La raison dans l’histoire

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Toute philosophie part de la bêtise humaine, celle de l'opinion, des préjugés, de l'erreur, de l'imaginaire, de l'émotion, des passions, de la subjectivité enfin, pour nous conduire vers la vérité d'une raison universelle et réflexive surmontant le premier égarement, levant le voile de l'ignorance sur un réel nous apparaissant soudain dans sa clarté originelle. On a vu pourtant comme l'histoire de la philosophie va mettre en cause petit à petit la souveraineté de la raison et la prétention de vérité des discours, jusqu'à remettre en cause semble-t-il la philosophie elle-même. La difficile prise de conscience par la philosophie de notre rationalité limitée devrait effectivement lui être fatale. Sauf qu'il ne s'agit pas de tomber dans un scepticisme encore plus imbécile dont la science se distingue comme savoir en progrès (ni dogmatisme, ni scepticisme), y compris le savoir de nos limites et de notre ignorance. Qu'on ne sache pas tout ne signifie pas qu'on ne saurait rien alors que nos connaissances s'accumulent toujours plus. Que les vérités soient codifiées par les discours et contaminées par l'idéologie ne peut vouloir dire qu'il n'y aurait plus ni vérité ni mensonges. Que notre rationalité soit limitée ne veut pas dire que nous n'aurions aucune rationalité - ce que l'expérience immédiate suffit à démentir. Il est notoire que notre intelligence surpasse celle de tous les autres animaux, ce n'est pas rien même s'il ne faut pas pour cela se prendre pour des dieux !

La difficulté est de tenir les deux bouts d'une rationalité à la fois bien réelle et limitée, comme toute existence effective (même si elle rêve d'infini). Car la raison existe objectivement, en dehors de nous. La plus grande partie de notre intelligence nous est en effet extérieure, dans la culture, le langage, les sciences et techniques, les livres et les réseaux. Les oeuvres de l'esprit font partie intégrante de notre réalité humaine. On ne peut pas nier cette masse de rationalité acquise, pas plus qu'on ne peut nier la connerie humaine, hélas, mais il n'est pas tant question de l'humanité que de processus extérieurs et historiques nous faisant dépendre entièrement de l'époque qui nous a vu naître, pour nos croyances comme nos modes de vie. Nous ne sommes ainsi que des purs produits de notre milieu.

Lorsque l'on cherche sincèrement la vérité - qu'on y croit un peu trop - il est indispensable de critiquer aussi bien religions que philosophes, reconnaître leurs égarements, leurs délires, les points où ils dérapent par excès de logique ou de vaines promesses. Impossible sinon d'avoir accès à leurs raisons, trop pris dans le transfert et l'identification à une figure idéale, en attente d'une révélation finale. L'échec de la philosophie - la conscience de son échec - contraint sans aucun doute à l'abandon de ses promesses de sagesse comme des rêves totalitaires qui se transforment en cauchemars, mais les siècles passés n'ont pas été purement illusoires pour autant, vies imaginaires dépourvues de toute vérité, vérités nous apparaissant seulement à nous qui venons après et connaissons la fin de l'histoire ! Une fois qu'on a ramené les philosophes à hauteur humaine et mis le soupçon sur le sage comme sur sa raison, une fois qu'on les a soumis à une critique impitoyable et déconstruit leurs beaux systèmes définitifs, il y a quand même un reste et même assez considérable. Chacun peut apprécier si cette accumulation des savoirs vaut notre admiration pour le chemin parcouru ou reste bien trop erratique et balbutiante pour préserver notre avenir mais on ne peut nier l'héritage du passé qui, dépouillé de croyances dépassées, a pu nous léguer tant d'oeuvres magnifiques et de vérités qui nous parlent encore. Impossible d'en rendre compte ici, seulement d'en donner des exemples rapides afin de ne pas réduire la vérité à la dernière mode, au dernier moment, comme si l'histoire venait tout juste de commencer et qu'il n'y avait plus de passé ni de vérités anciennes.

Après avoir montré comme la succession des philosophies était liée à l'histoire politique ou scientifique, comme leurs différentes conceptions du monde pouvaient être fautives, il est tout aussi nécessaire de reconnaître ce qui résiste à la critique - car une négation est toujours partielle et ne peut réduire à néant ce qu'elle critique. Le moment positif de la négation de la négation est incontournable, s'attachant à trouver en chacune d'elles des vérités éternelles (comme la logique aristotélicienne) mais, cette fois, on n'est plus vraiment dans l'histoire. Il y a même assez de ressemblances entre les différentes philosophies pour que cela ait mené l'historien de la philosophie Etienne Gilson à parler de philosophia perennis, pour la rigueur de pensée au moins (dont Nietzsche sera exclu), quand d'autres comme Aldous Huxley forgeront le mythe d'un savoir originel de l'humanité primitive, vestige d'une religion naturelle perdue. Voilà qui est pur fantasme mais pas le fait qu'il y ait de nombreuses convergences (si ce n'est des divergences qui se répètent). De même, il est indéniable que des argumentations se sont révélées efficaces dans leur genre et, donc, d'une certaine façon vraies. C'est pour cela que Durkheim considérait toutes les religions vraies, d'accomplir leur office.

Philosophie éternelle : l'expression a été trouvée par Leibniz. Mais la chose, cette métaphysique qui reconnaît qu'il y a une réalité qui est la substance même des choses matérielles, de la vie et de l'esprit ; cette psychologie qui voit dans l'âme quelque chose de semblable ou même d'identique à la réalité divine ; cette éthique qui place les buts de l'homme dans la connaissance d'un fondement transcendant et immanent à tous les êtres, cette chose est universelle et immémoriale. Aldous Huxley

La question se pose si les ressemblances entre les différentes sectes relèvent de la vérité ou bien ne sont que produits de l'illusion, de nos projections et de nos attentes. Ce n'est pas, en tout cas, dans le sens d'une croyance reconstituée qu'il faut relire le passé, comme le tente l'ouvrage d'Aldous Huxley à la poursuite de la non-dualité dans le sillage des Upanishad et d'une grande partie de l'ésotérisme, reprenant l'identification de l'esprit intérieur (le soi) avec Dieu ou l'esprit du monde (identification d'Atman et de Brahman qui n'est en fait qu'un détachement de soi et une négation de l'altérité). Il faut souligner qu'il a le plus grand mal à séparer cette passion de l'unité des tentations totalitaires - et on a vu que l'unité ne se formait jamais mieux que dans l'opposition à un autre. Cela témoigne du moins de ce besoin d'unité universellement partagé et il y a incontestablement beaucoup de vérité dans une mystique altruiste situant l'esprit à l'extérieur, dans un logos commun. Il aurait été d'ailleurs plus intéressant de retenir des Upanishad que c'est le non-être (le désir) la cause de l'être mais ce n'est pas ce livre auquel je donne raison et qui aurait pu justifier ce retour en arrière.

En fait, ce qui semble le mieux résister au temps, ce sont encore les penseurs chinois. Il est tout de même étonnant qu'une philosophie de l'information et de la complexité, up to date, puisse finalement ne faire guère mieux que rejoindre avec l'auto-organisation les préceptes du taoïsme. Ceux-ci sont datés du Vè siècle av. JC - mais renvoient sans doute à des sagesses beaucoup plus anciennes (chamaniques), pouvant revendiquer bien plus légitimement leur caractère immémorial que les autres sagesses. Ce qu'il faut souligner, c'est qu'on se méfiait dès ce temps là du volontarisme comme d'une maladie de la volonté. On savait déjà qu'au lieu de se croire le maître des éléments (comme au temps des idéologies), il s'agit plutôt de respecter l'ordre naturel et se mettre dans le courant si on veut le détourner, admettre simplement le devenir et qu'on ne peut qu'utiliser sa force sauvage pour s'en préserver dans une sorte de judo avec la nature (tout comme les arts martiaux utilisent la force de l'adversaire). Il n'y a jamais eu critique plus radicale de l'action (qu'on vient de célébrer avec Alain) mais c'est aussi la raison pour laquelle le taoïsme a toujours été minoritaire et difficile à prendre au sérieux. Dans le peuple, le taoïsme avait une forme assez différente, tombant dans la superstition et le fatalisme. Il n'empêche, ce sont de fortes vérités qui ne datent pas d'hier et que l'Occident a longtemps ignoré avant d'être réinventées d'une certaine façon par la théorie des systèmes qui, en étudiant des systèmes organisés par leurs fins, a été paradoxalement amenée à donner la plus grande place à l'auto-organisation malgré tout, reconnaissance d'une rationalité limitée et d'une information imparfaite qui ne reste pas inactive pour autant mais dont on voit qu'elle ne se réduit pas à l'intériorité. Vivre au monde, c'est vivre dans un extérieur qui s'impose à nous, confronté à sa complexité et ses imprévus limitant notre liberté et le pouvoir de la raison. Même si nous passons nos journées à planifier le futur, dans le travail comme dans la politique, cela ne fait pas de nous les maîtres du temps, sujets encore d'une évolution subie plus que voulue.

Or, après l'histoire sainte marxiste, non seulement on en retrouve les principes face à l'accélération technologique, mais le plus étonnant peut-être, c'est que le taoïsme se présente immédiatement avec son antithèse parfaite puisqu'on présente depuis toujours Confucius comme l'opposé (actif) du taoïsme (passif) dont chacun voit bien qu'ils se complètent et devraient s'équilibrer dans un laisser-faire encadré par les lois d'un ordre juste et durable, une volonté soucieuse de préserver l'harmonie, une prudence active. Est-ce d'avoir atteint trop vite avec sa méritocratie une certaine perfection qui aurait figé la civilisation chinoise ? Voilà qui permet du moins de remplacer l'idée trop simpliste qu'il y aurait une philosophie éternelle (à retrouver) par l'existence de vérités contradictoires et relatives, ce qui est tout autre chose.

On est là à l'époque d'Héraclite, qui justement valorise le conflit, un peu avant Socrate, dans une période de bouleversements intellectuels où l'écriture est décisive mais notre proximité avec ces penseurs à 2 500 ans de distance est quand même assez époustouflante et la preuve que nous n'évoluons pas tant que ça malgré les sciences et techniques. Notre distance est bien plus grande avec ce que nous rapporte l'ethnographie des peuples sans écriture alors qu'en remontant encore plus haut, jusqu'aux Egyptiens et leur religion agraire de la résurrection, on ne se trouve pas trop dépaysé avec les abstractions comme Akh, Ba, Ka différenciant l'intelligence, l'âme et le corps - ce qui sera l'ABC de la philosophie occidentale. Même des textes sumériens comme l'épopée de Gilgamesh à la poursuite de l'immortalité nous parlent immédiatement. La proximité est quand même beaucoup plus étonnante encore avec les Grecs dont nous restons d'une certaine façon contemporains. Si j'ai brocardé l'idéalisme de Platon et son retour à un dogmatisme supposé rationnel après la leçon d'ignorance de Socrate, il est impossible de minimiser son apport et tout le travail de l'Académie dont Aristote saura tirer toute la substance en le détachant de la théologie. Il n'y a pas de meilleur exercice que ses dialogues pour s'initier à l'argumentation philosophique mais impossible de s'y retrouver si on ne marque pas la coupure entre les dialogues socratiques et les suivants. En revenant à la religion (jusqu'à vouloir punir de mort le sacrilège), Platon rejoint Pythagore et les cultes orphiques, pas si éloignés des "gymnosophistes" indiens dans leur aspiration à l'Un (d'ailleurs Diogène Laërce rapporte que les Grecs pensaient que la philosophie venait de l'Inde), de même que le bouddhisme a quelques similitudes avec le stoïcisme malgré leurs conceptions du monde si différentes et si j'ai dit tout le mal que je pensais des stoïciens, notamment pour des raisons politiques, cela n'empêche pas qu'on ait recours à leurs principes devant le malheur, même s'il ne faut pas en attendre des miracles non plus.

On peut tout aussi bien revenir sur la religion chrétienne qui se caractérise d'être une religion post-philosophique, prenant le relais de l'échec du stoïcisme comme des philosophies du bonheur et prolongeant le platonisme de Philon d'Alexandrie mêlé de Thora. Une fois qu'on ne suppose plus que ce serait la vraie religion et qu'on fait de Jésus non plus un personnage historique introuvable mais une figure symbolique, on peut être sidéré par toutes les vérités qu'il y a dans l'Evangile - jusqu'à pouvoir faire du christianisme la religion de la sortie de la religion - avec la mort de dieu, un dieu fait homme et qui se résume à l'amour du prochain, du crucifié, de l'esclave, du plus petit d'entre nous... Ce n'est pas juste des conneries qu'on fait croire aux gogos, encore moins l'inspiration d'un illuminé mais le produit de longues élaborations et des nécessités de l'Empire. Il est très significatif que ce message d'amour, on ne peut plus manifeste, n'ait pas empêché l'obscurantisme et la violence de la religion qui a suivi, sombrant souvent dans la plus grande corruption, quand ce ne sont pas les querelles byzantines s'étripant sur la trinité ou les iconoclastes. Il ne suffit pas d'afficher de belles idées et un idéal de pauvreté. Où l'on voit que le Bien est souvent cause du Mal. Quel est donc la place de ces vérités révélées, représentées pour ne pas être vues et devenues dogme autoritaire ? Leurs conséquences ne seraient qu'à très long terme ? On a pu dire que la Révolution Française était une réalisation du christianisme et on peut lire Hegel comme une théologie chrétienne, mais est-ce un héritage religieux ou la reprise des vérités qui y étaient ? C'est ce qu'un réalisme raisonnable laisserait penser plutôt.

S'il y a des vérités dans les religions, il y en a tout autant dans les grandes philosophies bien sûr et il me faudrait rendre justice à ceux dont j'ai un peu trop médit. Je me suis certes agacé des méditations de Descartes qui court trop vite à des conclusions prématurées et sans assez de rigueur mais on est obligé d'admettre que son intervention a bien été décisive - surtout après sa mort, réorientant à peu près toute la philosophie ultérieure. Son "Discours de la méthode" reste de bon conseil de diviser les tâches plutôt que de viser immédiatement la totalité, méthode analytique si productive, qu'il faudra simplement compléter par une méthode systémique plus synthétique lorsque le tout (le circuit) ne se résume pas à la somme de ses parties. Sa promotion du libre-arbitre a été tout aussi importante, quoiqu'on en pense. Il a libéré les esprits, ce n'est pas rien, et inauguré l'époque rationaliste ! Si je m'en suis pris aussi à Spinoza qui le contredit sur la liberté, c'est surtout à cause de sa vogue actuelle, prenant la place d'un marxisme honteux, alors qu'on ne peut lui dénier une grande rigueur et que sa lecture reste éclairante sur de nombreux sujets - à condition de ne pas donner trop de crédit au système lui-même ni à sa méthode impersonnelle qui singe la géométrie. Chacun reprend la définition de la joie comme accroissement de notre puissance, notamment Nietzsche, alors que la joie viendrait plus souvent d'atteindre son but, voire de l'activité elle-même, mais on ne peut lui nier une certaine validité. Valoriser la bonne humeur est de vieille sagesse, tout comme on peut accéder volontiers à la connaissance du troisième genre qui nous fait juger le monde du point de vue de Dieu - pour nous faire mieux accepter notre malheur et nous consoler d'être mortels (raison de l'écriture de l'Ethique).

Je m'arrête là, l'exercice se révélant peu concluant que j'ai entrepris uniquement pour ne pas laisser imaginer qu'on pourrait se passer des philosophes du passé sous prétexte qu'ils seraient dépassés et qu'on serait beaucoup plus intelligents qu'eux. On a tout au contraire beaucoup à apprendre, y compris de leurs erreurs, même si on ne peut en rester où ils en étaient. Il suffit de savoir différencier ce qui est de l'ordre de l'adhésion à une philosophie et ce qui est la reconnaissance des vérités de cette philosophie mais chaque auteur mériterait un article entier au moins, il ne suffit pas d'en dire trois mots et je ne suis pas sûr d'être très doué pour cela, ni surtout que cela m'intéresse tellement ce survol sans autre enjeu que de connaissance.

En effet, ce qui est gênant avec les vérités éternelles, comme le spiritualisme bergsonien, c'est qu'elles nous sortent de l'histoire et des enjeux politiques qui sont les seuls qui vaillent. Lorsque Hegel parlait de la raison dans l'histoire, il ne visait pas tant la philosophie que l'histoire politique où "la ruse de la raison" consistait à faire servir les passions et les buts particuliers à des finalités rationnelles et universelles, du simple fait de devoir justifier de ses actes et argumenter rationnellement. Cette raison politique n'est donc pas volontaire mais s'impose aux acteurs après-coup et, ce qui est frappant, c'est à quel point on ne voit pas de progrès de la raison politique, la philosophie politique se trouvant en échec au moment où nous sommes confrontés à des enjeux vitaux. Ni Aristote, ni Rousseau ne peuvent nous être utiles lorsque les pouvoirs politiques dépassent la cité qui est leur unique objet. On ne peut dire non plus que les philosophes aient toujours brillé en politique, se trompant gravement plus souvent qu'à leur tour. Seul Machiavel a gardé toute sa pertinence pour une politique qui n'est que du semblant.

En fin de compte, je reste de ceux qui pensent que la fonction de la philosophie est essentiellement politique, et sur ce plan il est difficile de positiver, de trouver appui dans l'histoire, puisqu'on arrive au constat de notre rationalité limitée, plus déterminée par l'extériorité et les puissances matérielles que les déterminant, d'un sujet divisé qui n'est plus esprit souverain tout en restant plus que jamais responsable du monde mais sans en avoir les moyens. Depuis la fin des idéologies planificatrices, on pourrait croire qu'il y a un recul de la raison dans l'histoire, laissée aux mouvements erratique des marchés tout comme de l'accélération technologique. En réalité, la rationalisation se poursuit à grande échelle, presque malgré nous. Il faudrait accepter d'en rester à une philosophie provisoire alors même qu'il y a des urgences écologiques ou politiques qui ne peuvent attendre. En tout cas, contrairement aux espoirs des Lumières, si nous ne sommes peut-être plus dans l'enfance religieuse, ce qui est sûr, c'est que nous n'avons pas atteint encore la majorité politique malgré les réseaux numériques ! La question qu'on en est encore à se poser, c'est pourtant la question basique que toutes les organisations ont à se poser : comment donner corps à une intelligence collective ? C'est la seule question, comment être intelligents collectivement, mettre un peu plus de raison dans l'histoire ?
 

Ce texte est la conclusion de ma petite histoire de la philosophie.

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12 réflexions au sujet de “La raison dans l’histoire”

  1. Il y a un parallèle intéressant entre notre UE, empire du droit, et le légisme administratif Chinois, débuté 800 ans av JC, de l'empire Qin inspiré du taoïsme.

    Un système politique et légal indépendant de la personnalité du souverain, dont Qin Shi Huang premier empereur de Chine qui n'en était pas moins très superstitieux, tyrannique et personnificateur avec son mausolée colossal...

    Système remis partiellement en question par les Han, mais dont la forme administrative a perduré.

    • Il ne semble pas que le légisme originel et très autoritaire soit taoïste, ce qu'il serait devenu avec le courant Huanglao mais il a bien fondé la méritocratie en remplacement de la noblesse tout en admettant que la force fait loi.

      En tout cas, en écrivant ce texte, je me faisais effectivement la réflexion que, si j'avais l'habitude de comparer notre situation à l'Empire Romain (c'est notre tradition), le modèle chinois semble plus adapté aux grandes masses au niveau des principes au moins même si le droit romain est sans doute plus adapté au commerce. On ne peut le prendre tel quel mais sans doute qu'au lieu de vouloir universaliser notre démocratie marchande supposée admirable à des niveaux où elle n'a aucun sens, il serait préférable d'introduire une démocratie locale dans un système de gestion à la chinoise ?

      Ceci dit, je suis assez mécontent de ce texte que j'ai failli ne pas publier...

      • Je n'ai aucune connaissance concernant les éventuelles gestions locales chinoises du passé.

        En revanche, le taoïsme des arts martiaux indique une tendance forte vers des règles codifiées dans un premier temps, avec une ultime tendance donnant lieu à une sorte de main invisible spontanée proche de systèmes néguentropiques locaux biologiques, le non agir étant un laisser un agir éclairé d'ordre supérieur à la volonté.

        • Pour Deleuze et Guattari, s’éloigner de « l’Histoire » et de la « Révolution » pour développer des « devenirs révolutionnaires » a consisté à tenter de soustraire l’analyse du sempiternel « échec de la révolution » afin de porter l’attention au présent vivant des luttes. Face aux modalités d’englobement de l’ultralibéralisme, et au-delà des « désenchantements », il s’agit de distinguer, à partir des pratiques concrètes actuelles, les agencements complexes du désir, afin d’en dégager des ouvertures stratégiques. La percée d’un horizon post-capitaliste passe par une remise en cause, au quotidien, des hiérarchies implicites qui affectent nos modes de subjectivation. Ce numéro vise à ressaisir, à travers les formes de contre-conduites, les multiplicités agissantes au niveau micro-politique.

          A propos des auteurs
          Florent Gabarron-Garcia est psychanalyste.

          Marco Candore est comédien, metteur en scène à ses heures.

          Il lui arrive même d'écrire, notamment dans la revue Chimères.

          Détails
          Parution : 9 octobre 2014
          EAN : 9782749241784
          Chimères
          2/2014
          Thème : Psychanalyse
          Je n’aime plus · Répondre · 1 · 2 min
          Antyphon D'abder
          Antyphon D'abder SOMMAIRE
          n°83 - 2014
          Christiane Vollaire, Valentin Schaepelynck, Florent Gabarron-Garcia,
          Jean-Philippe Cazier, Marco Candore
          Devenirs révolutionnaires 7
          CONCEPT
          Judith Butler Démocratie radicale. Entretien avec Jean-Philippe Cazier 13
          Pierre Macherey Il n’y a pas de bon sens de l’histoire.
          Entretien avec Jean-Philippe Cazier 23
          Orazio Irrera Michel Foucault – Une généalogie de la subjectivité militante 35
          POLITIQUE
          Alain Brossat Un geste actif perpétuellement 47
          Hamit Bozarslan Des tentatives révolutionnaires à l’heure des fragmentations
          sociales. Entretien avec Christiane Vollaire 57
          René Schérer Des modalités du ressentiment dans les devenirs révolutionnaires 71
          AGENCEMENTS
          Hanane et Sy Femmes en lutte 93. Entretien avec Valentin Schaepelynck 83
          Samia Ammar Autour de la condition féminine en Tunisie 93
          François Longérinas Les Fralibs, de la résistance ouvrière à l’alternative coopérative 99
          Alain Brossat, Jean-Marc Izrine Le Yiddishland, une déterritorialisation révolutionnaire 103
          Entretien avec Marco Candore
          Sophie Wahnich L’auto-contrôle de la cruauté des foules révolutionnaires 109
          ESTHÉTIQUE
          Dan Mihaltianu Vie liquide et plaques tournantes.
          Entretien avec Christiane Vollaire 119
          Marc Estève Tresse solidaire 127

          .../...
          TERRAIN
          Jon Solomon Le Printemps de Taïwan :
          quand les Transformers envahissent les boîtes noires 133
          Philippe Borrel L’urgence de ralentir. Entretien avec Alexandra de Séguin 143
          Philippe Coutant Réinventer le politique : autour de la ZAD de N.D. des Landes 149
          Group Guattari New York Devenir planétaire 159
          CLINIQUE
          Florent Gabarron-Garcia Lucille et la guerre – Clinique, Histoire et Socius 167
          FICTION
          Elias Jabre ID-O 183
          LVE
          Saïd Bouamama Figures de la révolution africaine, par Christiane Vollaire 189
          Félix Guattari Qu’est-ce que l’écosophie ?, par Jean-Philippe Cazier 192
          Michel Pastoureau Histoire d’une couleur – Le vert, par Anne Querrien 195

        • c'est un peu orthogonal à ce que dit Mr Jean ??? mais c'est aussi un appel à la démobilisation est à créer maintenant une société duale , UNE sub-society (OPAQUE comme cette époque 🙂 !! sisi vous le savez bien ...) , une société duale hors marché ( du moins en cherchant aux lisières du temps au maximum du possible ) résistante et underground orienté vers le local comme les rézos numériques quand la dialectique comme la métaphysique peuvent casser des briques: dans le kung fu de nos esprits chafouins et vagabonds , code bar zélé , hard core devant l'éternel !! sisi je mens pas 🙂 !! et puisse le faiseur , par ses allées et venues incessantes , laver ce monde à chialer ; qui craque de tout côté !! mais ce qui compte l'ami(e) c'est que t'es la wipe man , que tu sois de panam du bronx ou de harlem wesh le gars trop hors format à la réputation qu'on écorne!! ?? 🙂 !! nos vies dans une capote , sombre amère et hostile, et de la rage dans les bagages, comme du cyanure dans un coin de la quenotte... sisi / mais vous le savez bien .... 🙂 !!

      • Je n'aurais certainement pas mis Deleuze dans mon histoire de la philosophie, ne voyant pas pourquoi il ne serait pas vite oublié sauf peut-être si des anarcho-désirants ne trouvent pas une autre caution intellectuelle, car le plus con chez Deleuze, c'est sa conception d'un désir machinique qui est la fétichisation du désir comme désir de l'Autre.

        Ce bouquin donc s'annonce comme un tissus d'âneries. D'abord ces "devenirs révolutionnaires" que je dénonçais comme un individualisme pseudo-révolutionnaire réduisant la révolution à la subjectivité, comme si on était là pour s'amuser, alors que, ce qui est vital, c'est son objectivité et la critique même du désir de révolution. On est ici d'emblée dans l'illusoire et l'insignifiant.

        La conception d'un désir libérateur (sur un mode spinoziste) est quand même un peu dépassé (qui était certes la vulgate de Mai68) et son caractère démiurgique assez comique face à notre impuissance politique. C'est d'un idéalisme débridé qui attend tout d'une subjectivation miraculeuse où le réel ne compte pas et qui n'est en fait qu'identification au maître (Deleuze).

        Évidemment le pompon de ce bréviaire religieux exhibant tous les codes de la secte, c'est de prétendre que le capitalisme se résumerait aux hiérarchies dont il peut au contraire se passer de plus en plus, ayant pris la place d'un système féodal hiérarchique au profit d'un commerce totalement égalitaire au sens où l'argent n'a pas d'odeur. La question n'est pas de vivre en communautés d'égaux mais de sortir du salariat en s'adaptant aux nouvelles forces productives et aux nécessités de la relocalisation.

        Il y a certainement beaucoup de séduction dans ces injonctions transgressives à la poursuite du Graal, qu'ils s'amusent donc, ce n'est pas pire que d'autres religions, et il est toujours bon de passer en revue les conneries qui ont cours dans nos marges (et celles-ci ont l'avantage de détourner de la violence, s'attaquant aux tendances fascisantes qui étaient celles d'Action directe à l'époque). Ce ne sont malheureusement pas les seules. Il y a quelque chose d'absolument désespérant, c'est comme la libération mondiale de la parole et des communications nous abreuve des pires conneries (populisme comme djihad et théories du complot) qui cohabitent malgré tout avec un système de production rationnel qui marche et approvisionne les marchés sans discontinuer. Comment sortir de la connerie alors que ceux qui voudraient en sortir (de la pensée unique disent-ils) sont encore plus cons...

        • merci pour ce petit commentaire qui me semble tout résumer , finalement assez d'accord... le difficile je sais pas si c'est que je suis tomber dedans malgré moi mais j'ai le sentiment que ce genres de croyances sont finalement très partagée ( par la marge)... le florant gabarron en question est un petit marquis qui passe sont temps à organiser de grandes fêtes entre bobo intello triés sur le volet ( comme tiqqun à tarnac) mais on finalement tout le monde s'emmerde et c'est très puérile et participe aussi d'un certain racisme pour les gens pas comme eux ( en tout cas c'est ce qu'ils me renvoyait) .. mais bien sur c'est identitaire cette sympathie pour deleuze et gatarry .. mais si l'anti-oedipe et milles plateaux sont un tissu de connerie comment expliquer qu'ils aient fait laborde , qui me semblait une réussite clinique à l'époque ( je ne sais pas vraiment ce que ça devient, mais je vois bien quel genre de tocard viennent grossir les rang ... et s'entasser dans cette impasse) ... donc oui on est pas prêt d'oublier deleuze qui devient une religion à la mode ... je trouvais que mille plateau était une formidable introduction à la vie non fasciste ... mais sans forcément tout saisir cela m'a happé , je me suis laissé embarqué ... et jamais simple de reconnaître qu'on s'est trompé , pendant si longtemps ... ... c'est sans doute ça le problème des 30-40 ans , comme tu le dis il s'agit plutôt d'être révolutionnaire que de faire la révolution , cela en devient vraiment désespérant , c'est même en grande partie pour cela que c'est l'enfer pour qui veut changer le monde et pas sa vie ( encore moins de faire de sa vie une oeuvre d'art ( quelle horreur) ... c'est les fameux créatifs culturels dont parlait viveret finalement , bien trop individualistes pour changer quoi que ce soit ... disons oui anarcho-désirant ... le bréviaire a au moins le mérite de rassemble beaucoup de chapelles au point de signer toute la connerie d'une époque et celle des 30-40 du moins ceux que j'ai côtoyé dans les bas fonds et à la fac ... et le fameux florent et sans doute l'un des moins pires dans le gens tanguy ...

        • Je trouve que surtout l'anti-oedipe est un tissus de connerie (qui répondait bien à une demande de l'époque) mais Deleuze n'est pour rien dans La Borde (qui est une expérience formidable) et si Guattari y a été actif, il n'en était pas du tout le fondateur (il était aussi membre de l'EFP même s'il n'y participait plus). D'ailleurs, je ne critique pas la pratique de Guattari qui semblait assez bonne pour autant que je sache, y compris de prendre en charge le milieu marginal et libertaire. Ses écrits, y compris politiques, me semblent plus contestables mais pas autant que les livres avec Deleuze. C'est apparemment Guattari qui a fait délirer Deleuze (il est venu le chercher, la demande venait de lui), mais c'est Deleuze qui écrivait presque tout.

          Que je les critique n'empêche qu'on était proche politiquement, surtout à l'époque. Je les trouvais même très sympathiques mais d'être du même bord ne me rendait pas leurs écrits plus intéressants alors que je déteste le nazi Heidegger dont je ne peux me passer pourtant...

          Il y avait certainement beaucoup de séductions dans Milles plateaux, de quoi faire de ses lecteurs une confrérie et je reconnais l'utilité de leur intervention idéologique pour détourner des tentations totalitaires. Une des difficultés de prendre de l'âge et de traverser les époques, c'est effectivement qu'il faut changer de mode, se renier d'une certaine façon et que c'est douloureux de perdre ses illusions comme de quitter la secte et ses bons copains de misère. On peut refuser d'évoluer par fidélité à son adolescence mais cela n'empêche pas le monde d'évoluer.

          Pour ma part, je crois que j'ai été à chaque fois un peu trop croyant. Le truc, c'est que j'y croyais tellement que je poussais l'étude jusqu'à trouver que cela ne tenait pas debout, que ce n'était que des conneries très hypocrites (religion, marxisme, écologie, etc). Ceci dit, il ne s'agit pas de tourner sa veste et de passer à l'ennemi, il faut garder une certaine forme de fidélité aux intentions initiales, c'est la difficulté, mais on perd les certitudes de la jeunesse si sûre de soi, son arrogance qui fait juger de haut les générations précédentes (non sans raisons) et fait du dernier penseur celui qui annule tous les autres. C'est toute la difficulté de garder une certaine radicalité même après avoir perdu ses illusions, garder un peu de la jeunesse sans sa naïveté. Chacun fait comme il peut mais, en tout cas, il nous faut une politique adulte et sa condition est de reconnaître l'échec de toutes les utopies, reconnaître tout ce qui s'oppose à notre volontarisme bien intentionné.

          • Moi je crois encore qu'il est possible de développer une politique volontariste, mais sans doute pas selon un volontarisme à l'ancienne. Je crois que c'est au niveau du groupe de base que les choses peuvent se jouer, à la façon dont Olivier Zara transforme l'entreprise en ne touchant qu'à la façon dont les réunions sont conduites dans un premier temps. J'essaie de tirer parti de l'expérience du rôle de l'alphabétisation, telle que l'a décrite E. Todd, dans le bouleversement de la société. Je crois que la formation à des pratiques relevant de l'intelligence collective dans les groupes peut déboucher sur une transformation sociale très importante, en phase avec une philosophie de l'information et cohérente avec le municipalisme libertaire par exemple. D'abord parce que les groupes qui adoptent cette démarche deviennent plus efficaces et mieux branchés sur les réalités, sur le retour d'expérience, qu'ils mobilisent mieux leurs ressources.
            De même qu'on peut assister à une révolution agricole grâce au développement des connaissances et des pratiques agroécologiques qui aboutissent à des productions bio moins chères que l'agroindus, et nous n'en sommes qu'au début du savoir faire agroécologique. Les luttes à venir s'annoncent difficiles, par exemple avec la maîtrise des semences que certaines très grandes firmes veulent contrôler au détriment de l'indispensable biodiversité.

  2. https://www.facebook.com/Prol%C3%A9tariat-Mondial-Organiseyyy-1769759756601239/

    Prolétariat Mondial Organiseyyy a ajouté une vidéo : La Chanson de Craonne.
    6 juillet, 11:38 ·
    Un siècle après avoir été écrite, La Chanson de Craonne semble garder toute sa portée subversive.

    Vendredi 1e juillet 2016, à Fricourt le secrétaire d'État aux anciens combattants Todeschini faisait retirer la chanson de Craonne du programme d'une cérémonie franco-allemande pour commémorer la bataille de la Somme. Cette chanson issue des tranchées de 1917 exprime non seulement le dégout de la guerre mais aussi plus particulièrement le rejet de l'union nationale, c'est à dire le fait pour celles et ceux qui ne possèdent rien d'aller mourir pour les intérêts de la bourgeoisie.

    Cet épisode de censure, alors que la chanson n était plus interdite dans l'espace public depuis 1974 n'est pas vraiment étonnant même s'il témoigne de la fuite en avant autoritaire et rétrograde du pouvoir, et ce même sur des questions en apparence symboliques. Avant cela, en mai dernier l'assemblée nationale avait refusé la réhabilitation des fusillés pour l'exemple de 14-18 !

    Le gouvernement PS actuel est bien l héritier des appareils socialistes qui en 1914 trahissaient les promesses de l'internationalisme prolétarien ("les prolétaires n'ont pas de patrie", "paix entre nous, guerre aux tyrans", etc) en soutenant l'entrée en guerre de la fRance à l'instar d'ailleurs de l'immense majorité des réformistes et révolutionnaires européens qui à l'époque succombaient massivement au chauvinisme. La grande guerre n'a pas été qu'une grande boucherie, elle a été aussi une défaite politique pour le mouvement ouvrier dont on n'a pas fini de payer le prix.

    En fRance spécifiquement l'opposition au militarisme et à l'impérialisme bleu blanc rouge est toujours relativement faible pour ne pas dire inexistante, alors que les expéditions néo coloniales (Mali, Centrafrique), et les interventions militaires (Afghanistan, Libye, Syrie, Irak, etc) continuent d'être monnaie courante. Ajoutons que l'État fRançais est en train de passer au 2e rang des marchands d'armes dans le monde (devant la Russie!) enfin "notre" état est en ce moment également impliqué dans la sanglante guerre "civile" au Yémen.

    Ce pays dans lequel nous vivons porte donc une lourde responsabilité dans le chaos du monde, tout en parvenant à être assez peu critiqué pour ses crimes. L'épisode "Je suis Charlie" et depuis les attentats du 13 novembre ont été des occasions -pour l'État et les médias bourgeois - plutôt réussies de faire passer la fRance pour une victime vertueuse qui ne ferait que se défendre face aux méchants terroristes, lesquels s'attaquant selon le discours dominant uniquement à cette dernière parce qu'elle incarnerait la liberté. Là encore bien peu de progressistes et/ou révolutionnaires s'opposent à ce rouleau compresseur belliciste. Dans ce contexte il n'est pas étonnant qu'une chanson dont le message déconstruit la propagande de guerre soit censurée même un siècle après.

    On sait que la campagne présidentielle portera sur l'identité, la nation et l'ordre y compris du côté de la "gauche de gauche", c'est dans ce contexte sinistre que s'inscrit cet épisode ...

    Rappelons nous comme le disait Liebknecht que hier comme aujourd'hui l'ennemi principal est dans notre propre pays.

    À bas l'union nationale !

    La Chanson de Craonne

    Quand au bout d’huit jours le r’pos terminé
    On va reprendre les tranchées,
    Notre place est si utile
    Que sans nous on prend la pile
    Mais c’est bien fini, on en a assez
    Personne ne veut plus marcher
    Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot
    On dit adieu aux civ’lots
    Même sans tambours, même sans trompettes
    On s’en va là-haut en baissant la tête

    – Refrain :
    Adieu la vie, adieu l’amour,
    Adieu toutes les femmes
    C’est bien fini, c’est pour toujours
    De cette guerre infâme
    C’est à Craonne sur le plateau
    Qu’on doit laisser sa peau
    Car nous sommes tous condamnés
    Nous sommes les sacrifiés

    Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
    Pourtant on a l’espérance
    Que ce soir viendra la r’lève
    Que nous attendons sans trêve
    Soudain dans la nuit et dans le silence
    On voit quelqu’un qui s’avance
    C’est un officier de chasseurs à pied
    Qui vient pour nous remplacer
    Doucement dans l’ombre sous la pluie qui tombe
    Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes

    – Refrain

    C’est malheureux d’voir sur les grands boulevards
    Tous ces gros qui font la foire
    Si pour eux la vie est rose
    Pour nous c’est pas la même chose
    Au lieu d’se cacher tous ces embusqués
    F’raient mieux d’monter aux tranchées
    Pour défendre leur bien, car nous n’avons rien
    Nous autres les pauv’ purotins
    Tous les camarades sont enterrés là
    Pour défendr’ les biens de ces messieurs là

    – Refrain :
    Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront
    Car c’est pour eux qu’on crève
    Mais c’est fini, car les trouffions
    Vont tous se mettre en grève
    Ce s’ra votre tour, messieurs les gros
    De monter sur le plateau
    Car si vous voulez faire la guerre
    Payez-la de votre peau

    La chanson de Craonne is an antimilitary anticapitalist and pacifist song which was sung by french soldiers around 1917, during WW1. It was censored for years.
    Last week, a choir wanted to sing it during the commeration of the battle of the Somme but it was censored a century after !

    "When at the end of a week's leave

    We're going to go back to the trenches, Our place there is so useful That without us we'd take a thrashing. But it's all over now, we've had it up to here, Nobody wants to march anymore. And with hearts downcast, like when you're sobbing We're saying good-bye to the civilians, Even if we don't get drums, even if we don't get trumpets We're leaving for up there with lowered head.

    Good-bye to life, good-bye to love, Good-bye to all the women, It's all over now, we've had it for good With this awful war. It's in Craonne up on the plateau That we're leaving our skins, 'Cause we've all been sentenced to die. We're the ones that they're sacrificing

    Eight days in the trenches, eight days of suffering, And yet we still have hope That tonight the relief will come That we keep waiting for. Suddenly in the silent night We hear someone approach It's an infantry officer Who's coming to take over from us. Quietly in the shadows under a falling rain The poor soldiers are going to look for their graves

    Good-bye to life, good-bye to love, Good-bye to all the women, It's all over now, we've had it for good With this awful war. It's in Craonne up on the plateau That we're leaving our hides 'Cause we've all been sentenced to die. We're the ones that they're sacrificing

    On the grands boulevards it's hard to look At all the rich and powerful whooping it up For them life is good But for us it's not the same Instead of hiding, all these shirkers Would do better to go up to the trenches To defend what they have, because we have nothing All of us poor wretches All our comrades are being buried there To defend the wealth of these gentlemen here

    Those who have the dough, they'll be coming back, 'Cause it's for them that we're dying. But it's all over now, 'cause all of the grunts Are going to go on strike. It'll be your turn, all you rich and powerful gentlemen, To go up onto the plateau. And if you want to make war, Then pay for it with your own skins."

    Conférence de Zimmerwald Antimilitarisme
    ‪#‎AllChauvinistsAreBastards‬

  3. Lorsque l'on parle philosophie, on parle d'un rapport de la langue au réel, d'une mise en forme logique du langage pour frayer au sein du vaste labyrinthe du réel. Et aussitôt se pose la question du devenir, de la production de Raison par l'autre de la philosophie, à savoir la poésie, sa rivale amicale et parallèle puisqu'elle emploie les mêmes outils. Il est possible que les "vérités éternelles" de la philosophie se nourrissent de la fluidité poétique au sein de la prose, qui laisse du champ, une part d'ombre nécessaire qui nourrit et renouvelle l'interprétation. C'est pourquoi il émane de certains énoncés philosophiques, une force poétique. La poésie est aussi un champ de bataille avec le réel, même si son objet premier est la langue. Ce n'est pas la beauté qu'elle vise mais la présence au monde. D'ailleurs les formulations des sagesses asiatiques empruntent particulièrement à la forme poétique.

    • C'est une question compliquée (poésie et vérité) qui a été obscurcie par Heidegger. On ne peut identifier poésie et philosophie qui ne sont pas sans rapport pourtant. Les sentiments poétiques qui peuvent être exaltants sont souvent tout aussi trompeurs (amour toujours) mais ce qui fait le grand poète, c'est quand même qu'il dise des vérités effectivement.

      Je me réclame de Rimbaud que j'admire pour ses vérités (la saison en enfer, les illuminations) plus que pour ses vers. Hölderlin est plus métaphysicien et moins véridique à mes yeux (plus complaisant avec nos croyances). Un certain nombre de philosophes grecs se sont exprimés en poèmes (Parménide, Démocrite, etc.) et beaucoup de philosophes ont des formules poétiques résumant leur pensée. Je goûte moi-même les formules mais je crois aussi qu'il faut s'en méfier. La beauté ici arrête la réflexion et fait passer souvent un contenu contestable juste pour la forme. La critique n'est pas belle et la vérité blesse mais il y a aussi une poésie qui nous rend présent le monde, les choses, les moments de la vie, nous les redécouvre.

      Je ne crois pas qu'on puisse se passer de poésie ni de chansons et, à l'origine, je me voulais plutôt poète (ma première parution était des poèmes), très étonné de ne plus écrire de poésie depuis si longtemps...

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