Une discussion ces jours-ci sur mes critiques des conceptions de l'entropie de Leonard Susskind m'a fait replonger dans les textes que j'y avais consacrés depuis un certain temps, ce pourquoi je les ai regroupés.
L'entropie est sans doute la loi la plus fondamentale de l'univers et d'une certaine façon la plus simple mais aussi une des plus mal comprise, faisant en tout cas l'objet de grandes polémiques entre physiciens, étant reliée à l'irréversibilité du temps et à l'information.
Il y a effectivement une contradiction à la base : si l'entropie ne peut qu'augmenter il devient difficile d'expliquer son point de départ supposé d'entropie minimale, problème auquel se heurtent par exemple les théories du Big Bang comme rebond d'un univers précédent ou d'un trou noir. La difficulté, c'est que l'entropie est relative (et si on peut fixer arbitrairement le minimum d'entropie au zéro absolu figeant les mouvements, il n'y a pas d'entropie maximum juste des situations d'équilibre) mais c'est aussi que la source principale de l'entropie n'est pas une loi déterministe, seulement probabiliste, la réduction de l'entropie n'étant pas impossible, simplement très rare (ou par l'apport d'énergie).
Il ne me semble pas cependant que cette entropie thermodynamique soit la seule forme d'entropie. Il y a aussi une entropie dans l'interaction, la transformation de l'énergie et la décohérence au moins ou l'effondrement de la fonction d'ondes.
Ce sont ces questions que j'examine dans les textes rassemblés.
Cette annexe du "Monde de l'information" sur l'entropie se veut pédagogique :
- L'entropie (19/07/04)
Le texte suivant est le plus fondamental sur le sujet, remontant à Maxwell :
- L'entropie, l'énergie et l'information (03/07/04)
L'entropie est abordée sous d'autres aspects dans ces autres textes où ce n'est pas le sujet principal :
- Les cordes et les concepts fondamentaux de la physique (09/10/02)
- Temps physique, durée biologique et projet humain (28/11/02)
Sur le blog, il y a surtout mes critiques des conceptions de l'entropie et de l'information de Leonard Susskind (sur lesquelles on m'a fait revenir) :
- Entropie et perte de l’information des trous noirs (15/04/13)
- Une brève sur l'absence de thermodynamique au niveau quantique (23/07/13), ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas d'irréversibilité, tout au contraire.
J'ai ajouté depuis : Les mésusages de l’entropie (24/04/20), critique de l'utilisation de l'entropie par Bernard Stiegler entre autres, ainsi qu'une réflexion sur les rapports entre déterminisme quantique, entropie et liberté (13/12/21).
J'avais abordé la question aussi dans une revue des sciences :
- L'entropie est liée au temps, à son irréversibilité (01/11/10)
Plus douteux, j'ai essayé de pousser l'analogie entre l'énergie et l'entropie :
- L'énergie entropique (06/07/10)
Une note sur le négatif et l'entropie parle plutôt de néguentropie tout comme plusieurs autres textes centrés sur la biologie ou l'écologie.
Pour un avis beaucoup plus autorisé que le mien sur l'entropie, on peut survoler le texte de Cédric Villani "(Ir)réversibilité et entropie" (en pdf), notamment pour ce qui relie la réversibilité microscopique à l'irréversibilité macroscopique :
Non seulement cette irréversibilité macroscopique n’est pas contradictoire avec la réversibilité microscopique, mais elle lui est en fait intimement liée : comme on l’a déjà expliqué, c’est la préservation du volume microscopique dans l’espace des phases qui garantit la non-décroissance de l’entropie. Au reste, comme s’en étonnait déjà L. Carleson en 1979 en examinant des modèles simplifiés de l’équation de Boltzmann, c’est bien quand les paramètres sont ajustés de manière à avoir la réversibilité microscopique, que l’on obtient du même coup le théorème H (d'entropie croissante). A contrario, le phénomène est bien connu dans le contexte de la physique des milieux granulaires : la dynamique microscopique y est dissipative (non réversible), incluant une déperdition d’énergie due aux frottements, et la dynamique macroscopique ne vérifie pas le Théorème H :
[...]
On part d’un récipient avec deux compartiments séparés verticalement, et une ouverture en haut permettant la communication, on remplit les deux compartiments de particules inélastiques en nombre à peu près égal, on agite le tout automatiquement, et peu à peu l’un des compartiments se vide au profit de l’autre. Un principe sous-jacent est que dans le compartiment le plus plein, l’abondance des collisions entraîne par dissipation d’énergie un refroidissement, et les particules sautent moins haut, ce qui rend de plus en plus difficile leur évasion du compartiment plein. On retrouve à cette occasion le principe déjà mentionné selon lequel une dynamique microscopique dissipative (irréversible) ne mène pas forcément à une augmentation de l’entropie, bien au contraire. [Ce serait aussi le cas de la gravité, la diminution de l'entropie se payant d'une perte d'énergie ?]
Il est intéressant aussi de citer l'hypothèse de Carlo Rovelli d'une augmentation de l'entropie uniquement subjective. Ainsi des boules bleues et rouges mélangées ont un désordre et donc une entropie augmentée mais uniquement par rapport aux couleurs et non par rapport à leur forme. De même si l'entropie de l'univers augmente pour nous, ce serait parce que nous sommes des êtres vivants (néguentropiques) en rapport avec l'évolution entropique et dépendants d'un certain ordre cosmique...