L’expression du négatif

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Devant les malheurs du temps, il semble qu'il ne nous resterait plus qu'à rêver à quelque monde merveilleux ou alors nous raidir dans une radicalité extrême sans aucune effectivité. Tous nos murs sont couverts de promesses de bonheur en technicolor, nous croulons sous les marchandises qui voudraient maintenir notre désir en haleine, mais un certain nombre de contestataires de l'ordre établi voudraient nous persuader que leur produit est bien meilleur encore, renchérissant sur les promesses d'une jouissance supposée plus authentique celle-là, certifiée par quelques experts auto-proclamés, comme d'autres lavent plus blanc que blanc !

Ce n'est pas pour autant bonnet blanc et blanc bonnet, paraît-il, puisque les deux jouissances s'opposeraient comme le bien au mal, la vérité au mensonge ou l'avoir à l'être. Hélas, on a vu si souvent la vérité se transformer en mensonge et le vrai n'être plus qu'un moment du faux. Il n'est pas impossible que ces prétentions excessives ne soient pire encore et un progrès de l'aliénation plutôt, avec une plus grande intériorisation des normes sociales, une soumission plus terrible encore à quelques leaders pris en modèle. Ce ne serait, en quelque sorte, que la continuation de la dictature des apparences par d'autres moyens...

A rebours des préjugés de l'époque, de l'idéologie du cyborg comme de celle d'un retour à la source d'une nature originelle, je voudrais défendre une pensée un peu plus humble, rationnelle et limitée, sans céder un pouce ni passer sur rien mais en restant du côté de l'expression du négatif. L'expression du négatif constitue effectivement une dimension essentielle de l'écologie, à l'opposé donc de toute pensée positive, qu'elle soit de gauche comme de droite, puisqu'il s'agit de témoigner de tous nos ratages, faire l'aveu de nos erreurs pour avoir une chance de les corriger et d'avancer dans notre apprentissage historique, qui a vu s'écrouler tant de nos illusions... Seule la vérité est révolutionnaire, ce n'est pas qu'elle nous fasse toujours plaisir (insupportable à tous les pouvoirs même "révolutionnaires") mais qu'elle porte au jour les forces qui s'affrontent et qui voudraient nous faire taire. Il n'y a là nulle position dont on pourrait s'assurer, s'appropriant la vérité pour toujours mais les "cahiers de doléances" sont plus subversifs que toutes les utopies. Foin des visions de paradis et d'un homme nouveau purement imaginaire, il nous faut nous rendre à l'évidence de notre échec, qu'il n'y a que la lutte pour corriger les injustices et la critique pour réfuter les idéologies. Non seulement il faut comprendre le monde pour le transformer mais il faut partir de l'échec de sa transformation pour le surmonter, et donc mieux comprendre le monde en le transformant (ce qui nous transforme en retour). Nous avons un monde à construire, pas seulement à le rêver. Il ne s'agit pas de séduire par un nouvel imaginaire, mais bien de changer de système.

On ne peut se passer du positif, c'est-à-dire d'un idéal, d'un objectif, de finalités, mais le positif est facilement dictatorial et c'est le négatif qui constitue la dynamique de l'apprentissage historique. La politique a beau organiser notre être-ensemble, la démocratie ne se fonde pas malgré tout dans la célébration d'une unité (républicaine), qui se fait toujours aux dépens d'un autre, mais bien plutôt dans la confrontation rationnelle des opinions et des intérêts, dans le débat public et les élections. L'auto-affirmation de la société, qui a lieu dans les mouvements sociaux comme dans les institutions, n'a rien à voir avec les petits groupes alternatifs homogènes. Ce ne sera jamais que l'auto-affirmation d'une partie de la société et négation des divisions sociales face à l'adversité, mais ce que nous avons en commun vraiment, c'est la scène où se joue le pouvoir, c'est l'enjeu de vérité de nos joutes verbales (d'une humanité faite à notre image) ainsi que la détermination de notre avenir commun. Enjeu plus que sérieux. Il ne s'agit pas de se faire des politesses alors que c'est bien le conflit le père de toute chose, c'est le négatif qui est créateur et vrai signe du réel dans ce qu'il peut avoir de nécessaire.

Lorsqu'on fait appel à la morale, aux valeurs ou à la transformation personnelle, c'est l'aveu qu'on n'a plus d'autre prise sur le système. Ce n'est pas qu'il ne soit pas utile de s'indigner souvent et rendre la honte plus honteuse en la livrant à la publicité, à condition que cela aboutisse à des mesures concrètes et qu'on ne se limite pas à un changement de personnel. D'une certaine façon, on peut voir dans cette personnalisation un peu la même illusion que les théories du complot, les explications psychologiques des krachs boursiers, tout comme ceux qui croient qu'on supprime la violence en éliminant ceux qui sont violents. C'est nier tout simplement le caractère systémique de la violence, ses déterminants sociologiques voire statistiques, tout cela pour sauver l'individu dit-on, sa liberté et sa responsabilité qui restent sans aucun doute entière mais pas jusqu'à le rendre responsable de tout, comme si un système dépendait de ses éléments ! Si ce n'était qu'une question d'imaginaire à changer, de conscience pervertie par la société, il faudrait la rectifier dans quelque camp de rééducation sans doute ? Evidemment, si on s'imagine qu'il faudrait extirper le mal du coeur de l'homme, pas étonnant qu'on s'en prenne ad hominem mais, il faudrait s'en convaincre, ce n'est pas plus en supprimant les riches qu'en exterminant les pauvres qu'on réduit les inégalités et les injustices, mais en réduisant à la fois richesse et pauvreté. L'histoire est sans doute faite par des individus mais qui sont entièrement les produits de leur temps, de leurs rencontres et des conditions sociales, ne pouvant faire plus que se mobiliser pour éviter le pire et saisir les opportunités du moment. Ce n'est pas rien, nous ne subissons pas passivement notre sort, mais il n'y a pas de fonctionnement naturel idéal connu de tous qu'il suffirait de retrouver et, répétons-le, c'est de toutes façons lorsqu'on n'a plus aucune prise sur les événements qu'on peut se croire obligé de se changer soi-même !

Il ne suffit certes pas d'opposer les bons aux mauvais, les gentils aux salauds ou les amis aux ennemis, comme s'il suffisait de choisir son camp et se débarrasser des autres, mais bien plutôt de savoir quoi faire et ce n'est pas évident du tout ! Bien sûr, il y a un paquet de gens qui savent. Pour eux pas de problème. Si on coupe la tête au roi, si on se débarrasse de la classe dirigeante, si on prend le pouvoir, si on bloque le système tout s'arrangerait par miracle, tout le monde aurait un travail et un revenu décent, il n'y aurait plus d'oppression ni de misère, plus de divisions dans la société (sans classes!), une vie authentique enfin, sauvée ! On peut en douter, hélas, l'expérience étant plutôt contraire, on peut craindre plus sûrement une fascisation de la société et le retour de la barbarie. Pour d'autres, il suffirait de revenir en arrière en quelque temps béni qui change selon les humeurs de chacun, du plus proche (fordisme) au plus lointain. L'important, dans toutes ces postures, c'est qu'il n'y a pas besoin d'alternative puisqu'il ne s'agit que de retrouver un ordre naturel, notamment celui, idyllique, des rapports humains opposés aux rapports entre choses...

On oppose effectivement souvent l'avoir à l'être, comme l'homme à la femme (celui qui a l'objet du désir à celle qui l'est) mais on ne peut pas dire qu'on sort ainsi des apparences, bien au contraire, renforçant plutôt l'idéal du moi (le surmoi). Bien sûr, tout le monde conviendra qu'il y a des gadgets inutiles et souvent tromperie sur la marchandise, les riches sont on ne peut plus ridicules et pas plus heureux pour cela, il faudrait sortir de la société de consommation et du spectacle, mais ce n'est pas pour rien qu'on doit la formule à des publicitaires (Jacques Séguéla entre autres, dans les années 1980) qui flattent la différence pour homogénéiser les consommateurs. On peut dire qu'on passe simplement de la logique de l'intérêt à celle de l'honneur (ou de la reconnaissance voire de l'amitié) mais "moins de biens, plus de liens" ce n'est pas tellement mieux quand on y réfléchit, si on se souvient qu'il n'y a pas d'amis sans ennemis et qu'on espérait justement du "doux commerce" qu'il pacifie les relations humaines...

Il n'y aurait donc rien à faire si tout se vaut ? Point du tout, mais il n'y a pas de renversement complet comme on pouvait l'espérer. En toute chose, il vaudrait mieux reconnaître notre inhabileté fatale, notre inadéquation à l'universel, le manque à être du désir qui nous habite, son épuisement dans la durée et l'ennui. Voilà de quoi nous rassembler dans une communauté qui ne serait pas feinte. C'est là que la psychanalyse est sans doute indispensable pour nous persuader qu'on ne peut pas avoir un sujet qui ne soit divisé, qu'il faut abandonner les rêves de maîtrise et de plénitude (tout comme un moralisme persécuteur), qu'il faut arrêter enfin de se la péter et de vouloir frimer, il n'y a pas de quoi vraiment ! On pensera que ce n'est pas assez désirable justement, pas tenable comme position, sauf peut-être à se rendre compte que le vivant ne procède pas autrement. Certes, il n'y a pas de négatif sans positif auquel se mesurer, il faut avoir une idée claire de ses finalités mais l'objectif ne doit pas être hors d'atteinte et, surtout, s'il faut garder en tête le but positif, il faut rester constamment attentif au négatif pour l'atteindre. Loin de toute vision éthique ou héroïque, voire mystique, c'est uniquement l'expression du négatif jusqu'à l'auto-critique (mais pas l'autoflagellation ni l'humiliation publique) qui permet de corriger le tir et donner sens au non-sens, d'assumer la fonction anti-entropique d'une vie qui doit toujours être sauvée et se relever de sa chute.

Prendre le parti du négatif ne signifie en aucun cas qu'il faudrait s'en tenir à un réformisme mou, à des améliorations marginales, corriger juste les excès les plus voyants, encore moins qu'il ne faudrait pas tenir compte des individus ! L'individu, son épanouissement, son autonomie doit bien être la finalité de la politique et de l'économie, grâce à ce que Castel appelle les "supports sociaux de l'individu". Il faut lui donner les moyens d'apprendre et de développer ses capacités, pas vouloir manipuler son désir ni de le conformer à un idéal social. La sévère critique qu'on peut faire des utopies, qui ne sont que l'envers de nos malheurs, ne se justifie qu'à être une critique constructive, qui ne détruit les illusions les mieux intentionnées que pour construire du concret et réaliser la philosophie (négation de la négation) autant que faire se peut, aller au maximum des possibilités du temps. La philosophie ne nous donne pas des certitudes béates mais nous apprend la dialectique, la prudence et l'étendue de notre ignorance plus qu'elle ne peut nous donner un idéal en dehors de celui de l'être parlant et de son désir de reconnaissance (dont procède en retour ce que Kant perçoit comme loi morale : se conserver, se développer, respect de l'autre et bienveillance). Le savoir ne doit pas faire obstacle à la vérité mais se laisser mettre en cause par son négatif, ne pas escamoter le réel sur lequel il se cogne. C'est une nécessité politique. Il y a une limite à notre capacité de transformation du monde comme à notre propre transformation. On le sait, "qui veut faire l'ange fait la bête" mais, si le monde n'était pas si dur, il ne serait pas durable non plus, soumis sans répit aux fluctuations chaotiques de nos personnalités...

C'est bien compliqué parce qu'il ne suffit pas de prendre le parti du négatif dans une critique unilatérale qui ne revient jamais sur elle-même, position qu'on retrouve aussi bien dans l'Encyclopédie des nuisances que chez pas mal d'écologistes où le négatif renvoie à une positivité absolue le plus souvent "sous-entendue", celle d'une nature perdue et d'une nostalgie du passé comme d'une enfance enchantée. Dans ma critique du deuxième Tiqqun, j'avais cru pouvoir requalifier le prétendu "parti imaginaire" en "parti du négatif", mais je me trompais en cédant aux apparences de la forme alors que le contenu n'arrêtait pas d'appeler à une rédemption totale, jusqu'à prétendre "anéantir le néant", ce qui est bien plutôt se vouloir le "parti du positif" et le sauveur du monde dans ses rêves d'une présence originaire purement fantasmatique. On a besoin de la critique, mais aussi de la critique de la critique. Pour cela il ne faut pas laisser informulé le positif lui-même, au fondement de l'expression du négatif, afin de pouvoir le remettre en cause lui aussi avec toutes ses illusions.

Il ne faut pas se laisser faire mais ce n'est pas une raison pour croire n'importe quoi. Il n'y a pas de fin de l'aliénation, seulement de certaines aliénations, selon les opportunités du temps qu'il faut saisir par nos luttes sociales. De même le caractère révolutionnaire de l'expression du négatif ne se déduit pas du ciel des idées mais à permettre la mise en oeuvre de propositions concrètes, aujourd'hui d'un système alternatif relocalisé, combinant reproduction, production, circulation et qui n'aura rien d'idéal, seulement de permettre de sortir du productivisme, du salariat et du marché mondialisé en réhabitant le territoire, en nous réappropriant notre activité ainsi qu'en gagnant un peu plus d'autonomie. Cela ne se fera pas tout seul, ni sans problèmes. Ce ne sera pas le grand soir où l'éternité nous attend mais si on pouvait s'en rapprocher un peu, ce ne serait déjà pas si mal. Hélas, il se passera beaucoup de temps encore avant qu'on puisse s'y résoudre, temps de souffrance où il faudra bien abandonner une à une toutes nos anciennes chimères. Aucune chance, sans doute, d'être entendu avant (autant se taire!). C'est ce dur apprentissage qu'on appelle l'histoire, pleine de bruits et de fureurs, où la raison ne triomphe jamais qu'à la fin (ce qui ne veut pas dire que tout s'arrangerait comme par miracle mais seulement qu'on ne croit plus, par force, à nos folies. Hélas il faut attendre la catastrophe semble-t-il pour s'y résoudre, dont l'expression du négatif aurait pu nous sauver pourtant!).

Ce texte prolonge les textes suivants dont le sujet est connexe :
- Le massacre des utopies
- la part du négatif
- la fin de l'aliénation
- L'individualisme pseudo-révolutionnaire

Juste pour montrer l'ancienneté de ces préoccupations, bien que dans un tout autre contexte (une scission de psychanalystes), je signale en annexe le beaucoup plus ancien : Pour l'analyse révolutionnaire comme expression du négatif (10/95).

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15 réflexions au sujet de “L’expression du négatif”

  1. merci pour ce rappel critique très constructif. en fait l'image que vous avez choisit est trompeuse , et sans doute plus conceptuelle qu'il n'y parait . l'oeuil dans le poste de télé , c'est l'oeil du cyclope , mais aussi l'oeuil du cyclone , qui renvoit immanquablement au vampire , la figure d'un principe général d'intoxication , mais c'est loin d'être dénué de négatif , il n'y a pour ainsi dire que ça . le cyclope , c'est vrai que c'est un peu une chimère , mais ça me semblait bien dire le regard l'oeuil cerveau dans toute sa présence , et parfois même sa cruauté , et bien cela introduit à tout un tas de mythologie , certains cyclopes qui seraient les fondateur des enceintes de la ville d'hercule , c'est presque toute une écologie du travail immatériel. le fait qu'ils vivent dans des déserts pour beaucoup n'est pas sans interet non plus . mais le plus trompeur c'est qu'a la base ce n'est pas une affiche , mais une toile ( peinture à la pisse de psychotique ) , qui prend place dans un ensemble un peu plus nuancé . c'est comme si on extrayait un de vos texte de la complexité de la pensée en proces , ou pourrait lui faire dire tout et son contraire .

    mais ce n'est pas le fond de l'affaire . votre texte le dit très bien :la réalité , sa vérité ne se trouve que dans l'expession du négatif , la parole qui se cherche , scandée par tout un tas de failles , de maladresses , et d'abymes . et c'est vrai que c'est très lent et sans doute très solitaire comme errence .

    là , et c'est peut être le plus desesperant pour le moment , mais il n'y a peut être qu'en poussant la porte d'un psy , qu'on peut se retrouver dans la situation , ce qui fait finalement peut de monde . et tous s'ignorent pour le moment . je regardait le film de klein ( grand soir et petits matin ) sur mai 68 au quartier latin , c'est vraiment frappant ces petits groupe spontanées qui se formaient où la parole , à la base, était très libre . on semblait presque pouvoir tout ce dire . il faudrait ça aujourd'hui , une sorte de psychanalyse à l'échelle des masses , ou plutot une socioanalyse sauvage . , c'est le plus diffile pour libérer la porale voir que nos difficultées personnelles sont des "à-faire" collectives . mais aujourd'hui il semble parfois partir de si loin ( d'un sommeil de trente ans ) que cela en est un peu desepérant .

  2. malheureusement comme ni vous ni moi n'avons aucun contrôle sur le cours de l'histoire, nous aurons le cyborg, le chaos et les utérus artificiels.

    votre triomphe de la raison à la fin me semble complétement escamoté par rapport à la réalité du monde. Et pourquoi un happy end ? Je ne vois aucune loi qui interdise une mauvaise fin.

  3. Je pense comme Greg qu'il n'y aura pas d'avènement de la Raison. Je suis bien d'accord pour rechercher une vérité et surtout la confronter. Maintenant je ne suis pas sûr que ce soit le réflexe premier si jamais une crise arrive et il y en a toujours une qui arrive.
    Il faudrait quand même trouver des moyens de lutte. Les professeurs manifestent un peu aujourd'hui, d'autres personnes se mobiliseront mais soit ça ne suffira pas soit ça deviendra un mouvement de foule qui n'aura plus beaucoup de sens. Aller en psychanalyse c'est déjà faire une démarche de dialogue, c'est un aboutissement d'un premier travail.

    Par rapport au négatif je suis tout à fait d'accord avec vous: assumer le désaccord c'est déjà un début. Et c'est compliqué aujourd'hui quand le faire est tellement porté au nu qu'on se croirait presque obligé de tout accepter. C'est d'ailleurs, il me semble, la technique du lavage de cerveau: faire faire quelque chose d'inacceptable et donner une récompense insuffisante afin que celui qui a été forcé d'agir se retrouve obligé de se justifier envers lui-même.

  4. mais sinon pour l'affiche ça marche très bien dans un tout autre sens sans savoir ce que je vient de dire ( la positivité hypnotique dans le poste de télé , un monde qui ne serait que bonheur , antithèse de la raison critique de l'expression du négatif , de la vérité ).

    le texte de 95 al'air pas mal du tout , même si je ne mesure pas très bien ce qui motive sa remise en actualité , vous avez toujours en tête ce séminaire à paris 8 ?

  5. Il est vraiment difficile de se faire comprendre ! Dire que la raison ne triomphe qu'à la fin ne veut pas dire qu'il n'y aurait plus de négatif ce qui contredirait tout le texte (j'ai ajouté la précision!) mais seulement qu'il faut épuiser toutes les erreurs possibles pour arriver à une solution raisonnable. Pas d'avènement de la raison, donc, mais, pour ma part, si je crois qu'on aura une fascisation, le chaos et qu'on essaiera d'aller vers le cyborg, je suis persuadé que tout cela ne tiendra pas très longtemps (trop longtemps pour nous quand même). La réalité finit toujours par s'imposer mais la réalité du négatif, y compris de la catastrophe, pas d'une quelconque utopie rationnelle ou mystique. Il est probable cependant que ce texte bien imparfait ne soit pas vraiment compréhensible du fait qu'il renonce à nommer ses véritables cibles, sans compter qu'il n'y a là rien de ce qu'on veut entendre et que toute la blogosphère répète à l'envie.

    Si j'ai ressorti le texte de 1995, un peu lourdingue sans doute, c'est uniquement pour montrer la continuité de mon engagement dans l'expression du négatif et donner un peu de cohérence à mon parcours.

    Pour le séminaire à Paris 8, j'ai effectivement écrit pour y participer, sans réponse pour l'instant mais sans doute aussi parce que je ne sais pas du tout comment je pourrais faire ne sachant plus quand je vais revenir à Paris ni ce que je vais devenir. Il n'est pas impossible que je passe complètement à autre chose...

    Sinon, merci à Yvan pour l'illustration qui n'est pas si déplacée ici mais il faut bien dire que je l'ai prise par défaut, ne trouvant rien d'autre et n'ayant pas le temps d'y passer des heures.

  6. Cela peut paraître un peu dénié de sens, mais l'acceptation de nos erreurs tels que vous le décrivez me fait énormément penser au concept de repentir dans sa dimension la plus noble.
    Le fait est que nous pensons toujours quel que soit la personne agir pour "le bien", bien que nous puissions dans le concret de la réalité faire "du mal". Tous les pouvoirs en place ont pensé agir pour le bien de l'humanité... Reconnaître ses torts est je pense le plus dur pour un individu, vu qu'il a fondé toute son action pour la reconnaissance d'autrui et pour sa valeur existentielle autour de ses certitudes et de ses jugements de valeurs.
    Qui que nous soyons, nous cherchons tous à affirmer notre être quitte parfois à en faire patir l'autre, surtout lorsque la philosophie n'est guère présente en nos esprits.
    La démocratie cognitive n'est pas pour demain, c'est comme si nous fuyons nos responsabilités d'entre-régulation par peur de se dévaloriser ou par peur de la différence de l'autre, pouvant changer nos habitudes. Pierre Bourdieu le décrit très bien dans son article sur la démocratie représentative ou chacuns n'est qu'un anonyme dans l'urne et où la confrontation n'a guère lieu. Nous avons peur de l'autre, et de nous même.
    Tant que nous fuirons ce que nous nous devons de faire en tant que citoyen (apolitisme) nous n'apprendrons jamais rien de l'autre et de ses réflexions, nous ne résoudrons par la même occasion aucuns des problêmes qui nous concerne, que nous le voulions ou non.
    Ce qui est drôle (si je peux dire ça comme ça) c'est que chaque réflexion appel la plupart du temps à des dérives et à de nouvelles idéologies. Comme par exemple l'ère de l'information peut être interpréter comme une technophilie et une nouvelle idéologie du progrès néo-cartésienne.
    Le plus dur dont nous devons prendre conscience est bien je pense cette fameuse certitude incontrôlable lorsque l'on a spéculé individuellement dessus en s'y faisant des "plans sur la comète" sans prendre en compte le plus de facteurs possibles.
    Il est en tous les cas clair que la crise écologique nécessite de nouvelles instances démocratiques qui ne marcheront peut être pas du tout, vu que nous ne possédons pas la culture de la palabre comme l'ont les africains et que nous préférons assumer nos critiques qu'intérieurement et en dehors de tout conflits.

  7. Evidemment le repentir chrétien tout comme l'auto-critique maoïstes sont insupportables même s'ils ont un fond de vérité. Le dogmatisme transforme tout en son inverse. Il faudrait surtout être conscient qu'on n'est pas grand chose et pas très malins plutôt que de s'y croire. Comme je disais dans "L'individualisme pseudo-révolutionnaire" qui tourne autour des mêmes questions : "Il vaut mieux savoir que nous sommes faibles, faillibles et un peu minables, petites choses fragiles et bornées même si nous avons aussi notre dignité et que chaque existence reste admirable vue d'assez près". C'est d'ailleurs assez conforme à la Phénoménologie de Hegel où le grand pardon précède le "savoir absolu" qui n'est pas ce qu'on croit mais la conscience de notre inadéquation à l'universel et de l'étendue de notre ignorance...

      "Le pardon qu'une telle conscience offre à la première conscience est la renonciation à soi-même, à son essence ineffective... Le mot de la réconciliation est l'esprit étant-là qui contemple le pur savoir de soi-même comme essence universelle dans son contraire, dans le pur savoir de soi comme singularité qui est absolument au-dedans de soi - une reconnaissance réciproque qui est l'esprit absolu".
  8. C'est fou à quel point nous pouvons avoir un esprit simple comparé à la complexité du monde.
    La conscience humaine est comme un enfant capricieux face à l'immensité du cosmos.
    La contingence de notre histoire et de la conjoncture dans laquelle nous nous trouvons est déplorable.
    Mais la vie continue et incarner notre complexité avec auto-dérision sans pour autant s'y reposer est inévitable.
    Je ne sais où nous mène la chronométrie insatiable de nos vies, mais j'avoue être très anxieux et peu combatif envers mes peurs de ce qui nous attend.

  9. vous allez prendre le maquis ?

    les choses semblent en effet très compromises , surtout depuis que sarkozy à décidé de faire son fond souverain à la française visiblement en lieu et place d'un new deal, et que depuis cette crise , le démantelement des services publiques continu. sans voir l'enjeu révolutionnaire des mobilisations , à ce cantonner dans des luttes ultra corpos , on fait le lit du fascisme voir des mafias ( si le capitalisme n'est pas sauvé ) . alors oui le silence du ps est consternant , alors qu'ils sont sous les projecteurs , le peu d'opposition à cette stratégie du pire aussi . la balle est sans doute dans le camps des mobilisations , mais en sont elles vraiment informées ? on avait beau jeu de vouloir faire la morale aux chinois pendant ces JO sur les droits de l'homme . de quoi effectivement desepérer de tout . que restera t'il à par le terrorisme ? ou les sabotages pour tenter de s'opposer . c'est comme si on avait louper le train de l'histoire . pauvres de nous .

  10. Le maquis, cela fait longtemps que je l'ai pris mais sûr que je ne jouerais pas au héros de pacotille. Je bats plutôt en retraite. Coup de fatigue peut-être ou simple "moment de comprendre". Pour l'instant je ne vois pas d'issue mais le ciel peut se dégager, il faut rester attentif à l'événement. Ce n'est pas la première fois que je suis tenté d'arrêter. J'avais tenu 3 mois une fois mais ne m'en étais pas si bien porté que ça ! D'autres fois, j'avais écrit encore plus... Il ne faut y voir qu'un passage à vide et l'appel du large.

  11. En effet le fait de ne pas nommer les gens fait qu'on ne comprend pas forcément exactement ce que vous voulez dire si vous visez quelqu'un en particulier. Je crois que le principal quand même c'est de faire réfléchir le lecteur et comme vous ne nommez personne tout le monde peut justement se sentir concerné. Lorsqu'on lit un bon livre, ou disons un bon texte, on a l'impression qu'il a été écrit justement pour soi, qu'il tombe à pic pour résonner, et raisonner, avec des interrogations que nous croyons trop personnelles pour être pertinentes.

    Je pense qu'il y a de l'optimisme dans votre négatif. Et je suis naturellment attiré par l'expression du négatif. Mais j'avoue être un peu désabusé en ce moment et j'essaye d'imaginer comment il serait possible d'être constructif en exprimant aussi le positif, par pessimisme en fait. A mon avis notre construction sociale nous échapera un jour par accident, peut-être la catastrophe dont vous parlez, et que cet accdent sera positif ou négatif mais marquera la fin de l'espèce humaine comme une continuité ou comme une mort... c'est pas très constructif, je sais, ça n'empêche pas d'avoir à penser la politique. Mais ne vous inquiétez pas: la qualité de vos articles n'a pas forcément à transparaître dans tous les commentaires, le lecteur fait avec ce qu'il a de neurones.

    Vous considérez qu'il y a une forme de dépression latente derrière l'idée que la vie est jsutement entropique ? Bah... faudrait que je consulte sans doute un médecin même si je suis pas trop en mauvaise sante.

  12. Le texte vise plusieurs types de discours très différents et apparemment opposés qui s'y retrouveront peut-être... L'expression du négatif est effectivement plutôt optimiste puisque c'est la promesse d'une amélioration mais je ne comprends pas l'idée qu'il y aurait "une forme de dépression latente derrière l'idée que la vie est justement entropique".

    D'une part, la vie est anti-entropique (créatrice) même si on passe toujours par le pire et que la mort gagne toujours à la fin ! C'est le monde physique qui est entropique. D'autre part, la dépression est une véritable maladie neurologique ou hormonale (j'en sais quelque chose) qui rend tout obstacle insurmontable. Le pessimisme de la raison est tout autre chose : comment ne pas être déprimé en 1933 ? Miguel Benasayag prétend qu'on est déprimé quand on croit tout savoir et qu'on n'attend plus de surprises de la vie mais il n'y a pas que de bonnes surprises, hélas, et il y a des périodes désespérantes où le pire s'annonce. Certes, à plus long terme il y a des raisons d'espérer, nous serons sans doute sauvés par l'improbable (Edgar Morin rappelait le retournement improbable de fin 1941 dans la domination nazi) mais pour l'instant on peut craindre plutôt que cela tourne mal pour nous et qu'au niveau climatique au moins cela soit difficilement rattrapable même si toute l'espèce humaine ne devrait pas disparaître pour autant. Ce qui est déprimant, ce sont nos limites cognitives (les miennes y compris bien sûr) qui risquent de nous coûter très très cher encore une fois ! On peut toujours espérer que ce soit moi qui me trompe, ce ne serait pas la première fois...

  13. La vie est anti-entropique parce qu'elle crée de l'information ou qu'elle crée un sens à l'information existante ? Personnellement je trouve qu'elle est créatrice de toujours plus d'information amenée à être perdue. Avec l'explosion de la vie on ne peut plus retracer les sources d'informations initiales, on ajoute des variables en trop grand nombre pour pouvoir prévoir quoique ce soit... Quel est le point de vue que vous adoptez en fait pour en venir à cette idée ? Celui de l'individu conscient en face de sa propre vie, celui du corps qui maintient une cohérence malgré le cycle de tous ses constituants, de l'ADN qui contient l'information, du gène qui se combine au fur et à mesure des reproductions ? Je ne saisis pas.

    Au sujet de la dépression je ne l'ai jamais personnellement vécue. Mon expression, peut-être abusive je ne sais pas, vient du sentiment que j'aurais peut-être des tendances encore non exprimées. Mais bon c'est bien compliqué et pas forcément un sujet pertinent.

  14. La vie est anti-entropique car elle s'oppose à la mort, elle se reproduit, corrige ses défauts, ne se disperse pas dans la probabilité mais fait durer l'improbable, se complexifie et se développe jusqu'à générer sa propre biosphère dans une construction réciproque (nostalgie de l'unité déchirée par la contingence de l'être). Les pertes sont innombrables mais sans altérer le message. Les mécanismes de la vie comprennent filtres et pompes qui sont des sortes de démons de Maxwell, mais c'est la mémoire génétique et la reproduction quasiment sans perte cette fois d'une information redondante, celle des deux brins d'ADN, qui permet une organisation de plus en plus complexe au fur et à mesure de l'évolution. Ce n'est pas très différent pour la conscience, sauf que c'est cognitif et non pas génétique, l'apprentissage est plus rapide où ce qui fait l'information c'est son improbabilité pour celui qui l'intègre, détruisant dès lors son improbabilité et son caractère d'information (une information répétée n'en est plus une, devenue savoir bien connu).

    Comme je l'ai dit dans "la dégénérescence de l'homme", la dépression est aussi un caractère du vieillissement qui me semble justifier d'un traitement hormonal mais dont tout le monde n'a pas besoin, c'est l'injustice de la vie...

  15. Je transfère ici, la réponse que j'ai faite à un commentaire sur AgoraVox où ce texte a été repris bien qu'assez inapproprié à ce public :

    Il n’échappera à personne que je ne reprends pas à mon compte l'opposition de l'être et de l'avoir mais la critique au contraire que ce soit dans ses dimensions morale, mystique ou existentialiste. Je prends bien soin par ailleurs de lier le positif (le but) au négatif (le ratage) selon une stricte logique dialectique. Mon propos vise plutôt à substituer à l’opposition du bien au mal, celle de la vérité (négative) au mensonge (dogmatique). Ce n’est pas si éloigné de l’éthique au sens grec, d’une attitude conforme à sa fin mais je dénonce les jugements éthiques comme purement narcissiques, aussi bien que de jouer aux héros ou de se croire l’élu de Dieu.

    L’expression du négatif, c’est-à-dire du dysfonctionnement, de ce qui nous réfute, n’a pas besoin de "valeurs morales" pour corriger ses erreurs mais de la stricte vérité. Ce n’est pas par devoir qu’on doit améliorer les choses et notre rapport aux autres mais parce que nous sommes véritablement solidaires dans nos existences et que nous parlons ensemble, cherchant à être reconnus des autres. Aussi bien notre dignité d’être parlant que notre égalité à tout autre est un fait et non pas une valeur, ne résultant pas de notre volonté. Etre le plus vrai possible, y compris dans nos inévitables mensonges, et manifester le négatif, protester contre les discours trompeurs vaut mieux que de vouloir faire le bien comme si on savait ce que c’était le bien (cet amour hypocrite par pur devoir dont personne ne veut) !

    C’est la psychanalyse qui nous a appris que la morale procédait du surmoi, de l’idéal du moi et du refoulement, avec son lot de souffrances narcissiques. Si nous avons à traiter l’Autre comme nous aimerions être traités, ce n’est pas par bonté d’âme, c’est que nous sommes entièrement constitués de cet Autre qui n’a rien de divin. L’intérieur est à l’extérieur, nous subissons tous la situation sociale et politique, peu importe nos bonnes intentions, il faut savoir quoi faire pour améliorer la situation de tous.

    Ce qui fait la valeur de notre existence, c’est bien qu’il n’y a pas de sens donné et qu’il faut que nous donnions sens, à chaque fois, au non-sens du monde tout comme nous devons résister à la mort et à l’entropie pour durer. La matière nous attire en bas et la vie vers le haut mais la complexification de la vie se construit sur l’énergie même de l’entropie physique qui condamne toute existence à la dispersion finale. De même, c’est l’injustice du monde qui nourrit nos combats pour plus de justice. Ernst Bloch disait que le bâton tordu voulait être redressé !

    Ce n’est pas tant l’éthique qui compte mais nos finalités et de rester attentifs au négatif pour pouvoir les atteindre. Si on appelle l’éthique une conception de l’homme qui fonde notre action et nos finalités, alors, oui, on ne peut se passer d’éthique mais qui relève de l’épistémologie plutôt et donc de l’histoire et de nos apprentissages, connaissance toujours imparfaite plutôt que bonne volonté toujours un peu coupable.

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