W ou la malédiction de la reprise (de l’inflation)

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C'est entendu, malgré les analogies, la crise actuelle ne présente pas le caractère catastrophique de celle de 1929, principalement à cause de nombreux amortisseurs sociaux et politiques sans compter l'ébauche d'un gouvernement mondial qui renforce considérablement le système, redoublant la fonction de garant en dernier ressort des Etats. On est loin, pour l'instant du moins, d'un effondrement du système, encore plus de la fin du capitalisme tant espérée ! Ce n'est pas pour autant qu'on serait sorti d'affaire et qu'il n'y aura pas des bouleversements plus ou moins dramatiques, la véritable crise, qui est celle du dollar, n'ayant pas encore eu lieu. Le premier choc a été contenu mais ce n'est que le premier et il faut s'attendre à une courbe en W plus qu'à une reprise en U comme on voudrait s'en persuader avec quelque précipitation. Les réactions optimistes et le sentiment de soulagement général sont même une preuve éclatante qu'il ne pourra y avoir les nécessaires réajustement sans y être contraint, par des situations catastrophiques justement ! La question est celle du réel des déséquilibres et de leur inévitable correction (The harder they come, the harder they fall).

Bien sûr, il ne s'agit pas d'un décalque de la crise de 1929, nous sommes si loin de cette époque, on ne va pas revivre exactement le même scénario. Il y a malgré tout un certain nombre de courbes (pas toutes) qui semblent se recouvrir parfaitement. C'est le cas notamment de la courbe des revenus des 10% les plus riches qu'on a reproduit ici et qui témoigne des analogies étonnantes entre les années folles précédant la grande crise et les années fric qu'on vient de connaître ; non seulement au plan économique et financier, donc, mais tout autant idéologique et social voire technologique (avec tout de même de grandes différences aussi). Ce sont ces courbes qui sont l'un des arguments principaux de l'hypothèse d'une rechute en W après un semblant de reprise comme en 1930, suivie d'une plongée bien plus grave suite à l'impossibilité de recréer une bulle du crédit. Ce qui devrait nous faire peur, pas par plaisir de se faire peur, c'est que la véritable sortie de la crise ne se sera faite qu'avec la guerre (et le retour de l'inflation).

Certes, ce ne sera pas la fin du monde, mais de quoi s'inquiéter sérieusement quand même. En effet, il n'y a peut-être pas là un simple concours malheureux de circonstances mais la nécessité d'une destruction de capital, ce que Schumpeter appelait une "destruction créatrice" comme la fin des dinosaures dégageant le terrain pour les mammifères. Il n'y a aucune évidence que nos capacités de régulation et notre rationalité économique pourraient nous éviter cette épreuve darwinienne (qui n'est pas la survie du plus fort, ni du plus gros qui peut disparaitre, mais du plus adaptable). Cela voudrait dire qu'il ne serait plus possible de remettre en cause les positions acquises et dominantes. On comprend que beaucoup y aient intérêts mais le risque des crises est inhérent au capitalisme lui-même, c'est-à-dire à une production qui n'a d'autre but que le profit ce qui, contrairement à d'autres systèmes de production, mène à la faillite et la fermeture d'usines quand l'entreprise n'est plus rentable, aggravant de ce fait la situation générale par un effet boule de neige qui est la contrepartie de la capacité de croissance et d'emballement du système.

La situation est bien sûr assez différente aujourd'hui par rapport aux années 1930, notamment parce qu'on n'est plus dans le modèle industriel, mais ce qui donne crédit actuellement au scénario W d'une rechute brutale, c'est une sorte de malédiction de la reprise. En effet, à peine les indices s'améliorent, et le climat devient plus optimiste, qu'aussitôt les prix du pétrole remontent et le dollar repart à la baisse. Or, c'est bien l'inflation et les tensions sur les matières premières, en premier lieu le pétrole, qui ont déclenché la crise en se répercutant sur les intérêts variables, ce qui a provoqué les défauts de paiements des subprimes et la chute de tout le château de cartes spéculatif dont l'immobilier n'était que la dernière pierre. Non seulement le retour de l'inflation provoquera une deuxième vague de chute de l'immobilier mais, pour des raisons profondes, matérielles, c'est la suprématie des Etats-Unis et du dollar qui devrait être mise en cause. Etant donné les milliards de dollar injectés (avec raison) pour éviter une crise systémique, il y a un véritable risque de dévaluation du dollar et d'hyperinflation avec une perte (relative) de sa position de monnaie de réserve, remplacée progressivement par une monnaie de référence mondiale (en cours de constitution par les pays du BRIC). C'est ce bouleversement géopolitique dont il faut évaluer les risques, qui pour n'être peut-être pas aussi cataclysmiques que dans les années 1930, ne se fera pas sans drames, en tout cas pas de bon gré de la part des USA.

Ce n'est pas une question de maladresse, de hasards malencontreux, de simples dysfonctionnements, encore moins de facteurs psychologiques mais ce sont bien des processus matériels, des déplacements de lignes de force, des déséquilibres de plus en plus intenables qui sont en jeu. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on ne peut éviter l'apurement des comptes et le retour au réel. Ce qu'il faut comprendre, c'est que la raison d'un krach n'est rien d'autre que la bulle spéculative qui précède et non pas tel ou tel événement déclenchant, ni une mystérieuse perte de confiance alors que ce n'est rien que la perte de nos illusions dont on doit seulement se demander comment elles ont pu durer si longtemps ! La crise n'est pas psychologique, ce n'est pas seulement l'inversion des anticipations, c'est un choc qui se transmet sur toute la chaîne économique et financière parce que les anticipations n'étaient pas tenables. Tant que la purge n'est pas terminée, le système ne peut repartir ("le cercle vertueux de la croissance") car le sol se dérobe sous ses pieds et il manque de carburant, ce n'est pas à cause de l'analogie de l'économie avec le corps humain comme s'aventure à le prétendre un historien (ci-dessous), mais parce que le dynamisme du capitalisme est basé sur une boucle de rétroaction positive où l'argent appelle l'argent.

Dans une vidéo du 15 juin, 3 historiens (Patrick Verley, Jean Heffer, Patrick Fridenson) se veulent des plus rassurants et prétendent qu'on se fait peur pour rien. Pour eux, la crise ne serait pas du tout aussi grave que celle de 1929 où une conjonction malheureuse d'erreurs politiques aurait été cause de son caractère dramatique (notamment le protectionnisme) alors que nos protections sociales réduisent énormément l'impact de la crise par rapport à l'époque où une chute de la production de 25% a créé 25% de chômage (aujourd'hui une chute de l'industrie de 30% a bien moins d'impact). On doit leur accorder qu'on ne risque sans doute pas de retomber au niveau de misère de l'époque, du moins on aurait les moyens de l'éviter et c'est à prendre en compte. Ils ne nient pas d'ailleurs la gravité relative de la crise actuelle et sa possible durée sur plusieurs années mais seulement sa portée au regard d'autres crises du même type, ne débouchant finalement comme toujours que sur un renforcement de l'Etat et des régulations financières. Ils reconnaissent malgré tout des causes plus matérielles, notamment démographiques mais qu'ils ne relient pas à l'inflation (la réduction de la population est pourtant déflationniste alors que l'entrée en scène des pays les plus peuplés est inflationniste, ce qui favorise la croissance). Ils reconnaissent aussi qu'il y a un nécessaire changement de paradigme, changement de régime productif avec un rééquilibrage entre facteurs de production et que ceux qui sont le plus lent à s'en rendre compte auraient été ceux qui ont le plus souffert dans le passé. Ce qu'ils récusent, c'est surtout la nécessité de dramatiser. S'il y a vraiment crise, elle serait très atténuée et bien maîtrisée par le politique...

C'est non seulement un peu optimiste (on n'est encore qu'au début et le tout est de savoir si le gouvernement mondial va tenir, et le dollar...) mais cela témoigne surtout de l'étrange croyance que les guerres et fluctuations économiques ne seraient pas surdéterminés et simplement le fruit de contingences historiques. On pourrait les éviter avec un peu d'habileté, sinon d'amour diraient certains ! Or, c'est un fait qu'on peut déplorer aussi fortement qu'on le veut mais à éviter ces destructions créatrices, par exemple grâce à une socialisation des pertes qui ne fait pourtant que renforcer "l'aléa moral", on aggrave simplement les déséquilibres. On le constate : aux premiers signes de reprise, les banquiers retombent aussitôt dans la spéculation et leurs anciennes pratiques en se disant que le risque n'était finalement pas si grand et valait bien la chandelle ! Les politiques n'ont pas un poids suffisant pour imposer leurs règles à un système qui semble remarcher et qui produit des richesses. Pas moyen d'éviter d'aller au clash.

On aurait bien tort également de compter pour acquis qu'on ne ferait pas les mêmes erreurs qu'en 1929 sous prétexte qu'on aurait appris les leçons de l'histoire. Ainsi, on reparle quand même de protectionnisme et avec quelques raisons car les mesures de libéralisation ont été dévastatrices mais ce n'est pas pour cela que plus de protectionnisme arrangerait forcément les choses dans l'immédiat. Il n'y a aucun doute qu'il y a encore pas mal de protectionnisme et qu'il faut plutôt en augmenter la dose sur le long terme mais il n'est pas si facile de revenir en arrière à cause de nos interdépendances et c'est quand même un facteur d'aggravation de la situation économique et de contraction des échanges, avec une série de réactions en chaînes se propageant sur des périodes plus ou moins longues. Les conséquences à court terme risquent d'être socialement insupportables en plus d'être économiquement contre-productives. C'est pourquoi la relocalisation est une voie plus facilement praticable dans la sortie de crise mais le protectionnisme tente inévitablement de nombreux politiques (et quelques économistes) d'autant plus qu'il est absolument justifié et qu'on ne veut pas voir les effets en retour qu'il peut avoir dans la situation actuelle.

Le pire n'est pas sûr et il ne s'agit pas de noircir le tableau. De même que l'éclatement de la bulle internet n'a pas été la fin de l'économie numérique et d'internet, l'effondrement du dollar et du capitalisme financier ne sera pas la fin de l'Amérique ni du capitalisme, seulement une redistribution des cartes et la fin de l'économie casino, pour un temps du moins. Il est cependant difficile d'imaginer que cela puisse se faire sans des circonstances dramatiques. Ainsi, pour reprendre le graphique ci-dessus, un des effets de la sortie de crise devrait être une réduction drastique des inégalités sociales qui ont atteint un niveau insoutenable, y compris économiquement, et qui doivent retrouver une proportionnalité plus raisonnable, gardant un lien avec la réalité. Or, ce qui est troublant, c'est de voir que la crise de 1929 n'a pas suffi à les réduire significativement, c'est seulement la guerre qui les a ramenées à un niveau raisonnable (de même que le chômage, etc.), ce qui laisse bien peu d'espoir...

Que ce ne soit ni la fin du monde, ni la fin du capitalisme, n'empêche pas que la résolution de la crise passe par une redistribution des cartes, un New deal mondial qui pourrait se traduire par quelques guerres ou révolutions. La question n'est pas de savoir si on aura un répit de quelques années avec la création d'une nouvelle bulle, ce qui est toujours possible bien que peu probable quand même. La question est de savoir si le réel existe, ce dont un bon nombre de nos contemporains se sont mis à douter ! Or, si nous ne vivons pas dans un rêve, il n'y a aucune chance que le réel se fasse oublier, recouvert par la publicité comme par la propagande médiatique. Le réel, c'est ce qui n'oublie rien disait Lacan, c'est aussi ce qui fait trou dans nos représentations et nous dément. Ce qui est rejeté du symbolique fait retour violemment dans le réel. Hélas, en l'absence d'un garant de la vérité, il est impossible de s'assurer qu'on est dans le réel et qu'on n'est pas en train de délirer, raison pour laquelle on ne peut éviter les crises, ni les confrontations idéologiques arguments contre arguments qui se règlent seulement dans le réel, et souvent par des massacres insensés (qui n'empêchent pas d'ailleurs la victoire des massacrés in fine!).

La crise est certaine, elle devrait être longue, il n'est pas sûr qu'on aille aux extrémités de la grande dépression, des fascismes et de la deuxième guerre mondiale mais ce n'est pas exclu pour autant car elle devra atteindre un point de rupture, faisant forcément appel au politique. Ce n'est pas une raison pour prendre nos désirs pour des réalités et s'imaginer la révolution de nos rêves, que rien n'annonce. Même si tout retour au réel est rassurant, ce n'est pas une raison non plus pour y voir un catastrophisme purificateur et salvateur car, il faut bien le dire, non seulement il y aura de la casse mais on risque plus des gouvernements autoritaires et démagogiques que des révolutions sociales progressistes et raisonnables ! Cela n'empêche pas, qu'ici ou là, la crise soit l'occasion d'un progrès de l'émancipation humaine qui finira par s'étendre et submerger les nouvelles tyrannies, mais il y faudra du temps, même si l'unification numérique pourrait accélérer le processus. Dans l'immédiat, il n'y a pas tellement de quoi rire des années qui viennent, étant donnée notre état de désorientation et l'égarement de la pensée. Au mieux, au minimum, il faudra une refondation des institutions et des protections sociales dont on ne voit pas comment elle pourrait se faire dans le calme, avec quels principes qui ne soient pas immédiatement en décalage avec la réalité (comme la loi Hadopi avec le numérique). Mais, peut-être qu'on se fait du souci pour pas grand chose, qu'il ne se passera plus jamais rien, que l'histoire est finie, que la spéculation peut reprendre et qu'on peut se rendormir tranquille...

(Graphique des WWW de la crise de 1929, pris d'un commentaire du blog de Paul Jorion)

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72 réflexions au sujet de “W ou la malédiction de la reprise (de l’inflation)”

  1. C'est drôle de voir un pseudo-altermondialiste se réjouir de l'existence d'un gouvernement mondial qui échappe complètement au pouvoir de l'homme ordinaire.

    Mais il est certain que vous nous pondrez bientôt une théorie qui légitime la tyrannie, déguisée pour l'occasion - on compte sur vous, par une théorie de la complexité d'une gouvernance politique mondiale (hé oui mon brave, on vous privera de tout contrôle sur votre vie parce qu'au niveau de la terre, un gouvernement sera nécessaire oligarchique). On est bien loin des niveaux d'organisation horizontaux (comme chez les anarchistes) où toute structure hierarchisée est immédiatement comprise comme perte de pouvoir et de contrôle de l'homme sur sa propre existence.

    Mais il y a tellement de contradictions dans vos textes, que j'en perds un peu mon latin. Si la dialectique est factorielle, vous dépassez assurément le nombre de facteurs considérables.

  2. corrections, regulation, ajustement..

    tous ces termes nous permettent de penser que l'on a le controle sinon de la situation, au moins de la compréhension du phénomene.

    je crois poutant que nous ne savons pas gérer la complexité que nous créons.
    Nous construisons de maniere empirique c'est a dire dans un cadre de depart bien etabli, mais ensuite l'ingéniosité nous amene toujours a pousser a l'extreme toutes les mecaniques sous-jacentes qui animent nos sociétés et généralement en grand desordre.

    nous n'avons jamais su gerer, donc, la complexité en chaos frénétique.

    ce sera donc , sans doute, par des forces naturelles que les choses se remetront dans l'ordre : le sang les pleurs et la necessité... enfin c'est une image..

    Un bon exemple est l'extraordinaire travail des hommes qui permet de lancer une navette qui au final explose en vertu de quelques causalités prévisibles en théorie mais statistiquement incontrolables dans la pratique.

  3. J'aurai plutôt dit : tout le monde ne parvient pas à se voir soi-même (ni ses contradictions ou les consécutions logiques de certaines idées).

    J'ai eu un peu de mal à démêler l'écheveau des références et des allusions dans votre texte (une jolie bouillie intellectuelle si vous voulez mon avis), mais des âneries tautologiques telle que la "survie du plus adaptable" ont été réfutées depuis longtemps.

    Le cadre métaphysique darwinien repose sur l'émergence au hasard des transformations du vivant, puis de leur sélection en vertu d'une concurrence dans un milieu aux ressources toujours insuffisantes. La théorie darwinienne impose donc une investigation purement explicative. C'est ce postulat d'inintelligibilité de l'origine des mutations qui justement confère une dimension métaphysique et non pas scientifique à ce cadre. La science enfermée dans un tel cadre se transforme en une entreprise de justification de l'existant au nom des avantages sans lesquels il ne pourrait être.

    Le cadre métaphysique est estimé avant tout en vertu de son pouvoir explicatif. Cependant, en proposant d'étudier un réel transformé selon ses propres exigences, il représente l'homologue parfait des interprétations mythiques qui l'ont précédé.

    Un point parmi tant d'autres...

    @crabo :
    ce genre de généralités ne fait que pousser le cochonnet du fatalisme historique. Il n'y a pas grand chose à attendre d'une catastrophe survenant simultanément à un délabrement complet des subjectivités, déjà bien consommé.

  4. Je ne suis pas convaincu que l’on puisse juger cette crise comme « moins catastrophique » que celle de 29. Certes, les autorités ont vigoureusement réagi sur le terrain de la liquidité, mais leurs interventions sont objectivement impuissantes à gommer l’insolvabilité (abyssale) du système financier et tendent plutôt à en masquer la gravité. Les dettes irrécouvrables sont trop importantes (monstrueusement plus élevées qu’en 29) pour être socialisées de façon consensuelle sur le plan politique : il est illusoire d’espérer que deux générations vont accepter de se faire dépouiller de leurs revenus pour payer l’addition, et permettre la préservation des fortunes présentes, largement virtuelles et souvent acquises de manière suspecte. Il est en effet nécessaire de purger la dette : plus on tarde à en accepter l’augure, plus la troisième barre de votre W promet de descendre aux enfers. Bref, il me paraît improbable que l’on puisse échapper à une situation très, très difficile, où les plus sombres scénarios ne peuvent être écartés (révolutions et guerres, en particulier).

  5. C'est effectivement ce que je dis dans l'article qui est une réponse à la vidéo des historiens dont j'intègre cependant le fait que les protections sociales devraient éviter les niveaux de misère atteints en 1929. Il faut à la fois rendre compte des analogies et des différences. Il me semble certain que la destruction des montagnes de dettes est inévitable, ce qui se fera en bonne partie par l'inflation mais qui rend effectivement probable guerres et révolutions.

    Le fameux "gouvernement mondial" qui a tendance à se réduire à la Chimérique (G2) est aussi une grande différence. C'est un fait où je ne suis pour rien mais dont l'incidence n'est pas nulle. Rien de tout cela ne peut empêcher l'apurement des dettes, on est bien d'accord. La logique sous-jacente qui est celle du cycle de Kondratieff (voir "Le retour des révolutions") ne peut être régulée, on ne peut rien contre les tendances à long terme, ce qui n'empêche pas de réguler les fluctuations à court terme.

    Donc une crise catastrophique annulant une bonne part des dettes est inévitable mais sa forme devrait être différente de la séquence dépression - chômage - fascisme - guerre, ne serait-ce que par la remarque, juste cette fois d'un historien, que fascisme et nazisme avaient pris forme avant, la crise a seulement permis à Hitler de prendre le pouvoir mais il était là depuis les années folles. Il s'agit de savoir quelles forces déjà là pourraient prendre le pouvoir. On ne les trouve pas du côté de la gauche sinon en Amérique latine, peut-être du côté islamo-fasciste ? ou du berlusconisme ?

    Sinon, il y a bien un échec des régulations et détournement par des oligarchies, des abus de position dominantes, des instruments qu'on pousse à l'excès. Pour Hayek, ce sont les classes moyennes qui détournent le système à leur profit. On voit bien que c'est plutôt les 10% les plus riches, véritable oligarchie qui n'a rien d'un complot occulte pourtant. La conclusion qu'en tirent les libéraux de laisser-faire est cependant la plus idiote, ne faisant que servir les intérêts établis et une économie de prédation. La vie est incertaine, ce n'est pas pour cela qu'on reste les bras croisés en attendant la mort !

    J'ai beaucoup écrit sur le darwinisme, je ne vais pas y revenir ici, c'est une tautologie si l'on veut mais c'est surtout une causalité descendante qui part du résultat matériel, c'est la détermination en dernière instance. Cela n'implique absolument pas de prétendre que tout ce qui apparaît est bon, ni qu'on n'y pourrait absolument rien. En ce sens, ce darwinisme n'implique pas forcément des mutations au hasard, il peut y avoir des tendances affirmées qui se prolongent dans le temps et ne sont pas tellement hasardeuses. L'application de ce darwinisme à l'économie par Schumpeter après Marx n'occulte absolument pas la structuration du système, en classes notamment. J'en ai parlé car un autre historien accusait ceux qui annonçaient une purge d'appeler à une sélection darwinienne alors que notre niveau de civilisation nous permettait de contrer une nature si cruelle. La question n'est pas là, il ne s'agit pas d'être partisan d'un effondrement mais de ne pas voir comment on pourra l'éviter (sur le long terme). S'il y a réajustement, ce n'est pas que nous avons le contrôle de la situation mais que le réel se rappelle à nous comme on se cogne contre un mur.

    La seule question intéressante que j'essaie de démêler, c'est d'essayer d'évaluer ce qui va se passer dans les prochaines années, les risques à combattre et le rôle qu'on pourrait avoir à y jouer.

  6. Je persiste pour avoir été suffisamment formé à la biologie.

    L'événement moteur de la transformation dans le cadre conceptuel darwinien est le hasard des mutations dans la séquence de nucléotides formant l'ADN. Selon la théorie darwinienne, les erreurs de copie de cette longue chaîne, ainsi que les altérations chimiques qu'elle peut subir, se traduisent en des modifications dans la séquence d'acides aminés formant les protéines, éléments de base dans la constitution du phénotype. Les meilleures séquences d'ADN (définie par la succession d'acides nucléiques qui les composent) nées de cette variation au hasard étant ensuite sélectionnées par ségrégation mendélienne grâce à l'avantage octroyé aux organismes qui les portent. Outre l'aspect réductionniste nécessaire pour envisager une sélection de gènes à partir des organismes, ce postulat implique donc que la séquence des nucléotides est un pur fruit du hasard.
    Les biologistes ne peuvent rechercher de lois là où le cadre métaphysique qui circonscrit leur domaine postule un pur hasard. Et pourtant, ce présupposé est contredit par l'observation ! Il existe une correspondance entre les vingts acides aminés impliqués dans la synthèse des protéine et les quatre nucléotides formant par leur alignement chaque brin de la double spirale d'ADN. La correspondance précise entre un acide aminé et un triplet de nucléotides permet un contrôle par un gène de la séquence d'acides aminés formant la protéine lui correspondant. Le nombre de combinaisons des triplets de nucléotides étant plus élevé que le nombre d'acide aminés codés, il se produit une certaine redondance du code génétique. Certains acides aminés sont codés par plus d'un triplet.
    Si les séquences d'ADN se modifient au hasard des mutations, alors la représentation d'un acide aminé dans la composition des protéines devrait correspondre à son niveau de redondance, c'est-à-dire au nombre de triplets de nucléotides codant pour son insertion. Or l'analyse des fréquences d'acides aminés dans les protéines montre un très net écart vis-à-vis de cette prédiction. Ce résultat révèle l'existence d'un facteur autre que le hasard dans la transformation des séquences de nucléotides.

    Plus encore ! elles contredisent le postulat de base du darwinisme, en impliquant l'influence du produit (la protéine et son activité) sur la sélection de la séquence des nucléotides. Du fait qu'ils réfutent les fondements même du cadre métaphysique darwinien, l'ensemble des travaux (conduits avec succès depuis quelques décennies) a été complètement ignorés. Ils intéressent par contre beaucoup les physiciens, et de nombreux articles paraissent dans des revues de physique, parce que les physiciens y voient un parallèle avec les phénomènes de régularité par rupture de symétrie.

    Je suis atterré de voir combien une métaphysique du XIXème siècle, qui n'explique rien précisément parce qu'elle explique tout, a pu empoisonner le réel et l'investigation scientifique et combien ses débordements politiques sont pernicieux.

  7. Ce n'est pas vraiment le lieu de discuter du darwinisme où certes, l'aléatoire a été déterminant pour sortir du finalisme et de la théologie mais ce n'est pas l'aléatoire qui est au coeur du darwinisme, seulement le fait que la sélection se fait à partir de l'effet et non de la cause (ce qui définit l'information ou la rétroaction).

    Le darwinisme permet de comprendre l'introduction des finalités dans la chaîne des causes par rétroaction, sélection à partir du résultat, ce qui ne dit rien sur la causalité première, dire qu'elle est aléatoire veut simplement dire qu'il y a une rencontre hasardeuses de chaînes de causes indépendantes. Cela n'exclue pas qu'il y ait un rapport entre par exemple les finalités des hommes et le fonctionnement social mais que c'est le fonctionnement effectif qui détermine qu'il soit durable et conforme aux finalités des acteurs. D'habitude, les conséquences de nos actes débordent largement nos finalités premières et leur effet global nous échappe (ce que montre notamment Lukàcs).

    La priorité de l'effet sur la cause (ou causalité descendante) n'empêche pas que l'aléatoire pur a un rôle essentiel d'exploration, un peu comme les mouvements de la canne d'aveugle et ce qu'on retrouve avec les générateurs de diversité du système immunitaire. Il y a aussi un aléatoire pur dans les mutations génétiques sauf que certaines liaisons sont plus fragiles que d'autres et des mutations plus délétères ne permettant pas la survie ni donc la reproduction, ce qui explique les biais statistique.

    Tout cela n'empêche pas que certaines évolutions ne sont pas hasardeuses mais suivent une "pente" continue (voir René Thom et les mathématiques de la morphogénèse), tant que l'effet améliore sa reproduction. Un peu comme le développement de l'intelligence humaine qui a mené à sa multiplication selon une logique implacable, ce qui n'empêche pas que cela pourrait le mener à sa perte...

  8. N’étant ni biologiste ni anthropologue, je n’ai pas d’avis « autorisé » sur le darwinisme, ni sur la transposition qui en est ici faite aux sciences sociales, avec une hardiesse que je trouve (intuitivement) assez critiquable. Les phénomènes qui se développent sous nos yeux échappent aux « lois de la nature » ; les dérèglements du système financier n’ont été rendus possibles que par des coups de force manifestes, par une violation des « bonnes règles » d’une vie sociale apaisée. Ce qui est d’évidence possible, alors que nul ne peut s’opposer aux lois de la gravitation, par exemple, quand bien même disposerait-il d’une force de frappe financière redoutable. La métaphore darwiniste ne me paraît, en conséquence, défendable que dans un raisonnement de long terme, celui où, selon l’humour british de Keynes, nous serons tous morts. Ceci pour dire simplement que je ne crois pas pertinent de raisonner « darwiniste » pour expliquer les événements présents et… prévoir le proche avenir. Mais il ne s’agit évidemment que d’un point de vue de nos-spécialiste.

  9. Oui, c'est assez délicat de parler de darwinisme dans le domaine social ce qui évoque la stupide compétition de tous contre tous. L'appropriation idéologique des théories scientifiques fait partie de la lutte des classes dans la théorie mais amène beaucoup de confusions. J'en ai parlé ici parce qu'un historien assimilait ceux qui pensent que la crise sera destructrice à des darwiniens primitifs. Il ne fait aucun doute pourtant qu'il y a un aspect (un aspect seulement) du darwinisme qui a été repris par Marx et Schumpeter mais on peut se contenter de parler de "matérialisme", c'est-à-dire qu'il faut qu'un système marche matériellement et qu'une fois passées les limites matérielles, il s'écroule. C'est, si on veut, une "loi naturelle" (matérialiste) même si le culturel (idéalisme) y intervient. La détermination en dernière instance est effectivement surtout sur le long terme mais pour le darwinisme biologique aussi il y a différentes temporalités et la sélection sur le long terme qui privilégie l'adaptabilité au changement d'environnement est très différente de la sélection à court terme qui privilégie l'adaptation à l'environnement du moment (or être trop bien adapté, c'est ne plus être adaptable). La lutte de tous contre tous et la prédation sans frein, c'est du court terme. La coopération et la régulation, c'est du long terme mais j'inscris pour ma part la crise actuelle dans des cycles à long terme (démographiques, générationnels), les cycles de Kondratieff (voir "le retour des révolutions").

    Il n'y a pas de "bonnes règles" d'une vie sociale apaisée qui seraient données avec nos corps biologiques, elles sont donc à construire et c'est là que l'absence de garant de la vérité empêche de rester dans des limites qui sont l'objet de controverses, ce qui pousse à l'excès, à passer les bornes. Ce qui est bien la caractéristique de l'humain. Cependant, c'est aussi la caractéristique de la vie elle-même qui va effectivement contre la loi de gravitation (avec le vol des oiseaux) et surtout contre la loi d'entropie qui est sans doute la loi la plus fondamentale, ceci grâce à la reproduction et la correction d'erreur permettant une complexification sur le très long terme (impossible d'en dire plus ici).

    Est-ce qu'il faut remonter si haut pour parler de la crise ? C'est que toutes nos bases en sont ébranlées et que la désorientation est totale. C'est que la vérité est en jeu et notre existence même. Bien sûr, cela peut donner lieu à toutes sortes de confusions et cela dépasse nos capacités, notre rationalité limitée. Au moins on sait qu'on mérite toutes sortes de critiques. Cela n'empêche pas qu'on ne peut expliquer un élément isolé (comme le montre Lukàcs) et relier les savoirs, c'est ce que j'essaie de faire, en sachant toute la faiblesse de cette position qui n'est en rien autorisée, n'ayant absolument aucun titre, aucune légitimité, aucun pouvoir !

  10. @Jean Zin

    Je vous lis depuis quelques semaines et je (me) dois (de) vous remercier. Voici pourquoi:

    1988 : "Métamorphoses du travail" d'André Gorz a été pour moi une vraie "rencontre" entre soi-même et un auteur : un livre-jalon, un point de bascule, une borne qui délimite un avant et un après, etc... Peu de livres nous font cet effet : ils sont rares, donc chers 🙂 ils n'ont pas de prix.

    2003 : "L'immatériel" m'avait laissé dubitatif. j'étais très pessimiste alors (tendance chapitre IV "vers une civilisation post-humaine"). Et d'ailleurs, j'ai cessé progressivement de lire à cette époque : tout était foutu politiquement, alors "à quoi bon" continuer de chercher à "comprendre"...No future...This is the end... Chacun sa peau...

    2009 : Grâce à l'internet haut débit, après des années de jachère et d'isolement intellectuel, je découvre votre blog... et je me rends compte que l'oeuvre de Gorz n'est pas " totalement" restée lettre morte.
    Grâce à vous, j'ai lu "Ecologica", j'ai commandé "Misères du présent..." à mon petit libraire préféré qui en a profité pour m'annoncer une soirée prévue à la rentrée autour du bouquin collectif édité à La Découverte.

    Par le biais de cet outil internet qui me permet de me relier intellectuellement à quelques-uns, je me surprends à espérer à nouveau... Non pas des lendemains qui chantent, mais au moins le passage d'un "relais" politique d'une génération à la suivante. il est peut-être permis d'espérer malgré tout. Vous avez contribué à me redonner du "goût" à la politique (poiétique?).
    Donc merci à vous, Jean Zin.

    P.S. Je serai moins lyrique la prochaine fois, j'ai des questions à vous poser concernant le protectionnisme...

  11. Crise des subrimes : une explication simple pour ceux qui essaient encore de comprendre.
    (inspiré d'un blog)

    Alors voilà,

    Me Ginette a une buvette à Bertancourt, dans le Nord (ch'ti).

    Pour augmenter ses ventes, elle décide de faire crédit à ses très fidèles clients, tous "alcoolo", et tous au chômage de longue durée.

    Vu qu'elle vend à crédit, Me Ginette voit augmenter sa fréquentation et,
    en plus, elle peut même augmenter un peu les prix de base du "calva"
    et du ballon de rouge.

    Ses créances deviennent assez importantes, mais elle tient (toujours/encore)

    Max, jeune et dynamique directeur de l'agence bancaire locale, quant à lui,
    pense que les "créances" du troquet constituent, après tout, des actifs recouvrables, et commence à faire crédit à Me Ginette
    (il ignore ou pas qu'il a des dettes d'ivrognes comme garantie).

    Au siège de la Banque, des "Traders" avisés transforment ces actifs recouvrables en CDO, CMO, SICAV, SAMU, OVNI, SOS et autres sigles financiers que nul n'est capable de comprendre, non sans expliquer que ces "actifs"
    ont en réalité, 10 fois leur valeur annoncée : c'est sans danger..
    La Banque récolte ainsi (n) fois la créance de Me. Ginette.

    Ces instruments financiers servent ensuite de levier au marché actionnaire et conduisent, au NYSE, à la City de Londres, au Bourses de Francfort et de Paris, etc., à des opérations de dérivés dont les garanties sont totalement inconnues de tous, mais sur-côtées à chaque transaction (les ardoises des "alcoolo" de Me Ginette).

    Ces "dérivés" sont alors négociés pendant des années comme s'il s'agissait de titres très solides et sérieux sur les marchés financiers de plus de 80 pays.

    Jusqu'au jour où quelqu'un se rend compte que les "alcoolo" du troquet de Bertancourt n'ont pas un rond pour payer leurs dettes ..

    La buvette de Me Ginette fait faillite,
    Max a été viré, les "traders" ne sont pas inquiétés,
    pas plus que le grands "pontes" de la Banque.

    Maintenant je lance le jeu de piste :

    OU EST PASSE LE POGNON ?
    le premier qui trouve a gagné !

  12. On ne peut pas dire qu'on pourrait se passer d'encouragements, aussi solitaire que je puisse être. Pascal disait qu'on prétend écrire pour les générations futures ou la terre entière mais qu'on est excessivement sensible aux réactions de notre entourage et de quelques personnes...

    Cependant il est vrai que les hommages appellent leur démenti, ne serait-ce qu'à défendre une pensée critique. Ainsi, je me trouve assez surpris de me retrouver disciple d'André Gorz depuis sa mort alors que dans nos relations j'étais toujours trop critique à son goût mais il est vrai que j'ai repris l'essentiel de ses propositions de "Misères du présent, richesse du possible" et donc j'assume cet héritage et tout ce que je lui dois.

    Il me faut avouer malgré tout que mon espoir est assez tempéré. Je ne crois qu'à moitié à ce que je défends, plutôt par défaut de ne rien trouver de mieux mais pas tellement convaincu qu'on y arrivera !

    Sur le protectionnisme, ce que je peux dire c'est que je suis assez d'accord avec ceux qui défendent un protectionnisme européens raisonnable comme Todd, Sapir, Gréau sauf que d'une part je ne pense pas qu'avec l'Europe actuelle on puisse y arriver, je ne crois pas non plus que cela puisse être LA solution, ce qui est ne pas comprendre la crise actuelle, mais surtout je crois que ce sont les démagogues qui vont s'en emparer et pour faire des politiques irresponsables. Il y a toujours loin entre les élaborations intellectuelles et leur réalisation politique comme on l'a vu avec le marxisme...

    La relocalisation est une bien meilleure réponse et qui se justifie d'autant plus que les nations sont mortes même si elles ne le savent pas encore !

  13. "L’« abolition de la distance » permet la concentration, en zone ultra-spécialisée, des connaissances et de la production ; la proximité est calculée au poids des transferts de données faisant fi des rapports directs. Les nouveaux systèmes d’échanges numériques, monopolisés et taxés, offrent de nouvelles opportunités au capital. Les rapports d’exploitation, invariants de l’organisation sociale, profitent de l’hypocrisie du virtuel. Les avancées en matière de communication isolent toujours plus les individus derrière leurs ordinateurs personnels, créant de toutes pièces des personnalités d’ordinateur. Connecté, localisé, identifié, tracé, spécialisé, telles sont les qualités du citoyen branché.

    « Omniprésence des réseaux, publicité invasive, intégration et usages des technologies dans les services territoriaux, frontière entre espaces public et privé, conséquences sociologiques, pollutions – y compris radioélectriques, technologies invisibles, surveillance, gestion des populations (...). Les élus et les techniciens des territoires doivent s’emparer rapidement des problématiques posées par l’apparition de ces technologies afin d’en maîtriser au mieux les impacts . »
    Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires - Novembre 2008 - Aménagement numérique et développement durable des territoires, propositions d’actions.

    La Lozère, dernier département au classement du déploiement d’Internet, a affirmé dès 2005 son intérêt pour les NTIC. Au nombre des fanatiques du développement techno-économique, Jean-Paul Pourquier, président du conseil général de la Lozère (également président du syndicat mixte A75 et président du syndicat mixte d’étude et de promotion de l’axe Toulouse-Lyon N88), maître d’oeuvre du chantier fibre optique, et Pierre Morel-à-l’Huissier (député de la Lozère), auteur du rapport sur le télétravail et le travail mobile (2005), déplorent la « fracture numérique ».

    Par sa pénétration en profondeur, les décideurs entendent rentabiliser le territoire. Les entreprises et offices de tourisme, souhaitant accentuer leur présence sur le territoire, mettent en place une stratégie conjointe basée sur le développement d’Internet. De même, le Comité bassin d’emploi (CBE), en collaboration avec les entrepreneurs de Lozère, entend mettre en place un fichier croisé des « ressources humaines », pour une exploitation optimale de la main-d’oeuvre du département. La présence d’Internet est censée attirer une population nouvelle, télé-contrôlée par GPS pour des ballades en période estivale, télé-aliénée toute l’année grâce au travail à domicile, nourrie par livraison e-commerce, et télé-soignée à distance. L’objectif annoncé par Sarkozy lors de sa visite en Lozère en 2006 est de porter la population à 100 000 habitants en 2013. On aménage donc le territoire pour faciliter le télé-travail. Le travail à domicile permet l’activité économique jusque dans les régions les moins rentables (relief, etc.). En réalité, il permet aux urbains fortunés un « retour à la terre ». Les riches, les seuls ayant accès à la terre et au logement (objets de spéculation), pourront, dans un îlot qui leur est réservé, éloigné des foules, les « manager ». Le télétravail, quant à lui, est concentré dans des télécentres urbains (comme à Mende, au sein du Pôle Lozèrien d’économie numérique : POLEN), au plus proche de la main-d’oeuvre à exploiter. Les nouvelles technologie de l’information, pour leur part, assurent une surveillance efficace jusque dans le fin fond des vallées. De nombreuses entreprises et États investissent dans ce domaine, et des maniaques inventent les nouveaux outils de contrôle (drônes, sondes, pisteurs, etc.). POLEN a d’ailleurs pour projet pilote le programme « Sécurité 2010 en Massif Central ». Pour assurer un contrôle toujours plus total des individus, le quadrillage numérique du territoire s’avère être l’idéal.

    Alors que quelques-uns fabulent sur la puissance libératrice des sciences et de la technique, et de leurs dernières innovations, ne nous laissons pas aveugler par les flashs des « nouveautés ». Les nouvelles technologies à grande vitesse sont des produits conformes au monde qui les engendre. Qu’elles soient, comme le calculent les associations de consommateurs, cancérigènes, polluantes, moches sur les cartes postales, ou encore implantées plus ou moins à proximité des écoles, ne change pas grand-chose au fond. Dernières-nées de la logique ancestrale « plus et plus vite » de la société capitaliste, et dans l’euphorie collective, elles nous revendent des désirs stérilisés de liberté, conçus comme une course effrénée à l’accumulation. Elles n’en sont pourtant que l’énième génération, clone aux tares fidèles et immuables. La modification des conditions matérielles, aussi high-tech soient-elles, n’apportera aucun changement qualitatif à nos vies. L’amélioration de nos conditions d’existence, individuelles et collectives, ne peut naître d’une société basée sur l’exploitation, aveuglée par le pouvoir, et inféodée au Progrès (technique, scientifique, civilisation, etc.)."

    Extrait du Bulletin de Contre-Info en Cévennes N°8

  14. Je trouve finalement assez comiques ces discours confusionnels et répétitifs qui ramènent tout à une raison unique avec la certitude de sa propre valeur et de connaître la vraie vie. Impossible bien sûr à contredire comme tous les discours paranoïaques et trop logiques, simple version des théories du complot (ici par les méchants capitalistes et technocrates). Il est on ne peut plus exact que depuis qu'on s'est mis à parler il a fallu faire beaucoup de sacrifices sanglants pour essayer de restaurer une origine perdue. Depuis que la technique des pierres taillées et de la chasse s'est perfectionnée, les hommes ont pu supprimer de la Terre tous les grands animaux (sauf les Eléphants d'Afrique). Depuis l'invention de l'agriculture, il y a eu toutes sortes de terribles conséquences, des épidémies à la guerre et bien sûr, ça ne s'est pas arrangé depuis mais le contrôle total des individus et de leur âme n'a pas attendu les dernières technologies toujours affublées des pires défauts du fait que ce sont les dernières ! Bien sûr cet appel à l'ignorance et au recours aux forêts n'a aucune importance mais le plus comique c'est que cette mauvaise littérature qui se croit subversive et s'imagine convaincre par la puissance de son verbe les masses ébahis à cette sorte de religion naturelle ne peut s'empêcher d'utiliser les technologies numériques up to date !

    Tout cela n'empêche pas qu'il y a de vrais problèmes et qu'il faut résister aux pouvoirs mais c'est un peu plus compliqué et il n'y a certainement pas de promesses de bonheur au bout, encore moins de retrouvailles avec une nature perdue (nature décidément injuste et bien cruelle de nous avoir doté d'un cerveau qui nous rend si malheureux : plutôt ne pas être né...).

  15. @ Lozere
    Je ne comprends pas bien les aspirations du rédacteur de ce papier. Est-ce criminel de vouloir générer de l'activité en Lozère ? Est-ce un processus de colonisation que d'y favoriser l'implantation de nouveaux habitants, surtout s'ils sont "riches" de leur aptitude à produire de la valeur ? Faut-il comprendre que les Lozériens aspirent à recevoir des subventions de la collectivité, en compensation d'un isolement qu'ils s'emploient à préserver ? J'ai quelques amis dans ce département : ils ne me semblent pas ambitionner un statut de "réserve" pour leur territoire...

  16. Votre critique me paraît comique. Elle ne répond à rien, elle ne fait que reprendre les lieux communs des progressistes. Elle ne répond à aucun point spécifique de la critique. Ce sont ceux qui nous sont toujours opposés et auxquels nous avons déjà répondu. Enfin votre parodie de l'histoire comme s'y vous y avez assisté en personne est rocambolesque.

    Tous les gens intéressés à la choses savent que les premières formes d'organisation sociale intégrative sur un mode totalitaire date, au minimum, des egyptiens. Mais Mumford a, entre autre, bien montré en quoi les situations diffèrent totalement. Il y a eu libération après la chute de l'egypte pharaonique, Mumford a montré que rien ne pourra succèder, si ce n'est elle-même, à la civilisation post-historique.

    Magnus Pym : Il s'agit d'un extrait d'un texte plus large écrit par un petit groupe de lozériens. Enfin on trouverait aussi sûrement en Lozère quelques nazis, quelques fascistes nostalgiques, quelques staliniens désabusés et autres détritus de l'histoire, je ne vois pas ce que vos amis prouvent.

  17. J'aurais été très embêté d'avoir ébranlé de si fortes convictions et je ne vais certes pas perdre du temps à répondre à ces simplismes (qui n'ont aucun rapport avec l'article). Je suis effectivement un infâme progressiste. Veuillez donc me considérer comme votre ennemi et n'en parlons plus...

    Ceci dit, il y a un vrai problème au milieu de ce fatras, c'est le risque d'expropriation par la montée des prix de l'immobilier qui se fait par l'amélioration des communications qui se traduit toujours par une augmentation des inégalités. Sur ce terrain il y a des luttes à mener, quoique sans grand espoir. La relocalisation implique de retrouver un contrôle du foncier bien qu'on ne voit pas trop comment. Encore faudrait-il ne pas mêler ces questions sociales avec une technophobie déplacée et des discours qui mélangent tout.

  18. les propositions pratiques de nos ami(e)s corses ne me semblaient pas complètement nul pour crever cette bulle foncière et immobilliere !!!

    dans mon bled c'est pareil , maintenant qu'on peut y avoir tout le confort moderne , il y a des gens qui pensent que cette triste campagne ( touristique ) sera beverly hill dans 10 ou 15 ans ...

    sinon pour la crise n'est il pas trop tôt pour en parler ? c'est vrai que perso j'ai bien vu comment les lutte de cette première partie d'année ont été plus que déceventes , donc pour la fin de l'histoire , j'incline . . je crois bien qu'il faille vraiment espérer cet effondrement du dollard et peut être que tout va se jouer à l'automne . même si je n'y crois pas tant que ça . si il y a des luttes elles seront peut être tardives . il n'y a aucune raison (idéologique) qu'il y ai une révolution des institutions , les gens sont à mille lieu de ça . et c'est pas une fois le couteau sous la gorge que ça viendra . aussi l'effondrement risque de s'éterniser . et le sarkozysme a sans doute un boulevard devant lui . sauf imprévu . il faut s'attendre à patienter quelques années , c'est le plus impensable , pour nous qui avons déjà atteint nos limites . l'avenir est christique !!!! je blague mais pas tant que ça ...

  19. @ Jean Zin

    Disciple d'André Gorz? Loin de moi l'idée de vous réduire à cela, il suffit de lire votre biographie et vos articles le concernant pour en être convaincu. Mais vous, au moins, vous citez vos sources, ce n'est pas si fréquent.
    En ce qui concerne le modeste commentateur que je suis, Gorz a été ma dernière rencontre "politiquement livresque". C'est donc grâce à ce point "commun" que j'ai été très vite intéressé par votre blog: je disposais de quelques éléments de compréhension immédiate. C'est de cela dont je voulais témoigner dans mon commentaire précédent.

    Là où votre blog me permet d'évoluer, c'est à propos de l'écologie. J'étais, jusqu'il y a peu, assez réticent au sujet de l' "éco"-"logie" : j'y voyais effleurer un risque de pensée totalitaire, sous des bons sentiments unanimement partagés. J'avais tendance à me méfier de ceux qui font référence à quelque "nature" que ce soit : tous mes clignotants se mettaient alors en alerte rouge. Je vais donc devoir me cultiver dans ce domaine pour modifier mes a priori.

    Merci pour votre réponse concernant le protectionnisme. Ayant moi-même lu Todd, Sapir, Gréau ( j'ajouterais également Lordon à cette liste), je partage (malheureusement, j'en suis le premier désolé, j'aurais souhaité vous lire plus optimiste) votre analyse et vos perspectives quant à une hypothétique mise en oeuvre dans le cadre actuel des institutions européennes.

    P.S.
    Pas possible de terminer ce commentaire sans une touche de rose (pâle): L'élévation du niveau moyen d'éducation, les nouveaux diplômés-déclassés arrivant en masse sur le marché du "non-emploi". Todd pense que cela peut faire bouger les choses...

  20. Je suis moi-même loin d'être un "écolo", je passe même pas mal de temps à critiquer l'idéologie écologiste, dans ses aspects moralistes ou totalitaires, au point que lorsque je me suis inscrit aux Verts en 1996 (j'ai démissionné en 2000) je croyais ne pas être assez écolo pour y être (en fait il y a pas mal de verts pas très écolos!). Je suis venu à l'écologie non par l'amour de la nature mais par la dialectique (le négatif de l'industrie, la totalité sujet-objet) et par la préservation de notre avenir (histoire conçue). Loin des approches religieuses (Ellul, Ilich, Jonas, etc.) je suis effectivement dans la ligne d'une écologie marxo-hégélienne, celle de Gorz, hélas très minoritaire, et tout au contraire de l'écologie profonde je ne crois pas du tout qu'il faudrait laisser faire la nature mais qu'on en est devenu responsables (y compris du climat). En tout cas, ce n'est pas parce que les écologistes sont débiles qu'il n'y a pas de problèmes écologiques !

    Sinon, je trouve Lordon sympathique mais c'est parfois un peu démagogique et simpliste. Il y a effectivement des raisons d'espérer avec le niveau d'éducation et les réseaux numériques qui font sans aucun doute partie de la solution mais cela ne protège en rien de passer par le pire (L'Allemagne nazie était la nation la plus éduquée et les réseaux numériques aggravent les risques systémiques). On peut attribuer au niveau d'éducation (malgré tout relatif) un spiritualisme à la noix qui est dangereux politiquement, en tout cas très contre-productif par l'éclatement en petites chapelles.

    Sinon, la leçon de 1929, c'est bien que la crise devrait être très longue (15 ans?) et qu'il ne faut pas attendre une issue immédiate, encore moins une révolution sociale, chaque semblant de reprise annulant tous les efforts pour réformer le système (j'ajoute à l'article un graphique qui montre toutes ces fausses reprises en WWW!). Ce n'est que sur les ruines qu'on peut espérer reconstruire, hélas. J'espère me tromper mais cela n'a rien de drôle. Il n'y a qu'au niveau local que par chance on peut trouver une issue en attendant (très peu probable aussi). La question du foncier reste centrale que ce soit en Amérique latine, en Chine ou partout ailleurs, mais très difficile à régler (et les Corses n'y peuvent pas grand chose même avec leurs bombes).

  21. Au sujet de la propriété foncière, qui en effet constitue un problème épineux, cette anecdote que je tiens d’un proche. Qui est (par hérédité) « copropriétaire » d’un très important territoire agricole en… Sicile, au sein d’une nombreuse famille disséminée dans le monde entier. Lorsqu’il a voulu vendre sa participation, il est apparu, après une longue et coûteuse bataille juridique, que… ce n’était pas possible. En vertu de dispositions de droit coutumier datant du… XIVème, qui protègent l’exploitant autochtone contre l’intrusion de capitaux extérieurs. On peut penser ce que l’on veut de l’organisation de la société sicilienne, mais il s’avère que ce peuple, qui a subi d’incessantes invasions dans son histoire, a su efficacement protéger ses réserves foncières contre les prédateurs – en drachmes, en sequins ou en dollars.

  22. Pas totalement hors-sujet, une devinette avant d'aller au lit, histoire de de détendre un peu.
    Qui a écrit :

    « Le tragique ne dit sans doute pas que la conscience est privée de toute liberté, mais il insiste sur le fait que celle-ci n’est pas garantie d’avance (…) plus encore, que le destin de toute liberté est d’avoir à frayer son chemin dans la contingence, la précarité et la violence ».

    Bravo! C'était effectivement Vincent Peillon, La Tradition de l’esprit – Itinéraire de Maurice Merleau-Ponty (1ère éd. : 1994), Paris, LGF/Le Livre de Poche, 2008, p.81.
    Cité par Philippe Corcuff dans son blog (Médiapart)

  23. Il y a le tragique de provoquer sa perte sans le savoir, c'est Oedipe, où la liberté consiste à devoir assumer ses actes après-coup, mais il y a aussi le tragique de la liberté elle-même quand elle doit choisir entre des exigences contradictoires, c'est Antigone, et provoquer sa perte en toute conscience, quand choisir c'est renoncer, quand c'est la liberté qui nous déchire et nous condamne. Dans les deux cas, la liberté c'est ce qui nous conduit à la mort mais nous élève au-dessus de l'animal dans cette négation du corps. La liberté n'est pas toujours aussi tragique quand elle se borne à choisir entre les possibles, voire entre les marchandises, même si choisir, c'est toujours renoncer.

  24. Je me fais bien malgré moi l'iconoclaste de service mais l'avenir ne serait-il plus radieux ? http://jeanzin.fr/2009/03/05/l-avenir-radieux. La question que vous y cibliez de l'énergie et notamment de la transition vers des énergie plus chère est-elle celle qui se met en place. Je ne suis pas sur que l'on aille vers le développement humain, parce que d'une part, l'homme reste un étalon, un modèle (pas seulement épistémique) et que . Si l'on reste sur votre logique d'une énergie plus chère alors nous passerons bien par une phase au contraire inhumaine. L'alternative est actuellement entre le nucléaire à 30 euros le mégawatt pour des centrales classique (43€/MW pour EPR) contre 83 € pour le MW avec l'éolien. Les énergie peuvent être renouvelable mais elle ont un coût structurel et réclame aussi une main-d'oeuvre qu'il faut entretenir tout une vie (voiture, maison et autre propension rédhibitoire). L'alternative est là pour l'instant puisque pour l'instant la pile à hydrogène et la pompe à vide ne fonctionne pas.

    C'est qu'à ce prix l'intention d'une réduction de l'humanité de 6,7 milliards à 2 pourait s'inscrire dans les faits, bien entendu les faits ne sont pas là, et les intentions bonnes ou mauvaises ne sont que des mots. Je préfère poser l'alternative énergétique ainsi car il n'y a pas de réchauffement climatique la glace du Groenland ayant pris 60 cm en 10 ans. Aussi la vision d'un Ted Turner, d'un Bill Gates Père ou d'un Rockefeller énième du nom peut-elle se vérifier : sur PBS en février 2008, ce cher Ted déclarait : "la température montera de huit degrés d'ici trente à quarante ans, provoquant la disparition de la plupart des récolte vivrières ... Nous sommes tout simplement trop nombreux, voilà pourquoi il y a un réchauffement global ... il y a trop de gens utilisant trop de bidule". Bien entendu je passe sur les cataclysmes annoncés, il participe vraiment d'un vision du "dernier homme" et du "plus hideux des hommes", on est bien dans une vision jancovicienne ou malthusienne qui n'a pas saisie les nouvelles technologies comme les différente forme de magnétodynamique (voir je ne sais plus quel numéro de pour la science de cette année 2009 remplaçant les moteur à explosion et surtout à réaction). Que peut faire l'écologie politique face à la menace déjà signalée par Ivan Illich et je crois André Gorz d'une dictature écologique. La morale aujourd'hui est écologiste et il n'y aura que la morale, quelle qu'elle soit, pour pousser à de tels sacrifices.

    Je mets mon commentaire ici puisqu'il était indiqué que la discussion continuait ailleurs. 🙂

    Je me suis permis un petit article sur votre matérialisme spirituel. Bonne journée tout de même. Je vous rend votre tablier de mouche du coche et de tireur dans son propre camp.

  25. Pour le réchauffement, c'est n'importe quoi et cela ne se juge pas au réchauffement actuel qui est négligeable mais à celui qui est programmé pour dans 50 ans puisque le CO2 ne produit tout son effet qu'avec retard. C'est de la physique primaire et s'il est toujours possible qu'un autre effet le contrecarre (volcanisme intense), il n'y en a pas trace pour l'instant. Il y a un véritable risque de cataclysme, ce qui exige de s'en prémunir, mais ce n'est pas pour autant le plus probable dans l'état actuel des données. Il ne s'agit pas tant de lois physiques que des effets de notre action.

    Pour l'énergie, toutes les nouvelles qui s'accumulent laissent penser qu'il n'y aura même pas une grosse augmentation du coût de l'énergie même s'il peut y avoir encore une flambée du pétrole (désirable car bien trop peu cher) mais le souci des producteurs, c'est de continuer à vendre alors que les alternatives se multiplient (en premier lieu le solaire de 2ème génération). Là encore ce n'est pas le court terme qui est déterminant mais il peut y avoir des moments de pénurie dans la phase de transition qui commence à peine.

    S'il doit y avoir une réduction significative de la population (que je ne trouve pas souhaitable), je crois plutôt que cela devrait venir d'une épidémie foudroyante ne laissant pas le temps de prendre les contre-mesures. Pour l'instant j'aurais plutôt peur de guerres dévastatrices mais rien ne les annonce vraiment. Il ne s'agit pas de se faire peur mais de ne pas négliger les risques potentiels.

    Il y a un malentendu sur "l'avenir radieux" qui est simplement une vision d'un avenir désirable. Je ne suis pas vraiment du genre optimiste. Cela n'empêche pas de dire qu'on peut profiter des potentialités du moment et de la capacité du chaos à amplifier les petites perturbations. L'action implique une certaine dose d'idéalisme et d'optimisme mais, comme je l'ai dit plus haut, je ne crois pas tellement moi-même à ces propositions ! Je n'en vois tout simplement pas d'autre et elles me semblent devoir s'imposer matériellement, par l'aggravation de la situation, dès lors qu'elles ont été formulées, mais en passant par le pire et pour l'instant, c'est non seulement le capitalisme vert qui se met en place mais la même folie spéculative qui reprend ! Cela ne durera pas.

    Il y a très certainement un risque de dictature au nom de l'écologie. On le voit assez facilement chez de très gentils écolos. L'ascétisme moral a toujours été sans pitié pour les hommes, comme Malthus avec les pauvres, mais le plus grand risque est tout de même l'utilisation de l'écologie pour renforcer la domination et la surveillance au profit des pouvoirs et de l'argent. Je ne prétends pas consoler des dangers de l'existence mais j'essaie plutôt d'être lucide, de garder le cap et de m'opposer à toutes ces dérives, tout en sachant qu'il y a bien peu de chance pour que ça serve à quelque chose et qu'on évite le désastre. Je fais juste tout ce que je peux !

    Pour "La discussion continue ailleurs", c'est DotClear qui met ça, c'est leur façon d'appeler les "rétroliens" ou trackbacks mais il n'y en a qu'un je crois pour tous mes articles !

  26. Contradictions - Je n'avais pas vu qu'un peu plus haut dans les commentaires il y avait "quelques" contradicteurs. En général il ne faut pas s'en soucier, j'espère avoir pu me départir de ce genre de jugement péremptoires (prostatis) et être plus constructif (apophansis).

    Energies - A l'heure actuelle si l'on retient le discours sarkosien qui dit pour un euro instestit dans l'éolien il y aura un euro pour le nucléaire et que l'on omet l'hydraulique et le fossile (10 et 10 % actuellement), on arriverait à 75% nucléaire et 25 % éolien. Pour le solaire 2ème génération je suppose que vous parlez de la future centrale allemande plantée dans le désert, par exemple (?).

    tonalités intrinsèques - Optimisme et pessimisme ont toujours à voir en fait avec un vécu personnel (De grands pessimiste comme Schopenhauer et Nietzsche à sa façon avaient perdu leurs proches très tôt : le fils n'exprime que la folie non-dite du père). Voltaire avant la disparition de Châtelet était un grand optimiste, qui n'avait d'égal que Leibniz qui tirait son optimisme de la sureté de son inventivité. Peut-être alors vaut-il mieux pratiquer la "santé du moment" à la Goethe, de temps autre.

    Dictature sous prétexte écologique - Il y a très certainement un risque de dictature au nom de l'écologie. On le voit assez facilement chez de très gentils écolos. Il y a quelques ellipses qui restent équivoques donc je ne saisi pas tout. Mais il suffit de voir comment le président des Maldives use du pseudo réchauffement climatique en connectant cela à une montée des eaux naturelle. Deux reportages le même jour en juillet en faisait état sur France 5 puis sur France 2 (où là une opposante disait clairement que le président-dictateur usait de la peur du réchauffement climatique pour détourner les fonds internationaux qui permettent de renforcer sa dictature : cf. L'ile artificielle régentée pour privilégiés).

    Génération internet - Votre optimisme je le retrouve dans Génération internet. L'internet payant arrive et recouvre l'internet libre petit à petit, via des applications qui y conduisent ou le filtrage de tout ce qui ne sera pas DRM (à l'exemple du pear to pear si lent alors que l"on utilise les mêmes câbles). Tout cela n'est pas concerté mais c'est une tendance lourde. Ce serait simplement une question de rapport de force ou de visibilité de ce qui fait la créativité d'internet.

    Il y aurait bien d'autres choses à dire...

  27. Ce que j'appelle l'énergie solaire de 2ème génération ce sont les nouvelles technologies photovoltaïques surtout qui sont en progrès exponentiel ces derniers temps. Il n'y a pas de mois sans annonces "révolutionnaires" (dans la prochaine revue des sciences notamment). On se rend compte que la recherche avait été trop délaissée dans ce domaine. La centrale allemande dans le désert n'a rien de révolutionnaire, c'est du solaire thermique, et il est problématique d'alimenter l'Europe en électricité à partir du Sahara. Il serait plus adapté de produire de l'hydrogène ou du méthanol. L'intérêt de ce projet est surtout de rendre plus crédible la filière solaire sous-estimée jusqu'à maintenant au profit du nucléaire entre autre mais le potentiel du solaire n'est pas dans une telle concentration. En tout cas on ne manque absolument pas d'énergie, c'est juste le prix trop bas du pétrole qui bloque tout. Reste que la transition est un défi. Il faut du temps pour passer d'une énergie à une autre mais l'éolien notamment serait un débouché pour l'industrie automobile en crise. C'est du moins ce que préconise Lester Brown qui parle même d'une économie de guerre pour produire toutes ces éoliennes. La réindustrialisation pourrait venir de là même si ce n'est certes pas sans problèmes écologiques (il n'y a aucune solution idéale). Je crois plus dans le solaire mais cela prendra un peu plus de temps sans doute. On ne parle pas de la France qui n'est pas du tout représentative avec son tout nucléaire.

    Il est on ne peut plus vrai que l'humeur dépend du corps (j'ai été assez dépressif pour le savoir). On peut quand même essayer de se faire une idée plus objective de la situation. Mon opinion sur l'énergie n'est pas guidée par mon humeur mais par les nouvelles qui s'accumulent laissant clairement entrevoir la sortie de l'ère des hydrocarbures.

    Je ne suis pas tellement optimiste sur la génération internet ayant dénoncé très tôt l'idéologie des réseaux ou l'intelligence collective de Pierre Lévy (entre autres). Pour moi, le numérique est un progrès comparable à l'écriture, de quoi s'émerveiller mais l'écriture comme la langue est la meilleure et la pire des choses. Les religions du livre n'ont rien donné de bon. Il y aura toujours une économie marchande dans le numérique mais la gratuité restera dominante pour des raison techniques (gratuité de la reproduction), ce qui ne veut pas dire que ce serait le paradis, c'est seulement le cadre de notre avenir.

  28. On devrait conclure de tout cela que l'échange intellectuelle n'est qu'une partie de ping-pong, une vaste fumisterie en somme.

    Que de temps perdons-nous à tenter de communiquer avec des subjectivités asymétriques. C'est peine perdue. Il ne reste que le combat darwinien des hommes, celui qui laissera le plus de descendants (de fils spirituels si l'on veut) et bénéficiera des meilleures circonstances triomphera idéologiquement. Le triomphe doit toujours avoir un goût de dictature.

  29. Effectivement, sauf rares exceptions, il n'y a pas de dialogue. Les dialogues de Platon c'est juste de la mise en scène. Debord disait qu'il n'y avait de dialogue que dans l'action commune mais, l'absence de dialogue se réglait par l'exclusion, jusqu'à se retrouver tout seul ! J'ai été moi-même assez choqué de constater au GRIT à quel point il n'y avait aucun dialogue entre intellectuels, même et surtout avec ceux qui parlaient de "désaccords féconds" mais se trouvaient incapables de prendre en compte le point de vue de l'autre. C'est une réalité déniée partout. Pourtant on n'a jamais vu un politicien dialoguer avec un autre et l'on sait bien qu'il est impossible de changer les convictions d'un croyant.

    Vaste fumisterie, si l'on veut. Je ne peux pas dire que je m'en suis fait facilement une raison mais cela ne veut pas dire qu'il ne sert à rien d'essayer de formuler son point de vue. S'il y a un effet, ce n'est pas dans la partie de ping-pong mais sur le plus long terme et pour la réflexion intérieure. Ce n'est pas convaincre qui compte, mais la justesse à laquelle on arrive. Ce qui ne sert à rien c'est d'aller réciter son catéchisme hors propos. C'est ce qu'on appelle un troll, auquel effectivement il vaut mieux ne pas répondre car c'est sans espoir (don't feed the troll). En allant prêcher les foules (ce que j'évite de faire en général), on ne fait que témoigner de sa propre fascination pour une pensée trop logique (la psychose ne procède pas autrement mais le dogmatisme imprègne tout savoir). D'une certaine façon, heureusement que ça ne se passe pas comme ça et qu'il suffirait de dire la vérité pour que tous la reconnaissent mais la question de fond, c'est que dans ce dialogue de sourd et cette guerre des religions dont aucune n'est vraie, il y a malgré tout une progression dialectique qui nous rapproche de la vérité, souvent à notre insu et pas dans le sens qu'on croit (c'est la ruse de la raison).

    La vérité n'est pas donnée ni transparente. On connaît l'histoire du jeune qui sait tout et du vieux qui sait qu'il ne sait rien. C'est que le savoir commence forcément par le simple avant d'en éprouver toutes les contradictions. Là encore il ne sert à rien de le dire, pas plus que de persuader l'amoureux qu'aucun amour ne dure. Il n'empêche que j'ai eu bien sûr des discours aussi simplistes mais c'est par fidélité à ma jeunesse que j'essaie d'en trouver une traduction pratique bien éloignée des visions de l'époque (que ce soit le communisme ou même les conseils ouvriers mythiques des situationnistes).

    Ce n'est d'ailleurs pas tant l'individu qui progresse que l'époque. Il suffit de relire les discours de 1968 pour voir à quel point ils étaient plein de mythes simplistes, même chez les plus intelligents comme Sartre. Donc, ce n'est pas une question personnelle, encore moins de descendance, ni de sélection darwinienne sauf dans le sens où la réalité triomphe toujours à la fin de toutes les abstractions simplificatrices. La dialectique est intersubjective, la vérité est un processus historique, nous vivons dans un monde commun. Ce n'est donc pas tout-à-fait en vain même si on se trompe lourdement : le faux est un moment du vrai et permet de progresser. Bien sûr, c'est à l'opposé des conceptions d'une nature originaire et d'une connaissance naturelle donnée au départ comme pour l'animal.

    Même dans le domaine scientifique les théories ne s'imposent pas d'elles-mêmes à tous et Planck a pu dire que c'est simplement que les anciens meurent alors que les jeunes adoptent les nouvelles théories sans se poser de questions mais celles qui triomphent ne triomphent pas par hasard, c'est qu'elles sont plus pertinentes dans le contexte historique, sans jamais pouvoir prétendre à la vérité ultime.

    On peut se désoler de ce manque de puissance de la parole et d'une vérité qui reste extérieure au savoir. Notre rationalité limitée a quelque chose de désespérant mais elle recèle aussi quelques bienfaits, donnant de l'importance à chaque nouvelle conquête sur nos préjugés, à notre rôle dans l'histoire. Plutôt que de se crisper sur ses certitudes, la leçon qu'on doit en tirer, c'est celle d'un nécessaire pluralisme des opinions (y compris en sciences), à l'opposée de toute dictature. Les utopies sont dictatoriales car elles sont trop logiques, persuadées d'avoir raison et devant sacrifier ceux qui s'y opposent.

    La réalité doit composer avec la diversité (il y a des staliniens, des fourbes, des fascistes, on ne pourra jamais les tuer tous, il n'y a pas que les gens de gauche,il y a aussi ceux de droite!). Si le dialogue existait, toute cette diversité deviendrait effectivement homogène et véritablement dictatoriale (pouvoir de la parole). Il faut donc prendre notre incompréhension mutuelle comme un facteur de diversité qui empêche que la vérité ne soit recouverte tout-à-fait par les discours.

    Plutôt que vouloir convaincre les autres avec plus ou moins de violences (verbales), il vaut mieux travailler les questions, essayer d'avancer soi-même au lieu de croire détenir la vérité. La confrontation au réel comme celle d'autres pensées reste un facteur de progrès, pour soi comme pour les autres même si chacun semble rester ferme sur ses positions.

  30. Ni l'un ni l'autre ne bougent à court terme. C'est l'objet de la discussion qui se déplace. Je ne peux que soutenir cette position, et par là le travail à l'oeuvre sur ce site.
    Les beaux dialogues sont écrits. Voir les personnages des romans de De Lillo. Dialogues de sourd.

  31. Cher Jean

    Vous êtes le premier dialecticien à ne pas croire à la dialectique en tant que discussion et dialogue même si vous n'êtes pas avare en réponse de commentaire. Vous êtes certainement le premier psychanalyste que je rencontre depuis Guattari (ou Reich) a être si peu Freudien ou Lacanien. Rejet du transfert et rejet du métalangage. Il y a tout un parcours de refus de l'institution qui est loualbe chez vous. C'est sans doute pour cela que de Paris 8 vous avez connu le moins bon versant.

    Par contre vous qui êtes contre les théories du complot (cf. l'article sur l'argent-dette, un moonétarisme de plus...), vous avez ce travers que j'ai parfois de chercher la cohérence dans ce qui émerge, bref de projeter des attentes sur le futur. C'est là le transfert d'un manque, une projection. Penser à l'avenir, le débusquer dans le présent, tout en cherchant à ce qu'il n'advienne pas , c'est finaleent projeter quelque chose qui n'arrivera pas car quelque chose d'inattendu, comme par exemple internet ou notre discussion, fera qu'à une échelle fort locale les choses sont différente et parfois s'amplifie. Les problèmes, hormis la douleur physique, je parle ici des tracas, surgissent toujours d'une mauvaise projection, symbolique. Puet-être ne doit on pas avoir de souci et se concentrer sur le présent.

    Pour ce qui est des énergies, quitte à vous paraître suspect, je resterais volontiers sur un statu quo, sachant que les nouvelles énergies, leur développement à grande échelle (non leur invention ou l'innovation qui les constitue) ne sont pas en notre pouvoir. Je pense par là à la manière dont les lobbys du bois et de la pétro-chimie ont évincé et éradiqué la culture du chanvre. Les premiers défenseur du chanvre, es fumeurs de cannabis, desservent quelque peu leur combat, de même que ceux qui vont trop loin dans le conspirationnisme desserve la manipulation d'Etat qui s'est jouée le 11 septembre (voir par exemple la réaction des Russes qui un temps ont cru à une invasion de leur territoire). Sur tout cela il ne faut pas revenir, le discours symbolique qu'on peut avoir en cherchant les responsable ne rend jamais compte du système médiatique et étatique qui les crée : comme dit Dostoievski ce qui compte ce n'est pas d'avoir commis un crime mais de savoir ce qu'on en fait.
    L'action que vous menez est plus politique que philosophique dans les attentes que vous générez et donc les frustration qui surviennent. Aussi voyez-vous votre travail écologique comme une "information" plus que comme une "formation". Former, éduquer est davantage de l'ordre du "philosophique". Vous ne soupçonnez pas la richesse de votre pensée, au point de la recouvrir d'un marxo-hégélianisme. C'est tout ce que je voulais vous dire pour ne point paraître donneur de leçon et vous encouragez un tant soit peu dans votre parcours.
    En résumer un dialecticien véritable ne peut pas s'intéresser à la complexité, il fonctionne dans le discernement, la découpe du poulet suivant les articulations, bref c'est une pensée du genre. En cela vous allez bien plus loin que Jorion, qui a un moment donné se rabat sur un point de vue hérité au lieu de filer plus loin. Il anticipe bien mais avec la préformation d'une vieille idéologie -il décalque par exemple trop facilement Platon et Aristote sur les Grecs alors que reclus il en était la décadence, d'où la nécessité pour eux d'inscrire une épistémè pour que tout ne file pas). J'arrête puisque je me suis permis des choses trop intimes.

    Nous sommes dans une ère dynamique, c'est à dire que les choses se déplacent plus vite que nos pensées.

    sur la contradiction, vous m'avez évoqué ceci : http://www.paris-philo.com/article-...

  32. Hegel croyait si peu au dialogue qu'il explique dans sa préface à la phénoménologie la résistance aux arguments contraires par le désir de reconnaissance. La dialectique opère à l'insu de ses acteurs (ruse de la raison), le sujet se pose en s'opposant et sort donc renforcé de l'opposition extérieure, ce n'est que par la reconnaissance de sa division intérieure qu'il sort de sa position rigide et intègre le négatif.

    C'est Lacan qui disait qu'il n'y avait pas de dialogue (ni de métalangage), ce que prouvait le transfert et le fait que le malentendu domine. C'est lui aussi qui disait qu'il ne fallait jamais vaincre, con ou pas ! Le dispositif analytique est fait pour s'opposer au dialogue par effacement de l'interlocuteur.

    Par contre, le fond de la philosophie de Debord est une théorie du dialogue dont l'exigence l'a amené à se retrouver seul et pour une grande part à se taire. C'est assez ma pente de fuir les faux-semblants de l'échange et goûte plus que tout ma solitude. J'ai plusieurs fois fermé les commentaires, ayant la terreur de passer son temps à y répondre et d'y adopter un ton un peu trop docte alors que je connais mon ignorance (vraiment, en tous domaines où je m'aventure). La leçon que j'ai tiré, il y a déjà quelque temps, de notre rationalité limitée et de l'absence de dialogue, c'est la construction d'une démocratie cognitive (c'est pas gagné).

    Par ailleurs, se projeter dans le futur est la caractéristique de l'homme (voir Lukàcs). Notre condition est d'agir dans un monde incertain, pas de subir passivement l'histoire, même si le résultat n'est jamais acquis. Le présent n'existe pas pour l'être parlant (ou je pense, ou je suis disait Lacan mais même l'absence de pensée est pris dans les projections imaginaires).

    Les théories du complot sont idiotes, non qu'il n'y ait une multitude de complots et qu'on ne soit tout le temps manipulés, mais parce que cela n'explique rien, la causalité est matérielle. Ce n'est pas le roi qui fait la royauté, ni le capitaliste le capitalisme. Supprimer les capitalistes, ou les complots, ils se reforment aussitôt si le système est inchangé. Les théories du complot ne font que témoigner de l'impossibilité de comprendre la réalité et de la croyance que tout devrait se passer bien s'il n'y avait pas quelque diable pour perturber notre monde parfait.

    Philosophie et démocratie sont intimement liées, ainsi que les sciences, par la pensée critique et leur caractère public. C'est pour des raisons philosophique que Gorz s'est occupé d'écologie et de l'émancipation du travailleur, comme c'est pour des raisons philosophiques (les causes matérielles de l'esprit) que Marx a écrit Le Capital. Si je me réclame de Gorz, de Marx, de Hegel, de Lacan, etc., c'est que je donne mes sources, ne prétendant pas avoir tout inventé tout seul, mais je ne suis bien sûr le disciple d'aucuns (c'est assez évident je crois) ayant d'autres sources encore et me situant surtout à une toute autre époque.

    Il est certain que pour l'écologie comme pour les sciences, je suis plus dans l'information (sur l'énergie ou le climat je ne dis pas ma propre opinion, je me renseigne, je collecte les données) mais il y a toujours un point de vue plus philosophique et historique que j'y ajoute. C'est d'ailleurs ce qui réduit mon audience (heureusement serais-je tenté de dire) par rapport aux discours propagandistes et émotionnels.

    J'ai écrit une critique de l'idéologie de la complexité et rejette la notion confusionnelle que peuvent en donner Morin ou Hayek, mais la complexification est une donnée essentielle, certes structurée et c'est à cette organisation qu'il faut s'intéresser et non pas renoncer à la pensée au nom de la complexité ni se contenter d'approches statistiques.

    Ce qui me désespère, c'est que j'ai presque sur chaque concept, chaque mot, une conception personnelle un peu plus complexe et dialectique que les conceptions habituelles, ce qui rend la communication presque impossible. Comme disait Lacan, encore, il faut avoir formé son interlocuteur à sa propre pensée pour qu'il puisse nous comprendre, mais ce n'est pas quelque chose que je me crois en droit d'exiger de quiconque et préfère donc en dire le moins possible.

    Ecrire un texte, c'est tout autre chose, c'est écrire pour moi, pour donner une formulation qui me semble acceptable, pour tester mes idées, les travailler (en lisant des livres souvent), pour me corriger surtout, mettre au jour les limites et les contradictions. Si cela peut servir à d'autres, tant mieux, mais je n'en préjuge jamais essayant d'avancer malgré tout ce qui nous renie, donner sens au non-sens, sans avoir aucun titre à le faire, sans aucune autorité qui pourrait camoufler mes faiblesses, avec le sentiment justifié et fondateur de mon insuffisance. Ce qui fait que ma position hors institution et ma vie précaire font partie intégrante de ma philosophie, d'un savoir qu'il ne faut jamais prendre au mot et qui ne rejoint jamais tout-à-fait la vérité. C'est pourquoi aussi je ressens les hommages comme une imposture même si j'ai besoin du soutien des autres et que je pense que quelques uns de mes écrits, comme mes travaux sur Hegel notamment, mériteraient un peu plus de reconnaissance...

  33. Je n'ai pas vu la vidéo (trop long) et je ne suis pas anti-spéciste car il est normal de privilégier les êtres parlants (y compris d'hypothétiques extra-terrestres s'ils parlent) mais je suis très sensible à la condition animale et très choqué de la façon dont on les traite, un peu par "sensiblerie" sans doute mais surtout parce qu'on finit toujours par traiter les hommes comme on traite les animaux.

    Il n'y a pas que l'industrie hélas qui traite mal les hommes et les animaux, sans parler de sacrifices sanglants et cruels encore infligés dans des économies agraires, je trouve insupportables les clapiers à lapins et les chevaux étaient très maltraités lorsqu'ils étaient utilisés pour les travaux (c'est ce qui me rend peu enthousiaste à ce qu'on revienne aux chevaux pour le travail des champs).

    Je considère les grands singes comme nos frères et j'aime beaucoup les vaches entre autres, sans compter les chiens et les chats mais si je suis moins sensible aux poules, la façon dont on les traite m'est insupportable (les poussins entassés sur des tapis roulants!).

    Ce n'est pas que je sois vraiment végétarien, même si je mange peu de viande. Il est compatible d'élever des animaux pour leur viande et de bien les traiter, de les aimer même, on le voit (tous les agriculteurs ne sont pas des brutes).

    En fait, contrepartie de ce que je disais en commençant, il semble qu'on traite d'autant mieux les animaux qu'on traite mieux les hommes, raison pour laquelle il faut se battre pour améliorer leur condition.

  34. Une manière de répondre poliment dans un premier temps à votre réponse. Je vous ai écrit une lettre plus longue.

    Hegel. très peu de chose à dire sur lui. Il a beaucoup parlé et très peu écrit. Mais il était mu par un désir de reconnaissance par l'Etat, certes.

    Morin. Je préfèrerai me taire (Il a fréquenté Jacques Robin, groupe des 10), mais sa théorie de la complexité est "confuse" pour ne rien dire d'autre. Il en reste à un niveau "idéologique", mélangeant tout pour ne rien dire. Ce n'est pas un philosophe mais il a beaucoup de pauvres dans l'université. Sur la complexité, ce que l'on peut retenir c'est qu'elle alllie toujours l'information, à l'énergie et à une "matérialité" (la masse en fait). Je n'ai pas l'équation (ou plutôt la relation) sous la main, elle ne figure pas parmi les relation de Maxwell, mais a une origine dans la thermodynamique, qui requiert justement l'usage des nombres complexes. C'est l'idée que l'information, dans le cas présent la température, requiert de l'énergie et une masse sur laquelle elle est indexée. Ensuite on pourra toujours opérer une confusion entre la complexité et la complication mais cela ne va pas loin et noie le poisson comme le fait Morin.

    métalangage Quand Lacan s'est attaqué au mathème avant de le répudié comme tous ses bricolages c'est qu'il croyait à un métalangage qui puisse aire que les psychanalystes puisse parler de la même chose.

    Lukacs et l'homme. La pensée de Goethe était une pensée de l'homme mais ne se projetait pas dans l'avenir.

    Philosophie et démocratie sont intimement liées. ui mais la philosophie comme la démocratie ne sont défendues que par des aristocrates ou appelez-les des résistants. Périclès était un aristocrate et que vous preniez Anaxagore, Empédocle ou Héraclite tous sont nés philosophiquement dans une démocratie tout en étant aristocrate ce qu'il fait qu'il ont eu de rapport variés avec la démocratie. Je pourrais donner quelques auteurs contemporains parlant de la démocratie défendue par des aristocrates (la formulation pouvant choquée mais elle est importante car il faut savoir éviter l'esprit de vengeance).

    Ce qui me désespère, c'est que j'ai presque sur chaque concept, chaque mot, une conception personnelle un peu plus complexe et dialectique que les conceptions habituelles
    Preuve qu'en fait vous n'êtes pas réellement dialecticien (au sens de Platon et d'Aristote, après ce qu'en a fait Hegel est un peu différent) et que vous dans une certaine complexité. Mais en général je vais cherchez vos conceptions dans vos anciens textes.

    Temps et complexification. Vous parlez de la complexification et vous parliez de l'importance du temps mais en science il n'y a pas de flux temporel (Chez Einstein et bien d'autres). Même les théories quantiques qui s'appuie sur les matrices et les opération que l'on peut leur faire jouer repose sur le fait qu'ayant produit une rotation on ne peut revenir en arrière, en produisant l'opération inverse. C'est un peu comme l'apparition de la vie (que l'on ne pourra jamais entièrement reconstituer, du seul fait des pressions et des appels qui se sont jouer sur le vivant ou l'organique) : il a fallu que les bactéries créent de la magnétite, que celle-ci catalyse de l'azote, pour que les végétaux apparaissent, quand ceux-ci n'avaient accès à l'atmosphère azotée, et c'est de là que les animaux ce sont ajouter comme une autre strate bien entendu on pourra reconstituer une évolution dans le temps mais elle est fictive. Il y a des penseurs du Temps ou de la Durée mais chez eux il n'y a pas de dimension de vérité hormis celle du temps comme contemplation, si on tient vraiment à l'y replacer. La mémoire du passé s'inscrivant en même temps que le présent, il n'y a pas non plus de flux temporel, la fameuse flèche du temps.

    Bonne soirée

  35. Je ne peux répondre à tout mais je dois dire que, malgré mes critiques envers lui, qui vont jusqu'à l'effarement parfois, j'ai un très grand respect pour Edgar Morin et ce qu'il a fait. D'une certaine façon il a échoué mais ce qu'il a fait a été déterminant, au moins pour changer certains paradigmes et même s'il est tombé dans l'erreur (le faux est un moment du vrai). Son échec, ce n'est pas de ne pas avoir réussi à donner un concept clair de la complexité, ce n'est pas l'aveu de s'en sentir dépassé comme il le dit en introduction à la vie de la vie, c'est d'être tombé finalement dans le dogmatisme et l'obscurantisme à recouvrir ce trou dans le savoir (ce qui est inévitable d'après Kojève). Je suis très opposé à sa conception idéologique de la politique, à cet idéalisme humaniste sans effectivité mais je ne dénie pas son côté positif, son existence même qui ne se limite pas à lui et n'est pas sans raisons. Dans la Méthode au moins (et dans bien d'autres livres), il y a de bonnes trouvailles qu'il vaut mieux recueillir plutôt que de condamner avec trop de précipitations les faiblesses apparentes. Il ne s'agit pas tant de juger un homme que de se servir des outils qu'il nous a donné sans se sentir obligé de cautionner toutes ses envolées lyriques.

    Il n'y a aucune pensée qui ne se projette dans l'avenir. C'est d'ailleurs la découverte la plus récente d'un cerveau destiné à l'action. Certes il faut manier le cerveau avec précaution dans ces questions purement logiques mais la confirmation vient du réel. Je suis d'accord avec la plupart des critiques qu'on peut faire au cognitivisme qui me parait souvent d'une grande stupidité, mais d'une part ils font des progrès et d'autre part l'usage que j'en fais est dépendant de notre rationalité limitée et des dispositifs pour en tenir compte, essentiellement pour une nécessaire démocratie cognitive qui ne soit ni celle des savants, des sages, des technocrates, ni celle du nombre, de la majorité, de l'imitation.

    Je suis assez d'accord sur le rôle des aristocrates et des classes cultivées dans les démocraties qui ne fonctionnent jamais mieux que lorsqu'elles se donnent un chef légitime au service du peuple et que les intellectuels la fécondent. La démocratie athénienne n'a pas vraiment survécu à la mort de Périclès. Il vaut mieux qu'une démocratie soit dirigée par des gens cultivés car elle est un fait de culture et d'histoire, elle est liée à la raison, la philosophie, les sciences, et les aristocrates sont surtout ceux qui ont eu la meilleure éducation mais bien sûr cet état de fait mène à la domination d'une classe sur les autres. A notre époque, le plus frappant, c'est le niveau d'éducation et les potentialités numériques. De quoi tenter de faire mieux et de construire une démocratie cognitive, pas avec la part d'imbécilité qu'il y a en nous tous, mais à partir des connaissances de chacun, et donc des meilleurs aussi. Il y a là encore une contradiction entre l'idéologie de l'aristocratie qui se pense comme égalitaire et pleine de bons sentiments avec la réalité matérielle de sa cruelle domination mais si l'idéologie n'est pas la cause matérielle elle a tout de même son poids et des aristocrates ont été révolutionnaires au nom de leur idéal d'égalité (Philippe égalité). En tout cas il ne faut pas confondre démocratie et démagogie, c'est toute la difficulté, qui ne serait rien si on pouvait se fier aux experts et savoir avec certitude qui a raison mais la vérité reste toujours entre nos mains et suspendue à notre jugement comme à l'action politique.

  36. @Anthony : Il est certain que si on se projette au XIXème siècle, les propositions de Gorz sont plus proches de Proudhon et des socialistes utopiques que des blanquistes ou de Marx (et surtout de Lénine). Encore plus éloigné de l'étatisme prussien de Hegel. Donc, effectivement, on peut contester légitimement que je sois hégélo-marxien politiquement. Je n'en fais pas une revendication, juste une indication de mes bases philosophiques. C'est vraiment très difficile de se définir quand on n'est pas un disciple, qu'on n'est pas dans la ligne ni l'orthodoxie, qu'on n'entre pas dans une case, qu'on n'est pas dans le bien connu !

    Cependant, de même que je crois que Marx était fidèle à Hegel en le renversant, je crois que je suis fidèle à l'esprit de la philosophie hégélienne (la reconnaissance de l'individu et de sa liberté par la collectivité et le droit), de même qu'à Marx (sortie du salariat, lutte des classes, general intellect, "de chacun selon ses capacités...", etc.) mais, encore une fois, je ne le revendique pas, c'est juste se situer dans l'histoire de la philosophie sans se soucier d'être fidèle ni s'interdire des critiques sur des points importants.

    C'est juste un fait mais on ne peut comparer des époques si éloignées après être passé par toute une série de négations libéralisme, communisme, fascisme, social-démocratie, néolibéralisme et être passé de la machine à vapeur à l'électricité puis maintenant l'ère du numérique et de l'automation qui fait passer du travail forcé (travail de force) au travail choisi. Tout a changé ou presque. Ce qui paraît le même n'est pas le même du tout. Ainsi, la relocalisation qui était impossible et régressive au XIXème siècle et la première mondialisation, devient aujourd'hui nécessaire et progressiste.

  37. Ce n'était pas une contestation, mais un éclairage. Je disais "proudhoniens" tout en sachant qu'ils n'étaient pas fidèle à Proudhon, de même que les anarchistes qui s'en revendiquent alors que Proudhon demandait à sa femme de lui apporter la bible ou le fait qu'il reviendra par la suite sur la propriété c'est le vol. On ne peut se débarrasser du "propre", de ce que Rousseau appelait possession (usus local) par différence avec la propriété (fructus à distance) : tous ceux qi partent en expédition ont un paquetage personnel. J'arrête là mon détour sur la propriété. Mais les coopérative et l'économie locale étaient prônées par ces internationalistes là. Les mêmes qui furent tués ou proscrits par la Commune. Ce qui permit l'avènement des marxistes, dont Marx qui était dans la praxis, ne se reconnaissait pas : ils ont mis en place un système déterministe à partir du moment où Engel, celui qui synthétisait Marx, s'est réclamé de l'Etat. D'où la différence que je rougis de vous rappeler entre marxistes et marxiens. Sans doute les "proudhoniens" (difficile à dire des blanquistes) étaient-ils si idéalistes pendant la Commune dans leur manière de se défendre ou inexpérimentés dans leur rapport à la Banque de France. Mais l'histoire en a été changé, le lénino-troskysme virant (1922-1924) dans un communisme d'état ou nationaliste comme tous les communismes qui sont advenue par la suite. C'est toujours la dimension du local (monnaie ou langue), du territoire qui pêche dans ce genre d'idéal.

    Dans vos articles sur l'information (dans l'hommage à Jacques robin notamment) vous parlez de la fin des nations, qu'entendez-vous: je vous pose cette question en rapport avec les trois points d'un système économique X que je vous ai donnés. Ce système économique X se base en fait sur l'Etat-nation ce que j'ai gommé.

    Quant au question d'égalité et de liberté, je botte en touche, vous renvoyant à un ami de Jacques Robin, Henri Laborit, il suffit d'ouvrir le moitié de ses livres pour trouver une critiques de ces idéaux républicain. La chose que je peux titiller ou contester se trouver l'idéalisme (que l'on dit consubstantiel à la philosophie), il y a sans doute une dimension d'idéal (donc d'avenir - je voulais revenir sur ce point), mais je crois que l'on ne réclae la liberté ou l'égalité que quand on manque de capacité, or vous n'en manquer par pour preuve cet article ou vous aviez mis une dite "courbe de Gauss" au sujet de la compétence et de l'incompétence. Là aussi si vous parlez d'égalité ce serait une égalité qui admet le talent, égalité proudhonienne plus que marxienne. Afin de tracer un compromis avec votre idéalisme. Mais je préfère précisé tout de go que je ne vois pas les aristocrate comme des défenseurs de l'égalité (c'est-à-dire pour moi de l'idéalité) : c'est le fameux "A chacun son métier" que Marx assénait après chaque révolution (ratée ou rêvée).

    Je ne sais pas pourquoi je vous parel de tout cela, sinon que je pointe deux choses qui vous sont à présent mais pas définitivement fondamentales : l'information et le négatif. Je diffère d'avec vous en ce que pour l'instant (cf. la guerre d'Irak) l'information pour un système donné cherche à savoir où se trouver l'énergie qui pourra l'alimenter (ce que ne sait pas encore faire un robot, par exemple). On reste dans une systémique idéaliste, mais celle-ci est fonction de l'énergie que l'on investit et du niveau que l'on atteint. Une personne peut se débrouiller en dehors des système fermés (machine à vapeur qui va vers plus d'entropie) ou système ouvert (ce que ne vous en déplaise Spinoza a introduit, sa Nature eétant la puissance de l'indéterminé).
    Ce que je pointe, sans doute par ma position de dérangeur ou d'intempestif dans notre dialogue, ce que vous demeurez dans le multi-système mais que vous vous fouettez avec le négatif hégélien, d'où cette précarité philosophique assumée. Mais l'activité me semble plus déterminante pour l'existence que le négatif (n'en déplaise à Sartre et hourrah à Goethe par exemple), là encore je renvoie à votre revenu minimum d'existence, qui repose sur le travail libre plus que forcé, bref sur l'activité posée sans jugement.
    Pour en revenir à l'information elle n'est, même si elle est incomplète, qu'une détermination comme pouvait l'être la signification à l'"ère de l'énergie", mais aussi dérangeur qu'il y paraisse nous ne sommes pas sortis de l'ère énergétique (le problème se pose encore, contrairement à l'information abondante) mais passez d'une ère classique à une ère quantique, l'information venant se greffer via la complexité sur cette dernière, voici la nuance plus que la contestation que je souhaitais apporter.

    Je vous laisse répondre aux autres "questions", avec toujours l'idée que vous pouvez être bien plus qu'un simple précaire, c'est-à-dire quelqu'un qui vit dans la "flexibilité" (pour galvauder les WWW actuels) sans s'en soucier véritablement. Ne sommes nous pas revenu à la tâche payée à la journée, avec cette forme de "carnet de travail" que sont les organismes d'emploi et d'allocation, les compte étant rendus à l'Etat et non au patron (ceci concerne l'auto-entrepreneur je crois). Celui qui peut vivre dans la précarité sans s'en soucier est une aristocrate, c'était le cas de marx, toujours la tête haute, qui disaient de vouloir du confort (la belle maison de Londres) que pour l'avenir de ses filles, qu'elle trouvent une situation.

    Le travail me semble être là plus philosophique qu'informationel, peut-être saisissez-vous où je veux en venir. Mais la nourriture indigeste que parfois on ingère influe sur les misères que l'on s'inflige. Me concernant l'information n'est pas tout (pour preuve vous ne parleriez pas d'avenir ou de chimères ou d'idéaux) et le négatif demeure une limitation, qui vous ferez avoir une autre vision quant à la puissance de l'indéterminé (là encore Spinoza revisité). Pour en revenir à l'action tournée vers l'avenir, ce qui explique que tout le monde ne soit pas capable de concentration et espère
    . Je fais exprès d'insister sur Spinoza car Hegel l'a dit plusieurs fois, sous diverses formes "Spinoza ou pas de philosophie". C'est plus à une adolescence, si vous saisissez que j'aimerais vous faire revenir... je passerai sur les compliments par politesse mais votre "écriture pour vous-même" est remarquable et votre sens critique n'en appelle qu'à dépasser l'information, à sortir des systèmes (auquel cas vous seriez plus marxiste que marxien). J'ai simplement rarement vu un sens critique aussi authentique si bien que je ne comprend pas pourquoi votre critique ne porte pas aussi sur l'information, sorte de Signifiant lacanien.

    Internet évite que l'on s'encombre l'un l'autre avec cela.

    C'est un travail sur soi qui fait qu'on a plus à se soucier de la distinction savoir et vérité, que l'on a plus à se soucier de l'autre (trop général, trop générique) à qui s'adresse la vérité. Mon discours s'adresse à vous n'en déplaise à Derrida et ses cartes postales d'Epinal. Et au passage, toujours, on ne sort pas avec Lacan de la vérédiction (de la vérité mi-dite, c'est là que j'ai pointé l'amorce de votre conception de la vérité, pour l'instant). Mais Lacan est un bricoleur, pour ne pas employer d'autres mots, lui-même le disait "je bricole".

    J'espère jouer plus d'appel ou de titillage (le Taquin en physique quantique et optoélectronique) que de pression mais vous souhaite une belle journée.

  38. La tension entre "sages savant" et "nombre, majorité" qui explique votre posture est louable mais ce qui est louable moralement n'est peut-être pas à faire effectivement

    "Il y a là encore une contradiction entre l'idéologie de l'aristocratie qui se pense comme égalitaire et pleine de bons sentiments avec la réalité matérielle de sa cruelle domination". Il ne faut ps se focaliser sur les hommes supérieurs, les gouvernants, à qui les nouvelles pensées parviennent très tardivement (et parfois pas du tout même par l'oreille fixée à une Carla). C'est de la société civile que tout dois partir, d'où l'intérêt de votre posture si elle dépasse le négatif et l'informationnel, l'un allant pas s'en l'autre, mais faisant que l'avenir est reporté plus que mis en place dès à présent parce qu'avec le négatif c'est toujours à la conscience d'Etat (Hegel) ou de classe (Marx) que vous en appeler et la conscience et les bonnes volontés n'ont jamais rien changé. Il faut court-circuiter la conscience par l'appel ou la pression (cela à très légèrement à voir avec les ruse de la raison car c'est celle-ci qu'il faut déraisonner et positiver).

  39. Il est certain que chacun a droit à un chez soi, à une vie privée et donc une propriété privée. Ce n'est pas accepter que la société et les biens publics deviennent propriété privée. Il ne faut pas céder au chantage du tout ou rien.

    Pour moi les nations sont le lieu du débat démocratique. En cela, elles tiennent à la langue, ce qui permet leur survivance alors qu'elles sont en train de se dissoudre. Je ne pousse pas à leur dissolution, il faut utiliser autant que faire ce peut cet échelon essentiel de la démocratie et obtenir de nouveaux droits, de nouvelles régulations. Je note simplement son affaiblissement qui ne pourrait se ranimer que dans la guerre sans doute (ou une révolution).

    J'ai fait un texte où je dis que l'égalité c'est la liberté mais sinon je nous reconnais égaux dans nos inégalités que Marx reconnaissait explicitement, critiquant ainsi le programme de Lassalle d'un salaire égal à travail égal qui ne tenait pas compte des capacités inégales ! L'égalité est à construire, comme la liberté, ce n'est pas une donnée de départ, sinon en tant qu'interlocuteur, c'est une construction sociale. Croire que c'est une donnée mène aux pires dénégations. il faut reconnaître et accepter nos inégalités pour nous rendre tous égaux.

    Sortir de l'ère de l'énergie, n'est pas se passer d'énergie, c'est comme sortir de la condition animale, sans avoir à tuer la bête ! Spinoza, c'est le système. Pourtant ce qu'il a dit d'intéressant ce n'est pas le grimoire mathématique mais dans le détail (toute définition est une négation, l'affect est puissance d'agir, etc.). Sur l'information, j'ai trop écrit pour y revenir ici. La seule chose qui compte, c'est son opposition à l'énergie, le changement de logique qui ne s'invente pas.

    Je ne pense pas que la conscience mène le monde mais qu'elle en est partie prenante. La formulation peut aider le nouveau à naître, éviter quelques erreurs, mais ce sont les faits qui s'imposeront. Il y a des lieux de pouvoir. Il faut les reconnaître pour y mettre des contre-pouvoirs au lieu de les dénier au nom de la bonne volonté de leurs détenteurs. Il n'empêche qu'il vaut mieux dans ces lieux des personnes bien formés et dévoués au bien commun. A la fois méfiance et exigences mais je n'oppose pas les savants à la foule, je récuse les deux. Les savants peuvent être plus dangereux que les politiques et les foules sont capables du pire aussi. La question est très compliquée mais il faut raison garder et ce n'est pas facile de savoir comment (on se rend compte qu'on s'est laissé emporter après-coup seulement). Il ne faut pas partir du fait que tout le monde sait tout, encore moins quelques uns seulement, mais du fait que tout le monde est très ignorant même si chacun en sait un bout. La véritable démocratie c'est de se parler et de se faire entendre, de donner forme à ce dialogue qui n'existe pas (comme dans un procès). Chacun en est au même point sauf sur ce qu'il sait le mieux, en quoi il peut en faire profiter les autres. Faire équipe, faire société, c'est mettre en commun nos savoirs inégaux et nos capacités inégales pour en être plus riches ensemble mais comme il n'y a pas d'auto-organisation magique et que même l'auto-organisation ne signifie rien s'il n'y a pas organisation, il faut faire avec cette organisation toujours fautive (la contrer), le groupe en fusion ne dure pas (heureusement).

    Pour ma part, je n'ai rien d'un aristocrate. Je suis du côté du "mauvais sang" de Rimbaud, petit-fils de valet et de chômeur. J'ai dû passer par les pires humiliations pour survivre à ma précarité, vraiment rien d'admirable et aucune sagesse qui me ferait accepter le monde (la sagesse ne viendra jamais). Je méprise les forts, les riches et les puissants. A l'opposé du snobisme de Nietzsche, je suis avec les faibles, les malades, les drogués, les exploités, les ratés, ce qui est notre véritable condition humaine. J'ai dit que la valeur des aristocrates dans l'antiquité était leur éducation, ce n'est plus de saison aujourd'hui.

  40. L'égalité construite est la négation de l'inégalité naturelle, la liberté construite est la négation de nos déterminations sociales. L'avantage de la négation, c'est que la négation de la négation est positive (les ennemis de mes ennemis sont mes amis). Avec le simple positif on est dans la pure répétition.

  41. Avez-vous remarqué comment la baisse graduelle de la volatilité sur les marchés financiers a résulté en une renaissance des investissements à destination des actifs à risques ?

    En d'autres terme : rien ne sert d'être optimiste, la crise n'aura servi à rien ni à personne.

  42. Pour ma part, c'est pareil, on m'a souvent dit que j'étais beau et intelligent et que j'avais tout pour "réussir" en argent et en amour. J'ai en fait tout raté, le regard rivé sur le bas de l'humanité et le bas de moi même. Probablement cela vient d'une culture chrétienne et la volonté d'une cohérence avec elle. Pourtant je ne suis pas pratiquant et plein de doute sur cette culture. Je ne viens pas d'une lignée de humbles mais plutôt d'artistes, d'entrepreneurs audacieux et de militaires aristocrates.

    Pour bien dire je suis étonné du décalage de la vision de moi même et de celle de mes successifs entourages sur moi même. Il ne s'agit pas de faire du dolorisme ni d'exhiber sa petite vie comme dirait Deleuze, mais de constater l'ampleur du phénomène. On est parlés et positionnés dans la société sans nous demander notre avis bien souvent, pour le bénéfice de personne me semble t il.

    Le problème est que les autres ne voient pas si souvent nos handicaps, j'en ai un paquet mais pas visibles, et nos points d'intérêts.

    J'ai récemment vu un groupe d'handicapés mentaux en sortie et je me suis senti honteux de me sentir incapable
    de pouvoir faire le travail que font leurs accompagnateurs. Etre confronté aux handicapés est difficile, pourtant je suis pas bégueule.

  43. Pour préciser, cette rencontre d'handicapés m'a amené à regarder le regard d'une de celles ci disgraciée et j'y ai vu le regard humain d'un être désemparé, peut être même aux abois, dans une incompréhension intelligente de là où elle est.

  44. Il est normal qu'on soit tenté de tout attribuer à notre éducation ainsi qu'à la religion qui nous a formé mais il ne faut pas croire que les religions inventent tout et n'ont pas affaire au réel dont elles doivent rendre compte et qu'elles veulent manipuler. On comprend que Nietzsche traumatisé par son pasteur de père puisse identifier hypocrisie et morale comme si la morale n'était pas la question de la liberté et de son universalisation par la parole adressée à l'autre.

    De même, le négatif n'est pas le vice d'une religion qui ne viserait qu'à nous gâcher le plaisir pour nous engager au service des dominants en renonçant à soi. C'est tout le contraire, le ratage est notre réalité première. Je pourrais renvoyer à Gilgamesh, à la quête du Graal ou de l'anneau dont la possession serait impensable et catastrophique.

    C'est malgré tout la psychanalyse qui est ici décisive. Au-delà des rêves et de la psychopathologie de la vie quotidienne, Lacan a fait oeuvre salutaire en formulant à quel point le sexe est lié au ratage et le refoulement au refus du négatif. Le rêve américain du self made man est une folie doublement aliénante d'un moi idéal qui se gonfle comme une baudruche vide, d'un moi autonome qui suit toutes les modes.

    Sans devoir croire ni à Dieu ni à Diable, l'humanité est dans la miséricorde qui nous relie au plus faible qu'il nous faut protéger. La frime c'est de s'y croire, de prétendre à la réussite, folie ordinaire et conformiste. La réalité est celle du manque, du ratage, du handicap (notre inhabileté fatale). La seule façon d'en sortir est de le reconnaître. La fraternité est celle de notre insuffisance et de notre regard désemparé face à ce qu'on exige de nous, toujours inégal à la tâche et avec mille blessures. C'est à partir de ce sol solide qu'on peut se comprendre, construire et progresser.

    Je faisais la réflexion à un ami psychanalyste et joueur de tennis de la raison pour laquelle le numéro un d'alors pouvait continuer à vouloir aligner victoires sur victoires de façon aussi répétitive. Il m'a répondu avec raison que c'était parce qu'il n'arrêtait pas de perdre et de rater, ce n'était jamais gagné d'avance pour lui, même si le spectateur pouvait trouver sa réussite ennuyeuse à force d'être prévisible...

  45. Un article de The Independent attire l'attention sur le fait que les prix du pétrole risquent de remonter très haut car le manque d'investissement devrait amener à une pénurie lors de la reprise, ce qui devrait la casser, selon le scénario décrit ici mais peut-être avec plus de violence. De sorte que la crise de l'énergie pourrait être très proche (mais la sortie de crise pourrait se faire justement par l'investissement dans les énergies alternatives).

    http://www.independent.co.uk/news/s...

  46. Très bon texte de Paul Jorion "La nuit du 4 août" (il est vrai que ce fût une nuit comme il n'y en eut pas d'autres), qui veut nous convaincre que le capitalisme est déjà mort. Mais ce qu'il appelle le capitalisme semble se réduire à l'oligarchie financière qui mène le monde au chantage de la dette. Je crois aussi que ces monstres de la finances ne sont plus que des parasites semblables à la noblesse finissante voulant récupérer ses droits et heurtant les consciences de leur absence de mérite. Les fortunes seront défaites, le capitalisme s'écroulera (la crise du pétrole l'achevant), il y aura des troubles sociaux extrêmes, mais ce n'est aucunement la garantie qu'il ne reparte de plus belle, sur d'autres bases, certes, plus sociales sans cesser d'être marchand. La question, c'est de savoir ce qu'il appelle la fin du capitalisme et ce qui est supposé le remplacer. Malgré une grande connivence dans certains pans de l'analyse, je ne crois pas à sa constitution de l'économie, je trouve que tout cela manque de matérialisme sur ce qui fait qu'un système marche et sur le déterminisme technologique. Le marxisme est mal vu en ethnologie, pourtant cette forme de darwinisme de la reproduction est incontournable. Il faut approfondir ce qui constitue en totalité le système, la structure, la division du travail. J'ai donné ma vision de l'après-crise avec une sortie du capitalisme par la relocalisation et le travail autonome, avec leurs instruments concrets, mais sans exclure le retour du capitalisme dans l'industrie, même si c'est un capitalisme mieux régulé. Cependant, il y a certainement un intérêt dans notre moment historique à ne pas se perdre dans ces subtilités et à dire qu'il est mort ("et pourtant elle tourne" !).

  47. J'attire votre attention sur la rentrée précisément, on l'annonce chaude mais les instances internationales ont déjà prévu depuis longtemps des des par-insurrections. Comme la grippe (H1N1), dont on sait pertinemment maintenant qu'elle est moins dangereuse que la grippe saisonnière. Ce grand orchestre de la peur, commandé par les milieu politique, va entrer en action à la rentrée, précisément en tant que bouclier contre les troubles sociaux. La stratégie ne fait aucun doute :

    Il s'agit de mettre en place une organisation pour coordonner l'activité des entreprises et des services publics face à des restrictions de circulation et à l'absentéisme.

    La douche froide de la rentrée contestataire s'appelle H1N1 et elle est de toute pièce inventée par les instances mondiales et nationales en prévision des troubles sociaux découlant de l'effondrement économique.

  48. Il est vrai que les mesures contre cette grippe relativement bénigne sont disproportionnés mais il est toujours absurde de croire au complot et la manipulation, outre qu'il n'y aura sans doute pas tellement d'agitation à la rentrée, hélas. Ces théories du complot sont significatives, elles expriment une perte de confiance (on nous ment) et une perte de compréhension du monde (c'est l'oeuvre de méchants), ce qui manque les causes réelles.

    Il faut voir dans cette mobilisation mondiale plutôt la mise en place d'une gouvernance mondiale car c'est l'OMS qui a déclenché avec un peu trop de précipitation l'alerte mais c'est une façon de tester l'efficacité des mesures anti-pandémie. C'est loin d'être inutile même si cela s'avère une peu inadéquat. Il est certain qu'avec la surpopulation on risque des pandémies dévastatrices mais c'est comme les évacuations pour éviter un tsunami ou une éruption qui ne vient pas, c'est tout le problème du principe de précaution...

    Rien à voir en tout cas avec la crise, il y a d'ailleurs plusieurs crises qui se télescopent et "ils" ne maîtrisent rien du tout même s'ils voudraient bien, le château de cartes va continuer à s'écrouler mais ils n'ont rien à craindre car il n'y a pas d'alternative, aucune contestation qui puisse déboucher sur quoi que ce soit...

    On a raison de ne pas faire confiance à ceux qui nous gouvernent mais il ne faut pas les croire trop intelligents et il ne faut pas croire n'importe quoi pour autant comme si on en savait plus que les autres ! La seule question importante, c'est de savoir quoi faire pour sortir du système, ce qui n'est pas aussi simple que de prendre la Bastille !

    Je viens d'ailleurs de mettre en pdf "L'alternative écologiste".

  49. Aucun complot là-derrière, simplement des stratégies de dissuasion politique comme il en existe depuis Imhotep (qui, croit-on, était pourtant un pacifiste). Moi ce qui m'amuse assez c'est votre stratégie philosophique ; tout ce que vous niez en tant que réalité concrète, vous le rejetez ad hominem sur la personne qui véhicule l'idée (au passage en surinterprétant mon message, qui ne parlait pas de complot mais décrivait une stratégie politique). Si vous voulez mon avis, c'est une déformation de psychanalyste. C'est symptômatique de cette armada de psychanalyste amateur qui a déferlé après Mai-68 et qui prétendait détruire (idéologiquement) l'autre en mettant sa conscience (et son inconscient) à nu.

    Depuis Machiavel et Maurice Joly, les mécanismes de la stratégie politique ont été bien étudiés ! Arrêtez de les prendre pour des cons ! Sarkozy n'est pas plus con que Pierre II de Médicis.

  50. C'est toute la difficulté des discussions intellectuelles, critiquer une opinion, c'est critiquer celui qui l'émet et prendre le risque de se fâcher avec tout le monde (effectivement, je me mets tout le monde à dos).

    Je ne vois pas où il y a une critique ad hominem dans ma réponse qui ne s'adresse pas à la personne qui se nomme Arnaud et que je ne connais pas mais à l'argument qu'on entend un peu partout.

    Je suis certes assez au fait que la politique ou la religion sont l'art de la manipulation mais contrairement à ceux qui découvrent cette vérité et l'absolutisent, j'en souligne les limites : ce sont bien les processus réels qui sont déterminants en dernière instance. Je ne nie certes pas tous les complots qui existent vraiment, ni les manipulations tentées constamment par des officines spécialisées mais qui ne réussissent qu'à rencontrer des forces matérielles et, dans ce cas précis, l'OMS agit sur ses propres critères. Je pensais qu'il fallait le dire même si cela doit déplaire, et je m'en excuse mais non l'épidémie de grippe ni le réchauffement climatique ne sont des bobards pour nous faire peur et nous contrôler, pas besoin de ça, ce n'est pas si difficile de contrôler une population.

    L'essentiel à comprendre, je le répète, c'est qu'il n'y a pas d'alternative et que donc nos dirigeants dorment tranquilles et n'ont pas besoin d'être si machiavéliques ! Quand il y avait l'URSS, c'était une autre histoire...

  51. L'OMS agit sur ses propres critères.

    Prouvez-le ! L'OMS n'est que la façade d'être humains en puissance (c'est-à-dire de politiciens et d'experts). Quant on voit le nombre de mensonges et de manipulations politiques des organismes mondiaux (OMC, OMS, ONU, etc.), je ne vois pas sur quel critère, précisément, vous vous permettez une affirmation aussi péremptoire. Les membres de l'OMS ont tous une nationalité, un pays d'origine, une langue natale, un mode de vie donné à la naissance et une certaine formation idéologique.

    Rien de probant dans tout cela.

  52. Rien de probant, vous avez raison. C'est ce que je disais, on ne peut plus faire confiance à aucun pouvoir et la manipulation elle, n'a pas besoin de preuve puisque le gouvernement c'est la manipulation (pour Agamben par exemple). Pour moi, il y a des processus réels derrière (des discours ayant leur logique propre) mais il n'y a pas de pouvoir pur, sans "manipulation", la seule question étant de pouvoir y échapper par une réelle alternative dont l'absence fait tout le pouvoir des manipulateurs. Je ne défends bien sûr pas l'OMS, ni mon opinion sur le sujet qui me paraît de bon sens, cela m'apparaît d'importance nulle !

  53. @Jean Zin :

    Il est vrai qu'on se gonfle souvent comme une baudruche, tout art en est même la quintessence de ce grossissement du trait par tous artifices techniques et habiles, en tous cas ça m'arrive encore même si je m'en méfie et que de toute façon je me dégonfle vite.

    D'une autre manière on se dévalorise aussi très souvent, autre forme d'art, quand ce n'est pas les autres qui s'en chargent tout aussi efficacement, ce qui n'est pas forcément très utile cette sorte de méa culpa maniaque.

    Comment flotter entre ces deux extrêmes ? Affaire de temps sans doute.

  54. C'est tout-à-fait exact, le pendant de la survalorisation est la dévalorisation, la culpabilité étant de ne pas atteindre à l'idéal. La réponse n'est pourtant pas, comme pour Paul Diel par exemple, d'éviter l'une et l'autre pour atteindre une évaluation exacte de ce que nous sommes mais plutôt de reconnaître à la fois ce qu'on a d'admirable et de méprisable, ce qui nous rend frères. Connais-toi toi-même, c'est connaître cette contradiction. S'il fallait arriver à une évaluation exacte, cela nous permettrait de mépriser le monde entier qui n'atteindrait pas à notre lucidité. Non, on est à la fois ange et bête, généreux et égoïstes, génial et stupide.

    Ce n'est pas tant notre propre valeur qu'il faut reconnaître que celle des autres dans leurs deux faces afin de ne pas trop les admirer ni trop les mépriser, chacun ayant affaire à la même contradiction même si elle n'apparaît pas aux regards et que les autres semblent consistants, voire heureux, alors que nous savons que nous sommes divisés et souvent malheureux. Il y a de l'humanité dans le criminel et du criminel dans la réussite sociale.

    Comme disait Pascal, "Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de folie que de n'être pas fou" mais il n'y a de folie que pour des être intelligents homo sapiens est aussi homo demens. Non pas l'un ou l'autre mais l'un et l'autre, duplicité toujours bien difficile à admettre pour une pensée qui fige la réalité et rabat l'existence sur l'être, comme s'il y avait un jugement dernier permettant de refouler toute une part de notre vie mais cette unilatéralité a des bases hormonales puisqu'on ne se souvient que des bons moments quand on est heureux et que de nos détresses quand on déprime...

  55. Vous avez raison, richesses et inégalités vont de pair. Dès que les sociétés s'enrichissent elles se hiérarchisent, sauf rares exceptions. La civilisation est caractérisée à la fois par la production de surplus, la division du travail et la division sociale. La mondialisation et l'amélioration des communications sont aussi des facteurs de différenciation sociale. Comme souvent, la question n'est pas à formuler de façon idéologique comme un tout ou rien. Ce n'est pas parce qu'un peu d'inégalités est positif que trop d'inégalités n'est pas destructeur. C'est un peu comme pour le stress. Je ne défends pas pour ma part un égalitarisme stricte mais seulement la limitation des inégalités afin qu'on ne vive pas dans des mondes séparés mais dans un même monde. Je ne crois pas que c'est quelque chose qu'on décide. Même l'URSS était très inégalitaire. Je crois qu'il y a des cycles où les inégalités s'exacerbent (comme sous Louis XV) avant que des crises ou des révoltes populaires ne les réduisent. Ce n'est pas tous égaux ou des inégalités sans freins, c'est un cycle qui va du moins au trop car il n'y a pas de mesure objective extérieure de ce qu'il faudrait. Dans la situation présente, il faut un retour au New Deal ou au programme de la résistance, un retour de très forte taxation des revenus les plus hauts ce qui joint aux faillites en chaînes, aux krachs et au retour de l'inflation devrait suffire à ramener les inégalités à un niveau plus raisonnable, sans qu'on ait besoin de guerre espérons-le, mais quelques révolutions pourraient être salutaires si elles ne sont pas trop aventureuses.

    On peut voir le retour des révolutions et L'effondrement des civilisations.

  56. merci pour votre article sur la crise et l'accroissement des inegalités. Simplement je m'interroge, non pas sur la réalité de ces inégalités que je constate tous les jours; mais sur les éventuelles solutions à ce problème.
    La croissance et donc la richesse créé des inegalités. Ces inégalités sont croissantes, car la richesse entraine la richesse. Ce sont donc des problèmes "de riches". D'un autre côté, L'égalitarisme créé un nivellement de l'économie par le bas avec à la clé, une paupérisation de l'ensemble de la population. Je n'ai pas à ma connaissance de contre exemple historique à ces 2 tristes réalités. Si vous avez des contre exemples, étant donné que vous semblez doté d'une grande culture, je suis très preneur.
    Amicalement,

  57. @Jean Zin :

    J'ai fini par me rendre à cette raison, très, trop, récemment que l'humain est effectivement comme un gemme à plusieurs facettes, des brillantes et des sombres. Qu'il passe de l'une à l'autre non pas d'un mois ou d'une semaine à l'autre mais bien souvent d'une minute à l'autre. Le chaud suit le froid en permanence, une dynamique si déstabilisante qu'on ne veut pas voir en quoi elle est triviale et évidente.

    Je me souviens d'un collègue de Miami il y bien des années qui me disait "prendre les gens comme ils sont", ça paraissait trop simple pour attirer l'attention mais c'était bien vu.

    Le christianisme veut nous convaincre que c'est évitable, mais le bouddhisme ou autres vents d'Est si répandus en occident ces derniers temps semblent nous promettre une autre possibilité dont pratiquement je ne vois pas comment. Sans doute ma culture occidentale mais peut être aussi qu'il n'y a pas d'issue non plus à l'Est.

  58. Seule la mort peut transfigurer une existence fluctuante en un être figé. La vie est pulsative entre respiration et expiration, catabolisme et anabolisme. Ce qui m'amusait quand j'étais programmeur c'est qu'on disait sans arrêt : quel con ! quel con ! (car, en effet, on ne fait pas le poids face à la machine et sa logique inexorable, la programmation étant l'expérience et le traitement de l'erreur trop humaine), puis lorsque ça marchait enfin on s'exclamait : je suis génial ! Et, en effet, les solutions trouvées étaient souvent très astucieuses. Il est vain de vouloir tout unifier, le sujet est divisé et qui veut faire l'ange fait la bête.

    Pour reprendre le fil de l'article, je signale cette réflexion de Paul Krugman (que je trouve par ailleurs décevant dans son analyse et trop optimiste sur la supposée fin de crise même s'il la compare à la période de stagnation du Japon des années 1990) :

    "D'une certaine façon, la manière dont nous avons agi pour éviter une complète répétition de la Grande dépression a eu un inconvénient: nous avons probablement sauvé l'économie trop tôt, avant qu'une volonté politique en faveur d'une réforme fondamentale n'ait été suffisamment forte pour susciter des changements. En d'autres termes, je crains bien que tout va recommencer dans un avenir pas très lointain", (P. Krugman)

  59. merci pour votre analyse sur les inégalités à laquelle je souscrit entièrement. Par contre, je ne suis pas d'accord sur les conséquences possibles de la crise actuelle (guerres, révolutions). regardez les émeutes de 2005 dans les cités. On avait un cocktail social autrement plus explosif qu'aujourd'hui, et pourtant le résultat a été un feu de paille de quelques semaines. Pourquoi ? Aujourd'hui les mécanismes sociaux, entrainent une dépendance des classes pauvres envers le système. Cette dépendance financière les empêche de faire la révolution car il ont trop à perdre pour des gains plus qu'incertains. Même si le concept de la révolution est séduisant, je pense qu'elle n'aura pas lieu, en tout cas dans les pays développés.
    Mais pourquoi trouvez vous l'article de P.Krugman trop optimiste ? je le trouve moi, assez réaliste, mais aussi très noir

  60. Les révolutions ne sont pas faites par les plus pauvres, et selon des modes qui diffèrent grandement d'un pays à l'autre. Elles ont lieu quand il est nécessaire de changer les institutions, quand les institutions actuelles ont fait faillite et ne sont plus adaptées à notre temps. Ce n'est pas l'insupportable de la situation qui crée la révolution mais la possibilité d'une situation meilleure, ce pourquoi elles ont lieu lors de la reprise et non au plus profond de la dépression (voir les phénomènes révolutionnaires). Non seulement il faut que la classe moyenne s'y associe mais il faut que la classe dirigeante soit divisée. Ceci dit, je n'ai aucune certitude sur une révolution en France, que rien n'annonce vraiment, mais seulement sur le fait que les institutions devront changer pour s'adapter à l'ère de l'information, ce qui ne peut se faire à froid.

    Krugman se sent quand même obligé de dire qu'on devrait s'en sortir dans 2 ans, ce qui me semble impossible, de même que me semble impossible qu'on ne passe pas par un effondrement du dollar et une hyperinflation, même si cela peut prendre du temps et qu'on passe par une plus ou moins longue déflation avant. Une bulle finit toujours par éclater et cela fait longtemps qu'il y a une bulle du dollar... Sinon Krugman avoue qu'il ne comprend pas grand chose à la crise, ce qui devrait lui éviter de faire ce genre de prédictions ! Je n'ai mis sa citation que pour montrer qu'on n'est plus en situation de réformer vraiment le système tant qu'il ne replongera pas.

  61. @Jean Zin :

    Ma profession est d'innover, plutôt la mécanique mais aussi d'autres domaines, et je vois la même chose, être en butte aux problèmes jusqu'à trouver la solution en se disant pourquoi n'y avoir pas pensé plus tôt.

    Innover c'est ludique, pas sérieux comme activité, et ça procure l'ivresse du jongleur, planter entre autres des aiguilles dans ce qui est pour le faire être autrement, rien de soft en fait, peut être un dérèglement des sens, ce que cherche le Dasein, comme dirait Heidegger qui était d'ailleurs plutôt technophobe je crois.

  62. Il semble que la situation n'ait fait que stagner depuis ce billet mais je signale cet article de Richard Heinberg qui va un peu dans le même sens même s'il est critiquable sur son argumentation principale qu'il ne pourrait plus y avoir de croissance à cause du manque d'énergie alors que les énergies renouvelables (et le recyclage) seront sans doute à l'origine d'une croissance forte dans les années qui viennent. Ce qui est vrai, c'est que pour l'instant on ne s'y engage pas assez et que toute reprise sera menacée par la remontée des prix du pétrole et des matières premières.

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