J'aime bien Carlo Rovelli et je suis bien incapable de juger ses théories, que ce soit la gravité quantique à boucles ou l'interprétation relationnelle et relativiste de la mécanique quantique, mais si une physique relationnelle le mène à des formulations qu'une philosophie écologique ne saurait renier, rejoignant de très anciennes spiritualités, il vaut mieux sans doute se garder de sauter directement de l'une à l'autre.
Le monde émergeant d’une conception relationnelle de la physique quantique n’est plus constitué d’éléments indépendants avec des caractéristiques spécifiques mais d’éléments dont les propriétés n’apparaissent que par rapport à d’autres éléments. La réalité en devient ponctuelle, discontinue et de nature probabiliste.
L’interprétation relationnelle nous empêche de décrire le monde physique dans sa globalité : on peut seulement décrire une partie du monde par rapport à une autre.
Comprendre que nous n’existons pas en tant qu’entité autonome nous aide à nous libérer de l’attachement et de la souffrance. C’est précisément en raison de son impermanence, de l’absence de tout absolu, que la vie a un sens et est précieuse.
Cette proximité jointe à la difficulté d'adhérer à plusieurs de ses théories (la place de l'observateur, les réalités multiples, la réversibilité mécanique) m'a incité, non pas à le réfuter, ce qui serait d'une prétention ridicule, mais à présenter une conception alternative, me paraissant plus rationnelle, ce qui, on le sait, n'est pas du tout un gage de sa vérification en physique mais peut susciter des éclaircissements.
C'est surtout l'occasion d'essayer de limiter le déterminisme quantique au niveau quantique justement et non aux autres niveaux, notamment celui du vivant, y réintroduisant une part de liberté, certes très limitée mais qui est au moins la part de doute et de réflexion, d'un vouloir tâtonnant tendu vers sa finalité, son objectif.
Dans ce cadre, qu'on ne puisse avoir une conception globale du monde ne tiendrait pas tant au relativisme de la relation (au perspectivisme nietzschéen) qu'à une multiplicité de niveaux, notamment selon les échelles de grandeur ou d'organisation (passage de la quantité à la qualité) laissant place à de nouvelles déterminations (et degrés de liberté).
L'intérêt de passer d'une théorie du tout à une multitude de niveaux et de théories partielles est surtout de permettre d'introduire du jeu dans le déterminisme physique ainsi que des causalités non mécaniques - impliquant l'information, la vie, c'est-à-dire des actions finalisées, se réglant sur le résultat, inversion de la causalité où l'effet devient cause. Il s'agit de ramener les lois physiques à leur échelle propre, réduire la portée des interactions, notamment quantiques, à ce que Gilles Cohen-Tannoudji appelle leur horizon, la limite spatio-temporelle de ces "théories effectives" à leur niveau, laissant place ensuite à des lois émergentes aux niveaux supérieurs - et non pas relativement à l'observateur.
Pas besoin d'observateur non plus pour que la gravitation force la localisation des particules quantiques en corps pesants, situés sans ambiguïté cette fois, faisant perdre la non-localité quantique au niveau macroscopique. La force de gravitation semble insuffisante au niveau des particules mais à partir d'une masse minimale (sans parler d'une masse planétaire), elle se prouve plus que suffisante pour passer du monde quantique non-local au monde classique gravitationnel - par effondrement de la fonction d'onde - sans intervention d'un observateur là encore. Le réel existe bien en dehors de nous et il n'est pas quantique. Si le temps universel de Newton a été réfuté car le temps est relatif, c'est en un sens précis et universel, temps propre qui dépend de la vitesse et de la gravitation. La dilatation relative du temps est absolument objective, loin de points de vue multiples. Certes, il y a bien une pluralité de temporalités, comme autant de trajectoires qui se croisent, mais c'est autre chose même si ces temporalités propres à des processus objectifs ne dépendent pas non plus du point de vue extérieur.
A l'opposé de la différenciation entre monde classique et quantique, au cantonnement de la physique quantique à l'échelle quantique, certains, pas seulement Hugh Everett, prétendent considérer l'univers entier comme une seule fonction d'onde (la "fonction d'onde universelle"), ou même plus modestement à considérer un laboratoire avec son expérimentateur comme une fonction d'onde unique, comme s'il n'y avait que des interactions quantiques déterministes et des processus linéaires. Non seulement on ignore ainsi la barrière quantique/classique et la décohérence mais on élimine surtout des pans entiers de la réalité et notamment l'incertitude biologique ou cognitive, qui est d'un tout autre ordre que l'indétermination quantique, que ce soit la pulsion animale ou l'action humaine, introduisant l'erreur dans l'équation et de nouvelles ruptures de seuil (catastrophes de René Thom). Ces tendances hégémoniques de la physique quantique fondamentale témoignent de ne pas avoir intégré les limites entropiques, chaotiques et biologiques, limites de l'échelle où elle peut s'appliquer.
La quantification du monde est absurde, la réalité n'est pas quantique, il n'y a pas continuité entre l'instabilité quantique et la stabilité cosmique, de l'espace gravitationnel, sur des temps astronomiques insensibles aux fluctuations quantiques. Ce n'est pas un malheureux hasard qu'on ne puisse voir (sauf exceptions) des propriétés quantiques dans notre monde macroscopique où la matière n'est plus une onde d'états superposés mais un solide pesant. Il n'y a pas continuité des équations mais bien rupture, décohérence, changement de nature. Il est du coup complètement illusoire de prétendre assimiler par pétition de principe des objets macroscopiques à une fonction d'onde - impossible à définir - pas plus qu'on ne peut réduire le vivant et la cognition à des trajectoires mécaniques. L'histoire du chat de Schrödinger est une bonne blague, le chat n'étant pas bien sûr une superposition d'états vivant/mort. L'exemple que donnait Einstein est bien plus juste d'un baril de poudre qui n'est pas plus dans une superposition d'états explosé/ou non, sous prétexte qu'il pourrait être allumé par une superposition initiale qui finit par trancher : pas besoin cette fois d'ouvrir la boîte pour voir l'explosion. [on peut visualiser ces superpositions en prenant l'image d'un tissu qui est tiré en deux directions opposées jusqu'à ce qu'un côté se déchire de façon aléatoire mais irrémédiable]
Le temps mécanique, nous l'avons vu, doit être éliminé de la mécanique classique, de la relativité et de la mécanique quantique, et il peut l'être. Mais le temps thermique est peut-être la véritable grandeur physique qui est à l'origine de notre conception intuitive du temps... effet des moyennes et de notre ignorance de ce qui se passe à l'échelle microscopique, il s'ensuit que l'impression du temps elle-même n'est due qu'à notre ignorance.
Dans sa volonté d'abolir le temps, Carlo Rovelli met en avant la réversibilité des équations mécaniques, pour lesquelles le temps n'existerait donc pas. Pourtant, tout contredit cette réversibilité du temps en premier lieu bien sûr l'entropie qui est mise un peu légèrement sur le seul compte de notre ignorance et des grands nombres, ce qui est un tour de passe-passe irrecevable. Non pas qu'il n'y aurait aucun rapport entre l'entropie et la statistique ignorant le détail des éléments individuels mais, là encore, la tendance à évoluer vers l'état le plus probable est absolument objectif.
Le fait que l'entropie thermodynamique soit seulement statistique et relative à un point de vue, ce que Maxwell soulignait déjà, ne peut servir à nier l'irréversibilité du premier principe depuis le niveau individuel de vieillissement ou de désintégration. C'est au contraire une pure illusion qui permet de nier cette irréversibilité à cause du fait que les équations sont, elles, réversibles, ce qui ne prouve absolument pas qu'on pourrait revenir en arrière ou pire inverser le temps, ce qui est encore plus absurde - on n'inverse au mieux qu'une trajectoire, inverser toutes les trajectoires est impossible et n'a pas de sens, pur artefact théorique ignorant la grossièreté de ces équations, négligeant de nombreuses influences ou probabilités trop faibles, ainsi que les inévitables pertes à chaque interaction. Surtout, la direction du temps est une conséquence de la vitesse de la lumière limitée, de la dilatation progressive du cône de lumière qu'aucune causalité ne peut excéder. Croire pouvoir inverser le temps revient à nier l'ordre des événements, leur succession, le fait d'avoir été, sans compter que cela suppose un temps absolu largement réfuté par ailleurs.
Il faut rendre compte par de meilleurs arguments de la différence entre la prétendue réversibilité fondamentale de la mécanique et l'irréversibilité entropique macroscopique. En précurseur de la théorie du chaos, Prigogine avait montré que d'infimes différences suffisaient à rendre illusoire l'exactitude d'un retour en arrière (et donc l'éternel retour du même de Nietzsche), ce que la météo illustrera, exemple de phénomènes "sensibles aux conditions initiales" à la fois impossibles à reproduire et à prévoir sur le long terme. Cela mettait en cause la déraisonnable exactitude des équations qui relèvent d'une idéalisation ne tenant pas compte des inévitables arrondis, de petites approximations et différences faisant la différence.
Un comportement est chaotique si des trajectoires issues de points, aussi voisins qu’on le veut dans l’espace des phases, s’éloignent les unes des autres au cours du temps de manière exponentielle [..] Après un temps d’évolution long par rapport au temps de Lyapounov, la connaissance que nous avions de l’état initial du système a perdu sa pertinence et ne nous permet plus de déterminer sa trajectoire. En ce sens, les systèmes chaotiques sont caractérisés par un horizon temporel, défini par le temps de Lyapounov. 77
La description des systèmes chaotiques en termes de trajectoires ne peut résister à l’ "à peu près" : toute imprécision dans la détermination initiale de tels systèmes s’amplifie exponentiellement au cours du temps. 96
Nous venons de voir comment l’existence des systèmes chaotiques transforme la notion d’imprévisibilité, la libère de l’idée d’une ignorance contingente qu’une meilleure connaissance suffirait à surmonter, et lui donne un sens intrinsèque. p81
Ces questions ne renvoient pas à une ignorance contingente et surmontable, mais définissent la singularité des points de bifurcation. En ces points, le comportement du système devient instable et peut évoluer vers plusieurs régimes de fonctionnement stables. 61
En fait, il n'y a pas que les théories du chaos, théories déterministes mais seulement à court terme, qui s'opposent à un déterminisme intégral et réversible, où le futur serait donné d'avance, espace-temps présenté comme une réalité compacte déjà là. Au niveau simplement de la physique classique même une trajectoire balistique n'est pas entièrement réversible (et dépend du vent), c'est prendre la carte pour le territoire et faire des équations actuelles, qui ne sont qu'approximations datées, la vérité même, complète et éternelle. Dans la physique quantique, tout contredit un déterminisme strict, que ce soit le caractère non-linéaire intrinsèque des quanta, introduisant des divergences irréversibles, ou la décohérence (l'effondrement de la fonction d'onde) véritable entropie quantique (l'entropie de von Neumann) ne pouvant jamais revenir en arrière - et bien sûr le rôle laissé à l'aléatoire et aux simples probabilités des mesures (aléatoire qui serait pour Alain Connes à l'origine du temps et de l'entropie). Ce rôle est d'ailleurs tout-à-fait reconnu par Carlo Rovelli, avec toutes les interactions relationnelles, mais dont il devrait voir que cela empêche le raisonnement initial de l'absence de temps au niveau mécanique fondamental, au nom de quoi il prétend abolir le temps de ce qui arrive et devient vite passé (comme la diffusion des photons). Impossible pourtant que le dentifrice retourne dans son tube ! Peu importent les regrets ou les remords. L'entropie est bien réelle mais le fondement de la direction du temps est d'abord la causalité. Il y a des événements, on n'est jamais tranquille.
L'existence du hasard (quantique entre autres) et de l'entropie contredisent suffisamment un déterminisme intégral qui ne laisserait aucune place à l'intervention d'une liberté. Mais, plus précisément, il est essentiel de comprendre qu'avec des systèmes informationnels finalisés, basés sur la réaction informée, en contexte d'information imparfaite, l'effet cherché devient cause. C'est ainsi que la finalité s'introduit dans la chaîne des causes qui ne sont plus seulement mécaniques. Il n'est pas question de surestimer notre part de liberté, incontestablement très réduite, mais d'en délimiter l'effectivité et surtout d'en rétablir au moins la possibilité niée dogmatiquement par une causalité quantique totalitaire.
La biologie combinant mémoire (ADN), exploration, boucles de rétroaction, reproduction, sélection après-coup, n'est pas réductible à la physique ni à la chimie. La biologie commence en effet quand ce qui importe n'est plus la molécule, ce qu'elle est, de quoi elle est faite, dont la physique quantique rend compte parfaitement, mais ce qu'elle fait, sa forme et sa fonction qui l'a sélectionnée mais qui échappe à la chimie (ainsi les drogues sont des molécules très différentes des neurotransmetteurs naturels, partageant seulement une même "clé" suffisante pour déclencher les mêmes effets). Au niveau quantique, pas de théorie de l'évolution (sauf à sélectionner les univers viables d'un multivers) ni d'épidémie...
Qu'il y ait une limite à la validité des équations, une indétermination quantique fondamentale et une direction irréversible du temps au niveau cosmique, introduit du jeu dans la causalité physique mais ne suffit pas encore à faire place à la liberté animale qui découle de la cognition introduisant une nouvelle dimension d'imprévisibilité. De quoi s'agit-il en effet ? Non pas qu'on pourrait faire n'importe quoi ni qu'on ne puisse expliquer nos actes par des motivations rationnelles mais que chaque réaction est dépendante de la mémoire du passé, de caractéristiques individuelles ou sociales et des informations disponibles qui peuvent mener à des réactions imprévues, impulsives ou erronées (il n'y a d'erreur que pour une liberté ratant sa cible) - en tout cas rien dans cette intentionalité poursuivant ses fins (sa proie) qui soit de l'ordre d'une fonction d'onde et d'une description quantique.
Comment, par quel mécanisme serait-il possible de contrer des lois physiques et l'entropie universelle ? Comment une liberté peut-elle remplacer le laisser-aller aux lois naturelles par la poursuite de ses fins modifiant l'avenir ? Cela exige des réponses précises élaborées par la cybernétique avant de permettre la conception des ordinateurs et un traitement fiable de l'information. La cybernétique s'inspire complètement du vivant qui sert de modèle et qu'elle généralise en théorie des systèmes basée sur les réactions conditionnelles et la correction d'erreur - qui ne sont pas du tout des notions quantiques mais peuvent être considérées comme les "mécanismes" principaux du vivant permettant sa persistance dans l'être. La finalité biologique comme inversion de l'entropie se construit bien en opposition aux causes matérielles qui la menacent, stoppant des évolutions mécaniques, mais pour cela, la cybernétique qui effraie tant, apportait une limite à notre pouvoir et la gouvernabilité des choses en montrant qu'on ne pouvait atteindre une cible sans corrections de tir, pas moyen pour une finalité de s'introduire dans la chaîne des causes sans se régler sur ses résultats, avec un pilotage réactif et une direction par objectifs laissant la plus grande place à l'auto-organisation plutôt qu'une programmation causale rigide. La notion essentielle ici, c'est la boucle de rétroaction, le feedback, sur le modèle du thermostat qui ajuste le chauffage sur la température mesurée par rapport à la température choisie. Ce n'est plus du tout de la physique quantique !
Il va sans dire que ce n'est qu'un premier niveau de lois d'un tout autre ordre émergeant d'un fondement inférieur (comme la pression émerge d'un nuage d'atomes) et s'échappant formellement des lois (quantiques) de son substrat matériel. Ainsi, en totale contradiction avec ceux qui font de la physique quantique un grand ordinateur à la Matrix (It from the Bit), il faut rétablir que l'information, comme improbabilité et inversion de l'entropie, sort de la causalité quantique pour des causalités biologiques et sociales (non pas l'absence de causes). Le monde de l'information est un tout autre monde que le monde matériel sur lequel il s'est construit, monde pourtant redevenu délocalisé mais malgré tout sous un tout autre mode que les superpositions quantiques, de même que si la vie est produite par son milieu, c'est d'une toute autre façon que les propriétés quantiques sont reliées à leurs relations. Il y a d'autres ruptures comme entre l'animal et l'être-parlant forgé par la technique. Les cultures et civilisations ont leurs propres lois, il y a des stades cognitifs, des progrès historiques quoiqu'on dise, progrès sociaux et scientifiques. Le numérique en rajoute une couche, "immatériel" de plus en plus délié des interactions physiques comme de la biologie. L'émergence de ces nouvelles lois à chaque niveau témoigne bien des limites de tout savoir, éclaté pour cela en sciences distinctes ne pouvant se réduire l'une à l'autre (physique, biologie, psychologie, sociologie), chacune dans son domaine bien délimité et aux prises avec ses propres problèmes.
Bonsoir
Pour beaucoup il est effectivement difficile d'accepter la causalité qui règne dans notre univers car l'impression de liberté de penser, de décider, d'agir est trop forte et cela fait trop mal à l'ego.
On peut aligner des milliers de mots, cela ne change rien, on ne peut pas vouloir ce que l'on veut.
Réponse automatique hors sujet. Il faut lire un article avant de le commenter. La liberté dont il est question ici n'échappe pas à la causalité, ce n'est pas un libre-arbitre inconditionné, mais liberté qui échappe seulement à la causalité quantique, liberté de mouvement animale ou cognitive (comme on dit dans la pub des poulets Loué : libres par nature !).
Mais il faut aussi comprendre l'ensemble.
La théorie quantique n'est qu'une représentation imparfaite de la réalité.
Se baser sur une théorie imparfaite et construire des raisonnement dessus n'amène pas à grand chose. Quand un physicien le fait, il n'obtient qu'une théorie qui doit être confirmée par l'expérience.
Un penseur, philosophe ou autre n'attend pas de confirmation de l'expérience, il construit ses théorie en s'appuyant sur sa raison qui lui semble parfaite. Pourtant l'expérience montre que ce n'est pas le cas, tous les scientifiques le savent bien.
Lorsque vous écrivez "Il n'est pas question de surestimer notre part de liberté, incontestablement très réduite, mais d'en délimiter l'effectivité et surtout d'en rétablir au moins la possibilité niée dogmatiquement par une causalité quantique totalitaire." Vous vous appuyez sur une théorie d'un coté et un ressenti de l'autre.
Sur tout cela on ne peut rien bâtir de concret on ne peut émettre que des hypothèses plus ou moins bancales. C'est aussi ce qui se passe en science avec un foisonnement de modèles mathématiques, de modèles cosmologiques, etc...
Au final c'est l'univers qui tranche à travers les observations et les expériences.
A ma connaissance aucune expérience ne remet en cause la causalité que ce soit au niveau quantique ou cosmologique. Ce n'est pas une négation "dogmatique" c'est juste un constat. C'est ce qui me semble le plus concret pour l'instant. Le reste ....
Désolé d'avoir répondu d'une façon plus globale que le sujet limité couvert par votre publication.
Je me permets d'intervenir dans votre débat car cette phrase m'a interpellé : "A ma connaissance aucune expérience ne remet en cause la causalité que ce soit au niveau quantique ou cosmologique". Et pour cause! C'est parce que nous avons besoin de la causalité pour donner sens à ce que nous vivons que nous cherchons, par l'expérience, des causes aux phénomènes. Aucune expérience ne peut en effet remettre en cause la causalité car la finalité d'une activité scientifique est de trouver des causes aux phénomènes. Si donc aucune cause ne peut être établie, on subodore soit une variable cachée, soit une erreur dans la théorie, soit une escroquerie, soit une perturbation, soit encore un manque de précision sur les conditions initiales. C'est en ce sens que Kant avait parlé d'a priori s'agissant de la causalité, et non d'un fait avéré. L'a priori causal est la condition de possibilité de la recherche de causes.
Non, la causalité n'est pas subjective, elle n'est pas une nécessité de notre entendement mais une réalité physique fondamentale liée à la vitesse de la lumière et orientant le temps (même s'il n'y a pas de simultanéité).
Aurais-je commis un sophisme?
Vous dites "même s'il n'y a pas de simultanéité", mais il y a bel et bien simultanéité. Pire, l'expérience physique montre une coordination sans communication. Il n'y a par ailleurs aucune contradiction avec la relativité puisqu'aucune information ne transite dans l'espace-temps à quelque vitesse que ce soit. Spontanéité pure donc. Certes, ça "sonne" idéaliste, mais il faut commencer à s'habituer au retour de Platon. Par ailleurs, je ne vois aucune raison de limiter le déterminisme statistique "pur" (acausal) au domaine microscopique. La biologie et la psychologie commencent à donner des indications contraires.
Bonjour Monsieur Dornier
Nous pouvons tourner les idées dans tous les sens mais au final nous aurons toujours une relation entre l’intelligence qui donne l’intelligibilité (de l’univers par exemple) et la causalité qui affirme juste la relation entre deux phénomènes la cause et l’effet.
Nous pouvons aller jusqu’à nous poser la question de la possibilité du développement d’une intelligence dans un univers non causal. Comme l’intelligence permet de relier les causes à des effets, donc de construire des modèles prédictifs ; dans un univers non prédictif, non causal l’intelligence ne fournirait aucun avantage évolutif et aurait peu de chance de se développer.
Est ce parce que le l’univers est causal que l’intelligence et donc la science existe, ou est ce parce que nous sommes intelligents que nous voyons un univers causal ?
Je vous laisse trouver la réponse qui vous convient.
La liberté n'est pas sans cause, la liberté c'est juste de poursuivre un objectif au lieu de ne rien faire, objectif bien sûr résultant de causalités biologiques ou sociales.
Je vois.
Si je reformule, l’objectif n’est pas libre, la liberté ce serait la volonté de poursuivre ou pas un objectif. Ce qui fait une association trop étroite à mon goût entre les concepts de liberté et volonté.
C’est très proche du premier sens donné à ce mot par le dictionnaire de l’académie : « Pouvoir d’exercer sa volonté ou d’opérer des choix ».
Pour moi, la liberté est le ressenti, l’impression que nous avons lorsque nous ne percevons pas de contraintes même si ces contraintes existent.
Cette façon de voir est plus proche du deuxième sens donné au mot dans le même dictionnaire : « État d’une personne qui peut agir et penser sans contrainte ».
Le troisième sens semble mieux convenir par exemple au mot liberté écrit sur le fronton de nos mairies : « En parlant d’une personne qui peut disposer d’elle-même, qui n’est pas soumise à une contrainte physique. 1. État d’une personne de condition libre, par opposition à Servitude. »
Autrefois les définitions de la liberté faisaient intervenir le concept d’âme. Jusqu’en 1762 lé définition était : « Le pouvoir que l’âme a d’agir ou de n’agir pas, de faire le bien ou le mal, de se déterminer au choix d’une chose ou d’une autre, de faire ou de ne faire pas. »
Le concept d’âme justifiait d’une certaine façon l’idée de liberté. Par la suite l’idée est restée mais sans sa justification. Le premier sens d'aujourd'hui a une origine religieuse.
Nous ne parlons pas de la même chose, il nous faudrait plusieurs mots pour faire les distinctions et poursuivre la discussion.
Le libre-arbitre inconditionné qui nous rend coupables de nos péchés est effectivement purement religieux mais la liberté (conditionnée) est inséparable de la finalité, agir en vu d'une fin.
Que nos libertés soient très limitées n'empêche pas qu'on puisse les étendre par des mesures sociales, ce qu'on verra dans le prochain article sur le développement humain comme développement des libertés d’action, de capacités à faire.
Ok
Je suis curieux de voir cela.
Mais j'ai l'impression que votre point de vue est souvent basé sur la société et ses lois alors que le mien est plus basé sur l'univers et ses lois.
Nous pouvons agir sur la société et ses lois (mesures sociales) mais cela ne change rien à l'univers.
La liberté sociétale n'est pas mon propos, désolé de vous avoir importuné avec ma vision des choses.
C'est la thèse de Nietzsche: le libre-arbitre comme point d'application religieux de la faute. Personnellement, je trouve cette idée peu convaincante et voici pourquoi. Dans sa réflexion sur les futurs contingents, Aristote pointe sans le dire explicitement vers ce que les théologiens nommeront l'arbitre ou la liberté. Si le futur n'est pas décidé, c'est que l'homme a quelquechose à faire. Mais Aristote n'est pas monothéiste, du moins pas dans le sens chrétien. Ca ne fonctionne donc pas très bien dirait-on.
Décidément Monsieur Zin, je suis en désaccord avec vous. Précisément, la liberté c'est l'acausalité. Si un système correctement préparé donne la réponse A plutôt que la réponse B sous l'observation, il ne faut pas s'imaginer que le système était déjà en A, ce que l'observation n'aurait fait que révéler. Le système, avant l'observation n'était ni A ni B. C'est exactement ainsi que Descartes décrit la volonté dans les Méditations, une "puissance" acausale. C'est aussi un problème pour Descartes au regard du mécanisme ambiant. Mais la physique a changé, et la liberté vraie, c'est à dire acausale, redevient tout à fait pensable. A l'inverse, l'attachement "progressiste" à la causalité ancienne manière est un peu étrange. A mon avis.
Dominique Martin
Je n'ai pas lu le dernier livre de Rovelli. En revanche j'ai lu nombre de livres de Michel Bitbol, qui a développé une approche corrélationniste de la mécanique quantique. Elle a l'avantage de dissoudre tous ses paradoxes. Mais elle a un prix : l'abandon du réalisme naïf. Il me semble que vous devriez vous intéresser à son œuvre (pour en faire la critique le cas échéant).
Cela d'autant plus que le mécanisme de feedback prend naturellement sa place dans son interprétation de la MQ. On pourrait dire que le résultat de la 'mesure' est en quelque sorte le feedback que reçoit l'expérimentateur, et valide ou non ses anticipations. En effet, selon Bitbol, la MQ n'est pas descriptive du réel. Elle est simplement un instrument de calcul des probabilités assignables à un évènement consécutif à une mesure.
J'avais lu, il y a longtemps et cela ne m'avait pas convaincu mais je ne cherche pas à avoir une opinion sur la physique quantique, la seule chose qui me motive est de réfuter ce qui m'apparaît comme des sophismes.
Monsieur Zin
En relisant votre article, j'en comprends mieux la sagesse. En effet, rien ne serait plus dommageable au réalisme que de concevoir la totalité du réel comme un "effet de la pensée". C'est ce que fit Shrodinger en son temps, produisant une philosophie parfaitement idéaliste, quoique puissante. Ce qui est difficile, c'est de concevoir une ontologie qui combine la chaîne de la spontanéité physique, biologique et psychique ( ce qui revient à introduire une apparence de boucles temporelles), et la trame du déterminisme classique (qui respecte l'irréversibilité causale). Tâche difficile entre toutes.
Juste pour info, je viens de finir le livre facile à lire (pas une seule formule) d'un Astrophysicien qui passe en revue un peu toutes les théories existantes (celles de Rovelli sont incluses) sur l'univers et la physique.
Il décrit bien le problème auquel nous faisons face en ce moment aucune de ces théories ne donnant de solution viable. Il fait parfois des parallèles avec les évolutions culturelles de la société et l'apparition de nouvelle idées en physique. Vous le connaissez probablement mais au cas ou ce ne serait pas le cas : "A la recherche de l'univers invisible" de David Elbaz.
Tout ceci m'évoque Hegel. L'élément spontané, soit l'intériorité, accède à l'effectivité en se glissant dans l'élément causal, soit l'extériorité. La liberté (la spontanéité) est à la fin parcequ'elle est déjà là au commencement. C'est la grande différence avec Marx. Pour Marx, l'affirmation nouvelle est toute entière contenue dans la négation du négatif, tandis que pour Hegel, la négation de la négation ne suffit pas, il faut encore qu'une création spontanée s'opère. Cette création débouche sur une forme à la fois hautement improbable et pour la même raison hautement structurée. Sur ce point, il semble que les hégéliens de droite ont vu juste.
Un article intéressant (surtout la fin) de Pour la science qui montre les hésitations sur le fondement de la physique quantique et la dualité onde-corpuscule, certains réduisant tout aux particules, les champs n'étant pas réels mais résultant des interactions entre particules (ce qui pose problème pour les photons et dans les auto-interactions), alors que les autres réduisent tout aux champs, les particules étant remplacées par une énergie ou une charge dispersée pouvant tourner autour d'un axe (spin), ce qui pose problème alors, c'est les différences de masse (interaction avec le champ de Higgs?).
Bien que différent, cela évoque pour moi la question de la gravité dans la dualité quantique/classique et son rôle dans la décohérence. J'ai tendance à penser que les particules n'existent que dans les interactions, et donc dans l'effondrement de la fonction d'onde, sa décohérence. Les champs appartiendraient ainsi à la physique quantique non-locale alors que les particules comme matière pesante appartiendraient à notre monde classique gravitationnel et local ?
https://www.pourlascience.fr/sd/physique-particules/de-quoi-le-reel-est-il-fait-23173.php
(désactiver javascript pour lire l'article)
“J'ai tendance à penser que les particules n'existent que dans les interactions, et donc dans l'effondrement de la fonction d'onde, sa décohérence.”
Un effet clinamen ?
Un autre article prétend que le monde quantique serait le vrai monde et le notre juste une émergence, presque un épiphénomène, c'est ce que je critique, le monde classique est aussi réel que le monde quantique et comporte ses propres lois complexes.
Ce qui est vrai, c'est que les niveaux supérieurs peuvent s'écrouler laissant place aux niveaux inférieurs. Les civilisations peuvent disparaître, la vie s'éteindre, la matière se désintégrer mais la vie est autre chose que la matière, processus et information, la civilisation autre chose que la vie, le numérique autre chose que l'énergie.
https://www.sciencenews.org/article/quantum-theory-history-reality-uncertainty-physics
Des physiciens n'arrêtent pas de délirer sur cette question du déterminisme quantique, en rajoutant même cette fois en parlant de superdéterminisme où tout serait déterminé d'avance y compris nos pensées et nos expériences, sans aucun hasard, on est vraiment dans du lourd, on se croirait dans une gesticulation de théologien !
https://www.scientificamerican.com/article/does-quantum-mechanics-rule-out-free-will/
Hegel avait bien montré (après Fichte) que liberté et déterminisme ne s'opposaient pas car il n'y a pas de liberté d'action sans pouvoir s'appuyer sur le déterminisme. On ne dit non à une détermination que pour dire oui à une autre (on pourrait parler d'un détour du déterminisme, d'un déterminisme différé par rapport au déterminisme mécanique immédiat). Avec l'action la liberté se différencie par sa finalité d'une simple réaction mécanique prévisible. Toute négation est liberté, non pas donnée d'avance, mais toute négation est partielle, locale [inversion locale de l'entropie, entropie statistique irréversible qui est elle-même le produit d'un déterminisme réversible...].
https://youtu.be/wHzLbPJRPXU
Des physiciens tentent encore de donner un fondement quantique à l'entropie alors qu'il y avait déjà l'entropie de von Neumann liée à la décohérence et la perte d'information (qui fait horreurs à certains) mais le plus étonnant, c'est qu'ils voudraient en faire une alternative à l'entropie statistique qui reste pourtant incontournable comme loi des grands nombres et de la probabilité d'évoluer vers l'état le plus probable.
Cela fait longtemps que j'avais souligné qu'il y avait plusieurs entropies (mécanique et statistique), ce que la plupart rejettent voulant qu'il n'y ait qu'un principe unique. Rejeter l'entropie statistique rend l'irréversibilité plus irréversible mais rend impossible la diminution locale de l'entropie qui reste possible pourtant statistiquement et permet même la vie.
Le rejet de l'entropie statistique et de la diminution d'entropie spontanée assimile du coup entropie et énergie, un gain d'un côté devant être compensé par une perte de l'autre, ce qui n'est pas le cas pour l'entropie qui n'est pas linéaire (boucher une fuite ne demande pas autant d'énergie que l'énergie sauvée ainsi). On peut noter enfin encore une fois une conception de l'information fautive...
https://www.quantamagazine.org/physicists-trace-the-rise-in-entropy-to-quantum-information-20220526/