Le tournant identitaire et gnostique du nazi Heidegger

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Jean-Pierre Faye, L'expérience narrative et ses transformations, 2010

Jusqu'ici les philosophes n'ont fait qu'examiner les récits, la narration, le mythos à la lumière du logos, de la raison. N'est-il pas urgent d'examiner les "raisons" à la lumière des positions de narration ? Une simple "tache" narrative peut contribuer à renverser la position de la "pensée". p59

S'il y a bien un aveuglement consternant, c'est celui d'un grand nombre d'intellectuels envers le nazisme de Heidegger, qui n'aurait jamais dû faire le moindre doute pourtant, et qu'on peut assimiler à du négationnisme (il faut voir comme Guillaume Fagniez, dans le numéro de l'hiver 2012 de la revue Philosophie, tente de désamorcer, en dépit du contexte lourdement antisémite, la charge de Heidegger contre "l'Asiatique" dans une conférence italienne de 1936 "L'Europe et la philosophie allemande" et de le disculper entièrement par la méfiance qu'il suscite malgré tout chez les idéologues officiels alors qu'il est quand même l'ambassadeur du régime à cette occasion et membre du parti - certes du côté des SA qui avaient perdu la partie en 1934). Il faut bien dire que même ceux qui parlaient déjà, comme moi, du nazi Heidegger, avaient cependant tendance à atténuer sa responsabilité, en faisant tout au plus un "idiot utile" du régime, sa conception toute personnelle du national-socialisme étant supposée très éloignée de la vulgarité d'un racisme biologique et de toute politique d'extermination. C'était sans doute le croire plus bête qu'il n'était car on découvre depuis quelques années à quel point il adhérait à l'idéologie hitlérienne et tentait de l'intégrer à sa philosophie, d'en donner sa version du moins, certes critique mais avec le souci de se conformer à l'orthodoxie nazi, et pas seulement pour se protéger.

Ce qu'il appellera lui-même un tournant de sa philosophie, daté de son époque nazie, se révélera effectivement une véritable introduction du nazisme dans la philosophie, passant de l'angoisse de la mort trop individuelle à l'enracinement, l'identitaire, l'originaire, l'appartenance à un peuple mythique, le retour d'une religiosité vaguement mystique et la réduction de l'histoire à une décadence où nous perdrions notre humanité et notre âme à cause de l'empire de la technique et de la raison. On ne peut dire que ce soit un tournant nazi car il était encore plus nazi avant mais bien l'introduction de son nazisme dans sa philosophie (devenue en même temps critique du nazisme réel, un peu comme un trotskiste critiquant Staline). On ne peut dire non plus que ces thèmes soient étrangers à notre actualité, leur résurgence témoignant plutôt qu'ils n'ont pas fait l'objet d'assez d'attention de la part de nos penseurs.

Il faut tout de suite préciser que cette faute originelle ne suffit pas à l'annulation de tout ce que Heidegger a pu apporter à la philosophie et qui est considérable mais c'est justement le scandale, exigeant d'y penser à deux fois et qui ne peut laisser indemne ses apports justement. Le point sur lequel je voudrais insister et qui rapproche l'existentialisme d'une sagesse plus que d'une philo-sophie avec le thème de l'aliénation, c'est la complicité entre authenticité et extermination. De quoi choquer, certes, les âmes sensibles qui trouveront cela trop exagéré pour leurs intentions si pures mais qu'on ne peut que constater chez les critiques de la technique comme de l'aliénation ravalant facilement les autres à des automates ou des bêtes en troupeau, délestés de toute humanité. La recherche de l'origine comme de leur propre identité en aura décidément ébloui beaucoup trop par ses promesses d'inouï (et il faut bien dire que ses analyses existentiales pouvaient être éblouissantes, tout comme sa lecture du Sophiste par exemple, et ce qu'il peut avoir de plus faux reste un moment de la vérité comme sujet qui se dévoile dans ses errements mêmes, impossible à expulser de l'histoire de la philosophie, pas plus qu'on ne peut expulser le nazisme de l'Histoire qui ne renvoie pas à une vérité de l'origine mais au compte de ses impasses et illusions).

J'avais déjà fait un article sur le sujet en 1997, à partir des "Chemins qui ne mènent nulle part" mais, plus récemment (2007), j'avais surtout rendu compte du livre d'Emmanuel Faye, "Heidegger, L'introduction du nazisme dans la philosophie" où la publication des séminaires de la guerre témoignait déjà de sa reprise des grands thèmes du nazisme, y compris son racisme (même prétendument intellectualisé et culturel). Avec son père, Jean-Pierre Faye, et son dernier livre "L'expérience narrative et ses transformations", on passe encore un autre seuil, pas tellement parce que Heidegger se serait permis de parler à l'avance "d'extermination de l'Asiatique" mais surtout, parce que "le tournant", revendiqué par lui, passage de la subjectivité du Dasein à l'ouverture de l'être où l'histoire de la métaphysique devient celle du nihilisme, ce complet renversement qu'on peut dire gnostique de son engagement premier dans la métaphysique se serait produit sous l'impulsion des critiques de l'idéologue en chef des nazis (après Rosenberg), Ernst Krieck (un peu comme Hegel accusé d'athéisme se sentira obligé d'en rajouter sur le divin?). Il ne s'agit pas de prétendre qu'il se serait soumis à ce petit instituteur mais plutôt qu'à vouloir se défendre de ses accusations (dangereuses en effet), il finira par en intégrer l'essentiel. Evidemment, on peut y voir une interprétation paranoïaque, par le petit bout de la lorgnette d'une haute pensée qui survole les contingences de l'histoire, mais cette interprétation, qui ne troublera aucun croyant, a le mérite d'éclairer le parcours d'une pensée par son trajet biographique et de prendre du coup un certain recul par rapport à son sens immédiat, passant si l'on veut de la poésie lyrique à la prose la plus prosaïque, située dans un récit qu'on se raconte et non dans une pure argumentation rationnelle. L'intéressant, c'est de toucher cette fois au coeur même de la doctrine, de la saisir dans son éclosion.

Il ne semble pas cependant que ce livre ait eu un quelconque impact et qu'il soit resté largement ignoré, peut-être à cause de son titre qui m'a attiré par la référence à la narration mais dont il faut bien dire qu'il n'a qu'un rapport lointain avec son véritable sujet ; peut-être à cause de sa forme déficiente aussi, sans aucun travail d'édition et de nombreuses fautes d'impression ou d'orthographe ; sans doute enfin par ses répétitions incessantes donnant une impression de radotage à ressasser à l'infini les quelques faits sur lesquels il s'appuie et qu'on peut trouver minces. Cela n'enlève rien à leur importance, au moins dans leur timing témoignant, comme le dit Heidegger lui-même, qu'on ne peut penser hors du temps et que les philosophies les plus totalisantes sont le produit de situations historiques précises et des préjugés de l'époque. Il n'empêche qu'avec Etre et Temps, il a ouvert un nouveau domaine où Kojève a trouvé une bonne part de son interprétation de Hegel (même s'il a jugé qu'il avait ensuite "très mal tourné"). Y compris sa deuxième philosophie, après le fameux tournant de l'essence de la vérité comme liberté et ouverture à l'Etre, mérite assurément réflexion, en dépit des circonstances aggravantes, et semble bien précéder malgré tout (1930) l'histoire qu'on nous raconte (1934). C'est peut-être largement une reconstruction après-coup, il faudrait regarder plus en détail [François Jaran le situe entre mars et décembre 1930 mais, dans mon édition, et comme le signale JP Faye, le paragraphe de la postface de l'essence de la vérité qui attestait expressément d'un tournant est remplacé par sa dénégation!]. On ne peut en nier pour autant les germes dans ce qui précède (ne serait-ce qu'avec l'ἀ-λήθεια), en bonne dialectique une rupture manifeste n'empêche pas une continuité à un niveau plus profond, en tout cas la tentative d'en reconstituer l'unité fondamentale. Pour le texte "Qu'est-ce que la métaphysique ?" de 1929, c'est beaucoup moins évident, on a là effectivement un véritable retournement entre un retour annoncé à la métaphysique et sa mise en cause radicale, retournement justifié de façon ampoulée et obscure par une introduction et une postface ! C'est sur ce texte qui ouvre "Questions I" que le livre de Faye est le plus éclairant sans aucun doute et devrait soulager les pauvres étudiants d'essayer de comprendre des énoncés si contradictoires.

Le noeud de l'affaire, serait donc la critique d'Ernst Krieck accusant Heidegger d'athéisme et de nihilisme métaphysique (assimilé à la pensée juive). Pour se défendre de cette accusation Heidegger, qui pensait renouveler la métaphysique par la révélation de la totalité de l'Être dans l'expérience de l'être-pour-la-mort, sera amené à changer complètement son fusil d'épaule en faisant désormais de l'histoire de la métaphysique l'histoire de l'oubli de l'Être comme totalité en devenir (destin) derrière l'objectivité de l'étant. Il est significatif qu'il passe du négatif qui nous universalise (l'angoisse et le néant) au positif de l'origine qui nous divise. Comme Faye le souligne page 119, il passe ainsi de la Nichtung (néantisation) à la Lichtung (clairière), rejoignant d'une certaine façon la philosophie vitaliste d'Ernst Krieck qu'il méprise pourtant et pour qui c'est la vie qui vit en nous, vie de l'espèce ou de la race avant toute individuation (pour Heidegger, c'est plutôt la vie de la langue mais non pas tant dans son universalité logique que dans sa particularité germanique et son étymologie spécifique, sous-estimant sa recréation perpétuelle). Occasion de souligner que le danger ne vient pas du tout du nihilisme, invariable rengaine de tous les moralistes et néocons, comme si l'humanité était si fragile et ne tenait qu'à un fil, mais bien plutôt de sa dénonciation. C'est toujours pour le Bien qu'on massacre en masse, au nom des lois de Dieu ou de la Nature, ce dont on devrait se souvenir dans ces temps troublés qui ressemblent par tellement de côtés à cette crise de 1929.

Ce qui empêche de reconnaître la proximité de la philosophie de Heidegger avec le nazisme, c'est que c'est tout simplement impensable. Comme le nazisme représente le mal absolu, impossible de le penser, on peut seulement le rejeter inconditionnellement. Le travail qui a été fait par d'anciens communistes sur le stalinisme n'a donc pas été accompli de la même façon sur le nazisme, réduit au point Godwin qui arrête toute discussion. Il faudrait, en effet, pour penser ses extrémités admettre une part de vérité aux fascismes comme il y a une part de vérité dans le communisme malgré leur part d'ombre qui les condamne définitivement. A la fin de son "Introduction à la métaphysique" (1935), Heidegger parle de "la vérité interne et la grandeur de ce mouvement (c'est-à-dire la rencontre, la correspondance, entre la technique déterminée planétairement et l'homme moderne)". Dans le cours sur Schelling de 1936, il dit aussi : "Les deux hommes - Mussolini et Hitler - ont, chacun à sa façon, inauguré un mouvement d'opposition au nihilisme" avant d'inverser son jugement en mettant les chambres à gaz sur le même plan que la motorisation de l'agriculture et dans le même sac "communisme, fascisme ou démocratie universelle" livrés à l'impersonnalité technique.

Lorsque j'évoquais dans le temps un possible retour du fascisme, c'était sans trop y croire et par pure déduction dogmatique d'une vision cyclique des idéologies mais c'est devenu désormais un peu trop plausible, comme pour nous rappeler qu'on ne s'est peut-être pas assez penché sur la question, sur ce besoin d'appartenance et d'identification qu'on retrouve aujourd'hui dans les crispations communautaires et le besoin de s'inscrire dans une tradition quitte à l'inventer ! Par contre, le biologisme ne semble pas dominant cette fois, malgré l'actuel mouvement d'opposition au mariage homosexuel considéré comme contre-nature, le rejet de l'autre étant plutôt culturel de nos jours et de l'ordre de la guerre des religions. En fait, le biologisme s'est déplacé de la lutte des races au darwinisme social plus individualiste du néolibéralisme comme d'une bioéconomie auto-organisatrice avec une concurrence généralisée dont on paye les pots cassés. Or, on peut dire qu'avant d'en faire les agents de la technique destructrice, le seul point sur lequel Heidegger s'opposait aux idéologues du nazisme, c'est sur leur biologisme et leur anthropologisme. Pour le reste, Heidegger reste largement fidèle à son nazisme, justement avec ce "tournant" qui recycle le fonds de commerce des extrêmes-droites : le peuple, la patrie, l'identité, la tradition, l'originaire et leur "aliénation" appelant des pratiques purificatrices et des sacrifices expiatoires. On renverrait bien à la dialectique des positions morales de la phénoménologie de l'esprit, dont ce conformisme ne constitue que la première étape, la plus naïve, mais qu'il soit bien clair que ce populisme élitiste et hiérarchique, qui n'est donc pas défendu seulement par des débiles décervelés, ne désigne pas le petit peuple ni les dominés mais une totalité qui nous dépasse, une entité mystique formée par une supposée origine commune. S'il y a un véritable besoin d'appartenance et de communauté qu'on ne peut négliger comme le fait le libéralisme, il paraît bien dangereux de vouloir un peu trop y répondre en donnant existence à de telles abstractions tout comme en donnant crédit à la linéarité d'un récit qui ne rend pas compte de nos origines buissonnantes.

Ce qui est juste, c'est à quel point l'individu ne parle pas à partir de lui-même mais d'une situation, d'un discours, d'une totalité dans laquelle il s'inscrit et d'une communauté à laquelle il s'adresse mais il y a une multitude de discours, d'origines, de totalités, d'associations, la communauté nationale n'en étant qu'un niveau particulier sans primauté de principe. Ce qui différencie une société d'un organisme, c'est que la société n'est pas donnée, elle doit être instituée par des lois qui peuvent changer de même que son extension. S'il y a une pensée de l'Être, c'est bien plus une pensée planétaire que nationale, sans oublier d'où l'on vient, et les civilisations qui nous ont précédé dans leurs diversités, mais suivant désormais les évolutions techniques au même rythme accéléré, tout comme nous voyons tous augmenter inexorablement nos émissions de gaz à effet de serre...

Le thème de l'aliénation est assez vaste et donc trompeur. Ainsi, il n'est pas du tout du même ordre chez Luckàcs ou Heidegger (sans parler de Freud) mais il relève sans doute chez leurs disciples de la même dimension religieuse et purificatrice. Il est difficile de comprendre ce concept et la philosophie de Heidegger sans son ancrage premier dans la théologie, entre catholicisme et Kierkegaard. Toutes les religions ou sectes quelconques promettent de nous délivrer du mal et de retrouver notre véritable nature divine que nous avons laissée corrompre. Le thème gnostique de la chute dans l'oubli de l'Etre est comme un retour du refoulé après sa période de rupture avec l'église catholique consécutive à la découverte de la phénoménologie. L'aliénation, c'est au fond la distraction pascalienne qui nous détourne d'une contemplation entièrement tournée vers son Dieu comme réel le plus essentiel et pourtant, il saute aux yeux que le nazisme de Heidegger était on ne peut plus aliénant, son effort pour sortir de l'aliénation n'ayant fait que renforcer sa propre aliénation. Or, cette obnubilation sur notre supposée aliénation nous a été transmise par l'entremise de Marcuse et de son homme unidimensionnel, malgré son opposition manifeste à celui qui a quand même été son directeur de thèse. De là, André Gorz a transmis ce souci d'authenticité à l'écologie-politique (tout comme Guy Debord pour d'autres, s'appuyant plutôt sur Lukàcs cette fois et le fétichisme de la marchandise ou du spectacle) mais nous avons eu le temps depuis 1968 d'en faire l'expérience. Il serait peut-être temps de dénoncer la mythologie de l'aliénation et de l'homme total supposé y échapper comme promesse publicitaire du même ordre que le prétendu développement personnel. Il y a bien sûr des aliénations dont il faudrait se délivrer, c'est un combat quotidien. On peut rechercher des émotions intenses ou avoir la passion de la vérité comme de la liberté mais, répétons-le, prétendre se débarrasser de l'aliénation, c'est l'extermination assurée. Pour celui qui juge de si haut, les masses aliénées n'ont plus rien d'humain et peuvent êtres rayées de la carte sans remords pour retrouver le paradis perdu d'une nature vierge de toute civilisation, préservée du travail destructeur de la raison, pour retrouver enfin l'étonnement des premières fois avant ce monde déjà vécu. La vérité est plus cruelle, ceux qui luttent contre l'aliénation n'étant pas les moins aliénés dans leurs poses comme dans leur ascèse transgressive. Il y a incontestablement des aliénations dont on peut se défaire, mentales ou sociales, mais on ne fait que les renforcer à promettre de s'en délivrer par quelque magie noire. Au lieu d'une supposée aliénation intérieure nous transformant en zombies, agents irresponsables d'un "on" impersonnel, parlons plutôt des aliénations matérielles et oppressives, des chaînes qu'il faut briser de l'abolition de l'esclavage à la sortie de la subordination salariale au lieu des stéréotypes de la contestation et d'une liberté trop affichée pour être honnête.

Que peut bien signifier se situer dans un post-Heidegger ? Non pas nier cette dimension religieuse qui certainement nous habite et dont on a tant de mal à s'éveiller mais plutôt contester le recours à l'originaire ou la généalogie comme aux repères identitaires au profit de la projection dans un avenir commun. Ramener le dernier Heidegger à la religion permet quand même de mieux le comprendre et n'est pas le trahir dans son attente insistante d'un Dieu absent, ni déconsidérer ses réflexions comme sans objet. Cela devrait au contraire nous inciter à prendre conscience de notre propre religiosité et du caractère totalitaire du sens, notamment dans la quête d'une authenticité parée des attributs de l'être suprême. L'attitude religieuse est sans doute l'attitude naturelle de l'être parlant qui attend que le monde lui réponde et qu'il fasse sens, attitude infantile qu'il faut pourtant abandonner comme le roman de nos origines. Si l'originaire n'est plus sacralisé du règne obscurantiste de l'ignorance, la technique n'est plus aussi diabolique, ce qui n'en supprime pas toutes les nuisances et aliénations parfois, mais n'en constitue pas moins notre destin dont le défi impossible est d'en maîtriser les risques de plus en plus incommensurables, jusqu'à nous mettre en cause dans notre existence même.

Ce n'est pas vraiment un compte-rendu, plutôt une réflexion sur ce qui constitue le coeur du livre, à la fois ténu et décisif pour les enjeux du temps, mais il ne se limite pas tout-à-fait à cette relation historique, nous rappelant par exemple ce qu'avaient été les "néoconservateurs" de ce temps là, tout comme le rôle crucial de Carl Schmitt dans la prise de pouvoir des Nazis, ainsi que sa "constitution de la liberté" liberticide, alors qu'il est tellement à la mode chez certains intellectuels "radicaux" ! Je dois dire par contre que l'auteur me semble tomber dans le même genre de dénégation qu'il fustige lorsqu'il prétend laver Nietzsche de tout soupçon jusqu'à vouloir faire de sa morale des maîtres la morale des marginaux, ce qui est un peu fort même si la compassion pour un cheval a pu triompher à la fin de son snobisme maladif - mais pour le précipiter dans la folie. S'il est insoupçonnable d'antisémitisme, en voilà un qui revendique clairement le mépris des peuples aliénés et plein de ressentiments. Je n'ai jamais compris cette bizarrerie, ce véritable contre-sens d'un nietzschéisme de gauche ! Encore une fois la philosophie nous confronte à nos limitations cognitives en même temps qu'à nos prétentions délirantes à décider de la totalité du monde, ce qui a un sens nouveau à l'ère de l'Anthropocène où nous sommes devenus responsables du monde réellement, matériellement et non plus seulement dans le ciel des idées, où notre capacité à ne pas trop nous tromper sur l'économie comme sur le climat ou la politique, est devenue absolument vitale.

[Depuis la publication du manuscrit de ses "Apports à la philosophie", écrit en 1936, on veut y voir son véritable tournant, c'est en tout cas celui où il rompt avec le nazisme et la politique en général mais aussi où il adopte une mystique de l'Être]

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54 réflexions au sujet de “Le tournant identitaire et gnostique du nazi Heidegger”

  1. Texte bien ciselé. Cette tentation d'affranchissement de l'aliénation est un piège virtuel aux conséquences réelles et stupéfiantes. J'en ai vu qui sous ce synonyme aristocratique du déconditionnement désaliénant à coups de tronçonneuses mal réglées montaient d'un cran dans le gag de l'arroseur arrosé.

    Une forme d'affranchissement complètement avortée par naïveté toute puissante.

    Même d'assez brillants esprits tombent dans le panneau de ces sortes de champs d'attraction conjoncturels et un peu trendie.

  2. Yvan Brunet a signalé dans un commentaire récent, les cours (mp3) de Bruce Bégout sur l'histoire de l'aliénation. On peut recommander en effet l'introduction au moins (le reste est un peu long quoique intéressant).

    Il y a une remarque que j'ai trouvé très juste, c'est la nécessité éprouvée de revenir au concept d'aliénation pour les nouvelles pratiques néolibérales du management. On peut comprendre que passer par une Ecole de commerce traumatise assez, effectivement, au niveau de l'aliénation, c'est un sommet. La mise au travail de la subjectivité dans l'acte commercial est incontestablement, mais seulement pour certains, une aliénation intime insupportable, le mensonge institué. Il y a aussi ce qu'on appelle "l'autonomie subie" et qu'on n'aurait pas imaginé avant de le connaître, aliénation certes paradoxale. Il n'est bien sûr pas question de prétendre qu'il n'y aurait aucune aliénation dont il faudrait se défaire, notamment dans le domaine économique et de l'aliénation dans le travail, aliénation bien matérielle, seulement de mettre en cause la dimension métaphysique et identitaire de l'aliénation. Tout le problème, c'est le glissement de l'un à l'autre et pourquoi il ne peut plus y avoir de critique de l'aliénation qui ne comporte sa propre critique (critique de la critique) conformément à toute bonne dialectique.

    Il me semble aussi que la psychanalyse manque dans le parcours de Bruce Bégout. Or la psychanalyse lacanienne est sans doute ce qui brise le mythe de l'homme total en manifestant un sujet divisé et toujours aliéné à un désir insatisfait par structure. Il y a certes une éthique de la psychanalyse comme libération du désir et qui nourrit aussi l'illusion d'un désir débridé mais si la psychanalyse ne peut évidemment nier l'aliénation au surmoi comme à notre image, elle devrait dégonfler toute prétention d'identité à soi-même et d'un accès direct à l'être. La pièce se joue sur une autre scène, dans les histoires qu'on se raconte. Tout ce qu'on peut faire, c'est participer aux luttes en cours.

    • oui je te suis ...

      l’aliénation comme une dépossession de ce qui nous est en propre ! notre si délicat et si fragile impulsion/détonateur ( imagination radicale ) pour castoriadis de se construire un monde propre un monde qui semble pouvoir tenir debout et tenir le coup , mais aussi un monde ouvert : le seule combat dès lors c'est celui de la réappropriation ....jusqu'à la parrhésia .... c'est la triste vérité de ceux qui ont moins de 30 ans et qui grandit dans le désert spectaculaire ( car ils n'ont pas idée d'autre chose ) , comme dit deleuze !!!!!!!!!!! méritez d'hériter quand la généalogie fait défaut , parole de jacques Derrida ....

      il me semble à l'écoute de la première séance , qu'il fait du désir , le désir de l'autre ( Hegel , Lacan ) et de l'esprit ( en héritage et en rature ! ) un bien intime à la base totalement étranger ! car on n'en finira jamais de nos aliénations : être libre c'est choisir ses dépendances , sa vie ! et son travail ! comme émerger c'est laisser choir !! l'oisillon doit apprendre à tomber pour apprendre à voler ....

      à consommer comme de la drogue dure !!

      bien à toi j'espère pour toi un heureux dénouement !! que le sort t'épargne , salam mon pote , au plaisir !! ??

      • parfois l'histoire avance à coup de bâton , parfois à coup de crayon , cramé sous la capuche avec dans la poche un p'tit couteau suisse : des faits réels qui surgissent droit dessous ma plume !! mon diplôme : elle pose des problèmes et cause des glaucomes comme les réverbérations en kaléïdoscope d'un diadème sur le macadam ... l'avenir erre sur goudron ou pavé ! comme des vagabonds efficaces , des bohèmes matinaux : pour des coopératives municipales intenses et convulsives !! on ne m'en fera pas démordre être libre c'est choisir ses passion et donc ses aliénations sans quoi on est vite aveuglé par son ressentiment ... les choses belles et telluriques sont parfois trompeuses ... comme l'ange qui fait la bête

        • salut l'ami(e) curieux de savoir ce que tu penses de ça , c'est court , par rapport à l' histoire du concept d'aliénation !! où situer le hip hop et les punks , et les manouches ( sous acides) : autant de vagabonds efficaces tremblants de froid comme des bohèmes matinaux : à l'aurore; avec le réconfort d'un grand verre d'alcool fort !! à l'aurore : où et quand les grands esprits se rencontre !! il faut rallumer les étoiles , et ne demander rien de moins que l'otium !! hip hop pour l'peuple frère !!

          • ne dire la vérité que dans sa langue et parler en même temps une sorte de langue étrangère

            sortir le grand jeu , parler cette langue qui est à venir et qui n'est pas encore parlée , où ce que nous touchions du bout des doigts seulement , devient de nouvelles évidences , un nouveau sol. Si nous ne sommes pas l'à-venir, nous ne somme rien. Le nihilisme fera sont trou par mis nous, sans aucun doute, mais reste à savoir si il le fera sous une forme sublimée ou pas. L'homme de guerre véritable retourne la fureur contre lui même. Si le grand jeu se fait dans le cercle de feu de l'espace furieux ( la zone d’opacité offensive bordelaise, la marge) c'est l'assurance de forcément gagner à la fin. même si il convient de prendre toutes les précautions d'usages.et qu’il faudra en passer par tout un tas de renoncements .

            *Le grand jeu est un projet collectif d'
            « UNiverSité » LiBre, ExPériMentale, et TRansDiscipLinaire

            .
            Il est ouvert, à toutes et à tous, mais n'appartient à personne.
            Que toutes les disciplines et tous les indisciplinés s'y rencontrent pour créer un nouveau rapport au savoir. ET se dire que la vie n’est pas si laide que ça !

    • laissez donc ouvert ces chemins qui ne mènent nulle part , car nous habitons dans le monde de l'esprit et dans le monde des œuvres permanente : c'est l'art pirate et ses jeux c'est le squat c'est l'orgie c'est l'émeute , le squat cognitif et la guérilla idéologique , l'intifada verbale ! le hip hop : un art étrange à la conquête de la planète entière , PIRATERIE SONORE ET MUSIQUE DE ZONARTS ?? , pour faire sa mère aux condés et aux langues de vipères !! prolétaires intolérant , prenez garde des rappeurs le couteau entre les dents !! notre sceaux sera le marteau et l'enclume !!

      il y a pas de secret , à la recherche de l'universel et d'un idéal , charbonner quotidiennement doit être considérer comme normal ! !

  3. "...avoir la passion de la vérité comme de la liberté..."
    Si on pousse un peu ces deux passions, on se retrouve, avec la passion de la vérité, à intervertir représentation et représenté, et avec la passion de la liberté on se condamne à devenir ermite...et encore.
    Nos représentations sont incluses dans la réalité et non l'inverse, elles ne peuvent donc que demeurer des morceaux de vérité.
    Nous combinons nos libertés dès que nous sommes deux à partager un espace mis en commun par l'interdépendance de nos actions.

      • Je comprends le renforcement des deux termes dans votre cas, parce que la vérité prend pour vous un sens matérialiste informatif et que le premier qui dit cette vérité là ne peut que s'exclure du groupe, être littéralement libre du groupe pour pouvoir la dire.

        Pourtant la vérité et la liberté servent souvent des objectifs contradictoires. La vérité est souvent une mise en forme d'un dogme rassembleur, alors que la liberté sert à nier l'entrelacement des choix des membres de la collectivité.

      • Il y a quand même un sujet relatif à la liberté qui me semble très important: (sinon le plus important à mes yeux) comment on fait pratiquement pour combiner sa liberté avec celle des autres. Parce que traiter de la liberté sans pratiquer cette combinaison qui est notre condition ordinaire, c'est un peu comme parler de natation sans la pratiquer. Mieux on sait nager et plus on acquiert de liberté vis à vis du milieu.
        Les réponses sont à la fois organisationnelle et personnelle. Je dirais qu'il est souhaitable de se doter de règles qui favorisent et soutiennent la parole et le statut des plus libres (c'est une des fonctions importantes des humoristes, des fous du roi, de ceux qui sont chargés de la mesure en sociocratie dans les groupes restreints...).

        • Posée de façon trop générale, trop abstraite - ce qui est pour Hegel le sens commun à l'opposé du philosophe - impossible de répondre à la question avec un truc sensé régler le problème une fois pour toutes. Il y a plusieurs sortes de liberté, liberté dans le travail ou liberté du commerce, liberté de moeurs ou d'imposer ses modes de vie (liberté d'interdire), liberté individuelle ou collective, etc. Pour Heidegger, en bon nazi et religieux, la liberté est surtout celle de l'engagement total, liberté qui s'affirme dans son abandon à Dieu, à l'Etre ou au Führer comme la liberté prétend s'affirmer dans le suicide stoïcien. La liberté ici n'est qu'une obéissance consentie mais chez la plupart des autres philosophes elle ne consiste effectivement qu'à obéir à la raison (et non à la détermination par ses pulsions animales).

          Contrairement à Heidegger, il faut partir d'une disharmonie entre individu et société, de la difficulté à vivre ensemble (ce que refoulent les utopies communautaires), des problèmes de voisinage mais si cela peut justifier la nécessité d'une médiation, celle-ci ne peut être unique et toujours la même. Ce qui répond à la question de la combinaison de nos libertés, c'est l'Histoire où l'on voit une dialectique historique déboucher sur les "Principes de la philosophie du Droit" (Hegel), la liberté ne devenant liberté objective que par le droit (des règles et des procédures effectivement). Ni la vérité, ni la liberté ne sont données d'avance mais sont construites en tâtonnant (quoique les acteurs soient convaincus de détenir la vérité mais ils se cognent sur le réel qui les dément). C'est ce qui fait qu'il ne suffit pas de réunir de grands intellectuels et des esprits clairvoyants pour résoudre tous les problèmes du monde (illusion du Collegium) alors que chacun se trompe ou s'aveugle au-delà de son bout de vérité et qu'il ne suffit pas de vouloir défendre la liberté ni les "plus libres" pour que ce soit effectif et ne soit pas simplement une idéologie de la liberté (cf Kojève).

          Ceci dit, des médiations sont incontestablement utiles. Lacan avait inventé ce qu'il appelait des cartels dont le nombre de participants devait être restreint (4 au mieux) avec ce qu'il appelait le "plus un" qui représentait le cartel comme un tout et sa liaison à l'EFP, assurant la circulation de la parole et la poursuite du travail.

          • Oui, la question de LA liberté souffre d'être posée de façon trop générale et trop abstraite, ce qui laisse le champ "libre" à des dialogues de sourds, par exemple entre libéraux qui s'appuient sur des principes vagues comme "la liberté de chacun s'arrête où commence celle des autres" et leurs opposants qualifiés "d'interventionistes" ou centralistes ou jacobins qui entraveraient la liberté. Je fuis ce genre de débat et je tente plutôt d'observer qui décide quoi et comment, puisqu'au bout la liberté, c'est celle de faire des choix. et que ces choix engagent la plupart du temps plus que soi-même, c'est à dire qu'ils prennent très rapidement un caractère politique.
            La disharmonie me semble un bon point de départ et le tâtonnement aussi, ce qui nous renvoie à votre philosophie de l'information plutôt qu'au dogme, au feedback institué plutôt qu'à une causalité linéaire afin de pouvoir intégrer et réguler, au moins un peu, les mouvements dialectiques.
            Il n'en demeure pas moins qu'on reste à ce stade à un niveau technique. Que voulons-nous, quel contrat social voulons-nous, reste une bonne question et un bon sujet de débat et de délibération. Pour ma part, je soutiens une position solidariste ET subsidiariste qui résume comment je souhaite que nous combinions nos libertés.

          • En fait, moi aussi j'ai eu un "tournant", lié effectivement à l'approfondissement du concept d'information et de nos limitations cognitives comme des illusions du récit idéologique qui voudrait faire croire aux acteurs malhabiles qu'ils sont les auteurs de la pièce. La crise aussi et les révolutions ratées ont raffermi la fatalité du système et des contraintes matérielles alors que l'utopie se réfugie dans l'islamisme. Contrairement à ce que je pensais quand j'étais chez les Verts notamment, je ne crois donc plus qu'on devrait se poser la question "quel contrat social voulons-nous ?". Il faut plutôt avoir un approche stratégique en fonction des possibilités du moment, des opportunités de la situation. Passer un peu comme Heidegger, du subjectif à l'objectif.

            Certes, on a des préférences, mais on ne peut que les faire jouer dans un cadre très concret et limité, il faut effectivement faire avec les autres qui n'ont pas les mêmes objectifs. On ne signe pas un contrat social, on est partie prenante de la société où l'on est né et qu'on n'a pas choisi (qui est même en contradiction avec ce qu'on a appris). Il peut y avoir des changements radicaux mais seulement si la situation l'exige. Heureusement que la société n'est pas un contrat rédigé à notre guise et qu'elle ne tient pas à nos bons sentiments et nos visions du monde simplistes. Si la solidarité et la subsidiarité s'imposent, c'est matériellement, comme la gratuité numérique et les contraintes écologiques. Le revenu garanti est le nouveau compromis fordiste exigé par le travail immatériel, etc. Tout-à-fait l'opposé du volontarisme utopique et il s'agit plus d'être attentif à l'esprit du temps et aux transformations en cours qu'à poursuivre un idéal. Il s'agit bien d'aller au maximum des possibilités du temps, mais souvent ce maximum n'est pas grand chose et très décevant par rapport à nos rêves d'enfants. Il n'empêche qu'il faut essayer d'en tirer le maximum du côté de la solidarité, de la réduction des inégalités et de notre empreinte écologique, qu'il faut se mobiliser pour éviter le pire mais pour cela, il ne faudrait se faire aucune illusion, le seul gage de réussite étant la justesse des analyses et des réponses à donner, pas les grandes envolées verbales.

        • "...je ne crois donc plus qu'on devrait se poser la question "quel contrat social voulons-nous ?". Il faut plutôt avoir un approche stratégique en fonction des possibilités du moment, des opportunités de la situation..."
          D'accord, à condition que stratégie ne veuille pas dire tactique, c'est à dire que l'action s'inscrive selon une direction, c'est à dire qu'on se soit mis au clair soi-même avec cette direction. Cette mise au clair a été pour moi un long processus d'élaboration fait d'intuitions, de confrontations avec mes observations, des lectures (parmi lesquelles j'ai assez apprécié votre "massacre des utopies), des discussions etc..Plusieurs options politiques sont viables, elles ne se valent pas toutes.
          Le général Vincent Desportes exprime assez bien la différence entre tactique et stratégie. La tactique ne mène nulle part si elle n'est pas mise au service d'une stratégie, d'une orientation. Mieux vaut une faible avancée stratégique qu'une victoire d'éclat tactique dénuée de stratégie.

          • Je suis d'accord sur le besoin d'une stratégie, ce pourquoi je m'appuie sur des tendances à long terme (numérique, cycles long, écologie, humanisation), ce que je conteste, c'est le subjectivisme des valeurs, le volontarisme voulant plier le réel à ses préjugés (bien intentionnés). Certes, pour aller dans le sens de l'histoire encore faut-il y trouver intérêt, que cela soit conforme à nos valeurs, nos désirs, notre impatience mais c'est justement à bien comprendre à la fois ce sens de l'histoire (comme réalisation de la liberté) et ce qui fait nos valeurs (aspiration à l'universel et désir de reconnaissance) qu'ils devraient s'accorder. Beaucoup fustigent ce progressisme considéré même comme totalitaire, mais c'est qu'ils ne se comprennent pas eux-mêmes à se croire en dehors de l'évolution humaine. On est toujours dans la contradiction de n'exister qu'à s'opposer au monde et pourtant ne faire qu'en continuer l'histoire, d'une liberté qui est moins caprice individuel que raison collective. Plutôt que de croire qu'on façonne de l'extérieur un monde qui nous est étranger, il faut reconnaître que ce monde est notre produit et en quoi il rate sa destinée nous pressant de corriger nos erreurs.

          • Je continue à penser que bien qu'en accord avec vous sur le peu d'influence qu'on peut avoir sur la matérialité de l'histoire en marche , le premier et nécessaire levier - si l'on sort des trajectoires individuelles et qu'on se place au niveau politique de "faire société ensemble" c'est de bien analyser et organiser l'outil politique , la gouvernance.
            Je reste persuadé qu'une démocratie purement représentative est en soi structurellement un verrou à toute action politique autre que la gestion de système.
            Le politique est un volontarisme ; c’est une approche globale et transversale des choses qui par nature ne peut pas être déléguée : ce sont directement les citoyens qui doivent à ce niveau gouverner ;il manque cette dimension de démocratie cognitive organisée permettant aux citoyens d’analyser collectivement les grands enjeux et grandes évolutions sociétales qui dans un système représentatif de gestion sectorielle d’experts des divers domaines ne sont jamais réfléchis collectivement.
            Les constituants avaient sagement rédigés –article 3 – que la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et « par la voie du référendum », voie à explorer selon moi , étant entendu que le principal dans cette voie n’est peut être pas tant le vote référendaire , mais la voie –réflexion, études, débats collectif ;
            Aucune société ne peut prétendre à l’égalité, au progrès , à la justice si dès l’amont les dés politique sont pipés ; c’est ce niveau là – même si cela nous laisse le chemin entièrement devant nous à construire – qu’il faut creuser ; si on cède ,si on renonce à ce niveau de la gouvernance , c’est foutu .Du moins on n’évitera pas la casse.

          • Il y a nécessité à démocratiser la démocratie par toutes sortes de procédures (pas forcément une extension trop grande du référendum qui a sa pertinence mais aussi ses dangers, en tout cas le non cumul, le tirage au sort, etc.) et j'appelle à une démocratie cognitive absente mais il y a une grande naïveté à croire que la démocratie irait forcément dans notre sens, qu'il n'y en aurait pas qui en profiteraient pour défendre leurs privilèges, que tout le monde serait bien intentionné et penserait comme nous. Lorsqu'on est déjà en démocratie avec une parole libre (et internet), on sait ce que pensent les gens dans leur diversité. L'utopie Islandaise a échoué et si la Suisse est un pays enviable, il n'y a aucun miracle démocratique. C'est une tromperie de croire qu'une meilleure démocratie (qui voterait pour nous?) serait la solution à la crise, encore moins que cela rendrait tout le monde partageux (je crois plutôt - sans en être sûr - qu'un blocage par la population peut résoudre la crise en créant un rapport de force ponctuel avec un gouvernement qui ne peut que jouer les médiateurs mais pas en être responsable - ce qui ne serait pas un exemple de démocratie mais seulement de mobilisation d'une même pas majorité la plupart du temps).

            Je répète que je ne crois pas au volontarisme mais sauf quand il va dans le sens de la nécessité. En ce sens, oui, la politique est volontariste dans ses lois et institutions mais on sait bien qu'il ne suffit pas de faire une loi pour qu'elle soit applicable. Les Lumières qui ont inspiré la Révolution avaient une conception trop naïve de la raison, un peu comme les libéraux supposant une information parfaite, ce dont on est revenu, notamment par l'expérience des totalitarismes mais cela va au-delà (en économie, en sciences). La démocratie à venir restera imparfaite, il faut s'y résoudre tout en l'améliorant sans cesse et elle n'ouvrira jamais la porte du paradis se bornant à arbitrer entre deux inconvénients la plupart du temps, deux alternatives plus ou moins bancales qu'elle n'a pas choisies. Je conseille toujours de revenir au concret, c'est-à-dire au local, pour constater à la fois tout ce qu'on peut faire au niveau municipal et ses limites, sa difficulté, la résistance du réel et qu'il faut en rabattre sur notre enthousiasme initial pourtant indispensable à la création d'alternatives...

          • Le cumul des mandats est un des effets d’un abandon de la pratique de la citoyenneté.
            Donnez les clés de la maison à un ami sans plus vous préoccuper de rien en lui demandant de s’occuper de tout et à un moment cet ami fermera la porte à clé derrière lui vous empêchant d’y revenir sauf à certaines portes ouvertes organisées à sa guise. Et si il a été convenu que pour garder cette clé il devait être élu, ceux qui sont élus régulièrement parce qu’ils se sont organisés pour cela se comporteront comme un seul homme, gardant jalousement la maison pour eux tous à tour de rôle. Eux « les sachant » par opposition au peuple qu’ils méprisent et qui n’ayant plus les clés n’a pas non plus le savoir .
            Bien sûr qu’il faut interdire le cumul et utiliser des procédures de renouvellement – le tirage au sort par exemple. Mais le fond du problème c’est l’exercice de la citoyenneté par les citoyens ; réduire les citoyens à des électeurs sans qu’ils puissent se réunir entre eux pour interroger ensemble le bien commun, et on obtient notre régime politique qui n’est pas la démocratie.
            Je peux comparer cela à la suppression des groupes de paroles pour les alcooliques ou autres dépendants ; au lieu de pouvoir se réunir entre eux pour parler ,on les ferait voter pour des médecins qui leur donnent tel ou tel traitement.
            Tout le monde comprend qu’il y aurait là un manque parce que la parole organisée collectivement est un élément clé du soin pour se reconstruire même si les médicaments sont aussi très importants ; on est dans cette situation : une démocratie déséquilibrée . Sans exercice de la parole et de la raison en commun la société ne peut pas se construire. On a plus que des potions fournies par nos rois nus….jusqu’à quand ?
            Je pense qu’on sous-estime fortement par manque d’expérience pratique l’impact fondamental que peut avoir le simple fait de se réunir collectivement et sérieusement autour de la réflexion sociétale ; cela indépendamment des résultats décisionnels immédiat ; je ne pense pas qu’une société puisse se construire autrement ; la nôtre n’est pas réellement une société : à force de tout déléguer et de tout spécialiser nous sommes déboussolés, déracinés, délocalisés, individualisés.
            Un autre exemple ,au niveau local ,des lois et règles existent concernant les constructions et l’occupation des sols , et les élus locaux veillent à l’application ; quand vous voulez construire une maison , il faut demander un permis ; c’est une démarche individuelle ; mais jamais le maire et ses adjoints n’organisent des rencontres collectives des habitants pour réfléchir ensemble à l’aménagement et développement de la commune ; je prétends que cette absence de réflexion collective ne peut pas être compensée par des lois et règles écrites par des experts ; que c’est cette réflexion qui fait société et qu’il est essentiel de construire ensemble sa commune ;
            Il y a un profond et nuisible déséquilibre entre la représentation et la participation. Culturellement nous sommes si éloignés de cet exercice citoyen qu’on n’est même pas en capacité de s’interroger là-dessus.
            La relocalisation (ouverte sur le monde) passe par cet exercice de la citoyenneté parce que de fait on est contraint de penser ensemble territoire à vivre et non pas production –compétitivité – croissance , notion obsolètes en terme de développement humain.
            A tort ou à raison et sans me faire grande illusion je pense que c’est là où doit porter notre effort : réaménager l’outil de gouvernance.

          • Complètement d'accord, mais c'est bien au niveau local qu'on peut se réunir et on ne peut pas passer sa vie en réunions sauf à faire de la politique son métier. Des coopératives municipales obligeraient d'ailleurs à des assemblées générales de la commune, ce qui peut renforcer le sentiment de vivre ensemble. Aux autres niveau on peut s'attendre à ce que la discussion passe par internet dont on connaît bien les limites aussi maintenant.

          • On ne peut pas passer sa vie en réunions et c’est bien une des raisons pour laquelle la démocratie représentative est une obligation pratique ; MAIS et c’est à mon avis où se situe le problème et la compréhension qu’il faudrait en avoir (et qu’on a pas) : il faut distinguer
            -domaines qui se prêtent à la représentation professionnalisée
            -et domaines qui doivent impérativement rester sous le contrôle, la réflexion des citoyens .
            Sans cette distinction entre les aspects sectoriels à gérer qui se prêtent bien à la représentation et délégation ,domaines techniques demandant temps et compétences spécifiques et le domaine du sens, des logiques transversales qui donnent la direction aux divers secteurs , le domaine de la réflexion globale sur le comment s’organise l’ensemble et où il va , sans cette distinction on ne peut plus faire société ; la représentation conduit alors à la création d’un système géré sectorielle ment, de plus en plus complexe et incontrôlable qu’il est aujourd’hui mondialisé .
            Le lien entre territoire et démocratie (même s’il faut éviter le piège des nationalisme) est indispensable en ce sens que c’est sur le territoire de vie que peut au mieux s’organiser la réflexion et que le territoire même s’il n’est que local est transversal et global ; penser local et global c’est idem ; de ce fait le lien entre les niveaux territoriaux s’établit de lui-même : dès qu’on pense local , on s’intéresse au national , et aux autres niveaux jusqu’au mondial.
            C’est pourquoi je pense que : pas de local sans le national ; ce sont les deux premiers échelons clés.
            La perte de la notion de territoire, va avec l’installation de la seule démocratie représentative , va avec le libéralisme mondialisé ; on a une ligne de crête avec d’un côté un monde à exploiter : compétitivité , de l’autre un monde à aménager : démocratie locale .
            La télévision, chaînes publiques, est selon moi très bien adaptée pour centraliser et rendre visibles les diverses réflexions locales qui pourraient s’organiser . Mais là je franchis le domaine du rêve.
            Pourtant c’est certain il manque l’organisation de la réflexion prospective de long terme ; et pour ça les représentants tout bardés de diplômes qu’ils sont et surtout plumes et beaux verbiages, n’ont AUCUNE légitimité.
            Bon pont à vous et lecteurs

          • Le niveau national est très important même s'il l'est beaucoup moins qu'avant dès lors que la nation ne se soude plus dans la guerre mais il le reste pour l'impôt et l'égalisation des territoires. Le problème, c'est que le niveau national est celui des partis et les partis sont très peu démocratiques (même le Parti de Gauche ou les Verts pourtant apparemment très chatouilleux sur la question), on le voit entre autres dans les élections internes bidonnés (même ATTAC!). C'est aux partis que s'applique "la loi d'airain de l'oligarchie" qui se transmet ensuite au pouvoir. On est très loin d'une démocratie directe et peu de gens se rendent compte des logiques de parti malgré une méfiance généralisée mais informe.

            Ceci dit, je ne pense pas qu'on puisse se passer de partis si l'on veut peser sur la politique nationale mais il ne faut pas les idéaliser et dénoncer leurs dérives inévitables, forcées par le champ politique (si tu fais de la politique, la politique te fait), logique de l'élection qui finit par couper l'élite de ceux qui les élisent. Il faut imaginer des contrepoids mais ceux-ci ne font souvent qu'affaiblir un parti par rapport à ses concurrents.

      • oui et c'est aussi l'amour, aussi fragile que la chance, qui, exerçant une fonction hypnotique , mène à une solitude délicieuse : se construire une solitude c'est rompre l'isolement !! se construire une solitude c'est, avec ma tribu d'apaches , faire en sorte que chacun se mette à chanter quand il est seul fasse à soi même dans la nuit .. errant, insatiable , palabrant , Barticipant .... dans la vraie vie localement comme sur internet !!!

        • limites des rézos numériques qui correspondent à nos limites cognitives avec en primes quelques prothèses informatique et dispositifs de confort !! une cohérence et une convivialité des outils internet 2. 0 !! les rézos donne à lire une excellente littérature , mais hélas personne ne sais lire : il reste alors le hip hop qui lui aussi est sur internet , pour être contemporain et populaire . mais il semble peut être impensable qu'un mouvement de foule de geek donne quoique ce soit dans le monde réel , mais peut être serais je démenti par le réelle et le retour des luttes prochainement .

          • pour que le local soit désirable , il faut viser la belle ironie de l'UN-TOUT-SEUL !! cabré sur la verticale prendre les chemins de traverses , tenter des convergences inédites !! une révolution se fonde aussi sur des malentendus et beaucoup de chose que l'on peut finalement faire à son insu : comme une compétence précaire qu'on acquière sur le tas , une épaisseur de l'esprit et une joie d'être là !! déchirer le voile et l'hymène de la présence pour laisser advenir la transformation de nos désirs en évènements !! ?? et faire du temps , son temps dans toute notre anormalité et notre animalité ..... vandale loufoques , animaux politiques , intifada verbale : les pirates !! peut être les seuls à rester crédible quand on est cernés par les cibles !! j'ai aussi 8 secondes pour vous dire que la barre ovomaltine c'est de la dynamite !!

  4. Aliénation, organisations et numérique :

    Le progrès réellement existant, c’est-à-dire le cours du capitalisme, se traduit par un élargissement de l’échelle à laquelle les activités sont organisées, élargissement qui les met hors de contrôle des individus comme des peuples, dès lors soumis aux organisations. Tout ce qui va dans ce sens favorise l’exploitation et la domination généralisées, des humains comme de la nature. C’est cette dynamique qu’il faudrait contrer ou, rêvons un peu, inverser. Mais cela ne se fera ni à partir de l’État (quelle qu’en soit la forme), ni du web. Cela ne se fera que si nous sommes prêts à reprendre nos affaires en main, à notre échelle, humaine et locale – mais sans esprit de clocher.

    http://ragemag.fr/entretien-avec-aurelien-berlan-philosophe-nous-sommes-les-derniers-hommes/

  5. Je vous trouve très généreux quand vous écrivez qu'on peut laver Nietzsche de tout soupçon d'antisémitisme. Son antisémitisme me parait au contraire d'autant plus inexcusable qu'il se choisit ses bons juifs pour mieux condamner les autres.

    En effet, on ne peut ignorer que le paragraphe 251 de « par delà le bien et mal » est très clair. On y trouve bien la condamnation constamment citée des « braillards antisémites » mais cela est immédiatement suivi d’une restriction non moins claire qui dit : « il faudrait toutefois ne favoriser ce mouvement qu’avec toute la prudence désirable et faire un tri, comme le fait la noblesse anglaise ». Suit une idée de « métissage » entre femmes juives et « les officiers nobles de la Marche ». Ce qui est rejeté ce sont les juifs pauvres venus de l’Est : « ‘Assez de juifs ! Et surtout porte close à l’Est, même en Autriche !’ Voilà ce que prescrit l’instinct d’un peuple dont le type ethnique est encore faible et indécis et risque d’être effacé ou éteint par l’influence d’une race plus vigoureuses ». Faut-il rappeler que « par delà le bien et le mal » est complètement assumé en 1888 dans « ecce homo ».

    Dans le passage cité, Nietzsche fait clairement du rejet des juifs de l'Est une affaire "ethnique" c'est-à-dire en clair de race. Il est seulement assez retord pour ne mentionner que le "type ethnique" des allemands - ce qui renvoie les juifs à un autre "type ethnique" et en clair à une autre race.

    • Oui, oui. Ce dont on est sûr, c'est qu'il détestait les antisémites en général et son beau-frère en particulier mais ce n'est pas moi qui défends Nietzsche, c'est JP Faye qui sort toutes les citations qu'il a pu trouver favorables aux juifs, aveuglement de l'amour. Je n'aime pas du tout Nietzsche même si c'est un grand écrivain avec de belles formules mais un peu courtes, bas du plafond. Il n'y a rien de plus clair chez lui que son mépris des autres mais ce n'est pas une question de race, seulement de faire partie d'une élite par-dessus les peuples, identification au maître. Avoir besoin de sa morgue pour se dépasser est lamentable, interpréter la morale comme une faiblesse est très très bête, le niveau zéro de la pensée, sans parler de l'éternel retour qui est la négation même du temps et de sa dialectique, etc.

    • Quand j'ai commencé à lire Nietzsche, en fumant des pétards à l'occasion, j'avais trouvé ça très enthousiasmant.

      Une jolie plume habile dans le slogan dont les publicitaires raffolent, même Taubira s'en servi récemment pour sa loi de mariage. Faut bien mettre un verni de culture accessoire.

      Il plagie assez bien la sonorité biblique pour tenter de s'en affranchir, style peplum amélioré.

      En faire la source de l'antisémitisme est quand même exagéré, il était seulement le reflet médiocre de ce qui était convenu à l'époque. Ethnies, classes et races supérieures qui ont fait le lot commun de bien d'autres pays colonisateurs.

      • Je ne crois pas qu’on puisse attribuer à de Nietzsche l’origine de l’antisémitisme. En revanche il a une responsabilité dans le tournant irrationaliste et esthétisant de la philosophie et plus généralement de la pensée moderne. Il est ce monsieur qui ose écrire : « vivre, c’est essentiellement dépouiller, blesser, violenter le faible et l’étranger, l’opprimer lui imposer durement ses formes propres, l'assimiler ou tout au moins (c'est la solution la plus douce) l'exploiter» et qui trouve un écho chez un auteur prétendument « de gauche » comme Deleuze. Il est également adulé par Foucault.

        Je lisais hier ces lignes dans « image-temps » de Deleuze chapitre « les puissances du faux » page 180 : « l’homme véridique … ne veut rien d’autre que juger la vie, il érige une valeur supérieure, le bien, au nom de laquelle il pourra juger, il a soif de juger, il voit dans la vie un mal, une faute à expier : origine morale de la notion de vérité. A la manière de Nietzsche….. » et plus loin : « il n’y a pas de valeur supérieure à la vie, la vie n’a pas à être jugée, ni justifiée, elle est innocente, elle a l’innocence du devenir, par de-là le bien et le mal »

        Rapprochez cette citation de la définition Nietzschéenne de « la vie » vous avez la justification de la violence sociale et impérialiste (qui n’a pas à être condamnée !). Vous avez aussi le refus pur et simple d’avoir à tenir un discours véridique, c’est-à-dire soumis à la raison. Je lis ainsi dans le même livre page 172 au sujet du cinéma de la nouvelle vague, ce curieux éloge : « la narration n’est plus une narration véridique qui s’enchaîne avec des descriptions réelles (sensori-motrices). » …. « la narration devient temporelle et falsifiante ».

        C’est clair : au diable la vérité, au diable le lien de causalité (on s’autorise à l’ignorer). Refus de toute morale fondée sur la solidarité humaine.

        Cette pensée me parait en fait plus dangereuse que celle de Heidegger. Qui lit Heidegger en le comprenant ? Personnellement j’ai fait l’effort de lire l’essentiel de sa production et je ne sais toujours pas ce que peut bien être cet « Etre » dont il ne cesse de parler. Je ne pense pas qu’il le savait lui-même.

        • Personne ne comprend personne mais il y a à prendre dans les réflexions de Heidegger si décalées effectivement avec les autres philosophes et malgré son nazisme de base. C'est un peu de façon inversée que je dirais qu'il n'y a pas beaucoup à retenir de Deleuze malgré son gauchisme avéré et sa lutte contre le micro-fascisme. Son vitalisme est débile, surtout le prétendu machinisme du désir alors que le désir est désir de l'autre. C'est vraiment l'embrouille, mais ça plait, et ça fait même radical ! Je ne crois vraiment pas qu'on se rappellera de lui dans quelques années alors qu'il devrait être plus difficile d'oublier Heidegger quand même.

          • "...il y a à prendre dans les réflexions de Heidegger si décalées effectivement avec les autres philosophes et malgré son nazisme de base..."
            De l'art de se nourrir des châtaignes sans pour autant nier ni se faire piquer par les piquants de leur bogue!

          • D'une certaine façon c'est toujours comme cela qu'on devrait faire avec les philosophes, non pas adopter une philosophie comme on adopte une religion mais y prendre des arguments, tout simplement. Il ne s'agit pas de comprendre la vision du monde d'un philosophe comme s'il était le seul a avoir compris le monde mais de se servir de ce qu'il a pu amener au jour. Ainsi, personne ne lit Platon en étant platonicien de nos jours, cela ne signifie pas qu'il n'y aurait rien à retenir de cette lecture fondatrice. Je me présente moi-même comme hégélien par commodité pour indiquer une certaine direction et que j'en reprends de nombreux outils mais j'espère bien que je n'ai pas la même philosophie que Hegel et n'imagine pas qu'il en savait plus qu'il n'a dit, ni qu'il aurait dit le dernier mot sur ce qu'il n'a pas pu connaître. Je trouve aussi qu'il y a beaucoup de vérités chez Pascal dans son côté misère de l'homme sans dieu alors que je trouve débile son apologie de la religion chrétienne et son célèbre pari. La philosophie ne se confond ni avec l'idéologie, ni avec le philosophe, ou alors ce n'est pas de la philosophie qui est discours public.

          • je de l'autre ou je dans un jeu ( virtuel) au final on s'en branle !! c'est conciliable ... depuis qu'on sait que l'histoire et création et fiction on veut tous des emplois fictifs (à la brigade des municipaux )...

            le je dans un jeu deleuziens avec la figure de l’autodidacte qui est l’Ulysse de son odyssée dans les apprentissages , un rapport avec une tension schizophréniques aux savoirs : car entre vie privée et vie publique , il y a un espace pour les communautés d'affects et la critique pirate ; un dialecte ; une boite à outil

            le je de l'autre esquive une tension dialectique d'un autre ordre dont l'avenir et le changement est contenu dans la surprenante plasticité des mots sur les maux : c'est bien connu la dialectique peut casser des briques dans le kungfu de nos esprits

            deux approche l'une esthétique ( deleuze travail à la fin de sa vie les question de style et d'exigence de vie non fasciste ) l'autre plus historique et dialectique mais au final il faut bien voir qu'on se retrouve du même côté de la barricade : lacan à la fin de sa vie à adoubé deleuze et guattari voyant dans le dialecte schizophrénique la clé de l'inconscient ( ce n'est pas le parano )

          • SISI à la la fin de sa vie !! mais presque personne ne sait car il a fait volte face , ultime pirouette et dérision : il a trouvé admirable la présentation de sader masoch .. Ph la sagna psy ecf de ton age était au départ psy à laborde avant de devenir un des présients récent de l'ecf france !! un tout proche de JAM , je le connais c'est mon psy , il y a aussi flrant gabarron psychanalyste qui rapporte aussi par jean claude pollack une anécdote qui va dans ce sens

            http://www.editions-eres.com/auteurs/12917-florent-gabarron-garcia.htm

            la sagna est aussi un fin lecteur de deleuze .... je sait ça troue le cul mais c'est comme ça .....

          • C'est n'importe quoi. Lacan a dit relativement du bien de Deleuze avant l'anti-Oedipe (différence et répétition par exemple) et il n'avait absolument rien contre La Borde et Oury, au contraire, mais l'anti-Oedipe est régressif par sa conception d'un désir machinique alors que c'est un désir de désir. Il ne s'agit pas de défendre je ne sais quel dogme psychanalytique mais de critiquer un vitalisme débile complètement incompatible avec Lacan, pour prétendre le contraire il faut n'y rien comprendre ou être capable d'un jésuitisme bétonné.

          • à ce sujet se passage un peu longuet, et qui tourne autour de lacan et l'anti-oedipe, et peut être assez parlant :

            Finalement il s’agirait en réalité d’un « livre de philosophie ». Mais c’est ainsi que le couperet de la suprême disqualification psychopathologique tombe définitivement. Est-ce en effet un hasard si le nom de Gilles Deleuze, philosophe de son état, éclipse sans cesse celui de Félix Guattari, qui était psychanalyste et clinicien ? Pourtant, si Deleuze n’était pas clinicien, il connaissait bien la psychanalyse. Sa présentation de Sacher-Masoch , est aujourd’hui devenue un classique, et plusieurs de ses ouvrages lui ont valu les compliments de Lacan . Enfin, son œuvre est parsemée de références à la psychanalyse avec laquelle il dialogue sans cesse. Pourquoi dès lors ne lirait-on que certains de ses ouvrages, ou les seuls passages indiqués par Lacan, en excluant a priori la critique qu’il adresse ? Cela est d’autant moins pertinent que si cette critique est « malveillante », comme l’assument Deleuze et Guattari, cela n’est pas tant d’abord à l’égard de la psychanalyse qu’à l’égard de ses mésusages. Une lecture rapide et simpliste tendrait à faire croire que leur critique consiste essentiellement à dire que la psychanalyse se fourvoie dans les fictions du mythe de l’oedipe. Or ils veulent montrer patiemment comment une certaine clinique et une certaine théorie de la psychanalyse constituée en dogme transforment cette dernière en piège réacionnaire. « Qu’on ne croie pas que nous fassions allusion à des aspects folkloriques de la psychanalyse. Ce n’est pas parce que du côté de chez Lacan, on se fait une autre conception de la psychanalyse, qu’il faut tenir pour mineur ce qu’est le ton régnant dans les associations les plus reconnues : voyez le docteur Mendel, les docteurs Stéphane, l’état de rage où ils entrent, et leur invocation littéralement policière, à l’idée que quelqu’un prétende se soustraire à la souricière d’oedipe. »

            Du « côté de chez Lacan » on ne procèderait pas ainsi : « on se ferait une autre conception de la psychanalyse ». Quel est « ce côté de Lacan » ? S’agit-il de Lacan lui-même, ou s’agit-il de lacaniens qui « se feraient une autre idée de la psychanalyse » ? Le projet Deleuzo-guattarien ne relève pas, a priori, d’un anti-lacanisme (et encore moins d’une anti-psychiatrie). Guattari fait partie des premiers compagnons de Lacan. Il était en analyse avec lui et il était membre de l’école freudienne de Paris . Il en est de même de la plupart des collègues avec qui il travaille dans le cadre de la psychothérapie institutionnelle . Ainsi, si « du côté de chez Lacan on se fait une autre conception de la psychanalyse » c’est, certainement qu’on pratique une autre clinique de la psychose .
            C’est au nom de la complexité politiquement fracturée du champ théorico-clinique de la psychanalyse et de la psychiatrie que la critique anti-oedipienne est menée. L’Antioedipe ne relève pas d’une rupture épistémologique avec le champ psy et la psychanalyse, mais d’une précipitation de l’oeuvre de Lacan catalysée par les évènements de mai 1968 ( que les répressions de tous ordres vont progressivement résorber : « Mai 68 n’a pas eu lieu » écrivent Deleuze et Guattari le 15 Févier 1984, au cœur des Années d’hiver).

            La forclusion ou l’échec de la psychanalyse.

          • oui c'est l'idée d'une révolution comme régression créatrice ( max pagès ) et effondrement sémiotique , comme une sorte de ghetto expérimentale

          • Je répète que c'est n'importe quoi et le gars mélange tout. Ce n'est pas parce que l'anti-oedipe serait philosophique ou anti-psychanalytique mais simplement parce que c'est faux et délirant malgré ses bonnes intentions soixantehuitardes. Il est vrai que Guattari payait sa cotisation à l'EFP mais il n'y mettait jamais les pieds et cela n'en fait certes pas un lacanien, ce qui n'est pas le problème, de nombreux lacaniens sont détestables, juste que ses théories étaient fumeuses (plus que sa pratique).

        • oui mais les théorie fumeuses étaient , en tant que formidable introduction à la vie non fasciste , des excellentes garantes de l'inventivité clinique , comme ferenzi , mais pas trop comme dolto !! ?? vue que je ne trouve pas trop que c'est du délire ( ou du moins un délire partagé ce qui est tout autre chose comme d'être pris dans un rêve ) et que c'est totalement dissonant par à port à se qu'ils insufflaient , faisaient et fomentaient !! le vertige et le risque : pas des exemple mais juste des trajets palpable écrient sur les murs de la ville à l’encre noire clairement indélébile !! 🙂

          • De Deleuze, j'avais apprécié le pli, forme de topologie dialectique un peu biscornue mais que je trouvais intéressante, quelque part d'où je parle comme ils disaient à l'époque. Pourquoi ? Je sais toujours pas trop bien... Pour sa critique de la psychanalyse, je ne peux pas en dire, n'étant pas vraiment champion du monde en psychanalyse.

  6. 70Emmanuel Faye déclare en conclusion que, dans l’œuvre de Heidegger, « ce sont les principes mêmes de la philosophie qui se trouvent abolis », et qu’il faut arrêter « cette intrusion du nazisme dans l’éducation humaine » 71 . Si l’enjeu n’était pas aussi grave, la recommandation prêterait à sourire. L’auteur a-t-il si peu de foi dans la force de la philosophie, dans le courage de la pensée et dans la grandeur de l’éducation qu’il craigne leur défaite devant ce nazisme de pacotille qu’il a cru découvrir chez Heidegger ? Son entreprise de dénonciation, qui succombe trop souvent au ressen­timent sinon à la malveillance, se réclame, et l’on ne peut là que le féliciter, de la dignité de l’humanisme. Mais la dignité de l’humain ne nous conduit-elle pas à approcher avec un minimum de généro­sité l’auteur que l’on étudie, serait-ce pour le réfuter ? Emmanuel Faye n’a certes aucune sympathie pour l’homme Heidegger ; ne devrait-il pas avoir une certaine empathie pour le penseur afin d’essayer, non pas de le rejeter dans on ne sait quelles ténèbres, mais de le comprendre ?

    • Je dénonce effectivement dans mon compte-rendu de son livre (du fils) la position très naïve d'Emmanuel Faye qui a l'air d'avoir une dévotion pour Descartes et une conception de la raison pre-critique. L'idée d'expulser Heidegger de l'histoire de la philosophie est une idée folle. Je n'ai moi-même aucune sympathie pour le nazi Heidegger mais je ne peux faire comme si ses analyses étaient entièrement fausses et sans objet, comme si on pouvait les ignorer. Le scandale, c'est bien qu'elles aient une part de vérité, le scandale, c'est qu'un grand philosophe puisse être nazi, pas seulement des ratés plein de ressentiments. Ceci dit, on peu reprocher aussi à Lukàcs d'avoir été stalinien, même s'il l'a moins été que beaucoup d'autres belles âmes marxistes.

      D'une certaine façon, plutôt que de vouloir "comprendre" ces philosophes, il n'est pas mauvais de les aborder comme complètement déconsidérés pour ne plus s'intéresser qu'aux raisonnements qu'ils tiennent en gardant un recul critique, façon de réfuter qu'on adhère à une philosophie comme à une religion par un choix auquel on serait obligé de se tenir aveuglément ensuite.

      • C'est assez curieux qu'on veuille tout prendre d'un philosophe ou tout rejeter, comme si il était un homme total, alors qu'il produit des modules de réflexion, tout comme un scientifique peut produire du valable et du nettement moins valable. C'est probablement dû à l'espoir vain d'une toute puissance possible, dans le meilleur ou son envers le pire, trouvable chez l'autre du fait de sa notoriété qui devrait entrainer l'adhésion complète ou le rejet complet.

        • Il y a bien sûr des raisons d'adopter une philosophie en totalité, d'une part des raisons de cohérence interne, d'autre part d'incarner une position subjective particulière. La nécessité de cohérence se retrouve dans les sciences où elle est à la fois indispensable et productive mais cela n'empêche pas les paradigmes de changer, se révélant moins vrais que les résultats effectifs auxquels ils ont donné lieu.

          On peut dire que chaque philosophe a son système, discuté déjà par Aristote pour ses devanciers, mais c'est Spinoza qui en a fait le principe même de son Ethique, tentative d'éliminer ainsi ses contradictions internes, ce qui en a fait le succès auprès des scientifiques. Or, c'est bien son système, son "grimoire mathématique", qui est le plus critiquable (avec son dieu nature et un esprit supposé l'envers de la matière), cette espèce de stupeur de s'imaginer avoir éliminé le doute en arrivant miraculeusement à boucler la boucle et se justifier entièrement. Ce véritable délire logique caractéristique de la folie qu'on enferme n'empêche pas qu'il y a de nombreux aperçus précieux malgré tout et qui restent très justes (souvent reformulation d'Aristote d'ailleurs, car la philosophie dit toujours la même chose d'une certaine façon).

          Avec Hegel, c'est différent, malgré l'effort démentiel de construire une totalité encyclopédique qui rende compte de tout ce qu'on peut dire sur tous les sujets, la dialectique (et le "savoir absolu" qu'il n'y a de savoir que d'un sujet) introduisent du jeu dans un système promis à son dépassement (sur la base de l'acquis). Il avoue ses limites historiques qui pour nous sont patentes et il n'y a aucune raison de prendre tout ce qu'il dit pour argent comptant (notamment en politique). On l'a vu avec le marxisme, rien de pire qu'une dialectique dogmatisée, instrumentalisée, jésuitique. Ce qui est d'ailleurs très curieux car on ne peut dire que Marx ait laissé un système philosophique, matérialisme dialectique qu'on a tenté de recréer à partir de quelques rares paragraphes (alors qu'il a analysé abondamment le capitalisme comme système). Il faut sûrement en passer par le système pour le dépasser mais cette nécessité de dépassement devient impérieuse dans le cas du nazi Heidegger dont le système est inacceptable (et il ne s'agit pas de croire "penser par soi-même" pour autant, ni de tomber dans l'éclectisme en picorant à droite et à gauche).

          Considérer que toutes les philosophies sont fausses mais qu'on peut reprendre leurs éléments disparates est très post-moderne sauf qu'on retombe dans le même systématisme à se croire délivré des systèmes comme des grands récits ou des effets de groupe et de mode. Ce n'est pas que les choses se simplifient à reconnaître l'égarement des plus grands esprits, mais au contraire qu'elles se compliquent méchamment.

  7. Sinon, dans un domaine autre mais pas si éloigné, je viens encore de m'apercevoir comment contourner des brevets, je suis payé pour ça finalement, une forme de hacking de propriété intellectuelle.

    C'est assez simple en somme, faire des inversions de géométries par rapport à des descriptions de revendications opposables pour en sortir. Savoir lire une revendication et avoir un peu d'imagination technique est une forme de passe partout légal.

  8. Comment un mec paumé orphelin devint un sachant professant dans le contexte antisémite de l'époque :

    L’intolérance monumentale d’Hitler, par exemple, se manifestait en ce qu’il estimait impossible de débattre de quelque sujet que ce soit. Il énonçait son point de vue, puis se mettait en colère à la première question ou critique rationnelle qu’on lui adressait. Mais ce qui était perçu en 1913 comme la profération aveugle d’un slogan passerait plus tard pour la certitude d’une vision. Puis il y avait cette confiance, massive et démesurée, qu’il avait en ses propres capacités. Pendant sa période viennoise, quelques années auparavant, il avait annoncé à son colocataire perplexe sa décision de composer un opéra – sans doute ne savait-il ni lire ni écrire correctement la musique, mais cela n’était pas un handicap. Plus tard, cette confiance en soi excessive serait interprétée comme une marque de génie.

    http://www.atlantico.fr/decryptage/hitler-naissance-vocation-et-origines-mal-laurence-rees-720163.html

    • Hitler était incontestablement un psychopathe porté par la haine du père mais pas tellement exceptionnel, c'est la situation qui a trouvé en lui son incarnation (il ne faut pas sous-estimer la force de la demande à laquelle il répond), il n'a rien inventé et faisait partie d'un mouvement général. On voit qu'il a été porté par son auditoire, seule chose qui lui a donné confiance en lui et la certitude qu'il savait parler, avant de se mettre lui-même en avant (se mettant plutôt au service de Ludendorff notamment) mais il ne faut pas le prendre pour un analphabète sous prétexte qu'il était autodidacte (en dehors de son stage d'endoctrinement inaugural). Lire Mein Kampf est une épreuve mais on y retrouve pas mal des poncifs de l'époque, de la littérature anti-sémite ou pangermaniste à des idées reprises à Spencer, aux racistes anglais, à la psychologie des foules de Gustave Le Bon, etc. Le colonialisme, cité dans la première page de Mein Kampf, est aussi essentiel avec ses horreurs et son racisme qu'on ne trouvait pas si choquant quand il touchait des Africains. Là aussi, Hitler n'a rien inventé, faisant oublier les hécatombes coloniales. De même l'état totalitaire et fasciste l'a précédé. Son idéologie est plutôt une forme de synthèse de la pensée réactionnaire dont Heidegger se nourrissait tout autant dans les cercles nationalistes (sans parler de Carl Schmitt). Tout était déjà là, comme innocemment, dans les discours et dans les têtes, y compris l'antisémitisme virulent et, plus important que la personne d'Hitler, il faut bien admettre qu'il a été suivi, non seulement par ses lieutenants et son parti mais par une bonne partie des Allemands, rejeter la faute sur un seul homme est un tour de passe passe qui arrange tout le monde.

      Il faut y voir la preuve que les idées sont dangereuses et peuvent mener au massacre, un jour prises au mot par quelque taré au hasard d'une grave crise (et du besoin de revanche après la défaite). Apparemment, pour disqualifier ces idées, il fallait donc éprouver les extrémités auxquelles elles ont conduit. On peut y voir l'Esprit qui se cherche en s'égarant, comme pour tester une à une toutes les erreurs possibles, tous les enthousiasmes précipités, les fausses promesses ou croyances trompeuses, progrès historique qui semble n'aller que de pire en pire, de massacre en massacre et pourtant progresse malgré tout à travers les ruines.

      • C'est effectivement malheureux à dire, mais Hitler a eu le "génie" opportuniste de faire la synthèse mise en action des haines de son époque.

        Il n'était pas que dingo, il était néanmoins habile et un véritable stratège, mais pour le pire...

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