Un revenu pour travailler

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Je voudrais prendre à revers l'interprétation courante d'un revenu de base inconditionnel comme devant nous délivrer du travail alors qu'il est tout au contraire la condition d'un travail autonome et qu'il doit donc être considéré comme productif. C'est ce qui lui donne un tout autre sens que la seule suppression de la misère, justifiant dés lors un montant supérieur au minimum vital sans que cela puisse être considéré comme une simple dépense mais au contraire une ressource ou un investissement. Cependant, pour que ce point de vue soit effectif, on ne peut faire du revenu garanti une mesure isolée sans les institutions démocratisant l'accès au travail autonome (notamment des coopératives municipales), non pas un solde de tout compte mais un point de départ, une condition préalable au dépassement du salariat qui n'est en rien une fin du travail dans une civilisation des loisirs si ennuyeuse.

Bien sûr, il faut avoir du travail une notion plus générale que l'emploi salarié pour devenir "le premier besoin de la vie", comme dit Marx, besoin de s'opposer à l'entropie comme on pourrait définir le travail en dehors de la rémunération qu'on en tire (et la reconnaissance). Si le revenu garanti doit être inconditionnel, c'est pour laisser toute autonomie dans l'emploi de sa vie mais l'autonomie sert à faire ce qu'on pense nécessaire. Pour certains, cela peut être une existence contemplative, pour d'autres de s'occuper de sa famille mais en général cela devrait permettre de valoriser ses compétences ou de se consacrer à ses passions. Cependant, rien de tout cela ne serait un travail à l'ère industriel, ce qui le permet, c'est uniquement notre entrée dans l'ère de l'information avec l'automatisation se substituant au travail de force ou travail forcé au profit de l'autonomie et la motivation d'un travail choisi, tout ce que les machines ne peuvent pas faire et dont l'économie immatérielle a tant besoin.

Ces nouvelles forces productives entrent en contradiction avec les rapports de production salariaux, produisant de plus en plus de précarité alors même que le travail autonome se trouve jusqu'ici réservé à une élite, soit par le niveau de richesse familiale, soit par le niveau de qualification et de rémunération attendue. Les institutions de l'autonomie et du développement humain visent à démocratiser l'accès au travail autonome par la sécurité financière d'un revenu garanti et les moyens d'exercer son activité (ateliers communaux, fablabs, coopératives, systèmes d'échanges locaux), tout ceci faisant partie des "supports sociaux de l'individu", de la production de l'autonomie qui n'est pas si naturelle mais le résultat d'une construction sociale. On ne peut laisser les gens se débrouiller tout seuls au nom d'une égalité de principe déniant les inégalités réelles. Contrairement à l'idéologie dominante, la personne n'est pas une entreprise, ayant besoin de l'assistance et la coopération des autres.

Le revenu garanti comme condition du travail choisi, d'un travail qui ne soit pas seulement alimentaire, opère aussi une reconversion de la consommation vers la production, ce qui devrait être beaucoup plus efficace écologiquement pour sortir de la société de consommation et du salariat productiviste, mais en mettant le travail, l'activité au coeur de la vie, loin de nous en libérer, même s'il faut pour cela nous donner le choix en nous libérant de la nécessité. S'il y a libération du travail, c'est dans le sens d'une libération du potentiel qui est en nous, délivré de la rentabilité immédiate.

Même si un revenu garanti vise à favoriser l'expression des talents, il faut tenir fermement sur l'inconditionnalité, quitte à se contenter d'une "inconditionnalité faible" théorisée par Alain Caillé (on n'est pas obligé de le verser à ceux qui n'en ont pas besoin et n'en font pas la demande). Pour qu'un travail soit libre, il ne faut pas y être contraint. Le droit de ne rien faire est aussi le droit de se former, de faire des recherches, de mener des projets à long terme, d'élever ses enfants, ainsi que toutes sortes de modes de vie minoritaires. Impossible de mettre son nez dans nos rêves avec une police de la pensée pouvant nous jeter dans la misère, pouvoir réellement exorbitant ! Reste que ne rien faire du tout est destructeur à la longue et ce qu'il faut, c'est donner les moyens à chacun de développer ses talents et donc organiser la coopération des travailleurs autonomes ainsi que l'adéquation avec la demande locale. C'est la contrepartie de l'inconditionnalité, non pas d'en restreindre l'universalité mais d'y joindre l'incitation et les moyens de compléter son revenu, la première caractéristique de toutes les sortes de revenu d'existence étant de pouvoir se cumuler, partiellement au moins, avec un revenu d'activité afin d'éviter d'être des trappes à pauvreté.

Se préoccuper de trouver des débouchés aux compétences locales mène à s'occuper non seulement de la production mais aussi de la circulation en dynamisant les échanges locaux par des monnaies locales notamment. Par quelque bout qu'on les prenne, on retrouve le triptyque revenu garanti, coopératives municipales et monnaies locales faisant système (distribution, production, circulation). Cela pose la question de la part de monnaie locale dans le revenu garanti mais il n'est pas du tout possible d'avoir un revenu de base en monnaie locale sauf à pouvoir payer avec cette monnaie son loyer, son énergie, etc. Tout dépend bien sûr des ressources financières mais il vaudrait mieux que le revenu garanti soit versé au niveau national en monnaie courante, un revenu en monnaie locale pouvant s'y ajouter localement en fonction des potentialités locales.

En tout cas, dans ce cadre, d'un revenu garanti destiné à l'accès au travail choisi, on ne peut plus le considérer comme une perte sèche, la part non récupérée devant être largement inférieure à 30%, sans compter le dynamisme économique et le développement local qu'on peut en attendre. Si le financement doit bien en être assuré, il serait dommageable de l'identifier à un simple coût. Il faut au contraire présenter le revenu garanti comme une ressource pour des capacités inemployées et un investissement comparable à la formation, en plus de son rôle précieux de stabilisateur économique. On peut rapprocher ce revenu garanti de ce qu'on a appelé le compromis fordiste qui doit beaucoup aux luttes ouvrières mais aussi au fait que ces conquêtes ouvrières se révélaient bénéfiques pour l'économie au grand étonnement des économistes (et de Marx lui-même comme il en témoigne dans Salaire, prix, profit). Il faudrait cependant considérer le revenu garanti non pas comme une revendication isolée et minimaliste mais un nouveau compromis social, un nouveau type de fonctionnement économique, de production et de répartition des revenus avec des droits sociaux attachés à la personne plutôt qu'à l'entreprise, la promotion de l'autonomie dans le travail et de structures coopératives. Pour assurer la continuité des parcours individuels, on aurait d'ailleurs bien besoin non seulement d'un minimum garanti mais d'un lissage des revenus devenu nécessaire pour un travail immatériel non-linéaire, on ne peut plus aléatoire et ne pouvant plus être mesuré par le temps de travail direct. Il faudrait donc penser le revenu garanti comme un projet cohérent et productif plutôt qu'une revendication ponctuelle et ruineuse.

Ecrit pour le collectif PouRS (POUrs un Revenu Social) et leur colloque à Montreuil, les 30 et 31 mars 2012 (où je n'ai pas pu aller). Il a été publié dans le numéro 3 de la revue les Zindignés.

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62 réflexions au sujet de “Un revenu pour travailler”

  1. Comment pouvez-vous être certain que ce revenu garanti que vous promouvez n'est pas à classer au rang des utopies, des bonnes intentions dont l'enfer est pavé, des idéologies délirantes? Tant que vous ne nous direz pas comment vous compter procéder pour sa mise en place et son évaluation par rapport aux objectifs, très louables, que vous affichez, ce revenu garanti ne pourra recevoir mon consentement. Il se peut aussi bien que cette disposition ne mène qu'à une destruction de la libido (prise au sens large).

  2. Mais moi je ne suis sûr de rien. Je trouve qu'il y a beaucoup de choses qui poussent à un revenu garanti tout en sachant qu'il y a des résistances énormes, par exemple cette peur délirante d'une destruction de la libido ! Les risques, bien réels sont d'une autre nature, dont je tiens compte en refusant que ce soit une mesure isolée sans les institutions du travail autonome.

    Comme je le dis souvent, je n'aurais jamais adopté une revendication aussi improbable si ce n'avait été une revendication effective des chômeurs (et si je n'en avais eu moi-même tant besoin). J'ai eu presque autant de mal que Gorz à l'accepter mais ensuite j'en ai rencontré la nécessité sur tous les plans (ce qui n'est certes pas une garantie que ce soit viable).

    Comme d'habitude, ce texte est surtout une critique de ceux qui me le demandent insistant sur le fait que la destination du revenu garanti est la production et non la consommation passive. Même si le nom du collectif (PouRS) est assez pourri, le colloque de mars est très ambitieux et destiné à une expérimentation effective (à Montreuil si j'ai bien compris).

  3. Pourquoi pas de travail obligatoire inconditionnel (sur un temps minime, du type 2h/semaine) ? S'il y a des choses à faire (trier les déchets, nettoyer les voies publiques...) il faut que ce soit fait. Alors l'obligation a un coût, c'est évident, mais disons qu'on pourrait peut-être au moins mettre en place des règles chez les employeurs pour la mise à disposition de leurs employés.

    J'avoue que j'ai du mal à bien exprimer ce qui ressemble plus à un sentiment qu'autre chose, je n'arrive pas à théoriser la chose... c'est peut-être que c'est une bêtise, mais je n'arrive pas non plus à en arriver définitivement à cette conclusion. Il me semble correct et utile à tout point de vue (j'y vois un intérêt pour la société mais aussi pour le citoyen) de rendre service. Mon travail salarié par exemple, je ne suis pas toujours certain d'être réellement utile...
    Encore une fois il faudrait que ce soit inconditionnel (sans tout de même demander à ce qu'une personne à mobilité réduite se retrouve à devoir effectuer un travail de force... c'est peut-être là que réside le problème, sur une inégalité réelle qui pourrait amener à la construction d'une iniquité).

    Au sujet de la monnaie locale, le loyer me semble être exactement une cible, il n'y a pas plus géolocalisé. En terme de transport on est exactement dans l'idée de non localisation, puisqu'il y a du mouvement, mais aussi d'une nécessaire organisation, voire de l'incitation par les pouvoirs publics dans le cadre de la gestion du territoire. C'est pareil pour l'énergie: à partir d'un moment elle passe par le territoire et même les régions qui ne produisent que peu d'énergie (pour des raisons diverses) doivent la gérer. Je ne comprends pas tout à la monnaie en général, mais on peut imaginer plusieurs monnaies dédiées plus ou moins locales (monnaie alimentaire, monnaie d'habitation, monnaie de transport, monnaie d'énergie...) ça ressemble à du rationnement, mais si à côté de ça il y a de la monnaie non dédiée et voire même une monnaie générique on est dans de la gestion de l'économie normale.

  4. Il ne faut pas compliquer à l'excès mais je retiens le fait que les loyers pourraient être payés en monnaie locale quoique les propriétaires ne sont pas locaux mais on pourrait imaginer un système de conversion dans ce cas. On s'avance quand même dans des domaines éloignés de ce qu'on peut faire immédiatement.

    Par contre je suis on ne peut plus opposé au travail forcé maoïste, tout ce que je dis va là contre, pour le travail choisi et contre tout travail forcé qui suppose une bureaucratie impossible et prend la place d'un vrai travail. On peut, localement, faire appel à la population pour aider à régler un problème ponctuel mais c'est tout autre chose que cet enrégimentement que je trouve effrayant. Toute la difficulté, c'est de soutenir que le revenu garanti vise au travail choisi sans tomber dans le travaillisme et toute sa mythologie régressive.

    Il est certain que le revenu garanti, etc. semblent aussi utopiques que n'importe quel délire mais je crois que la différence, c'est de partir non pas de ce qu'on voudrait mais de ce qui existe et des exigences matérielles, ce qui ne garantit pas qu'on tienne compte d'assez de contraintes, la preuve n'est pas faite du tout de sa viabilité, mais du moins évite de discuter de ce qui serait souhaitable, sujet sur lequel aucun accord n'est vraiment possible.

  5. Je ne remet pas en cause le revenu garanti, universel...
    Mais est-ce qu'on peut se passer de service public ? Et est-ce que le service public peut se penser en dehors du salariat ? Je doute qu'on puisse s'organiser localement en communautés auto-organisées pour prendre en charge ces services, ce serait même une régression pour le coup, et rapidement la mafia.

  6. Il ne s'agit pas du tout de se passer de services publics, ni de supprimer tout le salariat encore moins les fonctionnaires. Il serait certes envisageable de confier à des travailleurs autonomes des fonctions de service public mais il faut raisonner dans une économie plurielle et non pas tout réduire à un seul modèle, que ce soit le travail autonome ou le salariat. Lorsqu'il y a un revenu garanti, même le salariat devient un travail choisi et s'il s'agit de favoriser le travail autonome, il ne s'agit en aucun cas de l'imposer à tous.

  7. Non, l'auto-organisation n'est pas du tout la panacée, ce n'est que la prétendue auto-régulation des marchés, de la pure idéologie. L'autogestion vaut beaucoup mieux car un peu plus organisée mais essayer la démocratie locale c'est déjà pas si mal et bien difficile, voter n'étant la garantie de rien. On a besoin de services publiques sur lesquels compter.

    Il y a bien sûr de l'auto-organisation partout, qui profite en général aux plus forts ou plus malins, on ne peut s'en passer mais ce n'est en rien suffisant, ce pourquoi je défends les institutions de l'autonomie.

  8. @ropib
    Ce qui me parait nécessaire, maintenant que des candidats tels que Christine Boutin ou Dominique de Villepin à la Présidence annoncent comme élément de leur programme cette idée du revenu universel, on ne plus le rejeter comme "destructeur de la libido" ,comme vous dîtes, ou pour d’autres prétextes sur des valeurs psychologiques ou morales Mais on devra l’accepter et l’organiser politiquement dans le cadre concret de ce qui le rend nécessaire : Si, du fait de la mécanisation et de la robotisation, ..., la productivité a été multipliée à peu près par 10 en 60 ans, alors on ne peut plus soumettre le revenu permettant l’existence des familles à la garantie d’un salaire soumis à l’emploi ( travail subi), car il y a 10 fois moins des emplois justifiés par la production il y a 6O ans ! Ou bien il y a en principe 9 heures libérées pour 1 heure travaillée ( soit un temps libéré ou chômé que la société de consommation s’efforce de transformer pour nous en temps perdu, en temps coûteux, en passe-temps, en gaspillage, etc…) C’est dans cette ouverture du progrès technique qu’il y a un large espace pour une nouvelle organisation sociale, des salaires mieux partagés, le travail autonome, un revenu universel suffisant,… A condition comme l’écrivait Illich que l’homme retrouve sa prise sur l’outil et n’accepte plus cette « prise de l’outil sur l’homme » dont nous constatons à quels abîmes elle nous conduit aujourd’hui.

  9. @pierre-jacques chavant> Vous vouliez sans doute vous adresser à Michel Martin.

    @gerardfoucher> Il y a des tâches, comme la gestion des déchets, si fortement connotées culturellement que je doute qu'elles soient prises en charge au niveau collectif par la simple application du bon sens ou de la morale, la bonne volonté des uns et des autres. De manière générale on peut s'attendre à une revalorisation des tâches pénibles avec le revenu universel... sera-ce suffisant ? c'est là-dessus que j'ai des doutes.

  10. @Jean Zin

    Votre interprétation du revenu de base comme revenu pour un "travail autonome" se rapproche-t-elle de l'idée de Yann Moulier Boutang pour qui il s'agirait de rétribuer le travail de "pollinisation" à l'ère du capitalisme cognitif ?

  11. Ce que dit Yann Moulier-Boutang est intéressant mais assez différent. Pour lui, le revenu garanti est justifié par ce qu'on appelle les externalités qui sont une ressource pour les productions marchandes, cette pollinisation se faisant toute seule et profitant à d'autres. C'est très pertinent pour un certain nombre d'activités comme de s'occuper de sa famille mais je pense que ce n'est pas satisfaisant pour tous.

    Pour moi, le revenu garanti est une ressource d'abord pour celui qui le touche, lui permettant de valoriser ses compétences (valorisation dont ne profite pas la mère au foyer) et de pouvoir exercer un travail autonome productif même s'il ne rapporte pas assez pour se passer d'une sécurité financière. La plus grande différence, c'est que je considère que cela ne se fait pas tout seul et qu'il faut des institutions pour aider à trouver un débouché direct à ce travail autonome qui n'est donc plus seulement pollinisation pour les autres mais revenu complémentaire (et reconnaissance sociale) pour soi et sa propre production (il n'y a pas les pollinisateurs d'un côté et ceux qui en font leur miel de l'autre).

    Il n'empêche qu'il y a bien pollinisation et le fait de permettre à chacun d'exprimer ses talents participe à la productivité globale (de même que le revenu garanti a un rôle stabilisateur) mais c'est une piètre consolation pour celui qui pollinise et que je mets plus au centre, en ne considérant pas qu'il suffit de laisser faire la nature ni qu'on n'aurait pas besoin de soutien mais qu'il faut se concentrer sur l'organisation de ce travail autonome (sans en faire une condition du revenu garanti, ce qui est toute la difficulté) et ce qu'Amartya Sen appelle le développement humain. On peut dire que mon point de vue plus microéconomique complète le point de vue macroéconomique de YMB.

  12. @pierre-jacques chavant. :
    Sur la question du revenu garanti et de la perte de libido, je n'ai pas dit que c'est ce qui se produirait, mais seulement que c'était une des hypothèses de ce qui pourrait se produire, sans évaluation, je ne vois pas les arguments qui pourraient contredire solidement cette possibilité. Mais vous pouvez peut-être m'éclairer?
    En ce qui concerne le travail, le champ du travail social qui ne se marie pas bien avec les gains de temps (ou de productivité) recèle un énorme gisement qui ne sera certainement pas comblé par le CESU.
    Il y a aussi le secteur agricole auquel il manquerait environ 1 million d'emplois d'après André Pochon qui s'y connait en agriculture durable et rentable. Mais on ne va commencer à s'occuper d'agriculture durable que quand l'acharnement à détruire nos alliés du sol auront lâché le haut du pavé. J'attends avec impatience que ça se produise et je soutiens les pédologues promoteurs du sol vivant.

  13. Je suis bien d'accord sur l'importance des sols et le bois raméal fragmenté en constitue certainement un des éléments clés pour une agriculture durable (une des inventions - canadienne - les plus décisives sans doute). Il est important de savoir qu'il y a des techniques écologiques, aussi bien pour l'agriculture que l'énergie, mais c'est totalement hors sujet ! (sauf à considérer que le revenu garanti permettrait à plus de petits agriculteurs de survivre)

    Par contre je trouve délirants tous les discours genre Bernard Stiegler, Melman, etc., sur un désir qui pourrait manquer, ce n'est pas qu'il ne nous fasse défaut parfois au plus mauvais moment, mais le désir n'est pas quelque chose qu'on cultive alors qu'il se joue de nous. Ce genre de discours est d'ailleurs très dangereux puisqu'il valorise la privation et la répression, de même que tous les discours pleins de ressentiment contre les assistés et le revenu garanti présupposent qu'il faut être forcé à faire un travail de merde, justifiant l'esclavage des plus pauvres ou leur refusant les moyens de la survie, les riches eux, qui n'auraientt pas besoin de se justifier de leur richesse, peuvent se consacrer à l'oisiveté sans remord (en fait ils préfèrent travailler désormais, leur motivation n'étant pas de survivre).

  14. @Jean Zin :

    J'arrive pas très bien alors à saisir la nature de ce travail autonome productif. S'il est vraiment tourné vers l'autonomie, dans le cas de l'instauration d'un revenu de base, les gens pourrait chercher à diminuer leur dépendance. De ce point de vue, je ne suis pas convaincu que la mise en place du revenu de base nécessite des incitations pour organiser la valorisation des compétences/talents de manière spontanée et "autogérée". A titre d'exemple, les mouvements des villes en transition me semble parfaitement illustrer cette quête "d'autonomie", comprise comme rupture avec la dépendance énergétique et économique, tournée vers les compétences et ressources des membres locaux. Dans ce cas-ci, aucune incitation, en dehors d'un cadre juridique qui tolère l'émergence de telles initiatives, ne semble nécessaire, ni même souhaitable, compte tenu de la motivation des acteurs de ces mouvements. (En forçant le trait, la généralisation de l'autonomie ainsi conçue menace la viabilité du revenu de base, et à l'inverse son utilité diminuer à mesure que les acteurs deviennent "autonome".)

    Si ce travail est tourné vers la productivité/la production à laquelle il s'agit de trouver des débouchés, on ne voit pas très bien en quoi il diffère radicalement du travail productif tout court. Dans ce cas ci, les incitations apparaissent comme des aides à l'entrepreneuriat individuel et le revenu de base comme un investissement dans l'innovation, la création. A mon sens, cette interprétation fragilise l'inconditionnel du revenu de base. Elle implique une conception du travail productif qui ne diffère pas beaucoup des visions marchandes dominantes. Dès lors, l'autonomie du travail non-salarié devient en quelque sorte soumis à la même exigence de "rentabilité" (développer ses talents etc), et de la même manière que l'autogestion devient en quelque sorte redevable à l'incitation qui l'a stimulée.

    Dans les deux cas, les incitations, venant de l'institutionnel, me semble altérer à la fois la nature de la "sphère autonome" et la nature du revenu inconditionnel.

  15. @Marcus : Il est certain que ma position diffère des positions habituelles, c'est pourquoi je l'exprime, et qu'elle introduit un élément de complexité qui la rend moins facilement communicable et peut donc la "fragiliser" mais j'ai bien essayé de montrer qu'il fallait à la fois préserver son inconditionnalité et compléter le revenu garanti par des supports sociaux. On n'est pas dans le domaine des principes mais de réalités concrètes.

    Il est bien évident que tout le monde n'a pas besoin d'institutions pour être autonome, en particulier les militants les plus actifs et motivés. Ce qui nous différencie, c'est la conception de l'autonomie qui me semble entièrement une construction sociale et le fait que je considère qu'on n'est pas tous égaux en autonomie mais dire qu'il n'y a pas de différence avec le productivisme marchand, c'est ne pas comprendre qu'on subventionne par le revenu garanti seulement des activités pas assez rentables, les entreprises rentables n'ont besoin de personne. Il ne s'agit pas de devenir entrepreneur mais d'être autonome dans son travail, y compris par rapport à sa rentabilité. Je ne peux reprendre ici tous les textes que j'ai écrit sur le sujet mais un travail alimentaire destiné uniquement à gagner un salaire et pouvoir consommer n'a rien à voir avec un travail épanouissant qui n'a pas pour fin la seule rémunération et n'est plus du tout productiviste. Il ne s'agit pas de prétendre que ça changerait absolument tout ni que cela ferait disparaître tout productivisme, ni que tout le monde se suffirait de consommer un minimum. On reste sur la même planète et dans un monde pluriel (une économie plurielle).

    Si le revenu garanti n'est pas considéré comme productif, il ne sera qu'un salaire de misère et, sans institutions de l'autonomie, il produira trop d'effets pervers. La difficulté c'est que la nécessité que le revenu garanti soit globalement productif ne doit absolument pas signifier que chaque revenu garanti soit productif, ce qui lui ferait perdre son inconditionnalité. Il y a certainement besoin de positions simples en politique, pourtant il faudrait les 2 pour que ça marche. Je crois que c'est parce que le revenu garanti est devenu indispensable à la production (et à la sortie du productivisme industriel) qu'il arrivera à s'imposer, pas par ses vertus libertaires (qu'il faut préserver, c'est sans doute ce qui fera le plus débat et j'insiste sur ce point : aucune obligation seulement des facilités offertes, un service public).

    Il est vrai que, par rapport aux villes de transition (qui sont très bien sans aller bien loin), j'ai une démarche beaucoup plus politique (et pas focalisée sur l'énergie), le contraire de l'auto-organisation anglo-saxonne.

  16. @ michel martin
    Ceux qui comme nous suivent régulièrement les écrits de Jean finissent par savoir de quoi il parle. Derrière la crainte que vous énoncez ( et qui est largement présentée comme argument par les opposants au revenu universel) j’ai compris que vous feriez allusion à une perte de la libido comme d’une perte de créativité, de désir de produire, dès lors qu’on serait « rétribué » avant d’ en avoir été reconnu digne pour un temps de travail accompli ? Le travail subi salarié veut un individu pulsionnel (libido) Au contraire ce « don » ( une dime) à chaque personne vivante entraînera pour l’individu un désir de le « rendre » (rédimer) à la société, un désir de s’accomplir socialement, d’être lui-même désirable et créatif. Il ne m'est pas surprenant que cette initiative soit proposée aussi par une candidate chrétienne-démocrate, si les mots ont un sens en langage symbolique ( dîme reçue et rédemption), comme autrement plutôt en analyste marxien .
    Et les outils techniques actuels permettent concrètement cette réalisation, pourvu que nous en gardions la maîtrise. Mais ce n’est pas simple à mettre en place, et ce n’est pas promettre un retour au paradis.Je pense que nous en sommes d’accord ?

  17. Jusqu'à maintenant, l'allocation chômage était une mutualisation du risque négatif de perte d'emploi et de revenu.

    Le revenu garanti serait une mutualisation du risque positif de produire plus et mieux, dans de meilleures conditions de travail.

    D'une part, même si certains ne produiraient rien, l'effet général serait positif par rapport au système actuel.

    C'est d'ailleurs le principe du capital risque. Certains investissements sont perdus, d'autres rentables. Si l'enveloppe globale de rendement est positive, alors le principe est validé. Même raisonnement pour les gestionnaires de patrimoine...

    De toutes façons, une revenu garanti n'est qu'une base de départ. Probablement, le plus grand nombre souhaiterait obtenir un revenu supplémentaire, mais ils ne le feront qu'en accord avec leur évaluation personnelle de ce qui est acceptable en termes de conditions de travail.

    Dans ce sens, le revenu garanti est un outil démocratique à la mesure de l'individu.

    En ce qui concerne la contre performance du salariat subordonné et sans contre pouvoir :
    http://www.liberation.fr/politiques...

    Je signale et confirme au passage, après avoir testé ailleurs, que l'ambiance dans les entreprises est souvent pourrie.

    Et pas trop à attendre de la justice pour rééquilibrer les pouvoirs.

  18. "Je signale et confirme au passage, après avoir testé ailleurs, que l'ambiance dans les entreprises est souvent pourrie."

    Je parlais de la France, qui est un grand corps malade.

    Sinon, la libido du salarié fonctionnarisé et précarisé poussant son mégot sur ses procédures internes n'a plus beaucoup besoin d'efforts pour tomber plus bas.

    Je pense qu'on est arrivés au bout du bout usé du système moribond.

  19. D'ailleurs, c'est en ayant le culot de dire à mon patron allemand que les procédures et tout le reste du même acabit me faisaient tartir et que ce n'est pas comme ça que je lui, leur, serait le plus utile, mais en faisant comme je lui, leur, ai expliqué que ça serait mieux pour tout le monde.

    J'ai été entendu, des résultats, bien au delà de leurs attentes, et des miennes, sont venus.

  20. L'idée est bonne à propos du revenu garanti. Mais, ca fait sourire car toute la société de consommation est basée sur la récupération de la libido, la déviation des désirs...et la pudeur m'oblige à ne pas être plus explicite.
    Cependant, pour être d'avantage logique dans cette démarche, il faudrait alors revoir au niveau de la scolarité, premier moule social dans lequel souffre et se suicide tant d'ados et maintenant d'enfants...qui eux aussi ne parviennent plus à adhérer, à subir la pression castratrice des clivages.
    Dans ce cas, il faudrait leur permettre de suivre leur cursus dans un mode optionnel plus libre,plus adéquat à leur désirs personnels... bref, leur donner le droit à un autre possible qui permettrai enfin d'être ce qu'ils sont. C'est bien là que tout commence socialement.

  21. @chami :

    Pour le cursus scolaire, je serais plutôt pour un système type unités de valeur. Pourquoi faire redoubler sur toutes les matières un écolier qui n'a de difficultés que dans une ou deux matières. Évidemment, le système monolithique actuel ne le permet pas.

  22. Merci, très bon billet.

    Personnellement, je pense que le revenu de base est indispensable pour 3 raisons :
    - le lien de causalité entre amélioration de la société et augmentation de la pauvreté (si le revenu provient de l'emploi et que le progrès technologique tend à diminuer l'emploi);
    - l'injustice monétaire de l'argent dette (la création monétaire par le crédit);
    - le conflit entre l'abondance et l'économie (l'économie a pour but de résoudre les problèmes de rareté, mais s'il y a abondance dans un domaine, alors l'économie tente d'y restaurer une rareté artificielle, sans laquelle l'offre est illimitée car le coût marginal est nul, donc le prix est nul).

  23. " C'est seulement si l'on inverse la logique de l'institution qu'il devient possible de renverser le mouvement" écrivait Ivan Illich dans "La convivialité" ( chap2 "l'outil et la crise" 1973) Mais c'est toutefois un certain niveau atteint de connaissances et de possibilités technologiques qui rend réalisables le développement de l'idée d'inverser l'ordre des choses?

  24. Je ne pense pas que le caractère inhabituelle d'une proposition la rend de ce fait plus fragile. Par contre, la justification d'une mesure concrète ne peut pas se passer d'une base solide qui la justifie.

    Effectivement, tout le monde n'a pas besoin d'institution pour être autonome et tout le monde n'est pas automatiquement apte à être autonome dans un contexte d'un revenu de base. Mais comme vous le dites, l'autonomie est une construction sociale. L'institution même d'un revenu de base permet à chacun et à tout le monde de donner une signification différente à cette autonomie. Et c'est là une des forces de cette idée; même si son instauration ne signifie pas que tout le monde aura accès à l'autonomie. Alors, à moins d'avoir un dessin particulièrement pluralistes des organisations, l''adjonction d'institutions favorisant l'autonomie au revenu de base aurait pour effet de matérialiser une conception particulière de l'autonomie. Alors pourquoi telle conception plutôt qu'une autre ?

    Quand je dis que la différence avec le productivisme marchand est flou, je veux dire, entre autres et surtout, que l'utilisation d'une terminologie propres au productivisme marchand (travail, production, développement, revenu, subvention) déforce la légitimité d'un revenu de base inconditionnel plus qu'elle ne la renforce (une des raisons pour laquelle la notion d'allocation universelle me semble plus cohérente). Je conçois tout a fait qu'on "subventionne" (même si le terme est largement insatisfaisant) des activités pas rentables, mais pas qu'il faille justifier que ces activités pas rentables doivent être productives.

  25. Il n'est pas question d'obliger quiconque à faire partie d'une coopérative municipale ni donc d'imposer une conception particulière de l'autonomie ni d'empêcher les gens de s'auto-organiser si ça les chante, pas plus que d'obliger à utiliser des monnaies locales. Ce n'est pas parce que ces ces dispositifs sont articulés et font système qu'ils sont complétement inséparables, de même qu'il ne s'agit pas d'obliger à un travail autonome ni de supprimer complètement le salariat mais bien de respecter la pluralité des modes de vie. Les institutions de l'autonomie ne peuvent être contraignantes. Il n'y a pas non plus à justifier que des activités non rentables soient productives, c'est un fait que globalement au moins elles le seront. Cela n'empêche pas de tenir ferme sur l'inconditionnalité, sur le fait de ne pas être obligé de produire, par contre si on veut faire quelque chose, c'est bien qu'on en donne les moyens. La production n'a rien à voir avec la marchandise. Quand j'écris, je produis même si c'est gratuitement. Il n'empêche que la plupart chercheront à tirer un revenu de leurs productions et donc à les marchandiser (pas tous et valorisation n'est pas forcément marchandisation).

    Je pense tout au contraire qu'utiliser les mots courants renforce la légitimité d'un revenu garanti (je sais que des intellectuels croient que tout est dans les mots!). Je dirais même que d'une certaine façon je cherche à être le moins révolutionnaire possible pour avoir une chance de l'être vraiment. Il est certain que l'allocation universelle est la notion la plus simple mais si les libéraux privilégient cette appellation, c'est pour la réduire à un montant insuffisant obligeant à compléter par des petits boulots forcés plus que choisis. A se croire plus radical, il arrive qu'on soit "contre-productif". Ce n'est pas un enjeu théorique mais bien un enjeu pratique. Gorz a montré que la ligne de partage tient au montant qui doit être "suffisant" plus qu'au principe. C'est donc pour cela que j'insiste sur le caractère productif du revenu garanti, afin qu'il ne soit pas trop faible ni réduit à la lutte contre la misère. Si j’emploie ce terme, c'est aussi parce que je crois nécessaire de lisser les revenus, ce qui est une autre problématique sur laquelle je n'insiste pas trop.

    Je préfère en tout cas mériter toutes sortes de reproches sur ma terminologie, voire de pouvoir être accusé d'intelligence avec l'ennemi, si cela permettait d'avoir un revenu suffisant et des dispositifs concrets construisant une alternative au productivisme véritablement révolutionnaire. Je ne suis cependant pas si optimiste pour le court terme en pleine débâcle financière, constatant simplement que les idées avancent et qu'on finira par s'y résoudre, mais on en est loin, sauf fort improbable victoire de Villepin ! Il faudra passer aussi l'épreuve du réel qui ne devrait pas laisser les principes intacts, là-dessus Michel Martin a raison sauf qu'il n'est pas vraiment pour l'expérience. Je ne suis pas non plus très optimiste pour ma capacité à convaincre de mes arguments (toujours un peu trop compliqués), ce pourquoi je ne participe plus qu'exceptionnellement à des réunions publiques, me contentant d'apporter ma contribution sur ce blog en espérant que ça aide un peu mais sans trop d'illusions.

  26. @Jean Zin :
    Je ne suis pas en désaccord avec les arguments que vous développez dans ce billet, qui sont intéressants, mais ce ne sont pas, pour moi, les principaux…

    Et apparemment vous n'êtes pas d'accord avec ceux que je considère essentiels. Tant mieux, ça ouvre un débat intéressant.

    Je précise donc mes 3 arguments.

    Le premier, c'est que oui, le progrès technologique est un facteur du chômage. Ce n'est bien sûr pas le seul, un autre importants étant justement le manque de monnaie (dont la cause des causes est pour moi l'argent-dette, j'y reviens juste après). Mais surtout, je considère que le plein-emploi, la lutte contre le chômage, n'est pas un objectif. C'est même tout le contraire. Le travail humain n'est pas un but, mais un moyen : il permet de surmonter les obstacles à la satisfaction des besoins. Regretter la trop grande facilité avec laquelle les obstacles sont franchis (car alors il y a moins de travail pour y parvenir), c'est vouloir combattre le but pour préserver le moyen.
    Je développe dans ce billet.

    Le deuxième, c'est l'injustice monétaire. Votre critique sur l'argent-dette ne me semble pas du tout répondre aux critiques du système monétaire que je considère fondamentales.
    Je développe dans ce billet.

    Le troisième, c'est le conflit entre l'abondance et l'économie, où le numérique n'est que le cas extrême, bien visible. Vous dites que l'économie de la rareté ne s'applique plus, je suis d'accord.
    Je développe dans ce billet.

  27. @®om : Je trouve un peu désespérant de n'être jamais d'accord, la diversité des analyses et propositions étant un facteur de division et d'impuissance, mais je ne crois pas que le progrès technologique soit cause du chômage, seulement de la diminution des emplois industriels et services automatisables, le chômage résultant de problèmes monétaires comme on le constate en ce moment avec la récession causée par la rigueur (et non par de soudaines délocalisations de masse). J'ai aussi critiqué les thèses de l'argent-dette, notamment la question des intérêts faisant l'impasse sur le caractère productif du crédit. Je crois enfin que l'économie de la rareté ne s'applique plus avec le numérique où ce qui est rare (plutôt non extensible), c'est la capacité d'attention, alors qu'il y a saturation d'information, trop grande abondance dont il faut extraire le plus pertinent. Les raisons que je donne du revenu garanti sont tout autres, liées aux transformation du travail.

  28. L'innovation n'est le plus souvent que l'application d'un nouveau modèle ou de nouvelles techniques, y compris pour Schumpeter mais ce qui est intéressant dans ce lien, c'est surtout la limite floue entre entreprise commerciale ou non lucrative (la différence, c'est quand même que la première est guidée par le profit alors que la deuxième est guidée par son objectif social). Galbraith pensait, lui, qu'il n'y avait pas de différence entre les grandes entreprises bureaucratisées et les régimes communistes (ce qui est quand même un peu exagéré).

  29. @®om : impossible de répondre dans des commentaires mais je suis en désaccord sur tout (sauf sur le 3ème, le numérique). Je sais que ces idées sont très répandues et je les ai réfutées souvent mais cela ne semble pas vous convaincre (personne n'abandonne ses convictions, ce pourquoi il n'y a presque jamais de dialogue mais seulement renforcement mutuel de ses croyances).

    - Ce n'est pas le travail qui manque, il n'y a jamais abondance de tout seulement surproduction par manque de clients solvables. Il y avait plus de 90% d'agriculteurs, ce n'est pas leur disparition qui explique le chômage. Faire du travail un but, c'est exactement ce que je propose, pas le plein emploi qui n'est effectivement pas désirable, mais pas non plus la consommation (la prétendue "satisfaction des besoins").

    - Il y a beaucoup de critiques à faire au système financier mais pas ce délire très répandu sur l'argent-dette qui veut ignorer la productivité de l'investissement (et donc du crédit), ce que Böhm-Bawerk appelle un "détour de production".

    Plus largement, si on ne raisonne pas en terme de système (où les différents éléments sont liés) et d’efficacité matérielle, on ne comprend rien à ce qui arrive mais c'est moi qui suis très minoritaire sur toutes ces questions.

  30. @Jean Zin> Le dialogue existe, mais ça prend du temps et nécessite une certain confiance. A force de vous lire j'ai quand même infléchi pas mal de mes convictions (ce qui ne veut pas dire que j'en suis arrivé à chaque fois aux mêmes conclusions que vous, ce qui me semble correct dans l'idée de dialogue). Ensuite il y a des "conversions" plus ou moins subites, pures inspirations ou révélations, quand on met bout à bout des cheminements intellectuels... l'art bien entendu peut générer de telles phénomènes, personnellement c'est souvent le rêve qui me fait faire ce genre de "bon". Même s'ils semblent complètement individuels c'est assez facile de remarquer qu'ils sont sous influence. Enfin c'est rare, le plus souvent on est très lent et c'est assez frustrant de se retrouver toujours confronté à sa propre bêtise.

  31. @Jean Zin :

    Je vous trouve très dur avec vous-même, avec vos capacités à convaincre et avec la qualité de vos contributions. Je ne cherche pas à troller, mais à comprendre et à éclairer ma compréhension de votre billet. Je n'ai découvert votre blog que récemment. Et je trouve certaines de vos propositions intéressantes et stimulantes notamment celles sur les coopératives municipales.

    Je comprend déjà mieux votre proposition sur le rôle des institutions de l'autonomie et du développement humain, et leur articulation au revenu de base. Il faudra être extrêmement vigilant pour que l'instauration d'un revenu inconditionnel ne s'accompagne pas d'un détricotage des services publics.

    Par contre, pour en revenir à la terminologie, je suis assez déçu de voir que le choix des mots vous importe aussi peu. Je n'ai pas une vision binaire de la société, mais de mon point de vue, ce n'est pas cohérent de militer pour un revenu productif en tant qu'alternative au productivisme. Reprendre les termes de "l'ennemi" n'est pas un problème en soi, seulement s'il agit de désigner deux réalités différentes (en effet, "la production" telle que vous la définissez "n'a rien à voir avec la marchandise") ou de remettre en cause ses hiérarchies. Plutôt que de donner de la portée au message, cette option le rend confus et exige un effort pédagogique supplémentaire (du moins dans mon cas, ahaha). Et c'est cette confusion qui fragilise la proposition.

    
    

    Si le choix est stratégique, l'idée de "pollinisation" donne, à mon sens, une plus grande portée à l'allocation universelle parce qu'elle légitime aux yeux de la sphère du profit tout un tas d'activité a priori "non-rentable", activités qui dans certains cas touchent la plupart des individus (élever des enfants), ce qui agrandit l'audience. Et ce, alors que le terme "pollinisation" rompt avec les notions de la sphère productiviste et souligne la spécificité de ses activités. Donc il me semble qu'il possible de concevoir une allocation universelle suffisante et avec un fort potentiel de concrétisation sans avoir à aligner les pratiques autonomes.

    Pour finir avec la question des mots, ne me définissant pas comme un libéral, je ne considère pas que l'expression "allocation universelle" se rapporte à un revenu insuffisant ou qu'il le suppose. A mon sens, l'expression "revenu de base" se rapproche plus d'un revenu insuffisant puisqu'il signifie qu'il est comme une BASE sur laquelle viendra reposer quelque chose d'autre, un complément. En ce qui me concerne, un montant suffisant pour vivre est la solution pour laquelle il faut se battre.

  32. Cela fait presque 15 ans que je discute de ces sujets, d'où une certaine lassitude avec le constat qu'on n'avance guère (un peu quand même). Ayant beaucoup écrit sur le sujet, je ne peux que renvoyer à mes textes précédents.

    Il ne faut pas confondre productif et productivisme, ce dernier étant la nécessité pour le capitalisme salarial d'augmenter constamment la productivité. On ne peut se priver de mots du langage sous prétexte qu'ils sont utilisés d'une manière qui nous déplait. Pas mal d'écologistes refusent qu'on utilise le mot développement sous prétexte que le développement durable est une arnaque dans la plupart des cas mais le développement n'est pas la croissance et le développement humain n'a rien à voir avec un quelconque profit. Il faut dire que, sur ce blog, je m'adresse quand même à un public averti sans les contraintes de la communication grand public, encore moins la propagande, mais opposer productif à productivisme me semble très important et mieux vaut changer le sens des mots que les censurer. C'est un enjeu vital que le revenu garanti soit considéré comme productif globalement au lieu de perdre son temps à argumenter sur le droit à la paresse. Il est vrai que cela exige un effort pédagogique supplémentaire comme à peu près tout ce que j'écris mais je ne cherche pas tant à communiquer qu'à essayer d'aborder la chose même, dans sa complexité qui contredit les préjugés qu'on en a de loin (ce qui me met en porte à faux avec à peu près tout le monde!).

    Je soutiens l'idée de pollinisation, effectivement importante comme celle d'externalités positives mais le caractère universel du revenu garanti oblige à y inclure ceux qui travaillent, sinon cela n'a pas de sens. Je pense aussi nécessaire que le revenu garanti ne soit pas destiné à la consommation de marchandises mais permette une production alternative réduisant le périmètre du capitalisme (et la sortie du productivisme dans la production elle-même). En rester à la pollinisation, c'est ne donner de valeur qu'à la production marchande qui en récupère la mise et pas du tout sortir du productivisme puisque cette pollinisation n'est alors rien d'autre qu'un facteur d'augmentation de la productivité, au contraire d'un travail autonome qui n'aurait plus besoin d'être rentable.

    Encore une fois, il ne s'agit en aucun cas "d'aligner les pratiques autonomes" mais de donner des moyens et des incitations au travail autonome, que des libertés en plus, pas en moins, sans que le travail soit une condition, mais bien sûr cela aussi demande une complexité, ou plutôt un concept contradictoire plus difficilement communicable (et donc plus difficilement réalisable aussi sans aucun doute).

    Si le sens des mots dépend de celui qu'on lui donne ("je ne considère pas"), peu importe les termes qu'on utilise. André Gorz avait une terminologie fluctuante et je pense que c'est au contraire ce qui fait ressortir le seul point important : un niveau suffisant, ce qui l'oppose par exemple au dividende universel à 400€, à peu près le même montant que Christine Boutin ou le revenu d'existence de Yoland Bresson. Ce n'est pas une raison pour ne plus employer le terme revenu d'existence qui a sa pertinence mais c'est quand même à cause de cela que je l'emploie le moins possible. Le revenu de base a l'intérêt de bien signifier qu'on peut le compléter avec d'autres revenus mais effectivement je l'évite aussi en général, tout comme le mot "minimum", ce qui ne m'empêche pas de l'utiliser de temps en temps. La plupart du temps, on est bien obligé de reprendre les mots utilisés dans le débat. Il est certain que ce n'est ni le mot ni le principe qui compte vraiment mais bien le montant, au moins les 850€ de Villepin, et c'est ce qui sera le plus difficile, le plus décevant sans doute, mais dont tout le reste découle. On voit, en tout cas, que l'allocation universelle, l'impôt négatif, le revenu d'existence, le revenu citoyen sont beaucoup plus soutenus à droite (Hayek, Friedman, etc.) qu'à gauche, d'où l'importance d'insister sur son caractère suffisant et de production alternative.

  33. @Jean Zin :
    Est-ce que, pour vous faire comprendre il ne serait pas utile de trouver une expression plus large ou différente pour tenir compte du fait de conditionner le revenu d'existence à un environnement institutionnel et autres?
    Quels outils de contrôle, d'évaluation et de guidage, d'ajustement, verriez-vous pour que cette idée du revenu d'existence+environnement donne bien le résultat escompté?

  34. mais seulement renforcement mutuel de ses croyances

    Vous avez raison, c'est malheureusement dans la nature humaine (voir la théorie argumentative). Et c'est valable aussi bien pour les autres que pour nous-mêmes (c'est déjà important d'en avoir conscience). Ce n'est pas pour autant que le dialogue n'existe pas.

    Faire du travail un but, c'est exactement ce que je propose, pas le plein emploi qui n'est effectivement pas désirable, mais pas non plus la consommation (la prétendue "satisfaction des besoins").

    Avec cette phrase, j'ai l'impression que nos avis sur ce point ne sont pas si éloignés (sans être totalement identiques), mais qu'on ne les formule pas totalement de la même manière.

    Je vais donc reprendre ce que je disais dans ce billet sous un angle différent.
    Lorsqu'un progrès technique apparaît, il est possible de produire plus efficacement. Donc de nécessiter moins d'emplois. Et là, tout le monde crie à la perte d'emplois. Ce que je dis, c'est que c'est stupide de regretter d'avoir perdu des emplois, vu qu'on parvient à produire la même chose sans perdre son temps à occuper un emploi devenu inutile.

    Et là où ça devient stupide, c'est en comparant 2 situations : la première où il faut beaucoup de travail pour réaliser une production P, la seconde où la production P est atteinte avec beaucoup moins d'efforts. Donc la même production P.

    Dans la première, c'est la croissance, le plein emploi, il y a plein d'argent, c'est merveilleux. Dans la seconde, c'est la crise, il n'y a plus de travail, plus d'argent… C'est totalement illogique : avec ce système, la situation où l'on est beaucoup plus efficace est catastrophique alors que la situation où "on a du mal à produire" est beaucoup plus prospère. C'est absurde.

    À l'évidence, la première situation est meilleure pour la société, on aurait beaucoup plus de temps libre. Vous semblez penser que c'est un appel à la paresse, mais pas du tout. Plus de temps libre… pour avoir des activités. Pour se cultiver. Pour travailler. Mais pas un emploi obligatoire inutile histoire d'avoir un taux de chômage moins élevé, mais un travail choisi, sans que le but premier soit le profit. Cela me semble bien plus productif et propice à l'innovation.

    mais pas ce délire très répandu sur l'argent-dette
    Où se situe le délire ?
    Trouvez-vous équitable un tel système ? Trouvez-vous normal que la banque reçoive un pourcentage sur de l'argent créé, c'est-à-dire sur toute la monnaie en circulation ? Trouvez-vous normal que la société soit forcément endettée envers les banques ?

    Pourquoi l'argent devrait-il être créé par le crédit ? Pourquoi pas un système où l'augmentation de la masse monétaire serait distribuée équitablement entre chaque individu ?

    Alors évidemment, on peut dire que c'est "productif" (au sens PIB du terme), car avec ce système, il est vital d'avoir de la croissance.
    Car, comme je le dis ici :
    Sans croissance, nous avons (toujours) une abondance de produits, mais une pénurie de monnaie pour y accéder. Grâce à la croissance, nous limitons temporairement la pénurie de monnaie.

  35. Il est certain que plus la productivité est grande et moins on a besoin de travail pour les produits de première nécessité (ce qui est une bonne chose) mais alors on se rabat sur les produits de seconde nécessité (voiture, téléphone, services, etc.), ce n'est pas la cause du chômage sinon, je le redis, on se serait arrêté de travailler dès que l'agriculture n'a plus eu besoin que de 5% de la population puisqu'on ne risquait plus de mourir de faim. Il est pourtant tout aussi certain que le pauvre canut qui se retrouve au chômage à cause de métiers jacquard plus perfectionnés est persuadé avec raison que la cause de son malheur est tout entier dans ces machines. Cependant, ce n'est pas du tout ce qui a pu empêcher des périodes de plein emploi par la suite. Tout cela était déjà connu de Ricardo (et Sismondi, Marx, etc.). Il n'y a pas une quantité de travail fixe à partager, il n'y a pas un panier de consommation type dont on pourrait se suffire, il y a toujours du travail (on augmente le niveau de propreté, on s'occupe plus de l'écologie, on soigne mieux, etc.), puisqu'on peut toujours faire reculer l'entropie. La seule chose, c'est que la nature du travail change et qu'il n'est plus aussi forcé que lorsqu'il faut juste survivre, ce qui implique de se reconvertir, de changer son organisation, sa motivation, etc. En raisonnant sur le long terme, on se rend bien compte que ces premières évidences ne tiennent pas. Il faut en tout cas éviter effectivement que les progrès techniques se traduisent, dans le court terme, en chômage et misère même si ce n'est que temporaire, et ne pas devoir s'en plaindre. C'est le niveau atteint qui permet d'accéder au travail choisi et de sortir du productivisme, pas le fait qu'il y aurait moins de travail mais que ce n'est plus le même dont on a besoin.

    Il y aurait beaucoup (trop) à dire sur le fonctionnement des banques et leur régulation mais il ne faut pas s'imaginer qu'une banque nationalisée vaut mieux même si cela éviterait à l'Etat de payer des intérêts mais ce qui n'est pas normal c'est d'emprunter pour financer les dépenses courantes au lieu de les financer par l'impôt. On a certes besoin d'une banque centrale qui crée de la monnaie pour s'adapter aux besoins de l'économie mais il n'y a rien de magique là-dedans. Même si on peut dire que les banques créent de la monnaie par le crédit, il ne faut pas le prendre trop à la lettre. Paul Jorion conteste absolument qu'il y ait création de monnaie et il a en partie tort (au niveau de sa circulation), mais là où il a raison, c'est qu'au moment de payer le crédit, il faut que la banque trouve l'argent quelque part, elle n'imprime pas des billets. S'il y a un effet de levier qu'on peut trouver disproportionné, il est rendu possible parce que de l'argent dort et qu'il y a des systèmes de compensation qui permettent de ne pas avoir à sortir l'argent mais si tous les clients paniqués veulent retirer leur argent de la banque, elle ne peut en créer plus qu'elle n'en a ! L'intérêt est bien sûr justifié à la fois par le risque et par la préférence temporelle, son niveau pouvant cependant être proche de zéro comme en ce moment pour les banques centrales du Japon, de l'Europe ou des USA. Il ne s'agit pas d'affecter équitablement à tout le monde l'augmentation de la masse monétaire, c'est une vue de l'esprit ne prenant en compte que les particuliers et pas les entreprises qui ont bien plus recours au crédit. Il s'agit d'affecter des crédits à ceux qui peuvent les rembourser, en particulier parce que cela permet des investissements productifs faisant gagner bien plus que les intérêts payés. Tous les paradoxes de l'argent-dette n'existent pas, c'est juste un délire d'apparence logique mais absurde comme toutes les propagandes simplistes. Tout est toujours plus compliqué. Nos problèmes ne viennent pas d'un mystère caché ni d'un dispositif pervers mais de tout un ensemble, de tout un fonctionnement systémique qui a de fortes raisons (matérielles et cycliques), ce pourquoi une alternative n'est pas aussi simple que la nationalisation des banques (ou des entreprises) mais exige un nouveau fonctionnement systémique.

    Il faudrait bien sûr en dire plus mais cela prend un temps infini...

  36. Je pensais effectivement à Lordon (qui d'ailleurs n'aime pas du tout l'argent-dette) pour la nationalisation des banques. Il a un discours très séduisant, c'est un maître à qui on donne du "professeur", mais ses solutions n'en sont pas, ou du moins ne règlent qu'un problème "local".

    Les banques coopératives ne sont pas injustes et fonctionnent quand même à peu près comme les autres banques, spéculation mise à part et autres pratiques commerciales douteuses. Ce n'est vraiment pas le problème à côté de notre entrée dans l'ère de l'information et des transformations du travail.

  37. @Michel MARTIN : Je ne crois pas qu'il y ait besoin d'un système d'évaluation dans ce cas, ou plutôt que les effets attendus étant globaux, ils se verront forcément (en bien ou en mal), ce qui est encore plus vrai pour les structures municipales dont il devrait être visible qu'elles marchent ou pas, la réactivité pouvant être rapide à ce niveau. A cause du découplage entre revenu et travail, il ne peut y avoir d'évaluation individuelle mais il faut sûrement un pilotage en fonction des effets macroéconomiques.

  38. Je n'ai jamais bien compris toute cette controverse de qui crée la monnaie, chez Jorion. Le fait est que les banques, si elles ne créent pas la monnaie, tout du moins poussent elles au vice de l'endettement excessif, qu'il soit utile ou inutile, et donc conduisent à la production de monnaie par les banques centrales quand les bornes ont été dépassées.

    Par ailleurs, on nous rebat les oreilles avec la loi de 1973, mais je ne vois pas en quoi donner le monopole monétaire à un gouvernement, donc une famille politique, une oligarchie défendant sa caste par des donations à vues électorales serait un bon système.

    Il me semble que Lordon ait vu le problème avec le principe d'une socialisation du crédit.

    Tout ça me rappelle à une question que je me suis souvent posée, pourquoi les femmes humaines ont souvent de si gros seins.

    Un début de réponse ici :
    http://sexes.blogs.liberation.fr/ag...

  39. @Jean Zin :
    A cause du découplage entre revenu et travail, il ne peut y avoir d'évaluation individuelle mais il faut sûrement un pilotage en fonction des effets macroéconomiques
    ça demande réflexion. C'est peut-être possible d'y réfléchir avant?
    Ce serait peut-être aussi possible de faire une expérimentation au niveau d'une aire comme un département?
    Sur le plan individuel, je crois qu'on peut faire des études statistiques de comportements avec des outils d'étude d'anthropologie.

  40. Le colloque de mars vise à des expérimentations au niveau municipal ou départemental. Pas évident qu'il y arrivent mais le but est de constituer un dossier solide et crédible. Parmi les problèmes qu'il comptent traiter, il y a l'inflation qui doit effectivement être surveillée, c'est un indicateur qu'on ne peut négliger et qui relève d'une gestion réactive. Il y a bien d'autres problèmes qui se posent comme la "concurrence déloyale" pour certains artisans. C'est une réorganisation économique qui aura ses côtés négatifs.

    S'il y avait des coopératives municipales (qui ne sont pas dans leur projet) beaucoup d'autres indicateurs devraient être pris en compte. De mon point de vue, sans ces structures locales l'expérience a de grandes chance d'être un échec mais vouloir tout expérimenter à la fois est encore plus utopique sans aucun doute.

    Il semble que l'expérience risque de se révéler plus positive là où il y a le plus de chômage en même temps qu'un potentiel d'activité locale. En tout cas, on jugera sûrement la réussite, en partie au moins, sur l'activité générée et la production locale. Il vaudrait mieux pour cela un autre indicateur que le PIB qui ne sera pas ignoré pour autant (s'il s'écroule, l'expérience a peu de chance de continuer).

  41. @Jean Zin :
    J'espère que vous nous tiendrez au courant si des expérimentations de revenu garanti sont mises en place à la suite du colloque.

    Que veut dire la phrase suivante?:
    lissage des revenus devenu nécessaire pour un travail immatériel non-linéaire

    Perception de votre article:
    L'introduction de votre article insiste bien sur l'environnement qui vous paraît propice à la réussite d'une telle expérience, mais je trouve dommage que vous n'enfonciez pas le clou dans la conclusion.

  42. @Michel Martin : Je ne serais pas forcément au courant de ces expérimentations qui me semblent peu probables dans la situation actuelle.

    "lissage des revenus devenu nécessaire pour un travail immatériel non-linéaire" veut dire qu'avec le travail immatériel, on n'est plus dans la production de masse proportionnelle au temps de travail mais dans une production plus aléatoire avec des fluctuations importantes de revenu qui devraient être lissées, ce qui veut dire subissant un prélèvement important pour en répartir le gain sur une plus longue période évitant les à coups trop brutaux et difficilement gérables. Version actualisée des cotisations chômage.

    Je n'ai pas bien compris ce qu'il aurait fallu dire dans ma conclusion ?

  43. compris la question du lissage des revenus pour un travail immatériel non-linéaire. Toutefois, ce n'est pas tout à fait nouveau, par exemple pour les spectacles.

    Je n'ai pas bien compris ce qu'il aurait fallu dire dans ma conclusion ?
    Juste rappeler qu'on ne peut faire du revenu garanti une mesure isolée sans les institutions démocratisant l'accès au travail autonome, par exemple comme ça:
    Il faudrait donc penser le revenu garanti comme un projet cohérent et productif plutôt qu'une revendication ponctuelle et ruineuse, en insistant sur le fait qu'on ne peut faire du revenu garanti une mesure isolée sans les institutions démocratisant l'accès au travail autonome probablement avec d'autres mots pour éviter de répéter l'intro.

  44. Je ne dis pas que c'est nouveau, faisant notamment référence aux intermittents du spectacle, mais que cela devrait être généralisé au-delà d'un revenu minimum.

    Pour la fin, "projet cohérent" fait référence au fait que cela ne peut être une mesure isolée et qu'il y a besoin des institutions du travail autonome.

  45. je trouve intéressant de développer le thème du rapport au travail.
    On peut voir que certains aiment considérer le travail comme une souffrance et ceux qui refusent cela, comme des lâches.
    Or la question primordiale est celle de l'épanouissement, c'est une recommandation des Droits de l'Homme, et pour l'atteindre il faut aussi beaucoup travailler, cependant, quand on est animé par des motivations réelles et sincères, on ne considère pas comme du travail une labeur parfois beaucoup plus grande que celle fournie auprès d'un patron relou, dans une entreprise relou, à faire un job relou.

    Une autre question est celle de travaux difficiles qu'on pourrait ne plus avoir envie de faire, dans le cadre d'un revenu garanti. Mais la vraie question est double,
    - d'une part il faut s'apercevoir que la robotisation des travaux difficiles a été stoppée en raison de ce que les gens ne percevaient plus de salaires (en chine notamment) or il serait plus normal que le maximum de tâches soient faites par des robots, étant donné que c'est maintenant possible. Toute la distribution, le transport, la gestion des stocks, énormément de choses, même la compta des entreprises, peuvent être robotisées. Cela libère une grande quantité d'énergie humaine.
    - d'autre part il est question de rendre possible l'arrêt d'industries non désirables car polluantes ou pour d'autres motifs. Personne ne souhait se faire virer et préfère continuer un travail qui participe à une grande pollution plutôt que de se retrouver sans emploi. La question est donc de rendre possible l'abandon des activités polluantes (je pense à la fabrication de CD-roms entre autres), grâce entre autres à la promesse d'un revenu garanti.
    Mais beaucoup d'autres dispositions doivent s'ajouter à ce revenu garanti pour faire système, et c'est sur ces autres dispositions qu'il faut travailler, puisque d'elles-mêmes elles rendront d'autant plus nécessaires un revenu garanti. Il est notamment question de rémunérer (ou de financer) une grande quantité de travaux qui ont grand besoin d'être faits mais qui ne sont pas faits pour être lucratifs, du moins pas à l'échelle individuelle, alors qu'ils le sont très visiblement à grande échelle, et il n'y a pas peu de choses qui soit concerné par cela, comme la médecine, l'éducation, l'humanitaire, les cabinets d'études, les logiciels, la robotique, la culture, la musique, le cinéma.... Tout cela participe au bien-être général mais il est très difficile de trouver des raisons de rendre ces activités rentables ; C'est pourquoi on a créé les brevets, les droits d'auteurs, etc... alors pourtant que ces éléments sont en même temps autant de freins au travail des uns et des autres.

    Notamment il se passe que le travail partagé via internet va rendre possible une répartition des tâches, dans des entreprises coopératives qui confient à ses consommateurs toute une charge décisionnelle à propos de la qualité de ses produits. En fait toutes les entreprises devraient confier une grande partie de leurs décisions à des audits publics, en toute transparence, afin qu'on sache vraiment de quoi relève les produits qu'ils fabriquent.
    Mon expérience m'a montrée qu'en distribuant un travail gratuit (des logiciels libres) la responsabilité à propos de la qualité est aussi grande que celle d'un producteur qui prend soin de faire que l'utilisateur soit pleinement satisfait, qu'il en ait "pour son argent" (même s'il n'a rien payé). Il en va de l'utilité de tout le travail accompli que ses utilisateurs soient satisfaits.
    Et c'est pareil pour la musique, la culture en général, la formation à distance ou tout autre service et bien immatériel... le fait est que l'humain a besoin de travailler, car c'est ainsi qu'il s’épanouit, et il aime être utile. Le revenu garanti ne pourra pas convertir les gens en richissimes paresseux baignant dans la luxure, même si c'était le but !
    On peut spéculer sur les conséquences, par exemple que les entreprises devront adopter un comportement non dégradant envers ses employés, faute de quoi personne ne voudra travailler pour eux. C'est sans doute de cela que les libéraux ont peur, eux qui trouvent normal de souffrir au travail.
    Mais je le redis, l'effort sur soi, le besoin d'être utile, les formations qu'on peut suivre pour poursuivre un objectif, les rêves qu'on fait se réaliser sont un effort beaucoup plus grand et beaucoup moins douloureux. Le rapport au travail doit faire que l'emploi soit considéré comme un épanouissement personnel, et quand c'est le cas dans certains métiers, je peux dire que les gens ne comptent pas les heures, et ne refusent aucune difficulté.

    Le but au final est de faire augmenter très notablement, non pas la quantité d'énergie humaine consacrée au travail, mais l'efficacité de cette énergie humaine. Si on prend ce paradigme comme point de départ, ça change tout !

  46. @8119 :
    Pas d'accord avec votre vision. Je ne crois pas que le travail soit nécessaire pour s'épanouir dès lors que la culpabilité à ne pas travailler n'intervient pas.
    Pour être précis et sortir du décollage philosophique à la verticale, je vais témoigner sur mon cas que je crois connaître d'assez près. Je fais un boulot qui me plait, mais je suis un méditatif, un rêveur qui pourrait se satisfaire de ne rien produire du tout. Par contre, je souffrirais beaucoup de ne pas avoir une place dans la société, pas une place glorieuse, ça m'est égal, mais simplement une place ou personne ne me regarde comme étant trop à part, ni sur-homme ni sous-homme, ni maître ni esclave, une place d'homme ordinaire avec son mot à dire. Donc s'il faut travailler pour ça, alors je travaille, et je peux même y trouver quelques éphémères satisfactions, mais ça s'arrête là, pas question de faire du travail un élément incontournable d'épanouissement, comme si c'était un besoin. A chacun de voir.

  47. à Michel Martin
    oui vous avez complètement raison, ma vision est trop personnelle, car à travers le travail c'est bien sûr d'être utile ou d'exister aux yeux des autres qui est recherché.
    En général on a fait la distinction entre travail et emploi, l'emploi est subit, tandis que le travail, c'est le fait de progresser dans quelque chose, ça peut être ce qu'on veut, comme par exemple dans le sport (pas mal de gens vivent du sport, grâce à leurs sponsors).
    mais par expérience, si on s'ennuie et qu'on n'a rien à faire (ça ne m'arrive plus depuis de nombreuses dizaines d'années !) on trouve toujours quelque chose. Les gens ne resteront jamais sans rien faire, à moins qu'ils en aient besoin ou envie, dans ce cas c'est pas moi qui irait le leur reprocher !

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