Contre le retour de l’ordre moral

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ordre-moraleNous sommes facilement le jouet de nos émotions. Il y a incontestablement une exaltation de la foule, une puissance des masses qui renforce notre idéal du moi et nourrit pour un temps l’illusion de l’unanimité - si dangereuse à rejeter les récalcitrants hors de la communauté nationale (émotionnelle). On a beaucoup trop parlé de cette communauté retrouvée dont on savait pourtant bien qu’elle serait presque aussitôt perdue - mais dont la nostalgie pourrait nourrir, hélas, les régressions nationalistes et xénophobes. Ceux qui en espèrent plus de solidarité seront sûrement bien déçus alors que, paradoxalement, on récolte plutôt un renforcement du moralisme et de la répression, y compris de la liberté d'expression !

Cependant, au-delà de cette mobilisation générale devant l’ennemi, ce qui distingue cette fois son objet si singulier n’est pas tant la liberté d’expression, erreur vite corrigée par l’emprisonnement de gamins, ni même le droit à la caricature, mais bien plutôt le droit aux transgressions morales si ce n'est aux « gauloiseries » les plus grossières. La façon la plus favorable d’interpréter cette levée en masse en réponse au massacre, avec le slogan identitaire "Je suis Charlie", c’est de constater en effet qu'on ne peut en évacuer ce que cela contient d'opposition résolue au retour de l’ordre moral - auquel on assiste pourtant effarés ! Il ne faut pas se leurrer. En temps ordinaire, cette opposition est loin d'être majoritaire, tant de gens semblent rêver d’un Nouvel Ordre Moral supposé merveilleux et régler tous nos problèmes, sauf que les rêves des uns sont le cauchemar des autres... Le tournant moraliste de la politique est déjà ancien mais c'est une impasse dont il faudrait sortir. On ne peut oublier non plus que les grandes manifestations précédentes étaient dirigées contre le mariage homosexuel au nom des valeurs chrétiennes. Il paraît donc opportun de s’appuyer sur ce qui restait d'immoraliste, de provocateur et de raillerie des autorités dans Charlie Hebdo pour résister aux dérives actuelles et revenir à une conception véritablement laïque de la politique, y compris vis à vis de la morale et des idéologies, fussent-elles déclarées républicaines : droit de ne pas respecter les bonnes moeurs et l'opinion dominante, droit à la liberté individuelle, principe même de la laïcité, dans une stricte séparation du public et du privé !

Poser le problème en ces termes fait vite apparaître que ce qu’on peut appeler l’esprit de Mai68, qui commence par des histoires de dortoirs de filles et finit par déconstruire toutes les normes, se heurte aujourd’hui sur tout le spectre politique à des discours plus moralisateurs les uns que les autres. On peut ressentir une curieuse uniformité sur ce point entre tous les belligérants. Il y aurait peut-être les libéraux qui y échapperaient mais leur cynisme a lassé et ils ne représentent plus rien ici. Paradoxalement on trouve une nouvelle extrême-droite qui justifie son islamophobie au nom du féminisme et des droits des homosexuels, ces acquis de la révolution sexuelle qui nous donneraient le droit de jeter ces barbares arriérés à la mer. Le refus d’une morale imposée reste malgré tout le point sur lequel on peut s’appuyer pour faire obstacle aux politiques répressives.

Il n’y a rien de plus naturel (et trompeur) que les visions morales du monde au point qu'on peut dire que la presque totalité de l'humanité s'en réclame tout en supposant, bizarrement, que les autres en sont complètement dépourvus et sont, pour cela, cause de l'injustice de monde ! Ainsi, les djihadistes sont incontestablement les guerriers de la morale et de la loi divine dont ils veulent forcer l’observance alors qu'ils sont pour nous l'origine du mal et l'incarnation de l'immoralité. C’est leur morale pourtant qui leur donne le droit de tuer et de violer, avec Dieu à leur côté ! On a connu cela tout autant avec les totalitarismes génocidaires. C'est toujours pour le Bien qu'on fait le pire. Il faudrait reconnaître au moins qu'il y a une pluralité de visions morales, si ce n'est leurs contradictions internes, ce qui empêche d'en faire une question politique.

La droite s’est toujours voulue moralisatrice, rien de nouveau de ce côté, c’est à gauche que le moralisme est assez récent même s’il y a toujours eu une gauche morale d’inspiration chrétienne. Depuis la quasi disparition du matérialisme marxiste avec les régimes s'en réclamant, il ne reste plus semble-t-il désormais que des appels à la morale. Du temps de la lutte des classes, on parlait d’exploitation et du partage de la plus-value entre capital et travail. Aujourd’hui, on nous bassine comme à l’Eglise avec notre supposé égoïsme, individualisme, cupidité, consumérisme, réduisant les causes systémiques à des travers individuels. Les camps de rééducation ne sont pas loin. On voit triompher aussi les tendances moralisatrices de l’écologie ou du féminisme, non seulement sans aucune portée mais voulant mettre en cause la séparation entre vie publique et vie privée prétendue politique par un dangereux contresens. Il n’y a pas jusqu’au prétendu comité invisible qui n’en fasse une question d’éthique et de communion mais on pourrait citer toute une série de visions morales de la politique, basées sur une éthique de conviction où nous nous persuadons être du bon côté dans une identification un peu rapide du Bien au Vrai et la certitude de savoir ce que serait une vie bonne (la vraie vie), avec les appels à l’amour d’Edgar Morin, la simplicité d’un Pierre Rabhi, les bonnes intentions du convivialisme ou de Nouvelle donne, sinon la nostalgie du vrai peuple et de sa morale naturelle (mais là on dévie fortement vers la droite à la recherche de ses origines), etc. Stéphane Hessel que j’aimais beaucoup, n’est pas responsable du titre de son petit opuscule mais le succès rencontré par son « indignez-vous » était incontestablement le signe de la moralisation de la politique, sans doute par manque de projet alternatif, remplacé par l’indignation morale.

Pour comprendre l'étendue du problème et son caractère hégémonique, il faut savoir que même les transhumanistes s’y mettent en imaginant réduire notre égoïsme et améliorer notre empathie avec de l’ocytocine notamment. Tous ces gens ne comprennent pas qu’en augmentant l’attachement on augmente tout autant l’agressivité envers les autres (ce qu'on vérifie dans l'armée), l’égoïsme étant le plus souvent un égoïsme de groupe (famille, patrie, parti, entreprise, religion) et donc tout autant altruiste. Une trop grande empathie ne serait d'ailleurs pas sans inconvénients, facilitant la manipulation émotionnelle notamment. C'est assez anecdotique mais révélateur d'une logique faussée qui situe au niveau individuel d'un manque intérieur ce qui relève plutôt de causalités sociales extérieures.

Il semble bien qu’on ne puisse plus échapper à ce prêchi-prêcha jusqu’à ne plus concevoir la lutte contre les injustices et les inégalités autrement que sur le mode sentimental, en jouant sur la culpabilisation d’un côté et la ferveur communautaire de l’autre. C’était pourtant sur de toutes autres principes que se basait une lutte des classes assumée au nom d’un matérialisme économique. Il ne s’agissait pas d’émouvoir les foules, ni attendre des plus riches qu’ils cèdent leur fortune par compassion mais de créer les rapports de force nécessaires à une meilleure répartition des richesses. Faire appel à la raison des hommes plus qu’à leurs sentiments ne veut pas dire qu’on n’aurait pas de coeur. Si Marx s'est résolu à laisser les protestations morales de sa jeunesse pour l’analyse du système de production capitaliste, ce n’est pas parce qu’il aurait perdu toute morale pour devenir un monstre froid, mais par réalisme, par souci d’une véritable alternative et de ne pas s'en tenir aux condamnations morales. La propriété collective des moyens de production était une option rationnelle dont on doit bien reconnaître l’échec mais ce n’est pas une raison pour abandonner tout souci de réalisme en invoquant simplement nos valeurs les plus sublimes. On n’a pas besoin de chauffer les foules pour les soulever contre les pouvoirs mais de tenir compte des évolutions de la production, des nouvelles forces productives à l’ère du numérique, des rapports de force du moment pour construire une stratégie capable de constituer une véritable alternative réorientant l’économie vers le local et le développement humain. Ce n’est pas gagné mais c’est dans cette voie prosaïque qu’on peut mettre quelque espoir et non dans de grandes messes inondées de bonnes intentions. C’est sans doute le symptôme de notre impuissance, qui ne fait que la renforcer, de préférer croire à des utopies que prendre en charge le réel et corriger ses injustices, non pas tant par moralité que par nécessité.

Il n’y a pas que la gauche qui est passée du matérialisme au moralisme. Au moment de la lutte pour la légalisation de l'avortement et pour inscrire dans le droit l’égalité entre hommes et femmes, les féministes aussi étaient très critiques envers la morale comme envers les valeurs "bourgeoises" (maternité, amour, fidélité, etc.), ce qui est très différent du nouveau politiquement correct qui s'immisce dans les relations intimes, traque la domination masculine jusque dans la chambre à coucher et rivalise d’indignation contre l’amoralité des hommes ! C'est devenu une volonté folle de normaliser toute la société, éliminer toute conduite déviante, mais, curieusement, cette rage d’égalité complète entre les sexes (ou de protection du sexe faible contre le fort ?) ne remet plus du tout en cause les inégalités sociales ni la réussite financière, revendiquant au contraire de pouvoir accéder aux postes de direction autant que les hommes ! Qu'on ne s'y trompe pas. Le féminisme reste essentiel et doit se renforcer, une des plus grandes révolutions anthropologiques sans doute, basées sur des évolutions matérielles irréversibles (contraception, machine à laver, travail immatériel). Il ne touche encore cependant qu’une petite partie de l’humanité et l'on voit bien que, pour les autres, la lutte pour l’égalité des sexes reste essentiellement juridique et organisationnelle, égalité qui ne peut se faire qu'avec les hommes et des mesures concrètes, non pas sur ce mode culpabilisateur où tout le mal viendrait de l’autre. Il est assez comique de vouloir élever les scènes de ménages au statut d’enjeu politique, ce qui est bien dérisoire et ne fait pas du tout avancer la cause des femmes quoiqu'on en pense !

La chose est un peu différente et encore plus paradoxale avec les écologistes car, s’il y a bien un domaine où il ne suffit pas de faire la morale et se reposer sur des conduites individuelles, c’est bien l’écologie qui devrait être on ne peut plus matérialiste. Il faut avouer que sur ce plan, les écolos ont péché plutôt par un idéalisme tenace, précurseurs du moralisme ambiant, avant nos modernes décroissants, avec notamment la traditionnelle simplicité volontaire sans aucun impact notable bien sûr, sinon d'être content de soi. Heureusement, il y a eu des gens sérieux qui ont attiré l’attention sur les limites matérielles, depuis le rapport de Rome sur les limites de la croissance jusqu’au GIEC qui nous alerte sur les risques d’un réchauffement trop brutal. Cependant, de ce côté aussi manquent les réponses politiques qui devraient s’élaborer collectivement si les écologistes radicaux ne restaient si obstinément utopistes et marginaux. Abandonner un moralisme écolo insupportable pour des dispositifs concrets au service de la relocalisation et du développement humain serait une urgence pour une écologie bien mal en point. Il y a des politiques vitales à défendre, notamment pour réduire le réchauffement et s'adapter à l'ère du numérique, mais il ne s'agit pas de faire n'importe quoi ni de suivre des principe moraux intangibles, seulement de mettre en place des expériences et de coller à la réalité et ses évolutions. Faire la morale ne servira à rien ! Mieux vaudrait revenir là aussi à une conception véritablement laïque de la politique où ne s’affrontent pas des valeurs ou de simples mots d'ordre mais des propositions concrètes pour nous sortir de l’impasse écologique tout en adaptant les rapports de production aux nouvelles forces productives.

En fait, le retour à l'ordre moral auquel on assiste, et qui vient seulement couronner la tendance de ces dernières années, s'imagine pouvoir restaurer un ordre social brisé par l'individualisation des parcours, la mise en cause du patriarcat et la destruction des liens traditionnels, mais surtout compenser les ratés de la république et des politiques antisociales par une plus grande fermeté et répression. Cette montée de l'intolérance vise aussi à liquider le caractère transgressif de Mai68, et, certes, il fallait mettre un bémol à cette passion de la transgression à la fois un peu vaine et trop systématique qui m'agaçait tout autant. Ce n'est pas une raison pourtant d'accepter le rétablissement de l’autorité prôné par le gouvernement et tous les réactionnaires, ni pour réduire la vie à une carrière professionnelle. C’est là où l’on devrait pouvoir s’appuyer sur ce qui restait de l’héritage libertaire et libertin de Charlie Hebdo autant que sur la terreur qu’inspirent les islamistes pour s’opposer à la moraline qu'on nous déverse de partout et au renforcement des contrôles policiers. Ce qui pourrait aussi participer à desserrer les liens de nos sociétés de contrôle et nous délivrer des personnalités autoritaires et psychorigides, ce serait de donner un nouvel élan à un psychédélisme exploratoire qui ouvre l’esprit, au lieu de l’enfermer dans des règles, avec la libéralisation des drogues qui s’amorce à l’étranger et finira bien par toucher nos professeurs de vertu nationaux, tellement attachés à un interdit complètement contre-productif pourtant ! Ce n'est pas ce qui règlera plus que la morale l'extension de la précarité et le creusement des inégalités qui nécessitent des politiques actives, juste de quoi améliorer les choses et nos conditions de vie par rapport à un raidissement rigoriste.

S’attaquer à l’hypocrisie sociale et la férocité du surmoi ne signifie bien sûr pas du tout qu’on serait dépourvu de morale dans notre rapport aux autres mais que la morale est une affaire privée qui ne peut servir de politique et s’imposer à tous. Au lieu de prétendre à une morale républicaine figée, c’est sur ce plan aussi qu’il faudrait respecter une stricte laïcité, refuser ce nouveau bourrage de crâne dont le caractère suranné est bien trop visible. Tous les discours patriotes prononcés par cette drôle de gauche pourraient ne faire que préparer le terrain de l’extrême-droite nationaliste. Disqualifier la morale en politique, trop facilement manipulable, usurpée et complètement vaine, n’est pas renoncer à la politique ni à des buts moraux, au contraire, mais selon une éthique de responsabilité cette fois (conséquentialiste). La question posée à une démocratie est celle de son organisation collective pour tirer parti des potentialités de la situation et non pas de se constituer en communauté fusionnelle, ce qui est la voie fascisante. Que la politique ne soit pas avare d’émotions et de moments de grande solidarité comme de violences, ce n’est pas l’essentiel car ce n’est pas un jeu ni un spectacle, la politique est vitale pour notre avenir et des enjeux bien matériels, non pour donner libre cours à toutes nos utopies morales qui n’ont rien de nouvelles et font assurément de très belles chansons, mais qui n’ont rien à voir avec la politique réelle. La politique effective est un processus en progrès qui vient de loin même s’il connaît des retours en arrière, en toute bonne dialectique, ainsi que des emballements irrésistibles plus ou moins ravageurs. On ne peut en attendre de miracles mais au moins de ne pas nous précipiter dans la catastrophe. Nous ne sommes pas, en tout cas, à la fin de l’histoire (ne sais comment tout cela finira) mais il y aura toujours une gauche et une droite pour s’affronter au nom de valeurs et d'intérêts contradictoires, ce qui est mieux comme cela et devrait nous faire renoncer à vouloir imposer notre morale aux autres. Il faudrait du moins montrer qu'on s'y oppose.

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22 réflexions au sujet de “Contre le retour de l’ordre moral”

  1. Plutôt qu'une marche "Je suis Charlie", une marche de 3 millions de personnes " A bas l'austérité" aurait été plus utile, Hollande et Merkel ne seraient pas venus pointer leur museau pour faire la récup. Là on aurait eu une contestation politique, pas des larmoiements improductifs.

  2. "Je suis Charlie" ou "A bas l'austérité " sont des slogans , le premier exprimant une émotion , le second une revendication.

    La politique ne peut se réduire à des contestations ou revendications ; par exemple "A bas l'austérité" réclame à juste titre une meilleure répartition des richesses , le système économique devant servir beaucoup plus à préserver le niveau de vie des populations que favoriser les très grandes entreprises et la finance .
    Mais on ne touche là qu'à la surface des choses : il faut réfléchir à un système économique et financier alternatif permettant de penser global concernant certes une meilleure répartition des richesses mais aussi une réflexion sur la production de richesse elle même , sur ce qu'est la richesse dans le contexte global où se placent nos sociétés , l'enjeu écologique étant lui aussi prégnant.
    Bref , la politique c'est réfléchir ensemble. Il y en a vraiment besoin pour l'après Charly.

  3. Je regrette beaucoup que Dieudonné se soit rapproché de Soral plutôt que de Charlie ou de Siné où il aurait eu moins de chances de déraper. J'espère toujours qu'un jour il arrête ses conneries, qu'il redevienne comme au moment de son spectacle "Le mariage de Patrick". Aujourd'hui il n'aurait pas volé une bonne caricature de Coulibaly tenant une arme et muni d'une affichette "Je suis Dieudonné" (cette affichette existe d'ailleurs).

      • J'avoue que le débat sur Dieudonné , Soral, me gave : pour moi c'est simple : ces personnes font ,disent et écrivent ce qu'elles veulent ; il y a des lois qui existent et des lois qui sont à améliorer qui existeront et qui permettent de donner des règles à la vie publique, règles qu'il faut appliquer .
        Ces règles sont applicables à Dieudonné comme elles le sont à Valls et Hollande ; le problème qu'on a c'est bien de produire de bonnes lois et de bien les appliquer . Tout le monde bavasse de tout ce qui est bien ou mal et de ce qu'il faudrait faire , sans prendre en compte le fait que la vie publique se produit par des lois et des politiques ,une chose allant avec l'autre. Ce travail politique de réflexion , de préparation ,de suivi et d'évaluation des politiques publiques et des lois produites est remplacée par le bavardage sur Hollande qui a monté de x points , valls qui a dit ça Soral qui a fait ça .

  4. Bonjour,

    Plusieurs réflexion suite à votre texte

    Tout d'abord, personnellement je trouve effarant, et symptomatique aussi de ce que véhiculait depuis une quinzaine d'années Charlie Hebdo, qu'un titre crée par les contraintes d'une censure d'Etat après un blasphème laïc, devienne le symbole de la patrie en danger. Ceci étant dit, je ne pense pas que l'enjeu principal dans cette affaire soit la morale. A mon sens la morale Républicaine et laïque sert de cache-sexe, à un ordre existant aux abois et dans l'impasse, pour ressouder la population autour de valeurs symboliques, héritées de concepts aujourd'hui inopérants (si tant est qu'ils l'aient été un jour).

    Cet impératif de morale sert de pretexte aussi à une mobilisation guerrière dont l'enjeu est le contrôle des ressources et la poursuite de la fuite en avant techno-scientiste. Vous soulignez très justement que la morale n'est pas politique en elle même, et si elle est promue, ce n'est pas un hasard. Elle permet une vision binaire du monde, très utile pour tuer le politique, et ceux qui sont maître du jeu ont tout intérêt à ce que ce sentiment infuse les société, tout comme elle a intérêt à ce que le fondamentalisme religieux et sectaire persiste.

    C'est pourquoi, il est vain je pense de reprocher à un certain écologisme décroissant d'appliquer à sa vie une morale rigoriste. Si je préfère donner mon argent à un petit paysan, plutôt qu'à un géant de la grande distribution, c'est un acte politique avant d'être un acte moral; En faisant cela, j'aimerais que la poulation m'imite et mette à genoux les multinatianales; La morale n'a rien à y faire, la dedans. D'autres part les écolos qui s'investissent dans les ZAD ont un comportement politique, et je ne vois pas en quoi ils s'enferment dans la marginalité, puisque leur luttes s'inscrivent dans un territoire; C'est la doxa qui les enferment dans la marginalité, et refusent de prendre en considération leur discours.
    Ceci étant je vous rejoint sur le coté cureton moralisateur de la simplicité volontaire promue par le journal la décroissance qui plutôt que de construire traque les conduites déviantes et promeut une certaine culpabilisation contre productive.

    Sur l'illusion psychédélique, je suis confondu devant tant de naîveté, ayant été confronté à l'impasse, et au piège que peut constituer le THC, qui plutôt que détruire les rapports et psychorigides les renforcent en favorisant la fuite, le repli, et le radotage précoce. Et je dis cela sans nier tout que cela peut avoir de bénéfique et de réconfortant dans certaines circonstances. Et je suis aussi favorable à la fin des politiques répressives, mais sans illusions excessives sur la portée politique de l'usage de la plante.

    Sinon je suis plutôt d'accord avec votre conclusion.

    Bien à vous

    • Comme je le dis dans le texte, le retour en force de la morale républicaine n'est que le couronnement d'une évolution générale où tous le partis jusqu'aux plus extrême font de la morale plus que de la politique, pas seulement le gouvernement. Il faudrait espérer qu'après cela, ce soit le reflux mais rien de moins sûr. J'avais critiqué à mainte reprise le moralisme de la gauche, des écolos et des féministes, je ne fais ici que faire le constat qu'il n'y a plus que ça et que c'est dangereux même si les manifestants se sont ressoudés tous seuls.

      Les ZAD c'est très bien et les luttes locales sont importantes mais pas à la hauteur des enjeux vitaux. La question de la relocalisation et d'alternatives locales devrait être une priorité nationale alors que cela reste très marginal pour l'instant et trop souvent moralisant, effectivement, mais je désespère des écologistes depuis longtemps...

      J'ai aimé la période psychédélique qui était très créative et j'y fais allusion pour leur incompatibilité avec les discours moralisateurs et normatifs mais bien sûr, toute drogue est dangereuse, peut nous échapper et nous détruire comme tout véhicule. Le cannabis pose des problèmes mais il ne faut pas exagérer, moins que l'alcool et cela semble se passer pas si mal au Colorado. Ce mouvement est enclenché et je trouve que cela nous sort de la période étriquée précédente et des sermons actuels. C'est bien sûr par provocation contre cet ordre moral que j'en parle, l'essentiel étant de sortir de la morale pour des politiques alternatives, un féminisme et une écologie plus matérialistes.

  5. "Les ZAD c'est très bien et les luttes locales sont importantes mais pas à la hauteur des enjeux vitaux. La question de la relocalisation et d'alternatives locales devrait être une priorité nationale alors que cela reste très marginal pour l'instant et trop souvent moralisant, effectivement, mais je désespère des écologistes depuis longtemps..."

    Le lien entre les luttes locales ZAD et la relocalisation + l'alternative locale , c'est l'absence de pratique et méthodologie politique; ou dit autrement l'absence de la démocratie.

    C'est parce qu'il n'existe pas de pratique démocratique organisée concernant les décisions politiques qu'on peut prendre sur des sujets touchant à l'aménagement et au développement des territoires locaux que se constituent les ZAD;
    De même concernant la nécessaire relocalisation et émergence de l'alternative , c'est l'absence de structures et de pratiques d'élaboration collective des politiques locales et nationales qui laissent les acteurs bras ballants, dans la confusion dans un face à face d'affrontement plutôt que cognitif . C'est cela qui crée le sentiment d'impuissance , et toutes les dérives de moralisation , création de boucs émissaires et solutions simplistes.

  6. Je signe ce texte, oui les alternatives concrètes fondées sur une approche matérialiste de la situation, sont le meilleur rempart face à la barbarie morale (ou son contraire) qui s'annonce.

    Tant que nous ne prenons pas ce taureau par les cornes, nous serons des "Charlots" 😉

  7. Nous naissons à nous-mêmes comme sujets, c'est à dire comme des êtres irréductibles à ce que les autres et la société nous demandent et permettent d'être. L'éducation, la socialisation, l'instruction, l'intégration nous apprendrons à être Autres parmi les Autres, à renier cette part non socialisable qu'est l'exprérience d'être sujet, à canaliser nos vies et nos désirs dans des parcours balisés, à nous confondre avec les rôles et les fonctions que la mégamachine sociale nous demande de remplir. Ce sont ces rôles et ces fonctions qui définissent notre identité d'Autre. Ils excèdent ce que chacun de nous peut être par lui-même. Ils nous dispensent ou même interdisent d'exister par nous-mêmes, de nous poser des questions sur le sens de nos actes et de les assumer. Ce n'est pas le "je" qui agis, c'est la logique autonomisée des agencements sociaux qui agit à travers moi en tant qu'Autre, me fait concourir à la production et reproduction de la mégamachine sociale. C'est elle le véritable sujet. Sa domination s'exerce sur les membres des couches dominantes aussi bien que sur les dominés. Les dominants ne dominent que pour autant qu'ils la servent en loyaux fonctionnaires.
    André Gorz

    sur mai 68 : c'est l'esprit pirate , de l'intelligence et du jeu ( de la guerre ) qui est à conserver , un New age , quand la chouette de minerve fond sur sa proie dans la nuit et dans la neige .... et qu'on ressorte les théories du potentiel humain de derrière les fagots , si t'as la dalle t'inquiètes , je ramène le teushi et les fayots !! il y a l'agent qui fonctionne (à rebours de nos motivations consciente ), l'acteur qui joue (un rôle ) !! et le sujet qui émerge , quand émerger c'est laisser choir ( nos bads treap et nos devoirs) , comme la chouette de minerve qui pour apprendre à voler , doit commencer par apprendre (à bien) tomber ...

    • le malheur de la subjectivité c'est peut être son piège : comme le miroir aux alouettes ... l'époque nous emporte , l'idéologie nous embarque : comment résister , comment s'organiser ? comment intervenir ?? qu'est il possible de faire et d'espérer ??

      • et ce monde qui sais cesse nous écorche , quand moi et mes potes on crèche sous des porches ! et nous dégueulons la nuit ce qu'il nous reste de fierté sur des murs couverts de pisse : coupable d'avoir jacqueter trop de conneries à trop d’hypocrites !! et la France sarkozienne on lui fait la nique , et à la réinsertion on lui fait sa mère !!

    • tu dis jean:

      "donner un nouvel élan à un psychédélisme exploratoire qui ouvre
      l’esprit, au lieu de l’enfermer dans des règles, avec la
      libéralisation des drogues qui s’amorce à l’étranger et finira bien
      par toucher nos professeurs de vertu nationaux, tellement attachés à
      un interdit complètement contre-productif pourtant !"

      bien d'accord !! moi je mise sur les drogues de synthèses des drogue-designer chinois c'est légal et souvent c'est une méthamphétamine ... si au moins on pouvait faire comme en angleterre où c'est les pharmaciens et les labo pharmaceutiques qui fabrique avec un gage de qualité et d'hygiène : il y a certainement dans tout ce que je me suis enfilé depuis 5 ans de grandes molécules , je me souvient, du spice , de clover , de duth orange mix , d'osmium !! et franchement de quoi ringardiser le thc qui rends finalement assez peu productif ...

      • Chacun est différent et choisit sa drogue en fonction. Les amphétamines font agir plus que penser, c'est du dopage pour le travail et il est certain que la prohibition favorise les drogues chimiques sur les plantes mais je préfère ces substances naturelles sélectionnées par des générations d'utilisateurs, sauf le LSD qui a l'avantage sur les psychédéliques naturels de ne pas faire gerber...

        Ceci dit, le psychédélisme était très mal vu en Mai68, on était trop sérieux et dogmatiques, n'ayant pas tellement pris chez nous, ce qu'a essayé de faire Actuel. C'est après-coup seulement qu'on y voit un mouvement unique de libération avec le féminisme qui suivait sa propre voie mais participait tous à l'ambiance de l'époque. Il ne s'agit pas de revenir en arrière comme si on n'avait rien appris de nos échecs mais qu'en bonne dialectique, une négation est toujours partielle, ne pouvant tirer un trait sur ces erreurs de jeunesses, qui resurgissent toutes seules, il s'agit d'y revenir avec plus de raison mais sans avoir peur de la liberté.

      • Dans mon cas l'usage du cannabis était intéressant quand il demeurait peu fréquent. Un moment c'était quotidien et je ne trouvais plus l'intérêt d'un usage devenu habitude, l'effet de contraste disparaissait.

        Un peu comme si je faisais un saut Benji tous les jours, l'adrénaline baisse...

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