La crise et le déclin de l’Occident

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4 ans ! plus de 4 ans déjà que cette crise systémique a commencé et qu'on nous promet qu'on en voit la fin, qu'elle est déjà derrière nous, qu'elle est circonscrite alors qu'on attend toujours son dénouement qui tarde à venir pendant que les pays tombent un à un sous le poids de leur dette. Ce n'est pas fini et pourrait durer longtemps encore. Le temps de l'histoire est bien trop lent pour nos vies humaines, on se lasse vite de redire tout le temps la même chose. J'avais déjà averti qu'un pilotage à vue pouvait retarder assez longtemps les inévitables conséquences de cette crise : krach de la dette, effondrement du dollar et retour de l'inflation qui devraient inaugurer un nouveau cycle de Kondratieff (de croissance). Il faut dire que les moyens employés sont démesurés, se chiffrant en milliers de milliards, ce qui donne à chaque fois l'impression d'une situation maîtrisée alors qu'on se met dans une position très instable, comme en surfusion où le moindre incident déclenche une nouvelle crise encore plus grave ! C'est effectivement une caractéristique de ces crises systémiques, plus on les retarde et plus elles s'aggravent...

Depuis tout ce temps, on peut dire que la désorientation générale est patente, ce n'est certes pas la clairvoyance qui domine, il est vraiment difficile d'imaginer que tout cela ne serait qu'un complot organisé par les puissants au nom de "la stratégie du choc" quand tous les experts sont complètement déboussolés et que les gouvernements n'agissent que sous la pression des marchés. C'est encore une fois l'occasion de prendre la mesure de nos limites cognitives et de la pensée de groupe tant il était difficile de ne pas participer à l'optimisme de rigueur de ces jours derniers (sur le fait qu'on serait en train de surmonter la crise!), tout comme à l'enthousiasme des partisans de Mélenchon pour ses incontestables talents de tribun à l'ancienne (mais qui espèrent quoi, dépasser les 10% ? pour quoi faire ?). Pour ma part, si j'annonçais dès le début le retour des révolutions, ce n'était pas du tout que je croyais à la fin du capitalisme, comme s'y précipitaient les révolutionnaires de pacotille et insurrectionnistes compulsifs. C'est uniquement parce qu'il faudra bien changer les institutions pour s'adapter aux nouvelles conditions de production à l'ère du numérique - pas pour revenir au XIXè siècle et aux industries "traditionnelles" ni à une Nation fantasmée !

Pour l'instant, il y a effectivement de quoi se fatiguer à la longue d'annoncer une catastrophe qui ne se produit pas... sinon pour les peuples de pays qui succombent un à un à leurs faiblesses particulières devenues soudain fatales ! Lorsque c'est tout le système qui subit une tension, ce sont, en effet, les points les plus fragiles qui craquent en premier mais c'est ensuite tout le tissus qui se déchire et qui devra être rapiécé sur de toutes autres bases, établissant un nouvel équilibre tenant compte de nouveaux rapports de force (avec la Chine, l'Inde, le Brésil dont l'importance est démographique avant d'être économique). On ne prend pas assez la mesure de la place que devrait occuper la mondialisation dans la sortie de crise et qui ne sera pas moindre mais bien plus grande qu'avant. Chacun promet exactement le contraire mais les réactions nationalistes ne sont que des combats d'arrière garde désespérés qui ne résisteront pas à l'expérience. On s'agite à vouloir ériger des murailles contre la Chine et le bon marché de ses marchandises, mais c'est peine perdue, on ne joue plus dans la même catégorie et une bonne partie des emplois à l'exportation sont perdus, ce qui n'est pas cependant la cause d'un chômage imputable plutôt à la rigueur monétaire. Quelques soient les mesures protectionnistes prises, et qui sont indubitablement justifiées mais forcément très limitées, nous allons inévitablement être de plus en plus submergés par la croissance accélérée des pays les plus peuplés. Ceux qui vont en payer le prix, ce ne sont pas les riches de plus en plus riches, ce sont les plus pauvres de plus en plus pauvres, pris dans une concurrence déloyale, mais aussi une bonne partie de la classe moyenne qui devrait les rejoindre. Après la Grèce, le Portugal, l'Espagne, l'Italie, la France...

On n'a pas fini de payer le prix de la mondialisation, bien supérieur à celui de la réunification allemande, on n'a rien vu encore sur ce plan et notre capacité à stopper le processus est très surévaluée. A l'évidence, ce qui est menacé, au-delà de l'emploi industriel, c'est surtout la protection sociale qui y était liée. Les exigences des institutions financières sont sans équivoque sur ce plan. Après l'Angleterre qui s'est toujours enorgueillie des sacrifices imposés aux pauvres (depuis Burke, Malthus, Spencer jusqu'à Thatcher), c'est l'Allemagne qu'on nous donne désormais comme modèle, si fière d'avoir produit des nouveaux pauvres et même des emplois non payés ! Même pour des économistes chinois, découvrant les lois du marché avec l'enthousiasme des nouveaux convertis, les protections sociales européennes apparaissent désincitatives car trop protectrices : il faut garder le couteau sous la gorge. La persécution des pauvres est-elle vraiment la condition d'une économie prospère ? Il semble que oui dès lors qu'un indicateur comme le NAIRU fait du chômage le régulateur de l'inflation par la pression qu'il fait peser sur les travailleurs ; mais c'est aussi qu'on est tenté lorsqu'il y a trop de chômeurs, phénomène manifestement macroéconomique, et que leur charge devient donc trop lourde, de trouver des justifications pour leur couper les vivres en prétendant, contre toute évidence, rendre ces chômeurs responsables personnellement de leur situation ! En tout cas, il semble bien qu'on assiste là, en direct, à la fin du modèle social européen, non par volonté politique, mais de ne plus en avoir les moyens et de générer de plus en plus d'exclus. Ce contre quoi il ne suffit pas de protester avec véhémence alors qu'on devra trouver un tout autre système de protection (non plus attaché à l'entreprise ou l'emploi mais à l'individu). La plupart des mesures qui sont proposées pour maintenir le système en l'état, pour nécessaires qu'elles soient le plus souvent, se révéleront relativement marginales dans leurs effets, leur radicalité n'étant qu'apparente. Non seulement on ne peut revenir en arrière ni sortir géographiquement de l'Europe mais aucun protectionnisme ne pourra nous isoler du reste monde à l'époque des réseaux numériques, or, le reste du monde change et se développe à un rythme jamais vu. Une fois réglées les questions de la monnaie et de la dette, ce qui est loin d'être le cas, il ne faut pas croire qu'on serait tiré d'affaire !

Au lieu de se monter la tête sur la capacité du volontarisme politique et des discours enflammés de régler ces problèmes qui nous dépassent (de l'ordre d'une tectonique des plaques), il vaudrait mieux se demander ce qu'on pouvait raisonnablement espérer dans les années trente dont nous vivons une sorte de remake. Pas grand chose à l'évidence, à rebours des idéologies exaltées de l'époque et malgré le tribut exorbitant en vies humaines qu'elles ont exigé. Non seulement il nous faut en rabattre sur ces prétentions démesurées à notre époque post-totalitaire mais la mondialisation achevée nous prive de la possibilité de fermer nos frontières, si ce n'est de toute souveraineté dès lors qu'on renonce à la guerre, ce qui devrait restreindre largement nos ambitions, sinon nos illusions. Alors quoi, n'y a-t-il rien à faire que céder à ces discours défaitistes ? Beaucoup préféreront croire le premier démagogue venu car il vaut toujours mieux une vaine agitation que de subir passivement. Il ne s'agit pas de sous-estimer pourtant les menaces qui pèsent sur nous et les urgences écologiques posées par le pic de la population mondiale qu'on devrait atteindre dans une trentaine d'années peut-être. Il y a le feu, mais ce n'est certainement pas une raison pour surestimer nos forces. Reconnaître la gravité de la situation et les raisons de nos échecs vaudrait bien mieux que de se laisser emporter par l'enthousiasme si communicatif des foules.

Il ne faut rien lâcher mais ne pas croire que le monde va se transformer soudain conformément à nos voeux, heureusement d'ailleurs car ce qu'on imagine comme paradis n'est souvent qu'un enfer pire encore, pur imaginaire. De toutes façons, un monde de cette dimension ne se change pas comme ça et possède une inertie en rapport avec sa taille même s'il change à un rythme accéléré sous l'effet du numérique et de la mondialisation marchande. Seulement, c'est un changement qu'on peut dire subi plus que voulu, de l'ordre de notre destin plutôt que de nos désirs, d'être né ici et maintenant dans une histoire humaine plus que millénaire. Notre marge de manoeuvre est étroite dans ce monde en crise où nous sommes écrasés par le nombre, perdant notre suprématie passée, sinon notre rayonnement intellectuel, dans un brutal renversement des hiérarchies d'autant plus difficile à admettre qu'il se traduit par une certaine tiersmondisation des pays riches pour une partie notable de leur population. La situation n'a rien de brillante.

Dans ce contexte, il faut évaluer le niveau où notre action pourrait être décisive, et ce niveau ne peut être la plupart du temps que local, ce qui ne paraît pas en rapport avec des questions qui se posent au niveau global mais qui a l'intérêt de pouvoir changer concrètement la vie et la façon de travailler au lieu de s'étourdir de grands mots. Un nouveau système de production relocalisé ne peut pas être une économie étatisée mais nécessairement une nouvelle organisation productive au niveau local dans une économie plurielle (publique, marchande, associative, locale) avec une diversité infinie des modes de vie. Il ne s'agit pas de s'isoler d'un monde hostile mais de le transformer par le bas, et non par un pouvoir distant et centralisé. Poser clairement les buts à atteindre montre qu'ils ne sont pas du niveau national en dehors de la redistribution fiscale, dès lors qu'il s'agit de sortir du productivisme, donc du salariat, mais aussi de la précarité et d'accéder pour chacun au travail choisi, de vivre mieux en produisant moins, de façon plus coopérative. Les objectifs qu'il nous faut atteindre sont ceux de l'émancipation, d'abolir la misère et de préserver nos conditions de vie (autonomie, solidarité, responsabilité). Ce sont précisément les objectifs qu'assurent les 3 dispositifs, qu'on peut trouver microscopiques, d'un système de production relocalisé : revenu garanti, coopératives municipales et monnaies locales (revenu, production, échanges).

Ces alternatives locales ne sont pas du tout prises au sérieux pour l'instant, peut-être encore trop utopiques, mais ce qu'on y oppose est assez consternant. Je ne parle pas des trotskistes que la Terre entière nous envie mais ce qu'on nous présente comme nos penseurs les plus audacieux sont d'une indigence rare, se ramenant en tout et pour tout au protectionnisme, à la souveraineté monétaire et la nationalisation des banques, si ce n'est la moralisation du capitalisme ! Ce merveilleux projet qui semble être celui de Lordon, Sapir, Todd, etc., défendu avec des accents révolutionnaires pourrait s'appeler un national-capitalisme ne changeant rien au système lui-même, ce qui rend la chose complètement utopique alors même qu'on ne pourrait en attendre pas grand chose, vraiment, tout au plus une économie un peu mieux régulée. Plus généralement, l'ambition des syndicats notamment, serait juste de revenir aux 30 glorieuses et à la convention de la métallurgie, comme si on pouvait revenir en arrière dans un refus obstiné des transformations de la production et du monde alentour. Certains font mine de vouloir aller au-delà, comme Paul Jorion, mais s'il faut soutenir les régulations financières qu'il défend (et sont loin d'être révolutionnaires), ses conceptions économiques sont, elles, beaucoup plus contestables. Vraiment, tout cela ne va pas loin, pas du tout du même ordre effectivement que des alternatives locales si décriées !

Que le niveau local soit le plus radical n'implique aucun repli sur soi, ni de négliger le niveau national, ramené à ses fonctions fiscales et d'investissement dans l'avenir mais tout autant idéologique. Quelque soit le prochain président, il ne changera pas l'histoire et sera sans doute balayé par des événements qui lui échappent mais il y a quand même une bonne chose déjà dans la mise en accusation des riches témoignant d'un retournement salutaire après ces années bling-bling. On a vu comme la droite défend les riches avec véhémence et le centre plutôt les nouveaux riches qui renouvellent la classe supérieure, alors que à gauche, ce sont bien les écarts de revenu qu'on veut réduire (ce qui devrait réduire la spéculation, notamment immobilière). Au niveau culturel, c'est la condition d'un renouveau politique de remplacer la chasse aux pauvres par la chasse aux riches, qu'ils rasent les murs, soient ringardisés, méprisés, ridiculisés pour une nouvelle génération qui aura bien mieux à faire, avec toutes ces possibilités qui s'offrent à nous, que de ne penser qu'au fric. Ce n'est pas tellement qu'on pourrait se passer de la richesse, pas plus que du luxe. Comme dit Rimbaud, la richesse a toujours été bien public. On peut dire que c'est une réserve sur laquelle puiser dans les temps difficile, facteur de survie à long terme sans doute. C'est juste qu'après les années fric, il est nécessaire d'avoir un retournement de tendance pour ne pas sombrer dans la superficialité et nous délivrer de l'arrogance des parvenus comme du pouvoir de l'oligarchie financière. Un certain retour aux valeurs qui étaient celles des beatnik ou hippies ne peut pas faire de mal et les réseaux numériques peuvent servir à répandre cette nouvelle mode des indignés ou des pirates, celle de l'intelligence et du jeu contre toute domination, y compris celle de l'argent. Cela ne remplace pas des expérimentations locales, mais, c'est tout ce qu'on peut attendre de l'activisme culturel et ce n'est déjà pas si mal. Il ne faut pas trop se fier aux socialistes pour tenir ces discours, eux qui sont capables de retourner leur veste et de survaloriser de nouveau les riches, comme Mitterrand avec Tapie, aux premières difficultés. On peut y voir du moins le signe qu'on n'est plus dans les années folles, mais c'est aussi que nos problèmes sont ceux de pays riches qui s'appauvrissent, que les difficultés commencent et non pas finissent...

Il ne faudrait pas trop rêver et plutôt se préparer au pire. On peut vouloir effacer l'histoire, effacer la dette, dénoncer les traités, dans tous les cas il faudra faire face à un appauvrissement plus ou moins considérable, pas forcément catastrophique s'il était mieux réparti mais très loin de ce qu'on raconte aux électeurs. C'est justement parce qu'on est depuis longtemps dans le petit nombre des pays les plus riches et qu'on est donc beaucoup plus intégré au reste du monde que les pays d'Amérique latine, par exemple, que nos marges de manoeuvre sont sans doute moins grandes. Si l'échelon national n'est plus aussi décisif, il faut répéter que cela ne signifie absolument pas qu'on ne pourrait rien faire, mais il faut sans doute une fois de plus l'expérience de la déception des promesses de campagne ! C'est seulement quand la politique nationale aura montré à nouveau ses limites sous les coups d'une crise amenée à durer encore longtemps qu'on se tournera peut-être, et à grande échelle espérons-le, vers ces solutions locales qui paraissent aujourd'hui si insignifiantes au regard des discours électoraux.

Il faut insister sur le fait que malgré l'inévitable déclin de l'Occident et des anciens pays riches, on n'est pas condamné pour autant à perdre tous nos idéaux mais qu'ils peuvent tout au contraire être réalisés concrètement au niveau local, et dès maintenant, même si le monde entier n'en est pas instantanément métamorphosé. Les monnaies locales sont les plus faciles à mettre en place bien qu'elles n'apportent pas tant que ça comme mesure isolée. Le revenu garanti n'est pas gagné, c'est le moins qu'on puisse dire, repris uniquement par la droite jusqu'ici, mais ce serait une immense conquête permettant de réellement abolir la misère s'il n'était pas trop faible, ce qui devrait devenir cette fois un enjeu national, notamment culturel, de ne plus trouver légitime de laisser se développer la misère. Je souligne cependant, et depuis longtemps, que ce revenu minimum ne peut en aucun cas se suffire à lui-même. C'est un point crucial, le revenu garanti a besoin des autres institutions du travail autonome et du développement humain, notamment ce que j'appelle des coopératives municipales et qui pourraient se développer dans les régions où le chômage explose. Réussir à combiner ces 3 dispositifs changerait profondément la vie et nos façons de produire, réalisant une bonne partie de nos idéaux et nous engageant dans un "avenir radieux" après le sang et les larmes de la crise, sans vouloir revenir en arrière ni tout étatiser ou nuire à nos libertés pour plier le réel à notre volonté, mais en reprenant les luttes d'émancipation pour la liberté du travail, pour rendre les libertés concrètes et sortir de la dictature économique.

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57 réflexions au sujet de “La crise et le déclin de l’Occident”

  1. Est-ce que Mitterand a voulu survaloriser les nouveaux riches en faisant appel à Tapie?
    Je ne crois pas, je crois plutôt qu'il a voulu enfoncer un coin dans le tropisme gauchiste anti-entreprise anti-patron. J-M Bockel a fini par quitter le PS et rejoindre l'ouverture et trahir son camp pour cause de lassitude à essayer de lutter vainement contre ce même tropisme stérile à l'intérieur du PS.

  2. Tenter de disséminer la connaissance et la pratique du principe de subsidiarité.

    Au vu de cet article qui fait du bien en remettant les perspectives à leur place, le principe de subsidiarité me semble être un point clé des possibles. Votre acharnement (auquel j'adhère) à soutenir les recherches de solutions à l'échelon local en témoigne. Le niveau social moléculaire (niveau local=groupe limité d'individus = niveau social moléculaire ) que vous soutenez me semble aussi receler le plus fort potentiel d'action, l'histoire en témoigne, mais pas toujours pour le meilleur (ex des soviets et autres factions moléculaires à vocation politique mais non généraliste). Mais on peut généraliser l'idée que ce principe de subsidiarité qui consiste à mettre en cohérence les décisions avec leur champ d'application, ce qui revient à prendre les décisions au plus bas niveau possible, s'applique aussi au niveau monétaire. C'est pour cette raison que je soutiens le projet de Bancor qui serait en phase avec l'existence des états, au détriment d'une quelconque monnaie internationale qui serait cohérente avec gouvernement mondial que je ne souhaite pas et qui n'est pas prêt de se mettre en place. C'est à dire que le bon niveau de décision monétaire cohérent avec ce principe de subsidiarité est l'état et que le Bancor a le potentiel de réaliser cette relocalisation au niveau de l'état de la décision monétaire.

    Ce principe de subsidiarité se retrouve mis en oeuvre dans les organisations hiérarchisées ayant adopté les principes d'organisation de la sociocratie d'Endenburg.

  3. Tapie n'a rien d'un créateur d'entreprise, c'est un parvenu de la race des rapaces et c'est bien Mitterrand et les socialistes qui sont les responsables de la valorisation des riches à partir de 1983 et de l'émission "vive la crise" où Yves Montand changeait de camp de façon honteuse avant que les socialistes ne tombent dans la corruption. C'est bien pour cela qu'on ne peut pas faire confiance aux socialistes, pas plus qu'à d'autres. Il est vrai que ce sont les circonstances qui les ont obligés à ce tournant, mais ce sera toujours comme ça.

  4. @Jean Zin :
    D'accord sur Tapie, je me souviens avoir lu comment au tout début de sa carrière il avait bousillé le projet de samu du coeur (pour secourir très rapidement les gens faisant une crise) d'un de ses amis. Quant à Yves Montand, j'ai entendu une de ces émissions où il avait carrément perdu la tête. Mais ça n'invalide pas l'hypothèse que j'ai avancée. Le cas de JM Bockel est peut-être plus probant sur ce point.

  5. Le paradoxe de la droite sociale de Wauquiez
    qui tente de donner un habillage acceptable à ce mouvement de recherche de boucs-émissaires à la crise du côté des pauvres, j'avais en décembre 2011 :le discours de Laurent Wauqiez qui s'appuie sur son essai sur "La lutte des classes moyennes" me semble se rapprocher beaucoup des thèses que je défends ici (Autonomie, participation, contribution, offrir une place plutôt que se contenter d'une allocation...) et de ce fait s'éloigne des thèses de la droite-prison (j'ai lu ce terme de droite-prison sous la plume de Nicolas Bedos et je trouve qu'il répond assez bien à celui de gauche bobo). La droite-prison, c'est la droite parano qui stigmatise les uns (les plus faibles), parle d'assistanat plutôt que d'assistance, veut surveiller et punir... Toutefois, Laurent Wauquiez n'en est pas encore à faire le pas de mettre le faible au centre de sa réflexion politique, il s'agit de droite sociale qui porte en elle la contradiction idéologique suivante: elle créé les conditions de l'assistanat en mettant la force et le fort au centre de ses préoccupations tout en croyant pouvoir faire une place à chacun. Encore un petit effort Monsieur Wauquiez, mais je vais suivre votre parcours de près pour les années à venir par curiosité, pour voir l'effet de cette contradiction sur, soit vos contorsions pour vivre avec, soit votre changement de paradigme afin de résoudre cette contradiction.

  6. @Michel Martin :

    Wauquiez fait là où son maître lui dit de faire :

    "Quels sont les effets de cette maladie dont Laurent Wauquiez parlait en mai 2011 ? Lorsqu’il affirme que « l’assistanat est un cancer » et que « aujourd’hui, un couple qui est au RSA, en cumulant les différents systèmes de minima sociaux, peut gagner plus qu’un couple dans lequel il y a une personne qui travaille au Smic."

    http://www.marianne2.fr/Le-vrai-cou...

    http://www.lemonde.fr/societe/artic...

  7. En effet, la relocalisation est essentielle pour aller vers l'économie Cendrillon ou la Belle Vie. Il est vrai que les énergies renouvelables s'installent réellement aussi depuis quelques années et mois, avec une nette évolution en Angleterre et en Allemagne, France aussi quand même des projets sortent des cartons. Avec l'Internet, la latéralisation et les économies locales vivrières nous devrions nous en sortir et aller vers une économie bouddhique. Mais cela réclamera peut-être d'attendre d'ici 2050 - 2060 pour commencer à ce que l'économie Cendrillon (un peu franciscaine) soit une réalité en France avant en Allemagne car ils ont pris la voie des renouvelables et du régional avant.

  8. Oui, il faudra du temps pour qu'un nouveau système de production émerge, comme il a fallu du temps pour que l'économie marchande émerge à l'époque féodale mais cela n'empêche pas que cela pourrait être immédiat localement sous l'effet de la crise dans de nouvelles villes franches qui se lanceraient dans l'aventure (en Grèce, en Espagne, en France, etc.). La production locale de l'énergie n'est qu'un élément de cette relocalisation, pas la plus déterminante de mon point de vue même si c'est important aussi mais il y a peu de chance que ce soient les pays qui s'en tirent le mieux qui relocalisent leur production en premier.

    Sinon, Wauquiez ne mérite même pas qu'on en parle, ce n'est qu'un crétin ambitieux qui s'y croit. D'un autre côté, il s'appuie pour ses basses oeuvres sur des réalités qui sont trop déniées par le politiquement correct comme les effets pervers d'une assistance qui renforce la dépendance au lieu de développer l'autonomie. Je ne connais personne d'autre qui défende, comme je le fais, à la fois un revenu garanti donnant la liberté de ne pas travailler avec des structures permettant l'accès au travail choisi, c'est-à-dire un surcroit d'assistance pour sortir de l'assistanat. On a soit des partisans du workfare, nouvel esclavagisme pour qui "le travail rend libre", justifiant les conditions de travail les plus honteuses et le travail forcé, soit des partisans du revenu d'existence pour qui il nous délivrerait du travail et suffirait à notre autonomie et pour que tout s'arrange merveilleusement tout seul. Entre libéraux et libertaires, je suis persuadé que la liberté pour tous dans le travail a besoin de la coopération générale, plus que d'une concurrence généralisée et des individus isolés.

  9. Je pense qu'on est au début du début et que cette crise/ mutation sera soit un aboutissement soit une fin de notre humanité.
    "Le local " a cette particularité de remettre des limites physiques au monde et de nous laisser immergés dans une nature. Par opposition la mondialisation industrielle a rompue ces limites et ce lien d'une nature.
    Le paradigme apportée par ces évolutions matérielles est une relation au monde particulière consistant à l'exploiter ;selon la formule devenue célèbre de "le monde (n'est (pas) une marchandise"; alors que le local peut porter l'idée de développer et d'aménager un territoire : le paradigme sous jacent est celui de la vie humaine à organiser en aménagement un territoire et une société ; c'est je crois toute la différence et tout le choix politique à opérer : vivre avec le PIB et par conséquent arriver à la société telle qu'elle s'organise actuellement et telle qu'elle entre en crise parce qu'elle n'est pas durable ; ou inverser cette logique d'exploitation et concurrence en un logique d'aménagement en remplaçant le PIB par l'organisation de la vie humaine sur cette planète . Ce second et nouveau positionnement ne rejette pas la science et la technique mais les replacent dans un cadre nouveau.
    Bon il y a du travail ! c'est certain et rien n'est gagné ; le moteur de ce nouveau paradigme reposera sur la démocratie en tant que recherche collective de la meilleure organisation possible.(certainement pas élections en alternance de gestionnaire du système d'exploitation)
    Il ne faut pas opposer local, national et mondial mais les considérer comme des échelons à mettre en cohérence : la vie étant au local , le national et le mondial devant se mettre au service des diversités locales.
    Le local seul aura du mal à se trouver , il faut aussi un projet national ; la nation est fondamentale dans le cadre d'un projet universaliste d'un monde de diversités à vivre.

  10. @Jean Zin :

    C'est tout le problème, ne proposer qu'une seule mesure, comme le revenu garanti ou l'assistanat garanti, de moins en moins par ailleurs.

    En économie, il faut des mesures incitatives, pas seulement un open bar ou une batte de baseball sur la tête, les grecs ayant subi l'un puis l'autre.

    Maintenant il leur est dit, fini la rigolade, au boulot et bien moins de revenus. Il me semble que ça ne va pas trop les motiver...

    Cette focalisation sur des mesures emblématiques hors des contraintes de synergies systémiques est la route la plus directe vers l'échec saignant et trébuchant.

  11. Cher Jean Zean, je ne comprends pas très bien votre inquiétude décliniste sur l'occident. L'occident n'est que l'emploi de l'Etre qui est passé dans ses valeurs et sa métaphysique. De nombreuses langues qui ne sont pas si éloignés de nous (Européens et Anglo-Saxons) ne comporte pas d'être au présent (le Russe, l'Hébreu, les créoles). Il n'est pas sur que notre langue perde son être au présent. La substantivation n'est plus de mise alors sans doute la fin de l'Occident, cette étrange notion, est-elle la mort de Dieu...

  12. Il faut se méfier des titres mais il suffit de lire l'article pour voir qu'il n'est en rien question des valeurs de l'Occident et plutôt d'équilibres économiques et démographiques. Rien à voir, bien sûr, avec Spengler. La référence à l'Occident visait à inclure les USA, pas seulement l'Europe, dans la crise actuelle mais il aurait fallu parler plutôt des pays riches car le Japon vieillissant fait partie de ces anciens riches trop endettés qui seront submergés par le nombre. Si je m'en inquiète, c'est uniquement que cela rend vaines les réponses nationales, ne laissant que des alternatives locales et que ne pas s'en rendre compte, c'est laisser se développer la misère dans nos sociétés.

    Je m'excuse donc d'avoir utilisé ce terme trop chargé de sens et d'histoire, d'autant que je ne crois pas du tout au déclin des valeurs occidentales qui me semblent au contraire s'imposer désormais à la planète entière (par la marchandise, le numérique, le féminisme, etc.) malgré les extrémismes religieux ou conservatismes qui voudraient y faire barrage. Kojève disait que le communisme chinois, c'était la conversion de la Chine au code Napoléon et à la philosophie, son occidentalisation que la suite a démontrée. Depuis les égyptiens, l'occident est le pays des morts, y compris de la mort des dieux. C'est sûrement le sens qu'on peut donner à ce mot depuis les Grecs au moins et la philosophie remettant en cause les traditions et le savoir hérité au nom de la raison même si les dieux mettront longtemps à mourir, croyant pouvoir persister en se faisant unique et de plus en plus abstrait (absent). Les sciences sont universelles et ne laissent pas place à ces divagations, le créationnisme peut bien s'en offusquer mais il faudra bien se rendre à l'évidence que les dieux sont déjà morts et que ce n'est pas nous qui les avons tués, dernière ruse pour nous faire croire qu'ils seraient autre chose que des mots, des histoires qu'on se raconte, purs effets de langage. L'Occident n'a pas grand chose à voir avec l'Etre, ces grandes fresques historiques qu'on prétend philosophiques sont surtout idéologiques et l'idéalisme même. En bon matérialiste, il faut y voir plutôt le mouvement d'une évolution en grande partie technique depuis que l'histoire humaine s'est affranchie de la génétique. Nous sommes au moment de l'unification du monde, il n'y a pas tellement à s'en inquiéter plus que d'autres mouvements d'unification du passé (Toynbee) sinon que la transition risque d'être cruelle pour les plus pauvres et que c'est à cela qu'il faut remédier, pas au déclin démographique.

  13. Bonjour,
    L'analyse que vous faites de la situation présente me parait encore une fois très juste, et vraiment adhérer au réel.

    Toutefois, quand vous dîtes: "En tout cas, il semble bien qu'on assiste là, en direct, à la fin du modèle social européen, non par volonté politique, mais de ne plus en avoir les moyens et de générer de plus en plus d'exclus.", il me semble bien que si, il a y bien la volonté politique de la part des Sarkozy-Merkel et troïka de le détruire. Mais il reste vrai que les solutions alternatives proposées semblent autant de palliatifs peu adaptés que le terme "national-capitalisme" qualifie assez bien.
    Toute idée de "retour" aux 30 glorieuses est effectivement chimérique, de même que celle de pratiques du XIX° siècle ne menant nulle part dans un monde aux technologies nouvelles.

    Lorsque vous dîtes dans un commentaire : "il faudra du temps pour qu'un nouveau système de production émerge, comme il a fallu du temps pour que l'économie marchande émerge à l'époque féodale", Je pense que vous donnez une bonne échelle du temps qu'il faudra et de l'ampleur du phénomène auquel nous aujourd'hui et les générations futures demain sommes et serons confrontés.
    Je trouve pour ma part l'exemple bien trouvé parce que les analogies avec ce qui se préfigure sont nombreuses à bien des égards: l'émergence de l'économie marchande a marqué la fin de la féodalité. Cependant, je suis nettement moins optimiste que vous quant à ce nouveau Moyen-âge, ou plutôt ce nouvel âge-moyen, cette période intermédiaire à venir. La relocalisation dans un univers essentiellement urbain et gigantesque, je la perçois assez mal... je crains fort qu'elle ne ressemble à autant de babels dans une jungle urbaine où des masses déracinées et déculturées mais claviotantes communiquant en langage sms risquent fort non de produire moins, mais de ne produire rien...

  14. Oui, ce sont bien les grandes villes qui sont l'enjeu principal y compris de la relocalisation (de l'emploi local) et je ne vois pas trop où est l'optimisme dans ce billet, optimisme que je défendais juste avant les révolutions arabes mais sans en faire trop et plutôt à long terme. Là, c'est plutôt la cata, du côté de l'écologie comme du social, la voix de la raison me semblant complètement inaudible dans ces mouvements de foule aussi bien financiers que politiques, où certains en rajoutent effectivement dans la volonté politique bien qu'ils ne fassent que suivre un courant qui les emporte.

    Je suis persuadé qu'il y aura beaucoup de problèmes, que ce n'est pas rose du tout mais j'essaie de donner quelques moyens d'en sortir, ce qui ne sera que localement mais de plus en plus partout ? Je ne suis pas pour en rajouter dans l'apocalyptique comme font la plupart depuis Anders, de faire dans l'exagération et de simplement prolonger les lignes. Les choses sont plus dialectiques et, ce qu'on craint est souvent ce qui existe déjà. L'enfer existe déjà dans des guerres, génocides, cartels des drogues, dictatures, si ce n'est dans certaines banlieues ou bidonvilles. Il y a des moments où ça s'aggrave (une nouvelle guerre mondiale?), des moments où ça recule, mais il semble malgré tout que ça va plutôt dans le bon sens sur le long terme, malgré tous les contempteurs du monde moderne. Nous sommes à un minimum de violences de l'histoire humaine qui n'a connu jusqu'ici que des guerres incessantes, même si la violence occupe toujours nos journaux télévisés.

    Il y a beaucoup de bêtise mais il y a aussi quelques lueurs d'intelligence et nous serons plus nombreux que jamais à penser, en ayant accès à tout le savoir du monde, ce dont on peut attendre quelque bien si quelque biohacker ou terrorisme d'Etat ne nous raye pas de la carte avant...

  15. @olaf : Rien de neuf dans cette compilation sur l'allocation universelle où ma propre conception n'est pas du tout prise en compte même si je suis cité. La justification par la fin du travail me semble absurde et masque la justification par les transformations du travail, ce qui est tout autre chose.

    L'histoire de la création monétaire pour financer cette allocation universelle, c'est de la blague et ne mène qu'à des montants très insuffisants, rien à voir avec des monnaies locales (où il y a effectivement création monétaire) ni surtout avec un revenu garanti qui est productif et n'a donc pas du tout besoin d'être financé intégralement.

    Enfin, sans donner accès aux moyens de production par des ateliers communaux genre fab labs, ni des coopératives, ni assistance mutuelle, le travail choisi restera l'apanage d'une petite élite encore.

    Vraiment je suis très loin de ces positions simplistes, c'est ce qui m'isole de tous ceux qui défendent une allocation universelle. Comme sur un grand nombre de sujets mes positions sont trop hétérodoxes et ne rentrent pas dans les cases (les oppositions idéologiques), ce que je trouve toujours un peu étonnant et rend si difficile de me faire comprendre.

  16. C'est le problème des analyses partielles sans corrélations. Actuellement, je lis des analyses expliquant que l'Allemagne ne s'en sort que par des baisses de salaire, ce qui est partiellement faux.

    En ce moment, ce sont plusieurs milliers d'euros de primes pour les salariés de VW, quand bien même le 17 millions pour le patron est largement excessif.

    Que sa croissance de PIB soit faible sur plusieurs années. En même temps les pays occidentaux ayant eu une meilleure performance de la croissance du PIB l'ont fait par la dette ou la planche à billet. On voit tôt ou tard le résultat de ce dopage du PIB. C'est comme les drogues, un jour donné, il faut quand même passer à la caisse.

    C'est tout de même un peu inquiétant cette focalisation sur cette croissance du PIB qui peut être très artificiellement, mais pas éternellement, maintenue par des moyens plus opaques.

  17. @olaf :
    Est-ce que tu saurais comment on peut contacter Jean-Claude Loewenstein pour qu'il vienne un peu discuter ici et prendre connaissance de la particularité de l'approche de Jean Zin?

    Pour ma part, je suis tout près de rejoindre Jean Zin dans sa position sur le revenu garanti comme il l'exprime dans le commentaire 18. J'avais formulé quelques réticences qui s'adressent surtout au modèle de revenu d'existence non accompagné d'une politique sérieuse d'accès aux moyens de production (faire disparaître la notion même d'inemployabilité).

  18. Il y a en fait pas mal d'initiatives en ce moment sur le revenu garanti, que ce soit en Belgique ou en France (il y a le 30 mars un colloque important à Montreuil pour lequel j'ai écrit Un revenu pour travailler bien que je n'y serais pas). Il y a aussi le congrès du "BIEN" (Basic Income Earth Network) de septembre à Munich qui se prépare et pour qui j'ai essayé d'expliquer ma position en quelques mots car ils ne parlent qu'anglais et je suis très mauvais en langues. De toutes façons, je crois que ce n'est pas du tout le genre de choses qu'ils peuvent entendre, plutôt contre-productif pour eux qui veulent faire inscrire le droit à un revenu pour tous comme un droit fondamental en Europe. Rajouter d'autres dispositif complique trop. Les monnaies locales sont encore très sous-estimées, bien que des expériences se multiplient, et les coopératives municipales semblent infaisables...

    Il y a tellement longtemps que je dis toujours la même chose, et seul à le dire, j'ai fini par m'habituer à être inaudible, y compris avec mes plus proches comme je le constate souvent. Il faut sans doute abandonner d'abord les voies sans issues qui s'imposent dans le débat mais il semble que la répétition ait des vertus quand même et ne soit pas complètement inutile puisque le commentaire 18, où je ne dis rien de neuf, a paru plus convaincant à Michel Martin. Il faut effectivement arriver à des formes plus ramassées (et je me suis inspiré de ce commentaire pour répondre au BIEN). Je dois dire cependant que je me sens très démobilisé en ce moment, trop en dehors du coup.

  19. @olaf : Oui, l'Allemagne est heureusement dans une phase d'augmentation des salaires, tout comme la Chine, etc. C'est tout ce qu'on peut souhaiter et conforme à notre entrée dans une période d'inflation. Les baisses de salaire, c'est depuis la réunification et Schroeder (qui fait parti des social-traites ridicules avec ses cigares et son rêve de réussite financière). D'une certaine façon, l'augmentation des salaires en Allemagne est une condition préalable à la baisse du chômage dans les autres pays européens et de toute possible augmentation de leurs salaires. C'est ce qu'ils peuvent faire de mieux et que toute l'Europe devrait soutenir (c'est là qu'on manque de solidarité européenne). Cela ne touche cependant qu'une toute petite fraction des salariés pour l'instant, il faut que les syndicats allemands montrent à quoi sert leur puissance pour donner de l'oxygène à la fois aux petits revenus et aux travailleurs des autres pays. Je n'ai pas vu cependant qu'ils prenaient suffisamment le numérique en compte, l'inconvénient d'être moins désindustrialisé est de rester plus archaïque, il est loin le temps où des cars de syndicalistes allemands allaient voir Gorz...

    Tous les pays occidentaux ne sont pas au même point, c'est ce que mon titre peut avoir de trompeur, car les pays ayant connu une crise de la dette avant les autres se portent beaucoup mieux comme le Canada ou la Suède, le changement climatique étant de plus très favorable à ces pays du grand nord. Je ne crois pas trop à l'analogie entre bulles financières et drogues, plutôt de l'ordre des mouvements de foule ou d'une libération d'énergie. Il est facile d'accuser les emprunteurs d'avoir vécu à crédit, mais c'est que les prêteurs se bousculaient au portillon, il était presque impossible de ne pas profiter de cet argent facile, c'était vraiment être très con quand tout le monde s'enrichissait ainsi pendant des années. Le processus est répétitif dans l'histoire économique et ces investissements dans la périphérie constituent un élargissement du marché pour les pays exportateurs, de sorte qu'on ne peut même pas dire que ce serait un jeu à somme nul, malgré la profondeur de la dépression (1929) cela crée de la croissance à plus long terme. Ce n'est pas tant une croissance "artificielle" que purement keynésienne, si l'on peut dire et si cela produit inévitablement un krach de la dette, c'est qu'il n'y a pas d'autre façon d'y mettre des bornes. Bien sûr on est loin de la décroissance mais il ne sert à rien de prendre la croissance elle-même comme cible, pas plus que la technique ou le diable supposé expliquer notre méchanceté, seuls comptent les dispositifs qui peuvent permettre de sortir de la logique productiviste (industrielle).

  20. "Je n'ai pas vu cependant qu'ils prenaient suffisamment le numérique en compte, l'inconvénient d'être moins désindustrialisé est de rester plus archaïque"

    Pour être sur le terrain, les chaines de production sont archi numérisées, bourrées de capteurs, caméras de contrôle dee reconnaissance de forme, chariots d'approvisionnement automatiques, au point que dans certaines unités de production on ne voit presque personne.

    C'est d'ailleurs un des points forts de l'industrie allemande que de s'être spécialisée sur les machines outil programmables et autres machines spéciales.

    Par ailleurs, les systèmes intranet d'entreprise utilisent tous les outils informatiques disponibles, bases de données en tous genres, dont SAP allemand, accès libre aux réseaux sociaux, synchronisation possible de son matériel nomade y compris personnel, comme une tablette ou son tel portable, clés RSA pour accéder de n'importe où au réseau interne, imprimantes 3D...

  21. Je ne prétends pas être très au courant de ce qui se fait en Allemagne mais je n'imagine absolument pas que l'industrie allemande soit en retard dans l'informatisation, je parlais des syndicats et des emplois hors industrie qui sont l'avenir mais ne sont pas assez pris en compte encore car la base syndicale est inévitablement industrielle, favorisée par les concentrations de salariés. Ce qui est un avantage sur le court terme pourrait devenir un handicap à plus long terme, face aux nouveaux marchés comme celui de la programmation des jeux (qui n'a rien de marginal), mais je me trompe peut-être par manque d'informations.

    Un article sur les bas salaires en Allemagne touchant presque 8 millions de personnes (23% des salariés) souligne que "contrairement aux clichés, c'est surtout à l'Ouest que des phénomènes de paupérisation et de précarisation sont observés".

  22. @Jean Zin : L'impression de solitude, de répétition vaine et de lassitude des autres me semble assez généralisée (sans savoir si c'est propre à notre époque, et donc si il faut en déduire une stratégie dans le rapport à l'autre). Le risque c'est de basculer dans l'autisme, dont on ne voit aucune trace dans vos articles.

    Vous parlez de la lenteur de l'Histoire, qui me semble tout à fait indépassable, il y a aussi le mode actuel de diffusion des idées (et donc leur élaboration aussi), moins hiérarchisé qu'avant (?). Tout ça me semble inévitable.

    Je dirais, si vous me permettez, que même si votre réflexion globale me semble correcte, la plupart du temps, je ne pense pas que c'est en étant convaincant qu'on pourra aller plus vite que la musique. Je crois qu'on se fatigue à réfléchir sur des phénomènes qui nous dépassent, mais on crée au mieux une sorte de boîte à outils pour une génération à venir. Alors ça fait du bien de vous lire, de réfléchir, d'y trouver du sens... finalement de jouer à trouver les grandes dynamiques actuelles pour en déduire des stratégies personnelles ou collectives, pour ceux qui ont le talent du charisme. La frustration que vous ressentez me semble naturelle et découler d'une certaine libido (il y a, en plus de la frustration, du désir, du plaisir, de la répétition, de l'innovation...). Je prends un peu de liberté, j'espère ne pas vous énerver.
    C'est toujours agréable de vous lire, et j'espère que vous gardez un peu de plaisir à écrire, malgré des commentaires qui ne vous comblent pas. Même si cet article ne m'a pas surpris comme parfois (j'ai adhéré tout de suite, je préfère quand j'adhère en m'y reprenant à plusieurs fois). Alors si les Todd, Lordon et autres écrivains disent des bêtises, ils disent aussi des choses intéressantes qui nous font avancer. C'est formidable de lire chez quelqu'un quelque chose qu'on a toujours voulu savoir écrire soi-même sans jamais y parvenir, mais enfin c'est un peu miraculeux et cette rareté fait partie du plaisir aussi (libido de l'écriture, libido de la lecture ?).

    Que voulez-vous dire par "en dehors du coup" ?

  23. Excellent ! Même les transhumanistes lassés de leur lyrisme asthénique se réveille : http://passeurdesciences.blog.lemon...

    Il ne leur reste plus qu'à découvrir que la dystopie totalitaire dont ils s'effraient n'est que le fonctionnement normal du progrès dans le temps (de la libération automobile à l'asservissement automobile, et tout est à l'avenant) et nous les verrons peut-être bientôt écrire dans les chiottes de leurs bunkers à air recyclé ce graffiti qui dit que "rien n'est vrai, tout est permis".

    Nick Bostrom n'est absolument pas opposé à la technologie : au contraire, c'est un grand partisan du transhumanisme. Simplement, il milite pour que nous gardions le contrôle. Le contrôle de nos technologies, de notre planète, de notre avenir. Parce que l'extinction de l'homme n'est pas le seul risque que nous courons. L'autre visage du risque existentiel, c'est la disparition totale des libertés à l'échelle planétaire : "On peut imaginer le scénario d'une dystopie totalitaire mondiale. Encore une fois, c'est lié à la possibilité que nous développions des technologies qui rendront bien plus simple, pour des régimes oppressifs, d'éliminer les dissidents ou de surveiller leurs populations de façon à obtenir une dictature stable, plutôt que celles que nous avons vues au cours de l'histoire et qui ont fini par être renversées."

  24. @Jean Zin :

    Les syndicats en DE concernent surtout la base du salariat, beaucoup moins les cadres.

    Les règles peuvent être rigoureuses, un employé d'industrie peut écrire une plainte adressée à la direction en raison d'un comportement déplaisant de son encadrement et cette plainte sera considérée sérieusement.

    Le domaine des services à bas salaires reste évidemment le problème, tout comme en France, pas de cohésion forte, pas de conventions, l'ordre dispersé.

    Certains de mes collègues sont en free lance, rare en France dans ce type de fonctions, mais ils préfèrent ce statut au salariat en CDI, question de choix, même si ils restent plusieurs années souvent à travailler pour la même entreprise et que ça puisse nécessiter de la mobilité en fin de contrat.

    Il me semble que beaucoup de gens pourraient travailler pour plusieurs entités à la fois, mais le statut de salarié dans l'industrie et les peurs de conflits d'intérêts font qu'on est assigné à une place.

    Personnellement, je travaille peu en fait, quelques idées de temps à autre et le facteur d'échelle me positionne dans le fauteuil. Si j'étais en fonction avec plusieurs autres entités économiques, je serais plus productif.

    Les communications numériques facilitent ce multiplexage, pas que dans le domaine de la programmation, mais les lourdeurs de la tradition freinent. Un de mes collègues hongrois doit se taper 5 jours par semaine 160 km par jour pour aller au bureau, alors qu'il pourrait ne le faire que 2 ou 3 jours par semaine et travailler à domicile ou dans un bureau de la ville où il habite. Avec internet on peut s'échanger toutes sortes de documents, faire des conférences web etc..., ce que je fais couramment avec des gens sur tous les continents, et ça fonctionne pour des sujets complexes, alors que je ne les vois qu'une fois par an ou moins. Avant internet, le fax m'a permis assez bien aussi de traiter des affaires sans jamais voir mes interlocuteurs.

    Mais une forme de modèle hiérarchique d'emprise ou tribal résiste aux possibilités nouvelles.

  25. Les choses ne se passent jamais idéalement dans le monde réel, les organisations sont toujours bancales, on n'arrête pas de faire des erreurs, mais bon an mal an, ça fonctionne plus ou moins bien, parfois très bien, jamais longtemps très mal.

    Un livre vient justement de montrer que les entrepreneurs (ici des chemins de fer) font n'importe quoi, ce n'est pas leur génie qui fait la dynamique du capitalisme mais leur diversité (il faudrait y ajouter leur efficacité relative, ce qu'on appelle la sanction du marché qui est une sélection par le résultat).

    http://www.laviedesidees.fr/Des-pat...

  26. @Ladislas : Je trouve marrant qu'on se focalise sur le risque totalitaire qui ne me semble pas si grand, ou plutôt qu'il représente notre passé et ne peut faire obstacle à une liberté de plus en plus nécessaire même si c'est dans un cadre assez rigide. Par contre le risque biologique me semble effectivement terrifiant même s'il ne faut jamais aller jusqu'aux extrémités d'une "disparition de l'humanité" ou d'une "destruction de la planète", c'est bien plus dangereux que la bombe atomique et, le problème, c'est qu'il n'y a aucun moyen de l'empêcher, on ne peut pas remettre le diable dans la boîte ni le virus dans l'éprouvette. La menace pourrait même venir des anti-systèmes plus que de ceux qui défendent le système ! Il est aussi idiot d'être un partisan de la technique (sans parler du transhumanisme) que d'y être opposé mais comme depuis que nous sommes des hommes, nous créons nous-mêmes notre propre menace (Lamarck disait déjà "on dirait que l'homme est destiné à s'exterminer lui-même après avoir rendu le globe inhabitable"), travail du négatif qui est un dur combat contre nous-mêmes et fait notre destin si souvent terrible, et notre avenir jamais assuré, vie qu'on doit gagner jour après jour contre les forces de destructions qui auront finalement raisons de nous.

  27. "...vie qu'on doit gagner jour après jour contre les forces de destruction qui auront finalement raison de nous."
    Tout à fait dans le ton de l'Ecclésiaste.
    Un ami qui a définitivement résolu la question de l'angoisse de la mort me dit de temps en temps:
    "Tant qu'on n'est pas mort, la question de la mort ne nous concerne pas, et quand on est mort, elle ne nous concerne plus."

  28. ça va bien tant qu'on a la santé et pas de problèmes de survie mais quand on voit un malade du Parkinson en phase terminale, la question est toute autre. La définition de la santé étant le silence des organes, on ne peut oublier le corps que s'il se fait oublier, de même qu'on peut ne plus penser au fric quand on en a mais cela n'empêche pas que toute victoire sur l'entropie résulte d'un effort constant et qu'on peut mourir à tout âge. Ceci dit, je parlais plutôt des populations, toujours menacées par la guerre jusqu'ici et la destruction de leur environnement (depuis le feu, l'extermination des grands mammifères, etc.). La menace bioterroriste me semble vraiment sérieuse et ce qu'il y a de plus terrifiant.

  29. @ropib : Je suis d'accord avec à peu près tout ce que vous dites. Si je suis "en dehors du coup", c'est d'abord en dehors des élections présidentielles qui abreuvent chacun de promesses, c'est aussi, mais ce n'est pas nouveau, que je suis en dehors du milieu intellectuel et politique (y compris pour le revenu garanti) depuis la dissolution du GRIT au moins. On ne peut dire que je souffre d'une solitude que je cultive soigneusement désormais même si le fait de ne pas pouvoir m'entendre avec d'autres m'a un peu désespéré au départ. Il y a aussi la fin de vie de mes parents qui m'affecte profondément, et des moments où l'on est plus mal qu'à d'autres, comme vidé de l'intérieur. L'écriture reste ce que je préfère et d'y affronter la contradiction mais il est vrai que dans cet article je rabâche plutôt à faire le rabat-joie dans un climat d'euphorie précipité et je suis effectivement assez démobilisé en ce moment, pris ailleurs.

  30. @Jean Zin :
    Je voulais seulement parler de l'emprise psychologique que tous ces malheurs, réels ou potentiels, personnels ou collectifs peuvent avoir. Sans rien nier ou braver, je voulais exprimer qu'en ce domaine il existe quand même quelques marges de manœuvre, aussi minces soient-elles.
    Avec tout mon soutien pour cette période difficile.

  31. @Jean Zin : Je ne suis pas certain que la recherche de légitimation des gouvernements nationnaux n'entraînent pas de totalitarisme. Alors évidemment ce serait transitionnel (vous parlez des années 30, personnellement je préfère l'analogie avec la guerre de Cent-Ans et la déterritorialisation de l'économie et les fondements du capitalisme, et qui débouche sur l'imprimerie... une guerre qui n'a absolument pas empêché les dynamiques sociologiques de l'époque), mais ce ne serait quand même pas très drôle à vivre. On peut remarquer en Grèce par exemple une certaine agressivité qui se développe envers l'Allemagne que je n'aurais pas imaginée il y a 6 mois (oui j'ai du retard), ainsi je ne vois plus comme aussi difficile qu'avant la possibilité de faire émerger des dynamiques violentes et concertées dans la population.
    Cependant j'ai lu dernièrement un article sur l'idée que la kalachnikov était peut-être la rupture technologique militaire la plus importante du siècle dernier, et j'en ai conclue que cela participait finalement d'un même mouvement d'individualisation des moyens de production. Ainsi le terrorisme se comprendrait dans une dynamique d'individualisation de la guerre, et comme vous le dites, le risque majeur résiderait alors dans la capacité à pouvoir développer à bas coût des armes avec une capacité de naucivité importante (des fabs-labs bio-chimiques ou quelque chose de ce genre, mais aussi, avec une naucivité non virale, des mini-drônes). Clairement nous pouvons entrevoir des opportunités dans notre époque pour l'autonomie des individus, mais de toutes façons, et vous le dites souvent, il n'y a pas de monde de bisounours qui nous attend, aucun paradis envisageable, pensable.

    Je ne suis pas de la même génération que vous. Ce sont mes grand-parents qui sont en fin de vie, d'un côté un AVC récent, de l'autre un parkinson, accompagnés dans les deux cas de dégénérescences multiples du corps, moins graves, mais qui, chez quelqu'un qui souffre d'une réelle phobie de l'hopital à la base, prennent des proportions ahurrissantes. C'est désarmant et terrifiant... mais je me demande si je suis un psychopathe ou quoi, en réussissant (ou j'en ai l'impression au moins) à faire abstraction de ce sur quoi je n'ai de toute manière aucune prise, en essayant d'apporter ce que je pouvais (avec néanmoins un certain égoïsme peu excusable... vivant moi-même des moments très intenses en ce moment), en accompagnant l'entourage. Peut-être que ce serait le signe d'une incapacité à l'empathie... Je ne sais pas du tout si je serais capable d'avoir cette distance tout en étant (un peu) utile si c'était mes parents.
    Je vous souhaite beaucoup de courage, de l'énergie, et... une certaine dose d'inconscience.

  32. On peut dire qu'on vit dans un totalitarisme de marché (dont tout l'enjeu est de sortir par une économie plurielle) mais ce n'est pas vraiment comparable au totalitarisme étatique. Je ne dis pas qu'on ne peut pas craindre un retour de la dictature toujours possible sur de relativement brèves périodes mais le monde moderne exige trop d'autonomie pour que ce soit une voie d'avenir, même les Chinois en sont persuadés. L'humanité continue son chemin vers la liberté (qui n'est pas au départ comme on l'imagine mais une conquête historique).

    Il y a incontestablement un retour des tendances fascistes, comme dans les années 30, mais même les fascistes ont changé, tout comme les communistes qui ne sont plus les mêmes. Tout cela devrait déboucher sur une guerre si on n'était pas à une toute autre époque où l'hypothèse est beaucoup moins probable. On est dans un minimum de violence (qui nous rend d'autant plus insupportables les violences en Syrie notamment), ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a plus, ni qu'on ne connaîtra pas un déchaînement de violence cataclysmique mais j'ai vraiment beaucoup plus peur des biotechnologies, pas forcément à court terme quoique ce soit déjà à la portée de presque n'importe qui. Il n'y a pas d'armes nouvelles qui n'aient été essayées au moins une fois.

    Je ne suis pas moi-même très empathique mais ce n'est pas la même chose des parents et des grands-parents, de même que le Parkinson est sans grand problème pendant une dizaine d'années mais ensuite c'est une torture quotidienne qu'on n'infligerait pas à son pire ennemi. La vie a aussi sa face sombre qu'il n'est pas sûr que la perversité humaine puisse égaler parfois. Heureusement, oui, qu'on peut rester insensible au malheur qui nous submergerait sinon. Comme dit Darwin "ce sont les êtres sains et heureux qui survivent et se multiplient".

  33. Déclin sans doute, nouveau moyen-âge même certainement, en attendant voyons un peu les jouets avec lesquels vous voulez rebâtir le monde :

    http://www.youtube.com/watch?featur...!

    Ils n'ont pas l'air beau. Quant à ceux qui s'imaginent qu'il suffirait, en se gardant bien de dire comment, de moraliser la production, voir de transformer ces bougres qui servent notre noosphère pathétique en auto-entrepreneurs sortant du salariat équipé d'imprimante 3D, toujours en se gardant bien de dire comment, soit ceux-là sont cyniques à n'en plus finir, soit ils sont fous.

    Allons, j'ai lu quelques-uns. La contradiction entre les moyens et les buts recherchés, les bases du système d'appropriation de la nature, fondement de toutes les sociétés, sont si contradictoires que non seulement les initiatives locales ne résisteront pas au temps ou à l'histoire, mais tant bien même une telle société parvenue à sa réalisation n'en continuerait pas moins de s'effondrer sous le poids de ses contradictions.

    Sur votre article, j'aimerai ajouter que nous ne faisons pas face à un déclin de la puissance occidentale, sinon du seul point de vue de la déliquescence socio-culturelle, mais à un effondrement catabolitique dont nous vivons la symptomatique : chaque poussée de catabolisme lors de la descente réduit de manière significative les coûts de maintenance. Ca peut également libérer des ressources pour d'autres usages. Le résultat habituel est le déclin par "en escalier" dont tant de civilisations nous montrent l’exemple ! Déclin marqué par des crises, suivies par plusieurs décennies de relative stabilité et une récupération partielle, puis un retour à la crise. Par réitération successive du schème vous aboutissez aux ruines. Tristement les nôtres n'auront pas l'élégance imposante du Parthénon ou du Yucata. Les nôtres seront d'océans de ciments jonchées des détritus des utopies en imprimantes 3D.

  34. In Race Against the Machine, MIT's Erik Brynjolfsson and Andrew McAfee present a very different explanation. Drawing on research by their team at the Center for Digital Business, they show that there's been no stagnation in technology -- in fact, the digital revolution is accelerating. Recent advances are the stuff of science fiction: computers now drive cars in traffic, translate between human languages effectively, and beat the best human Jeopardy! players.

    http://www.amazon.fr/Race-Against-M...

  35. @olaf : Rien ne vaut la noblesse de la présence physique, la vitalité de la voie et la chaleur des corps qui se touchent.

    @Ladislas : L'Homme serait donc perdu, définitivement expulsé d'un second Eden en n'ayant pas laissé intact notre belle nature, un héritage ? La nature n'est pas hospitalière, elle est dure et inhumaine, il faut une certaine dose d'organisation sociale, de puissance technique pour imaginer l'avoir pervertie en ne l'ayant pas considérée comme une amie.
    Il ne s'agit pas de "moraliser" la production (enfin, de ce que je comprends de la manière dont vous entendez la notion de morale). Nous nous réorganisons, et il y a autant d'apocalypse qu'à toute époque de grands changements, aucun retour en arrière n'est envisageable mais des rééquilibrages, des ajustements. Ce n'est pas le domaine de la croyance que de comprendre que si les moyens de production sont individualisés la structure sociale s'en retrouve modifiée, que le travail ne se conçoit plus par rapport à la mise en relation de moyens de production centralisés et onéreux, les personnes pour les manipuler, la conception d'un usage et la mesure de son utilité. Il y a forcément un raccourcissement dans ce circuit, mais dans le même temps une complexification des interdépendances: l'industrie, le découpage des tâches et l'éclatement des compétences, n'est pas anihilée, au contraire. Donc il est vrai que la signification directe de notre existence, de notre rôle social n'ira pas de soi. L'autonomie n'est pas l'indépendance et de toute façon cette dernière n'est pas souhaitable (c'est à dire que nous pouvons remarquer que les humains cherchent à être ensemble, sans que cela soit un instinct grégaire: il faudrait parler de collaboration), se retrouver seul sans intermédiaire face à Dieu (ou une entité complète et autoréférencée de ce genre) est un véritable cauchemar. Après il faut voir aussi qu'on ne peut pas rester dans un monde qui découvre la société de consommation, à partir d'un moment elle est nécessairement assimilée, et le développement des infrastructures matérielles a des limites (qui sont liées de manière logique, sans recourt à la magie ou la coïncidence, à la disponibilité des matières premières)... ce qui fait qu'il y a un dépassement du produit-déchet pour préserver la consommation en flux. Evidemment nous continuons de produire des déchets, plus que jamais, mais il s'agit d'une inertie structurelle, on peut dors et déjà constater des changements de comportement (suffisamment villipandés par les tenants de l'industrie).
    Oui, la déliquescence, Socrate en parlait déjà, avec l'écriture, et puis il y a eu l'imprimerie (oeuvre du Diable) et maintenant le web (ou quelque chose dont le web serait le commencement). Pour un peu il faudrait revenir au culte des ancêtres, des morts. La vie c'est aussi la dynamique du même, la perpétuation de l'identique c'est la mort.

    Sur le catabolisme... je suis surpris que vous ne remarquiez aucun processus d'anabolisme. Ce qui me fait douter de votre conviction quant à cette analogie.

  36. Ce discours théorique toujours tellement au dessus du réel me laisse de marbre. Ce n'est pas en rangeant la souffrance et la monstruosité qu'engendre la construction de cette noosphère virtuelle dans les variables d'ajustement et l'anabolisme anti-entropique que l'on efface l'horreur ! Au mieux cela sert de palliatif pour les consciences accablés - bien au chaud dans la partie riche du monde. De la même manière que la destruction créatrice ou la création destructrice, selon le degré de mauvaise conscience individuelle, masque derrière un enfumage théorique et une verbosité excessive la réalité simple de la précarité nerveuse et dépressive des monades atomisées par une noosphère economico-technicienne qui en avait besoin ainsi !

    Maintenant ne me ramenez pas votre petit sobriquet de chien de garde anti-religieux avec son vocabulaire dérisoire - le diable, l'eden et autres conneries vous servant de représentation dualiste de la critique. Comme si en dernier ressort toute critique en profondeur de la structuration technicienne était en dernier ressort religieuse. Nul besoin de la séparation d'origine théologique pour trouver des raisons d'une analyse des forces structurantes par-delà l'économie.

    Je ne sais donc pas si vous réinventerez un culte des ancêtres, sauf à la manière des ces geek qui ritualisent à tout va le cadavre de l'amiga de leur jeunesse sur laquelle ils codaient leur premier "hello world", mais il est certain que vous avez du goût pour les idées cadavériques.

  37. @Ladislas : La réalité c'est que la nature n'est pas un paradis. Et je n'ai justement aucun goût pour l'élégance imposante des ruines qui ne vaudraient plus que les nôtres que par un état de décomposition plus avancé: ce n'est pas parce que nous mourrons bientôt que ceux qui nous survivront bientôt devront nous vénérer ou périr. Il n'y a pas de déliquescence sous prétexte que le monde soit intelligible malgré la vacuité de notre existence.
    Pour le reste... je n'ai rien compris. Est-ce par le côté pratique de votre approche, la tempérance de votre démonstration ou tout simplement votre sereine clairvoyance ? comment saurais-je, je suis moi-même maudit (je ne me soumets pas à votre approche morale abstraite et intemporelle, ne vous sentez pas insulté par le mot "Dieu" alors que j'essayais justement d'éviter d'être blessant, j'aurais pu mettre des majuscules à d'autres vénérations) ?

    Oui, le pire est possible, mais celui-là était absent de votre commentaire. Quant à la probabilité de la fin de notre civilisation industrielle, je la considère comme maximale et n'y vois la marque d'aucune apocalypse (mais partageons-nous la même notion de la "civilisation" ?).

  38. On aura compris que nous sommes tous ici coupables de toutes les turpitudes du monde et de sa destruction prochaine, mais pas le sus-nommé Ladislas qui est, lui, "tellement au dessus du réel" comme si ce monde n'était pas son monde autant que le nôtre et qu'il n'utilisait, lui, ni ordinateur, ni téléphone, ni aucune des horribles techniques auxquelles l'engeance humaine a donné naissance, ni qu'il profitait d'un confort de vie bien au chaud que beaucoup lui envieraient...

    Il est certain que la critique de la technique est empreinte de religiosité à valoriser l'originaire et une nature fantasmée qui est celle des dieux (on peut rapprocher le mot latin Natura du Neter égyptien signifiant dieu) mais qui n'a en fait aucune consistance puisque l'homme fait partie de la nature et que, depuis l'origine justement, la technique est notre destin (et même le système technique de l'époque) selon les mêmes lois que l'évolution biologique, qu'on doit faire avec (on ne peut décider de ce qu'on sait), y compris par une critique de la technique à condition qu'elle débouche sur une modification de telle ou telle technique (mais je ne vois pas comment on pourra se protéger du bioterrorisme).

    Il est tout aussi certain en effet que la critique est facile et n'est la garantie de rien. On ne compte plus les délires qui se prennent pour de la pensée critique (comme les théories du complot mais il y a pléthore). La critique a bien besoin d'être critiquée à son tour. Ce n'est pas forcément ce qui nous sauvera d'une situation sur laquelle nous avons peu de prises, situation qui est effectivement assez catastrophique et à l'évidence insoutenable en l'état. Essayer d'y introduire une petite lueur d'espoir, sans trop d'illusions, n'est quand même pas un péché et vaut mieux que les récriminations incessantes de faux prophètes.

  39. Certes, le développement du travail autonome ne concerne pas tous les secteurs de l'économie, comme l'industrie qui reste importante (et qui ne disparaîtra pas plus que l'agriculture n'a disparue)

    Si l'on enlève le secteur industriel du système de coopératives municipales, il restera la même logique de "guerre" permanente dans et entre les sociétés (y compris industrialisées :Occident + Japon et Chine). Le secteur secondaire bloquera tout le système puisqu'il articule les secteurs primaires et tertiaire.

  40. Bonjour,
    Je voudrais vous demander comment est ce que le revenu garanti, coopératives municipales et monnaies locales peut faire passer d'un système de concurrence de tous avec tous à un système plus coopératif. Du moment que la question du partage des revenus, les hiérarchies, les rapports de force entre les membres de chaque société qui sont les mêmes faces du même problème n'est pas résolue. Comment partager et selon quels principes?
    Enfin pour reformuler autrement mon commentaire 49, Le système revenu garanti, coopératives municipales et monnaies locales peut il être généralisé à l'industrie et à tous les secteurs de production?

  41. L'appropriation de la nature est dure ? Sans doute, quoi qu'elle le soit inégalement selon les lieux. Les nécessités vitales de l'appropriation de la nature, auxquelles aucune société humaine ne saurait se soustraire (à moins d'espérer dans la mutation annoncée par les généticiens), ne sont pas en cause. Une organisation sociale, quelle qu'elle soit, est avant toute autre chose une forme d'appropriation de la nature, et c'est là-dessus que la société industrielle a échoué misérablement. La fuite en avant dans l'artificialisation, telle que la propose l'utopie néotechnologique, qui prétend résoudre le problème en le supprimant, n'est qu'une manifestation de cet échec.

    L'idée de la religiosité de la critique de la technique est avant tout, on l'aura compris, une pure posture rhétorique qui permet d'évacuer le débat en sapant la contradiction. On retrouve là cette faiblesse d'esprit des idéologues ayant du mal à balayer une réalité physique pour le moins incontestable. Par exemple nul besoin d'être philosophe pour s'apercevoir que quel que soit le système économique, l'activité devant un ordinateur reste substantiellement la même. C'est s'égarer et s'exposer à des incohérences que de croire qu'on pourrait retrouver intactes, une fois débarrassées de leur forme capitaliste, valeur d'usage et technique émancipatrice.

    Sans doute les récriminations des faux prophètes ont cela d'agaçant qu'elles ne sont pas dupe des logiques contradictoires entre le déploiements des moyens de mise en oeuvre et les fins attendues. Et c'est sur cette base-là que le monde telle que vous le dessinez, parvenu à sa réalisation, ne continuerait pas moins de s'abîmer dans ses contradictions.

    Il y a sans doute dans l'écologie profonde quelques fous furieux ritualistes qui s'entêtent à vouloir nous faire vivre dans les arbres sur l'autel de la nature. Mais c'est passé complètement à côté de la question que de réduire la critique de la société industrielle à ses manifestations les plus caricaturales, ou de prendre un fou pour illustrer une critique protéiforme. La problématique tourne autour de l'organisation sociale d'appropriation de la nature et de sa structuration technique, non autour des dinosaures et des bougies auxquels la mauvaise foi intellectuelle voudrait réduire le débat.

  42. C'est effectivement une question d'organisation sociale.

    Je n'ai pas le temps de répondre en ce moment mais comme il n'y a aucune baguette magique pour supprimer toute concurrence avec la Chine, etc., tout ce qu'on peut faire, c'est développer la coopération par des coopératives et remplacer la compétition pour un revenu supérieur et la consommation de loisirs marchands par le fait de rendre le travail désirable en lui-même. Le partage des revenus se réglant par la fiscalité, avec un seuil minimum qui est celui du revenu garanti. L'industrie va perdre beaucoup de son influence du fait de représenter de moins en moins d'emplois, de plus elle va se transformer en devenant plus décentralisée à mesure qu'elle sera plus automatisée. On ne pourra pas généraliser à l'industrie qui a besoin d'énormes capitaux un travail autonome qui ne peut s'appliquer tout au plus qu'à des tâches externalisées dans l'industrie, mais je répète que ces emplois diminuent à grande vitesse. Le revenu garanti et la sortie du salariat ne sont possibles que par le devenir immatériel du travail à l'ère du numérique et l'explosion des services. Il ne s'agit pas de prétendre que cela règlerait tous les problèmes mais que c'est juste le mieux qu'on peut espérer.

  43. @ropib :

    Rien ne vaut la noblesse de la présence physique, la vitalité de la voie et la chaleur des corps qui se touchent.

    D'accord, mais pour diverses raisons c'est rare. Tout du moins pour certains.

    Et puis bon, le corps, les corps, je trouve ça bien, mais ça m'inspire aussi parfois une répulsion. Du mien et de celui des autres.

    J'ai ce type de réactions impromptues face au corps.

  44. "mais ce
    n'est pas du tout ma pente d'héroïser celui qui n'a déjà été que trop un
    héros médiatique, ne faisant que nourrir le spectacle comme on nourrit
    le troll. Pour ma part je coupe les infos en ce moment et préfère
    ignorer ces sanglantes diversions mais j’encoure certes de tout côté le
    reproche de ne pas participer aux effusions nationales !"

    --
    Jean Zin. je comprends jean et moi non plus je ne suis pas si sur que ça qu'il faille politiser cette triste séquence la merde étincelante sur la montagne de merde !! mais bon :

    on en parle depuis trois jours voir plus à la télé et tout le monde ou presque regarde la télé !! surtout pour s'informer !! on est en pleine élection présidentielle et même peut être au moment de la liquidation totale de la civilisation !! et l'affaire mérah fait retour dans l'éducation nationale ( qui devrait être là pour parer à la connerie ambiante que le ministre chatel incarne à merveille !! ) , en 1 minute de silence , elle démasque la barbarie du système en son cœur les boites à con à moutonnage et à ennui de l'éducation nationale au demeurant si fortunée ! et qui coute si chère à la nation , là un prof n'as pas lâché l'affaire c'est le seul c'est peut être le dernier !! il n'a pas renoncer à sa mission éduquer , élever , nourrir au risque d'outrager mais c'est là qu'on voit qu'il y a des outrages nécessaires, telle une vérité stellaire ! !! sortir le cul des ronces à ces petits fachos qui pensent comme la police et qui font la police !! bandes de petits cons !! j'éructe , j'ai la rage !! qu'on les caillasses !! police partout justice nul part !! les milices contre révolutionnaires dans les armées de profs de collégiens , de lycéens et d'étudiants !! les pires dupés de l'époque que bill gates à mis en cloque !! les salauds dans les administrations scolaires et universitaires !! encore des mandarins mais cette fois ci avec rien dans le ciboulot !! des sales fachos !! des mauvais des teigneux et des peureux , bref des salauds !! mais comme il le dis très bien sans complexe à la télé et au JT au bon milieu des macchabées et autres faits divers : "je ne m'interroge pas je m'indigne et je sanctionne " : résultat des courses ! une prof qui n'as pas renoncer à éduquer ( il faut aussi présenter merah dialectiquement , aussi comme un jeune des quartier populaires comme eux !! pour certains !! un type qui est passé par l'éducation nationale !! un opprimé , et une victime du système , si influençable et si peu vigilant !! ) et une prof qui se fait exécuté socialement comme mérah c'est fait exécuté hier à la télé !! d'une balle dans la tête . elle vers rouen va finir mal et voyez comment la grosse machine , le mammouth broie et torture les plus justes d'entre les justes parmi ses rangs !! c’est effectivement le moment de sortir du rang et prendre le maquis quand Bernard kouchner et rachida dati font le tapin et se maquillent en tenu de camouflage franchement c'est pour qui se putain de sarkophage !! c'est trop grave , là franchement il faut réagir . organisons la résistance et la contre offensive !! c'est un enjeu fondamentale aussi pour les sciences de l'éducation bien silencieuse ( et coupables ! médiocres ) souvent sur ce genre d'affaires et de procès de Moscou pour déviance pédagogique quand la personne en question ce jour là dans la boite à con n'avait plus trop envie d'être et de penser comme un flic !! luc chatel !! on te finira dans les bois à coup de pelle , honte à toi , sale facho !! un gros con et un blaireau qui te donne une putain d'envie de monter au créneaux !

    moi j'ai été mis sous ho à l'hp il y a un an pour une lettre sur internet au nom de mon bien et ma sécurité et de mes semblables on m'as hoté pendant 2 mois et des poussières toutes mes liberté , je ne sais si c'est tolstoï qui disait qu'un peuple qui choisit entre sa liberté et sa sécurité ne mérite ni l'un ni l'autre . le curseur de la campagne se déplace sur la sécurité avec l'affaire merah et repasse sur le thème de l'éducation avec cette prof dans la région de rouen : impardonnable la campagne doit rester sur la sécurité luc chatel à parlé elle aura la tête tranchée !! ils sont près à tout bien longtemps que le scepticisme intégrale et le renoncement ne parle que la langue de l'argent et de la police tinquiète je te promet ils creverons d'un cancer , car au final dieu existe !! on le nome aussi ironie du sort ou charmante et délectable coïncidence , mais aussi bévue et malentendu !! ignorance crasse et génie !! dans une lutte à mort tous les deux réunis !!

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