Critique de la critique

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J'avais déjà montré comme les mouvements d'avant-garde post-révolutionnaires pouvaient trouver leur modèle originel dans le trio d'étudiants formé par Hölderlin, Schelling et Hegel (la poésie, la mythologie et la science) voulant réaliser immédiatement ce qui leur apparaissait comme la Vérité même dont la Révolution française leur avait donné la preuve en même temps qu'un sentiment d'inachèvement avec la grande déception thermidorienne finissant en césarisme... On peut dire que Hegel a forgé sa dialectique sur ces contradictions de l'affirmation d'une liberté absolue qui mène à la Terreur supprimant toute liberté alors qu'ensuite l'Empire dominateur répand le Code civil et le règne du Droit, apportant la liberté dans une grande part de l'Europe ! Ce renoncement à l'immédiateté est de l'ordre d'un deuil impossible qui plongera Hegel dans une grande dépression mais il ne faut pas voir dans ses élans de jeunesse un simple égarement qu'il aurait dû surmonter car l'opposition au monde et la négation de l'existant constituent le moment initial de la dialectique qui s'enclenche avec la nécessité que ce premier positionnement critique soit suivi d'une "critique de la critique". C'est effectivement ce qu'on désigne habituellement comme le troisième temps d'une dialectique qui ne se limite certes pas à l'opposition des bons et des méchants car après la thèse puis l'antithèse, il y a la "négation de la négation" qu'on appelle trop rapidement synthèse. C'est, en effet, loin d'être la fin de l'histoire, plutôt l'engagement dans une série de rebondissements futurs et de retournements contradictoires dont le schéma est toujours à peu près le même. Si un mouvement révolutionnaire se pose d'abord en s'opposant à l'ordre établi et son discours trompeur, son arbitraire, ses injustices, il lui faut ensuite faire face à ses divisions internes et ses propres préjugés à mesure qu'il devient lui-même un pouvoir.

Il faut insister sur le fait que, aussi radicale soit-elle en apparence, la négation est toujours partielle et qu'on ne revient donc pas au point de départ avec la négation de la négation. Une critique de la critique n'a de sens qu'à rester du côté de la critique et qu'elle ne soit pas un retour en arrière ni le passage dans l'autre camp. S'il faut dénoncer ses excès et ses égarements, c'est pour rendre la critique effective, sans rien lâcher pour autant sur les exigences d'humanité, de justice, de liberté et d'un mode de vie plus écologiquement soutenable. Il s'agit d'avoir une chance de les réaliser au lieu de se monter du col de notre condamnation morale du monde et de notre refus héroïque de la réalité ! Il faut comprendre le monde pour le transformer mais, inversement, on ne peut le comprendre si on ne veut pas le transformer, ce qui nous confronte à ses résistances et aux forces qui le forment réellement, le comprenant dès lors non plus comme un état de fait à renverser mais comme processus contradictoire dont nous faisons partie, ayant notre mot à dire bien que ballotté par les événements plus que les déterminant.

En fait, il y a deux dialectiques qu'on peut dire symétriques mais dont les temporalités sont sans commune mesure, la dialectique individuelle et la dialectique historique aussi différentes que l'ontogenèse et la phylogenèse, le développement individuel et l'évolution de l'espèce. On ne peut dire qu'elles sont sans rapport pour autant dans leur approfondissement des interdépendances entre individu et société (un individu qui intègre son unité avec les autres, prenant le social comme but, et une société qui intègre et développe l'autonomie de l'individu, prenant l'individu comme but). Il y a aussi des interférences entre ces deux temporalités, même si on peut dire que l'individu ne fait pas beaucoup plus que parasiter une dialectique collective et politique qui suit sa propre logique. Ce n'est pas ce que s'imaginent les acteurs qui croient en décider, notamment au moment de ce qu'on appelle "la loi du coeur", critique subjective qui prétend s'imposer au reste du monde. Il est intéressant de revenir sur la façon dont Hegel décrit l'enchaînement de ces positions critiques d'abord purement morales. Ainsi, dans la Phénoménologie de l'esprit, la figure de l'intellectuel critique apparaît après que la conscience de l'unité avec les autres a pris d'abord l'aspect du conformisme et du respect des traditions qui se trouvent confrontées à des traditions étrangères aussi bien qu'à leurs divisions internes et leurs hypocrisies. L'intellectuel critique est celui qui ne croit plus au discours dominant et en dévoile le mensonge mais l'unité avec les autres se réduit dès lors à l'égoïsme de la jouissance que chacun dispute à chacun ("Alors l'individu s'est dressé en face des lois et des moeurs; elles sont seulement une pensée sans essentialité absolue; mais l'individu comme ce moi particulier, est alors à soi-même la vérité vivante"). Cet individualisme désabusé est déjà une position critique mais tout aussi insupportable à la longue que le conformisme qu'il finit par rejoindre par intérêt si ce n'est plus par conviction. L'individualisme devient alors l'origine même du mal qu'on voudra extirper au nom d'une aspiration morale éprouvée immédiatement comme "loi du coeur" de l'individu qui s'oppose au monde et prétend lui imposer ses principes moraux. Ce rejet de la réalité extérieure au nom de pures utopies (de valeurs, de principes, d'idées) par une conscience individuelle révoltée qui se croit supérieure au monde peut aller jusqu'à la "folie des grandeurs" qui dégénère en "délire de persécution" pour expliquer son inévitable échec. C'est "l'individualité qui en soi et pour soi veut être loi, et dans cette prétention trouble l'ordre constitué". Ces excès provoqueront en retour un moralisme de la vertu, lui-même trop rigoureux et rationnel, ne laissant plus assez de place à l'individu dans une objectivité dépourvue de tout sujet, etc. Sans aller plus loin (on lira la suite dans "Misère de la morale"), on peut voir comme chaque position qui se croit universelle et tient fermement sur ses certitudes se trouve pourtant dépassée ensuite dans les différentes compositions entre individualité et collectif, identité et différences. C'est toujours l'unité avec les autres qui est pensée mais du fait que chacun n'en est pas au même point, il y a donc immanquablement dans la société la diversité de tous les stades de l'apprentissage dans un dialogue impossible (on ne peut apprendre pour un autre). On constate ainsi que l'unité avec les autres reste un projet fondamental mais qu'il est lui-même facteur de diversité et de divisions dans des sortes de guerres des religions où aucune n'est vraie. Plus on peut être un extrémiste de l'unité et plus on peut susciter des oppositions fortes empêchant tout consensus. La diversité des positions critiques oblige à leur prise en compte et donc à prendre un recul critique par rapport à elles mais ce n'est pas qu'elles soient vraiment déterminantes pour la dialectique historique dans laquelle ces positions subjectives s'inscrivent, tout comme les idéologies du moment. La critique doit se porter à la fois sur l'intellectuel critique lui-même, qui nous égare et nous fait perdre du temps, aussi bien que sur les enjeux pratiques, les choix politiques proposés, les fausses solutions à la mode, sans qu'on puisse prétendre avoir le dernier mot pour autant, ni pouvoir sauter par dessus notre temps et l'épreuve de l'après-coup de l'expérience.

On peut dire que Marx, engagé lui aussi dans cette "réalisation de la philosophie" mais peu soucieux de "donner des recettes pour les marmites de l'avenir" n'a rien fait d'autre que cette critique de la critique, depuis l'idéologie allemande et la dénonciation de la misère de la philosophie ou des socialismes utopiques jusqu'à la critique du programme de Gotha. Bien sûr, à plus d'un siècle de distance, qu'il a dominé pour une bonne part, il n'en sort pas indemne, jugé lui aussi par l'histoire. La critique continue son travail de sape et doit passer à l'étape suivante (de l'écologie). A notre époque historique, on ne peut faire l'impasse sur une critique du marxisme aussi bien dans ses versions léninistes que maoïstes, manifestant un complet retournement du projet libérateur initial tout comme au moment de la Terreur. C'est cette dialectique qu'il faut penser pour la dépasser dans une critique de la critique capable de l'expliquer et d'éviter de la reproduire. Toute négation étant partielle, on l'a dit, cela n'empêche pas que Marx n'est pas aussi mort qu'on le prétend, qu'il y a beaucoup à garder de ses critiques de l'économie politique et du système capitaliste tout comme de son matérialisme dialectique (à condition de ne pas réduire la dialectique entre le cognitif et le matériel au simple reflet comme Lukács!).

C'est un peu la même chose désormais avec la théorie critique, les théories de l'aliénation, la critique de la consommation et de la technique, récupérées maintenant par les plus réactionnaires comme une critique de la modernité au nom de ce qui aurait été la vraie vie, une nature dont on pourrait se satisfaire, un monde qui nous serait naturel. Contre la méthode de l'exagération d'un Anders et d'une décadence heideggérienne dépourvues explicitement de toute dialectique, on ne peut faire l'économie là aussi d'une critique de la critique qui n'en annule pas toute la charge subversive à montrer qu'elle fait partie du dispositif qu'elle critique. En effet, on peut dire que le spectacle du monde marchand contient en lui, par construction, sa propre critique, dont personne n'est tout-à-fait dupe (ni de la publicité, ni des marchandises, ni des informations) mais dont on est bien sujet malgré tout. Un tel effet déréalisant renforce l'illusion d'une authenticité perdue qu'on pourrait retrouver en passant à travers le mirage, retrouver la chose même dans sa chair, en dehors de toute représentation... La vraie vie rêvée par cette "critique artiste" n'est guère que l'envers de promesses publicitaires ne pouvant être tenues. Elle devra se confronter à ses propres contradictions et ratages, aux démentis du réel comme à la sauvagerie des désirs, mais garde incontestablement sa séduction de douce nostalgie. Cela fait partie des pathologies de la vérité et du récit de soi, d'un surmoi qui ordonne la jouissance, de l'obsession du bonheur comme de l'identification au maître (l'homme complet comme idéal du moi). Ces préoccupations qui ne sont pas nouvelles peuvent légitimement paraître aussi déplacées dans notre actualité que l'étaient les théories de l'aliénation lors de la dernière grande crise, au moment de la montée du nazisme qui allait justement pousser l'aliénation à des niveaux extrêmes. Il faut croire que ce sont des questions qui reviennent dans les temps troublés mais ce qu'il faut en sauver cette fois, c'est l'amélioration de nos conditions de vie et surtout la dimension d'émancipation, la libération des femmes et des moeurs, si ce n'est le passage du travail forcé au travail choisi qui ne procèdent que latéralement des critiques de l'aliénation (Hegel appelle d'ailleurs aliénation le règne du droit et de la loi, or c'est essentiellement par le droit que la libération des femmes et des moeurs est possible!). Cette fois, ce ne sont pas seulement des trucs de bourgeois ni des fronts secondaires par rapport aux revendications sociales, la conciliation de la liberté et de la solidarité, de l'individu et du commun étant au coeur de la question dans toute son actualité.

C'est sans doute le moment opportun pour enfoncer le clou maintenant que les espoirs démesurés suscités par les révolutions arabes sont un peu retombés devant leur échec relatif ; une fois les tyrans renversés quand même ! La démocratie a confirmé qu'elle était le meilleur moyen de revenir à l'ordre, comme en juin 1968. Il faut s'en persuader malgré l'enthousiasme des foules rassemblées, la majorité de la population est presque toujours conservatrice et la démocratie est un rapport de force où les plus organisés gagnent à tous les coups. Il y a incontestablement des contradictions entre démocratie et révolution, ce qui limite toute capacité d'action dès lors qu'on exclue bien évidemment le recours à la dictature. La société dans laquelle on vit n'est pas la société rêvée malgré l'unité proclamé sur les places - Il suffit de voter pour nous diviser !

Il semble qu'il n'y aurait que deux camps bien identifiés, celui des conformistes, défenseurs ou profiteurs de l'ordre établi et celui de ceux qui veulent le renverser (les "intellectuels critiques") mais c'est un peu court. Il n'y a pas la vérité prolétarienne d'un côté contre le mensonge bourgeois de l'autre en dépit de ce que voudrait une fureur critique pourtant bien justifiée. La première illusion des discours populistes et révolutionnaires, c'est bien de tout réduire à l'opposition politique ami-ennemi (Schmitt) même sous la forme d'une lutte des classes ou de l'opposition du peuple aux élites comme si nous étions tous unis (99%), que nous étions tous révolutionnaires et que nous pensions tous la même chose, illusion sans aucun doute nécessaire à l'action commune mais qui est on ne peut plus illusoire. L'autre illusion, c'est de se croire trop différent de l'ennemi, de s'imaginer que l'ennemi était juste inhumain, d'une mauvaise race, et qu'il suffirait de changer de personnel pour rétablir l'harmonie et ne pas reproduire les mêmes relations de pouvoir, comme si le système était parfait et simplement perverti par quelques malfaisants, comme si nous étions parfaits et parfaitement incorruptibles. Il n'y a pas un pouvoir mensonger d'un côté et la vérité bien connue de l'autre. De même nos divisions sont irréductibles et nous affaiblissent mais ce n'est pas qu'il y aurait la ligne juste et celle des traîtres, plutôt une dialectique qui s'engage où les positions changent et peuvent s'inverser (le révolutionnaire peut devenir bureaucrate et l'intellectuel critique devenir réactionnaire).

D'une certaine façon, on peut dire que, ce qui a fait la force des altermondialistes comme des indignés, c'est de l'avoir compris, d'intégrer une critique de la critique, dans le rejet des partis au moins, et de constituer une unité qui peut paraître complètement inconsistante, seulement aspiration à l'unité alors que c'est plutôt de la supposer comme donnée préalable, au simple fait d'un lieu de rassemblement, tout contenu y apportant la division. Cette valorisation "écologique" de la diversité peut sembler condamner ces mouvements à l'impuissance mais n'empêche pas leur influence diffuse comme celle de Mai68 s'est faite sentir longtemps après sa défaite électorale.

Plus généralement, il ne suffit pas de décréter mauvais ce qu'on nous présente comme bon, il ne suffit pas d'inverser les valeurs ni de prendre le contre-pied de nos adversaires. C'est de la logique de base, si la négation du vrai est incontestablement le faux, la négation du faux ne suffit en aucun cas à connaître le vrai (ex falso sequitur quodlibet, sauf bien sûr s'il n'y avait que 2 états possibles). On a ainsi des partis attrape tout, comme le Front National de Jean-Marie Le Pen regroupant tous les illuminés rejetés de partout, voulant simplement se rendre odieux au "système", ce qui ne fait pas une politique (ce n'est déjà plus vrai de sa fille qui vise le pouvoir). L'expression du négatif est un moment nécessaire pour la correction de nos erreurs mais la position critique n'est en rien suffisante et doit s'appuyer sur un projet positif (négation de la négation), une dynamique historique qui lui donne sens.

Cependant, le projet politique peut aussi faire perdre tout esprit critique, devenu pure propagande qu'il faut gagner et simple police de la pensée. Aussi bien intentionné soit-il le politiquement correct fonctionne comme refoulement de la simple réalité sous prétexte de sortir de la pensée dominante, ce qui ne peut qu'en affaiblir la pertinence et se perdre dans de faux débats. Ainsi, nier les différences sexuelles est purement idéologique alors que cela prend la forme d'une dénonciation de l'idéologie, affaiblissant du coup la nécessité de l'égalité entre les hommes et les femmes dans leurs différences. Il y a un exemple amusant de cet aveuglement bien intentionné, c'est un paléontologue du XIXème siècle (Gabriel de Mortillet mort en 1898), libre penseur attaché à la laïcité qui n'a pu se résoudre à reconnaître les premières tombes de Cro-Magnon découvertes en 1868 parce qu'elles témoignaient à l'évidence d'un rituel religieux, ce qu'il ne pouvait croire ! Les bonnes intentions critiques, l'assurance d'être du côté des Lumières ne garantit aucunement qu'on serait dans le vrai, à s'aveugler comme tout le monde au nom de ses principes et de son parti pris. L'expression du négatif devrait servir ici d'antidote.

Pour s'opposer à ce dogmatisme, la pensée critique encourage en général à "penser autrement" ou bien à "penser par soi-même" comme s'il suffisait d'ouvrir les yeux pour voir ce qu'on voulait nous cacher et trouver des solutions que personne n'aurait trouvées jusque là ! En fait, pour la critique comme pour tout bon prêcheur, penser par soi-même veut dire surtout penser comme moi ! Il faut certes "penser autrement" et redoubler d'efforts pour trouver des solutions aux problèmes posées par nos erreurs ou par notre entrée dans une ère nouvelle, celle du numérique et de l'écologie, mais, là aussi, il ne suffit certes pas de penser autrement pour ne pas être dans une erreur encore plus grande. Ce n'est certes pas par des solutions simplistes et fantasmagoriques qu'on pourra faire face à la complexité de processus matériels qui nous dépassent. Il suffit encore moins de penser par soi-même, d'avoir une position critique affirmée ni d'être "original". Tout savoir se construit, fruit d'un apprentissage, le reste est littérature malgré la démagogie des savoirs premiers et populaires qui ont leur dignité mais aussi leurs limites. Contrairement à ce qu'on nous raconte, ni Newton, ni Einstein n'ont tout inventé (comme on nous y invite trop légèrement), n'ayant fait que synthétiser l'état des recherches de leur temps. Il faut travailler les questions, s'informer, se former pour ne pas dire n'importe quoi (sans enquête pas de droit à la parole disaient les maoïstes). C'est à la portée de quiconque, encore faut-il en consentir l'effort, parfois rude et prolongé. Bien sûr, la créativité est indispensable, tout comme de penser par soi-même dans des tâches qui exigent de plus en plus d'autonomie, pas de quoi en faire un plat comme si on avait inventé la poudre. Au niveau local, il faut incontestablement encourager les initiatives individuelles mais c'est plus problématique aux autres niveaux qui échappent à notre prise et sont plus du ressort des associations par exemple. Aux niveaux collectifs, on a, en effet, plus besoin d'une analyse informée et d'une stratégie élaborée que d'une imagination débridée.

La critique s'est toujours méfiée de l'homme providentiel, hélas souvent au nom d'une communauté mythifiée, mais elle valorise forcément la liberté individuelle du fait qu'elle est de l'ordre d'une conversion individuelle pour quitter le camp du pouvoir et rejoindre le bon côté de la force, celui de la critique. L'individu quelconque est donc paré de tous les pouvoirs, dont celui de changer l'avenir. C'est d'ailleurs pour Aristote la plus grande vertu de la démocratie et du tirage au sort de donner à chacun la possibilité de décider de l'avenir mais il n'y a pas à surestimer pour autant le rôle de l'individu ni des petits groupes comploteurs, pas plus que de l'activisme sur internet. Ce n'est pas l'individu qui est déterminant mais le processus cognitif, la construction de l'intelligence collective, le moment historique. Toute théorie matérialiste admettant qu'on est plus déterminés que déterminants se trouve prise certes dans des paradoxes apparents, le sens de l'histoire pouvant sembler se passer de nous, ce qui n'est pas le cas au moins dans notre rayon d'action. La position des utopistes est bien plus simple et compréhensible, à n'en pas douter. Or, si des individus exceptionnels surgissent souvent dans les situations exceptionnelles, cela ne fait pas de l'individu le moteur de l'histoire, il en est tout au plus l'animateur. L'importance d'un individu (ou d'un acte individuel comme un suicide) est l'importance qu'on lui donne, celle que lui donne la situation. Prendre de l'importance pour un groupe, devenir leader, amène à suivre la pensée de groupe et déforme le jugement, le désindividualise justement. C'est sans doute d'ailleurs ce qu'il faut lorsqu'il s'agit de trouver un chef de guerre pour mener l'assaut. Si l'individu n'est pas déterminant, ce n'est pas seulement à cause de notre rationalité limitée, bien réelle, ni du fait qu'on est plutôt déterminés mais parce que ce sont des forces qui nous dépassent qui sont déterminantes et ne sont donc pas du niveau individuel (tout dépend de la place où l'on est). L'individu ne peut que participer aux mouvements sociaux du moment, être dans le mouvement. Il ne s'agit pas d'un manque de capacités auquel on pourrait remédier par quelque dispositif. Avec tous nos appareils, on peut améliorer notre système d'information, nos perceptions, notre mémoire, cela ne nous rend pas plus infaillibles. La vérité échappera toujours au savoir, définition même de l'information, de news toujours nouvelles !

On a beau être entièrement libres bien qu'entièrement déterminés, comme dit Sartre, la liberté n'existe pas au niveau de ce qu'on s'imagine en général et notamment l'évangile libéral. La liberté est l'exception, plus que la règle, les sciences sociales le montrent abondamment, tout comme les sondages. Les big data vont le rendre encore plus évident, en temps réel cette fois, il va falloir s'y habituer. L'individu "rationnel" est un individu déterminé par des intérêts et des discours (des réseaux relationnels). Il ne s'agit jamais d'agir sans raisons ni d'être libre de toute attache ou préjugé, il ne s'agit que de tirer parti des opportunités de la conjonction historique, aider au meilleur, éviter le pire. Non pas céder au conformisme, à l'approbation de ce qui est, ni tomber dans les utopies religieuses ou les idéologies totalitaires mais agir stratégiquement. La vérité est révolutionnaire par l'expression du négatif, non par l'enthousiasme de foules fanatisées pour qui "tout est possible". Loin d'être une donnée naturelle, les libertés que nous avons conquises sont des constructions sociales. Ce n'est pas parce que, pauvre roseau pensant nous pensons le monde, inévitablement, que nous pourrions en être l'auteur, nous qui n'en sommes qu'un acteur parmi tant d'autres...

Il ne suffit pas de réfuter le côté formel d'une critique trop assurée d'être du bon côté et qui prétend à l'unité du geste même dont elle la divise. C'est le contenu de la pensée critique qui doit être réinterrogé, manifestant une certaine constance à travers toutes ses déclinaisons plus ou moins vitalistes d'une authenticité perdue et d'un monde vécu menacé, accusant la rationalité instrumentale (l'utilitarisme, le moyen pris pour fin, le progrès, la technique, l'artificialisation, la quantité, l'anonymat), le fétichisme de la marchandise (l'économisme, les rapports humains devenus rapports entre choses, l'argent roi, le totalitarisme de marché), la réification (scientisme, objectivation, passivité, oubli de l'histoire), l'aliénation sociale (l'éducation, les médias et leur propagande ou publicité, la domination, l'exploitation, la division du travail). Toutes ces critiques touchent juste mais sont entièrement dépourvues de dialectique et bien trop unilatérales, ne pouvant être vraies en même temps. Un peu comme le développement personnel ou les antiques sagesses, l'intellectuel critique nous promet l'avènement d'un homme nouveau purifié par quelque conversion ou sacrifice, le retour au qualitatif et d'un désir rectifié donnant accès enfin à une existence qui ne soit plus dépourvue de sens, l'amour au coeur, sans le feu dévorant de l'avidité et de l'envie. Il s'agirait de passer de l'avoir à l'être prétend le mage d'un tour de passe passe éblouissant, comme si notre être n'était si évanescent et fragile, suspendu à la reconnaissance des autres. Les derniers représentants de cette tendance qu'on peut dire religieuse dévoilent d'ailleurs de plus en plus leur caractère répressif et réactionnaire dans leur identification de la libération des désirs au libéralisme tout comme dans leur nostalgie de la loi du Père sensée nous délivrer de la folie humaine ! Même lorsqu'elle invoque une obédience prolétarienne, cette critique de la modernité reste on ne peut plus aristocratique dans la lignée d'un Nietzsche maladif plein de ressentiment et de prétentions. Nous voilà donc avec toute une flopée de nouveaux moralistes qui veulent nous faire la leçon et honte de nos désirs trop matériels au regard de leurs si hautes valeurs intellectuelles et de leur savoir jouir. Non seulement on est très loin des revendications sociales mais bien dans la haine du vulgaire. Le plus comique, c'est qu'une telle hypocrisie provoque en réaction le discours assumé de la cupidité et de l'égoïsme arrogant du bling-bling, le marchand prenant la place du noble dans le même mépris du commun. Répétons-le, cela n'enlève pas toute pertinence à chacune de ces critiques du progrès, à son négatif, c'est juste qu'il faut les ramener à des proportions plus modestes et moins apocalyptiques qui n'annulent pas le positif ni survalorisent le passé. Il y a si longtemps qu'on est supposé complètement déshumanisé, brisé par la machine et manipulé par les pouvoirs ! La science-fiction tient lieu de pensée pour un nombre étonnant d'intellectuels...

Ainsi, avec le recul, on peut trouver étonnant d'avoir cru pouvoir réduire la société de consommation et l'arrivée de nouvelles marchandises avec un système des objets purement symbolique, supposé ne refléter qu'un niveau social au même titre que le piano autrefois. Il n'y a bien sûr rien d'étonnant à ce qu'on soit fermement persuadé qu'on peut se passer d'une innovation quelconque, puisqu'on s'en est passé jusqu'ici ! De là à tout réduire à des gadgets qui ne servent à rien... On peut être au contraire sidéré après-coup de voir que, pour Ellul, l'ordinateur n'était qu'un gadget, ce qui permet de mesurer l'incapacité d'en comprendre la véritable portée ! On peut renvoyer aussi aux Choses de Perec ou à la "complainte du progrès" de Boris Vian se moquant de tous les ustensiles qui nous sont pourtant devenus indispensables : machine à laver, frigidaire, si ce n'est canapé et télévision, etc. On peut cracher dessus mais on ne peut plus soutenir qu'il y aurait là création de toutes pièces d'un besoin par le pouvoir hypnotique de la publicité, qui d'ailleurs aliénerait complètement les autres, mais pas nous, comme par hasard ! Je ne connais pas beaucoup de gens qui achètent des marchandises inutiles, même si cela arrive à chacun par accident et qu'il y en a qui sont de véritables malades (des fashion victims), on en trouve toujours. Le système pousse incontestablement à l'accumulation de marchandises et de déchets mais c'est au niveau du système de production, pas du consommateur, qu'il faut lutter contre la société de consommation ! Maintenant que presque tout le monde a une télévision et un ordinateur, ces critiques paraissent bien exagérées au moins, comme celles qui voulaient nous déshumaniser complètement, entièrement robotisés par la technique ! Ce n'est pas si pire. Les mauvais côtés sont indéniables sans pouvoir annuler les bons côtés. S'il y a tentative de "distinction", indéniable dans les biens durables, il y en a tout autant dans cette critique de la consommation de masse. Toutes les critiques des mobiles et des nouvelles tablettes sont entièrement déconsidérées quand l'usage s'en généralise à toute la Terre, devenus parts intégrantes de notre humanité comme l'évolution technique l'a toujours fait et plus personne ne fait attention à ceux qui sont restés en arrière. Il faut arrêter avec ce mythe transformant les foules en plus débiles qu'elles ne sont (ce qu'elles sont en effet, les régimes fascistes en témoignent, mais peut-être pas à ce point!). Cela ne remet d'ailleurs pas en cause l'essentiel de la critique de la marchandise, par Guy Debord notamment, quand il dénonçait le "monde déjà vécu" d'une marchandise privilégiant l'apparence sur le contenu. Simplement, comme on l'a vu, on peut faire de sa critique un effet de la marchandise qui s'affirmant comme telle intègre inévitablement le soupçon sur elle, comme sur toute information médiatique, nourrissant toutes sortes de théories du complot, le règne du secret étant comme l'envers du spectacle tout autant que le mythe de la vraie vie qu'on nous aurait volée, du réel voilé derrière l'écran ! A son insu, la critique ne fait souvent que procéder de ce qu'elle dénonce, en renforçant la croyance initiale, de même que la guerre nous oblige à prendre les armes de l'ennemi (développer la bombe atomique avant les nazis!).

Enfin, après avoir mis la vérité dans l'individu quelconque, puis l'en avoir scandaleusement dépouillé, la critique l'affuble souvent d'une morale populaire, considérée comme naturelle, et d'un heureux caractère où la vie humaine retrouverait se destination première ! Il ne faut pas s'emballer, tout excès d'enthousiasme se paiera de lourdes déceptions. Il ne faut pas promettre plus qu'on ne peut tenir. Il y a beaucoup à faire mais le paradis n'est pas à notre portée. Le problème, c'est qu'il n'y a jamais de bonheur garanti, il ne suffit pas d'obtenir ce qu'on désire, le travail du négatif ne nous épargne jamais. Notre époque a ceci d'extraordinaire qu'elle a montré, avec un chômage de masse indemnisé, qu'il ne suffit pas de ne plus travailler (ni de la levée des interdits sexuels, ni d'une société pacifiée, etc.) pour connaître le bonheur parfait alors que c'est plutôt l'ennui qui nous gagne et le non sens de notre vie, le dur devoir de donner sens à notre liberté nouvelle, de profiter de ce temps vide pour donner du sel à l'existence. Le travail nous fait souffrir, le chômage tout autant. On pourrait dire la même chose pour la richesse qui ne rend pas plus heureux. Ce n'est pas une découverte que l'argent ne fait pas le bonheur et pourtant ce que ne peut comprendre celui qui en manque cruellement. De même, inutile de médire de l'amour à l'amoureux mais une fois l'amour conquis le désir se porte ailleurs, premier enseignement de la philosophie. La psychologie des foules pousse à parler d'amour et survaloriser les relations sociales alors qu'on devrait se souvenir aussi que c'est l'amour qui nous fait souffrir et que "l'enfer, c'est les autres", pas seulement la compassion, les liens qui libèrent, la solidarité, etc. La dialectique du désir n'est pas toujours drôle et il n'est pas si facile de s'entendre dans nos diversités et contradictions. On ne devrait pas faire du bonheur une question politique, il y a des problèmes à résoudre, le reste n'est que discours purement verbal. Avec les fantasmes d'homme complet que nous fait miroiter la critique, il y a ainsi une façon de nous désindividualiser par l'abolition de la division du travail qui nous rendrait tous semblables mais dont on ne voit pas très bien ce que cela peut signifier pour la majorité de la population qui vit dans les villes ! On peut bien avoir plusieurs casquettes, plusieurs métiers, plusieurs emplois (cela se fait de plus en plus) être artisan le matin et poète le soir, inutile que tout le monde sache jouer tous les instruments de l'orchestre ! Il est difficile de ne pas voir ici un pur mythe sans aucune traduction concrète comme toutes les élucubrations sur le meilleur des mondes quand il s'agit simplement de rendre ce monde meilleur en fonction de la conjoncture.

On ne choisit pas la société dans laquelle on vit, pas plus que notre date de naissance, ni notre environnement dont l'évolution technique fait partie. Presque tout le monde pense pourtant le contraire depuis la Révolution Française, moi le premier après 1968... Cela ne veut absolument pas dire qu'on devrait accepter le monde tel qu'il est mais qu'on ne peut y intervenir que localement (il n'y a d'inversion de l'entropie que locale et informée). Au lieu de justifier le conservatisme, ce constat peut mener au contraire à de véritables changements révolutionnaires, bien que limités, au lieu d'échouer dans des entreprises plus ambitieuses et destructrices. Si on doit relocaliser, il ne peut y avoir que des alternatives locales à la globalisation marchande même si on doit pouvoir ainsi changer de système vraiment et qu'il y a beaucoup à faire aux autres niveaux (national, européen, etc.), plus urgent peut-être... En tout cas, c'est grâce à une critique de la critique décidée qu'une fois qu'on aura accepté les limites de notre action, ayant renoncé à modeler le monde à notre convenance tout comme à la litanie des fausses solutions, on pourra reprendre l'offensive, dépouillés des anciennes illusions, et discuter de nos marges de manoeuvre pour pousser notre avantage, réduire le plus possible les injustices, rendre notre monde plus vivable. Hélas, c'est ce qu'on ne veut pas, abandonner nos illusions et nos rêves. Pourtant, il est certain qu'il faut se battre, refuser l'oppression et la misère mais pas faire n'importe quoi pour autant !!

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56 réflexions au sujet de “Critique de la critique”

  1. La place de l'objection et de l'objecteur

    Sans la prise en compte d'une rétro-action, l'idéologie est voisine de la commande d'un système en boucle ouverte. L'importance des outils d'évaluation et de correction (dialectique) en fonction des objectifs recherchés (eux-aussi étant à redéfinir en fonction de leur degré utopique au fur et à mesure qu'il se dévoile) m'apparaît de plus en plus comme le point faible (donc à renforcer) de toutes les idéologies. Cela suppose l'aménagement d'une place de choix à la contradiction, à l'objection et donc aux objecteurs, afin que ceux-ci ne deviennent( pas arbitrairement les "ennemis du peuple". Cela suppose aussi un apprentissage de ce qu'est une objection.

  2. @Jean Zin :
    La recherche du niveau d'action et de philosophie moléculaire.

    Je suis allé un peu vite. En attendant une lecture plus attentive, je crois que votre article illustre bien:
    -ce que sont les alliés objectifs (les bons qui servent malgré eux et leur discours la cause des méchants).
    -les moyens justifient toujours la fin contrairement au dicton volontariste qui dit que la fin justifie les moyens (encore que c'est une réflexion naïve de cause et d'effets alors qu'on parle de systèmes complexes).
    -Que votre titre aurait pu être écrit par Edgar Morin.
    -Que des choix individuels à notre portée (et encore) jusqu'aux choix (non choix?) collectifs planétaires qui obéissent à des trajectoires qui nous échappent, vous recherchez un moyen terme collectif "moléculaire" (coopérative municipale par exemple) pour lequel le discours peut se greffer sur la réalité, le je participer à la construction d'un nous sinon idéal, du moins meilleur.

  3. @Michel Martin : Ce n'est pas faux (les moyens déterminent les fins) sauf que toute une partie est plutôt dirigée contre Edgar Morin dans l'illusion qu'un individu ou un petit groupe puisse tout changer. Il prend en exemple Jésus et Bouddha dont sans doute l'un et l'autre n'ont pas existé ! le fait qu'ils aient changé le monde étant aussi sujet à contestation (tout dépend de ce qu'on appelle changer le monde). Par contre un petit groupe (surréalistes, école de Francfort, situationnistes) peuvent explorer des impasses pour éviter de retomber dans les mêmes. Le véritable retournement dont il parle, celui de 1942, est dû à la résistance soviétique contre les nazis, vraiment rien d'individuel ! Il y a pas mal d'autres points qui sont très critiques par rapport à Edgar Morin (l'amour, etc.), sans parler de sa prétendu métamorphose...

    Ceci dit, il n'y a pas de raccourci, ce que dit cet article, c'est qu'il faut passer par une dialectique où les positions bougent, où la critique doit être suivie d'une critique de la critique avant même toute réalisation.

  4. @Jean Zin :
    La critique de la critique me semble porter sur deux points distincts: la qualité des outils d'évaluation et la la pertinence des objectifs poursuivis. Il s'agit d'affiner la connaissance de ce qu'on veut vis à vis de ce qui est possible et des outils mis en place pour y parvenir. Comme il n'y a pas d'idéal absolu, on a affaire à un processus relevant des choix collectifs, cad de politique. Si je comprends bien, ce que vous souhaitez, c'est que les mécanismes idéologiques délirants cèdent le pas à une prise en compte des réalités plus efficace grâce à la critique et à la critique de la critique.
    C'est bien un thème central de la cybernétique ou je me trompe?

  5. Tout d'abord, je dois m'excuser d'avoir publié un article qui n'était pas abouti et que j'ai déjà pas mal remanié. Il m'arrive de précipiter la publication d'un texte dès qu'il est "publiable" (c'est-à-dire sans phrases incomplètes, etc.) pour différentes raison, cette fois pour m'en débarrasser car je devais partir en déplacement mais je n'en étais pas satisfait avec l'impression de ne pas maîtriser moi-même les méandres de la dialectique que j’essayais de faire jouer. C'est cependant un des intérêts pour moi de l'écriture, non pas d'asséner un dogme mais d'essayer de formuler ce que je ne savais pas encore et d'apporter par les corrections un progrès sur l'état initial. Je m'inquiète quand même souvent de la dégradation de mes capacités intellectuelles (il paraît que ça commence à 45 ans!), ce dont, heureusement, je me sors mieux à l'écrit qu'à l'oral (qu'on ne peut corriger).

    J'essaie effectivement de montrer qu'on doit passer par une dialectique entre les idées et le réel, qu'il ne faut pas en rester à l'immédiateté mais prendre conscience de notre historicité. Croire qu'on peut ou même qu'on doit conformer le réel à nos idées est une pathologie du langage mais qui est productive à condition de persister dans une réalisation qui s'éloigne de l'idée et ne reste pas figée sur ses grands chevaux. Tout ce qui n'est pas dialectique me semble vain.

    Il y a effectivement plusieurs sortes de dialectique, celle de la position subjective (morale), celle de la pertinence des objectifs (politiques) et celle des moyens effectifs pour les atteindre. La cybernétique ne concerne que ce dernier point mais si elle est bien la "science des systèmes finalisés, c'est-à-dire organisés en fonction d'un résultat", elle n'a rien à dire sur les fins elles-mêmes. Les finalités nous mettent en cause dans notre être, nous en sommes sujets, historiques, pas dans une position de maîtrise comme par rapport aux objets, aux automatismes, aux évaluations permettant de corriger le tir et de s'adapter au terrain. C'est d'ailleurs ce que je reproche aux marxistes, de ne pas accepter que la dialectique de l'épreuve du réel ne rétroagisse sur la finalité elle-même, de ne pas avoir une conception assez dialectique de nos capacités cognitives supposées transparentes et de réduire la dialectique à une négation supposée finale ! Plutôt que d'affiner nos objectifs, il s'agirait plutôt de savoir qu'on doit en changer en cours de route et de prêter plus d'attention aux processus objectifs justement qu'aux phénomènes subjectifs. Il faut savoir qu'on est engagé dans une construction historique des connaissances, des discours, des institutions dont les effets de masse nous dépassent mais dans lesquels on peut avoir un rôle à jouer. Seulement, il n'y a pas que des niveaux d'organisation et des effets de masse mais aussi une temporalité elle aussi objective. C'est cette objectivité de l'histoire, son hétéronomie radicale qui constitue notre expérience du temps au-delà de l'immédiateté et que nous subissons bien plus que nous en décidons (l'idée des cycles est une façon pédagogique d'appréhender cette temporalité mais dépouillée de son historicité).

    J'essaie d'être fidèle à un matérialisme plus dialectique (et cognitif) que celui des marxistes mais bien plus matérialiste que l'idéalisme et le volontarisme ambiant, le thème de la critique de la critique me semblant assez unifiant. En fait, les raisons premières de cet article, c'est d'une part la définition de la critique de la critique comme négation de la négation, toujours partielle, etc., d'autre part je voulais souligner l'importance du moment de la division après celui de l'opposition, enfin l'application de cette critique de la critique aux théories de l'aliénation me semblait assez urgente et salutaire pour se focaliser sur des finalités accessibles mais je n'abordais pas la question cybernétique de l'ajustement en fonction du résultat.

    Ceci dit, je continuerais les jours suivants à travailler le texte. Il y a plus à en tirer que ce que j'en avais fait.

  6. @Jean Zin :
    Tout d'abord, je dois m'excuser d'avoir publié un article qui n'était pas abouti
    La plupart des textes qu'on peut lire sur les blogs sont comme ça et pas mal d'auteurs se servent de leur blog pour faire avancer leur réflexion, la confronter, la stimuler... c'est tout l'intérêt du genre, donc vous êtes tout excusé.

  7. "il s'agirait plutôt de savoir qu'on doit en changer en cours de route et de prêter plus d'attention aux processus objectifs justement qu'aux phénomènes subjectifs".
    Dans le concret. Ce matin, je vais au pôle emploi(Aubenas, Ardèche). 3 hommes (la cinquantaine) sont assis devant l'entrée. Ils sont entourés de pancartes ( de feuilles A4) où on peut lire "le gouvernement nous ment", etc... j'essaie d'entrer, mais les portes de pôle emploi sont vérouillées. Un homme vient m'ouvrir, s'excuse et me signal que ce sont les consignes de la Région, car ces hommes sont des "indignés"....
    Où est l'objectivité ? le subjectif ? Mon idée de la démocratie ? la peur de la Région, ou des indignés, ou la mienne, du coup !
    Je trouve vos reflecions intéressantes, bien que je ne fonctionne pas intellectuellement comme vous, je n'ai pas votre culture, votre talent, votre aisance... mais, comme je m'efforce de minimiser les clivages sociaux, j'essaie de vous comprendre. Cependant, parfois je me demande si une certaine intégration du réel commun ne vous échappe pas, objectivement. (?)
    je me pose la question, c'est tout.

  8. J'ai beaucoup participé au mouvement des chômeurs en 1997-1998, je faisais exactement comme ce qu'on appelle aujourd'hui les indignés. On avait même occupé une Assedic quelque temps. Aujourd'hui je suis certainement beaucoup plus déconnecté mais la réflexion a toujours quelque chose d'intempestif. Justement en voulant sortir de l'immédiateté pour essayer de penser la suite et donc dégager des trajectoires objectives. Tout le monde n'a pas les moyens de sortir de l'immédiateté, toujours dans l'urgence, et l'article parle du fait que la subjectivité participe à l'action collective mais que ce qui est déterminant en dernière instance, ce sont des contraintes objectives, notamment celles de la temporalité.

    Je ne surestime pas l'utilité que peut avoir cet article à engager une critique de la critique alors qu'on est plutôt au moment où la colère monte et se fait dévastatrice, mais j'essaie de dire ce qui me semble utile dans la conjoncture actuelle entre le reflux du premier mouvement révolutionnaire et le prochain peut-être. Cela ne servira sans doute à rien mais je cherche surtout à me le formuler, en corrigeant la formulation pour qu'elle me semble plus juste, plutôt que de vouloir m'adresser à tout le monde ce que je ne crois guère possible en ces matières (on ne peut apprendre pour un autre ni tout redire à chaque fois).

    Ce que je classe en philosophie n'est certes pas aussi accessible que ce que je classe en politique ou en news (déjà pas toujours faciles). Ce texte-ci est peut-être encore un peu confus (quoiqu'il me semble proche d'être définitif désormais) et la dialectique est toujours difficile à manipuler (je m'y perds moi-même) mais je ne connais personne d'autre qui essaie de remettre un peu de dialectique justement dans le déroulement de la crise et des révolutions.

    L'objectivité, elle est là, dans une crise qui nous dépasse. Le subjectif est dans la protestation qu'elle provoque mais les révolutions ne peuvent avoir une issue positive qu'à tenir compte de la réalité objective et des rapports de force. L'analyse stratégique est aussi importante que la mobilisation, les réformes structurelles plus décisives que les mesures immédiates, même si ce qu'on vit, c'est le présent et sa lente dégradation...

  9. L’opposition « sujet-objet » que vous privilégiez ici est trop contaminée par un marxisme simplificateur ( tel qu’il me fut dispensé dans les années 50et en classe de philo ?) Une analyse intégrant la « critique de la critique » doit renoncer à ce concept fourre-tout, ou que chacun interprète subjectivement, justement. Je me demande si vous ne devriez pas plutôt privilégier une dialectique « théorie-pratique » qui préciserait mieux de quoi on parle, la réalité du questionnement dialectique
    Ainsi suis-je enclin à traduire pour moi -sujet X donné- votre phrase: « Plutôt que d'affiner nos objectifs, il s'agirait plutôt de savoir qu'on doit en changer en cours de route et de prêter plus d'attention aux processus objectifs justement qu'aux phénomènes subjectifs » par : « pour affiner notre réflexion théorique sur l’objectif ( au sens de projet) il s’agirait d’admettre qu’on doive en changer en cours de route en fonction des effets en retour de la mise en expérience pratique (dans le sens ou à contre-sens des vécus subjectifs) » A quelque déviation de sens près , l’idée est retournée ! On met en avant la pratique sociale et pas seulement notre théorisation, qui devient la part subjective !

    L’objectif pour moi c’est « le lointain » visé, l’ouvert, et le subjectif c’est le proche, le local, l’Umwelt immédiat l’implication dans mon histoire comme sujet, depuis ma mère catholique, mes oncles résistants, le contact adolescent avec un prêtre ouvrier, un prof se philo marxiste,.. des choix politiques,…Soient autant de situations successives, si bien que, comme vous l’écrivez : « Il faut savoir qu'on est engagé dans une construction historique des connaissances, des discours, des institutions dont les effets de masse nous dépassent mais dans lesquels on peut avoir un rôle à jouer » Sauf que, comme philosophe ou sage retiré du monde ( refus de voter, non engagement militant dans les conflits sociaux concrets de la réalité sociale ) quelle critique de la critique pouvez-vous exercer pratiquement ? Vous rester sur le revers de l’objectivité idéale en ne prenant pas en compte la réalité : la construction historique n’est-elle pas tout autant une expérience pratique, un espace et un temps que nous habitons avant de le théoriser ? Et le militant exerçant la critique de la critique sait qu’il soutient en pratique des revendications programmatiques partageables qui ne sont pas encore, ou ne sont déjà plus, celle de son projet théorique lointain, qui n’est pas un dogme, mais une ouverture envisagée, une théorie réfutable, dans le cadre d’une dialectique complète .Celle que vous explicitez impliquant la « critique de la critique » , précisément.
  10. Il est certain que je ravive un matérialisme dialectique proche du marxisme des professeurs et des sciences sociales bien que je l'espère un peu moins simpliste notamment en ce que ce n'est pas seulement la théorie qui se transforme par la pratique mais bien le sujet lui-même. C'est justement la tendance du marxisme, en particulier du maoïsme, de réduire la dialectique à la pratique de la théorie ne pouvant remettre en cause que sa mise en oeuvre et non pas ses objectifs premiers. L'objectif comme finalité fait partie de la théorie et de sa part subjective, il change donc même en l'absence de toute mise en pratique dès lors que les déterminations sociales changent même s'il y a du jeu entre objet et sujet comme le montre l'évolution biologique intégrant différentes temporalités. L'objectivité ici, c'est la détermination du sujet par ses conditions sociales et les discours institués. L'objectif comme finalité en représente le côté subjectif, ne se limitant pas à la finalité dernière, il peut être bien plus proche et concret.

    Je suis très critiquable sur bien des points mais ne suis certainement pas sage du tout, même si je me permets de philosopher avec Hegel et sa dialectique. Je suis certes retiré du monde dans ma vie quotidienne mais pas tant que ça avec internet. Je réclame un droit à la retraite militante, en partie à cause des incommodements de l'âge (qui ne sont pas les mêmes pour tous) mais il est certain que je me prive ainsi des enseignements de l'action, que j'ai quand même assez bien connus (et la difficulté de faire entendre mon point de vue). Je crois que cela peut malgré tout me donner un "regard éloigné" justement, celui du critique de la critique, qui peut avoir son intérêt, mais je ne prétends absolument pas qu'il ne faudrait jamais avoir milité. Là aussi, il y a un temps pour tout, y compris celui du découragement à la longue et de l'indépendance d'esprit. Tout dépend aussi des circonstances, à d'autres périodes je pourrais défendre un engagement plus actif mais avec ces élections présidentielles qui prouvent à quel point notre choix est limité et surdéterminé, je trouve pertinent le slogan que je viens de voir : voter, c'est mourir un peu ! (à cause de l'urne, je précise...)  Maintenant, je ne réclame rien sinon de dire ce que je pense, sans aucune légitimité ni autorité en quoi que ce soit. Je ne fais pas trop de bruit et on peut trouver tout cela complètement vain, ça l'est sans doute au moins sur le court terme. Rien ne vaut qu'à être repris par d'autres mais ce n'est que devant des impasses du réel qu'on se met en quête de ce qui pouvait les rendre prévisibles.

  11. Je pense tout simplement que nous apportons tous nos différences, de naissance, d'éducation, de culture, de situation, d'intérêt…. et que ces différences ne valent que si elles se rencontrent, échangent, se mettent ensemble en mouvement. C’est sans doute ce qui nous manque le plus : la possibilité de mettre en mouvement ces différences, non seulement sur un blog, mais au sein d’un espace public organisé pour ce faire.
    Même si nous ne pouvons pas nous faire d'illusions sur nos systèmes dit démocratiques, et notre capacité à changer les choses , à faire évoluer la société dans un sens ou l'autre ,même si nous devons avoir conscience de nos limites en matière cognitive et la facilité qui est la nôtre à nous raconter des histoires, il me semble néanmoins que d’une part « la politique »reste une activité essentielle pour agir et que d’autre part il ne faut pas sous estimer la capacité d’enfumage des classes dirigeantes, de tous ceux qui à un titre ou l’autre trouve un intérêt à laisser les choses aller plutôt que , même partiellement, les maîtriser .
    Qu'elle que soit la nature contrainte, imparfaite, limitée, biaisée, utilisée … de la démocratie, je ne vois pas d'autres alternatives que de MIEUX ORGANISER l’action politique.
    Même s’il est impossible de tout comprendre il apparaît néanmoins assez évident que laisser aller les choses à elles mêmes au fil de l’eau nous conduit assez sûrement à des difficultés suffisamment lourdes pour considérer qu’il y a DANGER. Le fil de l’eau est un renoncement dans lequel nagent avec avidité les gros poissons.
    Il me semble qu'aujourd'hui nous aurions encore plus besoin, du fait même du caractère complexe, mondial et dangereux des évolutions diverses et variées que nous subissons, de mettre au point un outil politique intelligent.
    Intelligent c'est à dire en capacité de produire de l'intelligence collective ; de faire en sorte que LE point d'unité soit celui de notre humble ignorance confronté à une situation périlleuse.
    Sans vouloir tout révolutionner et couper les têtes de nos "représentants", ( qui souvent le mériterait ) l'observation de l'organisation actuelle de la gouvernance pourrait utilement faire l'objet d'une réflexion et d'aménagements lourds permettant d'aller dans le sens d'une plus grande efficacité ; nous savons tous les limites d'un système de partis en campagne électorale permanente, de vote en alternance pour des leaders munis de produits politiques clé en main teintés idéologiquement droite ,gauche ou vert ; un système formaté pour la gestion sectorielle court terme, qui, si on l’observe bien est STRUCTURELLEMENT conçu pour sa propre inefficacité , incapable poser les problèmes plus globalement avec une vision dans la durée.
    Serait ce un projet illusoire ( ?) que de tenter de mettre au point puis mettre en place un outil politique PUBLIC d’étude et de recherche dédié à la réflexion collective sur les enjeux identifiés comme très importants (l’identification faisant elle-même partie de ce questionnement collectif)? La tâche est démesurée « cet outil » tombe comme un cheveu sur la soupe dans une société culturellement peu préparée à ce type de démarche, puisque ne la pratiquant pas ; la « sectorialisation » de la pensée et des activités apporte de l’efficacité dans le savoir et du rendement dans l’économique mais divise la réalité et la société en morceaux et fait perdre le sens; alors que le réel forme un tout et doit sans doute se vivre et se penser comme tel. Ce mode de pensée produit des ingénieurs, des énarques, des spécialistes, des premiers de la classe souvent imbus de leur savoir mais peu aptes à l’activité politique qui par nature touche à tous les domaines d’activités et s’adresse à tous .Il produit aussi des groupes , des associations, des partis…. rassemblés par affinité d’action ou de pensée, autant de cloisonnements souvent étanches empêchant la respiration sociale.
    La politique doit unifier , rassembler , constater et prévoir loin ; non autour de drapeaux mais autour du bien commun et son préalable de réflexion commune s’appuyant en débat sur les diversités .Le bien commun restant toujours devant nous à définir ensemble indéfiniment au sein d’une confrontation ORGANISEE, la démocratie étant un mouvement , un cheminement , le contraire de ce qui est figé et proclamé ; reste à trouver une méthode , une pratique , pour faire vivre ce mouvement , cette recherche par la confrontation des différences.
    Les médias peuvent rendre possible un tel effort de questionnement public en assurant la liaison entre les acteurs, en investiguant les thématiques des questionnements, en produisant des documentaires, en donnant à voir et à participer aux réflexions, en mobilisant le citoyen lambda.
    Cet outil politique n’est pas directement relié avec la décision, mais il peut indirectement préparer en amont des délibérations et des référendums lorsque certains problèmes donnent lieu à des questions susceptibles d’être bien posées. Il a vocation à façonner la conscience, l’intelligence collective. A donner une forme constructive à l’indignation.
    C’est un outil politique parce que son objet est la construction de la société, mieux la comprendre dans ses évolutions et aller vers l’émergence de leviers et de perspectives possibles. C’est un outil dont la clé, le fondement, le moteur, et l’efficience est la diversité même des acteurs et les différences de situations, d’intérêts ……Il est public parce qu’il doit être garant de l’ouverture à tous ; c’est un outil de facilitation de la citoyenneté. Son principe est l’auto éducation des acteurs entre eux par l’appropriation des thèmes étudiés et la confrontation raisonnée , les apports diversifiés ; sa méthode est de réfléchir sur sa méthode et son fonctionnement , sur les questionnements , sur le choix ,sur la formulation des questionnements ; faire le tour des sujets abordés par l’apport du grand nombre diversifié des acteurs ; les approfondir ; les insérer au sein de la GLOBALITE du constat et du projet sociétal , garder la vision à long terme : il ne s’agit pas d’un exercice culturel mais bien d’un questionnement POLITIQUE, orienté vers la question globale de l’organisation d’une société durable. Il ne s’agit pas d’en savoir plus mais de toucher notre ignorance, de substituer au cours des choses, les choix politiques imparfaits et sujet à erreur, mais de loin préférables au non choix d’une vraie fausse réalité s’imposant à nous.
    Cet outil inclut un apprentissage et sa méthode GLOBALE ; mais il doit fortement introduire et réactiver l’échelon LOCAL : celui où les gens se parlent directement entre eux sur les problèmes les concernant. C'est à l'école et dans les communes que doit s'initier cet apprentissage à la réflexion en commun autour du bien commun. L’échelon national se positionnerait avantageusement au sein d’une chaîne de TV publique.
    Cette démarche aurait le mérite de faire apparaître la complexité plutôt que de l’éluder et la voiler par des affirmations péremptoires / je suis contre le gaz de schiste et c’est sans doute bien de le proclamer mais quelle organisation énergétique et sociétale pour à un moment donné quand il n’y aura plus de gaz faire chauffer mon café le matin ?/, dans le même temps, elle aurait aussi le mérite de lever le voile sur les pratiques et logiques malhonnêtes et ainsi trier entre une complexité « naturelle » et celle entretenue, produite par des intérêts privés.
    A titre d’exemple et sans préjuger du bien fondé de ces choix ou de la bonne formulation des questionnements , il pourrait être utile d’approfondir la problématique de l’énergie , celle du climat, de s’interroger sur la dette des pays , l’organisation de l’économie , la création monétaire , s’interroger sur le caractère durable des très grandes villes et leur fatalité , se poser la question de l’articulation des territoires du local au mondial , la notion de nation , de démocratie, l’organisation de la vie politique et médiatique, s’interroger sur le travail , le chômage ……. Bref tout un programme le but étant ici le chemin : mettre en place concrètement une pratique de réflexion collective. La visée est bien celle du citoyen lambda : il faut ouvrir et remettre en cause le cercle étroit des militants en contre pouvoir ou des penseurs ; exercer une citoyenneté intelligente ,visible , médiatisée, participative, au sein même du pouvoir dans la cadre d’un outil politique officiel dédié à la réflexion collective et doté de moyens humains importants , d’ animateurs , de journalistes d’investigation et autres facilitateurs du recueil d’expressions.

  12. Je suis d’accord avec Jean sur sa réponse à mes remarques. Mais je précise ici en quoi je trouve plus efficiente l’opposition dialectique « théorie-pratique » que celle « subjectivité- objectivité ». Par exemple s’agissant de la discrimination de genre (masculinité- féminité),rien ne sert qu’elle soit posée au seul niveau du discours. Elle se construit dans la critique et l’inhibition de certaines pratiques et le renoncement à des usages. Inhibition de la main aux fesses dans le métro, des sifflets méprisants dans la rue, des discriminations salariales et pas seulement du mariage forcé et des violences conjugales. Proclamer une égalité théorique conduit à la seule répression, concernant les transgressions les plus radicales, alors qu’il s’agirait d’ auto-critiquer des comportements pratiques machistes dans leur banalité la plus quotidienne. Modifier des conventions collectives au niveau des pratiques individuelles.
    D’où je partage le souhait exprimé par Di Girolamo disant que la démocratie relève d'une mise en débat des pratiques, « un cheminement, le contraire de ce qui est figé et proclamé ». Toutefois on doit craindre que l’outil préconisé ne comporte le risque de dégénérer en parti unique ? Ce qui garantit un cheminement non figé, c’est le conflit! Cela une fois reconnu, les conflits entre les classes et les intérêts particuliers devraient pouvoir se résoudre dans la non-violence.

    Toute proclamation d’objectivité théorique, par ailleurs, n’est toujours au départ que la proclamation d’une croyance (donc porteuse de subjectivité) avant de se vérifier dans les faits,en pratique, et seulement selon le temps ( subjectivité historique). Le chemin dont parle Di Girolamo est lui-même en voyage. C’est une rivière.
  13. @Di Girolamo : Il y a là un bon résumé de ce qu'il faut faire, avec lequel je suis en accord à peu près complet, la nécessité de construire une démocratie cognitive. On retrouve là ce que disait le GRIT depuis longtemps (et Edgar Morin maintenant). Le seul bémol, c'est que justement ce n'est pas si neuf et même qu'il y a déjà eu des tentatives d'aller dans cette direction qui n'ont pas abouti. Donc le risque, c'est que ce ne soit que du baratin, la question étant comment aller dans cette direction, comment le rendre un tant soit peu effectif alors qu'on va s'écharper sur la présidentielle et que la crise va attiser les tensions ?

  14. @pierre-jacques : Je suis d'accord sur le risque de noyer le conflit dans des procédures à la Habermas qui peuvent toujours être noyautées ou bureaucratisées.

    Par contre, même si l'objectivité, qui relève effectivement d'une intersubjectivité, reste toujours subjective et disputée, il y a incontestablement une différence de méthode selon qu'on cherche à décrire des processus objectifs ou qu'on se contente d'affirmer son propre volontarisme (ses valeurs).

    Je n'ai pas bien compris la question du genre mais je ne crois pas être d'accord. Moi, je suis pour toutes les lois d'égalité entre hommes et femmes, jusqu'à la discrimination positive voire la parité, mais pas du tout pour moraliser les comportements ni condamner la vulgarité populaire. Pour tout dire, je ne suis pas du tout à la hauteur de ce que le féminisme exige de moi, ce pourquoi je préfère la solitude et soutiens les féministes mais de loin !

  15. Pour moi je prenais cette question comme pur exemple de ce dont nous parlons depuis le com 10 (Chabi). Personnellement j'approuve en théorie l'égalité des sexes, mais tout en étant incapable de partager en pratique les tâches avec ma compagne ( question de formation des habitudes au contact de mes parents pendant mon enfance). Sinon je soutiens, aussi, les féministes " de loin".

  16. Un exemple pratique :

    http://fr.myeurop.info/2012/01/19/l...

    Au lieu de dépenser autant dans des subventions, il aurait été plus judicieux d'investir les sommes équivalentes dans la recherche pour mûrir la technologie et ensuite l'appliquer à grande échelle.

    Et aussi de privilégier, dans le cadre d'une politique européenne de l'énergie, l'installation dans les PIGS où les rendements sont meilleurs.

    Pour le coup, les investisseurs d'Abu Dhabi sont plus éclairés que ceux d'Europe :
    http://www.enerzine.com/1/13314+les...

    Par ailleurs, plutôt que demander au particulier d'acheter les panneaux, les entreprises du solaire pourraient lui louer son toit, terrain, et ceux des immeubles pour y installer les panneaux là où c'est le plus efficace et exploiter la ressource avec toutes les économies d'échelle que ça entraine sur le plan de la gestion administrative et technique.

    On sent que le modèle économique n'est pas au point...au point du bricolage à grande échelle.

  17. J'ai l'impression qu'il est question d'un principe de précaution dans la dialectique de la critique.
    La critique est souvent dans l'opposition au pouvoir et donc la critique de la critique est au pouvoir, cela nous donne une boucle dialectique spéculative..
    Une chose me revient à la fin de l'article, la valeur significatif, celle ci peut être local ou global, il est toujours question d'énergie/masse une personne comme Jésus Mahomet Staline Roosevelt etc peuvent par la cascade d'une décision critique changer la face du monde.

  18. Parmi les auteurs dont la pensée et l'expérience me semble pouvoir être versées au dossier, je vois Amin Maalouf et ses "identités meurtrières", Daryush Shayegan et sa "conscience métisse", Edouard Glissant et son concept de créolisation et enfin Gerard Endenburg avec son principe expérimenté avec succès de feedback et corrolairement de la place de l'objection construite et de la place des objecteurs.

  19. Si la critique de la critique doit inciter à la précaution, c'est bien plus général que le principe de précaution qui est lié aux nouvelles technologies et avec la certitude d'y échouer nécessairement mais ce que montre l'article c'est qu'on ne peut absolument pas confondre la critique de la critique avec le conformisme du pouvoir, ce n'est pas passer du maoïsme au Medef comme Denis Kessler (ça c'est juste de la connerie). La critique de la critique doit rester très critique de l'ordre existant et viser à rendre au contraire la critique plus effective. Lorsque la critique de la critique vient du pouvoir elle peut bien s'appuyer sur des critiques justifiées, elle est inopérante et simplement réactionnaire, donc injustifiable.

    Je répète aussi que je ne crois pas du tout que les individualités puissent être si importantes que ça même si elles ont un rôle. Périclès a été très important pour le miracle grec et son rayonnement (démocratie, science, philosophie) mais il a précipité la chute d'Athènes avec la guerre du Péloponnèse, ce qui n'a pas empêché la philosophie de changer le monde pour les millénaires, bien plus que Jésus (qui n'a pas existé malgré un historien catholique faisant fi de la critique des sources) étant au contraire le résultat d'une spéculation intensive menée entre autres par Philon d'Alexandrie ou les Esséniens. On peut admettre que Mahomet a lui bien changé le monde, grâce sans doute à l'expansionnisme de la guerre sainte mais aussi à la simplicité de son message d'unité. Staline aurait effectivement pu capituler, à part ça, on peut dire que l'enlisement des armées allemandes s'est produit malgré le grand nombre d'erreurs qu'il a commises. Les processus objectifs ont été bien plus déterminants. Roosevelt aussi a été porté au pouvoir par la crise et donc par des contraintes objectives, ayant d'ailleurs cédé trop vite sur sa politique en 1937 l'économie américaine n'étant sauvée que par la guerre. Il faut certes des hommes intègres, courageux, intelligents mais parfois un crétin comme Reagan a un rôle plus décisif pour faire tomber l'URSS et triompher le néolibéralisme, ce n'est pourtant qu'une question de plus ou moins grande rapidité pour l'évolution de processus objectifs. Il est certain qu'Alexandre, César, Napoléon, Mao ont marqué leur époque comme chefs de guerre exceptionnels mais j'ai essayé de montrer que des génies comme Newton ou Einstein n'ont fait que reprendre les connaissances de leur temps. Dans notre situation une telle personnalité manque incontestablement, Obama étant bien décevant, il en surgira sans doute mais ce n'est pas aussi déterminant qu'on le croit. On peut bien sûr croire qu'un tribun de la trempe de Mélenchon ait le pouvoir de retourner l'opinion par sa faconde et de faire élire une constituante ouvrant une nouvelle ère, son rôle serait alors étonnant en effet, mais ce qu'on voit, c'est quand même l'autre front qui s'approche du pouvoir et cela pour des raisons objectives liées à la crise plus qu'à la candidate. La seule chose vraiment déterminante, c'est de bien comprendre la crise et d'y apporter des réponses adaptées.

    Je ne suis pas tant que ça un adepte du métissage, qui est un fait, incontestablement positif mais, c'est comme la mobilité, ce n'est pas une raison pour en faire une valeur en soi, ou plutôt on peut dire que la valorisation du métissage n'est qu'un moment de la dialectique. L'identité ne se laisse pas diluer, pas plus que la différence. Je ne crois pas qu'on puisse vraiment s'opposer à l'entropie humaine mais ce n'est pas une raison pour vouloir l'accélérer pour qu'on soit tous pareils partout. La relocalisation, c'est aussi la différenciation, retrouver une culture locale, sans doute forcément métissée, mais pas trop. La dialectique ne nous laisse jamais en repos sur une position "juste" qu'il faut toujours nuancer.

    Sinon, il n'est pas impossible de me rencontrer mais je ne l'encourage guère, cela dépend des raisons qu'on peut en avoir. Me rencontrer n'a que peu d'intérêt, je vaux mieux par écrit qu'à l'oral et chacun sait que je préfère la solitude.

  20. à jean ZIN
    Bonjour,
    c'est le week end, je vous propose un exercice pour vous détendre... Vous avez beaucoup donné, vous avez eu quelques retours, je pense que vos idées sont maintenant bien en place....
    Alors imaginons qu'il vous faut résumer "critique de la critique" pour un ami qui vous est cher, en en gardant que la "substantifique moelle"... Je suis très curieux de voir ce que cela pourrait donner en une dizaine de lignes....
    C'est juste pour jouer...
    Merci
    Amicalement
    t.o.

  21. « …qu'un tribun de la trempe de Mélenchon ait le pouvoir de retourner l'opinion et de faire élire une constituante ouvrant une nouvelle ère, son rôle serait alors étonnant en effet, mais ce qu'on voit, c'est quand même l'autre front qui s'approche du pouvoir et cela pour des raisons objectives liées à la crise plus qu'à la candidate. La seule chose vraiment déterminante, c'est de bien comprendre la crise et d'y apporter des réponses adaptées ».
    Je pense que la poussée de l’autre front (national), par rapport au projet présenté (social) d’un gauche historique française reconstituée, doit être combattue sur la base de ce que dit Edouard Glissant de la créolisation. A savoir que l’Occident a métissé le monde entier. La culture occidentale admet le mécanisme qui produit le métissé comme son « bâtard ». Mais le contact des identités produit une créolisation. C’est ainsi que Glissant nomme la production d’inattendu que produit la rencontre avec le colonisé ( comme aussi avec l’immigré) , dont l’épiphanie comme fait culturel n’apparaît qu’après coup et scandalise le dominant ( où bien s’en émerveille si cela n’engage pas sa suprématie , comme le jazz )
    « Le blanc n’a peur que d’une seule chose, c’est d’être lui-même métissé » dit Glissant lors de d’un entretien sur France culture en 2003, audible sur le site http://www.edouardglissant.fr/creol...

    L’artifice de cette peur, entretenue à dessein, n’est pas pour rien dans la poussée du vote F.N.

    La créolisation, c’est le mouvement du monde vivant, la création de l’improbable et de l’imprévisible. (Comme le victoire de Mélenchon ?)

    J’approuve Martin d’avoir suggéré ici l’approche des auteurs qu’il a cités, et qui permette nt d’établir la différence entre le métissage (résultat de la mondialisation libérale indifférenciée ) et la créolisation, comprise comme les effets de rétroaction critique à partir des identités locales, géographiques, culturelles, et qui restituent la diversité des sources contre l’entropie.
  22. @Albertog :

    Il m'a fallu du temps pour comprendre, si j'ai compris, mais quand on regarde les oppositions UMP-PS, c'est dire blanc sur un sujet quand l'autre dit noir, alors qu'on disait noir avant quand l'autre disait blanc. Sur le plan dialectique, ça va pas chercher loin tellement ça devient prévisible ce type de bascule binaire.

    En mathématiques ou en physique, c'est plus ludique, on part d'un présupposé et après des pages de calculs ou des séries d'expériences on aboutit à autre chose parfois, imprévu, ni le même, ni l'inverse.

  23. @Jean Zin :
    Je crois que vous faites un contresens sur mon message, vous lui faites un procès de volontarisme qui n'était pas mon intention. Je crois que c'est devenu un leitmotiv de votre regard qui biaise un poil la discussion. Je crois aussi que vous faites une confusion sur la conscience métisse ou le processus de créolisation. Tous les auteurs que je cite peuvent aider d'une part à comprendre les conditions d'émergence d'une identité et d'une démocratie cognitive, et pour Erhenburg une tentative de mise en pratique appliquée à une organisation (agir local) pour laquelle la distance entre le discours et l'action peut être réduite et pour laquelle il n'est pas besoin d'être Dieu pour que ce rapprochement advienne.

    Il se peut, en effet, qu'à contrario, des idiots comme Reagan fassent plus pour ou contre la cause qu'ils combattent que des partisans intelligents et avisés de cette cause, cela fait partie des alliances objectives qui se trouvent à l'opposé du discours et des intentions.

  24. @téo : Tout dépend de l'ami(e) à qui je devrais faire un résumé de cet article décidément trop obscur apparemment. A une amie à qui je disais que j'avais fait un livre sur la vie, je l'avais juste résumé en disant que "la vie, c'est l'évolution" ! Je ne suis pas sûr qu'on puisse vraiment résumer mes articles en gardant leur substantifique moelle car ce ne sont pas des communications ni de l'endoctrinement mais plutôt des "expériences de pensée", des parcours, en particulier quand on est dans une dialectique. Si je croyais qu'il y avait du superflu dans le texte, je le retirerais mais je crois plutôt qu'il pourrait être étoffé de bien d'autres critiques à critiquer. Ceci dit, je suis obligé de faire moi-même une sorte de résumé ou un pitch de chacun de mes textes dans leur liste chronologique, ce qui ne garantit pas que le résumé soit bon. Voici, en tout cas, comment je le présente :

    Hegel a forgé sa dialectique sur les contradictions de l'affirmation d'une liberté absolue qui mène à la Terreur supprimant toute liberté alors qu'ensuite l'Empire dominateur répand le Code civil et le règne du Droit dans une grande part de l'Europe ! L'opposition au monde et la négation de l'existant constituent le moment initial de la dialectique qui s'enclenche, suivi ensuite d'une nécessaire "critique de la critique" ou "négation de la négation". Aussi radicale soit-elle en apparence, la négation est toujours partielle, on ne revient donc pas au point de départ avec la négation de la négation. Une critique de la critique n'a de sens qu'à rester du côté de la critique. S'il faut dénoncer ses excès et ses égarements, c'est pour rendre la critique effective en intégrant sa temporalité dialectique. On passe donc en revue ici, la fausse unité, l'opposition ami-ennemi, la simple inversion des valeurs, le subjectivisme et les critiques de la rationalité instrumentale, du fétichisme de la marchandise, de la réification, de l'aliénation sociale.

  25. Je ne sais pas si on peut parler de contresens dans la volonté de réintroduire de la dialectique à chaque fois, ce qui certes peut être agaçant (critique de la critique restant toujours critique quoiqu'on fasse) mais ne constitue pas une récusation des auteurs cités (quand je suis à Paris, j'occupe un ancien appartement d'Edouard Glissant, cela n'empêche pas que je ne pense pas la créolisation généralisable).

    Jacques Robin était assez fana du métissage lui aussi mais je crois que sans la reconstitution de cultures locales (une recréation) c'est une impasse, tout comme la globalisation sans relocalisation. Je ne crois pas d'ailleurs que ces discours soient audibles hors des milieux intellectuels, en tout cas par mes voisins alors qu'ils sont bien adaptés aux grandes villes et leurs banlieues. Contrairement aux post-modernes je ne crois pas plus à l'équivalence de la "culture occidentale" avec les autres traditions si on définit cette culture par son origine grecque et son universalité (démocratie, philosophie, science), c'est-à-dire comme rupture avec les traditions locales (et désenchantement du monde par la rationalité). Si on peut parler de créolisation, c'est sur les autres aspects de la culture (religion, arts, cuisine, modes de vie).

    Je ne crois pas que ce soit la xénophobie, la peur de l'Autre qui soit le moteur de la préférence pour le front national au lieu du front de gauche mais plutôt l'affirmation d'une souveraineté perdue et la peur de tomber dans la précarité. Pour des gens du coin, par exemple, ils se sentent dépossédés de tout pouvoir sur leur vie et l'attribuent aux parisiens qui les envahissent plutôt qu'aux étrangers. Ils appellent à un Etat fort et non à une révolution permanente. Il ne faut pas seulement reconnaître la part de vérité du communisme mais aussi celle du fascisme, même si c'est plus difficile à avaler, le succès d'un "socialisme national" se voit dans les urnes et Jung s'étonnait de l'énergie sociale extraordinaire dégagée par le nazisme (qu'on retrouve dans les révolutions communistes au début). Ceci dit, en France comme en 1936, la montée du FN a plus de chance de provoquer une mobilisation plus forte à gauche que d'accéder au pouvoir, ce n'est pas le cas dans d'autres pays.

  26. A Budapest, la population est électrisée en ce moment et approuve Orban majoritairement. Le sentiment nationaliste de défense contre l'extérieur se développe fortement après une ouverture de 20 ans sur le libre échange.

    Pour connaitre un peu cette population, que je trouvais presque enfantine, mais pleine d'enthousiasme, on les sent complètement désabusés et en colère, ne sachant à qui s'en prendre, imaginant un complot de l'UE ou du FMI pour dégringoler le forint, confondant le FMI, la zone euro et l'UE avec les marchés financiers, et s'en prenant aux gypsies dans des camps de travail forcé, les accusant de tous les maux.

    Bref, c'est le oaï complet.

    C'est un petit pays, rien à voir l'Allemagne de 1933, donc je ne vois pas vers quoi ça peut aller...

    C'est un pays qui c'est senti lésé après 14-18, puis ensuite avec le communisme soviétique. C'est jamais bon qu'un peuple se sente humilié même si l'on considère que la notion de peuple soit très floue. Bien que des critères comme la langue parlée sont pourtant là bien présents.

  27. le FN ce n'est que la famille LEPEN, le père était déjà excellent à l'oral, mais sa fille est encore plus affûtée... Elle a bossé son affaire et sait exactement ce qu'elle a à murmurer à l'oreille des veaux... une petite musique facile à retenir et qui nous traverse l'esprit quelques fois...
    Heureusement qu'en face y a un peu de matière avec jlm, je dirais même l'art et la matière. Il a bossé son sujet aussi le bougre et quel plaisir de le voir se démener... Un peu de coeur ça ne peut pas faire de mal !

  28. La critique de la critique procède de sa division, celle ci peut être infini ce qui est donc une parade à la critique.
    Si au contraire elle ce cumul alors la critique devient potentiel qui par une cascade énergie/masse atteint le point critique de l'équilibre pour le faire changé de position, une révolution !
    L'équilibre n'existant pas dans l'univers seules des ensembles significatif tel l'adn pouvait avoir un équilibre significatif d'ensemble dans une courbe d'espace temps suffisante d'agrégation et de désagrégation pour critiquer l'équilibre d'une trajectoire..
    Un peu comme si un cailloux que je lance décidait de changer de direction par esprit critique !
    J'irais jusqu'à dire que l'évolution est une critique qui ce divise sur les conditions de survie, même si 99,99% des espèces critique notre comportement ils n'ont pas 1% de voix dans les décisions qui s’impose..

    Tout comme un iceberg les 10% du haut et les 90% du bas coexistent dans un équilibre critique, les 10% savent que les 90% sont condamné à rester en dessous parce que les loi de la nature sont ce qu'elle sont, personne ne pouvant rester dans sa position dû à la courbe de chute il est possible de passer des 10 vers les 90 et vice versa..
    Le mouvement général accélérant pour augmenter les probabilités d'être dans les 10%...

    L'espoir fait vivre l'envie fait courir la critique donne la direction

  29. @Jean Zin :
    réintroduire de la dialectique à chaque fois

    La dialectique passe par une étape de réflexivité, de mesure, d'évaluation, sinon c'est du baratin. Je me souviens avoir lu une introduction du capital dans laquelle l'auteur comparait la dialectique à un miroir renvoyant le réel. Avec une telle confiance aveugle, le dérapage délirant est garanti. Les auteurs que je citais sont tout sauf volontaristes et ils apportent beaucoup d'éléments de réflexivité.

  30. @téo : Je ne crois pas qu'on puisse réduire le FN au supposé talent de la famille Le Pen, pas plus qu'on ne peut réduire la crise actuelle aux malversations de quelques uns, aux particularités des pays qu'elle touche ou quelqu'autre cause contingente. Les similitudes avec les années trente sont flagrantes. Il suffit de voir comme de nombreux pays sont touchés, en premier lieu la Hongrie bien sûr, c'est un peu l'envers des indignés mais on ne peut évacuer la question en se focalisant sur les personnes. Il faut répéter au contraire qu'on ne peut être leader qu'à suivre ses troupes, autrement dit, ce sont les slogans qui marchent qui sont repris. Là aussi il faut être attentif à la dialectique sujet/objet plutôt que de rester fasciné par l'individu. J'ai en tout cas entendu des spécialistes du Front National expliquer que la nouvelle idéologie du FN avait été constituée sous la poussée des adhérents, de ceux qui rejoignaient le FN, lui donnant ce tour beaucoup plus social, transformant ce vieux parti poujadiste et traditionnaliste en parti plus populaire.

    Au lieu de penser qu'il n'y a là que du factice, il faudrait plutôt se rendre compte comme le discours politique a beaucoup de mal à ne pas utiliser le même type d'arguments, simplement radicalisés. D'une certaine façon, on retrouve la préférence nationale dans le plus limité "achetons français" tout aussi irréaliste sous cette forme, souverainisme, protectionnisme et démondialisation repris par des économistes de gauche se trouvant inévitablement conforter le nationalisme. Il y a une logique à ce que lors d'élections nationales, les électeurs demandent à l'Etat de s'occuper d'eux et pas des autres, le peuple dans une démocratie n'étant qu'une majorité de voix. Si la logique de protestation des indignés (et du Front de Gauche) peut avoir la prévalence en période normale, lors d'une élection l'appel à un Etat fort est nettement plus favorisé.

    Si Mélenchon peut faire un relativement bon score en dépassant les 10% et qu'on peut trouver ses harangues réjouissantes (bien que trop grandiloquentes pour moi), personne ne peut s'imaginer qu'il soit élu. Je dis ça mais je sais que des militants se persuadent du contraire et sans doute JLM lui-même (je ne parle pas d'Hervé Morin!). J'ai remarqué qu'à chaque élection, plus on s'approchait du vote et plus la dénégation des sondages fonctionnait auxquels on opposait l'enthousiasme des foules, la force du vouloir. C'est ce qui fait des élections nationales des moments bien trompeurs et suivis de grandes déceptions. Pour ma part je considère que les sondages sont presque toujours fiables, même s'ils peuvent être manipulés. Ils représentent la dimension objective (et médiatique) dont il faut tenir compte et que les big data vont rendre de plus en plus présente, cet effet de masse sur lequel nous avons peu de prise mais dans lequel nous sommes pris.

  31. Je reviens sur mon commentaire 15. Le Mercredi, 18 janvier 2012, 18:52
    Et la réponse de Jean Zin qui s'interroge sur l'aspect irréaliste de la chose :
    "Le seul bémol, c'est que justement ce n'est pas si neuf et même qu'il y a déjà eu des tentatives d'aller dans cette direction qui n'ont pas abouti. Donc le risque, c'est que ce ne soit que du baratin, la question étant comment aller dans cette direction, comment le rendre un tant soit peu effectif alors qu'on va s'écharper sur la présidentielle et que la crise va attiser les tensions ?"

    Je confirme en tous cas que la première difficulté que je rencontre quand j'expose ce type d'idée , c'est que mes interlocuteurs zappent le sujet d'un revers de main et passent à autre chose ; ci dessous lien vers le blog de Jacques Attali que je suis allé "chatouiller" là dessus :
    http://www.attali.com/actualite/blo...

    J'ai de mon côté expérimenté quelque chose d'assez modeste qui va dans cette direction
    ( organisation de soirées communales avec un support de montage vidéo sur la thématique crise globale solution locale , avec la participation des élus et habitants) avec l'aide financière de la région Rhône Alpes et une connexion avec le Conseil Local de Développement du pays(j'étais membre du bureau ) ; ça s'est terminé (façon de parler puisque c'est encore en cours ) par mon exclusion du CLD grâce au bons soins du député maire président du pays , membre éminent du PS ;j'ai saisi le Tribunal Administratif et nous sommes (un ami et moi ) en train de tenter de bousculer la "chape de plomb " le mot n'est pas trop fort que le président de Rhône Alpes a mis sur cette délicate affaire .

    Y a t'il des traces des" tentatives "?

  32. Sciences et techniques de gestion de crise :

    "La comparaison entre les deux expériences de l’Argentine sous un régime militaire (en 1981) et en démocratie (1987) est parlante : le niveau de protestation a été trois fois plus élevé en 1987 et il y a eu beaucoup plus de manifestations » (p. 12). Ainsi, un régime dur serait idéal pour imposer les réformes. Le néolibéralisme serait-il entrain de déraper ?"

    http://contreinfo.info/article.php3...

  33. @Di Girolamo : Il y a une très grande naïveté à s'imaginer qu'il suffirait de sa bonne volonté et de former une commission sur les procédures démocratiques pour résoudre un problème posé au moins depuis la Révolution Française. La réponse d'Attali n'est pas si mauvaise de renvoyer aux Francs-maçons qui se préoccupent de ces questions depuis si longtemps, en effet. Il aurait pu parler aussi du GRIT, dont il a fait partie pendant une courte période, s'il existait encore car c'était bien son objet principal une démocratie renouvelée. Impossible de citer le nombre de textes ou de livres sur la question qui ne suffisent pas à l'épuiser ni à trouver la formule magique.

    C'est typique des nouveaux convertis de croire pouvoir tout régler par leur force de conviction alors même qu'ils se font rejeter de toutes parts ne tenant pas compte des forces en présence. Il est certain que ça fait drôle au début de voir qu'il ne suffit pas de se lever pour entraîner les foules. A la longue on s'y fait et on comprend que ce n'est pas comme cela que ça marche et qu'il faut pénétrer les arcanes du pouvoir, faire des alliances, etc., de la politique quoi !

    Une bonne partie de ceux qui font de la politique sont passés par là, étonnés que leur sincérité n'emporte pas la conviction et que personne ne prête attention à eux. De quoi déprimer comme Hegel en son temps à renoncer à l’immédiateté. Le fait de n'être pas entendu n'est d'ailleurs pas une preuve du fait qu'on ne dirait que des bêtises. Je crois que c'est Bergson qui s'imaginait qu'après son premier écrit philosophique plus rien ne serait comme avant et qui a dû se faire à l'évidence que tout continuait comme s'il n'avait pas existé. Pour ma part, je m'attendais à ce que mon texte "l'improbable miracle d'exister" ait beaucoup plus d'impact alors que même au sein du GRIT il n'attirait que des remarques polies vaguement élogieuses mais sans suite. Par contre, ma structure de la logique d'Hegel qui n'avait suscité absolument aucun retour quand je l'ai publiée sur internet en 1997, a été ressortie 10 ans après par un site allemand consacré à Hegel. Il faut intégrer le temps de comprendre et celui de la pénétration des idées, prendre en compte les autres et ne pas vouloir se mettre trop en avant. C'est le poids de toute cette temporalité que la dialectique incarne, si difficile à admettre et presque toujours mal interprétée (notamment par les marxistes) mais qui constitue notre réalité historique, le pas lent de l'histoire et qui ne va pas droit au but mais zigzague plutôt comme un homme ivre. Il ne s'agit pas de rester spectateur de ces dérives mais d'avoir un peu plus de modestie.

  34. @ jean zin commentaire 39
    §1 : Chiche, demain on remplace l’héritière par GOLLNISCH et on attend… Les élections, ce n’est même plus la peine d’en parler et dans 6 mois, le FN fait le même score que « chasse, pêche et traditions » ou « Nicolas Miguet »… Il n’était question que de cela…
    §2 : J’irais même plus loin, je crois que cette petite musique sommeille au fond de chacun d’entre nous…
    §3 : Je consulte tous les blogs des « présidentiables » ; à part jlm, il n’y en a pas un capable d’aligner quatre à cinq mille mots, tous les quatre ou cinq jours… Et pas n’importe quels mots de surcroît. je pense que cela nous changerait un peu du type qu’on est obligé de supporter et qui ne sait ni parler, ni écrire…
    Pour ma part, les sondeurs font partie de ces métiers que je trouve parfaitement inutiles, limite nuisibles dans certaines circonstances et que j’interdirais tout simplement dans le domaine de la politique. C’est bien simple, lorsque Brice Teinturier intervient dans un débat il me gâche mon plaisir tellement ses propos ne servent à rien… J’en profite pour remercier très vivement l’inventeur de la télécommande.
    t.o.

  35. @Jean Zin : Le problème c'est qu'on ne se refait pas ! Je suis incapable de militer autrement ; il ne m'est pas possible de fonctionner "normalement ". C'est ou me satisfaire de ma vie professionelle et familiale qui en soi me suffisent pleinement ou en même temps continuer à aller dans le sens qui me semble intéressant . Manque de chance c'est une voie qui ne suis pas la marche ordinaire des choses("ça ne marche pas comme ça") ; tout à l'heure j'ai vu des extraits du discours de Hollande , je l'ai vu transcendé et avec lui son auditoire ! J'aimerai pouvoir adhérer ; je ne le peux . Plus que de la naïveté , plus que de l'orgueil bien assez présent , c'est comme une obligation de nature ; je ne sais pas où cela me conduira . En tous cas mon intérêt va vers tout autre chose que participer à une recherche au sein d'un organisme ou l'autre ; je reste sur le plan politique avec une visée démocratique ; dans ma démarche il faut le lambda et il faut les médias.
    Il est difficile d'aller contre soi même , difficile de dire avec certitude où se cache la naïveté , où est l'orgueil .... Même l'échec n'est pas toujours signifiant ..........
    En tous cas merci .

  36. @ di girolamo
    L’intelligence collective ne se manifeste pas dans des sondages et pas seulement non plus au réel des résultats électoraux. L’élection n' est qu'un aspect particulier ( en démocratie seulement et souvent comme piège à cons) des conflits et des contradictions de classes Un peu comme pour l’évolution des organismes vivants la conscience collective est en avènement par bonds, dans un très lent progrès de nos vies inter- individuelles, qui se construit dans un temps qui nous dépasse. Les évènements ponctuels et les temps forts de la politique ne constituent que l’apparence objective, l’espace sensible, dont des sujets trouvent l’occasion d’une meilleure prise de conscience. Conscience des conditions de l’existence ici et maintenant, compétition, conflit, ou bien coopération, solidarité. La dialectique n’a de sens que comme prise de parole sur l’art de vivre en société

    Mon candidat favori Jean Luc Mélenchon écrivait sur son blog ce 21 janvier :

    « Nos mots voyagent, et traversent l’espace politique. Jeudi soir, lors d'un meeting à Dunkerque, François Bayrou a fait du verbe « résister » un refrain de son discours. Le même jour à Nantes, François Hollande a déclaré « mon adversaire c’est la finance ». Avant eux, Marine Le Pen avait repris ma formule « rendre visible les invisibles ». Ces emprunts au vocabulaire ordinaire du Front de Gauche et de mes propres meetings me réjouissent. Pour moi c’est décisif. Peu importe que ceux qui prononcent ces mots ne le fassent que par effet de tribune que leurs assistants et rédacteurs de discours leur recommandent. Ce qui compte c’est que les mots circulent et deviennent dominants. Les mots sont davantage que ce qu’ils désignent. Qui les avale, avale avec la grammaire et la syntaxe une manière de décrire le monde est une manière de le penser ».

  37. @pierre-jacques
    c'est exactement le passage que je voulais "rapatrier" sur ce blog... Quand on a pas besoin de se parler pour être d'accord, c'est bien aussi...
    @di girolamo
    personne vous demande de changer, faites comme vous le sentez, semez, il en restera toujours quelque chose..

  38. @téo : Je n'ai pas dit que l'individu n'avait aucun rôle, ni ses talents, mais qu'il y a sélection à la fois de celui qui emmène le plus de troupes et des idées que défend le leader épousant celles de ses troupes justement. Il est certain que Gollnisch ferait un score insignifiant, un peu comme Poutou par rapport à Besancenot (ce qui montre à quel point l'extrême-gauche est tout aussi sensible à l'image médiatique, ayant tout autant besoin de leaders malgré le baratin révolutionnaire). Cela n'empêche pas que le contenu des programmes est surdéterminé par la situation et ne tient pas aux leaders qui s'imposent dans tous les pays par leurs talents respectifs.

    Je trouve dangereux de privilégier le style sur la rationalité. Le style vient souvent couvrir les insuffisances de la pensée. Il est certain que, ce qu'on aime chez une femme ou un homme, c'est la façon dont il donne sens à sa vie, de quel façon il fait face au non sens du monde mais la politique ne se réduit pas aux personnes et à l'amour du maître. Je ne serais jamais de l'ivresse des foules.

    Je déteste sans doute les sondages comme la plupart des gens, il y a effectivement quelque chose d'obscène et d'illégitime dans cette façon de nous faire parler avant même qu'on ouvre la bouche. Les interdire ne paraît cependant ni possible, ni souhaitable, je crois plutôt qu'il faut les prendre en compte comme une réalité objective nouvelle à laquelle on ne peut pas se dérober. Comme j'y insiste, les Big Data vont porter cette objectivation de la subjectivité à un point jamais vu, donnant une incarnation immédiate aux sciences sociales, aux déterminations matérielles, obligeant à reconsidérer notre notion de liberté qui s'en trouve déplacée (et non pas supprimée).

    Moi, je ne trouve pas du tout rassurant d'utiliser les mêmes mots que l'extrême-droite (même Bayrou). Cela témoigne de ce que la situation a de favorable aux tendances fascisantes, d'un socialisme national même à gauche dont le programme est loin d'avoir autant de cohérence et de visibilité. L'absence de l'écologie et de la relocalisation (pas seulement d'une industrie rêvée) est dramatique.

  39. @Di Girolamo : Le temps se charge de calmer nos ardeurs mais il est problématique de prétendre représenter l'électeur lambda. On en a vu d'autres se réclamer ainsi de l'homme ordinaire, du militant quelconque, Antoine Waechter par exemple qui trouvait toujours de bonnes raisons de continuer à garder sa position de pouvoir jusqu'à ne pas supporter de ne plus être le dirigeant des Verts quand il a perdu la majorité, préférant diriger un groupuscule ! On peut rigoler aussi de JLM qui se prend pour Cincinnatus retournant à sa ferme après avoir mené les armées à la victoire. Une chose est de le dire (de le penser), une autre chose de le faire quand on est en position, surtout quand on n'a jamais rien fait d'autre qu'homme politique. En politique, soit on est marginalisé, soit on est en position de pouvoir, il est impossible de s'y dérober sauf à sortir de la politique.

  40. Pour donner un peu de relief à la question du volontarisme et des illusions du langage, ainsi que des mille et une manières de construire sa propre impuissance (dont vous êtes en passe de devenir maître), je soumets à votre oreille et à votre regard critique l'aventure "miraculeuse" de Staff Benda Bilili.
    Leur histoire.

    D'une certaine façon, vous êtes un géant intellectuel, mais votre peur d'échouer à mettre en place votre coopérative municipale, de souffrir de votre impuissance vous ligote les mains. En voyant ce que ces handicapés du Congo ont réussi à faire avec si peu de moyens, je me dis que vous pourriez vraiment faire beaucoup mieux, sans dépenser plus d'énergie, mais en la consacrant à un projet essentiel. J'espère que l'histoire et l'énergie du Staff Benda Bilili seront communicatives.

  41. Je ne vois pas en quoi cet excellent groupe d'handicapés contrevient à ce que je peux dire, insistant au contraire sur les micro-réalisations, sur ce qui est à notre portée, dans notre rayon d'action essentiellement local. De nombreuses actions humaines réussissent, heureusement.

    Je reste persuadé que ce que j'ai de mieux à faire, c'est ce que je fais. Lorsque je dis que je ne serais pas le plus qualifié pour mettre en place une coopérative municipale dont je n'ai fait que donner les raisons sans en avoir aucune expérience, ce n'est pas de la coquetterie, pas plus que lorsque je dis que je ne suis pas un orateur. Lorsque j'avais fait ma première conférence à Bruxelles, celui qui m'avait invité n'arrêtait pas de répéter : je suis déçu, déçu, alors même que j'avais insisté sur le fait que ce n'était pas mon truc. Il faut me croire. Et bien sûr je suis prêt à aider autant que je peux une expérience qui serait tentée mais cela ne peut dépendre de moi. Allez-y, je vous y engage et vous soutiendrais mais il faut trouver ou construire les conditions pour cela.

    Je suis loin d'être modeste comparé aux gloires du temps mais je ne me sens pas du tout un géant, écrasé par l'étendue de mon ignorance, tous les livres indispensables que je n'ai pas lu, sans compter les attaques de l'âge. Comme disait Bernard de Chartres, repris par Newton, ce qui peut donner l'illusion qu'on est grand, c'est qu'on est des nains perchés sur des épaules de géants, ces géants étant d'abord des Grecs mais surtout l'apport cumulatif de tous les grands esprits de l'histoire. Je me sens tout petit devant Aristote ou Hegel mais, il est sûr que si on ne lit pas Aristote, ce qu'on ne fait plus bien que ce soit très abordable (mais un peu chiant), on admire Descartes ou Spinoza pour ce qu'ils ne font que reformuler. Il n'y a d'ailleurs pas d'autre façon d'avancer que de partir de ceux qui nous précèdent. J'engage donc à les lire et lire les auteurs dont je reprends les concepts plutôt que de composer une sorte de catéchisme. Je ne suis moi-même sûr de rien, pas même de ces coopératives municipales qui me semblent s'imposer mais si difficilement réalisables...

  42. @téo :
    C'est pas vraiment une ficelle, téo, c'était un encouragement à avancer dans la mise en place de ce projet de coopérative municipale que je trouve très intéressant. Quel risque y a t-il? Que ça ne fonctionne pas? Et alors, il en restera bien quelque chose et Jean en retirerait une expérience dont il saurait nous faire profiter. Tant pis. J'espère que quelques maires sont des lecteurs de ce blog et qu'au moins l'un d'entre eux voudra se lancer dans l'aventure, il sait maintenant qu'il aura le soutien intellectuel du concepteur de ce projet. C'est dit.

    Sinon, c'est un vrai bonheur d'écouter et de voir ces Congolais, vous ne trouvez pas?

  43. @Jean Zin :
    Je pense que l'organisation politique en élections pour des partis est une mauvaise organisation , qu'elle n'est pas le fruit du hasard mais correspond à une logique ; cette logique définit notre relation au monde et aux autres ; on peut la résumer en référence à la formule de José Bové : la terre est une marchandise; c'est une logique économique d'exploitation du milieu et des peuples dont le sol et sous sol sont riches de ressources utiles à cette industrie mondiale. L'activité politique est donc une gestion hors sol de cet enrichissement par l'exploitation.
    La démocratie (cognitive et participative ) corespond à une logique de territoire et d'aménagement du milieu . C'est du baratin qui s'il n'est pas appliqué nous fera payer collectivement la note dans un délai relativement proche.
    Pour moi le combat politique c'est de faire passer cette idée , et d'expérimenter des outils politiques locaux destinés à la gestion territoriale par les acteurs eux même .
    En cela je ne demande que l'application de la loi
    n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire
    qui dit :
    "...La politique nationale d'aménagement et de développement durable du territoire concourt à l'unité de la nation, aux solidarités entre citoyens et à l'intégration des populations...
    Les citoyens sont associés à son élaboration et à sa mise en œuvre ainsi qu'à l'évaluation des projets qui en découlent."
    Je ne me fais aucune illusion et de ce fait même vais continuer dans ce sens relativement calmement.
    La notion de territoire à aménager du local au global me semble essentielle.C'est à ce niveau là que la démocratie prend son sens.

  44. Le problème de la démocratie, c'est que ça se fait avec les autres et qu'on n'y a qu'une voix. Pour arriver à démocratiser la démocratie, il y a incontestablement une lutte dans la théorie qui doit imposer ses raisons, ce qui exige un travail intellectuel préalable. Ensuite, seuls les "prophètes armés" peuvent donner effectivité à leurs idées comme disait Machiavel, ce qui veut dire dans une démocratie faire nombre grâce à des alliances et des compromis (ne pas faire comme moi en me tenant à l'écart). Ce n'est pas à un seul d'imposer sa conception de la démocratie mais aux habitants tels qu'ils sont et avec qui il faut s'entendre, ce qui n'est certes pas toujours facile !

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