L'augmentation du chômage n'est pas dû à notre soudain décrochage du niveau d'excellence qui était le nôtre mais plus prosaïquement aux restrictions budgétaires imposées par une crise financière qui touche tous les pays développés et devrait s'achever (mais quand ?) dans un retour de l'inflation qui rendra plus facile les ajustements des salaires comme la résorption de la dette.
En attendant, on ne peut nier que les Allemands nous soient passés devant ces dernières années, depuis les lois Hartz du chancelier Schröder de triste mémoire. Il faut voir ce que c'est, par un prétendu socialiste pressé de s'en mettre plein les poches ! Le principe dit de responsabilisation, consiste à condamner les plus faibles à une pauvreté effectivement en hausse sensible dans ce pays qui s'enrichit sur leur dos. Cette dénégation des sciences sociales, qui prétend rendre les individus responsables de leur sort et de la situation macroéconomique, a du moins l'avantage de faire des économies sur les droits sociaux et soulager les riches écrasés par les impôts ! En plus de culpabiliser les pauvres, ils n'ont vraiment pas honte de les condamner par dessus le marché aux travaux forcés, au travail gratuit pour mériter leurs maigres allocations, et tout cela, pour leur bien évidemment. Le travail rend libre, on vous le dit, c'est ancré dans les gènes sans doute ! Il y a, en tout cas, de vrais salauds. Comme ce ministre britannique menaçant de couper les vivres aux chômeurs qui ne cherchent pas assez de travail alors que le chômage augmente à cause de sa politique budgétaire et s'il n'y a pas de travail, où voulez vous en chercher ? Quand il s'agit de taper sur les pauvres, ont trouve toujours des arguments moraux (ici aussi, bien sûr, on a des raclures comme le ridicule Wauquiez qui pense qu'on n'a plus les moyens d'assurer une vie décente aux plus pauvres tellement la France s'est appauvrie!).
Ce débat se focalise actuellement sur le gain de compétitivité procuré par la diminution des prestations sociales et des salaires. Si la France, qui a déjà une des meilleures compétitivités, doit encore l'améliorer, c'est surtout par rapport à son principal concurrent de la zone Euro (pas seulement par rapport aux pays à bas salaire), par rapport à son dumping social, et cela, sans pouvoir utiliser la dévaluation, donc. Evidemment, une solution idéale serait de faire preuve de tant de dynamisme et d'innovation qu'on n'ait pas besoin de réduire les coûts mais il ne faut pas trop rêver. On n'est pas les seuls dans la course et, en attendant, la précarité gagne de plus en plus, ça c'est sûr. Que font les pays du sud pour s'aligner ? Ils baissent les salaires, solution intolérable mais qui nous pend au nez. Plutôt que dénier le problème vainement, il vaudrait sans doute mieux en prendre acte et en tirer les conséquences. Or, la seule façon de rendre acceptable ces baisses de salaire, ce serait de les compenser par une allocation universelle. Solution que les syndicalistes ont en horreur mais qui pourrait s'avérer très efficace et jouer un bon tour à nos concurrents principaux s'acharnant sur leurs pauvres.
C'est sans aucun doute parler pour ne rien dire car il y a bien peu de chance que ce genre de proposition trop audacieuse soit reprise mais elle m'apparaît pourtant comme imposée par la situation. Ce n'est, en effet, pas du tout ce que je défends d'habitude, un revenu suffisant permettant au contraire de pousser les salaires à la hausse, revenu de résistance, mais là, on parle de baisser les salaires. On peut trouver lamentable qu'on refasse les mêmes erreurs que le chancelier Brüning en 1930, la république de Weimar ayant baissé les salaires de 20% avec les résultats qu'on sait. Cela ne doit pas empêcher d'exiger une compensation pour ces baisses imposées. Ce serait au moins une façon d'introduire le revenu de base dans le débat, ne pouvant espérer qu'on obtienne d'un seul coup le revenu garanti idéal.
Je connais bien les objections que peuvent y faire ceux qui se croient tellement plus radicaux. Certes, on ferait ainsi un cadeau aux capitalistes, mais pourquoi pas si cela faisait vraiment baisser le chômage ? Et plutôt que de s'acharner sur les capitalistes tout en voulant qu'ils nous embauchent, mieux vaudrait pouvoir s'en passer et devenir des travailleurs autonomes, ce que permettrait justement le revenu de base s'il était suffisant. Alors, ce cadeau aux patrons nous permettrait de nous passer de patrons ! Il faudrait aussi pour cela des structures comme les coopératives municipales que je défends pour donner les moyens du travail autonome, mais un revenu de base étant essentiel, ce serait une première étape.
La supposée compétitivité ne se limite pas au montant des salaires mais revendique aussi une plus grande flexibilité qui reporte sur le salarié, devenu variable d'ajustement, les aléas de l'entreprise. Il est certain que l'entreprise y gagne en souplesse mais cela ne peut être acceptable que si l'on obtient en contrepartie un revenu garanti. Cette fois, ce n'est plus un revenu de base mais plutôt une sorte de lissage du revenu devant assurer une sécurité du revenu à défaut d'une "sécurité professionnelle" inaccessible.
La question du droit au revenu pourrait croiser ainsi pauvreté et compétitivité. Rien ne sert, sans doute, d'imaginer une telle éventualité, on ne peut prêter une telle audace à ce gouvernement qui croit que la crise est déjà passée mais voilà bien pourtant ce qui serait un véritable progrès moral à notre portée, qui est aussi progrès de l'information : d'avoir la pauvreté sous les yeux devrait nous la rendre odieuse. La barbarie menace toujours, dans laquelle nous pouvons encore tomber mais dont jusqu'ici, nous avons toujours fini par triompher.
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