Homme-Femme, l’idéologisation de la science

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Le dernier numéro de Sciences et Avenir consacré à la réfutation des différences entre hommes et femmes m'a paru tellement caricatural qu'il constitue une bonne illustration des dérives idéologiques de la science, aussi bien du côté sexiste que du politiquement correct constituant son pendant et qui n'ont tous deux rien à voir avec la science faussement invoquée dans un cas comme dans l'autre.

Une nouvelle étude qui établit tout au contraire que ces différences existent mais qu'elles ne sont que statistiques va nous permettre de faire le point sur la confusion entre nature et norme.

Que les choses soient bien claires, il est tout-à-fait évident que les femmes sont victimes de préjugés qu'il faut combattre et qu'il y a des études tendancieuses qui doivent être dénoncées mais pas plus que l'antiracisme ne doit mener à nier les différences génétiques, le féminisme ne peut tenir lieu de science. C'est pour ne pas en discréditer la portée critique qu'une critique de la critique s'impose, sans doute plus sur la forme que sur le fond.

Ainsi, la manipulation de la science s'annonce dès le titre : "La science face aux idées reçues", de quoi vous clouer le bec, surtout que tout le dossier sera fait avec un point de vue complètement unilatéral et partisan, en faisant croire à un nouveau consensus ("une rafale d'articles") alors que le dossier est construit autour d'une seule étude très contestable. On pourrait croire qu'une telle assurance vient d'une découverte majeure qui soudain permettrait de clore la question de façon indiscutable, car c'est bien ce qu'on revendique ici, que cela ne fasse même plus question. Or, ce qu'on découvre, c'est juste une étude critique des études antérieures qui en disqualifie les résultats et dénonce leurs biais idéologiques, nous enjoignant à les refouler pour des raisons largement idéologiques. C'est bien là qu'une critique de la critique est indispensable.

Le mécanisme est à chaque fois le même d'un aveuglement symétrique à celui du camp adverse, appuyant ses croyances sur les croyances les plus absurdes de la théorie contraire. On est un peu sidéré de voir quels sont les "clichés démontés", et avec quels arguments ! "Les filles préfèrent le rose", "les hommes sont monotâches", "les femmes ne savent pas lire les cartes routières", on voit le niveau, sans avoir peur de nier que l'attachement maternel puisse être naturel sous prétexte qu'il n'est pas toujours présent ! C'est la grande erreur de cette étude simplement statistique (des autres études) de ne pas prendre en compte le caractère statistique des propriétés biologiques.

Il y a effectivement un résultat qui semble bien établi maintenant, depuis que les femmes occupent toutes sortes de postes, c'est leur égalité de compétences et même souvent leur supériorité pour ce qui concerne "les fonctions cognitives telles que la mémoire, l'attention, le raisonnement" (p44). L'expérience a démontré aussi que les femmes au pouvoir n'étaient pas plus douces que les hommes. On avait vu au début du mois, qu'il y bien des grandes mathématiciennes et que donc, les femmes ne sont pas allergiques aux mathématiques. Voilà bien ce qu'il fallait affirmer haut et fort, pas qu'il n'y avait aucune différence !!! On a le même problème avec le nécessaire combat contre tout racisme. Bien sûr tous les hommes ont globalement des capacités équivalentes, ce qui n'empêche pas des caractères génétiques différenciés en fonction du lieu (oxygène, soleil, maladies, nourriture, etc.).

Langage, mémoire, raisonnement, perception, motricité… La majeure partie des études révèle des aptitudes globalement équivalentes chez les garçons et les filles. Et plus les échantillons analysés sont grands, plus les différences s’estompent : les variations entre les cerveaux d’individus du même sexe sont bien plus importantes que celles existants entre hommes et femmes !

Question mathématiques, des tests menés sur des millions de jeunes gens, aux Etats-Unis et à travers le monde, révèlent que les scores des filles sont directement reliés au degré d’émancipation et d’éducation des femmes dans les différents pays !

Jusque là, rien à dire mais les arguments utilisés sont souvent absurdes, purs arguments d'autorité. Ainsi, on nous dit que la différence sexuelle ne peut pas être précâblée car le cerveau est plastique, produit de l'interaction avec l'extérieur, comme si cela empêchait qu'il y ait dans le cerveau des fonctions différenciées, pré-câblées, comme l'hypothalamus par exemple. Ce qui est vrai, c'est qu'on peut toujours aller contre sa propre nature et développer n'importe quel talent en le travaillant. Rien que la différence de taille du cerveau entre homme et femme ne peut être simplement ignorée et considérée comme sans aucune conséquence même si ce n'est pas pour cela que l'homme est moins bête. Il ne s'agit pas de surévaluer les différences qui sont ténues, mais pas de les nier non plus en ramenant tout à des stéréotypes, bien que les stéréotypes existent aussi et sont très résistants. Le fait qu'il y ait plus de différences entre les individus qu'entre les sexes n'est pas un argument pertinent statistiquement, n'empêchant pas les différences au niveau des moyennes globales comme on le verra. On doit bien admettre au moins qu'il y a plus de schizophrènes et d'autistes chez les garçons (quoi qu'on va jusqu'à inventer des femmes autistes non détectées!). Il est comique de voir remis en cause (p55) rien moins que la psychologie évolutionniste, comme si on était né de nulle part et que la reproduction n'était pas au coeur du biologique. On n'est pas loin de conceptions purement religieuses. Le plus ridicule, c'est de vouloir minimiser les différences hormonales qui sont flagrantes. Il suffit de prendre de la testostérone pour voir son effet (voir Testo junkie de Beatriz Preciado), même s'il est variable effectivement selon les individus et les moments. Le constructivisme des théories du genre tombe dans l'idéalisme kantien à nier la part des corps dans leurs différences, y compris sexuelles. Pour réfuter des préjugés en grande partie sociaux, en effet, et liés à une division du travail sans doute caractéristique de notre espèce par rapport à Neandertal, on n'est pas obligé de devenir complètement idiot, ni de réfuter notre proximité des chimpanzés notamment, jusqu'à vouloir nier les différences de taille (p54) que Priscille Touraille impute à la sous-alimentation et au patriarcat !! On est très loin des sciences et plus proche de l'obscurantisme militant, d'une position critique faisant perdre paradoxalement tout jugement critique (tout ce qui va dans notre sens étant bon à prendre même le plus délirant).

Le livre de Lise Eliot à l'origine de ce dossier, "Cerveau rose, cerveau bleu" (!) avance au moins un argument très intéressant qui est le biais pour une étude de considérer comme résultat seulement une différence. Si le test ne permet de dégager aucune différence entre les sexes, c'est qu'il a échoué. Cela peut paraître pertinent mais peut-être pas au point d'annuler toutes les différences quand même et surtout contredit par le fait qu'elle prétend qu'elle n'a trouvé que 426 études (2,65%) établissant une différence entre sexes sur 16 089 articles (remarquez, c'est pas 16 090, ni 16 000). De même rejeter les études uniques non reproduites est de saine méthode mais quand on disqualifie ainsi des milliers d'études, ce n'est plus aussi innocent, cela devient un emballement de la critique. On ne sera pas étonné qu'il y ait un nombre incroyable d'études mal faites, voire bidonnées. C'est chose courante dans le médical comme dans la psychologie, mais cela ne suffit pas à tout réduire au conditionnement avec des explications aussi simplistes que celles des plus sexistes ou de ceux qui ramènent tout à la biologie et l'animalité.

Ce qui est intéressant surtout, cause de cet article, c'est le télescopage de ce numéro "négationniste" avec le titre d'un article de The Telegraph : "Les stéréotypes sexuels sont bien réels" qui donne peut-être la réponse, statistique, au caractère contradictoire de certaines études :

Les chercheurs ont utilisé une nouvelle méthode pour mesurer leur personnalité sur plus de 10 000 personnes des deux sexes. On a comparé les réponses des deux genres sexuels et on a remarqué de très grandes différences. Ces différences s'estompent si l'on compare trait par trait, séparément. Ce n'est pas le cas si l'on prend tout en compte. Les chercheurs pensent donc que ces différences ont été sous-estimées dans les anciennes études.

Le caractère statistique du biologique est fondamental, n'étant pas du tout de l'ordre de la norme sociale qui s'y superpose et la rigidifie en forçant le trait. Les différences entre les hommes et les femmes sont sûrement beaucoup plus hormonales que neurologiques mais elles sont incontestables à l'opposé de ce que prétend Sciences et Avenir, on ne nous fera pas prendre des vessies pour des lanternes. Au lieu du prétendu consensus sans réplique affiché par la revue, c'est presque tous les mois qu'il y a des études montrant ces différences plus ou moins subtiles (dans le développement du cerveau ou bien en fonction du cycle menstruel et des interactions sexuelles). Il faut une bonne dose de dogmatisme pour n'y voir qu'endoctrinement ou habitus mais, ce qui est sûr, c'est qu'il n'y a aucun consensus, d'autres revues affirmant exactement le contraire. S'il faut se battre pour l'égalité homme femme, cela ne veut pas dire qu'il y aurait identité entre les sexes, le dimorphisme sexuel l'incarnant visiblement. Il ne peut y avoir d'égalité qu'en reconnaissant nos différences, qu'il ne faut pas surévaluer, sans confondre le biologique (probabiliste) et le normatif (stéréotypé), le fait et le droit.

Aussi bien intentionné soit-il le politiquement correct fonctionne comme refoulement de la simple réalité sous prétexte de sortir de la pensée dominante, ce qui ne peut qu'en affaiblir la pertinence et se perdre dans de faux débats. Ainsi, nier les différences sexuelles est purement idéologique alors que cela prend la forme d'une dénonciation de l'idéologie, affaiblissant du coup la nécessité de l'égalité entre les hommes et les femmes dans leurs différences. (Critique de la critique)

Ceci dit, on comprend bien à la fois la suspicion qu'on doit à tout biologisme nous traitant comme des animaux, de même que l'impatience des femmes à sortir d'une domination patriarcale pluri-millénaires. Les progrès ont été considérables, en très peu de temps (grâce à l'éducation, la machine à laver, la pilule, l'évolution du travail, etc.), mais il reste encore tant à faire, les inégalités devenant de plus en plus insupportables à mesure qu'elles perdent toute justification. Au-delà de ces inégalités qu'on voudrait tant effacer jusqu'à la différence sexuelle elle-même (ce que Colette ou Lou Andréas Salomé trouveraient si étrange), on peut mettre aussi ce rejet de l'injonction biologique sur le refus des femmes de toute identification (la femme, c'est l'Autre!), alors même qu'elles valorisent le corps souvent.

En tout cas, il n'y a pas que sur le climat ou l'économie que la vérité est disputée, les sciences pas plus que la critique n'échappent à la sociologie ni à la politique même si là aussi il est excessif de vouloir réduire les sciences à un pur constructivisme social. La vérité n'est pas donnée et nous égare mais on se cogne au réel qui ne se réduit pas à une fiction. C'est pour cela que la science se fonde sur l'expérience et porte la suspicion sur toutes les théories. Il n'est jamais bon de vouloir mêler l'idéologie à la science et de l'instrumentaliser, meilleur moyen de faire du vrai un moment du faux ! On peut dire qu'on assiste là, en direct, à la dialectique cognitive qui fonctionne par négations excessives qu'il faut relativiser ensuite par une négation de la négation qui n'annule pas le travail critique, ni donc ici la théorie du genre et de la formation des identités sociales, à leur donner simplement une limite avec le soubassement biologique. Il n'y a pas seulement le soubassement sociologique, certes très important, il reste la détermination biologique constituant notre réalité concrète, au moins statistique, même si on peut toujours s'en échapper et notamment dans le choix de notre genre. Aucune raison ne peut faire du biologique un devoir-être encore moins justifier des inégalités sociales qui sont le lourd héritage des temps passés et dont il nous incombe de nous débarrasser à l'ère du numérique, pas de nos différences naturelles dans leur variabilité infinie.

Il n'y a pas de nature humaine, ce qui fait l'homme, c'est la culture qui s'oppose à la nature par construction, la raison qui nous détache du biologique, la civilisation qui réprime nos instincts, l'histoire qui prend le relais de l'évolution. C'est un nouveau stade de la séparation du sujet et de l'objet, de l'autonomisation de l'individu par rapport à son environnement, processus qui vient de loin et n'est pas réservé à notre temps. Tout n'est pas culturel pour autant. Il ne s'agit en aucun cas de nier les mécanismes biologiques étudiés avant, par exemple dans la différence des sexes, mais de ne pas les assimiler trop rapidement à ce que la culture y superpose de systématisation (dans la division actif/passif notamment). Pour les sociétés humaines, rien ne justifie de faire du biologique une raison suffisante, encore moins une norme culturelle, et il faudrait éviter les tentations scientistes de mettre sur le compte de la biologie ce qui résulte d'une longue histoire. (Un homme de parole)

 

Ce billet devait faire partie de la revue des sciences du mois de février mais il a pris de telles proportions qu'il était préférable d'en faire un article à part entière.

Un excellent article de mars 2018 confirme ces critiques des biais qui opposent les "nativistes" (différencialistes) au socioconstructivisme (notamment de Catherine Vidal). Par contre, si la critique de la "culture du viol" est sans doute juste biologiquement, il y a quand même une sous-estimation de l'incidence de sa justification ou tolérance sociale dans certains pays au moins.

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31 réflexions au sujet de “Homme-Femme, l’idéologisation de la science”

  1. Etude intéressante sur les positionnements vis à vis du réchauffement climatique, selon ses croyances et connaissances :

    "Si 87 % des scientifiques américains pensent que l’Homme a évolué naturellement, ils ne sont suivis que par 32 % de la population - le reste y voyant la main de Dieu…"

    Il y a aussi la Bell Curve, qui m'avait bien fait rire à l'époque, tellement j'en ai vu se régaler d'y trouver une explication à leurs présupposés :
    http://www.hommes-et-faits.com/Dial...

  2. Merci d'oser aborder ce sujet dans le contexte actuel. On voudrait nous faire croire que les femmes appartiennent à la même espèce que les humains ! Laissez-moi rire ! Vous avez-vu comment elles s'habillent ? Du reste, relisez la Genèse, tout est assez bien expliqué, quel besoin de revenir sur ces acquis, sinon une idéologie genriste qui voudrait que tout le monde devienne des transsexuels sado maso ?
    Hein ? Quoi ? C'était pas ça ? J'ai mal compris quoi ?

  3. Oui, c'est une très bonne illustration de l'article précédent.

    Cependant, je n'avais pas vraiment l'intention d'en faire un article, faisant partie initialement de ma revue des sciences et du compte rendu des nouvelles du mois.

    Il ne faut bien sûr pas y voir une contestation des théories du genre mais seulement de leurs excès et du parti-pris trop unilatéral du dossier, fort peu scientifique. J'ai essayé de retravailler le dernier paragraphe pour qu'il n'y ait pas d’ambiguïté sur les rapport entre nature et culture pour ceux qui ne connaissent pas le blog mais impossible sans doute d'empêcher les malentendus.

  4. @olaf :
    Il 'y a pas que les seins, c'est comme si le poids de notre histoire, de notre destin était entièrement concentré sur nos épaules. Est-ce que cette focalisation sur la perfection de notre être peut être considéré comme une caractéristique de l'individualisation? Le groupe dans lequel on n'a pas de doute sur notre place réduisent les angoisses existentielles, alors que l'individualisme conduit souvent à la "fatigue d'être soi".

  5. @Michel MARTIN :

    Chacun ses goûts, mais la perfection artificielle ne m'a jamais séduit. En termes crus je préfère des petits seins naturels que des gros seins gonflés au silicone. Sans compter que des seins siliconés procurent une sensation assez désagréable au toucher, quelque chose comme un objet sans vie, dur et rebutant. Pas accueillant en somme.

    Sinon les groupes existent toujours, et incitent très bien à être fatigué de soi ou d'autre chose.

    L'individualisme est le plus souvent un individualisme standard, donc une soumission au groupe qui définit le gabarit de l'individu individualiste.

    C'est le produit d'appel des sectes que de promettre la liberté en renvoyant leurs adeptes aux principes de liberté individuelle selon les principes de ces groupes érigés en dogmes.

    Un joli jeu de bonneteau illusionniste.

    La magie des mots a de beaux jours encore.

  6. Ce qui est intéressant, c'est que la mode des gros seins daterait des années 1990. On peut y voir la fin de l'androgynie et le retour de la différence sexuelle mais qui n'a plus rien de naturelle, aussi artificielle que les transsexuels, une sexualité construite et l'artificialisation du corps, tout comme, de l'autre côté le viagra. On est dans un jeu de rôles, pas du tout dans le biologique mais tout comme les "femmes girafes" birmanes ou africaines (ou toutes autres sortes de déformations corporelles y compris pour les hommes). La façon dont les femmes s'habillent pour la séduction est aussi très codée. On voit que la sexualité humaine est loin d'être naturelle, la différence sexuelle devenant culturelle et devant être cultivée, refabriquée dans des stéréotypes justement, recréant de la différence (du côté du désir) là où certaines féministes voudraient l'effacer (du côté du pouvoir). Il n'y a rien de nouveau dans tout cela. On fantasme un état de nature qui n'a rien d'humain. Je ne vois pas ce que l'individualisme vient faire dans ces phénomènes de mode (rien d’individuel là-dedans à rebours de ce qu'on croit), tout au plus l'injonction à la jouissance qui nous surmène et le désir de désir. Dans la forme on a affaire à des oppositions formelles qui ne sont pas n'importe quoi mais relèvent du structuralisme et disent quelque chose sur notre présent et nos évolutions récentes. En tout cas, il n'y a plus effacement de la différence sexuelle mais en l'assumant comme choix culturel, on la détache tout à fait sainement du biologique, ce qui n'empêche pas par ailleurs les différences biologiques mais la culture prend le pas explicitement sur la nature.

  7. "On fantasme un état de nature qui n'a rien d'humain."

    Ben si, puisque beaucoup y trouvent leur compte.

    Il y a un état de nature biologique, les hommes sont attirés par les femmes, les homos par les homos etc...

    La nature précède l’existant, bien qu'elle ne le détermine pas entièrement.

    Personne ne m'a dit que je préférerai le corps féminin. Faut pas me raconter d'histoires, depuis l'âge de 4 ans, j'ai toujours été attiré par les femmes, corps étranger et magnifique si décevant parfois, tout comme tout corps.

  8. C'est décidément difficile de tenir les deux bouts ! Ce qui n'a rien d'humain c'est un état de nature sans culture, ce qui n'empêche pas que le biologique précède la culture. Il y a des enfants sauvages qui ne parlent pas et n'ont pas grand chose d'humain. La culture se construit sur la nature (c'est ce que dit l'article) mais elle s'en différencie tout autant en la reformulant dans un langage. Il est certain que le désir pour l'autre sexe a un soubassement biologique (la testostérone notamment), pouvant se porter aussi sur le même sexe, mais dans le culte du corps on oublie tous les récits qui l'embellissent, ce que Stendhal appelait la cristallisation et qui superpose des codes sociaux ou symboliques aux signaux chimiques. Non, on ne désire pas n'importe quel corps féminin, et cela change avec les époques. Le complexe d'Oedipe n'a rien de biologique qui nous fait désirer le corps de la mère, fonction de remémoration plutôt et de refoulement. Freud disait que le désir (biologique) avait besoin de l'étayage de la pulsion et du fantasme. On croit désirer un corps mais on désire surtout le désir comme je le montre dans "le désir plus que la vie". Ce qui détermine l'homosexualité ou l'hétérosexualité (alors qu'on est bisexuel) c'est sans doute plus le rapport à la mère que les hormones, bien que cela puisse être simplement une rencontre ou des déterminations plus sociales.

  9. @Jean Zin :
    Je ne vois pas ce que l'individualisme vient faire dans ces phénomènes de mode

    Le mode de vie individuel ou l'exacerbation de la distinction par le corps.

    Voilà l'idée: quand on fait partie d'un groupe traditionnel, notre histoire s'inscrit dans celle du groupe. Elle existait bien avant notre existence et elle continuera bien après. D'une certaine manière, notre vie ne se limite pas à notre seule existence. Quand on vit de façon plus individuelle, il nous reste la famille limitée aux ascendants directs et descendants directs et encore. Ce rattachement au groupe est à la fois plus limité en nombre et ne porte que sur une part réduite de nos activités (par exemple on ne rattache pas notre vie à celle des entreprises où on travaille, on n'a pas de lien historique avec ces entreprises, ou si peu et pour si peu de personnes, tout le monde ne peut pas être de la famille Peugeot ou autre; idem pour l'activité politique).

    Il me semble donc que notre mode de vie individuel nous fait porter lourdement le poids de notre histoire sur nos épaules et qu'il en naît beaucoup d'angoisses existentielles. Notre compétitivité sur tous les plans dépend de nous seul. Il faut être performant, on ne peut compter que sur nous et il devient facile dans ces conditions sévères d'avoir recours à tous les artifices pour se faire un peu plus fort, un peu plus beau, voire déraper dans une forme de perfectionnisme.

    Je suis d'accord avec vous que ce sont les conditions de compétitions qui poussent à la distinction, et les sociétés traditionnelles n'en sont pas du tout exemptes, mais il me semble que le mode de vie individuelle développe un type particulier de distinction qui pousse à la perfection et celle du corps en particulier, parce que c'est notre première carte de visite.

    Votre projet de coopérative municipale est une façon parmi d'autres de tenter de réduire la lutte des places et de réduire la course à la distinction par le seul corps.

  10. Je suis d'accord avec à peu près tout sauf que la mode des prothèses mammaires aurait à voir avec l'individualisme ou que la perfection des corps serait moins importante dans les sociétés traditionnelles, sauf peut-être avant les années 60 et la publicité, mais on retrouve cette obsession dans des sociétés primitives (jusqu'à la sélection sexuelle faisant évoluer la silhouette) aussi bien que chez les Grecs, les Japonais, les Chinois (fétichistes des petits pieds), etc. Cette nouvelle mode nous est venu du Brésil je crois, peut-être en partie à cause de la danse qui est une activité collective où l'on s'offre au regard des autres.

    Plus généralement, il faut se garder de 2 erreurs : attribuer à la biologie ce qui relève de l'histoire mais aussi croire qu'un phénomène est nouveau alors qu'il ne fait que changer de forme. Essayer de revenir sur l'histoire et d'étendre son regard à d'autres pays permet de sortir des premières réactions trompeuses, car les premières réaction sont presque toujours trompeuses, ce qui est bien embêtant. Naturellement, ce n'est pas une garantie de ne pas se tromper mais c'est ce que je trouve précieux dans des livres comme celui de René Passet qui permet de suivre les transformations successives de l'économie et des systèmes de pensée, relativisant les toutes dernières évolutions. L'ethnologie et l'histoire ont la préséance sur la sociologie.

    Ceci dit, même si l'autonomie subie est délétère et qu'il y a besoin de supports sociaux de l'individu, des institutions de l'autonomie, je ne suis pas du tout contre l'individualisation, tout au contraire, à condition de ne pas renier notre solidarité. Je plaide surtout pour un point de vue dialectique, intégrant la contradiction et la pluralité. C'est comme la relocalisation qui ne supprime pas la globalisation mais l'équilibre. Les coopératives municipales favorisent bien sûr la coopération mais n'éliminent absolument pas la compétition, ce serait impossible et même pas souhaitable du tout. Il s'agit de reporter l'attention du salaire et de la consommation vers le travail et la production, pas de supprimer la course à l'excellence, sinon quoi?, même si, pour moi, ce n'est pas le corps qui est visé.

  11. Au sujet de l'article du Daily Telegraph:

    il s'agit de recherches qui concernent la mesure de la personnalité, je dis bien de la PERSONNALITE, ce qui est totalement différent de la mesure des capacités intellectuelles et cognitives.

    Il est largement admis que la personnalité, si elle est tributaire de nos gènes est surtout déterminée par des facteurs culturels.
    La répartition hommes-femmes pour le test de personnalité de référence , le MBTI:
    http://www.16-types.fr/16types.html

    il n'est donc pas incohérent que des recherches mesurant les différences d'aptitudes entre les hommes et les femmes ne montrent pas de différences tandis que des études sur la personnalité en montrent encore.
    Au final on n'en est pas étonné. Le sexisme de la société influence sans doute plus les différents aspects de la personnalité (introversion/extraversion, pensée/sentiments) que les capacités cognitives (calcul, appréciation des distances, etc).

  12. J'ai déjà rencontré Catherine Vidal (qui ne s'en souvient sûrement pas) qui est très sympathique et j'aime beaucoup Dorothée Benoît-Browaeys avec qui elle a écrit un livre sur le sujet, mais je trouve qu'elles sont trop dans la dénégation de la différence, justement par peur qu'on ne reconnaisse pas leur égalité d'intelligence, or, il n'y a aucun doute que certaines femmes sont plus intelligentes que certains hommes (ce n'est pas une question d'égalité).

    Ce que conteste cet article, c'est que cela ait pour conséquence qu'il n'y ait pas de différence de personnalité, que les différences biologiques, notamment hormonales, n'aient aucun effet. Le biologique se manifeste par son caractère probabiliste et si "le sexisme de la société", c'est-à-dire la mise en culture de la nature (non pas la méchanceté des mâles) y est en effet prédominant, y ajoutant une injonction normative, c'est sur une base biologique malgré tout.

    La question est quand même de savoir si on accepte la théorie de l'évolution, en particulier la psychologie évolutionniste qui n'est pas toujours subtile mais qui dans son principe est assez solidement établie. Même s'il y a une rupture avec le langage introduisant l'universel, on ne doit pas avoir à nier une certaine continuité entre les chimpanzés, les sociétés originaires et nos sociétés où la nouveauté, c'est que ces différences ne justifient plus les inégalités, mais c'est ça la nouveauté, pas la différence sexuelle qui perd désormais sa prééminence et l'embêtant, c'est que cette révolution qui a des causes sociologiques se croit obligée de tout réduire à des causes sociologiques, en refoulant les déterminations biologiques qui ne se sont pas évaporées de ne plus avoir force de loi. Il n'est sans doute pas facile de démêler le sociologique du biologique et cela paraît sans doute plus difficile à défendre, une différence qui ne serait pas une inégalité, mais le réel nous résiste, les choses ne sont pas toujours comme on voudrait qu'elles soient...

  13. J'ai lu un article récent dans pour la science concernant les études IRM du cerveau, montrant que selon les personnalités, selon 5 classes environ, le cerveau fonctionnait différemment.

    Avec des mix de classes bien entendu.

    Je n'ai pas vu d'études concernant un mode féminin ou masculin différencié.

    Par exemple la différence entre une mathématicienne et un mathématicien, une informaticienne et un informaticien...une plombière, un plombier...

    Ça ne me paraitrait pas étonnant de trouver des différences, mais sont elles d'origine sociale ou génomiques, XX, XY ?

    Effectivement, une corrélation avec le profil endocrinologique serait un apport supplémentaire à ce type d'études.

  14. Je ne nie absolument pas que l'influence hormonale existe, par contre je critique absolument l'approche trop globalisante qu'on en a et donc les effets trop globalisants qu'on veut leur faire avoir.

    Soyons précis:
    Si différences hormonales il existe certainement, sachons d'abord de quelles hormones il s'agit. Sur quoi précisément agissent-elles: quels organes? quels récepteurs? dans quelles proportions?

    Si une hormone agit, agit-elle tout le temps? Quels autres mécanismes hormonaux sont susceptible d'en pondérer ou d'en modifier l'impact?

    Si les hormones sexuelles en particulier (lesquelles?) influencent le comportement sexuel, ont-elles un impact sur d'autres comportements? Ont-elles un impact sur la/les zones du cerveau qui sont impliquées dans le calcul mental, la mémoire, le langage et d'autres (les aptitudes dont un employeur se satisfera largement d'ailleurs)? Dans quelles proportions?

    Puis ensuite passons au niveau éthique: si la science en a les moyens, pourquoi ne pas modifier ces processus biologiques pour renforcer ou inhiber une aptitude si on le souhaite?

    Voilà dans quelle veine je me situe: ne pas avancer de manière péremptoire des vérités dans un domaine où nos connaissances sont affreusement limitées.

    Ce qu'ont peut cependant constater et comme veulent à mon avis le souligner Sciences&Avenir et Catherine Vidal, c'est que dans les résultats ACTUELS dont on dispose, c'est à dire la partie émergée de l'iceberg, 'on ne voit pas de différences flagrantes d'aptitudes cognitives hommes-femmes (à bien différencier donc de la personnalité). Vulgarisation oblige, on n'entre pas vraiment dans le détail...

    je pense donc que vous ne pouvez pas simplement arguer d'un oubli de la biologie pour rejeter les conclusions faites par la recherche actuellement. Il ne s'agit pas d'un oubli mais d'une incompétence actuelle de la science et d'un énorme manque de finesse dans le rôle qu'on leur attribue.
    Cela n'invalide pas pour autant les résultats apparents de ces mécanismes inconnus.

    Je pense que, et là ce n'est qu'un pari qui n'a rien de scientifique et je peux me tromper, l'alliance de la finesse et de la multiplicité des hormones et de leur rôle et l'impact de la culture permettent en effet d'aboutir à une indifférenciation possible ou, si vous préférez, à une possible démultiplication extrêmement large des différences.
    Et si quelques irréductibles il y a, il n'y aurait alors pas lieu d'en
    surévaluer l'impact.

  15. Allez-vous modifier votre article?
    Car si on ne précise pas de quelles 'différences' précises on parle, on en vient à citer un article du Telegraph traitant de la personnalité pour montrer que des études sur les aptitudes cognitives sont fausses, la comparaison n'étant en réalité pas possible.

  16. Je ne vois pas en quoi je devrais modifier mon article qui est très clair sur les capacités cognitives équivalentes des hommes et des femmes ainsi que sur le fait qu'on parle ensuite de tests de personnalité. Certes, il faudrait compléter par de nombreuses données mais ce n'est pas l'objet de cet article qui est surtout une mise en cause du caractère unilatéral du dossier de Sciences et Avenir (qui ne se limite pas du tout au cognitif) ainsi que l'insistance sur le caractère statistique du biologique, pas seulement pour les "personnalités". Ce que je conteste le plus, c'est cette fausse évidence de résultats actuels de la science allant dans le sens d'une indifférenciation.

    Je mets ici la couverture du numéro de l'année dernière de Cerveau&Psycho (qui fait parti du groupe de Pour la Science) sur le sujet, auquel je faisais référence et dont l'édito commence ainsi :

    Bien qu’il soit sujet à controverses, le « dimorphisme cérébral humain » est de mieux en mieux documenté. L’objet de ce numéro de L’Essentiel Cerveau&Psycho est précisément de présenter les grandes différences qui distinguent la psychologie de l’homme de celle de la femme. Car, quoi que certains en disent, les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes goûts, aptitudes, domaines d’intérêt ou comportements. Certaines de ces dissemblances sont notables, d’autres moins.

    On peut trouver que c'est un peu rapide là aussi mais, au moins, ici, on parle de controverse, alors que Sciences et Avenir fait comme si ce n'était pas le cas et remet en cause aussi le rôle des hormones, on a vraiment l'impression d'un tract de propagande complètement verrouillé. Sans parler du fait qu'il y a aussi une différence dans le développement du cerveau, on ne peut séparer vraiment le cognitif et la personnalité. Les effets cognitifs des hormones sont importants. Beatriz Preciado dit que la testostérone donne l'esprit "plus clair", ce qui est vague j'en conviens mais on peut citer aussi le fait que les hommes deviendraient un peu plus idiots dès qu'on leur dit qu'ils verront une femme dans le test suivant... S'il se confirme que l'ocytocine puisse être un remède contre l'autisme, cela pourrait expliquer qu'il y ait 2 fois plus de garçons autistes que de filles (pure hypothèse, juste pour montrer qu'il peut y avoir un rapport entre hormones et cerveau). Il y a bien d'autres exemples qui passent sans doute en partie par les niveaux de dopamine et de sérotonine ou l'obnubilation instinctuelle même réprimée mais je ne veux pas faire croire que je serais compétent sur la question, ni qu'il y aurait un consensus. Il faut juste laisser les scientifiques travailler, en critiquant leurs méthodologies et leurs biais idéologiques qui existent des deux côtés. Il faudrait arriver à faire la part de la nature et de la culture, sans décréter que tout est nature ou tout est culture (conception totalitaire du conditionnement) mais surtout, il ne faut pas faire dépendre le féminisme de résultats scientifiques, encore moins croire qu'il y aurait une science féministe comme il y avait une science prolétarienne (il y a d'ailleurs des femmes différentialistes, y compris parmi les scientifiques). Le travail des femmes dans tous les domaines et l'existence de grandes scientifiques ou politiques devrait suffire à prouver la nécessité de l'égalité. Il ne faut pas mêler idéologie et science mais dans certains domaines, c'est presque impossible, on le voit bien, tout étant sujet à malentendu.

    Il faut que je finisse ma revue des sciences, où je parle effectivement de la détection des personnalités par IRM, ce qui n'est pas relié apparemment aux différences de sexe mais ne pourrait sans doute qu'en donner une probabilité.

  17. Cette réversibilité du tout en tout n'est pas l'apanage de la science moderne ; elle est née bien avant dans la philosophie, la déconstructioniste comme la constructioniste. Soit à vouloir montrer, comme les universitaires, que tout n'est que construction sociétale historique, ayant une période de validité limitée (l'analyse en historicisant le concept et la réalité sous-tendue le frappe simultanément d'inanité) relevant de l'imaginaire ethniques de groupes isolées (en gros ça rend la différence insignifiante d'un point de vue objectif). C'est le vieux tour de passe-passe universitaire : on reconnaît l'existence historique d'une chose, puis on la spatialise et enfin on la déconstruit en la décrédibilisant. Ne riez pas, il y a des crétins pour voir là des performances de l'esprit. L'une des modes ces derniers temps, en dehors du sempiternel "Orient", "esclavage" et autre masochisme auto-flagéllant des consciences universitaire, c'est la "Nation". Armé de leur petit Anderson de poche, des armées d'universitaire gavent leurs élèves à longueur de journée de psycholo-analyse historique.

    Bref ce mouvement d'indifférenciation ou de réversibilité du tout en tout n'est pas l'apanage de la science, ce nihilisme ontologique touche l'ensemble des sphères de la pensée humaine. Et quand ces braves gens auront suffisamment prouvé que l'Homme n'est, après tout, qu'une construction imaginaire historique récente et que le réel est aussi fantomatique que l'ombre de Platon, nous serons fin prêt pour le sérail des désespérés.

  18. Il n'est pas question de tomber dans l'excès inverse et je ne sais pas ce que sont les "universitaires" comme s'ils formaient un bloc indifférencié justement. Il ne fait aucun doute qu'il y a une construction sociale des identités sexuelles tout comme des nations (avec des histoires comme celle de Jeanne d'Arc qui n'a même pas existé!). Toute réalité humaine, c'est-à-dire culturelle est historique, pouvant changer du tout au tout comme les modes. Le seul point où porte la "critique de la critique", c'est qu'il n'y a pas application arbitraire (par la propagande toute puissante d'un esprit mauvais) d'un schématisme kantien sur une chose en soi transcendante mais qu'il y a une dialectique entre la chose et sa représentation où  ce qui importe c'est d'abord l'efficacité après-coup. Les contes pour enfant qu'on se raconte sont structurés comme des mythes mais ils ne sont pas sans raisons matérielles.  Je répète donc que le soubassement biologique ne disparaît pas avec les normes sexuelles qui les portent au signe mais que cette "dogmatisation" en transforme complètement la "nature" en l'artificialisant. Le réel fait irruption aussi bien dans les constructions fantasmatiques qui voudraient nous faire croire à une nature humaine ou que les nations ne seraient pas si récentes, mais il y a de quoi être désespéré, oui, de ces dialogues de sourd.

    Même si ce n'est pas de la très bonne science, j'ajoute quand même un lien du jour illustrant la différence de mémorisation entre hommes et femmes, sans doute liée aux hormones :
    http://www.techno-science.net/?ongl...

  19. @Ratatak : Je vois à peu près ce que vous voulez dire, mais vous oubliez un aspect des choses, vous aussi. C'est que "l'Homme" et "le réel" ne sont effectivement, ou peu s'en faut, que des constructions imaginaires. Ce qui existe, ce sont DES hommes et DES femmes, mais "l'Homme" non, désolé, ça n'existe pas plus que le dieu unique ou que "l'or" : ce sont des concepts, pas DU réel. Dans la nature ou dans une bijouterie, vous pouvez trouver DE l'or sous forme de pépites ou de bijoux, mais vous y chercheriez en vain "l'or".

  20. Que les êtres humains ont en commun certaines caractéristiques essentielles, une nature limitée et des comportements spécifiques, c'est-à-dire une nature humaine ? Mais bien évidemment ! N'importe qui mis au pied du mur ne pourra le nier La nature humaine est une réalité physique. Et comme si également n'existait pas ce moule universitaire qui fabrique ses sujets reproducteurs. Ou bien que vous ne le côtoyez pas.

    Votre histoire de bijoux m'a fait penser à Musil qui, au cours d'une des réunions de l'Action parallèle, si propices au vagabondage de l'esprit, Ulrich a cette curieuse réflexion plus digne d'un nominaliste du temps de Platon que d'un spécialiste en hautes mathématiques : "Personne n'a jamais vu un chien, on le croit seulement, on a vu au mieux quelque chose qui, à plus ou moins bon droit, est apparu comme un chien. Quelque chose en effet, à qui font défaut toutes les qualités canines, et qui en revanche est doté d'attributs personnels qui ne sont pas propres à la canicité (on pourrait être plus précis en disant la couleur, la longueur du poil, etc.)." Et ensuite dans la plus pure veine sophiste : "dans l'équation diamant plus circonstances égale toujours diamant, la valeur pratique du diamant est si grande que celle des circonstances est effacée, mais on peut imaginer des circonstances psychiques dans lesquelles ce serait l'inverse".

    Bon je ne m'étonne pas, ici aussi, de trouver cette pensée de la mise en doute de sont droit absolu qui sape continûment les bases mêmes qu'elle s'emploie à édifier et qui s'exprime à un travers un langage incapable de s'extraire de ses propres formes discursives.

    Bref, ici non plus le cheval blanc n'est déjà plus un cheval.

  21. Monsieur (Madame ?) Ratatak, j'ai beaucoup apprécié votre réponse, pleine d'une culture qui me manque, mais ce n'est pas le "doute" qui avait motivé mon post, j'avais à l'esprit deux niveaux d'appréhension de la réalité : celui des concepts, "l'or" ou "un chien", et celui des individus, des occurrences, celui-là seul étant vraiment réel selon moi. Vous me signifiez que "la nature humaine" existe objectivement dans la mesure où tous les êtres humains sont peu ou prou faits sur le même modèle ("certaines caractéristiques essentielles") : j'en conviens tout à fait, mais convenez aussi que les contours de ce modèle sont flous, mouvants et incertains, et qu'ils sont loin de faire l'unanimité. Autant dire qu'ils n'existent pas vraiment, qu'ils ne sont que des manières de voir, et que ces manières sont "conceptualisées".

    Cela dit, c'est le propre de l'Homme de "voir" un concept là où il n'y a qu'une réalité quasi indescriptible. C'est typique dans une expression du genre : "l'embryon est une personne".

    Bien cordialement

  22. Oui, le biologique utilise largement le hasard, ce qui donne en général des courbes de Gauss aux contours flous où ce sont les moyennes qui sont significatives alors que le langage est classificatoire se fixant sur un trait significatif pour énoncer une norme qui défigure ce qu'elle nomme, lui donnant un sens qu'il n'a pas en passant de la nature à la culture. Le triangle géométrique n'est aucun triangle réel mais il n'en existe pas moins comme réalité de pensée dont on peut tirer des conséquences rigoureuses. Les concepts non seulement existent mais sont très utiles, simplement ils n'ont qu'un rapport approximatif avec la chose même, il ne faut pas confondre la carte et le territoire. Cela n'empêche pas qu'il n'y a pas seulement des corps, il n'y a pas seulement des bénédictins comme le soutenaient les nominalistes, l'ordre des bénédictins existe bel et bien comme ensemble des bénédictins, on ne peut dire que l'ensemble des chevaux existe de façon aussi organisée. Ce n'est pas ignorer la nature que de ne pas la confondre avec la culture qui la recouvre.

  23. Je signale un article que je trouve assez hallucinant, voulant absolument dénier l'existence d'un instinct maternel et d'une détermination biologique des comportements sexuels ! L'argumentation est on ne peut plus fallacieuse puisqu'il s'agit de réduire ces hypothèses inhérentes à la biologie évolutionniste à une seule chercheuse (Blaffer Hrdy) et un seul facteur (l'ocytocine) pour ensuite essayer de prétendre que ce facteur hormonal serait une conséquence et non une cause de l'attachement (pas forcément maternel d'ailleurs). Cet aveuglement idéologique témoigne d'un besoin vraiment maladif de nier toute part du biologique (car même les positions modérées prenant en compte la culture sont rejetées violemment, et même le numéro de Sciences et Avenir que je critiquais ici !).

    Si on peut comprendre les raisons psychologique d'une telle dénégation pour celles qui ont le droit de ne pas vouloir être mères et n'ont pas à se soumettre aux injonctions sociales, cette négation du biologique est intenable en dehors d'une position religieuse nous séparant radicalement des animaux en tant que fils et filles de Dieu. La psychanalyse peut être convoquée aussi au nom du fait que "tout serait langage" sans reste, position de Dolto qu'on peut trouver délirante mais qui ne se soutient que de sa foi chrétienne. Ces féministes s'égarent et ne servent pas leur cause, même s'il faut déculpabiliser les mères dont "l'instinct maternel" est certes moins automatique que chez les autres mammifères, ce qui ne peut remettre en cause un substrat biologique si archaïque, pas plus que dans l'agressivité des mâles.

    En tout cas cette idéologisation extrême qui se présente comme une critique de l'idéologie est un cas d'école mais reste très minoritaire dans son dogmatisme alors qu'on a besoin d'une critique fine des formulations et non pas d'un rejet de faits au moins statistiques. Le féminisme est sans doute le facteur le plus "progressiste" dans l'unification du monde et la destruction des cultures traditionnelles patriarcales mais ces extrémismes le desservent, pressés de sortir de millénaires d'une domination que rien ne justifie plus mais qui ne peut nier les différences biologiques, même s'il ne faut pas les survaloriser, ni accélérer un processus qui prend inévitablement du temps (les progrès chez nous étant quand même considérables par rapport aux pays arabes entre autres).

  24. Une nouvelle étude qui confirme les différences entre cerveaux mâles et femelles au niveau de la connexion plus grande chez les femmes des cerveaux droit et gauche alors que les hommes auraient une meilleur connexion entre perception et action. Comme ces différences apparaissent avec l'âge, on ne peut cependant exclure qu'elles soient le résultat de l'éducation mais leur répartition statistique plaide quand même pour un substrat biologique.

    http://www.newscientist.com/article/dn24686-mapped-male-and-female-brain-connections.html

    The observations suggest that male brains are structured to facilitate connectivity between perception and coordinated action, whereas female brains are designed to facilitate communication between analytical and intuitive processing modes.

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