Profitant d'une panne de mon accès internet, j'ai vu sur Arte hier des rediffusions de films sur la pauvreté bien intéressants.
Le premier (Why Poverty - Donnez votre argent !) était consacré à l'aide au développement et au rôle des vedettes médiatiques (Bob Geldof et Bono) dans la mobilisation de l'opinion publique.
Le deuxième film (Pauvres de nous, voir la vidéo) était encore plus intéressant dans sa démonstration du fait que la pauvreté d'un pays était loin d'être naturelle mais bien résultat du pillage par l'occident à l'opposé de la propagande colonialiste. Les sociétés traditionnelles d'Amérique comme d'Afrique ou d'Asie étaient riches et ne connaissaient pas la misère avant l'arrivée des Portugais puis des Espagnols (c'est à relativiser car il y avait de l'esclavage et parfois pour dettes). En tout cas, on ne connaît pas assez la richesse des empires africains qu'on a colonisés, parmi les plus riches parfois comme l'empire du Mali, Kankou Moussa inondant l'Egypte de son or au XIVè siècle alors que l'Europe faisait figure d'arriérée par rapport à la civilisation musulmane. Si ces pays sont devenus pauvres, c'est qu'on les a saignés et détruits de toutes sortes de façon (par exemple en supprimant leur monnaie de coquillages comme par la dette ensuite) en profitant d'une supériorité technique et surtout militaire. Il faudrait sans doute ajouter la médecine provoquant des surpopulations mais, en tout cas, ces populations n'étaient pas dans l'état de sous-développement où notre propre développement les a mis (on pourrait parler aussi du déclin de la Chine après la guerre de l'opium).
On a vu avec Alain Testart que la pauvreté a commencé avec la propriété de la terre, privant les sans terre de ressources, mais il semble bien, qu'à partir du Moyen-Âge et l'expulsion des mendiants des cités (au contraire des pays musulmans), l'Occident chrétien se soit caractérisé par son manque d'humanité et la misère qu'il produit partout, notamment dans ses colonies. Tout cela avant même le capitalisme industriel qui créera en même temps richesses et misère à un niveau jamais atteint.
Malgré son excès de richesse, la société civile n’est pas assez riche [...] pour remédier à l’excès de pauvreté qu'elle engendre dans la population.
Hegel, Principes de la philosophie du droit, § 243-245, p. 322-324 (1821).
Ce lien entre capitalisme et pauvreté était tellement évident au temps de Marx qu'il lui avait fait croire à une paupérisation croissante du prolétariat, ce que la suite a démenti jusqu'ici, avec ce qu'on appelle le compromis fordiste et la société de consommation, où ce sont les salariés qui sont les clients des produits qu'ils produisent. C'est ce qui est menacé par la concurrence des pays les plus pauvres, mais il y a là aussi malgré tout un sens de l'histoire sur lequel on peut s'appuyer même si l'époque est plutôt à essuyer défaite sur défaite.
Il y avait un lien tout aussi clair entre impérialisme ou colonialisme et pauvreté. Il semble que celui là aussi pourrait être brisé avec la nouvelle donne mondiale, la réduction des guerres comme jamais, la planète numérique et le développement des pays les plus peuplés (avec les problèmes écologiques globaux que cela pose).
Les tendances lourdes des dernières décennies justifiraient d'être assez optimiste sur le recul de la pauvreté dans le monde, jusqu'à l'affirmation catégorique d'Esther Duflo de sa prochaine disparition ! C'est bien contestable au regard de ces dernières années de crise mais sans doute pas sur le plus long terme. Les stratégies mises en valeur sont ici le micro-crédit, la scolarisation des enfants contre indemnités au Brésil et, enfin, le capitalisme débridé des Chinois qui malgré son caractère esclavagiste a effectivement diminué le nombre de pauvres même s'il en a précipité aussi beaucoup dans la misère. On peut s'interroger d'ailleurs sur les critères de la pauvreté, monétisée en dollars, manifestant simplement l'intégration du marché mais il semble bien, malgré tout, qu'on s'oriente depuis peu vers un relatif enrichissement des pauvres avec le développement des pays les plus peuplés. Les facteurs principaux de la pauvreté restent d'ailleurs clairement aujourd'hui la politique, la corruption et la guerre.
Il n'est pas du tout sûr que ce mouvement de rattrapage des pays pauvres soit favorable aux pauvres d'ici. Il devrait être possible cependant de s'appuyer sur ces mouvements de fond, ce "sens de l'histoire", pour continuer le progrès social au lieu de revenir en arrière. La communication a une grande importance dans ces affaires pour entraîner les foules et leurs gouvernements. Le numérique pourrait être décisif ici. Il ne peut absolument pas être supportable dans ce contexte de voir se développer une nouvelle pauvreté au coeur de nos sociétés riches.
Or, supprimer la misère, c'est au moins assurer un revenu minimum à tous comme droit à l'existence, si on peut y joindre les moyens d'un travail autonome, c'est encore mieux (et ça coûterait moins cher). Evidemment, la question du financement des protections sociales est au coeur de la question de la compétitivité comme de la pression fiscale, exigeant un nouveau compromis difficile à trouver...
Il n'y a pas que des mauvaises nouvelles, il faut s'en souvenir justement quand elles ne sont pas bonnes pour ne pas perdre tout espoir, mais bien sûr, la réalité actuelle pour le sud de l'Europe (comme pour l'Allemagne d'ailleurs), c'est que la misère remonte, les indemnités diminuent, le chômage augmente et, pendant ce temps là, Kyoto c'est fini et les énergies fossiles sont consommées jusqu'à la dernière goutte...
Hors sujet, mais sujet d'actualité:
Est-ce que séparer les banques de dépôt des banques d'affaire vous semble réalisable, ainsi que tente de la faire adopter l'association DiaCrisis?
Ca demande un peu plus de contrôle :
"la titrisation a montré aux Etats-Unis qu'elle pouvait présenter des risques systémiques graves. Cela se produit lorsque des véhicules de titrisation reposent excessivement sur la dette de très court terme, qui doit être renouvelée en permanence, ou lorsque les investisseurs qui détiennent une partie de la dette ne peuvent pas « prendre leurs pertes » sans déstabiliser l'économie. Le nouveau système nécessitera une régulation intelligente et adaptative, à toutes les étapes du processus (origination, titrisation). En particulier, le niveau de dette de court terme réputée sans risque doit être limité ; l'exposition réelle des banques de dépôt doit être contrôlée ; la détention des créances et leur composition exacte doivent être accessibles au régulateur ; enfin, la banque centrale doit avoir une doctrine claire de son rôle de prêteur en dernier ressort en cas de crise de liquidité. La crise a exposé les défauts d'une titrisation mal maîtrisée ; elle sera l'occasion d'une réforme du système du crédit désintermédié, de même que la crise des années 1930 avait donné naissance à la réglementation bancaire moderne."
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/debat/0202416073019-construire-un-monde-ou-les-banques-pesent-moins-515486.php
A vrai dire, je ne me considère pas comme la personne la plus compétente pour dire comment les banques doivent être contrôlées, je ne pense même pas que ce soit forcément une bonne chose qu'on en fasse un "débat citoyen". Je crois que les banquiers savent mieux que nous comment ils peuvent être contrôlés, tout ce qu'on peut faire, comme la reine d'Angleterre et son mari, c'est leur faire les gros yeux, manifester notre mécontentement, pousser à la régulation mais vouloir discuter de son contenu, c'est parler de ce qu'on ne connait pas et surtout parler pour ne rien dire. Le problème est plus global, la régulation des banques n'en étant qu'une des conséquences. On peut dire qu'on a maîtrisé la crise par l'injection de milliers de milliards mais je ne le crois pas, je crois que les processus matériels poursuivent leur cours et qu'il devrait y avoir un krach de la dette au bout du compte et que c'est cette faillite bancaire qui forcera les banques à se réguler.
Les questions de pauvreté, de compétitivité, de protections sociales et d'impôts me semblent bien plus cruciaux actuellement, tout comme la reconversion énergétique. D'ailleurs, comme je m'attends à une forte remontée des taux lorsque l'inflation sera de retour, il faudrait profiter des taux absurdement bas actuels pour investir dans l'isolation et les énergies renouvelables avec des taux fixes sur 10 ans au moins. C'est parce qu'il devrait y avoir un krach de la dette que c'est le moment de faire des dettes contrairement à ce qu'on pense, en profitant des taux actuels. Croire pouvoir réguler les banques pour qu'il n'y ait pas de krach, c'est ne pas faire les mêmes hypothèses alors que le Japon et les USA sont dans une course à la monétisation. Par contre, la façon dont seront réformées nos protections sociales risque de peser longtemps, et c'est ça qui va être du plus en plus au coeur du débat, d'autant plus que l'aggravation de la crise rendra plus insupportable leur coût à mesure même que leur nécessité se fera sentir avec plus de force.
C'est aussi ma position, il y a des domaines assez techniques où le diable se niche dans nombre de détails que le néophyte n'ayant pas la pratique quotidienne depuis des années ne verra pas. Seuls les effondrements permettent aux principaux intéressés de revoir leur copie pour éviter que ca se reproduise à leurs dépends in fine.
L'idée que n'importe qui puisse être assez informé pour donner son avis imparable sur des sujets complexes qui demandent de la pratique est une profonde illusion.
Et vive la dictature alors....
Il y a très certainement une dictature de la réalité mais il faut dénoncer l'illusion que la démocratie pourrait décider de tout alors qu'elle décide réellement de bien peu même si ce n'est pas rien (en particulier les impôts et les protections sociales). On pourrait décider aussi de fermer les frontières mais c'est plus qu'improbable et si on ne le fait pas la marge de manoeuvre au niveau national est très faible, on en a la preuve tous les jours dans cette période.
En fait, les démocraties qui veulent décider de tout et de la façon dont on vit sont des totalitarismes fascistes aussi bien que salafistes. Dictature et démocratie ne s’excluent pas mutuellement comme on pourrait le croire, on en a eu la preuve. Les nouvelles extrême-droites prétendent arriver au pouvoir par les urnes pour imposer une supposée volonté du peuple (comme rejet de l'autre). La démocratie ne permet pas, comme on voudrait s'en persuader, que les meilleurs soient élus ni que les idées les plus généreuses triomphent. Croire que nos idées sont naturelles et doivent forcément triompher prépare bien des déceptions (comme l'après MAi68). La réalité de la polytique qui vient des grandes villes et des empires rassemblant toutes sortes de populations, c'est la diversité qui limite beaucoup ce qu'on peut faire, d'autant plus qu'on s'éloigne du niveau local.
Il faudrait même prendre conscience que, à l'inverse des islamistes exécutant la volonté populaire en imposant des normes sociales traditionnelles, ce qu'on appelle les réformes sociétales sont l'inverse d'une décision démocratique, consistant plutôt à soustraire le domaine privé au politique, un peu comme on a voulu rendre les banques centrales indépendantes du politique (ce qui dans ce cas est plus contestable et jamais complètement vrai, on le voit en ce moment au Japon).
La dictature financière résulte d'ailleurs aussi de l'égalité supposée des droits (entre créanciers). Si la politique doit intervenir, c'est par absence d'auto-régulation des marchés mais cela ne veut pas dire que la politique choisit vraiment (démocratiquement) ce qu'il faut faire (à l'opposé de ce que prétendent les populistes) et qui est plutôt dicté par les circonstances. On peut faire de mauvaises politiques qui échouent, on ne peut absolument pas se fier aux prétendus experts, mais celles qui réussissent le doivent à leur justesse plus qu'à leur volontarisme. Contrairement à la démocratie majoritaire et autoritaire, une démocratie des minorités ne consiste pas à exprimer sa volonté (parler pour ne rien dire) mais à la démocratisation de toute la société dans sa diversité, ce qui est aussi un déclin du politique (je vais aborder cela dans un prochain texte sur la globalisation entropique).
Mon commentaire précedent ne voulait qu'attaquer l'idée que seuls certains qualifiés ou élus sont capables de diriger ou de décider,,,,, Quant à la démocratie je suis bien conscient qu'il s'agit trop souvent d'une moquerie sauf s'il s'agit de démocratie participative et là il y a surement à experimenter il y en a marre d'appliquer de quelconques théories passées ou formées, il faut en appeler au pouvoir de chacun d'experimenter et de s'assembler j'ai vu recemment le reportage sur Chéran un village mexicain qui s'est rebellé contre les coupes sauvages de bois et leur oppression par des bandes criminelles soutenues par les autorités officielles. Ils ont subi l'humiliation 4 ou 5 ans et se sont révoltés maintenant ils sont en charge de leur village et ont recu le soutien de l'Eglise locale par rapport aux autorités centrales, c'est possible donc pour un peuple de se réapproprier son avenir.....
Maintenant la situation francaise n'est pas celle de ce village mexicain mais le systeme democratique purement representatif est mort et devrait etre enterré, ce ne sont pas que les modes et les technologies qui doivent évoluer. Il est aberrant de se retrouver à flirter avec de nouveaux conflits mondiaux.... du droit divin aux droits de l'homme nous passons bientot du droit à rien.....Les problemes aujourd'hui sont certes globaux et il est dommage de se dire que nos structures sociales soient aussi archaiques.... une chose est sûre tout ne viendra pas d'en haut et que l'écologie soit apparue et ai remis une perspective naturelle et une tres bonne chose maintenant ne restons pas spectateurs passifs de l'histoire ou parasites de l'evolution du vivant, la Terre est encore une planete habitable qui doit etre protégée et l'homme peut aussi etre porteur de vie dans l'espace de créature nous pouvons devenir créateur mais ceci ne peut pas être du domaine privé ou national l'enjeu est majeur mais pas un leurre..... C'est peut-etre d'une declaration universelle des droits du vivant dont nous aurions besoin?
Ce ne sont pas les experts, divisés entre eux qui ont les solutions (plus ou moins idéales ou abstraites) mais les acteurs qui sont concernés en première ligne (ont toutes les cartes en main), ce qui n'est pas la même chose, de même que les meilleurs spécialistes de nos conditions de vie, c'est nous parce que c'est ce qu'on connaît le mieux alors qu'on ne connaît rien aux banques, pas plus qu'aux protocoles informatiques par exemple. Ce qui est du domaine de la décision démocratique est très limité même si c'est essentiel, déterminant notamment le niveau des inégalités et du contrôle social.
Non, pas vive la dictature. Mais le buzz sur la séparation des activités bancaires est un emplâtre sur une jambe de bois. Les activités bancaires sont systémiques et imaginer qu'on va mettre des cloisons étanches comme dans un paquebot, c'est faire une comparaison qui n'est pas raison, et c'est vouloir faire croire que yaka c'est très simple. Le problème central, c'est l'évaluation des risques qui a très mal été faite, quelques soient les actifs et quelques soient les spécialisations des banques :
Le coeur d'activité d'un établissement bancaire est de contribuer au financement de l'économie grâce à une production d'information et à un contrôle des risques propres aux banques. Que cette contribution s'opère plus par des crédits ou par des achats de titres n'est pas ici la question importante. La question importante est celle de la sélection et du suivi des risques pris, celle de la production et du traitement de l'information nécessaire. C'est de cela que les banques se sont éloignées au tournant des années 1990-2000 et c'est cela qui a très largement contribué à la crise. La titrisation et les dérivés de crédits ont permis aux banques de se décharger des risques pris, d'en prendre ainsi toujours plus en s'en préoccupant toujours moins.
http://www.latribune.fr/opinions/20111004trib000653959/separer-les-activites-bancaires-n-empeche-pas-la-prise-de-risques.html
Effectivement, à chaque fois qu'on croit qu'on a supprimé le risque, le krach n'est pas loin. J'ai lu aussi que la séparation avec les banques de dépôt avait été abandonnée car elle était devenu formelle, détournée par toutes sortes d'opérations, question qu'il faudrait étudier de plus près et sur laquelle il ne suffit pas de principes généraux pour être compétent. Paul Jorion est compétent sur ces questions car il les a vécu de l'intérieur et, comme tout le monde, quand il s'écarte de son expérience il dit à peu près n'importe quoi ou du moins inutilisable car ignorant trop de dimensions dans des simplifications grossières.
Un peu plus d'infos sur la séparation qui pourrait en Europe créer
de vrais problèmes :
Si Obama parvient à imposer une séparation des banques de dépôt et d'investissement dans le monde entier lors des négociations du prochain G20, cela signifierait la destruction du monde bancaire européen, alors qu’aux Etats-Unis les répercussions de la réforme serait limitées. Espérons que ce ne soit pas le vrai but des conseillers d'Obama.
http://www.telos-eu.com/fr/globalisation/finance-mondiale/faut-il-pousser-les-banques-au-divorce.html
Les incitations à spéculer ne peuvent être supprimées qu’en augmentant drastiquement les réserves en capital.
Oui, on ne peut être spécialiste de tout, c'est bien un des problèmes que pose la démocratie participative. La question des banques n'est peut-être pas le problème numéro un, mais il me semble quand même qu'on devrait s'y arrêter. Le problème est celui de la garantie publique apportée aux activités de paris des banques. Je ne suis pas d'accord pour que l'état y apporte sa garantie. Mais j'ai besoin des activités de dépôt, comme chacun de nous.
Est-il envisageable de créer une banque de dépôt nationale qui bénéficierait de facto de la garantie publique? L’état pourrait alors dicter une loi claire définissant les conditions d’attribution de la garantie publique aux activités bancaires. Il est probable que les banques récalcitrantes, qui ne bénéficieraient donc plus de la garantie publique, accéléreraient la séparation de leurs activités de dépôt et d’affaires devant la fuite des clients déposants vers la banque nationale.
Moi, je serais pour la nationalisation de la spéculation et un monopole étatique du trading à haute fréquence afin de restituer à la collectivité ce qui est une ressource commune résultant de l'égalisation des flux. Je défends certaines mesures de Paul Jorion comme l'interdiction des paris sur les prix mais notre problème est sans commune mesure.
Je ne vois pas comment on pourrait garantir nos dépôts en cas d'effondrement du système monétaire. Les Anglais viennent de prendre le même chemin que les USA et le Japon faisant le choix de l'inflation, ce qui, étant donné les sommes injectées et le niveau des dettes risque de déclencher à terme une hyperinflation, en tout cas un réajustement général (ou l'Euro est le plus mal armé) si ce n'est rendre insoluble des intérêts de la dette en hausse, précipitant un krach de la dette nécessaire pour pouvoir repartir de l'avant dans un contexte inflationniste. Les banques, là-dedans, devraient être laminées...
Notre chance, c'est qu'on a les moyens de réagir et que la catastrophe pourrait être de courte durée mais on peut s'évertuer à faire durer le supplice avec une succession de mesures insuffisantes.
"Moi, je serais pour la nationalisation de la spéculation et un monopole étatique du trading à haute fréquence afin de restituer à la collectivité ce qui est une ressource commune résultant de l'égalisation des flux."
D'accord, mais là, faudrait vraiment être le maître du monde pour le faire! Alors que la séparation, même si pour y arriver ce n'est pas gagné, serait quand même un moyen de ne plus être ôtage des banques qui se sentent sécurisées par la garantie publique et en définitive encouragées à faire n'importe quoi.
"Moi, je serais pour la nationalisation de la spéculation et un monopole étatique du trading à haute fréquence afin de restituer à la collectivité ce qui est une ressource commune résultant de l'égalisation des flux."
A la réflexion, c'est une idée intéressante, en plus d'être légitime, ne serait-ce que parce qu'elle permet de passer d'une vision défensive à une vision active. On se sent moins accablé rien que de penser à cette idée.
C'est une idée inspirée de Toni Négri mais, effectivement, il ne sert pas à grand chose de faire ce genre de propositions qui n'ont aucune chance d'être reprises à court terme. C'est pourtant ce qui pourrait se faire au niveau national, pas la peine d'avoir un accord mondial pour un monopole de la spéculation comme il y a un monopole des jeux, c'est plutôt l'Europe qui le rendrait impossible avec son obsession concurrentielle.
"Oui, on ne peut être spécialiste de tout, c'est bien un des problèmes que pose la démocratie participative."
C'est mal comprendre le sens d'une démocratie participative qui n'est pas une démocratie directe mais confie la gestion des affaires du pays à des représentants (entourés d'experts) MAIS ne laisse pas cette gestion sectorielle gouverner ; si la participation citoyenne peut se faire aussi par secteur , son utilité première et fondamentale est politique au sens de choix global , de direction à donner , de sens.
C'est tout à fait dommage que l'article 3 de la constitution : " la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants ET PAR LA VOIE DU REFERENDUM" ( et donc du débat ) ne soit qu'à moitié appliqué .
Sauf que l'on ne sait pas évaluer les risques, et donc des banques de dépôt peuvent être truffées de crédits pourris ou d'obligations pays qui jusqu’à un certain moment paraissaient sûrs. La formule consistant à interdire les paris sur les prix ne veut rien dire tellement elle est vague et n'aurait aucun sens juridique. A peu près tout le monde fait des paris sur les prix, le prix à venir de son logement, le prix d'un produit pour lequel il y a eu investissement et dont il faut bien estimer le temps de retour sur investissement...
Quand on voit les affaires Crédit Lyonnais ou Dexia, on se demande si l'état est le plus avisé pour estimer les risques.
L'interdiction des paris sur les prix est quelque chose de très précis, interdisant notamment les CDS sur position nue, Il ne s'agit pas tant de faire disparaître tout pari sur les prix mais de les assimiler à des jeux d'argent et ne pas permettre qu'ils soient traités en Bourse (en dehors d'assurances garantissant un prix à un producteur et donc impliquant un pari sur les prix de l'assureur). Il est certain que la nationalisation n'est en rien une garantie qu'on ne succomberait pas aux modes du moment (j'avais répondu il y a longtemps à une élue écologiste que placer l'argent d'une collectivité sur des produits spéculatifs proposés par Dexia me semblait folie mais c'était inaudible à l'époque). Une fois qu'on a dit cela, comme pour tout le reste, la question est comment l'imposer ? On voit bien que ce n'est pas de notre ressort et que les banquiers eux-mêmes connaissent très bien le problème.
Je viens de lire un autre de vos articles sur la "révolution numérique" et l'impression 3D. Voici mon avis.
Je suis étonné que vous fondiez des espoirs sur l'impression 3D et sa capacité "disruptive". Croire que l’impression 3D va être capable de reproduire la plupart des objets que nous utilisons, c’est complètement nier la complexité de l’industrie moderne.
Imprimer une coque d’iphone personnalisée, ce n’est pas la même chose que manipuler des fours, du métal en fusion ou du sable et de la chaux pour produire du verre. Vous oubliez que l'impression 3D ne sait utiliser que du plastique, dont les propriétés physiques ne sont, justement, pas indéfiniment "plastiques" ! Le désir de voir l’impression 3D prendre le pas sur l’industrie traditionnelle doit être pris pour ce qu’il est : une idéologie.
Au début de la démocratisation de l’informatique, tout le monde était convaincu que la consommation de papier allait baisser, puisque les informations jusqu’ici imprimées pouvaient désormais être simplement consultées sur un écran. Les industries du papier avaient d’ailleurs coupé leurs investissements, prévoyant des chiffres d’affaires en baisse.
Au final, le contraire c’est produit : les gens se sont mis à imprimer à tour de bras les informations, photos,... disponibles à l’écran, faisant exploser la demande en papier.
Et surtout épargnez-nous le couplet sur l'éducation des utilisateurs/ de l'homme, tarte à la crème humaniste de ceux qui ne veulent pas comprendre que les "il suffirait que l'humanité soit gentille pour que tout aille bien" sont des affabulations d'esprit grabataire.
Je trouve que toute cette pensée tourne beaucoup autour du "il suffirait" justement. Il suffirait que l'industrie polluante intègre la pollution dans son système de gestion, que les technocrates concèdent du pouvoir local, que la finance soit intégré à l'Etat, etc. Mais la révolution, ce n'est pas de souhaité, c'est de montrer le chemin. Hors il me semble que vous comme la majeure partie des théoriciens critiques contemporains de tous bords sont devenus bien incapables de dire un peu sur quoi le cours chaotique de l'histoire actuelle va déboucher. La dialectique se dégrade en système d'interprétation a posteriori : un tel processus ne pouvait amener qu'à un tel résultat et un tel résultat venir d'un tel processus.
C'est bien de vouloir faire de l'auto-défense intellectuelle mais il faut bosser un peu, pas se contenter de ne rien vouloir entendre et de répéter des poncifs. Il ne suffit pas de se dire écologiste et de se réclamer d'une pensée critique pour ne pas dire des conneries, comme Yves Cochet qui nous promettait que les jeux olympiques de Londres n'auraient pas lieu par manque de carburant alors que notre problème, c'est qu'il y en a trop et qu'on va consommer les énergies fossiles jusqu'à la dernière goutte.
Je ne sais pas de quel article il est question mais je ne crois pas que j'en fasse trop sur les imprimantes 3D qui sont effectivement une technologie "disruptive" même si elles ne supprimeront pas une industrie de plus en plus automatisée. Je les associe le plus souvent aux fablabs et aux coopératives municipales, donc ce n'est pas la panacée en soi mais c'est un fait qu'elles envahissent déjà l'industrie justement. On n'en est qu'à la préhistoire, il ne s'agit pas seulement des modèles actuels qui sont déjà beaucoup plus différenciés que vous ne le dites. C'est un peu comme si on jugeait l'informatique sur les Z80 d'antan. La plupart des modèles bas de gamme ne marchent qu'avec du plastique mais cela n'empêche pas qu'il y a des imprimante 3D qui impriment en métal (à la NASA), qu'il y a des imprimantes 3D géantes qui impriment des maisons ou des voitures, certaines impriment avec du sable ou du papier, etc. On devrait même pouvoir imprimer des armes, ce qui est assez flippant. Il ne s'agit pas d'un jugement de valeur de constater l'essor de ces nouvelles machines bouleversant les modes de production, en particulier le prototypage encore une fois dans l'industrie, qui ne disparaitra pas mais avec quand même un nombre significatif de productions qui seront déportées sur un type d'imprimante 3D ou un autre. Il ne s'agit pas de tomber dans une quelconque utopie comme quoi cela règlerait tous les problèmes, seulement d'utiliser ces nouveaux outils à notre avantage autant que possible (ce qui ne veut pas dire éliminer tout travail manuel et artisanat traditionnel mais concevoir des produits plus durables et pouvoir remplacer des pièces détachées notamment). D'autres machines numériques qui ne sont pas des "imprimantes" peuvent aussi fabriquer des meubles en bois à la demande, ce n'est pas la technique d'impression qui compte mais la commande numérique (personnalisable). Encore une fois, on n'en est qu'au début et cela n'a jamais été chez moi une priorité, seulement une perspective.
Au début de l'informatique, il y avait ce qu'on appelait le paradoxe de Solow car il y avait de l'informatique partout et on n'en voyait pas les gains de productivité. Désormais, ces gains de productivité sont considérables. De même, il est vrai qu'au lieu de nous délivrer du papier, l'informatique a produit des profusions de listings mais c'est fini (surtout avec les tablettes et e-readers). Même si je n'ai pas de tablettes, moi, je n'imprime plus jamais rien et ne suis pas le seul mais surtout, on voit de plus en plus de journaux qui n'ont désormais plus de version papier, tout comme de nombreux formulaires. Il y a donc bien eu d'abord un démenti de ce qu'on attendait mais c'est parce qu'il fallait attendre quelques dizaines d'années de plus... Avec la technique, on est dans le lourd, dans le (très) long terme.
Je ne suis certes pas le genre à me fier aux bons sentiments étant on ne peut plus matérialiste, ce pourquoi je ne crois pas du tout qu'on choisisse ses techniques pas plus que sa révolution mais qu'il faut se battre pour que les techniques soient moins destructrices et qu'une révolution serve à quelque chose et ne soit pas juste un fantasme ou un changement de personnel. Ainsi, il faut certainement faire adopter des normes pour augmenter l'interopérabilité et réduire le gâchis dû à l’obsolescence numérique. C'est un vrai problème et urgent quand des milliards d'être humains utilisent des appareils numériques. Il y a plein d'autres problèmes urgents, en premier lieu la reconversion énergétique et la relocalisation mais, vraiment, on ne peut dire que je ne fasse pas de prospective, assez de textes en témoignent, car je ne crois pas tant qu'on décide de notre avenir mais que notre avenir décide de nous (que j'appelle l'ère de l'information, de l'écologie et du développement humain).
C'est affreusement idéologique ! Et vos affirmations sont fausses ! Un exemple : la consommation de papier ne cesse de croître tous secteurs confondus ! Quant à la décroissance du secteur épistolaire, je ne le citerai guère que pour m'en navrer. Si Baudelaire, ou Sand et Musset, avait vécu à l'heure du "mail" leur correspondance aurait disparu dans les oubliettes de l'histoire.
Enfin je n'avais pas compris que le "gain de productivité" était indispensable à un capitalisme déjà caractérisé par la surproduction ! Et tout est à l'avenant. Vous trouvez des qualités aux choses par leur participation positive aux absurdités de l'économie sur-productive ! Faut le faire !
Conso papier
Ne serait-ce que par la demande de la Chine et des autres BRIC qui, en attendant la saturation du marché, continueront de favoriser la demande.
Bref vous avez nier la possibilité (bon petit rejeton du marxisme) même pour l'homme de décider de la société qu'il veut construire. Tous vos espoirs résident dans un processus technique qui va de lui-même. On imagine que vous ne pouvez pas abdiquer votre foi en lui, qui doit être le seul rempart contre le désespoir le plus noir de ceux qui ont abdiqués la liberté humaine.
Je vous plains - en tant qu'intellectuel.
Les photos qui n'apparaissent pas :
Graph 1
http://cerig.pagora.grenoble-inp.fr/dossier/papier-materiau/images/demande_64_ps8.png
Graph 2
http://www.risiinfo.com/Marketing/forecasts/RP_China.gif
Vous pensez qu'il suffit de prétendre idéologique la simple référence aux processus réels pour ne pas avoir à en tenir compte et y opposer des positions purement idéologiques et sans base matérielle. Je ne peux vous jeter la pierre car, moi aussi j'ai cru qu'on pouvait décider du monde dans lequel on vit. J'ai même pris la chose tellement au sérieux que, contrairement à mes petits camarades, j'ai essayé de clarifier quelles étaient les alternatives possibles et ce qu'on pouvait réellement attendre d'une révolution. Il est certain que j'y ai perdu l'illusion qu'on pouvait changer de monde comme on le prétend avec complaisance alors qu'il faut faire avec le monde tel qu'il est et les urgences du moment, ce qui suffit à me classer comme social-traître par ceux qui se croient tellement plus radicaux alors qu'ils se trompent sur toute la ligne.
Les conceptions métaphysiques de la liberté sont délirantes, ou plutôt religieuses, notre liberté réelle est bien sûr très limitée, tout le monde sait cela. La liberté est l'exception, pas la règle mais on n'arrive même pas à régler des problèmes vitaux comme le réchauffement climatique, c'est ça qui est dramatique.
Il n'y a pas à espérer quoi que ce soit d'un processus technique qui est planétaire, juste à faire avec et en tirer tout le parti possible. Pour maîtriser notre propre évolution, il faudrait pouvoir brider la liberté de milliards d'êtres humains. Nous sommes effectivement pris dans une histoire que nous n'avons pas choisie, dont nous ne sommes pas les auteurs mais seulement des acteurs parmi tant d'autres. Par contre, nous avons une bien plus grande marge de liberté au niveau local, de notre rayon d'action effectif, sans qu'on puisse délirer sur ce qui est vraiment possible, étant malgré tout fortement limité aussi. Il est un fait qu'on va à la catastrophe à la fois socialement et écologiquement et qu'on est pour l'instant impuissants, un peu comme les révolutionnaires allemands qui se gargarisaient de la fin de l'aliénation au moment de la montée du nazisme. Le monde est décevant et dangereux, il n'est certes pas comme on le souhaiterait et se moque bien des rêveurs. On a besoin de stratégies réalistes pour éviter le pire, ou bien on va vraiment morfler...
Sinon, oui, le capitalisme industriel n'est rien d'autre que le productivisme et si je crois que le numérique commence à remplacer le papier, on n'en est qu'au début et cela ne compense pas, bien sûr, le développement des pays les plus peuplés, ce qui est une des causes de l'impasse dans laquelle on est, à la fois le pic de population et la croissance accélérée des pays les plus peuplés pesant sur les ressources. Croire qu'on a la solution et qu'on est un super-révolutionnaire décidant de la marche du monde ne change rien à la question en dehors de la bonne opinion de soi que cela donne. Les révolutions arabes ont montré les limites de ce qu'on pouvait espérer tout comme le caractère religieux et totalitaire d'un prétendu choix de société. Les rapports de force sont très défavorables. Il est pourtant urgent de se mettre à la reconversion énergétique et à la relocalisation au moins, même si ce n'est encore qu'une partie des problèmes qui se posent (y compris la pollution du numérique). Ce n'est pas moi qu'il faut plaindre. Il faudrait plutôt s'attendre au pire et c'est justement ce que permettrait d'affronter dans de meilleures conditions revenu garanti et monnaies locales.
Il faudrait pouvoir formuler clairement et simplement dans un langage populaire les questionnements qu’on peut avoir et les chemins de sortie à explorer.
C’est déjà un effort énorme parce que tout le monde s’étripe dans des exercices désorganisés qu’on nomme débats et qui du fait qu’on ne prend pas la peine avant tout de bien définir de quoi on parle ,le sens des mots qu’on emploie, sont des monologues beaucoup plus qu’une recherche rationnelle.
C’est je crois la première étape, non suffisante mais strictement nécessaire à toute avancée politique.
D’une manière ou d’une autre il faudra une « dictature » pour imposer un nouvel ordre dans le désordre qui vient. Pour espérer qu’elle soit bonne et recherche l’intérêt général , elle doit venir de nous-mêmes collectivement dans la pratique d’une démocratie raisonnée . C’est pourquoi il faut d’abord et avant tout parvenir à rendre intelligible par un grand nombre un questionnement commun et des pistes de construction.
L’enjeu est très clairement soit de laisser le progrès dans les mains de multinationales économiques, financières, politiques ..(un état à vocation expansionniste est une multinationale)
Soit de le maîtriser en amont comme en aval, c'est-à-dire d’en prendre possession , au travers d’une démocratie rigoureuse en capacité d’imposer et le débat approfondi et les lois d’intérêt collectif qui en seront issues.
Il faudra sans doute : et renforcer considérablement les libertés individuelles , liberté d’entreprendre notamment et , l’un va avec l’autre encadrer et limiter drastiquement en dimension les entreprises ; aussi nationaliser au niveau national ou européen ou mondial , les secteurs structurants( énergie , matières premières etc)
Ces limitation de la dimension des structures de production , de distribution et services iront de pair avec des lois permettant l’accès pour tous aux activités économiques ; par exemple accès au foncier qui du fait du choix de micros entreprises doit être redistribué.
Ces limitations amonts induiront mécaniquement l’impossibilité de créer des revenus démesurés mais aussi une explosion des activités et l’émergence d’une économie non salariée au sens de salariat vente de son travail.
Tout devra suivre ; la science dans le domaine science appliquée devra tenter d’aider à la mise en place de micros systèmes de production, elle devra se mettre en partie au service des relocalisations induites par l’encadrement du dimension des entreprises.
Des monnaies locales devront être mises en place.
Ce retournement consistant à reprendre la main sur un système d’industrialisation et marchandisation du monde, grâce à une limitation volontaire par la loi de la dimension des entreprises ne peut s’imposer d’un claquement de doigt mais plutôt par la preuve en l’expérimentant ;
La loi constitutionnelle prévoit l’expérimentation ; c’est ce chemin qu’il faut emprunter.
L’expérimentation présente cet avantage d’être un chemin « officiel » et disposant à ce titre de moyens ; c’est aussi un chemin permettant d’avancer sans affronter directement le « monstre » systémique .
L'imagination ne suffit pas, mais s'écraser sous le poids des "matérialités" (on est vraiment dans un marxisme que vous n'affichez plus mais dont on sent le poids idéologique) rend impuissant ! Et ce que je constate au contraire dans l'histoire, c'est que l'illusion, souvent leitmotiv de l'action, entraîne l'histoire bien plus puissamment que cette conscience précise et mesurée de la comptabilité matérielle qui sort de sa propre inconscience un monde dont les problèmes sont toujours plus menaçants. Marx a reçu assez de démentis de l'histoire pour que le genre de conscience qu'il propose soit en grande partie remisée au grenier. Qui pourrait nier aujourd'hui, à part quelques débris communistes en hibernation depuis les années 70, que l'ascension irrésistible du prolétariat et son règne, pour lequel tant d'hommes sont morts, n'étaient au fond qu'une illusion ? Oui, cette même illusion leitmotiv de l'action que chaque époque depuis l'avènement de la science s'obstine à nommer "réalité matérielle", "conscience historique", etc., pour en asseoir l'autorité. Les anthropologues ont montré avec force que, par exemple en Chine, les structures lignagères transcendent les structurations de classe. Qu'au fond, le réel est bien plus complexe que ne le seront jamais nos grilles de lecture. Et tout est à l'avenant.
Croyez-vous que les révolutionnaires français/russes aient comptabilisé le nombre de soldat du tsar/roi/empereur, le nombre de leur cartouche, les revenus annuels de l'empire/du pays/etc, le nombre de loyalistes, le poids de ses manufactures, etc., avant de se lancer à l'assaut de l'empire ?
Croyez-vous que la connaissance profonde des matérialités historiques compte dans leur victoire ?
Et que voudriez-vous faire de cette connaissance ? Faire l'histoire humaine consciemment ? Savoir où l'on va ? Mesurer toutes les conséquences et rétroaction d'une décision ? Mégalomanie délirante que tout cela ! Nos moyens exigent cette conscience ? Mais alors c'est bien simple, ce sera eux ou nous, car personne n'est tenu de donner ce qu'il n'a pas. Et l'occurrence cette conscience totale ou totalitaire relève davantage de la psychiatrie que du possible.
Sans doute sommes-nous d'accord pour le besoin de "relocaliser" pour reprendre cette horrible novlangue industrielle. Je préférerai parler de réinvestir les individus de savoir-faire. Encore qu'il faudrait bien détailler ce que l'on veut "relocaliser". Si ce sont les bagnes industriels de l'ouvriérisme et la pollution qui les accompagne, les pauvres pays qui en ont hérité pourront les fermer au faire et à mesure du réinvestissement des savoir-faire dans l'homme.
Le Dimanche 30 décembre 2012 à 16:22, Jean Zin
D'avoir vécu de l'intérieur me parait potentiellement utile, mais pas suffisant, au risque de toujours faire partie du problème. Établir que tel produit financier est à risque ou pas pour le long terme est le problème irrésolu. Il y a une inéluctable tendance à vouloir fixer les risques selon une classification, tandis qu'ils évoluent dans leur contexte sans tenir compte des classifications en retard d'un train.
La régulation, ne peut tenir qu'en obligeant des garanties, ou collatéraux.
De même, les dirigeants de banques devraient sortir du pile je gagne, face je perds rien. En cas d'échec, ce sont leurs bonus et retraites chapeau qui sautent.. A ce moment, ils seront plus réticents à faire n'importe quoi.
La rétroaction, c'est du positif mais aussi le négatif de la sanction financière.
Bonsoir,
Vous êtes un homme intelligent, mais je regrette parfois le regard plus idéologique que philosophique ou même scientifique que vous portez sur l'histoire et la civilisation occidentale. Si le moyen âge a porté sa part d'obscurantisme et d'injustices, je vous prie de reconnaître qu'il s'est aussi développé par le haut vis à vis de cela, et qu'il a été par lui même le moteur de ses réalisations , souvent humanistes également, par les valeurs humaines et spirituelles qu'il a ambitionné au fil des siècles, et dont nous sommes les héritiers.
Remarquez que les époques pré et post moyenâgeuse n'ont rien à envier en matière de brutalité, guerres et injustices sociales.
De même toutes les sociétés devraient être considérées sur les mêmes jugements de valeur, je précise mes propos concernant les soit disantes sociétés traditionnelles africaines.
Heureusement que l'on commence à dire que l'esclavage était (et demeure!) une pratique très répandue en Afrique, d’où la connivence historique entre les autorités coloniales et locales qui promurent cette triste "industrie".
A force de nous dénigrer nous même, nous sommes en danger de perdre nos valeurs également et d'altérer le sens même de l'humanisme, que je résumerais dans la lutte contre toutes les barbaries et injustices.
Merci.
J'ai certes un parti-pris idéologique mais apparemment beaucoup moins que vous, ne faisant ici que rendre compte des faits.
Je ne sais pas qui est le "nous" que je dénigrerais et nos merveilleuses valeurs, mais je n'en fais pas partie. Est-ce les Nazis ? Les Espagnols massacrant des indiens soi-disant dépourvus d'âme ? L'inquisition (tuez les tous Dieu reconnaîtra les siens) ? Les armées coloniales françaises massacrant les populations par dizaines de milliers ? La guerre de l'opium détruisant la Chine, etc. ?
Ce n'est pas dire que tout était mauvais dans l'humanisme chrétien. Pic de la Mirandole n'est pas inintéressant mais il était trop proche de Savonarole. Les choses sont moins unilatérales que les histoires qu'on se raconte. Ainsi, le moment extraordinaire de la paix de Dieu a été suivi du servage généralisé avec l'alliance du sabre et du goupillon. Il n'est pas plus question d'idéaliser les civilisations pré-Européennes mais juste de constater qu'elles étaient riches et prospères avant qu'on les détruise.
La lutte contre la barbarie et les injustices n'est certes pas une spécificité européenne, encore moins des USA, il n'y a rien là qu'on puisse perdre.
Le but de cet article était seulement de souligner à quel point la pauvreté des pauvres était au principe de la richesse des riches bien avant le capitalisme et qu'au niveau mondial il y aurait eu un retournement, ce qui est une bonne nouvelle si ça se confirme. Il ne s'agit pas de distribuer des bons points, ni d'enjoliver notre histoire en noircissant les autres, ni d'idéaliser en quoi que ce soit les autres civilisations, seulement d'éclairer l'avenir par le passé.
Monsieur,
Le nous ne signifie nullement les nazis ou autres massacreurs du présent ou du passé, mais les contemporains qui avons la chance de vivre aujourd'hui dans un espace relativement pacifié et ou les droits humains et la justice sociale se débrouillent pas trop mal.
Considérons ceci je vous prie. Les concepts "tu ne tueras pas" et "tu ne convoiteras pas" ne devraient pas vous paraître une idéologie redoutable je pense. Or ceux ci ont bien modelé les convictions et les modes de pensée de multiples générations dans le monde. Or, prétendre se référer à ces principes et les trahir dans les faits est de l'incompétence ou de l'hypocrisie, qui ne concerne que ceux qui trahissent, mais n'invalide pas l'effort de ceux qui respectent.
J'ai horreur des camps de concentrations et des goulags, et du pacte ne non agression entre hitler et staline.
Je préfère le code civil, qui n'est pas né en un jour.
Monsieur, je ne suis pas plus que vous pro usa, au contraire, j'ai une lecture critique de l'actualité. Vous connaissez sans doute la doctrine bush sur le grand moyen orient, qui induit la constitution du califat du maroc au moyen orient.
Mais regardons là ou se propage la sharia, et qu'en est il des droits humains?
Le funeste ouvrage mein kampf de monsieur hitler se vent comme des petits pains en tunisie et dans les pays du printemps arabe, là ou les musulmans modérés et les non musulmans n'ont pas droit à la parole.
Je souhaite simplement que nous ne soyons pas actuellement devant un nouveau messianisme politique à vocation mondiale, semblable à ceux connus il y a moins d'un siècle, et qui ont fait l'objet alors de plus de fascination que de jugement critique et courageux qui auraient pu diminuer les souffrances de beaucoup.
Notez que je réfuterai immédiatement les soupçons de racisme, ayant execé prés de deux ans de bénévolat dans un pays du sud, je suis moi-même marié à une maghrébine et mes enfants sont métisses.
Merci
On ne juge pas une société sur ses principes et sur ce qu'elle dit d'elle-même. La valorisation de la non-violence n'empêche pas l'Inde d'être un pays très violent ni la religion d'amour de nourrir la haine avec toute la bonne conscience que cela donne d'avoir de si hauts idéaux. En dépit du commandement "tu ne tueras point" le Dieu de la Bible commande de tuer tous les habitants des cités conquises et puni même celui qui ne respecte pas l'anathème divin, etc.
Bien sûr j'ai en horreur la dictature islamique (comme toute autre dictature même "écologiste") qui est l'équivalent de nos fascismes et le symptôme de sociétés arriérés accédant au développement mais brouillant leurs repères. Ce ne sont pas nos "valeurs" qui triompheront, comme si elles nous étaient propres, mais le développement qui civilise les moeurs. Depuis notre déchristianisation, nos sociétés sont bien plus tolérantes et plus justes que l'Amérique très chrétienne (in god we trust!).
Nous nous rejoignons au moins sur l'essentiel. Les faits et le problème du développement.
Je connais mas l'inde et je ne peux en répondre, hormis le système de castes qui me parait être une aberration.
J'ai justement exercé mon travaille en amérique (du sud).
Bien que l'injustice sociale soit présente et source de violence, il existe une dimension qui m'a marqué, c'est le sentiment puissant d'être ensembles, une communauté d'humains qui vivent et partagent un destin semblable. Soit moins d'individualisme qu'en nos pays plus matériellement développés.
A propos du développement, nous demeurons heureusement des êtres pensants et philosophies et religions demeureront un moteur du développement humain.
Ce n'est pas la grandeur de l'idéal qui doit occulter la conscience et permettre son interprétation opportuniste. Au contraire, nombre de personnes savent remarquer que l'idéal fait travailler la conscience sur elle même et appel à surpasser ses propres limites, sa propre critique.
Certain l'on vécu réellement et ont obtenu des avancées considérables, profitables pour tous, contrairement à ceux qui s'accaparent l'idéal pour leur commerce personnel.
Oui le commandement tu ne tueras pas s'est accompagné de conquêtes politiques etc... Il est millénaire également et je trouve dans les récits bibliques un réalisme de considérer l'histoire humaine dans toutes ses dimensions.
Quant à l'issue du christianisme, je ne suis pas sur qu'il soit en vue, l'idéal étant encore plus élevé que "tu ne tuera pas".
Remarquez que "tu ne tueras pas" n'est pas une aberration, vous l'auriez souligné, mais il révèle la dure réalité du crime. Ce n'est pourtant pas "tu ne tueras pas" qui est responsable.
Ce que je veux vous dire, c'est que beaucoup de ce que nous apprécions aujourd'hui est le fruit des idéaux qui ont fructifié au fil des siècles dans nos sociétés, souvent en dépit de la bonne compréhension des personnes elles même.
Sinon pourquoi les systèmes totalitaires du siècle dernier se sont t-ils inscrits diamétralement en opposition vis à vis de ces idéaux?
Vous voulez croire en l'Homme, et vous avez raison, moi aussi mais avec toute la prudence que la vision des barbaries m'impose, sans doute la même prudence avec laquelle vous considérez les mêmes idéaux dont je vous fait part.
J'ai pris plaisir à échanger avec vous, le dialogue et la réflexion critique sont heureux pour le développement humain.
En vous souhaitant le meilleur pour l'année 2013.
@Dédé,
"Bien que l'injustice sociale soit présente et source de violence, il existe une dimension qui m'a marqué, c'est le sentiment puissant d'être ensembles, une communauté d'humains qui vivent et partagent un destin semblable. Soit moins d'individualisme qu'en nos pays plus matériellement développés."
Seules les personnes qui font partie d'un collectif efficace échappent quelque peu aux angoisses existentielles et à la fatigue d'être soi de notre société d'individus. C'est tout le problème du développement concret de la liberté de nos sociétés modernes. C'est une problématique qui court dans toute l’œuvre de Durkheim et aussi celle de Touraine: comment combiner le je et le nous sans retomber dans l'aliénation communautaire. Un des points clés est d'élever le statut de l'information, de protéger les objections et les objecteurs, dans les collectifs, mais il faut aussi préserver les capacités de décision, tout un programme.
Le Lundi 31 décembre 2012 à 19:32, Michel Martin
Ce côté tous ensemble, me déplait fortement. Quand je ne suis pas d'accord, je le dis et m'y tiens. Quitte à me prendre des coups de pied au cul et à me faire traiter asocial ou de caractériel, l'argument de ceux qui n'en ont aucuns.
J'approuve! Je n'ai pas dis des moutons!
Olaf et Dédé,
Vous n'avez pas tout lu.
Je ne milite pas un instant pour une communauté moutonnière. Je n'ai pas plus envie que toi d'appartenir à un collectif "ferme ta gueule", mais je ne suis pas non plus satisfait par une société individualiste de "cause toujours" qui est la nôtre. Pour preuve, la place essentielle attribuée à l'information, à l'objecteur et à l'objection. Le premier mode d'organisation qui me semble satisfaisant est celui de la sociocratie d'Endenburg.
J'ai remarqué que les seules personnes qui vivaient une vie pleine, qui n'étaient pas rongées par des questions existentielles, se rattachaient d'une façon ou d'une autre à un collectif, voire à la collectivité humaine toute entière. C'est pour moi un indice que nous ne pouvons négliger notre dimension sociale sans en payer un prix psychologique exorbitant (demande à Jean Zin qui a été très déçu dans sa foi et qui n'a pas retrouvé de collectif satisfaisant, qui puisse lui convenir) .
Je suis d'accord avec la proposition de l'architecte Niemeyer qui disait que "l'essentiel est de mener une vie décente basée sur la solidarité." Le tout est de ne pas se perdre dans les bonnes intentions dont l'enfer est pavé, et au bout de se retrouver à ramer pour une galère et quelques profiteurs.
Peut être aussi que ceux qui se posent moins de questions existentielles sont plus enclins à la vie collective. C'est juste que nous ne sommes pas tous pareils, comme les loups ou autres fauves certains sont solitaires d'autres pas. Ca n'empêche pas que tout un chacun a plus ou moins besoin de garder des liens avec la société.
"Peut être aussi que ceux qui se posent moins de questions existentielles sont plus enclins à la vie collective"
J'aurais tendance à inverser la formule, c'est à dire que les questions existentielles (qui sont des questions sans réponse) se posent à nous plutôt qu'on se les posent, et qu'il y a un lien assez fort entre notre vécu collectif et ces questions. Le mode de vie individualiste conduit au ressenti d'un "vide". Mais il est très compréhensible que le choix d'un mode de vie individualiste soit fait suite à une déception d'une expérience collective aliénante et trompeuse.
Le blog est dans les choux depuis le début de l'année...
Sinon après toute une vie passée à vivre et penser collectif, dans l'esprit de Mai68 et des communautés jusqu'aux Verts, EcoRev', le GRIT, les groupes locaux, etc., je dois dire que c'est cette dépendance qui maintenant m'interroge car depuis que je m'en suis éloigné, je me rends compte à quel point j'étais mal à l'aise dans tous les groupes auxquels je participais, à quel point cela m'ennuyait, trouvant les rapports humains très pauvres et répétitifs, ma timidité étant plutôt le signe que je ne participais pas vraiment à la vie de groupe ni à ses croyances ou ses modes, déjà en retrait mais sans le savoir, imputant cela à une incapacité de ma part, d'autant plus que j'étais souvent le plus jeune, me disant qu'un jour je serais grand et ferais partie du groupe...
On ne peut dire pour autant que ce soit par déception que j'ai pris ma retraite, le plus déterminant ayant été les raisons de santé qui font notamment que je ne pouvais plus aller aux réunions du soir (pour le réveillon j'ai quand même bien tenu le coup!). Il est vrai que l'expérience du GRIT m'a fait passer l'envie du prétendu dialogue avec d'autres intellectuels mais ils n'y sont pour rien, c'est un cas général et qu'on constate tous les jours, notamment dans cette période de crise et de désorientation. Il ne manque pas de collectifs qui s'expriment et prétendent élaborer une pensée qui ne va pourtant pas loin du tout, on finit par s'en apercevoir. La désillusion n'est pas celle des gens (j'en ai rencontré de formidables et la plupart de très bonne volonté). Cela s'est conjugué avec la possibilité donné par internet de poursuivre un dialogue public sans appartenir à un groupe particulier, ce qui m'a paru plus productif.
Ce repli n'est donc pas individualiste, je reste en contact avec les autres, comme je le répète souvent, on peut être solitaire et solidaire, ce qui est d'autant plus indispensable quand on privilégie la réflexion. Il y a un plaisir, une exaltation à se grouper, faire la fête, cela m'émeut autant qu'un autre mais m'ennuie assez vite quand même désormais, ces relations fortes étant malgré tout vides.
Il ne me semble pas improbable qu'on soit des monades ayant besoin d'une certaine distance pour ne pas se gêner mutuellement mais cela n'empêche pas qu'on soit entièrement liés aux autres et à notre temps, pas besoin de le manifester dans des cérémonies religieuses reprenant en coeur le même refrain. Il ne manque pas de purs égoïstes très sociaux, actifs dans leur communauté et leur église dont ils tirent tout le bénéfice possible pour satisfaire leurs ambitions. Malgré ma dissidence, je reste on ne peut plus concerné par notre destin collectif. Il n'est pas sûr que se réunir autour d'un verre, des élections, d'un conférencier y apporte quoi que ce soit. Si c'est pour faire quelque chose (une coopérative), c'est beaucoup plus utile mais l'âge joue aussi et on ne peut attendre de tous les retraités qu'ils aient l'énergie de la jeunesse, chacun son rôle.
Je ne considère pas pour autant que ma position soit universalisable et sais bien que très peu supportent la solitude, ayant absolument besoin de la présence des autres (ou de l'Autre pour Gorz), ce qui est on ne peut plus naturel, et, moi-même, je ne survivrais pas longtemps à perdre tout support des autres, n'étant absolument pas auto-suffisant, simplement cela passe plus par l'écrit que la présence animale.
merci pour ce témoignage nuancé.
J'avais beaucoup apprécié le témoignage de Dolto, qui avait une solide capacité d'observation, sur les collectifs post mai 68 (c'est dans son bouquin "Solitude"), où elle constatait que les groupes se disloquaient , après une phase de mise en place très satisfaisante, sous le poids des passions qui reprenaient le dessus, des luttes de pouvoir, des jalousies, des conflits non gérés.
Construire des règles collectives où chacun puisse trouver sa place et qui tiennent à l'épreuve du temps n'est décidément pas une mince affaire.
Faire des communautés, ce que j'ai tant voulu et fantasmé, c'est se donner des contraintes, souvent insupportables et que n'équilibrent pas toujours les moment de fête et de partage.
Un des éléments de structuration d'un collectif qui me semble indispensable, c'est la recherche d'une subsidiarité la plus poussée possible. On peut le justifier d'un point de vue d'une philosophie de l'information. En effet, pour prendre des décisions pertinentes, il est indispensable que le bouclage, le feed back, soit le plus juste possible afin de pouvoir effectuer les réajustements portant à la fois sur les décisions elles-mêmes et sur les actions.
La subsidiarité n'est pas suffisante, encore faut-il préserver les acteurs qui disent la vérité afin de préserver la qualité de l'information.
Cela fait réponse automatique tellement c'est à côté de la plaque aussi bien pour les communautés que pour les collectifs locaux qui ne sont en rien des entreprises hiérarchiques mais dont la dissidence est encore plus insupportable.
je perçois au contraire que c'est tellement pertinent qu'il doit y en avoir un de nous deux qui est à côté de la plaque ou qu'il y a un malentendu sur la subsidiarité.
Pourquoi ramener l'entreprise et le spectre des hiérarchies dans cette question bien plus générale (sans doute couplées à celui des subordinations honnies?)? Par exemple, la promotion de l'agir local est complètement en phase avec ce sujet.
On ne doit pas parler de la même chose, ou on n'en a pas la même expérience. Moi, je parlais de vie en communauté et de collectifs locaux qui sont des groupes informes qui ont en général bien du mal à s'assurer de leur pérennité et dont une bonne part de l'énergie est dépensée à ce que le groupe ne de disloque pas, rien à voir avec un parti, une entreprise, une institution.
La pauvreté, c'est aussi lié à des structures inadaptées aux capacités de chacun. L'association de psychiatrie citoyenne des Invités Au Festin de Marie-Noëlle Besançon est en train de révolutionner le paysage de l'approche sociale de l'exclusion.
Oui, chaque communauté et institution sont marqués de leurs propres limites où les installations dans des situations de confort routinières qui appauvrissent l'efficacité du but qui leur est propre.
Nous sommes tous des nomades, car c'est toujours extraordinaire de garder le souffle et l'énergie du début, alors il faut chercher ailleurs ou plus haut, tout en prenant garde de ne pas s'exténuer, ce qui serait un tord finalement.
Pour ma part, je garde en "ligne de mire" le simple principe "ora et labora", d'ailleurs plutôt labora car il est une nécessité basique, et jamais assez ora.
Ceci car il se dispense d'organisation pré établie même si l'organisation opportune est évidement évidente. Tenter de faire le meilleur de ce qui est possible par sois même afin d'espérer que l'ordre qui en découle favorise l'ensemble.
C'est aussi pour moi un aveux d'impuissance, car ce qui me reste de mon séjour dans l'autre continent, c'est comme une plaie ouverte qui me fait percevoir la compassion comme une douleur pour ceux qui sont martyrisés ou opprimés d'injustice, là où ils soient et qui soient ils.
Mais nous sommes tous égoïstes car nous ne serons jamais assez généreux pour éliminer les misères et injustice, et nos solutions sont forcément parcellaires et limitées, voir proprement inadaptées.
Que faire, se résigner à rien? Je ne crois pas, il faut se contenter d'essayer et poursuivre selon nos forces, tout en pensant que considérer et savoir que des gens passionnés expriment leurs aspirations n'est pas vin finalement.
Pour l'être pensant, il ne fait pas de doute que le réel n'apparaît pas rationnel mais injuste et tout le mouvement de l'histoire est une réalisation de la raison, tentative de mettre un peu plus d'ordre dans le monde, incarnation de la liberté dans le droit, sur le long terme du moins. Nous ne sommes pas faits pour subir mais pour réagir et inverser l'entropie, faire des projets, agir en fonction d'une fin, rechercher quelque bien. Mais le monde n'est pas créé, il n'est pas voulu, il n'est pas pensée mais matière et multiplicité, on ne peut inverser l'entropie que localement par notre action, gagner du terrain sur la mort qui gagne et la barbarie humaine.
Dans l'interprétation matérialiste, le travail, c'est la lutte contre l'entropie et en tant que matérialisme actif, l'idée, la finalité y est essentielle dans sa confrontation avec la matière. Dans l'interprétation théologique le travail est une mortification dont la valeur se mesure à la peine. Je trouve les prières trop complaisantes à se limiter à l'oralité, à ce qui n'est même pas un vouloir tout au plus une imagination inconsistante, voire pur narcissisme absorbé dans son auto-contemplation. J'essaie de viser plutôt une effectivité mais tant que je ne l'atteins pas, j'en suis bien sûr au même point que tous les rêveurs que le monde a connu depuis qu'il y a monde...
Ce matin Regis Debray a résumé sa déception de la politique, déception qui est celle de tous les héritiers de Mai68, en disant qu'il croyait que la politique, c'était des idées alors que c'est des rapports de force, ce que je répète souvent moi-même, dont les idées ne sont pas absentes mais sous la forme d'idéologies formatées, voire de religions qui évidemment se trompent sur toutes la ligne. Ce qui domine, ce sont donc bien les idées fausses même si la ruse de la raison finit par en triompher. La dimension cognitive de la démocratie est trop méprisée à vouloir que n'importe qui puisse s'exprimer sur n'importe quoi et vouloir décider du monde dans lequel nous vivons, la foi remplaçant ici la vérité. C'est en touchant juste qu'on peut contourner des rapports de forces qui restent déterminants, mais c'est exceptionnel.
Il est certain que la France se distingue parmi les nations par une tradition de libre-penseurs et une proportion d'athées exceptionnelle alors que la terre entière reste engluée dans la religion. J'ai moi-même été très religieux dans ma jeunesse mais je refuse que pour goûter à la spiritualité comme pour être révolutionnaire, il faudrait croire à des conneries. On sait qu'on nous a raconté des histoires, il n'y a pas à revenir là-dessus, et le monde ne s'est pas écroulé, ni n'avons perdu l'esprit. Viser l'effectivité de plus de justice et de moins de pauvreté est certes moins grandiose que de prier ses grands dieux pour un monde meilleur. Revenir au réel n'est pas s'en accommoder ni s'y abandonner passivement en renonçant à aller au bout des possibilités du temps mais c'est certainement s'organiser collectivement pour peser dans le rapport de force.
"Qui a rejeté son démon
nous importune avec ses anges".
Henri Michaux.
Un article du mois d'août de la Revue des Livres qui conteste l'approche d'Esther Duflo : http://www.revuedeslivres.fr/misere-de-leconomie-du-developpement-cedric-durand-et-charlotte-nordmann/
Du moins, il reconnaissent un certain nombre de ses apports mais contestent que le recul de la pauvreté soit dû à des mesures de lutte contre la pauvreté alors qu'elle ne relèverait que de la croissance économique.
En fait, ils contestent surtout la dépolitisation de leur approche "technique" voire néolibérale. J'avais moi-même trouvé à la fois intéressant et assez "pauvres" les résultats des expérimentations randomisés mais les émissions sur la pauvreté me font penser que les choses sont plus nuancées et qu'en dehors de la crise aggravant la pauvreté, celle-ci recule au niveau mondial y compris grâce à des mesures sociales comme au Brésil même si c'est le développement des pays les plus peuplés qui est déterminant.
Il est quand même agaçant de ne pas pouvoir reconnaître pour des raisons idéologiques quand les évolutions sont relativement positives mais il est aussi important d'en reconnaître les limites et notamment une dimension macroéconomique qui ne saurait se réduire à une addition d'actions microéconomiques, encore moins à une psychologie des pauvres (mais par contre, je défends l'importance des moyens de l'autonomie mis en valeurs par Amartya Sen, pas seulement à la méchanceté des exploiteurs).
Reconnaître le rôle de la production de la misère dans le développement est essentiel (ce que fait la vidéo dont je rendais compte) mais cela ne doit pas empêcher d'admettre que la loi de paupérisation du prolétariat n'est pas aussi absolue que Marx a pu le croire. Du fait que les inégalités s'accroissent malgré tout, la question est plutôt de savoir si malgré le recul de la pauvreté absolue, la pauvreté relative ne s'accroît pas encore plus mais c'est quand même différent. On retrouve les débats du début de la société de consommation et du fordisme avec les conditions de vie des ouvriers qui s'amélioraient. Notre nouvelle configuration productive remplace sans doute la production de pauvreté pour peser sur les salaires par la production de précarité, ce qui n'est pas la même chose.
Il faudrait sans doute introduire aussi des cycles dans ces évolutions. On ne peut comprendre ni juger un système sur un seul critère mais il n'y a pas besoin de nier des faits comme l'efficacité de certaines mesures de lutte contre la pauvreté (ou l'allongement de la vie, la diminution des famines et des guerres, etc.) pour critiquer tout ce qui reste critiquable et qui ne manque pas. L'idée qu'il n'y aurait que du négatif est aussi folle que celle de prétendre qu'il n'y aurait que du positif.
Nette augmentation de la pauvreté en France, selon Eurostat : http://www.observationsociete.fr/nette-augmentation-de-la-pauvret%C3%A9-en-france-selon-eurostat