L’énergie entropique

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Avoir des "conceptions personnelles" en sciences, cela veut dire presque toujours qu'on se trompe car on est alors dans le dogme, malgré la certitude d'en avoir une "idée claire et distincte". Ce qu'on croit être logique n'est pas assuré pour autant. Une science comme la physique est là-dessus implacable, détruisant les systèmes les plus convaincants et contredisant les déductions les plus évidentes. Du coup, certains s'en croient autorisés à donner crédit aux divagations les plus folles alors qu'il faudrait tout au contraire coller aux faits, sans trop chercher à les interpréter.

Il n'y a pas à s'offusquer du fait que "la science ne pense pas", c'est ce qu'elle doit faire. Newton refusait de devoir donner une explication pour l'action à distance impliquée par la formule de la gravitation dont il constatait simplement l'exactitude (Hypotheses non fingo). Par rapport à Lorentz et Poincaré, l'apport d'Einstein dans la relativité restreinte se limite presque à l'abandon de l'éther, ou plutôt des hypothèses qu'on se croyait obligé de faire à son sujet, osant simplement faire une lecture littérale de la formule de Lorentz. On peut dire que les sciences nous dépouillent de nos préjugés, qu'elles dé-pensent à mesure qu'elles progressent, et loin de confirmer telle ou telle spiritualité contredisent immanquablement le sens qu'on donne naturellement aux choses d'habiter le langage. Bien sûr, on a besoin quand même de faire des hypothèses et d'élaborer des théories pour avancer, pour expérimenter, pour donner sens aux résultats de l'expérience. La cohérence d'ensemble du "modèle standard" est essentielle même si elle subit des restructurations lors des "révolutions scientifiques". C'est toute la difficulté de cette marche en aveugle par essais-erreurs où la cohérence peut être trompeuse et se dogmatiser même si la compréhension d'ensemble finit toujours par évoluer pour tenir compte des faits malgré les résistances à ce qui est vécu comme une perte de sens. Les hypothèses scientifiques, qui sont en général des mises en relation (en formule), n'ont pas à être des convictions. Ce sont des montages soumis à l'épreuve et qu'on doit abandonner s'ils ne sont pas vérifiés.

Voilà un peu, ce que je vais me permettre, ici, sous le mode plutôt de la fantaisie car je n'ai bien sûr aucune compétence en ces domaines même si j'ai étudié de près la question de l'entropie, mais s'attaquer au premier principe sur lequel tout repose (la conservation de l'énergie) ne peut être pris trop au sérieux. L'hypothèse qui me travaille cependant, c'est qu'on pourrait ramener la conservation de l'énergie à une simple probabilité, certes très grande, ce qui permettrait de l'unifier avec l'entropie.

Cette conjecture sera certainement rapidement réfutée par plus compétent que moi mais l'hypothèse m'a semblé mériter d'être examinée, au moins comme un jeu de l'esprit (une expérience de pensée). En tout cas, elle m'aura servi à tirer une conséquence décisive en renommant l'ère de l'énergie, l'ère de l'entropie dont on sortirait avec l'ère de l'information en entrant véritablement dans l'histoire en construction et la préservation de l'avenir, prenant ainsi la relève de la vie dans son caractère contre-entropique et sa complexification cumulative au cours du temps.

Il n'est pas tellement original d'identifier l'énergie et l'entropie, un nombre incroyable de gens le font, et souvent à tort pour ramener l'entropie à l'énergie où une diminution d'entropie quelque part doit être compensée par une augmentation équivalente, ce qui revient à nier le caractère statistique de l'entropie (notamment chez Georgescu-Roegen). C'est pourquoi je me suis opposé à cette assimilation lorsque j'ai voulu approfondir la nature de l'entropie (voir aussi le monde de l'information), son caractère statistique m'apparaissant comme contradictoire avec l'énergie et sa conservation. En effet, une diminution de l'entropie n'est pas forcément compensée par une augmentation de l'entropie ailleurs (ex : l'utilisation de l'énergie solaire, sa canalisation, n'augmente pas l'entropie du soleil). Il peut y avoir création, organisation, auto-organisation, complexification...

Il m'apparaît désormais qu'on devrait identifier l'énergie à l'entropie pour des raisons contraires à celles invoquées jusque là : si l'énergie est entropique, elle est donc statistique ! Cela permettrait d'expliquer le fait qu'on appelle énergie, ordinairement, l'énergie utilisable, c'est-à-dire une "énergie entropique" (ou exergie), mais obligerait à admettre du coup des fluctuations de l'énergie et donc à réfuter le premier principe (qui reste vrai à quelques décimales près entre les deux côtés de l'équation). Pour cela, il faudrait admettre aussi que l'énergie soit constituée, comme pour le mouvement brownien, d'un grand nombre d'éléments sub-quantiques ou superposés afin de respecter la loi des grands nombres avec laquelle la thermodynamique se confond. On retrouverait ainsi la nature probabiliste de la physique quantique, renforçant la cohérence de l'ensemble.

Que signifie que l'entropie soit statistique ? Que d'un arrangement ordonné on tend naturellement vers un arrangement désordonné, qu'on va de l'improbable au probable. C'est mathématique, se réduisant à la plus grande probabilité qu'un système tende vers son état de plus grande probabilité. Si on comprime un gaz et qu'on relâche la contrainte, il n'y a pas de raison, sauf au zéro absolu qui fige tout, que le gaz reste dans son coin et ne se répande pas dans toute la pièce. C'est ce mouvement lui-même, de la position de départ, un ordre improbable, jusqu'à l'homogénéisation finale, le désordre le plus probable, qui fournit l'énergie utilisable, comme l'eau qu'on relâche d'un barrage ou l'air comprimé. Cette énergie capable de fournir un travail n'est qu'une brisure de symétrie, une inégalité purement statistique qu'il est bien difficile d'unifier avec l'énergie cinétique (qui est relative) ou l'énergie de liaison (temps de désintégration relatif lui aussi) qui sont pourtant convertibles les unes dans les autres, principe même des accélérateurs convertissant par des collisions l'énergie cinétique en particules massives (on peut unifier mouvement et inertie ou masse par le fait que la force électrique se convertit en énergie cinétique par sa tension avant de devenir énergie de liaison qui est un réservoir d'énergie isolé, neutre, mais qui peut être brisé par une énergie cinétique supérieure. Le rapport qu'on peut faire avec l'énergie entropique, c'est de s'opposer à une totale homogénéisation ou annihilation car des liaisons entre particules différentes comme le proton et l'électron empêchent l'énergie électrique de s'annihiler entre particule et antiparticule de même type et revenir à une symétrie non brisée. De même on peut dire tout autant que sans vitesse, et donc différences de mouvement distribués aléatoirement, il n'y aurait pas d'entropie au zéro absolu qui fige tout, et donc pas d'énergie). Il faut sans doute renoncer à pousser trop loin la confusion entre énergie et entropie (de même qu'entre entropie statistique et frottements?). Leur différence reste indispensable au moins comme distinction entre énergie libre et énergie liée, on pourrait dire entre entropie locale et entropie absolue ? (si on ne peut plus tirer de travail d'un système à l'équilibre thermique, on peut en tirer en le branchant sur un système plus froid).

L'interprétation de la chaleur et de la pression par le mouvement désordonné des particules ne va pas de soi et demande une conversion du point de vue qu'on peut essayer d'appliquer à l'énergie en général. Sans vouloir forcément les identifier complétement, il est intéressant d'examiner ce qu'il peut y avoir de commun entre l'énergie et l'entropie. Un atome qui explose libère de l'énergie cinétique sous forme de rayonnement mais c'est qu'il retenait cette énergie au plus profond de ses composants (plus la masse est grande, plus la particule, sa longueur d'onde, est petite. Le noyau est plus petit que l'électron). L'énergie, c'est de l'entropie en tant que c'est la libération d'une contrainte (d'une tension). S'il y a de l'énergie, c'est parce qu'il y a des contraintes qui la retienne et des déséquilibres, des brisures de symétries, des forces qui en résultent. Si E=mC2, C2 étant une accélération, la transformation de temps en espace (300 000km/s), c'est que la matière est une contrainte tenant séparés pour un temps le positif et le négatif, matière et antimatière, déterminant ainsi le champ de leurs interactions. Qu'est-ce qui fait que la collision de photons puisse produire des particules massives ? C'est bien l'énergie qui casse l'étoffe du vide, son équilibre, en plus et en moins, tirant sur l'élastique, faisant exister l'entre-deux. Une particule acquiert de l'inertie en tant qu'elle est massive et constitue un défaut de transmission, engluée dans l'étoffe de l'espace, l'ombre de la lumière (question de spin sans doute, entre fermions et bosons) qui empêche que tout se confonde en un même point et que le temps s'arrête mais on peut dire aussi que l'entropie, c'est le temps lui-même. Toute énergie utilisable se trouve dans une perte de contrainte et résulte en fin de compte de l'entropie initiale, celle du Big Bang, tout comme l'émergence de l'improbable y est fonction du temps, de moins en moins improbable à mesure que le temps passe.

Je ne suis pas certain qu'on puisse généraliser le caractère entropique, statistique, fluctuant, à toutes les énergies mais qu'on le puisse à beaucoup déjà est troublant, renforçant la conception d'une stabilité basée sur les effets de masse de fluctuations de plus bas niveau. C'est bien à cette "énergie entropique" qu'on a affaire avec la machine à vapeur, le pétrole ou l'électricité, de même que l'énergie inutilisable nous pose un réel problème à faire augmenter dangereusement la chaleur planétaire. Ce qu'on désignait comme l'ère de l'énergie peut être désigné plus justement comme l'ère de l'entropie qui nous a mené là avec la destruction d'un monde à reconstruire, destruction qui a commencé avec la sortie hors d'Afrique et l'extermination des grands mammifères. On ne passe donc pas seulement de l'ère de l'énergie à celle de l'information mais bien de l'entropie à l'écologie et au développement, de l'histoire subie à l'histoire conçue, grâce à l'information, au numérique et à l'accumulation des savoirs, tout comme la vie s'est développée jusqu'ici malgré l'entropie et les incertitudes du monde grâce à sa mémoire génétique, sa réactivité et sa variabilité, mais grâce aussi à ses effets de masse et la sélection par le résultat. On dira qu'on n'en voit pas les effets encore au moment de la tourmente, mais on entre ici dans le long terme, ce qui n'exclue pas des régressions dans l'immédiat. D'une certaine façon, c'est l'entropie de l'entropie, une entropie qui se dégrade avec le temps jusqu'à donner naissance à l'improbable et nourrir en son propre sein ce qui va la faire reculer et réordonner le monde...

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23 réflexions au sujet de “L’énergie entropique”

  1. Je ne crois pas qu'on ait beaucoup le choix sinon celui de coller aux réalités. Il ne faut voir rien d'arbitraire dans l'émergence d'un nouvel ordonnancement qui doit être viable, pas plus que dans un nouveau paradigme scientifique. On sera de moins en moins dans un monde où la vérité se décidera sur un champ de bataille, ni sans doute dans les luttes idéologiques, jugée plutôt au résultat. Ce sont les événements qui décident. Il ne faut pas idéaliser ce monde nouveau ni surestimer notre capacité à faire reculer l'entropie mais, c'est un fait qui s'imposera de plus en plus, la reconstitution de notre milieu. En tout cas, espérons l'échec des tentatives actuelles de réordonner le monde car elles sont non seulement insuffisantes mais surtout inadéquates et déjà obsolètes. Ce n'est pourtant qu'un début...

  2. Un type d'ordonnancement s'est poursuivi pendant la révolution industrielle, et PROVENANT d'une culture , d'une ethnie d'une partie d'un monde ... d'un point de vue historique, et statistique sur les planètes : cela aurait pu tourner autrement ...

    D'autres choses émergent.

    Et il n'est jamais trop tard ... ce qui est sur c'est que l'emprunte du paradigme actuel essaye de se reproduire dans le suivant : ce n'est pas impossible, et tout les dangers viendront de là, ( je ne crois pas à la bêtise humaine à cette échelle, mais à autre chose, quelque chose de systémique et de malsain ).

    et c'est pour cela qu'il faut se battre, se battre n'est ce pas cela la politique ( du point de vue français ? contrairement à l'utilitarisme économique anglais, et son nihilisme ).

    Il n'est jamais trop tard car il suffira qu'une partie des idées survivent ( cela ne veux pas dire que ces idées puissent anéantir le "nouvel ancien paradigme renouvelé" , plus les choses changent plus elles restent les même ).

    Il me reste trois choses à faire dans ma vie, j'ai de quoi m'occuper un peu.

  3. J'ai de quoi dépenser mon énergie,

    dans un monde qui ressemble à s'y méprendre au moment clé d'une piece de théatre, ou biensur nous ou dans tous les cas le je, est l'acteur/spectateur forcé. Ne pouvant vérifier scientifiquement ni le passé, ni les autres ni l'environnement : on pourrait en rire n'est ce pas ?

    Ou suis je ? Je . suis . un . acteur . du . moment . clé . d'une . espéce . vivante . dans . une . réalité .

  4. Je ne crois pas que les choses auraient pu tourner autrement, du moins pour l'essentiel, dans le détail la balance du meilleur et du pire aurait pu être assez différente mais il fallait passer par toutes les erreurs qu'on a si durement expérimentées. Le point sur lequel on est en grand désaccord, c'est que je tiens la bêtise pour notre réalité première, on surestime beaucoup notre intelligence alors qu'elle progresse péniblement au pas lent de l'histoire. C'est tout le problème de la démocratie qui serait une partie de plaisir si on était vraiment intelligents et qu'il y avait une volonté générale. Au lieu de ça, on a un Font national, une droite arrogante et des fanatiques de tout poil. Il ne faut pas sous-estimer les difficultés qui ont systématiquement été rencontrées à chaque expérience, ce qui n'engage pas à renoncer mais à en tenir compte pour ne pas courir à l'échec.

  5. D'un autre coté il y a toujours eu des personnes qui ont critiqués avec force, et intelligence, et compréhension, certaines avancés technologiques avant d'avoir le résultat expérimenté dans l'erreur : je retiens surtout la voiture par exemple, car cela a trait au mode de vie ( d'autres exemples existent pour le mode de production ).

  6. Il y a des choses qui ne doivent pas être faites, des choses équivalent à du suicide sans l'appréhension du danger pour des cerveaux avec des capacités insuffisantes ou de l'aveuglement : des choses comme se jeter dans le vide sans parachute ...

    Prendre des risques : c'est la vie, mais prendre un trop grand risque, c'est du suicide.

  7. L'histoire aurai pu tourner tout autrement avec l'énergie nucléaire, par exemple.

    Et ce n'est surement rien comparé avec les dangers que l'on va produire bientôt.

    Cette fois ci il y a aussi des einstein et openheimer, mais en même temps il y a beaucoup trop de signaux d'informations pour qu'ils se fassent entendre à temps. IL y a cette fois ci , l'opposé d'oppenheimer qui prônent la total liberté jusqu'a l'immoralité, l'immortalité (Kurzweil et compagnie) : et refusant d'ailleurs de prendre des responsabilités sur les conséquences de leurs paroles.

    Le risque ... comme l'a dis Joy bill , c'est qu'avec l'informatique ( et les outils génétiques à bas cout) , tout le monde puisse faire quelque chose d'indélicat ... ce qui peut conclure pour le système vers du contrôle ou une tentative de contrôle, tout du moins.

    Mais en même temps le système/société devrai évoluer, et le peuple le presse d'évoluer : le problème c'est le fera t'il a temps ? ou préférera t'il passer par cette zone de contrôle ( comme c'est parti ) ?

    Je ne pense pas qu'il ai le temps de s'amuser à cela, l'avenir le confirmera ou non.

    Chess game : The only winning move is not to play

  8. Le moteur à explosion et le raffinement du pétrole ( et non la voiture ) sont les archétypes de toutes les technologies fascistes qui se sont abattus sur le monde. Ce n'est qu'après-coup, une fois la nature et la société réifiés en "aménagement du territoire", que la réorganisation qu'entraîne chaque poussée technologique fait sentir son exclusivité. Et qu'aujourd'hui il n'est en effet plus possible d'avoir une vie normale et des relations sociales satisfaisantes sans ce "clé de l'espace mort" qu'est la voiture. L'espace vivant ressemble de plus en plus à l'espace virtual, un ensemble de points ou de noeuds de réseau et entre les deux l'autoroute, la route, espace mort que l'automobiliste traverse à vive allure.

    Mais ce qui n'est pas anodin dans cette dépendance universelle et réorganisatrice, c'est son exclusivité. Et l'on sait assez que "l'exclusion de l'autre" hors d'un paradigme idéologique ou technique (de la même manière que les filières littéraires et les lettres anciennes sont flinguées par la prédominance des filières technico-scientifiques) est typique des formes primaires de fascisme.

    Le rythme caractérise nos sociétés, un rythme qui a plus trait à l'impulsion électrique d'un émetteur-récepteur qu'à la continuité de l'espace-temps-matière.

  9. IL y a 5 ans on disait, la mémoire tampon est aujourd'hui le flux lui même ...

    aujourd'hui nous sommes dépassés, nos cerveaux sont em-bouchonnées...

    Cela fait peur à certains, vous savez même twitter et facebook vont finir par crouler sous leur propre poids ... même les outils qui essayent de faire émerger des choses intelligentes , par l'intelligence collective ( social bookmarking, delicious , digg ) : commencent à s'écrouler ( du point de vue des capacités humains d'un cerveau humain )

    Je trouve cela magnifique, cette expansion du chaos ...

    La singularité de l'information : c'est maintenant.

    Comme je disais, avec aimable attention à tout genre de lecteur qui pourrait lire : la seule chose à faire, c'est de ne pas jouer la partie d'échec. Zen, veuillez lire un peu de taoisme, mes seigneurs.

  10. Il y a toujours des bifurcations possibles qui changent le scenario mais, si l'on comprend bien l'histoire de l'homme et de la technique, ne changent pas fondamentalement le résultat final, sauf qu'on peut être mort ou vivant, ce qui n'est pas rien ! On aurait pu éviter au moins Nagasaki...

    Il est un fait cependant que les hommes se suicident et parfois les civilisations. La démagogie est aussi un fait : on préfère toujours les belles promesses, jusqu'à constater l'échec retentissant. C'est comme ça que ça marche et pas autrement. Gandhi a délivré l'Inde sans trop de violences mais cela a provoqué ensuite des millions de mort.

    Lorsque je dis que ça ne pouvait pas être très différent, c'est qu'il fallait expérimenter le communisme et le fascisme et le néolibéralisme pour se rendre compte de leurs horreurs. On n'a que les idées de son époque. Le racisme avait quelque chose d'évident, aussi bien que le communisme d'un autre point de vue. C'est le même mécanisme que les bulles spéculatives qui paraissent logiques, font l'objet d'un consensus dominant, jusqu'au krach qui en montre la folie.

    Ainsi, il y a des gens qui vous assènent comme une évidence indiscutable que le réchauffement climatique ne fera pas des millions de morts. On ne sait d'où vient leur assurance dans cette divine providence mais tant qu'il n'y aura pas de morts, ils se riront des Cassandres dépressifs à leurs yeux.

    Il ne faut donc pas se croire plus malin qu'on est, la clairvoyance étant une condition de la réussite. Je dois dire que je ne fais pas parti des extrémistes du p2p, de même que je ne crois pas que la société résulte d'un contrat social mais qu'elle nous précède. La société existe malgré Thatcher, le tout est plus (et moins) que l'ensemble de ses éléments. On a besoin de donner corps à des totalités effectives, notamment dans un Etat et une monnaie qui sont des médiations nécessaires. Simplement, je ramène ces institutions au local, au face à face, à une forme de fédéralisme qui n'est pas réductible à des relations bilatérales qui ont bien sûr leur rôle et sont à encourager. La municipalité est propriété commune qui existe pour tous ses citoyens (communauté explicite et réflexive).

    Je ne peux qu'approuver la remise en cause de l'exclusivité automobile et la promotion des transports collectifs, d'un autre aménagement du territoire. C'est absolument essentiel mais je m'étonne toujours qu'on parle de technologies fascistes, comme si le fascisme était notre avenir, alors que c'est notre passé. Le fascisme est derrière nous mais je ne connais guère de sociétés qui n'ont pas été fascisantes jusqu'ici. Les régimes religieux et autoritaires étaient la règle, l'obscurantisme, la violence, la censure, l'arbitraire. Il n'y a pas que le Japon, on peut remonter aux spartiates ou même aux Hittites. On peut dire que c'est la faute de la technique, l'âge du fer, mais ça n'a rien de nouveau et je crois plutôt qu'on ne peut pas contrôler un trop grand nombre d'informations, du moins Andropov en était persuadé. On le verra bien en Chine où ça se joue, utilisant toutes les nouvelles possibilités de contrôle qui devraient pouvoir être détournées. C'est le même enjeu contre l'Hadopi ici, une guerre technologique si l'on veut, où les plus gros ne sont pas toujours les plus forts. Il y a des jeux qu'on peut gagner et où ça vaut le coup de participer.

  11. C'est comme ça que le langage nous piège. On utilise une image pour dire quelque chose, et puis en prenant l'image un peu trop au sérieux on unifie et on personnalise un ensemble de phénomènes qui n'ont rien à voir et sur lesquels on peut se disputer à propos du sexe des anges.

    C'est la question du temps en physique. De le nommer, d'en faire une dimension de l'espace, on le fige, on peut l'arrêter voire revenir en arrière alors que c'est absurde si on interprète le temps comme une multitude de dynamiques.

    C'est pareil si on fait de la croissance un concept, on va dire que le train de la croissance est lancé à toute allure dans le mur et qu'il faut bien l'arrêter, mais on ne fait ainsi que raconter une histoire qui n'a rien à faire avec les contraintes effectives et les dynamiques matérielles en jeu, impossibles à unifier.

    C'est parce qu'il n'y a pas de train, pas de conducteur du train et pas de frein qu'on ne peut couper la tête de la croissance, la seule façon de s'en sortir étant de sortir du salariat (du marché du travail) et de notre dépendance du capitalisme, ce qui ne peut se faire du jour au lendemain en appuyant sur le bouton arrêt.

    La notion de système avec ses boucles, ses interdépendances, sa plasticité, est plus opérationnelle que celle de train ou de fusée.

  12. C'est effectivement assez drôle quoique stigmatisant les pauvres (dans la tradition de Malthus et Spencer).

    La réalité, c'est qu'avec les progrès de l'alphabétisation et la généralisation des appareils numériques, les standards d'intelligence augmentent considérablement, la pression sélective ne diminue pas du tout sur ce plan.

  13. Je tente de dire ce que j’ai compris, à mon niveau de lecteur assidu et vulgaire.

    Je me rappelle de l’impact positif sur moi des formules à la hache de Jacques Robin, pour qui le bond qualitatif du XXeme siècle avait consisté à passer de l’ère de l’énergie ( commencée au néolithique) à une ère de l’information ( commençant précisément en 1943 avec la Théorie de l’information). Il me semble que Jean cherche une manière de dire mieux et autrement ce qu’exprimait Jacques de façon trop raccourcie. mais à replacer dans un contexte

    Avec la conscience écologiste et le niveau technique actuel ouvert notamment par l’information nous pouvons cesser de concevoir l’homme comme « maître et possesseur de la Nature », c'est-à-dire sujet d’un monde objectif historiquement conçu comme infini et extérieur , « lieu de séjour terrestre », (et provisoire pour les religions monothéistes au sens littéral), où le champ d’expérience de chacun était délimité ( chacun son oikos, son domaine, avec son nomos (règles imposées par des maîtres des lieux). A cette action selon les contraintes d’une somme de conditions individuelles (de prédateurs ou de proies, chacun selon ses moyens) le monde en face oppose ses effets d’entropie ( des externalités inattendues).

    Avec l’écologie, nous pouvons concevoir une conscience humaine, beaucoup plus collectivement agissante, procédant de l’intérieur du monde auquel elle appartient, au sommet du vivant, procédant par hypothèses réfutables sur les limites, par essais sur le probable (donc dans et-ou sur l’improbable) ,et correction d’erreurs , avec effet de feedback, à prendre en compte. Procédant, sur le modèle du vivant, en réaction contre l’entropie par tous les moyens de la diversité.Conscience (plus ?) collective, ce qui est tout le contraire d’une collectivisation de l’économie.

    L’essentiel n’est pas de faire breveter un nouveau paradigme, mais de faire progresser autant que faire se peut une conscience se désirant collective, contre le péril des idéologies extrêmes de libération des désirs de l’individu, qui nous conduisent à la faillite.

  14. Ce que je dois à Jacques Robin, c'est effectivement surtout son insistance sur la rupture entre l'ère de l'énergie et l'ère de l'information qui venait à l'origine de Laborit. J'ai passé une bonne partie de mon temps à ses côtés à essayer de mieux fonder son intuition.

    Si on lit ce que j'en ai dit, on voit que l'ère de l'information, c'est déjà explicitement l'ère où l'entropie s'inverse (voir par exemple la vidéo du FAN). L'utilisation du syntagme "l'ère de l'énergie" se justifie à l'évidence par le rôle de l'énergie dans le développement et la crise de l'énergie depuis 1974 avant l'ère de l'énergie gratuite. Cela permet notamment de montrer l'opposition du linéaire (énergie, quantitatif) et du non-linéaire (information, qualitatif). Cependant, parler de l'ère de l'entropie élargit la perspective en comprenant non seulement l'énergie mais l'entropie créée par cette force aveugle, le négatif de l'industrie, les externalités négatives, la destruction du monde, son réchauffement. L'inversion est plus radicale avec l'ère de l'information et plus juste. Ce n'est qu'une question de mot mais qui ouvre ici des perspectives nouvelles, plus affirmées au moins, plus explicites.

    Bien sûr, il n'y a pas de véritable frontière où tout bascule soudain. Il y avait déjà de la construction des savoirs et des sociétés avant (une sécurité sociale) et il y aura toujours beaucoup d'entropie après, ce qui s'inverse ce sont seulement les tendances, les rapports de force.

    En étant informés du feedback de notre action, nous sommes peut-être encore plus maîtres et possesseurs de la nature, sauf que c'est en se mettant à son service et non en lui imposant nos quatre volontés, en étant constructeur et non destructeur, de même que la vie se forme à partir de son environnement. Rappelons que la formule de Descartes s'applique à notre santé et pour être maître de sa santé il faut l'entretenir (par la nutrition et l'exercice au moins). Pour se conserver, il ne faut pas en faire trop, c'est une limitation.

    Il s'agit bien d'une conscience collective, au moins d'une opinion mondiale informée en constitution par les médias planétaires. Il s'agit bien d'une action collective, mais non pas résultant d'une volonté subjective, d'une autofondation, d'une majorité, mais résultant d'effets indésirables, de la réalité extérieure, de la matérialité du monde en sa transcendance. C'est le réel qui nous critique, pas les intellectuels critiques ni nos valeurs supposées, pas nos hiérarchies personnelles mais les urgences écologiques et sociales.

    L'important, c'est de comprendre qu'on est, avec le vivant anti-entropique, dans le cumulatif, la complexification, la construction de savoirs et qu'on peut donc commencer petit, rien ne sera perdu pour l'immensité de l'avenir. C'est l'exact opposé des discours catastrophistes pour qui tout est foutu (car nous sommes désormais informés des risques) alors que tout commence et qu'on apprend à peine à vivre...

  15. @pch

    Vous connaissez les romans ( et idées ) des livres de "La Culture" ?

    ou "le meilleurs des mondes" ?

    Avec par exemple la marijuana et le mouvement pour le légaliser actuellement ( aux usa )

    Si seulement je pouvais me relacher sur certains points ( dans quelques mois peut être ) je serai du même avis que jean.

    Biensur que du point écologiste , je pense que l'on ( vous moi, et zin peut etre ) ferait partie de ces "sauvages" "non civilisés" , dans l'en dehors ...

    Mais pour la majorité ce sera plutot sans trop de choix : car il aurait fallu commencer à se préparer à une autre transition, cela ne sera peut être pas impossible selon les événements et la tournure de l'histoire : cela pourrait être beaucoup plus facile, comme cela pourrait etre totalement impossible.

    Dans maximum un an ( comme ca pourrait être dans 3 jours ), Vous n'aurez qu'a prendre appuis sur ce que va faire les usa pour comprendre la tournure du monde ( tout en comprenant dans quelle finalité ils le font ).


    Un peu hors contexte, le probleme avec la communication, c'est l'Effet Dunning-Kruger démontré en 2000, nous avons tous des histoires, et des points de vue, et des connaissances diffèrentes. Certains ont des acquis qu'ils croient acquis par d'autres, et quand ils passent un message, des choses sont parfois sous entendu.

    Et plus le niveaux et les interrelations du message evoluent , se complexifient, il faut soit écrire un livre ( qui ne sera pas lu ) soit faire des hyperliens qui ne seront pas forcément vue, mais aux moins c'est sémantiquement plus clair.

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