 Ce n'est certes pas le moment de tirer des plans sur la comète ni de rêver à quelque sixième république fantasmée. On doit plutôt s'attendre au pire dans les années qui viennent avec sans doute une droite dure décidée à démanteler nos protections sociales et l'effondrement annoncé du parti socialiste. Il ne semble pas qu'on prenne la mesure de notre situation catastrophique avec le chiffre officiel de 3 millions et demi de chômeurs et près de 6 millions d'inscrits au total (auquel on peut ajouter 1 ou 2 millions qui ne sont plus inscrits). Avec ça, inciter les chômeurs à rechercher un emploi est mission impossible. Plus durablement, la précarité se généralise avec la perte des droits sociaux attachés au salariat traditionnel. Cela fait des millions de vies détruites et participe à la désespérance générale sinon une colère sourde pas forcément orientée sur les véritables coupables.
Ce n'est certes pas le moment de tirer des plans sur la comète ni de rêver à quelque sixième république fantasmée. On doit plutôt s'attendre au pire dans les années qui viennent avec sans doute une droite dure décidée à démanteler nos protections sociales et l'effondrement annoncé du parti socialiste. Il ne semble pas qu'on prenne la mesure de notre situation catastrophique avec le chiffre officiel de 3 millions et demi de chômeurs et près de 6 millions d'inscrits au total (auquel on peut ajouter 1 ou 2 millions qui ne sont plus inscrits). Avec ça, inciter les chômeurs à rechercher un emploi est mission impossible. Plus durablement, la précarité se généralise avec la perte des droits sociaux attachés au salariat traditionnel. Cela fait des millions de vies détruites et participe à la désespérance générale sinon une colère sourde pas forcément orientée sur les véritables coupables.
Les politiques démontrent leur impuissance à influer sur ces phénomènes économiques massifs et on peut trouver assez risible que face à cette marée, on annonce 10 000 emplois aidés de plus ! histoire de dire qu'on fait ce qu'on peut, sans doute, mais qui fait une belle jambe à tous les autres chômeurs... On retrouve cette disproportion entre l'étendue du problème et le léger des solutions qu'on prétend y apporter avec ceux qui défendent encore une réduction du temps de travail. En dehors du caractère complètement irréaliste de cette revendication dans la France actuelle, alors que les 35h risquent plutôt d'être abrogées, ce qui frappe, c'est qu'on ne pourrait en attendre qu'une centaine de milliers d'emplois dans l'immédiat, ce qui ne serait là encore qu'une goutte d'eau par rapport aux millions de chômeurs. Les 35h avaient effectivement créé 300 000 emplois sur le moment, pense-t-on, mais si cela nous avait protégé durablement du chômage, cela se saurait, ne pouvant constituer une réponse proportionnée. Il y a une véritable dissonance cognitive dans ce type de propositions complètement déconnectées de la réalité, tout autant que dans les rêves de plein emploi à coup de grandes politiques macroéconomiques.
Au lieu d'imaginer des utopies trop belles pour être vraies, et qui ne servent à rien, ou se fixer sur des micro-mesures qui ne sont pas à la hauteur du problème, il faudrait d'abord reconnaître, contre les chantres de l'optimisme à tout va, l'urgence sociale et la gravité de notre situation qui ne se réglera pas d'un coup de baguette magique (en sortant de l'Euro, de l'Europe, du Monde). Il faudrait surtout reconnaître qu'il y a une transformation du travail assez radicale et que c'est cela qu'il faut affronter, y adapter nos institutions pour ne pas détruire de précieuses compétences ou aggraver la précarité de nos vies. La question est très embrouillée car certains, comme au temps de la grande crise précédente, prétendent que c'est la fin du travail, "la grande relève de l'homme par la machine" de Dubouin, alors que l'essentiel du chômage est monétaire, macroéconomique, comme en toute crise. Les robots arrivent mais ne sont pas encore là, alors que le chômage les précède au contraire et devrait pouvoir se réduire malgré l'automatisation. Ce qui ne se réduira sans doute pas, c'est une précarité qui a plutôt tendance à s'étendre, devenir structurelle. Il y aura peut-être une fin de l'emploi salarié au profit du travail autonome, ce qui est tout autre chose qu'une fin du travail et pose d'autres problèmes que ceux du travail salarié. Plutôt qu'une fin du travail qui arrête la pensée, ce qu'il faut penser, ce sont bien les transformations du travail à l'ère du numérique.
Normalement, le chômage devrait donc finir par baisser un jour ou l'autre mais il est malgré tout probable qu'il reste élevé, si l'on ne fait rien. On pourrait au contraire tirer partie de l'urgence pour changer de modèle de protection sociale, l'universaliser et notamment en imposant un revenu de base pour tous, devenu indispensable dans notre situation. Cependant, je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il suffit d'un revenu minimum mais qu'il faut absolument le compléter par les institutions du travail autonome pour sortir du productivisme et donner accès au travail choisi, si possible au plaisir dans le travail, au lieu d'être condamné au désœuvrement et à la misère.
C'est la fonction que j'avais dévolue aux coopératives municipales, dans la nécessité d'une relocalisation et de la réappropriation démocratique de l'économie locale (complétée par des monnaies locales). L'intérêt aussi, c'était de permettre l'action locale sans attendre, à notre niveau. Cela me semble toujours l'idéal mais sans doute trop idéal puisque n'ayant produit aucun résultat depuis plus de 10 ans déjà. Même si des expériences commençaient maintenant, cela n'aurait aucun impact significatif avant très longtemps. Tout en s'inspirant de l'esprit des coopératives municipales, si c'est possible, il serait donc sans doute plus efficace de faire des institutions du travail autonome un service public, ce qui correspond mieux apparemment à la culture étatique française (avec les risques associées de bureaucratisation et de moindre démocratie).
Pour faire référence à notre histoire, on peut dire qu'il s'agit d'une certaine façon de rouvrir les Ateliers Nationaux de 1848 de bien triste mémoire puisque leur échec immédiat devait mener tout droit au second empire (sur la promesse de supprimer le paupérisme). L'évoquer, c'est envisager la difficulté de la chose mais les conditions sont tellement différentes qu'utiliser cette appellation aujourd'hui ne peut être qu'ironique. Il ne peut s'agir d'occuper tout le monde à des travaux de terrassement mais, tout au contraire, de donner les moyens du travail choisi à chacun, dans sa diversité, avec notamment des FabLabs, etc. Si cela se rapproche par certains côté d'un service national de l'emploi qui serait bien plus ambitieux que l'actuel, véritable instrument du développement humain, la grande différence c'est d'être beaucoup plus tourné à la fois vers le travail autonome (pas seulement le salariat) et la production locale.
Il n'y a aucune assurance que ce soit viable et que cela vaille mieux que les utopies les plus inutiles, on ne voit pas quelles forces l'imposerait. La tentation peut être forte, dans le cadre d'un service public, de ne pas rester dans la recherche d'un travail choisi, du développement de l'autonomie, pour forcer une mise au travail coûte que coûte, sans aucune correspondance avec les compétences propres, ce qui serait l'horreur et l'échec assuré. Les ateliers nationaux sont là-dessus le modèle à éviter. Il y a aussi un côté paradoxal à devoir faire le détour par le national pour revenir au local (en perdant son caractère alternatif) mais ce serait une façon de donner plus d'ampleur à la relocalisation en la généralisant ?
Tout cela paraîtra bien plus utopique qu'une nouvelle RTT, pourtant si illusoire, et ne faisant qu'ajouter à la confusion ambiante mais ce nouvel axe de réflexion a du moins la vertu de focaliser l'attention sur l'essentiel : l'organisation du travail à l'ère du numérique, de l'unification du monde et de la prise en charge des contraintes écologiques. Il ne s'agit pas seulement de faire baisser le chômage en injectant des liquidités dans l'économie, ni même d'assurer un revenu à tous mais de se préparer au monde qui vient, faire de la crise un levier pour l'avenir, reconstruire sur de nouvelles bases en donnant toute son importance aux territoires.
S'il n'y a dans le contexte actuel aucune chance qu'on refasse des ateliers nationaux - mais quoi d'autre ?-, en ranimer le souvenir aura au moins l'intérêt de prendre la dimension de la crise que nous vivons et de permettre de poser la question en ces termes, on ne peut plus matérialistes, d'organisation de la production, matérialisme qui manque si cruellement à une gauche engluée dans l'idéologie. La véritable difficulté, en effet, c'est non seulement les masses en jeu mais l'impossibilité de se mettre d'accord sur ce qu'il faudrait faire, entre passéistes dépassés, utopies religieuses ou morale et la simple adaptation des rapports de production aux nouvelles forces productives comme au nouvel ordre du monde pour en réduire les souffrances sociales. A tous les coups, ce sont les démagogues qui ramassent la mise à la fin, en promettant à chacun ce qu'il veut entendre...
 
					 
		 
               
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