A l'origine, Peter Sloterdijk met la technique de la pierre, l'émergence d'une vérité technique et l'ouverture au possible d'un devenir, d'un monde qu'on puisse habiter, ouverture à la "clairière de l'Être". C'est déjà une esthétisation, une distance avec la nature qui prépare une habitation protégée de la nature. Dans cet abri, qu'il appelle couveuse, utérus externe, serre ou parc humain autogène, se produit la domestication qui est dès l'origine décadence produisant des monstres qui survivent (parfois) dans la "couveuse" alors qu'ils auraient été éliminés "dans la nature". La nudité notamment n'est pas viable hors une habitation qu'on transporte avec ses habits. Le foyer comme couveuse favorise surtout la prématuration indispensable au développement du cerveau. La décadence provoquée par le luxe de l'habitat protecteur est une infantilisation (néoténie).
Cette prématuration produite par la domestication est à la fois régression des formes et projection dans l'avenir, condition de l'expérience, du souci et du risque qui nous constituent comme être-au-monde mais surtout elle implique l'apprentissage. Cette éducation constitue le véritable habitat mais consiste en ce que le nouveau soit intégré, acquis comme habitude, formant une histoire à laquelle le Mythe met une limite. Pourtant notre destin est ontologiquement l'inachevé, le non-dévoilé, l'ignorance qui augmente chaque jour. "La pensée n'est que l'éclaircissement de la clairière".
Cette ontologie qui refuse la séparation de l'humanité et de la technique croit retrouver cette négation de la séparation sujet-objet dans le concept d'information qui s'inscrit dans la matière et auquel se réduiraient aussi les gènes de la vie. Ce concept d'information serait la fin de l'opposition dominant/dominé et même de la violence de la sélection au profit de la coopération, d'une écologie définie comme homéotechnique (autogène) échappant à l'évolution naturelle (par la manipulation des gènes). Cette pacification n'ira pas sans catastrophes à cause de la résistance du féodalisme, c'est-à-dire des rapports de domination patriarcale, résistance des anciens privilèges de la violence à la généralisation d'une coopération informationnelle.
Le concept directeur de la cybernétique, l'information, est assez englobant pour un jour soumettre jusqu'aux sciences historiennes de l'esprit à la prétention cybernétique. Ce qui est en passe de réussir d'autant plus facilement que la relation de l'homme d'aujourd'hui à la tradition historique se transforme à vue d'oeil en un simple besoin d'information. Mais tant que l'homme s'entendra encore lui-même comme un être historique libre, il se refusera, il est vrai, à abandonner la détermination de l'homme au mode de penser cybernétique. D'abord, la cybernétique concède elle-même qu'elle tombe là sur des questions difficiles. Elle tient toutefois ces questions pour fondamentalement résolubles et considère l'homme comme constituant encore, mais provisoirement, un "facteur de perturbation" dans le calcul cybernétique.
Heidegger distingue l’outil de l’organe inséparable d’une aptitude, aptitude elle-même pulsionnelle et déterminant une dimension de l’espace, l’organe résultant d’une spécialisation, canalisation d’une aptitude originelle de l’organisme. (Les concepts fondamentaux de la Métaphysique : Monde, Solitude, Ennui.)
Pour Sartre "Cet instrument, nous ne l’employons pas, nous le sommes...Ou
bien la conscience survole un univers d’extériorité et ne
peut plus entrer dans le monde d’aucune manière. Ou bien le corps
est donné concrètement et à plein comme la disposition
même des choses... C’est que mon corps s’étend toujours à
travers l’outil qu’il utilise" 388/389