qui pourrait avoir l'effet inverse que voulu. Le plus gros défaut c'est de faire du coup du revenu d'existence une charge alors que cela devrait être un investissement, qu'il ne devrait pas servir à consommer seulement mais à produire.

  4. Bravo pour cet article qui dessine à la fois le chemin et le but.

    Déjà impliqué dans la promotion du revenu d'existence (http://www.revenu-existence.org/) et des monnaies complémentaires (http://www.katao.fr/) dans le Tarn et Garonne, et membre d'une coopérative d'activités et d'emploi (http://www.ozon82.com)
    je suis très intéressé par l'idée des coopératives municipales.
    Avez-vous plus d'infos pratiques sur des expériences de ce type (organisation, activités, mise en place, gouvernance...).
    Merci

  5. Il y a bien sûr toutes sortes d'expériences de coopératives, de monnaies locales et même de revenu d'existence mais il n'y a pas encore eu de synergie entre ces dispositifs, ni de coopératives municipales telles qu'envisagées ici, même si certains essayent de trouver des municipalités intéressées, sans succès jusqu'ici. Tout est à inventer localement, ce n'est pas facile et je ne peux me présenter comme un expert en la matière me contentant d'essayer d'en dégager les missions et les potentialités dans mes textes, notamment sur le wiki consacré aux coopératives municipales :
    http://jeanzin.free.fr/wiki/

  6. moi j'ai quand même le sentiment que pour toutes ces propositions , il semble que les acteurs succeptibles de les mettre en place , ou du moins les porter , ne sont pas au rendez vous . et c'est sans doute pas faute d'avoir chercher à convaicre et entrainer les foules , mais ça n'interresse pratiquement personne . c'est là qu'il y a un réel problème d'éducation . éducation populaire pour le citoyen , formation et sensibilisation pour les élus . l'éducartio populaire pour le moment ça n'interresse personne , et la formation des élus est déjà assurée par des structure réellement contre révolutionnaire et il est bien imprudent ( au risuqe de passer pour le dernier des salauds ) de remettre en question se triste monopole sur la cervelle politicienne ....

    et puis les municipalités ne sont jamais interressé par le projet de coopérative municipales . pour beaucoup le développement local , ça passe par le sport ou le tourisme ( patrimoine, ... ) et il ne reste pas d'argent pour le reste . il est sans doute bien utopique de penser qu'on en finira avec la démagogie locale qui préfère consacrer des fortunes pour le club de foot local ( en pensant hypocritement que c'est une école de la vie ) plutôt que pour la construction d'une intelligence collective .

    il y a aussi une difficulté institutionnelle : si dans les villes moyennes l'échelle de la municipalité est pertinente , et correspond à un échellon administratif relativement identifiable et concerné par le suffrage universel direct, , pour le reste ( communauté de commune, quartiers) ce n'est pas le cas . et si la démocratie municipale est très improbale , sur les autres echelons c'est encore pire . donc je pense qu'il faut une reforme des collectivités territoriales pour leur attribuer cette mission de relocalisation de l'économie et des fond pour assurer cette mission . dans le cadre d'un plan de relance peut être .

    le plus difficil c'est d'arriver après 30 ans de contre révolution préventives ou tout a été rationalisé , optimisé pour que n'arrive surtout pas ce qu'il va bien falloir qu'il arrive . cela me fait penser à l'affaire des bébés congelés dans l'affaire de véronique courgeot, ce que nous voyons sur le terrain c'est un déni de grossesse.

    on aurait meilleur compte de montrer dans cette société qui ne parle que de travail ( celui ci faisant office d'une seconde noblesse ) à quel point on empèche les gens de travailler . tu as un emploi , alors tu n'as pas de travail . tu as un travail mais tu n'auras jamais d'empoi . il faut voir à quel point le fait de voiloir réellement travailler est devenu plus que suicidaire .

  7. C'est effectivement très difficile d'arriver à convaincre de s'engager dans une aventure aussi ambitieuse. Je le dis dans l'article et ne me fais aucune illusion sur le fait que cela paraisse trop utopique et loin des préoccupations actuelles.

    Je dois dire que je ne suis moi-même pas très convaincu de la faisabilité, simplement je ne vois pas d'autres issues (et cela devient plus crédible à mesure que le temps passe et non le contraire). Si c'était si facile je le ferais déjà ici mais il semble presque certain que, sauf situation locale favorable, il faudra une situation catastrophique comme en Argentine pour convaincre de s'y engager alors que l'échec est assuré si l'engagement n'est pas assez fort (il ne sert à rien de vouloir forcer la main). Par contre, une fois la réussite du projet prouvée, sa généralisation pourrait être assez rapide. C'est comme toujours le premier pas qui est difficile (mais exaltant).

    Comme je suis matérialiste, je ne crois pas que ce soit en faisant de la propagande intensive qu'on pourra faire avancer la question mais seulement en constituant la réponse que la situation appelle (ce n'est pas une question de bonnes intentions, ni d'idéologie). Il faut du temps, hélas, ce qui nous met en souffrance. En attendant, aucune façon de se distinguer de tous les délires ambiants. Il est bien plus convaincant de dire qu'on va faire payer les riches et pendre les voleurs, avant de s'apercevoir que ça ne change rien ou si peu au fonctionnement du système...

    Il est exact qu'il faudrait réajuster le niveau municipal en fonction de la population (ce qu'on a appelé un "pays"), cela fait partie des innombrables problèmes qu'il y aura à régler mais pour débuter une ville moyenne est plus indiquée (le plus facile sans doute étant une ville touristique avec une grande différence d'activités en saison creuse).

    Le bon côté de la situation, c'est que les salariés qui perdent leur emploi ne pensent pas pouvoir en retrouver (ce qui les rend violents), donc ils ne traiteront plus les chômeurs de feignants et le travail autonome va se développer (y compris chez les jeunes retraités). Selon une bonne dialectique, l'aggravation de la situation générale est aussi une amélioration de notre situation de précaire devenue commune. Nous ne serons plus tout seuls au moins !

  8. Un vrai casse tête effectivement ! de passer d'un monde à un autre...."Le Pays" est je pense un échelon intéressant parce qu'il inclut les communes (la proximité) et introduit la notion de territoire ,donc de lieu ,donc de local et aussi de global puisque le territoire est transversal et suceptible d'acueillir la notion de projet collectif .
    Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit : passer d'un monde système à un monde construit.Et construit autour du local ; passer d'un monde à exploiter à un monde à organiser ,à aménager ,un monde à vivre.

    Le pays est une entité dans l'institution qui accueille les contrats de développement régionaux et revendique officiellement un objectif de construction d'un avenir local durable ; des élus , des chargés de missions et des citoyens réunis dans les "Conseils Locaux de Développement ".

    C'est à mon avis par là qu'il faut chercher "à passer" .
    Il faut rentrer dans les conseils locaux citoyens et pousser dans le sens de la relocalisation ; ça ne résoud pas la difficulté mais ç'est d'après moi là qu'il faut s'inscrire.

  9. Ce qui se passe en Californie au bord de la faillite est assez intéressant, pour trouver des finances l'état envisage de taxer le cannabis pour usage thérapeutique mais également de le légaliser tout simplement.

    Ce serait une façon aussi de contrer les pertes économiques liées au trafic illégal.
    Un exemple de mesures qu'on aurait difficilement envisagé en dehors d'un contexte de crise grave.

  10. L'usage thérapeutique est déjà taxé. La crise de 1929 aussi avait été l'occasion d'arrêter la prohibition ("arrêter la guerre contre la population" disait Roosvelt) mais là, normalement, la légalisation est impossible à cause des traités internationaux imposés par les Etats-Unis (à l'origine pour réprimer les noirs surtout) et qui bloquent les évolutions (comme en Hollande qui sont obligés de biaiser). On peut dire que l'émergence des pays arabes rend aussi impossible la prohibition du cannabis que la prohibition de l'alcool dans les pays occidentaux. De toutes façons ce qui condamne la prohibition c'est qu'elle échoue inévitablement et comme le cannabis est la moins dangereuse des drogues c'est juste criminel (et criminalisant) de continuer à l'interdire. Heureusement, la réalité finit toujours par s'imposer, après beaucoup de souffrances inutiles, hélas... (ceci pour la raison qu'il faut expérimenter cet échec, sinon on peut toujours croire qu'on est coupable de ne pas le faire, conséquence là encore de l'absence de garantie de la vérité, cause de tant de violences "bien attentionnées" comme toujours, c'est le bien la cause du mal)

  11. L'article est : http://www.lemonde.fr/ameriques/art...

    Il y est envisagé une réforme de la constitution, au niveau fédéral ?

    Le fait est que les périodes difficiles stimulent les désirs de changement.

    Concernant les drogues, j'avais été presque qualifié d'assassin lorsque je donnais mon point de vue à des étudiants en médecine d'une vingtaine d'année. Pourtant, j'étais modéré en préconisant un usage modéré et adapté au cas de chacun, dose, molécule, avec un accompagnement sous forme de conseil et discussion des effets.

    Le problème de la drogue me fait penser à celui du racisme, la recherche d'une pureté chimique, donc pas de molécules, surtout celles altérant temporairement la conscience, forme de subversivité. Comme il y aurait une subversion de la race par le métissage.

    Il est vrai que les quelques excès des années 68 mis médiatiquement en exergue selon le mode des overdoses n'a pas aidé à assumer leur usage, disons, raisonnable.

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