Jacques Ellul, Le bluff technologique, 1988
A l'évidence, le progrès technique s'emballe (omniprésence des réseaux, télésurveillance, biotechnologies, nanotechnologies, etc.) jusqu'à pouvoir nous menacer dans notre existence même. L'optimisme technologique n'est plus de mise devant les dérives, les déceptions et les nuisances qui se multiplient. Il faut absolument dénoncer, avec Jacques Ellul, l'obscurantisme du "bluff technologique" qui prétend résoudre tous nos problèmes et nous faire accéder à l'épanouissement individuel, ou même une surhumanité (si ce n'est l'immortalité), tout aussi bien qu'à une véritable intelligence collective qui brille surtout par son absence, jusqu'à présent du moins !
Au-delà de l'indispensable critique écologiste de la technique, sommes-nous condamnés pour autant à son rejet pur et simple, tombant ainsi d'un obscurantisme dans l'autre ? La technique est-elle ce "processus sans sujet", d'essence totalitaire, qui nous mène à notre perte plus sûrement que le totalitarisme du marché ? Société de la Technique ou société du Spectacle ? Forces matérielles ou rapports sociaux ? C'est une question vitale, celle en tout cas de la transformation des moyens en fin, et plus difficile à trancher qu'il n'y paraît à première vue tant les choses sont intriquées, mais, ce qui est sûr, c'est que cela constitue l'enjeu même de notre temps, la question qui nous est posée et à laquelle nous devons répondre collectivement.
- Jacques Ellul
Bien que trop méconnu, Jacques Ellul peut être considéré à plus d'un titre comme le véritable fondateur de l'écologie politique dont il a forgé, avec Bernard Charbonneau, dès les années 1930 la plupart des concepts fondamentaux (critique du progrès et de la technique, "Agir local, penser global", relocalisation de l'économie, "minimum vital gratuit", etc.). Son maître livre "La Technique ou l'Enjeu du siècle" date de 1954, soit à peu près en même temps que "La question de la technique" de Heidegger et 2 ans avant "L'obsolescence de l'homme" de Günther Anders[1]. Il sera suivi par "Le Système technicien" en 1977.
Même si on se retrouve sur de nombreux points, j'ai toujours eu malgré tout beaucoup de réticences à son égard car ma conception de l'écologie-politique est tout de même bien différente de la sienne (responsabilité collective des effets de notre industrie) et surtout je ne partageais ni ses convictions religieuses ni sa thèse principale (proche de celle de Günther Anders) qui faisait de la technique, et non du capitalisme, la cause du productivisme et de notre déshumanisation [Il me faut dire que je me suis rapproché de sa position depuis devant l'accélération technologique, le déterminisme technologique me semblant finalement assez implacable sauf que l'évolution technique n'est pas autonome mais, comme l'évolution biologique, est produite par le milieu et les techniques sélectionnées par leur résultat, ce pourquoi ce n'est pas un choix et que la critique de la technique a toujours été inutile].
Cette position me semble une dangereuse impasse, car si on peut s'opposer au capitalisme, il est par contre complètement impossible de s'opposer à la technique (ce dont Jacques Ellul s'effraie d'ailleurs, "on n'arrête pas le progrès !"). De toutes façons, vouloir regrouper toutes les techniques sous un terme globalisant (La Technique) apparaît plus que contestable, même si les techniques forment effectivement un système, devenu lui-même global et soustrait à toute maîtrise. Il faudrait au moins distinguer entre techniques artisanales (manuelles ou motorisées), techniques industrielles, et techniques informationnelles enfin. De même, dans le domaine immatériel on devrait distinguer notamment techniques artistiques, philosophiques ou psychanalytiques des techniques de communication, sophistiques ou cognitivistes, c'est-à-dire entre techniques de libération et d'asservissement (de révélation ou de dissimulation) ! Il faut se méfier des concepts trop globalisants. On ne peut tout mettre au même niveau. Cela n'empêche pas qu'il faut s'opposer à la transformation des rapports humains en rapports entre choses, à l'instrumentalisation des rapports sociaux ainsi qu'à l'abord technocratique du vivant (biopouvoir, gestion technique des populations, techniques de vente, évaluation des personnes, etc.).
Il faut bien dire pourtant que Jacques Ellul vaut mieux que ses partisans, dont la technophobie est souvent trop primaire et pleine de contradictions (se limitant en fait au rejet des techniques les plus récentes). Son analyse s'applique exclusivement à une technique déchaînée et devenue sa propre fin (de même que Polanyi ne critiquait pas le marché mais une "économie de marché" devenue autonome, prétendue autorégulatrice et désencastrée de la société). Il dénonce le caractère totalitaire de la technique à notre époque plus que la technique en soi ("le phénomène technique actuel n'a rien de commun avec les techniques des sociétés antérieures" 267). En cela, il touche juste et malgré un parti-pris trop unilatéral qui n'évite pas les exagérations, ses analyses ne peuvent être balayées d'un revers de main. Elles sont souvent très éclairantes et parfois tellement prémonitoires que Jean-Luc Porquet a pu intituler le livre qu'il lui a consacré "l'homme qui avait (presque) tout prévu" (jusqu'au terrorisme musulman!). Il faut donc le lire, même si on doit prendre ses distances avec tel ou tel aspect de sa pensée et qu'on ne voit pas toujours très bien où il veut en venir...
- L'ambivalence de la technique
Il faut le souligner d'emblée, Jacques Ellul ne conteste pas les bienfaits de la technique, il en montre le caractère ambivalent (ni "bonne', ni "mauvaise", ni "neutre"). C'est sa pensée la plus profonde, le caractère dialectique de la technique et du progrès, leur face négative. Il n'est pas en notre pouvoir de garder seulement le positif, ce n'est pas une question de mauvaise volonté ou de mauvais usage. Ainsi le bon usage de la médecine a pour effet la surpopulation des pays du tiers monde, les bons effets étant la plupart du temps immédiats alors que les "effets pervers" se révèlent à plus long terme (comparables en cela à la toxicomanie).
Il ne dépend absolument pas de l'usage que nous faisons de l'outillage technique d'avoir des résultats exclusivement bons (...) nous sommes étroitement impliqués dans cet univers technique, conditionnés par lui. Nous ne pouvons plus poser d'un côté l'homme, de l'autre l'outillage. p93
- Tout progrès technique se paie
- Le progrès technique soulève à chaque étape plus de problèmes (et plus vastes) qu'il n'en résout
- Les effets néfastes du progrès technique sont inséparables des effets favorables
- Tout progrès technique comporte un grand nombre d'effets imprévisibles (p96-97)
Tout ceci est fort raisonnable et doit être pris en compte. On peut remarquer que le progrès est toujours imprévisible car c'est un progrès de nos connaissances (impossible de savoir ce qu'on ne sait pas encore, ni les conséquences de ce qu'on ne savait pas avant) mais reconnaître les méfaits de la technique ne signifie par pour autant qu'on pourrait être "contre la technique". Non seulement il refuse nettement d'être qualifié d'opposant à la technique mais il admet que "c'est enfantin de dire que l'on est contre la technique" p20 ! Il a même cédé un instant à l'attrait de la micro-informatique naissante, comme "instrument favorable à la liberté" p39, avant de se rétracter devant l'évidence que rien n'avait entamé le "système technicien", renforçant au contraire notre dépendance, la fièvre technologique et l'idéologie du progrès. Il mettra dès lors au même niveau l'atome, le laser (!), l'espace, la génétique et l'informatique, en quoi il rate complètement la spécificité de l'information dans ce qui l'oppose à l'énergie et aux forces matérielles... Il faut bien dire aussi qu'après avoir montré l'ambivalence de la technique, c'est-à-dire le négatif de tout positif, il a tendance à oublier le positif, le plus ridicule étant sa charge convenue contre les gadgets, parmi lesquels il range le micro-ordinateur !
- Le bluff technologique et l'autonomie de la technique
Si on peut donc contester certains aspects de ses analyses, parfois bien difficiles à saisir, elles se caractérisent en tout cas par une complexité plus grande que celles de ses partisans, et le point sur lequel on doit le suivre, c'est sur la critique radicale du "discours sur la technique" (véritable sens de la "techno-logie", ce qu'il appelle aussi le "technodiscours"), de son optimisme béat d'un simplisme désarmant, qui est de l'ordre du religieux sous ses airs scientifiques (en fait scientistes), ce qu'il appelle avec raison "le bluff technologique" dans lequel on peut se faire tous prendre. Cette critique du progressisme, qui prend en compte le négatif de tout progrès, est inséparable de l'écologie politique et du post-modernisme, ou "modernité réflexive", correspondant à la prise de conscience des effets à long terme du progrès ainsi qu'au stade où le gain de confort devient moins évident par rapport aux nuisances potentielles.
Au lieu de défendre une utopie anti-technicienne, il s'agirait plutôt de réfuter l'utopie technologique supposée résoudre (à terme!) tous nos problèmes dans la plus parfaite inconscience des problèmes causés par la technique elle-même. Au fond, plutôt que de soutenir, comme l'auteur, le caractère autonome de la technique (ou de l'économie), ce qu'il faut contester c'est le discours qui fait de la technique une fin en soi et "la raison dernière" de nos sociétés, justifiant son autonomisation au nom d'un progrès débarrassé de tout négatif et qui prend l'aspect d'un "humanisme intégral", celui de l'individualisme, de la liberté, de la communication et des "droits de l'homme" qui se développent justement à mesure que la technique nous déshumanise, nous isole et nous réduit à la passivité, au point qu'Ellul croit pouvoir affirmer que "dans une société donnée, plus on parle d'une valeur, d'une vertu, d'un projet collectif, plus c'est le signe de son absence" p252.
A l'opposé de cet humanisme de façade, la société technicienne se caractérise tout au contraire, d'après lui, par six traits dominants :
* la disparition à peu près totale de fins pensées et clairement conçues ;
* l'évacuation de l'intérêt humain pris au sens concret et actuel ;
* l'identification du bien et du progrès technique ;
* la combinaison de multiples intérêts très complexes ;
* l'incapacité où se trouve l'homme quel qu'il soit à saisir une situation globale ;
* enfin l'impuissance complète où nous sommes de rectifier nos erreurs. (p442)
Voilà ce qu'il faut prendre effectivement en considération, mais on peut remarquer qu'on peut presque toujours remplacer "progrès" par "profit". Certes, il a raison de souligner que, ce qui caractérise la technique, tout comme la science d'ailleurs, c'est "l'autonomie, l'unité, l'universalité, la totalisation, l'auto-accroissement, l'automatisme, la progression causale et l'absence de finalité" p56, mais s'il y a bien une autonomie relative de divers champs (économie, droit, arts, etc.) elle n'est jamais totale et résulte plutôt d'une perte de légitimité de l'hétéronomie religieuse (voir "Le désenchantement du monde" de Marcel Gauchet), travail du scepticisme qui atteint la politique après la religion avant d'atteindre la technique et le progrès... Ce qui est d'ailleurs remarquable c'est le caractère indissociable de l'économie et de l'innovation technique, leur autonomie se situant surtout par rapport au politique et se réduisant en fait au libéralisme de marché. Le problème vient plutôt de l'idéologie de la complexité et de "l'auto-organisation", notion opposée à l'auto-gestion mais présentée comme une libération de contraintes arbitraires et l'accès à une véritable démocratie de l'expression individuelle :
A la limite, en face, on parie que la technique va conduire à la décentralisation et à l'auto-organisation de la société ! 49
- La technocratie
Contrairement aux rêves de démocratie radicale assistée par ordinateur, on constate plutôt le développement d'une nouvelle aristocratie dans les sociétés techniciennes, nouvelle classe sociale paradoxalement constituée au nom d'une "méritocratie" républicaine, si positive apparemment, et qui mène pourtant à une technocratie rampante et une autoreproduction des élites qui minent nos démocraties de l'intérieur.
J'ai pendant longtemps récusé ce terme : les techniciens ne souhaitaient pas exercer le pouvoir dirigeant directement. Actuellement je dirais qu'en effet nous ne sommes pas en technocratie, car les partis politiques ne sont pas occupés par des techniciens (...) Actuellement je reconnais qu'il existe, de plus en plus nombreux, des technocrates, c'est-à-dire des hommes et des femmes qui prétendent diriger la nation en fonction de leur compétence technique (...) "Voilà la solution, il n'y en a pas d'autre, il faut l'appliquer". A la compétence, ces techniciens ont joint l'autorité, ce qui les conduit à être des technocrates. 70-71
Leur capacité technicienne s'applique partout, et leur permet d'exercer la totalité des pouvoirs. Ils se situent tous au point crucial de chaque organisme de gestion et de décision. 76
Quand ils parlent de démocratie, d'écologie, de culture, de tiers-monde, de politique, ces technocrates sont à la fois touchants de simplisme et agaçants d'ignorance (...) La démocratie est un mot que l'on respecte mais elle sera réalisée grâce à la télématique qui assurera la possibilité pour n'importe qui de faire connaître son opinion et qui en permettant de décentraliser à l'extrême, fera participer chacun à la décision (...) Qui est donc ce n'importe qui ? Bien sûr les autres techniciens ! 79-80
- Capitalisme et machinisme
Bien entendu, les rétrogrades objecteront que tout dépend en définitive du capital, de l'argent, et que la visée reste de faire du profit et que celui qui commande est le capitaliste. C'est une vue touchante de simplisme. 76
C'est un des points les plus intéressants à discuter et qui différenciait déjà Lukàcs et Heidegger (selon Lucien Goldmann), tout comme Debord et Anders. En effet, ce qu'il récuse ici, c'est le fait que le communisme pourrait échapper à cette technocratie et que celle-ci ne serait qu'un instrument des capitalistes. Evidemment, le communisme est tout autant industriel ou "spectaculaire" que le capitalisme mais le premier correspond au "spectaculaire concentré", pour Guy Debord, et le second au "spectaculaire diffus" ou "intégré", ce qui n'est pas la même chose, et il n'est pas question de prétendre que ce serait le capitaliste qui dirige, malgré l'illusion qu'il peut en avoir, c'est bien plutôt le système capitaliste qu'il sert servilement, ce qu'Ellul reconnaît d'ailleurs vers la fin du livre :
Je voudrais rappeler une thèse qui est bien ancienne, mais qui est toujours oubliée et qu'il faut rénover sans cesse, c'est que l'organisation industrielle, comme la "post-industrielle", comme la société technicienne ou informatisée, ne sont pas des systèmes destinés à produire ni des biens de consommation ni du bien-être, ni une amélioration de la vie des gens, mais uniquement à produire du profit. Exclusivement. tout le reste est prétexte, moyen et justification. 571
Alors, où est le problème ? C'est tout simplement que, pour lui, le communisme est tout autant dirigé par le profit, et ce qu'il combat c'est donc l'illusion que la propriété collective des moyens de production changerait quoique ce soit à la technocratie ! En fait Jacques Ellul a le mérite de mettre en évidence une double causalité chez Marx. La première, qu'il privilégie avec quelques raisons, c'est que les force productives déterminent les rapports de production, c'est-à-dire que c'est le machinisme qui produit le prolétariat plus que le capitalisme. Si on en restait là on ne comprendrait pas pourtant l'effort de Marx pour analyser le Capital et le salariat, certes comme effets du machinisme, mais plus spécifiquement comme détermination de la production par la circulation (par le marché des capitaux nécessaires à l'investissement dans les machines) et donc par le profit, production basée sur le temps de travail (temps de machine), c'est-à-dire sur le salariat (qui est l'envers du capitalisme) avec pour corollaire la plus-value, c'est-à-dire le productivisme (la nécessité d'une augmentation continuelle de la productivité du travail par les machines et l'innovation technique pour gagner du temps, réduire le temps de travail nécessaire, être en avance sur ses concurrents dans cette réduction).
La production en vue de la valeur et de la plus-value implique, comme nous l'a montré l'analyse antérieure, la tendance, toujours opérante, à réduire au-dessous de la moyenne sociale existante le temps de travail nécessaire à la production d'une marchandise, c'est-à-dire sa valeur. La tendance à réduire le coût de production à son minimum devient le levier le plus puissant de l'accroissement de la productivité sociale du travail; mais ce processus prend ici l'apparence d'un accroissement constant de la productivité du capital. (Marx, Capital III, Pl 1477)
Le capital crée une contradiction en procès : d'une part il pousse à la réduction du temps de travail à un minimum et d'autre part il pose le temps de travail comme la seule source et la seule mesure de la richesse. Il diminue donc le temps de travail sous sa forme nécessaire pour l'accroître sous sa forme de travail superflu. Dans une proportion croissante, il pose donc le travail superflu comme la condition - question de vie ou de mort - du travail nécessaire. (Marx, Grundisse II)
La production pour la production - la production comme fin en soi - apparaît certes déjà avec la subordination formelle du travail au capital, dès que le but immédiat recherché est de créer le maximum de plus-value en grandeur et en quantité, dès qu'en général la valeur d'échange du produit devient le but décisif. (Marx, Grundisse Pl 381)
Rappelons que Marx commence le Capital par l'analyse de la marchandise comme valeur d'échange, où se résument les rapports de production capitaliste, passage d'une relation humaine d'échange de valeurs d'usage, où l'argent n'est qu'un intermédiaire de la circulation des marchandises (M-A-M), à l'instrumentalisation de l'échange, son exploitation, son commerce, où c'est l'argent qui devient l'unique fin, réduisant le travail vivant, la production des biens et l'échange matériel à des moyens pour produire de l'argent (A-M-A'). C'est bien la transformation des moyens en fins (l'inversion du sujet et de l'objet) qui caractérise donc le capitalisme. Dans ce devenir abstrait de la production, ce passage à l'abstraction économique, de la qualité à la quantité où l'argent représente l'équivalent universel qui uniformise tout (tout se paie), il y a déjà le déracinement "spectaculaire" de nos sociétés, leur "délocalisation", leur dénaturalisation en tout cas, leur déshumanisation et leur technicisation enfin !
Dans l'échange les relations sociales des personnes sont changées en rapport social des objets ; la richesse personnelle échangée en richesse matérielle. (Marx, Grundisse)
Nous avons vu que le processus de production capitaliste, considéré dans son ensemble, est unité du processus de production et du processus de circulation. Cela a été examiné en détail lors de l'analyse du processus de circulation en tant que processus de reproduction (Livre Il, chap. IV). Dans le présent Livre III, il ne peut être question d'exprimer des considérations générales sur cette "unité". Il nous faut, au contraire, rechercher et exposer les formes concrètes qu'engendre ce processus du capital considéré comme un tout. (Marx, Capital III, Pl 874)
En mettant au jour la détermination de la production par la circulation des capitaux et des marchandises, l'autonomisation d'une économie de marché guidée par le profit, Marx mettait au jour la détermination de la production par des flux extérieurs, par tout un système de production qui ne se réduit donc pas à la technique mais fait notamment l'objet de luttes entre classes sociales. Si les forces productives sont déterminantes, les rapports de production qui en résultent le sont tout autant, c'est même l'objet principal de son étude, car c'est bien ce qui peut être changé (dans une certaine mesure). L'apport essentiel de Marx, ce n'est pas tant l'affirmation que l'économie ou les forces productives sont déterminante en dernière instance, mais d'avoir montré que les rapports de production font système, structurés par la lutte des classes, l'échange marchand et l'innovation technique, la plus-value étant la résultante de tout cela et le moteur du productivisme.
Le résultat auquel nous arrivons n'est pas que la production, la distribution, l'échange, la consommation sont identiques, mais qu'ils sont tous les éléments d'une totalité, les différenciations à l'intérieur d'une unité. (...) C'est à partir de la production que commence le procès. Il va de soi qu'échange et consommation ne peuvent être ce qui l'emporte. Il en est de même de la distribution en tant que distribution de produits. Mais en tant que distribution des agents de production, elle est elle-même un moment de la production. Une production déterminée détermine donc une consommation, une distribution, un échange déterminés, elle règle également les rapports réciproques déterminés de ces différents moments. (Marx, Introduction de 1857)
Certes la technique est déterminante (le machinisme, les forces productives, la puissance matérielle) mais ce n'est malgré tout qu'un des facteurs du développement (avec le capital et le travail au moins), tout comme des cycles économiques tels qu'analysés par Schumpeter par exemple. On ne peut, non plus, mettre tout-à-fait sur le même plan capitalisme et communisme, même s'ils partagent les mêmes techniques industrielles. Le capitalisme n'explique sans doute pas tout (on ne peut tout lui mettre sur le dos !) et le communisme n'a sans doute été qu'un capitalisme d'Etat aux mains d'une classe bureaucratique, cela ne suffit pas à faire de la technique l'unique détermination. Ainsi, il n'est pas indifférent que la Chine, pour passer au productivisme, ait dû se convertir au capitalisme justement, montrant à quel point ils sont liés ! D'un autre côté, si les sociétés socialistes se distinguaient effectivement de notre société de consommation, et du règne de la publicité, par la rareté et la propagande plutôt, du moins face aux pénuries provoquées par son blocus commercial Cuba a pu montrer une remarquable capacité d'adaptation que n'auraient pu avoir des sociétés capitalistes "démocratiques".
De toutes façons l'alternative ne saurait se réduire à choisir entre totalitarisme marchand ou autoritaire. D'une part on peut faire mieux et plus écologique qu'un communisme criminel, en tout cas c'est le point sur lequel on peut agir en construisant un système de production alternatif, mais d'autre part, et surtout, les forces productives ne sont plus du tout les mêmes à l'ère de l'information. C'est ce qui change tout, imposant par exemple une économie de la gratuité dans le domaine numérique ainsi que le passage au qualitatif (à l'écologie) et au développement humain, mais c'est ce qu'Ellul conteste justement !
- La place de l'information
Une des critiques principales de Jacques Ellul par rapport à l'ère de l'information, c'est qu'elle ne supprime pas l'industrie, pense-t-il, mais seulement le prolétariat, ce qui ne serait pas positif car générateur de chômage ! (on peut penser plutôt que le chômage est lié à la lutte contre l'inflation). Le basculement des emplois vers les services qui en résulte n'est pas mieux considéré car, selon un point de vue marxiste trop étroit, il ne créerait pas de valeur (p35-39), ce qui est absurde ! Plutôt que de se réjouir du besoin d'un "développement humain", il dénonce dans cette culture hypertechnicienne la production de "déchets humains", de "semi-incapables", cumulant fracture sociale et fracture numérique (ce qu'on ne peut nier cette fois). "La situation de l'homme exploité dans le monde capitaliste est bien moins grave finalement que celle de l'homme inexploitable, qui ne sert plus à rien" p131.
Malgré ces "misères du présent" incontestables, et qu'il est bon de souligner, le plus grand reproche qu'on peut lui faire, c'est de ne pas prendre toute la mesure des bouleversements de l'ère de l'information et des potentialités qu'elle recèle pour sortir du productivisme salarial et de la société de consommation avec son absurde dépendance du salarié/consommateur envers la croissance, système de production ne craignant rien tant que la surproduction et dévoué à la consommation par une publicité omniprésente ! Passer à côté de cette opportunité et de la "richesse du possible" de l'ère qui s'ouvre devant nous peut être considéré comme une faute de lourdes conséquences.
Les hommes obnubilés par l'informatique veulent y voir quelque chose qui échappe à toute qualification antérieure. C'est exact au niveau superficiel des moyens d'action de la société (...) De même que les grands changements énergétiques ne remettaient pas en cause le système industriel, de même l'informatique ne remet pas en cause le système technicien mais seulement le confirme et le complexifie. Donc au niveau superficiel du spectaculaire, d'énormes changements (progrès?) ; au niveau de l'organisation du système technicien, ces merveilleux appareils ne changent rien. 41
Tout simplement parce que cette informatique est là, nous ne pouvons pas la négliger. 45
La croissance terrible de la violence et du terrorisme n'est pas affaire d'abord politique, mais d'abord technique, comme je l'ai montré dans plusieurs articles. L'enjeu, c'est l'information et la désinformation par l'excès d'information, c'est l'incapacité des structures politiques ou administratives, des hommes politiques et des doctrines politiques à rendre compte de la réalité actuelle de la mutation technique : y aura-t-il encore une politique autre que la politique spectacle ? Ceci est d'autant plus profond que nous sommes sommés de prendre constamment des décisions au sujet de problèmes ou de situations qui nous dépassent infiniment, et que nous sommes souvent en présence de l'indécidable. 47
Mais l'informatique, au lieu de permettre une domination sur le système technicien, est entrée dans ce système, en a adopté tous les caractères et n'a fait qu'en renforcer la puissance et l'incohérence de ses effets. 203
Ce n'est pas faute d'avoir cru au potentiel régulateur de l'informatique et à sa fonction de feedback, mais bien parce que son attente a été fortement déçue qu'il condamne si fermement l'informatique identifiée à l'extension du contrôle technicien, à l'instrument de sa globalisation, la micro-informatique et les réseaux intensifiant l'intégration au système plus qu'ils n'en libèrent, de même que le développement des télécommunications participe à la destruction des rapports de proximité. Comme il le disait dans "Le système technicien", la fonction principale de l'informatique serait de supprimer les intermédiaires humains pour "permettre la jonction souple, informelle, purement technique, immédiate et universelle entre les sous-systèmes techniques" (p112). Certes, là aussi, il faut prendre en compte cette réalité massive et critiquer les discours apologétiques trop naïfs, ne voyant dans la société de l'information qu'une terre promise paradisiaque, purement fantasmatique. Contre une idéologie progressiste trop positive il faut rétablir la part du négatif et la relation dialectique entre autonomie et dépendance. Mais, le négatif, bien réel, ne doit pas masquer pour autant la part positive, ses potentialités qui n'ont rien d'automatique mais dépendent de nous et dont on ne pourra se passer pour s'en sortir !
De même, constatant avec quelques raisons l'absence d'intelligence collective de la société de l'information, il ne voit du coup dans la multiplication des informations qu'un accroissement de la complexité, de la confusion, de l'obscurantisme, de la manipulation des esprits et finalement de l'imprévisibilité du monde. C'est tout-à-fait juste mais cela devrait se traduire plutôt par l'exigence d'une meilleure information et l'organisation de cette intelligence collective qui manque, c'est-à-dire par une prise au sérieux de l'ère de l'information au lieu de s'imaginer pouvoir y échapper. On ne peut rabattre sans autre forme de procès les techniques informationnelles sur les techniques industrielles mêmes s'il n'est pas question de prétendre qu'elles ne créent pas leurs propres problèmes (infopollution, saturation, immédiateté, insignifiance), renforçant notamment l'oubli du passé dans un éternel présent.
La technique est toujours au présent, projetée vers le futur. Elle efface au fur et à mesure son propre passé. La machine d'hier ne vaut plus rien (...) Je pense que c'est cette opposition radicale qui fait le conflit entre Homme et Société d'une part, Système technicien d'autre part. 59
- L'alternative écologiste
La question de la technique n'est pas technique. Ce n'est pas non plus une question métaphysique (l'arraisonnement de la nature ou la rationalité cartésienne) car on tenterait vainement de séparer l'homme et la technique (cela commence avec le foyer et la pierre taillée). L'enjeu actuel c'est de retrouver un avenir, de ne pas réduire les fins aux moyens, sortir de l'utilitarisme et du laisser-faire libéral, passer de l'histoire subie à l'histoire conçue, mais il n'y a pas de résistance à "La Technique" praticable. D'abord, nous l'avons dit, on ne peut mettre sur le même plan techniques artisanales, industrielles et informationnelles, mais il y a surtout quelque chose de ridicule à vouloir valoriser les anciennes techniques, vouloir délaisser l'ordinateur pour revenir à l'imprimerie par exemple. En tout cas il n'y a pas d'harmonie naturelle originelle, même si l'espèce humaine a été forgée pour une vie de chasse et de cueillette bien éloignée de la vie de bureau ou du stress de la vie moderne. La nature est souvent très inhospitalière, en dehors de moments privilégiés, et l'homme nu ne survit pas sans protections artificielles et sans techniques (voir Peter Sloterdijk, La domestication de l'Etre). Il y a même un plaisir naturel (enfantin) de la technique dans notre espèce inventive, plaisir qu'on retrouve chez les très jeunes enfants... C'est ce que réfute complètement Jacques Ellul, alors que sa critique prétend ne s'appliquer qu'à nos sociétés globalisées ! Il faut certes se méfier de ces discours justificateurs de la technocratie qui appellent à un homme nouveau plus soumis encore à la technique ! Il ne s'agit pas d'en rester à cet infantilisme, mais d'accéder à une attitude plus responsable et raisonnée face aux nouvelles technologies. Si on doit regretter aussi la dévaluation de la parole et du langage (p440) par une technique qui nous isole dans le dialogue avec la machine, on ne peut faire comme si les relations humaines n'étaient pas si dures souvent, la convivialité n'étant pas si répandue... (ainsi de "mauvais élèves" peuvent trouver dans l'ordinateur un moyen de révéler leurs capacités en échappant au jugement jugé injuste du maître!). Il faudrait introduire un peu plus de dialectique dans nos idéaux.
Par contre, ce qu'il faut retenir, c'est qu'à mesure que notre puissance technique devient démesurée, la technique devient effectivement plus menaçante, jusqu'à pouvoir nous détruire. Le système technicien nous enserre de plus en plus étroitement dans ses filets et sa puissance démesurée peut mettre en cause la totalité de notre existence (du nucléaire à la génétique). C'est donc plutôt une question de seuil à ne pas dépasser, si c'est encore possible, celui de sa contre-productivité (Illich), non pas la technique en soi mais une technique déchaînée et destructrice. Il ne s'agit en aucun cas de revenir à la lampe à huile alors que c'est une question politique d'organisation, de relocalisation de l'économie et de sortie du productivisme. Il est aussi déplacé de parler d'un retour au Moyen âge que des conquêtes du XIXè alors qu'on en est à un tout autre stade : celui du superflu, de la consommation et de la société du risque. C'est dans ce contexte que la critique de la technique prend son véritable sens. Plus on est puissant plus le danger s'accroît, par erreur ou par folie, c'est ce dont il faudrait prendre conscience, en sachant que c'est sur la durée que la catastrophe devient inévitable, pas dans l'immédiat. Ainsi, il se pourrait que le danger d'une guerre nucléaire soit plus grand maintenant qu'au moment de la guerre froide. Certes, "le pire n'est pas toujours sûr" mais "Le pire est devenu toujours possible" 199 !
Il serait bien irresponsable de croire notre liberté entière, croire qu'on puisse maîtriser la technique comme bon nous semble et ne pas admettre le poids de la technostructure avec ses menaces grandissantes, mais cette critique salutaire n'évite hélas ni les exagérations ni l'idéalisation du passé et brouille trop souvent les perspectives, nourrissant même quelquefois un dogmatisme borné inaccessible au dialogue. Le plus difficile, on l'a vu, c'est de tenir à la fois le positif et le négatif. Plutôt que se complaire dans une diabolisation de la technique, la seule question valable, c'est comment s'en sortir et, pour cela, nous aurons besoin au moins des techniques informationnelles et numériques, nous aurons besoin d'accélérer le "devenir immatériel de l'économie" pour sortir de la société de consommation en initiant une décroissance matérielle. Non pas qu'il y aurait là aussi un déterminisme technologique sur lequel on pourrait se reposer : ce qui se fera sans nous se fera contre nous, tout dépend de la construction d'une conscience collective, mais il faudra distinguer entre les techniques et utiliser toutes les technologies en notre possession pour construire une alternative écologiste à l'ère de l'information basée sur la coopération, la relocalisation et le développement humain (autour de coopératives municipales, de monnaies locales et d'un revenu garanti). Ce n'est pas gagné d'avance et nous aurons sûrement besoin de toute la lucidité des meilleurs critiques de la technique pour ne pas tomber au pire encore...
- En guise de conclusion...
En conclusion, je dirais qu'il faut se méfier de la métaphysique, des jugements abstraits trop généraux qui mènent à des extrémités logiques, à des fanatismes si souvent criminels, à des préjugés qui ne s'embarrassent pas de la vérité des faits. Les choses apparaissent beaucoup plus complexes (et dialectiques) que ces jugements à l'emporte-pièce. Plutôt que de condamner la Technique, le Marché, l'Etat, ou que sais-je, il vaut mieux examiner concrètement les situations avec leurs problèmes et leurs marges de manoeuvre, leur positif et leur négatif. Dans ce cadre on trouve bien d'autres paramètres que la Technique, et il n'y a guère de raisons de ne pas se servir des potentialités que nous donnent les nouvelles technologies alors que nous en supportons déjà tous les inconvénients ! S'il ne faut pas réduire les fins aux moyens, il faut du moins se donner les moyens de ses fins. C'est la difficile question du juste milieu à trouver, loin d'une simple condamnation en bloc, et si l'on n'est jamais sûr des conséquences de ses actes, on peut du moins se régler sur leurs effets et corriger le tir, corriger nos erreurs : on n'a pas le choix, on ne peut qu'avancer pas à pas.
Impossible bien sûr d'épuiser une telle question, la technique ayant de multiples dimensions anthropologiques, métaphysiques, historiques, politiques, etc. Il aurait fallu parler aussi de la pédagogie, du sport, du rock, des jeux, des thérapies comportementales, etc., si ce n'est de "l'aliénation" qui change de forme mais ne s'aggrave pas tant qu'on le dit, prenant la place d'anciennes aliénations souvent plus contraignantes et bornées. On oublie trop facilement le positif devant un nouveau programme qui change nos habitudes pour profiter dans un second temps seulement des améliorations apportées et des possibilités nouvelles (c'est la face positive d'un risque technique qui augmente lui aussi avec le temps). Il faudrait compter avec la résistance du sujet et la réaction des utilisateurs, surtout sur le long terme, la disparition annoncée de notre humanité étant toujours démentie, ne serait-ce que par ceux qui l'annoncent. De même l'opposition des moyens aux fins n'est pas si simple et devrait être discutée de façon plus approfondie car tout objectif partiel est un moyen pour une finalité plus lointaine, sans compter qu'il serait bien naïf de prétendre qu'on prend toujours les autres comme fin (selon le précepte de Kant) et non comme moyens pour nos propres fins ! Voilà du moins où j'en suis de mon dialogue avec Jacques Ellul, sans prétendre avoir le dernier mot, pour dessiner une issue où, finalement, bien peu nous sépare, et bien malin qui pourrait être sûr d'avoir raison...
(Il y a des références constantes à E. Morin, C. Castoriadis et Jean Chesneaux).
Ce texte est dédié à PLC 16/08/06-22/08/06
Notes
[1] Il faut signaler aussi, comme précurseurs de la critique de la technique, au moins Oswald Spengler avec "L'homme et la Technique" (1931) ainsi que Lewis Mumford avec "Technique et civilisation" (1944).
Peut-t-on oublier son disciple Ivan Illich, très connu pour sa critique acerbe des professions et des institutions : de l’Ecole, de la Santé et des transports. Ivan Illich fait deux reproches essentielles à la civilisation industrielle et technicienne : premièrement la prolifération des spécialistes et des professionnels prive les personnes et les groupes de la capacité de maîtriser leur vie quotidienne ; deuxièmement elle ôte aux hommes la capacité à orienter leur action en fonction de leur expérience du monde, expérience qui est d’abord sensible et charnelle. Il nous invite à évaluer les techniques en fonction de ces deux critères : quelles sont leurs conséquences sur l’autonomie des individus et des groupes, et quelles sont leurs conséquences sur la vie du corps? Rappelons que Jacques Ellul était protestant, Bernard Charbonneau agnostique et Ivan Illich catholique.
Ivan Illich, qui considérait Jacques Ellul comme son maître, pense que la technique occupe la place de la religion, et que cette mutation s'est opérée à l'intérieur même du christianisme. Illich n'hésite pas à voir dans le système technicien totalitaire une perversion de l'Evangile.
En fait, la position d'Ivan Illich est plus simple que celle de Jacques Ellul car sa critique de la technique n'est pas aussi globale, elle est plus précise et concrète puisqu'il met en cause sa "contre-productivité" à partir d'un certain seuil et défend une technique plus "conviviale". Je peux recommander les extraits de "La convivialité" que j'avais publié dans EcoRev' et qui résument bien sa pensée.
Il faut bien dire que je n'approuve pas non plus toutes ses thèses, et c'est une position difficile de devoir critiquer des gens que l'on aime bien et dont l'importance est si grande pour l'écologie. Ainsi, je suis très éloigné du fantasme de l'homme complet qui sait tout faire. J'apprécie au contraire dans la division du travail et des compétences notre complémentarité et notre interdépendance... Plus généralement je ne prétends pas être "désaliéné", encore moins "épanoui", seulement responsable et solidaire ce qui est tout autre chose !
En tout cas, la thèse que l'on rencontre le plus dans les milieux écologistes est celle de la diabolisation de la technique, et c'est à ce sujet qu'il me semblait important de tenter une difficile mise au point. Sans doute Ivan Illich nous permet de sortir d'une position trop binaire.
D'accord avec la conclusion, je ferais quelques remarques de fond.
Les techniques, que je préfère à "la technique", ne sont que des outils dont nous sommes libres d'user ou non. Les vrais techniciens ne sont pas au pouvoir, ils travaillent dans l'ombre. Par ailleurs le technocrate n'est pas un technicien, c'est quelqu'un qui dirige suivant "sa" vérité, laquelle n'a généralement que l'apparence de la rigueur. Le problème enfin vient surtout de ce que finalement ce sont toujours les intellectuels et autres philosophes qui prétendent détenir les vérités de ce monde, même en écologie!!!!
"ne sont que des outils dont nous sommes libres d'user ou non"
Oula, Croa, tu n'as peut-être pas lu Jacques Ellul. Car ça fait bien 40 ans au moins qu'on a démontré (et pas juste Ellul mais il me semble qu'il fut un des premiers) que NON la technique n'est pas neutre (il n'y a pas de "ça dépend comment on l'utilise"), et que NON on est pas _libre_ du choix des techniques utilisées par notre société.
Par ailleurs Jacques Ellul était loin d'être juste un intellectuel vu le nombre d'actions concrètes qu'il a fait durant sa vie (il fut par exemple un des premiers en France à faire de la prévention à la délinquance dans les quartiers dit "difficiles").
Pour ce qui est de l'article, c'est assez amusant car je suis justement en train de lire "Le bluff technologique" en ce moment.
Je voudrais dire à Jean Zin aussi que sa critique concernant les gens qui "diabolisent" la Technique me semblent assez infondée _par rapport aux gens que j'ai pu cotoyer_ (je précise) qui se réclamaient fortement d'Ellul. Ces derniers ont d'après moi très bien compris l'AMBIVALENCE du système technicien et donc ne gardent pas que les aspects négatifs. Mais seulement, à partir du moment où l'on a l'impression que les aspects négatifs sont PLUS IMPORTANTS que ceux positifs, ne faut-il pas freiner voir stopper l'utilisation de ces techniques ?
Juste une petite dernière chose qui peut éclairer ceux qui n'ont pas encore lu du tout Ellul. A propos de son rapport au communisme dont vous parlez au début, de son rapport à l'Etat et à la politique (au sens populaire actuel) en général : Jacques Ellul était très admiratif du travail de Marx, mais il était _anarchiste_, et a d'ailleurs écrit - mais aussi fait - pas mal de choses à ce sujet ("L'illusion politique" en est le plus connu je pense). Voila, c'est peut-être bon de le préciser je pense, pour situer un peu mieux la pensée complexe de cet homme. Il était quand même fervant protestant ET fervant anarchiste, ce qui n'est pas commun.
Bonne soirée à vous.
Et soyez conviviaux, on en a plus que jamais besoin :o)
Ellul père de l'écologie politique ? La politique ce n'est pas écrire des bouquins; désolé d'être trivial mais la politique c'est lutter pour le pouvoir. Le père de l'écologie politique en France c'est René Dumont, premier candidat de l'écologie politique en 1974. René Dumont, qui était un technicien s'il en est. Lisez ces livres si vous vous intéressez aux meilleures manières de cultiver, c'était un agronome et ça se voyait dans ces livres. Et c'était compréhensible pour le français moyen, ce qui est quand même le moins que l'on peut demander quand on fait de la politique, à moins de concevoir le role de l'intellectuel comme pouvoir d'influence du despote éclairé, à la Voltaire.
Quand à Ellul, je reconnais que ça me passe largement au dessus de la tête comme son maitre Heidegger. Pour ce qui est de la politique, la science philosophique de ce dernier ne l'a pas empéché de légèrement déraper. Et Ellul aussi :
mypage.bluewin.ch/ameland...
où il chantait les louanges de Bat Ye'or, la théoricienne de la grande conspiration islamique ('Eurabia') qui inspire les tenants du 'choc des civilisations' (comme Oriana Fallaci). Je veux bien que ça ne prouve pas que ses idées sur la technique étaient fausses, certes. Mais bon, ça ne m'entraine pas trop à vouloir faire l'effort de comprendre ses livres.
Je n'ai pas fait un article sur Jacques Ellul, mais sur sa critique de la technique. Il est certain que Jacques Ellul est critiquable sur plusieurs points, en particulier sur son incroyable sionisme auquel José Bové s'opposait déjà dans les années 1970. Cela n'empêche pas que ses analyses étaient prémonitoires et méritent d'être discutées.
Ellul n'était pas du tout un disciple de Heidegger, mais là aussi, ce n'est pas parce que Heidegger a été nazi que cela suffit pour disqualifier toute son oeuvre et qu'on ne devrait pas le lire ! Il s'agit de savoir quoi y répondre.
Plus généralement je suis effrayé par cette haine de la pensée, le rejet de ce qu'on ne connaît pas et l'agressivité contre ce qu'on ne comprend pas immédiatement, ce qui est un appel à la démagogie et au simplisme. Le dialogue et l'intelligence sont donc bien rares... La pensée commence quand on ne comprend pas et qu'on admet son ignorance. Bien sûr je ne suis pas autre chose qu'un intellectuel et un philosophe (même si j'ai été technicien quand je faisais de l'informatique industrielle), bouches inutiles sans doute qu'il faudrait éliminer d'une société démocratique idéale !
Ceci dit, non seulement Jacques Ellul n'est absolument pas difficile à lire, mais il tient à peu près le même langage contre le jargon des technocrates qui n'est pas tant un instrument de pouvoir pourtant, qu'un langage spécialisé : effectivement on ne parle pas le même langage, nous ne partageons pas le même savoir et nous n'avons pas la science infuse. Ce que nous partageons, c'est notre ignorance commune ! La démocratie n'est pas la démagogie et s'il faut essayer de se mettre au niveau de ses interlocuteurs et s'il serait nécessaire que tout le monde ait accès au savoir, cela ne peut se faire sans un effort d'apprentissage de chacun. L'important n'est pas de savoir si c'est compris par tout le monde mais si c'est juste ou non !
A part ça, René Dumont n'est absolument pas le fondateur de l'écologie politique, même pas en France où il a pris le train en marche. Il a seulement servi de premier candidat à l'élection présidentielle. Son action a été relativement importante ponctuellement mais je ne parlais par de Jacques Ellul comme le fondateur de l'écologie politique française. C'est le fondateur de l'écologie politique dans le monde, reconnu comme tel par Ivan Illich entre autres, et qui est lu partout. Bien que je le critique, c'est un fait que son oeuvre restera et qu'elle a été fondatrice alors que celle de René Dumont est déjà tombée dans l'oubli.
La politique bien sûr, commence toujours par des idées et des livres. Cela ne veut rien dire la conquête du pouvoir. C'est la conquête des esprits qui peut donner le pouvoir. Jacques Ellul était contre la politique traditionnelle et les partis, on ne peut que lui donner raison quand on voit ce que sont devenus les Verts (quand on fait de la politique c'est la politique qui nous fait, dit un proverbe africain !). En fait je trouve son anarchisme aussi ridicule que sa foi mais dire qu'il n'a pas fait de politique est totalement contraire à la vérité. Il n'a sans doute pas eu un grand succès, mais les Verts non plus ! En tout cas il était impliqué dans l'action locale.
Toutes ces considérations sur les personnes sont sans intérêt, la question est celle de notre avenir qui nous échappe et pour savoir quoi faire il faut tenir compte des réflexions qui nous ont précédés, les connaître, les évaluer, les corriger. L'important c'est de savoir quelle société nous voulons construire, après cela on verra comment y arriver, quel est le pouvoir qu'il nous faut (je prétends que c'est au niveau municipal qu'on arrivera à changer le monde, pas à l'élection présidentielle!).
Sûrement, comme quiconque explore des terres peu balisées, Ellul n'est pas exempt de critiques.
Même si Illich me semble plus charismatique, Ellul m'a éveillé à de vraies questions de fond. Que ce soit dans le domaine des sciences, de la théologie, de la politique, ....
Sur "La question de la technique" (et ses annexes), le texte de Clément Homs: "Des partisans de la croissance... ou des réactionnaires ? Les deux mon capitaine ! Réponses à MM. Oxley, Métellus, Di Meo, Vereycken." ( http://www.decroissance.info/Des... ) me semble autrement plus éclairant, sur les forces qui s'affrontent.
@RastaPopoulos
Sans doute, ceux qui rejettent complètement la technique sont ceux qui n'ont pas lu Ellul, même s'ils s'en réclament mais on ne peut dire dans le même message "NON on est pas _libre_ du choix des techniques utilisées par notre société" et "à partir du moment où l'on a l'impression que les aspects négatifs sont PLUS IMPORTANTS que ceux positifs, ne faut-il pas freiner voir stopper l'utilisation de ces techniques ?". On est libre ou pas ? On supprime la médecine au tiers-monde pour ne plus avoir de surpopulation ?
En fait cela n'a pas de sens de vouloir "stopper" une technique, c'est-à-dire un savoir-faire, sauf lorsqu'elle relève d'une décision politique comme les centrales nucléaires. Même dans ce cas ce n'est pas facile mais c'est perdu d'avance pour les OGM par exemple et, pour les autres techniques (ondes électomagnétiques, etc.) on peut juste interdire certains produits ou édicter des normes (interdire l'amiante et fixer des puissances maximales), pas interdire la technique elle-même. Par exemple interdire les nanotechnologies ne voudrait absolument rien dire mais on peut interdire tel ou tel produit comme les nanotubes de carbones (qui sont le seul véritable produit du genre pour l'instant).
En fait je crois que l'ambiguité est chez Ellul lui-même qui admet l'ambivalence mais ne vois plus ensuite que le négatif et rêve d'un impossible retour en arrière...
Dans une conception matérialiste et technique, la politique est réduite à un rapport de forces qui s'opposent. Les valeurs qui priment sont aux antipodes de ce qui fait la grandeur et la dignité de l'homme. La politique devient un sous-produit de l'homme. Le pouvoir est exercé par le mensonge (persuasion clandestine) et la violence.
Le renversement des activités de l'homme entraîne le renversement des valeurs en politique.
Un retour à la santé politique n'est possible que si nous mettons fin à la violence institutionnalisée et si nous abandonnons une conception mécaniste du gouvernement des hommes. À force de considérer la politique comme une technique, nous oublions l'essentiel. Nous substituons au but principal des buts secondaires. Quand la politique devient une machine à mettre des idées dans la tête des gens pour pouvoir les exploiter à ses fins ou un appareil à administrer des conflits, c'est qu'on a oublié l'essentiel.
à RastaPopoulos:
Tu as raison, je n'ais pas lu Jacques Ellul !
"NON la technique n'est pas neutre[//] e NON on est pas _libre_ du choix des techniques utilisées par notre société." ... Au fond peut-être mais je maintiens que ce ne sont que des outils et le problème est de se les approprier plutôt de se les laisser imposer. Enfin, il me semble...
à Jean Zin:
@(arobase) signifie "chez" comme &(esperluette) signifie "et". On ne devrait pas les utiliser pour d'autres sens!
"je prétends que c'est au niveau municipal qu'on arrivera à changer le monde, pas à l'élection présidentielle!" ... Je ne comprends pas comment... Ce niveau là dispose de moins d'autonomie encore! Mais continue, avec tes billets tu es dans la bonne voie de toutes façons.
Heureux de savoir que tu as été technicien. Ceux qui ne se sont jamais servi de leur mains ne peuvent que commander. Ils me font bien plus peur que la technique. (Je sais : c'est psychologique.)
Bonjour,
D'abord dire que la présence de Jean Zin dans le débat sur le système technicien (Ellul critique plus le système, c'est-à-dire la mise en relation, que les techniques), est des plus intéressantes.
Pour ma part je ne partage pas le Marx qu'il présente, et je me réfère au 2 tomes du Marx du phénoménologue Michel Henry. Il me semble aussi qu'il faut nettement distinguer deux âges de la technique.
Il y a le premier âge, celle de l'outillage comme " projection organique " (Leroi-Gourhan) du corps. Là la projection technique (le silex, le marteau, le vélo...) trouve son lieu ontologique dans la praxis vivante, comme projection du corps non biologique (mécaniste) comme le pense Leroi-Gourhan, mais comme " corps-subjectif " (Henry). La technique quand elle découle de la praxis, de la subjectivité radicale et immanente, appartient en propre à l'homme.
Cet âge de la technique, si on peut aussi l'entendre comme une période historique passée, il faut aussi comprendre que la vie de la praxis est toujours présentes aujourd'hui derrière quantité d'actes techniques quotidiens. Laver sa salade avec une essoreuse par exemple.
Cependant, cette première ontologie de la technique a été renversée avec lâ révolution de la science galiléenne qui a définit une nouvelle manière pour déterminer les essences des " matières étendues " (Descartes). Cette science pour déterminer ces essences, a mis radicalement hors jeu la subjectivité humains de l'appréhension et de la détermination de ces essences. C'est là l'objectivisme. La réification du monde en objet.
Et le deuxième âge de la technique (celui qu'il faut critiquer et dénoncer), est celui où la technique est déterminé non pas par l'agir de la praxis, mais par les représentations a-subjectives de la science. Michel Henry dans La Barbarie, le dit : la technique, c'est la science seule. François Hartog dans " La Logique du vivant ", le dit : " on n'interroge plus la vie dans les laboratoires ". Le vitalisme (peu importe lequel : nietzschéen, bergosien, schopenhauerien, maffesolien, henryen, debordien et vaneigemien...) a été écarté du monde des représentations techno-économiques et politico-scientifiques.
Désormais, le domaine de l'agir où opère la technique déterminée par les représentations de la science (Husserl dirait les " idéalités), ne concerne plus le domaine de la proxémie de l'agir individuel. Walter Benjamin le dit bien : " au pays de la technique, le spectacle de la réalité immédiate est transformé en une fleur bleue introuvable " (in L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique). C'est d'ailleurs ce bouleversement du domaine de l'agir qui effraie Hans Jonas. L'éthique adaptée au domaine de l'agir de la technique encore " projection organique ", n'est plus opérante pour le domaine gigantesque (la destruction atomique totale de la planète) de l'agir de la techno-science.
Il faut donc prendre en compte pour la critiquer, la technique de l'âge galiléen, et non évidemment les techniques appartenant à la dimension de l'agir individuel ou proxémique. Ainsi toute technophobie est ridicule.
Et Serge Latouche dans L'invention de l'économie (perspective nominaliste), situe celle-ci au même moment que la révolution de la science galiléenne. La technique comme l'invention de la " sphère auto-référentielles de représentations économiques ", sont toutes deux issues d'un même bouleversement ontologique : la mise hors jeu de la subjectivité originaire du savoir. C'est ce que Husserl dans " La Crise des sciences européennes " va reprocher à la science galiléenne et à sa rationnalité classique.
Le monde n'est monde que pour l'homme comme lieu transcendantal d'appréhension du monde. La subjectivité est originaire à l'objectivisme. L'objectivité est une illusion, qui n'est même pas le propre du scientisme, mais de la science et de l'ensemble des dites sciences dites sociales qui ne sont plus que " les idéologies de la barbarie " (Michel Henry).
La post-modernité (authentique) cela va de soi, c'est la mort de la représentation, et le retour du feu de la subjectivité radicale (Vaneigem), de l'auto-affectivité de la vie (henry), du " monde-de-la-vie " (husserl).
Ainsi, il me semble quand même qu'il faut s'éloigner des débats marxisants, sur qui détermine qui ? le capitalisme ? le machinisme ? la technique ? (cf. le propos de Jean Zin). Et apercevoir, le bouleversement ontologique historique (XVI-XVII-XVIII) de la représentation devenue auto-référante et non reliée à la vie. Et le monde de la représentation c'est la société du spectacle de Debord.
Je n'ai pas vraiment le temps de répondre car je pars demain matin mais je dois dire mon désaccord total avec tout ce qui fait remonter nos problèmes contemporains à Descartes ou Galilée (ou, pourquoi pas aux Grecs ou aux Juifs). Impossible de discuter tout cela en détail. Moi aussi j'ai bien aimé le Marx de Michel Henry mais je suis revenu de tous les hymnes à la vie et au corps (je vis à la campagne et ne peux nourrir aucune illusion sur une nature que je n'ai pas perdu). Les choses sont beaucoup plus compliquées et concrètes que cela. Les analyses du travail à la chaîne ne sont plus aussi valables à l'ère de l'information. Le problème n'est pas de se désaliéner, de retrouver une quelconque pureté ou immédiateté, c'est de retrouver un avenir et de ne pas se laisser faire. Tous ces ronds de jambe métaphysiques ne font pas avancer la question de ce qu'il faut faire mais font croire à des utopies qui sont toujours mortifères à se heurter sur les démentis du réel. Les gens avec qui nous devons faire société et nous en sortir ne sont pas tous des tendres et notre folie n'est pas mince. Ne parlons pas de ces rêves d'origine, parlons de construire une production alternative qui respecte notre environnement, basée sur le développement humain et l'immatériel. Si je m'inspire de Marx, c'est qu'il m'aide à comrpendre ce qui fait système dans le productivisme, et ce n'est pas la rationalité mais la plus-value. Je ne suis pas pour abandonner en quoi que ce soit la rationalité mais pour la porter à un degré plus haut, un nouveau stade cognitif, prendre conscience de soi et de l'effet en retour de nos actions, pas du tout un retour en arrière !
Je trouve tout de même paradoxal de commencer par dire que la foi d'Ellul ou d'Illich ne doit pas disqualifier leurs analyses pour finir par réduire Marx à la réalisation de la religion chrétienne. Je me situe dans un rapport éthique et matérialiste à notre responsabilité de l'avenir, à l'opposée de toute position religieuse. Je suis bien plus modeste et ne suis pas si sûr de détenir la vérité. Parlons plutôt politique, ce qui exclut toutes ces considérations oiseuses et trop rapides (il faudrait en parler pendant des heures à se contredire à chaque mot...).
Je connais les motivations de mes semblables.
Si les forces productives sont déterminantes, les rapports de production qui en résultent le sont tout autant, c'est même l'objet principal de son étude, car c'est bien ce qui peut être changé (dans une certaine mesure).
Dans aucune mesure A-M-A ne peut être modifié, ou renversé. La preuve en est que même chez un clochard, qui calcule sa mise de fond en fonction de la valorisation de sa plus-valus participation dans l’entreprise-effort pour faire du profit, il y a toujours ce besoin-désir de faire un profit. Argent- mise en valeur de l’argent- donne plus d’argent.
Même les clodos discutent de profits entre eux.
Erreur de spéculation de la part de Marx. Mais erreur tout de même!
Nous voilà rassuré, quelqu'un qui connaît si bien ses semblables jusqu'à croire qu'ils lui ressemblent !
En fait, je ne me fais certes pas une grande idée de l'humanité, mais pour dire des bêtises pareilles il faut ne pas voir plus loin que le bout de son nez et croire que le capitalisme marchand est notre état naturel alors qu'à faire un tout petit peu d'anthropologie on se rend compte que notre système est une exception.
De tout temps les rapports purement marchands ont été méprisés et condamnés. Bourdieu a montré qu'il y avait négation systématique des rapports marchands dans les rites sociaux, mais il suffit de lire Mauss ou n'importe quelle ethnologue pour se rendre compte à quel point cet utilitarisme est une construction récente.
Prendre en exemple des "clodos qui discutent entre eux" serait une preuve ? de quoi ? Mais, enfin, quand on connait tout et qu'on peut si facilement réfuter Marx et tous les philosophes, pourquoi s'embarrasserait-on de preuves ?
Vous avez raison le commentaire manque d’argument et ne signifie presque rien. Je voulais souligner le fait que le système capitaliste, et sa concrétisation, le libéralisme plus ou moins interventioniste semble indépassable. Du moins à brève et moyen échéance. Que la partie faible du travail d’analyse que l’on retrouve dans le Capital, c’est la possibilité et les modalités de transformation d’un système basé sur l’accumultion du capital et sur la création de richesses presque infinies. Je fesait aussi référence à la contamination des esprits, depuis l’enfance et dans tous les domaines d’activité.
On retrouve dans les banque alimentaire des bénévoles à l’appétit insatiable qui pige les premiers dans la distribution, s’assurant ainsi des meilleurs aliments. Je ne suis plus certain que ce soit encore du bénévolat, sous ces conditions. On constate donc beaucoup de comportements égoistes là où en s’attendait à ne pas en trouver.
Partout où il y a des hommes il y a de l’hommerie. Dans les copérative d’habitation certaines personnes possèdent une seconde propriété. D’autres complotent pour évincer certains locataires, afin de mettre la main sur leurs appartements qui est plus grand et plus beaux. Pourtant, si l’esprit coopératif s’exercait véritablement, cette formule pourrait être plus généralisable et serait une alternative.
Une autre belle façon pour sortir d’un régime conçus uniquement en terme de profitabilité est le système de troc. On peut par exemple se faire reconduire en voiture deux ou trois fois par mois en échange de menus travaux ou de réparation d’apareils domestiques. On sort ainsi du schéma A-M-A.
Le premier et le troisième tome du capital sont toujours très actuel, mais il faut aussi lire, dans ce cas, La richesse des nations, de Smith, car c’est très lumineux.
« L'homme a presque continuellement besoin du secours de ses semblables, et c'est en vain qu'il l'attendrait de leur seule bienveillance. Il sera bien plus sûr de réussir, s'il s'adresse à leur intérêt personnel (…). C'est ce que fait celui qui propose à un autre un marché quelconque; le sens de sa proposition est ceci : Donnez-moi ce dont j'ai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-mêmes(…). Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme; et ce n'est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c'est toujours de leur avantage. »
Merci d'avoir fait l'effort d'une meilleure argumentation mais bien sûr il n'y a rien de neuf là-dedans. On pourrait citer pas mal d'auteurs contemporains du capitalisme naissant, "la fable des abeilles" de Mandeville, Spencer, etc. Polanyi en fait une très bonne étude dans "La grande transformation" qu'était pour lui la fin du libéralisme après l'échec de marché autorégulé de 1929, qui avait débouché sur fascisme et communisme (avant que l'expérience du totalitarisme ne fasse revenir un néolibéralisme post-totalitaire dont l'échec est désormais patent et pourrait nous conduire à un néofascisme, c'est la dialectique historique...).
Ces arguments sont donc de fausses évidences, on ne peut absolument pas prétendre comme Alain Minc que le capitalisme est l'état naturel de la société : à l'état naturel (des sociétés primitives) les rapports marchands sont marginaux et méprisés, c'est un fait. Qu'on ne parle pas de nature humaine pour une construction historique récente impensable sans tout un arsenal technique et juridique tout ce qu'il y a de moins naturel ! Ce qui est vrai, c'est que les rapports marchands correspondent à des rapports entre étrangers et même plutôt entre ennemis, car l'étranger est hospitalier. C'est donc l'état d'une société inexistante, celle de la guerre des religions ou de la conquête de l'Amérique (Locke). Ce qui caractérise l'homme au contraire, c'est l'entraide, le don, la solidarité (sensible surtout dans la guerre). Adam Smith a écrit aussi une "théorie des sentiments moraux" qui contredit les généralisations qu'on se permet à partir de son analyse du commerce, de même que Darwin dans "La Filiation de l'homme" a montré le caractère vital de la solidarité et du désintéressement dans la réussite de l'espèce humaine (sensible là aussi dans les guerres!), contrairement à ce que prétend le prétendu "darwinisme social". Enfin je peux dire que je ne me reconnais pas du tout dans ce portrait de petit salaud ordinaire, j'aurais pu bien sûr gagner beaucoup plus d'argent, éviter cette insupportable misère, être plus pragmatique, moins prodigue de mes talents, mais comme le montre mon dernier texte, il y a bien d'autres dimensions à l'existence que celle de la richesse, et certes je ne veux absolument pas être riche, je trouve même cela d'une bêtise sans nom, et même si on en fait notre idéal collectif !
En fait, cette bêtise arrogante est bien décrite dans "Misère de la morale" où elle correspond au premier temps dialectique succédant au dogmatisme, la découverte que tous les idéaux proclamés sont hypocrites, avoir le courage de les dénoncer et de se réduire fièrement aux intérêts les plus bas, à un matérialisme dépourvu de pensée, au cynisme assumé. Heureusement la dialectique doit dépasser cet état d'imbécilité cultivée par une conscience de soi plus équilibrée. Bien sûr le libéralisme n'a pas tout faux, sa fonction historique est cruciale, mais il est loin de représenter le premier mot (les rapports familiaux) ni le dernier (l'ère de l'information, de la gratuité, de la coopération, des logiciels libres, etc.).
Il n'est pas question d'idéaliser nos semblables et prétendre que l'égoïsme n'a pas un rôle majeur, je suis bien conscient de ma propre bêtise et de mes injustices, je ne rêve pas d'une coopération totale et universelle, je ne rêve pas de bons rapports humains (il y en a d'excellents et la plupart sont excécrables), seulement de meilleurs rapports car plus adaptés à notre temps et moins inhumains, seulement d'une conception de l'humanité plus conforme aux faits et qui ne se limite pas à un courte période historique et à son propre entourage. Revenir à un véritable échange est une question de structure, d'institutions, de système, ce n'est pas se fier à une bonté générale qui gagnerait soudain tout le monde !
Certes Marx n'a pas trouvé comment sortir du capitalisme, la propriété collective des moyens de production ne modifiant en rien la séparation entre le salarié et son produit, ne faisant que nourrir une dictature bureaucratique, c'est une fausse solution qui a bloqué l'analyse et mené dans une impasse historique. Peut-être le machinisme ne laissait-il pas d'autre issue. Il se pourrait que les nouvelles forces productives soient aussi déterminantes pour changer les rapports sociaux et réduire le champ du marché (grâce au revenu garanti entre autres), on ne peut éliminer pourtant la part de l'idéologie et des acteurs dans une transformation qui ne se fera pas sans nous et qui témoignera de ce que nous sommes, de ce que nous voulons, de ce que nous valons vraiment.
En tout cas mieux qu'Ellul, c'est Illich qui nous parle de la question du seuil où les outils et les techniques (la monnaie, les moyens de transport, l'éducation, les médias, etc ...) cessent d'être utile pour devenir nuisances. Pour les moyens de transport, il estimait par exemple qu'au delà de 30km/h () les techniques utilisées devenaient contre-productives. Je vous renvoie à ses textes pour l'argumentation, mais c'est par la pratique mieux que par la raison qu'on peut en acquérir la conviction.
C'est pourquoi le revenu garanti (de base, de sécurité, inconditionel, etc) est si nécessaire à la compréhension que pour la plupart d'entre-nous, le mieux se trouve dans le moins .... . En tout cas, personnellemnt, le raisonnement ne m'aurait pas suffit, il a fallu que l'occasion de l'expérimenter se présente, ... et de nombreuses années ont été nécessaires pour qu'un revenu faible mais suffisant et garanti me désintoxique petit à petit des injonctions du marché et de la société, ... et de la crainte de manquer.
C'est par pur égoïsme que je souhaite que cette expérience puisse être expérimentée, vécue par tous, inconditionellement. C'est par pur égoïsme que d'autres mondes, basés sur d'autres valeurs (que l'accumulation ou la consomation de biens ou de capital), sont souhaitables. ... De gauche à droite (et je ne pense pas aux partis politiques), nombreux sont ceux qui commencent à le comprendre, même si les remises en causes idéologique sont telles que ..... tout cela est bien difficile à mettre en place. ... 🙂
Bonjour je réponds brièvement au message n°16 de Jean Zin.
Je ne comprends pas pourquoi tu veux écarter la critique de la rationalité. Surtout quand chez Latouche elle est l'objet principal de sa critique.
Il me semble que la critique de la rationalité (Husserl par exemple qui mets à bas la rationalité classique, pour une rationalité husserlienne) est de manière générale une attitude philosophique. C'est peut-être entre nous une simple différence d'aborder de même problèmes... ?
La réflexion que porte Latouche sur la rationalité économique ou la rationalité techno-scientifique est (comme il l'avoue à de nombreuses reprises) d'inspiration nietzschéenne et foucaultienne.
Ainsi comme le faisait remarquer Michel Foucault, il me semble qu'il faut se garder de reprendre la confusion entre raison et rationalité qui est précisément l'un des mécanismes de pouvoir qu'il entretient soigneusement. Ainsi dès qu'on critique la rationalité, le réflexe d'une personne de Gauche normalement constitué c'est de crier au Loups, au spiritualisme, au retour en arrière...
La raison n'a pas attendu le XVI siècle pour apparaitre sur la scène des idées. Cela n'a rien à voir avec la rationalité. Foucault montre bien que c'est au XVII siècle occidental, que la césure raison/non-raison prend la forme hégémonique de la rationalité. Une rationalité triple : rationalité scientifique et technique (y compris les techniques du bio-pouvoir) avec la science galiléenne qui mets hors jeu la subjectivité radicale (l'auto-affectivité de la vie) de la détermination des essences des objets matériel (cf. Husserl dans La crise des sciences européennes ; ou J. Derrida son introduction de l'ouvrage de Husserl sur l'origine de la géométrie). Autre rationalité, la rationalité d'Etat qui impose des formes de " gouvernementalité " et des « dispositifs » de contrôle. La rationalité enfin du comportement qui fixe la mesure sociale de la norme/déviance.
Il faut également, comme Foucault, reformuler le problème de la raison en faisant l’hypothèse d’un usage autonome, mûr et critique de la raison : c’est ainsi en récupérant et travaillant l’héritage des Lumières (c’est aussi la position de Derrida) que l’on pourra peut-être mettre en œuvre une raison « qui n’a d’effet d’affranchissement qu’à la condition qu’elle parvienne à se libérer d’elle-même » (Foucault, in « La vie, l’expérience, la science »). Cet en-dehors ontologique de la raison, c’est la vie immanente et auto-affective, de celui-ci ou de celle-là, et jamais impersonnelle et anonyme comme dans le substancialisme générique de la thèse humaniste.
Foucault n'avait pas peur de poser le problème de la rationalité (et donc le problème de la libération, celui du " renversement du renversement " comme dit Debord) en termes historiques. Latouche aussi dans son ouvrage " L'invention de l'économie " pose la question historique du bouleversement ontologique qu'est la force imaginale de l'Economie (épistémique et sous forme de disposifs si on se place dans le vocabulaire de Foucault).
Henry dans " La barbarie " et Husserl dans " Krisis " posent eux aussi (comme Foucault) la question de la révolution ontologique opérée par la science galiléenne. Je me demande bien comment on pourrait renvoyer à la niche ces analyses d'un simple revers de main ? On alors il nous faut discuté plus en profondeur....
Bien à vous
clément
Ces discussions sont passionnantes mais difficile à traiter dans le cadre de commentaires. Il faudrait des textes plus argumentés, voire un livre, mais que je ne pense pas écrire pour l'instant...
D'abord, si je revendique la philosophie ce n'est certes pas toute la philosophie et, bien que me référant à Hegel (et Marx) je suis très loin de tout idéalisme au point que je préfère souvent me dire non-philosophe ! Pour moi la dialectique est on ne peut plus concrète puisque c'est la "vérification" de nos préjugés par leur confrontation avec la réalité extérieure. Je ne suis pas du tout un idéologue et je me méfie beaucoup de la métaphysique. La physique théorique devrait pouvoir guérir de toutes les prétentions à se fier à des déductions logiques qui semblent implaccables. L'exercice philosophique n'a donc rien pour moi de la purification alors qu'il s'agit plutôt de remuer la boue, voire la merde, de complexifier les choses et de mesurer mon ignorance à leur opacité, pas du tout d'atteindre à une révélation. Au lieu de se porter à l'idéal, il s'agirait de s'approcher du réel.
Pour cela je ne crois pas du tout que Nietzsche soit une bonne voie, ni toutes les philosophies exaltées de l'aliénation. Lacan y a mis un terme définitif, de mon point de vue, de même qu'à tout historicisme trop radical comme aux fantasmes d'un homme nouveau, fut-il originaire !
Pour le dire plus simplement je ne crois pas que l'homme ait changé depuis Aristote, mais bien sûr on change tout le temps et l'homme nouveau, c'est l'homme amoureux ! Il y a tout de même nombre de savoirs et de pratiques qui nous séparent des Grecs, cela ne fait aucun doute, mais pas tant que ça et je vois quand même un progrès de la connaissance et des libertés beaucoup plus qu'un déclin de l'humanité, un oubli de l'être et un progrès de l'aliénation... Certes, rien n'est parfait, on nage toujours dans la bêtise triomphante mais il n'est pas vrai qu'on serait plus aliéné qu'en 1960 ou qu'avant la guerre de 39-40. L'aliénation est de structure et on n'en sort que ponctuellement.
J'ai baigné assez dans les théories de l'aliénation (Le jeune Marx, Reich, Marcuse, Vaneigem) pour savoir à quel point elles sont normatrices et religieuses. On peut les démontrer fausses en faisant appel à l'histoire mais aussi bien en les réalisant, c'est ce qu'on a fait après 1968 avec le mouvement des communautés et de retour à la nature. C'est l'aliénation redoublée ! Il y a encore assez de coins isolés dans notre beau pays, pas si peuplé que ça, on peut facilement faire l'expérience de vivre à la campagne, et l'on verra que ça ne règle rien, aucun de nos problèmes !
La critique de la rationalité instrumentale au nom du monde vécu a une certaine pertinence (pour ne pas prendre le moyen pour la fin, le sujet pour objet) mais on en voit bien l'impasse lorsque Husserl croit que le langage n'est qu'une communication de l'intentionalité, au point de rejeter toute possibilité de se parler à soi-même en contradiction avec notre expérience la plus commune. Marx a beaucoup plus raison de faire du langage la matérialité de la pensée permettant sa réflexivité, mais le structuralisme a montré qu'on était parlé avant d'être parlant et que donc notre aliénation dans le langage est première. Si on veut remonter à l'origine, c'est bien au langage qu'il faudrait remonter. Si on ne veut pas remonter si haut, l'écriture à Sumer déjà introduisait une déshumanisation totale dans les échanges marchands où l'écrit se substituait à la présence de l'autre. La géométrie n'a fait que prendre la suite et je ne suis pas sûr qu'on puisse tirer Derrida de ce côté dans son introduction à l'origine de la géométrie, qu'il faudrait que je relise. La désacralisation de la nature par les Juifs est aussi primordiale, mais c'est un processus continu, celui du scepticisme et du passage au langage où Galilée ou Descartes ne sont que des acteurs parmi d'autres.
Tout ceci est un peu de la bouillie. Je ne peux faire plus ici qu'indiquer des directions. L'essentiel, c'est que l'écologie ne doit promettre ni la fin de l'aliénation, ni un bonheur publicitaire. La vie est une affaire sérieuse et qui se termine mal. Les problèmes écologiques auxquels on doit faire face sont des problèmes matériels, pratiques, c'est une question de responsabilité et de solidarité, pas d'idéal de vie, de retour à l'origine, ni de libération ou de désaliénation. En particulier, les fantasmes d'homme total me sont complètement étrangers, non seulement je ne sais pas tout faire mais je suis très heureux que d'autres sachent mieux que moi et qu'on soit interdépendants. Les critiques de la division du travail qui se justifiaient pleinement à l'époque de la taylorisation des tâches, perdent toute pertinence dans un travail qualifié, voire virtuose. Le plus aliénant, ce n'est pas la spécialisation, c'est plutôt la fonction anonyme que n'importe qui peut occuper!
Cela ne veut pas dire qu'il faudrait s'enfermer dans sa spécialité ou qu'il ne faut pas se désaliéner (dans le travail, de toutes nos dépendances et croyances héritées) ni se libérer autant que l'on peut mais la question est surtout de construire un système de production alternatif plus écologique, moins productiviste, c'est-à-dire relocalisé et basé sur le revenu garanti et le travail autonome, pas de promettre le bonheur universel. L'épanouissement humain sera toujours difficile, du moins on peut s'engager dans le développement humain, développement des capacités et de l'autonomie, qui peut participer à cet épanouissement mais n'est pas la garantie d'une totale désaliénation pour autant, c'est juste une amélioration pratique. Le paradis perdu de notre enfance ne reviendra pas, sinon dans l'amour et les luttes sociales parfois. Métaphysique, religion, bonheur peuvent être laissés à la sphère privée quand on doit régler des questions politiques d'organisation dans un débat public, même si tout ceci devrait être nuancé et dialectisé à l'infini car, bien sûr, je critique aussi la séparation qui nous mène à la passivité sur cette organisation pratique dans laquelle nous sommes impliqués...
Bon, je vous réponds un peu tardivement.
Ce qui retire tout intérêt à faire l'effort de lire des gens comme Ellul et Heidegger à mes yeux, ce n'est pas tant leurs prises de position politiques que leur adhésion à des théories de la conspiration (différentes, mais la cible importe peu). Avoir ce type de raisonnement indique une faille fondamentale de bon sens, au delà des performances intellectuelles, qui disqualifie pour toute influence politique.
Votre message 19 est un peu inquiétant, par ailleurs. Je comprend que se voir contredit provoque du stress, mais bon, là une camomille s'impose. Vous vous contredisez en l'espace de quelques lignes. Pensez un peu moins à la conquête des esprits (c'est du language de publicitaire, ça ! vous ne vous en rendez même pas compte ?) et un peu plus à vivre. Bon, si vous êtiez candidat à la mairie de ma commune, j'envisagerais sérieusement de voter pour vous (si vous rigoliez un peu plus :-))
Cher Jean Zin,
Je vous conseille le livre de Thierry de Duve: "Au nom de l'Art, pour une archéologie de la modernité..."
Je pense qu'il vous plaira,
Amicalement à tous et merci...
Je n'ai peut être rien compris à Heidegger, mais il me semble que c'est la destinée humaine de périr à cause du réchauffement climatique ?
En tout cas c'est dans son dernier interview qu'il disait :
"seul un Dieu peut nous sauver" en parlant de la question de la Technique.
Il est certainement trop tard pou réagir au niveau Mondial.
Comment la Chine, l'Inde, l'Afrique,... de réchauffe rencore plus la planète ?
Et a priori à cause de l'inertie du phénomène du réchauffement climatique, c'est déjà trop tard.
Je ne me réclame certes pas d'Heidegger, un peu trop nazi à mon goût même s'il ne faut pas trop caricaturer et qu'on ne saurait se passer de son oeuvre. Il n'y a bien sûr aucun Dieu pour nous sauver mais ce n'est pas la technique qui est responsable et ce n'est pas parce qu'un réchauffement est inéluctable les 50 prochaines années, conséquence de nos émissions de CO2 des 50 années passées, qu'il faudrait en rajouter. Le risque d'emballement est grand mais on n'est pas déjà morts, il ne faut pas rendre les armes prématurément. On peut toujours se perdre au royaume des idées alors qu'il y a des questions pratiques à résoudre. Il ne faut pas être trop sûr de la catastrophe, pas plus que de l'éviter, il faut prendre la réalité dans ses contradictions et son incertitude, essayer de garder la mesure sans renoncer à défier le destin.