Le féminisme d’un point de vue matérialiste

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letorchonbruleLe féminisme fournit un exemple emblématique de représentations collectives intériorisées et d'un changement idéologique qui se fonde sur des changements matériels et n'a donc rien d'arbitraire ni ne dépend d'inclinations personnelles et pas autant qu'on le croit de l'activisme féministe. Le féminisme manifeste ce qu'il y a de culturel mais aussi de lié à l'évolution technique, dans la division sexuelle qui n'explique donc pas tout, ce qui ne doit pas aller jusqu'à nier la part du biologique qui saute aux yeux (de façon trompeuse parfois). C'est un réel qui détermine l'idéologie, pas l'inverse. Le féminisme l'illustre à merveille, même à se persuader du contraire et s'imaginer que ce ne serait qu'une question de valeurs individuelles...

Il y a bien déjà un "féminisme matérialiste", dans la lignée de Christine Delphy, s'attachant utilement à la vie matérielle et la division sexuelle du travail domestique mais qui ne pense pas ses conditions de possibilité en dehors de sa dénonciation plus ou moins moralisante. C'est tout autre chose d'essayer de rendre compte des causes matérielles du féminisme, connues de tous, même s'il n'y a sans doute aucune chance d'en convaincre les militantes, et même sûrement de quoi scandaliser quelques copines puisque cela voudrait dire que ce n'est pas le féminisme qui change le monde mais que ce sont bien plutôt les transformations du monde qui permettent la libération des femmes et changent les femmes comme les hommes...

Il doit être clair qu'il ne s'agit pas de déposséder seulement les femmes du féminisme mais tout autant les syndicats des conquêtes ouvrières (qui ne se sont généralisées que par leurs vertus keynésiennes) tout comme ce ne sont pas les révoltes d'esclaves qui ont abouti à l'abolition de l'esclavage (supplanté par le salariat industriel). Si le féminisme ne dépend pas autant des femmes que ne le croient les féministes, c'est que l'histoire ne dépend pas non plus autant des hommes qu'on le prétend. On peut même dire que c'est la même histoire qui continue (celle des hommes ?) sauf que l'irruption des femmes constitue quand même une rupture majeure dans l'histoire - mais que nous subissons plus que nous ne la provoquons ! Non seulement on ne peut rendre les hommes coupables des vicissitudes de l'histoire et de la banalité du mal mais "les hommes" et "les femmes" ne sont pas des sujets si facilement identifiables, n'étant souvent que des mots et ne désignant qu'un système d'oppositions aux contours variables.

- La hiérarchie des sexes

Les rapports entre les sexes sont certainement le meilleur exemple d'une intériorisation des normes sociales par des individus qui y tiennent comme à leur identité la plus intime (à l'instar de leurs goûts culinaires). On y vérifie aussi la distribution du pouvoir dans toute la société puisque l'infériorisation de la femme jusqu'ici semble bien avoir touché toutes les couches de la population (jusqu'à être l'esclave de l'esclave comme le chante Lennon). Remarquons que cela n'empêche pas le pouvoir des femmes sur les enfants et la maisonnée, le pouvoir n'étant pas un état mais un rapport, comme y insiste Foucault, fonction de la place dans une structure sociale plus que de l'individu et ses qualités propres (qui est dominé dans une relation et dominant dans une autre). On est là au coeur de la participation de l'individu à l'ordre social. L'avènement du féminisme est enfin l'exemple même d'un bouleversement culturel (sociétal) qui prend sa source dans des causalités matérielles et non dans une supposée évolution spirituelle, permettant de suivre en direct les transformations dans la superstructure et l'idéologie de transformations dans l'infrastructure économique et technologique.

Il ne peut y avoir aucune ambiguïté, le féminisme constitue incontestablement l'une des plus grandes révolutions anthropologiques que l'humanité a pu connaître. C'est donc absolument essentiel. Il faut être féministe - malgré les féministes s'il le faut - et l'on comprend l'impatience de certaines contre des inégalités qui n'ont plus aucune légitimité et doivent être abolies au plus vite - ce qui n'est plus qu'une question de temps. On ne peut faire pourtant comme si la domination des hommes était le fait des hommes et de leurs pulsions sadiques, qui peuvent exister aussi mais tout autant que les hommes les plus doux. Il faut expliquer cette domination mais on ne peut en rejeter ainsi pour autant toute la faute sur le prétendu dominant assigné lui aussi à une place qu'il n'a pas choisie et alors que les femmes participent largement à la transmission de la culture et de la religion ! Ne pas accepter que la cause soit sociale et matérielle mène à désigner un bouc émissaire comme cause fictive expiatoire (d'autant plus qu'on se frotte à lui dans le quotidien). Il est vrai que sinon, on perd le prétendu coupable, le mal ne serait plus personnifié...

On peut s'amuser qu'à entendre certaines, on aurait l'impression que la domination des femmes serait une lubie récente de quelques mecs décervelés alors qu'on a affaire à une tradition on ne peut plus archaïque (la division sexuelle des tâches étant une caractéristique de Sapiens au moins, peut-être pas de Neandertal). C'est cela qu'il faut prendre en compte.

Il est vrai que ce n'est pas tant la division des rôles qui est choquante et qu'on retrouve entre jumeaux tout comme dans les couples homosexuels, division du travail entre travail domestique (ministre de l'intérieur) et relations extérieures. Ce qui est devenu inadmissible, c'est la hiérarchie qui semble s'établir presque partout entre masculin et féminin (si l'on en croit Françoise Héritier du moins), hiérarchie contestée de n'être plus justifiée, notamment par la force ou la guerre qui sont des causes très matérielles, qui ne se discutent pas. Il faut bien dire qu'en général, l'exclusion des femmes des discours était d'abord exclusion de la politique, ce qu'on voit dans la différence entre les salons parisiens (autour d'une femme) sous une monarchie absolue et les cercles britanniques (réservés aux hommes) où se discutait la politique du pays. Jusqu'à très récemment, la fraternité masculine était celle de frères d'arme. La participation à la guerre et la politique a certainement contribué à naturaliser cette hiérarchie sexuelle (dans les pays nordiques des femmes aussi faisaient la guerre, ce qui leur aurait donné plus d'égalité avec les hommes?).

Il ne faut pas se leurrer, cependant, il ne s'agit que d'une hiérarchie publique qui n'est pas toujours la même hiérarchie à la maison. Lacan remarquait que "le populaire appelle la femme la bourgeoise. C'est ça que ça veut dire. C'est lui qui l'est, à la botte, pas elle". Il ne faut pas confondre le mythe et la réalité, la carte et le territoire...

Pas plus que des esclaves heureux ne peuvent justifier l'esclavage, des femmes qui s'en sortent assez bien, ce qui serait malgré tout assez courant, n'excusent en rien une domination du sexe fort sur le sexe faible quasi universelle. Il existe tout de même de très rares exceptions qui confirment la règle où ce sont les femmes qui sont dominantes : de façon exemplaire le matriarcat Moso (ou Na), qui s'explique sans doute par le fait matériel que les hommes ont dû partir au loin la plus grande partie de l'année [comme pendant des guerres ou pour des sociétés de pêcheurs?] et non pas du tout par la prétendue survivance d'un introuvable matriarcat originaire. En tout cas, cela montre bien tout ce que le genre peut avoir de culturel et de transitoire, notamment la hiérarchisation des sexes, en même temps tout de même que la permanence d'un différentialisme sexuel (tout réduire au culturel serait aussi absurde que de tout réduire au biologique).

En dehors de ces cas très particuliers, la remise en cause de la hiérarchie sexuelle est très récente, en tout cas dans nos cultures. C'est justement ce qui en fait un phénomène véritablement révolutionnaire empêchant tout retour en arrière aux modes de vie traditionnels et à l'ordre patriarcal dont certains anti-libéraux sont si nostalgiques. C'est ce qui constitue la complicité objective du féminisme avec le capitalisme dans la destruction des sociétés patriarcales. Il est d'autant plus absurde de prétendre que le patriarcat viendrait du capitalisme, comme c'est la mode actuellement. Tout au contraire, le patriarcat caractérise plutôt les sociétés agraires ou pastorales que le capitalisme détruit, comme il dissout les familles et les anciens rapports de domination. Il y a eu un capitalisme paternaliste, à n'en pas douter, mais faire du capitalisme la cause du patriarcat est aussi absurde que de prétendre que le capitalisme serait la cause de l'esclavage, même si certains emplois tiennent de l'esclavage et que le patriarcat y est encore très prégnant (notamment avec les différences de salaires).

- L'avènement du féminisme

Il faut le redire : ce ne sont pas les esclaves qui ont aboli l'esclavage mais la supériorité du capitalisme industriel du Nord sur les plantations agricoles du Sud. De même, la libération des femmes trouve son origine dans des causalités très matérielles, que ce soit le contrôle des naissances, la machine à laver et autres robots ménagers mais surtout les transformations du travail et la scolarisation des filles. De même que la vieille noblesse a été renversée et dépouillée de ses privilèges quand elle n'a plus été essentielle dans la guerre, les hommes perdent leurs privilèges dès lors qu'ils ne sont plus justifiés ni par le fait d'être les seuls à ramener un salaire, ni par le risque de leur vie (ni vraiment par leur force physique).

Il fallait au préalable, que les femmes puissent se délivrer du poids trop lourd d'une maternité perpétuelle, d'où l'importance de la pilule et du droit à l'avortement, conditions matérielles aussi décisives que la machine à laver pour sortir de l'ancienne division sexuelle du travail.

Ce qu'il faut souligner, c'est que ce ne sont pas les femmes seulement qui sont devenues féministes mais une bonne partie de la société, comptant beaucoup d'hommes tout autant, c'est même pour cela que le MLF a dû fermer ses réunions aux hommes qui y monopolisaient la parole ! C'était bien sûr justifié et les femmes sont évidemment bien mieux placées pour parler de leur situation.

Il est tout aussi certain qu'il y en a qui veulent aller beaucoup plus loin, beaucoup plus vite que la musique et que ne le veulent la plupart des hommes, tombant dans différents excès et dérives idéologiques bien au-delà d'une incontournable égalité juridique. Il n'est pas sûr qu'elles servent tellement leur cause ainsi, tout comme les écologistes les plus radicaux ont plutôt pour effet de détourner de l'écologie. Il y a d'ailleurs pas mal de similitudes entre l'écologie et le féminisme qui sont fondés sur des causes très matérielles mais peuvent facilement tomber dans la moralisation et la normalisation de la vie privée - alors que l'une comme l'autre sont absolument essentiels dans l'organisation sociale et l'évolution du droit. Cela fait quelque temps que je dénonce l'impasse d'en faire une question de valeur (ou de morale) après avoir compris que le fascisme procède justement en substituant au matérialisme économique et à la nécessité de s'adapter aux forces productives, le volontarisme et l'idéalisme des valeurs (culturelles, religieuses, nationales, raciales).

L'autre inévitable piège du féminisme est de se tromper de cause en prenant les hommes pour cibles et il est assez amusant de constater comme les féministes universalistes qui voudraient nier la différence sexuelle la confortent et même l'absolutisent en voulant rejeter la faute sur l'autre sexe (vous les mecs, vous êtes des affreux dominateurs mais moi je suis un mec aussi bien qu'un autre).

feminisme

On retrouve aussi dans la prétention de dépasser le phallocentrisme (y compris chez Derrida) la même illusion que celle des communistes d'une possible science prolétarienne avec ce qui serait donc une philosophie féminine ! On peut toujours opposer le yin et le yang comme l'actif au passif, cela n'a de sens sexuel que métaphorique. Ce qui est vrai, c'est qu'il faudrait préserver ce qui relève de la culture du dominé par rapport à une culture du dominant (des winners). Sinon, un dépassement du phallocentrisme ne peut signifier autre chose que sortir des stéréotypes, pas en créer de nouveaux puisque le phallus, chez Lacan, n'est que le signifiant du désir de l'autre et donc de la signification elle-même, signifiant qui n'a pas de signifié ou plutôt qui n'est jamais qu'un leurre à la place d'un manque. Le phallus, on peut l'avoir ou l'être, sous le mode masculin ou féminin, ce n'est pas le monopole d'un sexe, tout au plus dans le symbole qui le range certes un peu trop du côté masculin (mais c'est traditionnel, dans la comédie au moins).

Un des problèmes principaux du féminisme, c'est de vouloir évacuer non seulement le biologique et la maternité mais même la question du désir et de la séduction qui complique un peu les choses. Le couple moderne, supposé mariage d'amour, n'est plus entièrement réductible à une association économique, comme le mariage bourgeois, mais pas plus égalitaire pour autant : il y en a presque toujours un qui aime plus que l'autre et c'est loin d'être toujours une partie de plaisir. Les positions ne sont pas symétriques malgré toutes les déclarations inverses (les couples égalitaires étant les moins durables). Il n'y a pas d'assurance-amour disait Lacan car ce serait aussi bien une assurance-haine. Que la sauvagerie du désir ait besoin d'être domestiquée est ce que nous a enseigné l'amour courtois dont procède la galanterie qui n'est pas forcément la stratégie perverse de domination que certaines croient devoir combattre, à revendiquer une impossible indifférence, mais plutôt la politesse du désir.

Les manières galantes sont aussi un marqueur de classe et tomberont certainement en désuétude avec l'égalité sociale mais valent tout de même mieux qu'une culture du viol (qui peut exister, dans la guerre notamment). Il n'y a rien de plus révulsant que les violences faites aux femmes, violées, prostituées, tuées (à la naissance souvent), crimes commis incontestablement de par leur sexe. La condition féminine est marquée par ce risque du viol et celui de tomber enceinte. Ce n'est pas que le risque de viol épargne les (jeunes) hommes (je peux en témoigner) mais quand même beaucoup moins et sans les mêmes conséquences. Des lois répressives sont nécessaires pour l'empêcher mais sans pouvoir rêver éliminer complètement ce qui relève de la nature. Il ne peut y avoir disparition de la condition féminine, seulement sa transformation matérielle qui l'égalise avec la condition masculine, devenue elle aussi beaucoup plus incertaine.

- L'ennemi de classe

Est-ce que cela suffit pour faire des hommes et des femmes des classes sociales antagonistes ? Des féministes s'affirment effectivement comme conscience d'une classe dominée mais il est quand même étrange de voir des femmes prolétaires s'acoquiner avec des grandes bourgeoises qui défendent plutôt le droit à l'inégalité (à occuper des postes de direction) et non pas à partager des tâches ménagères laissées aux femmes de ménage ! La domination est relative et ce n'est pas parce que les rôles sociaux sont sexués, y compris la place dans la production et la division du travail, que cela suffit à constituer une classe partageant les mêmes intérêts (sauf à parler des femmes du quartier, du village ou de l'usine, ce qui est tout autre chose). En fait, la seule façon d'unir une population disparate (femmes), c'est de l'opposer à une autre (hommes), tout comme on ne peut unir une nation que dans la guerre (ou le sport) contre une autre nation.

Que ces signifiants (hommes, femmes) recouvrent une différence biologique ne suffit pas pour autant à en fixer des contours toujours un peu flous dans le vivant dont les caractéristiques suivent souvent une courbe de Gauss, variant selon les individus et n'ayant de signification que statistique. Cela ne suffit pas à donner corps à des abstractions et pouvoir désigner les coupables, condamnés pour ce qu'ils sont, pas ce qu'ils auraient fait. La biologie n'est pas la norme mais ce n'est certainement pas une raison pour nier les différences sexuelles et prétendre que nous serions tous pareils alors que nous sommes plutôt tous si différents ! Refuser la norme ne peut signifier se conformer à une nouvelle uniformité et une contre-norme imposée, ni renoncer à jouer avec les représentations sexuelles et les codes de la sexualité.

S'il est normal de mettre en cause des individus précis lorsqu'on subit leur harcèlement ou qu'ils constituent l'obstacle à l'expression ou la promotion des femmes, c'est selon la même logique qu'on peut en accuser tous les hommes comme on peut faire des juifs une classe sociale, assimilée aux super riches même quand ils sont pauvres ! Il est bien compréhensible que les femmes puissent avoir peur des hommes mais la tendance à reporter toute la culpabilité sur l'autre est certainement la plus détestable, celle du bouc émissaire et du racisme, pratiquée avec candeur par la frange la plus agressive du féminisme, confirmant que ce sont des manières de penser très ancrées en nous (au point qu'on peut dire que tout le monde est plus ou moins raciste à la base - tous les peuples se sont définis comme les vrais hommes par rapport aux autres - de même qu'on juge les gens à la mine quand on ne les connaît pas, préjugés - de race ou de genre - qui sont en général dépassés rapidement mais qu'il faut prendre en compte au lieu de les dénier).

"Les hommes, en tant que groupe extorquent du temps, de l’argent et du travail aux femmes, grâce à de multiples mécanismes, et c’est dans cette mesure qu’ils constituent une classe. La situation actuelle des femmes dans tous les pays occidentaux est que la majorité d’entre elles cohabitent avec un homme – avec un membre de la classe antagoniste – et c’est dans cette cohabitation qu’une grande partie de l’exploitation patriarcale est réalisée". Christine Delphy

Voilà de quoi regonfler les troupes et revenir à la maison pour rétablir la justice en accablant son compagnon qui pourtant, comme dominant peut faire parfois bien piètre figure. Cette fois le couple se résume à la cohabitation avec l'ennemi de classe, ce qui est, on l'admettra, une conception un peu courte même si elle a sa pertinence. A ce compte, fuyons ! Pour ma part il ne fait aucun doute que je préfère nettement être seul et ne rien avoir à négocier en permanence dans cette guéguerre stupide où les positions ne sont pas aussi franches qu'on le prétend, prises dans d'autres enjeux plus ou moins tordus de la relation.

Le déséquilibre du travail domestique est patent mais ce n'est pas une raison pour faire comme si dans la division sexuelle des tâches, les hommes n'avaient rien à assurer. Parlera-t-on pour le bricolage par exemple de travail extorqué ? Que les femmes puissent, elles aussi, bricoler désormais n'est pas en question, ni que cela ne représente pas la même charge de travail en général (cela dépend, certains y passent tout leur temps mais moi, je n'assure pas du tout de ce côté!). Les hommes aussi peuvent se tuer au travail, ils ne font pas que se faire servir. On dira que c'est plus valorisé que le travail domestique mais, justement, ce qui a changé, c'est que les femmes travaillent aussi à l'extérieur désormais, justifiant plus d'égalité. Ce qui est en question, c'est le caractère unilatéral de la présentation d'un problème bien réel pourtant mais qui se règlera grâce aux évolutions matérielles plus que par de vaines récriminations et une "lutte des classes" au sein du couple (devenu le lieu où se joue le sort du monde) !

- La cause des femmes aussi

Pour un certain nombre d'hommes, il est quand même peu crédible de se considérer comme exploitant sa femme, lui extorquant un travail non payé, quand on se fait engueuler toute la journée et qu'on ne lui demande rien ! Il ne s'agit pas de nier que le partage soit inégal et devrait être rééquilibré. Le problème, c'est que ce n'est pas si facile car souvent pour "partager" les tâches ménagères, il faudrait les faire quand madame le veut et selon ses propres critères, autant dire aux ordres. Le partage des tâches se fait à l'usure, en fonction des exigences de chacun (cf. Jean-Claude Kaufmann). Si les femmes endossent ce travail non rémunéré, c'est qu'elles se sentent en général plus concernés par leur intérieur et notamment par rapport aux autres femmes qui pourraient y pénétrer. Lorsque la machine à laver et autres robots ménagers ont largement réduit la charge de travail domestique, en améliorant nettement la productivité, curieusement cela n'a pas libéré tellement de temps pour des femmes dont les standards de propreté étaient devenus plus élevés (y consacrant à peu près la même durée qu'avant). Même le travail domestique n'est pas une quantité fixe, objective, engageant au contraire des normes sociales qui évoluent avec le temps mais impliquent les femmes qui en perpétuent le devoir alors que les hommes peuvent majoritairement se satisfaire d'un plus grand désordre quand ils sont célibataires (le cas inverse peut se produire bien sûr mais plus rarement).

Difficile de déterminer d'où viennent ces différences culturelles entre les sexes où se mêlent biologie, petite enfance, représentations sociales ou partage des rôles (dans un couple homosexuel) mais, elles sont bien intériorisées et significatives statistiquement, de même que les femmes désirent plus souvent des enfants que les hommes par exemple. On ne peut nier que les femmes participent activement à la division sexuelle et ne font pas que la subir (ce qui est la grande différence avec le racisme et qui empêche d'assimiler celui-ci à la domination masculine) !

On le voit bien avec l'histoire du voile. Il serait bien sûr facile d'accuser les hommes d'obliger les femmes musulmanes à se voiler par instinct de possession mais ce n'est pas toujours le cas, loin de là. C'est même assez souvent un choix des femmes elles-mêmes. On pourra toujours dire qu'elles participent à leur aliénation mais, c'est un fait, tout comme on ne peut nier que beaucoup de religieuses ont pris le voile volontairement en faisant voeux d'obéissance et de soumission.

Plus généralement, comme on l'a vu par exemple avec les femmes siciliennes, ce sont les mères qui perpétuent la hiérarchie des sexes et le patriarcat en élevant leurs garçons pour en faire des mâles dominants (le rabaissement des autres femmes est souvent fonction de l'amour de la mère). A contrario, on peut citer les "virgjeresha" albanaises qui sont élevées comme des hommes lorsqu'il en manque, et en partagent toutes les attributions, afin de perpétuer un ordre social au-delà du fait biologique. Ce n'est pas seulement une faiblesse de la gent féminine, un arrangement avec une domination imposée mais bien une participation active au maintien du patriarcat et de la division des rôles. Il serait absurde de ne pas voir que la transmission culturelle passe essentiellement par les femmes et que, d'ailleurs, le plus souvent le vote des femmes est réactionnaire, allant à l'église, aux politiques autoritaires, aux fascistes, etc.

Il faut ajouter que toutes les filles ne sont pas insensibles aux séductions masculines et à l'amour du maître, loin de là, au moins dans le jeu de rôle de l'acte sexuel et par rapport aux hommes politiques. Même les féministes les plus virulentes d'après-68 se sont retrouvées avec des leaders gauchistes, plus qu'avec de gentils garçons, préférant se frotter à forte partie. La faiblesse des hommes provoque trop souvent le mépris de leur compagne (qui ont d'ailleurs tendance, avec le temps, à vouloir "s'approprier le phallus" en dénigrant ce qu'elles ont admiré avant). Prétendre qu'il n'y aurait pas participation pleine et entière des femmes dans le maintien de ces stéréotypes n'est donc absolument pas tenable.

Nous ne sommes pas libres de nos croyances, ne faisant que reprendre le sens commun des médias ou les modes du moment, y compris les discours les plus radicaux - plus déterminés que déterminants. L'idéologie n'est guère qu'une rationalisation des situations vécues, d'une réalité matérielle qui seule compte vraiment et n'est imputable à personne (ni à une essence masculine, ni à une essence féminine) sinon à l'organisation sociale, au système économique et à une culture commune qui s'imposent toujours après-coup, dans leur effet productif. Si la faute n'est pas imputée entièrement à l'autre sexe ni à la biologie, il faut bien admettre qu'elle est partagée par tous. La participation des dominé(e)s à leur domination est un fait troublant mais massif et qu'on ne peut faire semblant d'ignorer.

La cause n'est donc pas ici tel ou tel individu ou sexe, car tout le monde est partie prenante, les femmes comme les hommes avec toutes les variations entre l'adhésion totale et la transgression des valeurs du groupe. Les hommes aussi sont soumis à des stéréotypes masculins qui peuvent être aussi bien pesants que parfaitement assumés, de même qu'une grande partie des femmes s'accommode assez bien de leur féminité. On peut jouer avec les normes sexuelles même si elles peuvent aussi devenir insupportables, problème plus général du rapport aux normes (au langage).

Il n'y a aucun doute sur la nécessité d'abolir une hiérarchie obsolète et d'ouvrir tous les possibles aux femmes, conformément aux mutations en cours. Cela ne doit pas aller jusqu'à dénier des inégalités qu'on ne peut guère corriger, notamment les inégalités de force physique ou même d'impulsivité (variable selon les individus et bien sûr cela n'empêche pas des femmes d'être violentes). Il y a un dangereux basculement quand on abandonne l'adaptation à une réalité qui a changé pour passer à la négation d'une réalité, largement biologique, qui, elle, n'a pas changé et ne concerne pas que les inégalités entre les sexes, loin de là.

On ne pourra donc supprimer toutes les inégalités ni toutes les violences familiales, la plupart des crimes se faisant en famille. C'est là qu'il faudrait prendre conscience des limites du volontarisme, de notre pouvoir sur le monde. Or, ce qui est le plus problématique avec le féminisme, c'est bien la croyance au pouvoir de la loi et de l'interdiction (cela a commencé avec la prohibition de l'alcool de triste mémoire), la volonté de changer les hommes par contrainte !

- Pour un féminisme matérialiste

S'il n'y a rien de plus compréhensible que le ressentiment contre les hommes et contre l'ancienne culture patriarcale qui les empêche d'accéder à la si nouvelle égalité des sexes, ce ressentiment féministe ne peut mener à rien qu'à brouiller la vue et reculer l'adhésion des hommes, qui en sont tout autant partie prenante, à une nouvelle culture partagée. Le féminisme peut constituer un discours paranoïaque d'interprétation du monde d'une logique implacable comme toutes les folies et qui ne voit plus ce qui se passe à répéter inlassablement la même ritournelle (nuit où toutes les vaches sont noires). Ce genre de clé universelle rejoint le complotisme et autres explications simplistes (monétarisme, etc.) ne prenant pas en compte l'infrastructure matérielle et la totalité sociale auxquelles on substitue une volonté mauvaise.

Pour être effectif, un féminisme matérialiste doit plutôt prendre les choses du côté du droit et des moyens de production que des représentations. Il ne peut s'agir de nourrir un moralisme implacable ni d'être obligé de se convertir à la nouvelle idéologie, vieille tentation de vouloir changer les hommes, objectif illusoire de tous les totalitarismes, religions ou sagesses. Il s'agit plutôt de donner les bases matérielles à un changement des mentalités, dissoudre les anciennes divisions sexuelles dans les faits - pas toutes et pour sans doute en inventer de nouvelles - en espérant que les représentations suivent, avec trop de lenteur pourra-ton estimer mais au rythme naturel d'un changement de paradigme qui respecte la diversité des opinions et ne s'illusionne pas sur notre niveau de bêtise.

Toutes les dérives du féminisme témoignent de la constitution d'une idéologie à partir d'un état de fait, des changements déjà effectifs de l'infrastructure matérielle. Répétons qu'il ne peut rien y avoir là contre le véritable féminisme, celui qui change le monde, mais seulement contre ses versions extrémistes et moralisatrices niant toute participation féminine ou biologique et faisant des hommes d'éternels coupables (équivalent du gauchisme et de l'écologisme). Il ne faut y voir rien non plus contre les études de genre qui sont au contraire essentielles et passionnantes pour comprendre la construction des identités sexuelles et l'intériorisation de la culture, les inégalités subies et la condition féminine en général (des mères célibataires en particulier), mais sans rejeter pour autant les études biologiques des différences sexuelles ni en rester à des explications simplistes et un constructivisme arbitraire, ni diaboliser l'autre sexe enfin. Au contraire, et tout comme les femmes soutenaient le patriarcat, des hommes soutiennent l'égalité des sexes dans le monde moderne, heureusement et c'est sur quoi il faut s'appuyer. La libération de la femme se fera avec les hommes, pourvu que cela ne signifie pas transformer son petit ami en ennemi. Surtout, il ne faut pas oublier que c'est le réel qu'il faut changer pour changer les esprits, pas le contraire...

Ce texte est la suite de "Matérialisme et idéologie", le féminisme n'étant qu'une illustration de la dialectique entre infrastructure et superstructure.

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80 réflexions au sujet de “Le féminisme d’un point de vue matérialiste”

  1. Premier écueil : il n'y a pas LE féminisme, mais des féminismes. Ce qui fait que je ne suis absolument pas dans le même camp qu'Élisabeth Badinter.
    De la même manière, même si c'est une réalité pour certaines femmes, il n'y a pas de haine des hommes ou de la séduction, mais une très grande exaspération à entendre sans cesse faire de la domination masculine une sorte d'élucubration fictionnelle au mettre titre que la main invisible du marché qui se gratte les roustons sur son canapé Roche-Bobois. C'est un fait social qu'être un homme procure de facto des avantages pour n'importe quel homme de la même manière que je sais en permanence qu'être blanche me donne des longueurs d'avance dans notre société sur des personnes racisées... enfin , je le sais parce que j'ai dû faire l'effort de le concevoir, sinon, c'est tellement naturel de savoir qu'on a plus de chance d'avoir le job ou l'appart si les autres candidats sont noirs ou arabes qu'on n'y pense d'autant moins que cela n'est pas un effet de notre volonté... juste quelque chose d'inhérent à nos représentation sociales.

    Quant au féminisme matérialiste, c'est précisément une bonne manière de mesurer l'ampleur de la domination encore en cours.

    Non, l'homme avec lequel je vis depuis plus d'un quart de siècle n'est pas mon ennemi, mais toute son éducation et toute la société lui affirment sans cesse que son temps est plus précieux que le mien, que la tanière est plus mon affaire que la sienne, tout cet ensemble de choses qui font que je dois régulièrement pousser une gueulante pour ne pas me reprendre le balancier dans la tronche... Parce que la guerre est justement dans les représentations sociales permanentes (TV, littérature, école, tout, tout le temps) qui, inlassablement, généralisent et racontent ce que doivent être les femmes.

    Bref, pas le temps de développer, mais je te bise quand même en passant. 🙂

    • Le féminisme est bien un mouvement historique daté, provoqué par des progrès matériels décisifs mais il a pris effectivement de multiples formes idéologiques, tout comme les problèmes écologiques ont produit toutes les formes possibles d'écologie (chaque position doit être occupée). D'une certaine façon, peu importe dans quel camp on se situe si l'important, ce sont les causes matérielle mais les idéologies peuvent quand même être dévastatrices, y compris dans les rapports humains.

      Je sais que, pour ma part, je ne supporterais pas qu'on me fasse la leçon et qu'on veuille me changer ni qu'on me considère comme un ennemi de classe, comme le dit Christine Delphy. Je ne vois pas ce qui obligerait une telle cohabitation forcée. On aime les gens tels qu'ils sont, ou pas avec leur bêtise et leur sexisme. Que l'égalité des sexes soit une nécessité juridique, n'implique pas que les relations soient égalitaires en vrai, ni même que ce soit si souhaitable. On peut en faire un idéal à atteindre, mais pas forcément (des couples homosexuels se divisent les tâches souvent de façon assez classique). Chacun se débrouille comme il peut dans sa vie. C'est une question de caractère, d'ordre privé et non politique malgré ce qu'on prétend. C'est la tentation totalitaire de l'écologie comme du féminisme de vouloir effacer la séparation public/privé, chacun pouvant vivre comme il veut et comme un gros con si ça l'amuse tout en faisant avancer l'égalité matérielle et juridique. Faire avancer les normes sociales n'implique pas de s'y soumettre personnellement et de se comporter comme on nous dit qu'il faudrait le faire, être ce que les autres voudraient qu'on soit.

      On est donc pas mal en désaccord quand même, ce qui fait que ce n'est pas juste "mansplainer" ce que toutes les féministes savent bien d'en rester au ras des causes matérielles mais s'attaquer au contraire aux dérives idéologiques du féminisme, au nom de ce matérialisme et non pas au nom des bons sentiments, dans la continuité d'une complète réévaluation menée depuis quelque temps déjà du rôle des idéologies et des militant(e)s dans l'histoire au regard d'une évolution technologique qui s'accélère. C'est vraiment comme les luttes syndicales surévaluées ou l'abolition de l'esclavage. Les idéologies féministes ne se distinguent guère des grandes idéologies politiques du XXème et ne sont pas plus la vérité (dont il faudrait convaincre les hommes) mais le pur produit de l'époque et d'une révolution anthropologique qui n'a pas fini de nous bouleverser tous et toutes.

    • Comme si toutes les chamailleries relèveraient du sexe des participants... J'ai connu le milieu homo hommes via un de mes potes qui était aussi une vrai raclure envers les pauvres quand il est devenu riche, bien que s'étant senti persécuté en tant qu'homo. Il pouvait être tout autant infect envers des homos.

      Une des mes sœurs est homo femme, et là aussi ça se chamaille pas mal, y compris côté pognon, même si ce beau monde est garanti sans Y et de gauche écolo-sociale. Les mauvais comptes font de mauvais amis, peu importe le dé-contraste des sexes ou les professions de foi politiques.

      Le merdier est dans toutes les têtes, les labels n'y changent rien.

      • Cela n'empêche pas qu'il y a une domination masculine - en disparition - une culture archaïque à dépasser mais il ne faut pas se prendre dans la vie pour le représentant "des hommes" pas plus que "des femmes" quand on a juste du mal à vivre ensemble avec tant de paramètres individuels qui entrent en jeu. Le plan personnel et le plan social (politique) ne peuvent être confondus (comme y incitent fortement écologie et féminisme).

        • Il y a une domination masculine, c'est un constat statistique, comme il y a une domination des blancs aux US. On en vient vite à un complot essentialiste raciste où la corrélation devient causalité alors qu'elle est un résultat d'autres tectoniques très peu intentionnelles.

          Mais les enragées féministes ont ce besoin quasi phallique d'ériger une fois de plus une morale sectaire qui redessinerait le monde ex ante quand le post ante s'exprime.

          • Toutes les féministes ne sont pas enragées et qu'il en existe ne doit pas remettre en cause la légitimité d'une sortie d'un patriarcat dépassé comme de la prise en compte du sort injuste fait aux femmes. De plus, ce ne sont pas les féministes qui ont inventé les idéologies volontaristes et le moralisme sectaire, c'est une maladie plus profonde. La difficulté, c'est que la cause des femmes est juste. Les arguments qu'on peut y opposer ne tiennent plus dès lors qu'ils n'ont plus de base matérielle.

            Le problème, c'est justement que la certitude d'être dans le vrai rend trop sûr de soi, menant à toutes les extrémités et dérapages, ce qu'on retrouve là aussi dans l'écologie radicale car pour sauver la vie (ou la planète ou l'espèce) tout est permis. D'une certaine façon, si cette radicalité avait une quelconque efficacité elle serait peut-être justifiable mais ces extrémismes ont plutôt l'effet inverse de braquer contre-eux, conforter la réaction. Le contraire d'une erreur (exagération) est une autre erreur (dénégation) alors que les véritables enjeux sont très concrets et qu'on vit réellement un révolution anthropologique considérable (écologique, féministe, numérique, génétique).

        • A constater que c'est la guerre de 14 qui a promu les femmes au rang de productrices dans l'économie pour remplacer les hommes partis se faire charcuter sous les obus, grand changement social qui aura ses conséquences pratiques. Les femmes Kurdes marxistes vont directement à la boucherie contre Daech. Ce type d'effet historique me parait être à même de mieux positionner les femmes dans la revendication de leurs droits que les exubérances sans peu de risques des féministes épidermiques de l'occident. Les féministes efficientes pourraient bien se trouver dans les pires régions obscurantistes du proche et moyen orient où leur répression est sans égale cruauté traditionnelle. Il aura encore fallu des guerres pour qu'émerge du mieux éventuel.

          • C'est l'armée israélienne qui a la première intégré les femmes aux combat, il me semble. C'est devenu depuis beaucoup plus banal (malgré les viols) pas seulement en occident et largement dû à l'évolution des armes mais certainement un facteur d'égalité, jusqu'à ne plus pouvoir imaginer les causes antérieures de l'inégalité.

            Il est certain que les combats féministes principaux se mènent aujourd'hui dans les pays restés les plus patriarcaux (dont elles détruisent la culture avec le patriarcat).

  2. J'ai effectivement remarqué que concernant les tâches ménagères les femmes sont souvent assez casse-bonbon en termes de critères de résultat, mais aussi en termes de façon de faire, ne laissant finalement aucune autonomie à celui qui veut bien s'y coller, devant supporter l'autorité de l'experte es sciences ménagères.

  3. Pour comprendre l'intérêt d'une approche matérialiste et historique du féminisme, on peut comparer avec cet article qui dénonce la domination masculine de façon complètement décontextualisée et uniquement dans la culture ou l'éducation, comme un état de fait inexpliqué (sans aucune raison objective), en ne tenant aucun compte du rôle des femmes dans ce sexisme (on parle des familles, des parents, des adultes, pas des mères!) ni de ce qu'on appelle non sans raisons "les avantages féminins" qui existent aussi mais surtout se réglant sur les principes de réussite masculine (voire bêtement capitaliste) et ne laissant d'autre issue (comme la révolution culturelle) que l'utopie (ré)éducative alors que ce sont les bases matérielles de la domination masculine qui disparaissent et l'égalité matérielle qu'il faut conforter, modifiant les représentations culturelles de façon bien plus effective (moins artificielle).

    http://www.crepegeorgette.com/2014/10/07/privilege-masculin/

    • Bien sûr que l'organisation sociale est matérielle et matérialise le droit par exemple. Un organisme est matériel tout comme ses organes qui ont une fonction matérielle. Cela ne veut pas dire que n'importe quelle organisation peut se matérialiser n'importe où car elle est sanctionnée par son résultat. C'est donc aux résultats (positifs dans certains contextes) que sera validée matériellement la boîte à outils d'Endenburg.

  4. Un texte intéressant de Sophie Noyé sur les débats actuels au sein du féminisme. On n'a pas à l'évidence la même définition du matérialisme (on reste ici dans l'idéologie, la réification et un complet constructivisme, rien sur la production sans parler de l'après-coup) mais il y a plein de bonnes références (je ne suis pas du tout assez spécialiste de ces questions qui font l'objet de discussions au niveau international). Dans l'idéologie, il n'y a pas de limites mais surgit toujours un problème, une catégorie qui ruine toute la construction qu'on avait faite !

    Pour un féminisme matérialiste et queer

  5. On retrouve des conceptions physiologiques et des rites d’initiation masculins analogues chez de nombreux peuples d’Océanie, d’Amazonie et d’Afrique. Ces parallélismes soutiennent l’idée que la domination masculine, dans l’espèce humaine, s’est développée sur des croyances et des rites plus qu’elle résulte de causes objectives ou d’une imposition par la force.

    http://www.scienceshumaines.com/expliquer-la-domination-masculine_fr_30816.html

    • Il est complétement contradictoire de prétendre que "la domination masculine, dans l’espèce humaine, s’est développée sur des croyances et des rites plus qu’elle résulte de causes objectives" tout en reconnaissant que cette domination était universelle. Ce sont ses formes culturelles qui changent, pas la domination elle-même qui est fonctionnelle et s'impose par son efficience. La culture a besoin de cohérence, qu'elle obtient sous des formes très diversifiées (selon les cultures) mais l'important c'est que ça tienne le coup. La sélection darwinienne vient après-coup sanctionner le résultat. Le réel ne s'impose pas directement comme vérité révélée mais impose ses limites dans l'après-coup, à force de se cogner dessus. Les sociétés qui ont survécu étaient des sociétés viables mais beaucoup ont disparu. La domination était donc bien fonctionnelle, avec des causes objectives, ce que prouve l'avènement du féminisme quand ces causes objectives disparaissent.

  6. oui, j'avais vu et pas compris .... donc ce n'est pas une réalité ? Et à savoir tout de même, beaucoup beaucoup de femmes sont dans le moule patriarcal, elles reproduisent les systèmes de domination, dominants dominés comme les hommes. Les féministes justement (et il y a plein de courants différents) essaient de sortir de ce moule et en faire prendre conscience autour d'elles aux hommes et aux femmes. Les femmes restées dans le patriarcat pourraient être plus ennemies que les hommes, si j'ose m'exprimer ainsi, car je ne vois pas d'ennemi, juste repris le terme, je ne vois que souvent des consciences endormies et hélas parfois des consciences éveillées et qui soutiennent le moule par pur privilège, privilège d'homme et privilège de femme. Vous abordez votre problématique sans prendre conscience des modèles des moules ou insuffisamment.

    • Vous raisonnez en lutte des classes, la classe féminine en l’occurrence, sauf que la classe féminine est dispersée sur l'ensemble du spectre des classes sociales de revenu. Donc une femme de la classe sociale nantie se conformera à ses codes comportementaux et symboliques pour pérenniser ses revenus de prestige et économiques, tout comme celles en "passe" d'accéder à une classe supérieure. Les systèmes sociaux d'action concrets font que leurs acteurs se réfèrent à leurs intérêts directs de classe de production transcendant ainsi les symboliques de classe idéologique.

        • heu, non, justement, je ne raisonne pas en lutte des classes ici ... je parle de mythe, de symbole et d'inconscient qui nous façonne toutes et tous ... je parle donc de devenir conscient pour sortir du piège de la domination. C'est un long travail que beaucoup de féministes font. Et ce qui est intéressant, c'est que ce travail permet de voir d'autres dominations que celle du patriarcat, cela ouvre des yeux sur bien d'autres perspectives cachées jusqu'à présent. Le truc, c'est que cela peut être assez douloureux, pas évident de mettre à jour ses propres mécanismes de dominants, il est plus facile d'admettre ses propres mécanismes de dominés.

    • Je ne conteste pas du tout la réalité de la domination masculine et du formatage social mais j'en dénonce le caractère "décontextualisé", devenu arbitraire déconnecté d'une histoire et de processus matériels, notamment des récentes transformations dans la production, qui rendent possible cette contestation des hiérarchies sexuelles à laquelle on peut reprocher aussi son unilatéralité et de ne juger les désavantages féminins qu'au regard de l'idéal d'une carrière identique à celle des hommes comme si c'était le rêve de toutes les femmes (et comme si on devrait changer les femmes comme les hommes!). L'impasse de cette présentation, c'est surtout d'en faire juste un problème de représentation et d'éducation, de croire qu'il suffirait de changer de moule alors que c'est la réalité matérielle qui change tout et fait tomber en désuétude l'ancienne domination (représentation), c'est l'évidence de l'égalité des femmes à tous les postes, de l'ingénieur à la tête de l'Etat qui change les esprits bien plus que l'idéologie.

      • Ok, on est donc dans la problématique de l'oeuf ou de la poule ... 🙂 mais franchement je n'arrive pas à suivre le raisonnement là .... donc le "combat" et la résistance, telle Hubertine Auclert ou Louise Michel par exemple, ne servent à rien ?

        • et je rajoute que l'histoire n'est pas si linéaire que ça ... il y a eu des périodes non industrielles et des lieux où une certaine égalité femmes hommes existait. La période médiévale, par exemple, où les femmes exerçaient de très nombreux métiers ... puis paf, les voilà décrétées sorcières et brûlées vives ... Certaines périodes de l'Egypte ancienne sont intéressantes à étudier aussi ... Autre exemple, les femmes étaient bien plus libres avant la Révolution française qu'après où par exemple, elles ont été interdites de réunion pour parler des choses publiques, sinon tête tranchée ! On croit (croyait) que le droit à l'avortement était enfin acquis dans nos contrées occidentales (même si pas partout), il était impensable que l'on puisse revenir en arrière ... et bien ce qu'il vient de se passer en Espagne est très révélateur ... Voilà, je pense donc que ton analyse est fausse.

      • Non, ce n'est pas l'oeuf ou la poule mais bien l'infrastructure qui détermine la superstructure. Sauf que c'est seulement en dernière instance, ce qui veut dire après-coup et sur la durée. Il y a un peu de jeu à court terme ce qui à l'échelle humaine peut être loin d'être négligeable. C'est cependant la question plus générale du déterminisme qui est effectivement posée et de notre rôle dans l'histoire qui me semble surévalué par rapport à l'engrenage des événements (ce qui est le sujet de cet article dans la suite de "Matérialisme et idéologie" et autres textes précédents contre le volontarisme).

        Il est par exemple difficile aujourd'hui de justifier toutes les bêtises gauchistes de Mai68 en dehors du fait que c'était le discours de l'époque et si le féminisme en a émergé, c'est qu'il a trouvé là un terreau favorable au moment où les femmes étaient déjà les égales de l'homme (l'égalité entre les hommes et les femmes étaient effectivement défendue par les communistes et libertaires et l'ambiance révolutionnaire poussait à toutes les audaces). Il faut tenir compte du fait que la droite elle-même est devenue féministe, votant les premières grandes lois sous la pression des faits. Ce n'est que l'occasion qui a permis de remettre les pendules à l'heure, sinon les féministes précédentes n'avaient pas eu un tel impact.

        Il suffit de comprendre que l'abolition de l'esclavage n'a pas été le résultat de la révolte des esclaves (il y en a eu) mais de la supériorité du Nord industriel et salarial sur le Sud agricole et esclavagiste. Un changement de mode de production. De même, les luttes sociales ne sont pas la seule cause des progrès sociaux qui ont été généralisées par Bismarck ou Beveridge parce que leur effet était bénéfique à l'économie comme à la société. Les luttes sociales étaient indispensables mais leurs victoires ou leurs échecs sont surdéterminés par la situation matérielle, seule décisive.

        Il est certain que je ne pensais pas comme ça avant, que c'est un peu vexant, ôtant tout héroïsme à l'histoire et les belles narrations qu'on s'en fait mais il ne faut pas pour autant tomber dans l'excès de prétendre que le militantisme ne servirait à rien alors qu'il participe du mouvement qu'il peut hâter ou freiner. Toutes les batailles ne sont pas gagnées et, par exemple en Tunisie, l'action des femmes a été nécessaire pour ne pas tout perdre. Des mobilisations peuvent faire la différence notamment contre des régressions. J'ai participé aux manifestations pour le droit à l'avortement qui ont sans doute fait gagner quelques années aux françaises, ce qui peut changer une vie, mais le mouvement de l'histoire n'en est pas changé.

        Ce n'est pas que l'histoire serait linéaire pas plus que la géographie uniforme et localement tout est possible (les anthropologues prétendent qu'il n'y a pas de société sans domination masculine mais il y a plus que des nuances effectivement). Il y a aussi des cycles et les idéologies s'adaptent aux conditions selon un déterminisme qui n'est pas rigide mais conserve après-coup seulement ce qui marche. Ce n'est pas, en tout cas, cette marche triomphante vers l'émancipation qu'on s'imagine parfois mais quand même une destruction au moins des anciennes hiérarchies.

        Je peux bien sûr me tromper mais je suis persuadé que l'égalité entre les hommes et les femmes est un processus irréversible (les femmes qui vivent le contraire au quotidien en doutent beaucoup plus sans doute). Je considère même que la révolution anthropologique que nous vivons est la preuve de la suprématie des causalités matérielles sur les structures mentales qui peuvent en être bouleversés profondément, bien plus que ne le pourrait notre bonne volonté ou quelque action idéologique.

        • On pourrait donc dire que l'action politique consiste à chercher à aller dans le sens de l'histoire ; ou dit autrement dans le sens de ce qui nous détermine , c'est à dire dans le sens de ce que l'on est .
          Il y a au beau milieu de cette logique les méchants , les profiteurs , tous, nous mêmes y compris, qui à des degrés divers surajoutent une matérialité structurante empêchant cette "avancée de l'histoire humaine".
          Cette liberté de l'humain d'aller contre lui même est une matérialité structurante largement aussi déterminante que les inventions scientifiques.
          Là où sans doute le militant a tort c'est de penser qu'en désignant et éliminant les méchants ont sortirait du trou . C'est là qu'on peut critiquer les idéalismes et constructions idéologiques qui ,oui, ne prennent pas en compte la réalité humaine qui est ce qu'elle est et ne peut être autrement .
          On ne peut donc qu'avoir conscience de l'impossibilité de "finir " la tâche et du danger de désigner des boucs émissaires , même si certains de ces boucs émissaires méritent toute notre colère , par leur cruauté .
          C'est vrai que ça fait rudement plaisir de tomber au bon moment d'un progrès d'humanité et qu'on est bien tenté si on a lutté pour, de s'attribuer la victoire .
          Finalement Jean Zin vous êtes ( dans votre conception du monde ) rempli d'humilité et si l'on, pousse jusqu'au bout :
          il faut faire tout ce que l'on peut , ne pas ménager sa peine , et prier .
          C'est rigolo comme on n'en sort pas .( je ne suis pas religieux , je ne prie pas , mais j'aimerai pouvoir le faire )

          • Non, je ne prie pas et je ne suis pas fier de constater notre impuissance, il n'y a rien de plus rageant. J'attends plutôt le temps opportun sauf qu'en attendant, je ne fais pas rien mais essaie de comprendre le monde mieux que je ne le comprenais avant. Je ne crois pas du tout que le monde soit violent à cause des violents (qu'il suffirait d'éliminer) pas plus qu'il n'est injuste à cause des méchants. Il y en a bien sûr, sélectionnés par le système, et qui méritent tout notre mépris (rendre la honte plus honteuse) mais c'est se tromper sur l'ordre des causes. Notre problème me semble moins moral que cognitif. Notamment à gauche dont l'impuissance vient de l'inadéquation avec les transformations du monde. Il nous faudrait aller au maximum des possibilités de l'époque alors que la nostalgie du passé nous immobilise (pour des raisons matérielles, la faible syndicalisation, le vieillissement).

            On ne choisit pas son époque et donc, lorsqu'on vit la montée du nazisme, il y a de quoi désespérer. Quand on vit Mai68, il y a de quoi s'y croire en effet et difficile à retomber sur terre, devoir revenir à plus d'humilité quand ce qui importe, ce n'est pas tant ce qu'on "est" et qui est bien changeant, mais ce qui se passe et peut se passer de nous. Il n'empêche qu'à laisser faire les choses sans nous, elles se font contre nous, on a donc bien intérêt à ne pas se faire simple spectateur de sa vie mais il faut juste ne pas surestimer ses moyens qui sont très limités et si possible avoir une stratégie viable.

            Il ne s'agit pas de suivre toutes les modes ni de tourner toujours avec le vent, approuvant bruyamment toutes les évolutions (tout ce qui apparaît est bon) alors que l'action politique est d'opposition aux dérives, un dire que non (une inversion de l'entropie). Simplement, cette intervention ponctuelle s'inscrit dans une évolution globale dont elle doit tenir compte.

            Là où il faut de l'humilité, c'est de prendre conscience de notre ignorance et de la fragilité de nos savoirs. C'est comme ça que Socrate a fondé la philosophie. Notre narcissisme en prend un coup tant nous nous y croyons en général, fermes sur nos convictions, mais d'une certaine façon, il y a de quoi rendre la vie plus intéressante. Toutes les utopies sont supposées une fin de l'histoire où le temps s'immobilise, vie déjà vécue se déroulant heureuse du début à la fin mais cela pourrait être un peu trop ennuyeux. Même si nous sommes dans un monde injuste et dangereux, il y a de la curiosité à savoir qu'on va encore apprendre de l'avenir et corriger ce qui nous semblait si certain et désirable. Exister, c'est se confronter à notre ignorance, poser des questions à l'avenir. Pour l'instant, cela s'annonce au plus mal. La seule chose de sûre, c'est que jamais période ne fut aussi révolutionnaire sur plusieurs plans (numérique, écologie, féminisme). S'il ne sert à rien de prier, on sait bien que le vent finit toujours par tourner, mais personne ne sait quand et cela peut être bien trop long pour nous car le moins qu'on puisse dire, c'est que, actuellement, il ne nous est plus du tout favorable...

  7. Ce qu'il y a d'intéressant dans ce compte-rendu de deux ouvrages sur les femmes musulmanes indiennes, c'est de voir qu'à regarder les choses de près, sur le terrain, elles sont bien plus complexes que l'idéologie ne le voudrait, qu'il y a notamment complicité des femmes et de l'ordre patriarcal. Il y aurait même pour cela un concept "l'intersectionnalité, souvent employé pour désigner la co-construction des rapports de domination et la réduction de certains groupes dominés aux caractéristiques des dominants au sein de ces groupes (par exemple « les femmes » aux femmes blanches)". On y voit aussi la difficulté de régler les problèmes comme le viol par la loi, instrumentalisée par les plaignants et détournée par les pratiques judiciaires. On reste cependant dans les représentations auxquelles il manque les fondements matériels.

    http://www.laviedesidees.fr/Repenser-le-genre-en-Inde.html

    Toutes les femmes ne sont pas touchées de la même façon, et le genre, en tant que système de différenciation et de hiérarchisation, ne peut être compris qu’en pensant son articulation avec d’autres formes de domination.

    Cela n'empêche pas qu'il y a une spécificité du féminisme qui tire sa force des transformations matérielles de la condition féminine et non d'une quelconque unité de doctrine ou logique émancipatrice.

    • ... "elles sont bien plus complexes que l'idéologie ne le voudrait, qu'il y a notamment complicité des femmes et de l'ordre patriarcal."
      Heu, mais ça toute féministe en est consciente !
      Impression que vous débarquez là et découvrez les mouvements féministes 🙂

      • Je connais les mouvements féministes, très divers en effet, depuis le début et que ce soit discuté ici (que je cite) montre que ce n'est pas de l'ordre de l'évidence pour toutes, notamment lorsqu'on prétend faire des hommes l'ennemi de classe. L'idéologie simplifie toujours. D'un point de vue matérialiste ou anthropologique, c'est par contre effectivement incontestable.

    • De mon temps j'avais des copines qui étaient aux "gouines rouges" (la plupart plutôt à psychanalyse et politique). C'était ça le féminisme historique ! Rien à voir avec ce groupuscule réactionnaire anti-fémens de la manif pour tous qui ne représente rien.

      Ceci dit, j'avais peur qu'il y ait plus de commentaires débiles d'anti-féministes, il en fallait au moins un ! De quoi quand même remarquer qu'il n'y a pas "toutes les femmes" pas plus que "toutes les féministes".

      • Il fallait mieux que je vienne titiller les vieux déchets communistes et leurs "Gouines rouges" recyclés dans l'écologisme. Elles ne représentent peut-être pas grand chose, mais vous non plus. Et puis, ce n'est pas d'hystériques masculins / féminins dont manque le monde, leur mouvement a donc bien lieu d'être. Dont acte.

  8. N'étant moi-même pas du tout joueur, je n'avais pas prêté beaucoup d'attention au fait qu'une féministe avait été menacée de mort pour avoir critiqué le sexisme des jeux vidéo. C'est une erreur car les jeux vidéo sont un secteur très important mondialement, qui supplante et prend la place du cinéma hollywoodien dans la diffusion de l'idéologie dominante. La bataille culturelle se jouera donc sûrement là à l'avenir, unifiant la culture mondiale par les jeux. Comme les joueurs masculins sont encore très majoritaires (même s'il y a pas mal de joueuses aussi), le sexisme en sera très difficile voire impossible à extirper. C'est souvent sur les marges que le culturel avance ou recule, il y a toujours des régressions, mais ce sont bien les causes matérielles de l'égalité des sexes qui finiront par s'imposer.

    http://deadspin.com/the-future-of-the-culture-wars-is-here-and-its-gamerga-1646145844/all

      • Il est quand même très dommageable de ne pas faire la différence entre des recommandations raisonnables (comme ne pas considérer qu'une programmeuse est incapable de parler de programmation) et une police du langage débile (ne pas dire qu'un programme est "sexy" !). Le manque de discernement est flagrant.

        Il faut dire que je ne suis pas contre un certain sexisme, le fait de sexuer la relation et non de jouer l'indifférence, ce qui n'implique aucun mépris ni hiérarchie, ce qui est le sexisme à combattre.

        • Ben tout dépend du contexte.
          Perso, dans une discussion "sérieuse" sur la démocratie ou le revenu de base tiens, je me vois mal dire :
          wahou le tirage au sort, c'est chaud sexy .... ( et je ne dis jamais ça en vrai hein) ...
          Par contre, un homme, pourra se permettre de dire :
          "ah enfin un peu de féminité et de douceur dans ce débat, et en plus avec une jolie femme" avec un grand sourire se voulant charmeur ... le hic, c'est que l'on est renvoyé à son sexe, alors qu'on parle des probabilités de Kepler .... il y a donc un temps de déstabilisation, sidération parfois, avant de pouvoir continuer de parler, ou ça peut même souvent clore le sujet ou la parole ... c'est ça le sexisme caché.
          Dit-on aux hommes, hum, cette virilité que vous avez dans les pectoraux est très alléchante pour suivre votre discours ? hein ?

          • Je comprends que cela puisse être mal pris par certaines à certains moments mais franchement, là on est dans le n'importe quoi bien loin des véritables problèmes . Il y a au moins un manque de hiérarchisation entre les priorités (d'autant qu'on n'aurait pas le droit de dire qu'un programme est sexy, pas la programmeuse!). Il ne s'agit pas d'avoir un monde excessivement policé où l'on n'aurait plus le droit de rien dire.

            Le présentateur bellâtre sur la 2, Laurent Delahousse, se plaint lui aussi que les filles lui envoient leur petite culotte ou qu'on lui fasse des remarques sur son brushing. C'est la preuve que l'égalité progresse !

            Pour ma part, j'avoue que plus c'est déplacé et plus cela m'incite à dire de grosses conneries. Il ne faut pas tout prendre mal même si je comprends qu'on puisse saturer et qu'il y a des jours où l'on ne supporte rien. Qu'on me trouve insupportable me semble très compréhensible, pas qu'on en fasse une question politique. C'est un peu comme le fait de couper les femmes, ce qui est très mal vu mais moi je coupe tout autant les hommes, y compris supposés importants. Il faudrait tenir compte du fait que les femmes se font avoir à ce petit jeu (pas toutes!) mais je ne suis pas sûr que traiter les femmes comme de petites choses fragiles soit moins sexiste et infériorisant.

            Ce dont je suis certain, c'est que le problème n'est pas là et que la confusion avec les véritables enjeux matériels de la condition féminine est désastreuse et n'aide pas du tout à avancer mais nourrit la réaction.

          • "cette virilité que vous avez dans les pectoraux est très alléchante pour suivre votre discours ?"

            Certaines font ce genre de saillies, et je trouve ça plutôt rigolo. Mais bon, quand on n'a aucun sens de la dérision humoristique, du jeu, alors on reste les pieds dans le béton. Heureusement, il y a des femmes qui savent se marrer sans pour autant être des cruches soumises et dépendantes.

          • Ce discours du volontarisme symbolique me parait aussi pénible dans le domaine fiscal où en France il est fait l'apologie de vouloir payer ses impôts via la déclaration de revenus. C'est du théâtre, tout salarié du public ou du privé sait très bien que son paiement des impôts n'est pas volontaire, seul compte son revenu après tous impôts payés. La tartufferie n'a décidément pas de limites. C'est en travaillant dans différents pays que j'ai compris que la seule base de négociation de salaire devait être le revenu net de net. Le reste, les impôts, n'a aucun intérêt sur le plan d'une négociation de salaire, ça relève de l'infrastructure.

          • ouh la que de poncifs éculés ... 🙂 Bien sûr que l'on peut rire et faire des blagues, je n'ai pas dit ça, bref, vous semblez ne pas comprendre ...
            En tout cas, malgré les 1ères explications que je croyais avoir comprises, là je ne comprends rien du tout à "le problème n'est pas là et que la confusion avec les véritables enjeux matériels de la condition féminine est désastreuse et n'aide pas du tout à avancer mais nourrit la réaction.'
            On dirait que vous comprenez mieux que les féministes qui ont bossé sur les sujets de la domination depuis au moins 200 ans. bref ...

          • Je ne sais pas où sont les poncifs mais oui je crois comprendre mieux que les féministes une domination masculine dont les causes sont matérielles et non pas idéologiques de même que les causes du féminisme sont liées à des changements matériels et non pas à la justesse des analyses féministes (c'est la même chose avec les autres mouvements émancipateurs comme la lutte contre l'esclavage, etc.). Il y a effectivement de quoi me mettre à dos tous les idéologues de tous bords.

            Les féministes ont bien apporté une nouvelle dimension à la critique des dominations mais qui ne l'exempte pas d'une critique de la critique et d'un peu plus de matérialisme. Cela veut dire que, même si la domination masculine marque toute la culture et qu'elle est même inscrite dans la grammaire, ce n'est pas du tout l'important. Il ne s'agit pas d'interdire d'anciennes formulations comme pendant la révolution culturelle ni de rétablir le sens des mots comme le voulait déjà Confucius, seule compte l'égalité juridique et de permettre ce qui était interdit au contraire, faire tomber des barrières, y compris par des mesures de discrimination positive comme la parité qui tient compte de l'inégalité pour la corriger au lieu de la nier. Rien n'arrêtera la libération des femmes qui pénètrent rapidement tous les domaines mais l'émancipation des femmes n'est pas vraiment l'oeuvre des femmes (des féministes) pas plus que l'abolition de l'esclavage n'a été l'oeuvre des esclaves. La question est de savoir si une telle hypothèse tient le coup pour rendre compte de ce qui se passe (pas des représentations qu'on en a) et je crois que oui.

            Si la cause de l'idéologie, de la superstructure, des rapports de production, sont dans l'infrastructure, rien ne sert de vouloir intervenir au niveau de la culture, des représentations, du langage qui se transforment naturellement en fonction des transformations matérielles (du travail des femmes) et non de notre bonne volonté. Il ne faut pas prendre l'effet pour la cause.

            Il est quand même extraordinaire de se fixer sur le vocabulaire quand il y a des questions tellement plus importantes à traiter, cela ne peut que nuire aux véritables combats féministes plus matériels et renforcer les résistances, en effet. C'est sans doute inévitable malgré tout, cela fait partie du jeu et de l'exploration des possibles par tous les différents féminismes imaginables. Ce n'est certainement pas moi qui pourrait y mettre un terme mais la réalité qui en jugera.

            C'est pourquoi, je ne fais aucun prosélytisme et ne cherche à convaincre personne à essayer de décrire ce qui nous échappe en grande partie, non seulement parce que les causalités sont matérielles mais tout autant du fait de nos limitations cognitives qui sont la condition des idéologies, expliquant que les choses ne se passent pas si bien allant plutôt d'un extrême à l'autre, nourrissant le malentendu comme on le constate constamment. Evidemment, si on était intelligents et clairvoyants, ce serait une toute autre histoire. On peut donc dire que je parle en vain mais je m’éclaircis les choses d'abord pour moi-même dans l'écriture (dans ce texte et le précédent sur le matérialisme historique). Il est certain qu'une telle philosophie est problématique et n'a rien de sexy !

          • Franchement, je n'arrive pas à suivre ce propos .... autant je comprends bien la problématique des idéologies et la réalité matérialité du monde, autant je ne comprends pas cet acharnement à dénier l'action personnelle sur le monde qui l'entoure. Même si cela ne fait pas la grande Histoire, la petite histoire de chacun est importante, nous n'avons qu'une vie. Chaque être humain face au déni de l'autre de lui témoigner sa dignité toute entière, n'a pas trente six choix, soit se résigner et s'adapter pour survivre, soit se lever, dénoncer et agir, quitte à mourir. C'est une question de courage individuel. Certes le risque est grand, celui de la disparition, à l'échelle historique, c'est partir sans laisser de traces. Et curieusement, des femmes tout au long de l'histoire qui ont préféré le courage à la résignation, sont dans les oubliettes. Il y a d'ailleurs tout un travail historique très récent pour les faire ressortir de l'oubli, comme la vie de bien d'autres hommes ou femmes dominées que certains historiens tentent de faire exister. La vie individuelle et son individuation en tant qu'humain digne est certainement plus importante que toutes les considérations sur la grande Histoire. A moins de croire à la réincarnation, notre temps sur terre est compté et c'est celui ci qui compte. Ce qui restera de l'humanité qui suit ne concernera que les vivants qui y vivront. A chacun de voir donc ce qu'il veut faire de sa vie personnelle, se résigner à la domination et/ou rester dans les illusions collectives et combattre des chimères, car ce n'est qu'une résignation de plus. Ou, se sachant pris dans les cultures de son époque, tente de s'en défaire, en mettant à jour son propre système de domination, son propre rapport dominé dominant, personne n'en est exempt, et essaie de faire de sa vie une vie digne, même si ça rate. Voilà ce qui a un sens.

        • Mon propos est d'abord théorique et je me suis suffisamment expliqué sur la question : non je ne réduis pas à rien l'action individuelle, je la replace dans son contexte. Il ne faut certes pas la surestimer mais on ne peut absolument pas s'en passer. Il faut participer aux luttes du temps pour défendre ses intérêts. Simplement, la libération des femmes espagnole pendant la République n'a été qu'un feu de paille alors que la libération des femmes depuis les années soixante est durable.

          Ce que je remets en cause, c'est la lutte idéologique (le Kulturkampf), le concept d'hégémonie de Gramsci trop inspiré du fasciste Gentile et la prétention de changer les hommes. Il faut s'attacher aux combats concrets et non pas vouloir une police du langage. La libération des femmes de la domination masculine est un processus matériel et à long terme, où elles peuvent compter sur le soutien des hommes (pas tous !), les changements culturels suivent mais ne peuvent être forcés.

          C'est une grande illusion de croire pouvoir s'extraire de notre culture à ne faire que reprendre un contre-discours qui est le nouveau discours dominant. De même, si la domination masculine a fait son temps et que la domination en général se fait plus douce, il ne faut pas croire que ce serait magiquement la fin de toute domination alors que la société est constituée de ces micro-pouvoirs et que la lutte pour la reconnaissance fait rage (les féministes des classes supérieures se battent d'ailleurs pour accéder à des positions dominantes).

          Ceci pour la dimension politique et historique. Dans la vie personnelle, qui n'est donc pas politique, chacun s'arrange comme il peut des rapports de domination dont on ne peut hélas rêver être débarrassés sauf à passer de dominé à dominant mais je ne peux qu'inciter à y résister et ne pas se laisser faire. Je suis pour ma part hypersensible aux atteintes à ma liberté mais ne supporte pas plus les positions dominantes (on me met très facilement en position de pouvoir, ce que je déteste, y compris la position d'orateur, mais il est sûr que je n'accepte aucun maître). Cela m'a mené à préférer m'isoler, ce qui n'est sûrement pas du goût de tout le monde mais sinon, il faut choisir ses amis et supporter les difficultés des rapports humains qui sont loin d'être l'idéal, parasités effectivement par la culture, l'idéologie, l'ambiance, les soucis, les sautes d'humeurs...

          • maintenant que je pense bien connaître votre position et votre pensée, elles me sont devenues des points de repère, une référence que je ne manque pas de consulter en toute liberté.

          • "la libération des femmes depuis les années soixante est durable." hum hum .... vous connaissez bien mal l'histoire du féminisme ...
            J'ai l'impression, sans vouloir vous offenser, que sous couvert de théorie et sous couvert de féminisme que vous trouvez indispensable, vous le redites sans arrêt, vous avez un véritable problème avec une remise en question sérieuse de la domination masculine. Je conçois que, quand on est dans la caste des dominants, même malgré soi, ce soit très inconfortable. J'ai relu votre texte et me suis marrée, car on voit bien le problème du privé ... et le privé est politique comme vous devriez le savoir. Mais cela vous avez du mal à l'admettre je pense.
            Enfin maintenant il y a Macholand http://macholand.fr/, pense que cela ne doit pas vous plaire 😉
            Voilà c'était mon humble avis, j'arrête là les discussions et bon courage 🙂

          • C'est assez touchant car cela rappelle les gardes rouges accusant leurs vieux professeurs de ne pas avoir rompu avec la pensée bourgeoise et croyant disqualifier ainsi tout ce qu'ils pouvaient dire !

            Ce n'est pas que j'aurais du mal à admettre que le privé est politique mais, comme je le dis dans l'article, je combats résolument cette tendance totalitaire qui est aussi celle de l'écologie (et des situationnistes avant, n'aboutissant qu'à une aliénation redoublée). Il est primordial de maintenir la séparation du politique et du privé même si le numérique participe à effacer celle entre public et privé. Il n'y a de science que du général.

            Je ne fais que tirer les conséquences d'une position matérialiste, incompatible effectivement avec l'idéalisme qui nous est naturel (et que j'ai partagé longtemps). Bien sûr, pour tous ceux qui croient que ce n'est qu'une question d'idéologie, de croyance, de représentations, de propagande, le matérialiste passe pour un social-traître mais vouloir faire de moi un macho est assez ridicule. La capacité de l'idéologie de transformer un ami en ennemi est vraiment effrayante. Cela ne m'empêchera pas de continuer à défendre les droits des femmes, comme je l'ai toujours fait sans me sentir obligé de me plier aux injonctions de telle ou telle féministe.

            Il n'y a pas qu'une seule forme de domination et il ne suffit pas d'être féministe pour renoncer à des positions dominantes dans l'entreprise ou la politique. Je ne suis certes pas docile et aurais sans doute pu être de la caste des dominants mais comme j'ai presque toujours refusé autant que j'ai pu, et sauf temporairement, les positions de pouvoir, il n'est vraiment pas crédible de prétendre que je pourrais, dans la situation où je suis, être dominateur envers quiconque sinon envers mes chats peut-être, et encore, mais là on n'est plus du tout dans l'argumentation, il ne s'agit que de disqualifier l'autre, une mise en cause ad hominem, et comme on sait bien qu'on ne peut jamais convaincre des militant(e)s persuadés de détenir la vérité, mieux vaut effectivement en rester là.

          • Geneviève Fraisse a écrit un livre sur ce sujet du domestique: "Les deux gouvernements : la famille et la cité, Folio Gallimard, 2000" dans lequel elle retrace le cheminement de la démocratisation de la famille. La loi des années 70 sur l'autorité parentale qui vient remplacer l'autorité paternelle prend acte d'un tournant important. Geneviève Fraisse est historienne, ce qui l'incite à un peu de distance avec le militantisme féministe. Elle sous-estime sans doute les causes matérielles et surestime sans doute le poids des luttes des féministes, mais elle reste dans un schéma qui ne cherche pas à gommer les différences entre hommes et femmes.
            Evelyne Sullerot qui a été à la base du planning familial et qui a beaucoup fait concrètement pour la condition féminine, a fini par être rejetée par les courants féministes parce qu'elle s'est penchée, de façon très sensible, tout aussi bien sur la condition des hommes et des enfants que sur celle des femmes.

          • Evelyne Sullerot semble regretter la libération sexuelle et ne voulait pas faire de l'avortement un droit, or je dis à l'inverse que l'important, c'est le droit pour la libération des femmes et non les normes qui effectivement se dissolvent, liberté qui n'est pas forcément un cadeau mais à laquelle il faut s'affronter.

            Geneviève Fraisse est intéressante (cela fait un moment que je ne l'ai pas entendue ni lue) mais pour elle "le privé est politique", ce que je conteste justement. Elle confond la séparation entre sphère domestique et sphère politique avec la relégation des femmes dans la sphère privée, ce qui n'est pas du tout la même chose. En fait, elle prend l'exclusion des femmes comme l'effet d'une politique inavouée alors que c'est culturel ce qui est tout autre chose. Par contre, la hiérarchie sexuelle et patriarcale s'appuyait sur des lois, qu'il a fallu changer. Le politique régentait bien le privé mais c'est justement ce qu'il faut supprimer.

            Il faudrait peut-être que je fasse un article sur cette question car moi aussi j'ai longtemps cru que tout était politique mais c'était quand j'avais une conception totalitaire de la politique (bien que libertaire). Dès lors que la politique ne s'identifie plus à la vérité ni à une volonté générale d'un peuple mythifié mais qu'elle n'est que le lieu des compromis et de la diversité, démocratie des minorités et de modes de vies multiples, il est bien évident que le privé ne doit plus être un enjeu politique. Il ne peut être question de rendre tous les hommes féministes (ceux qui résistent, parmi les musulmans par exemple ou les musulmanes puisqu'il faudrait changer les femmes aussi, on les mettrait en prison ? on leur ôterait leurs droits civiques ?). Par contre, on peut rendre toutes les lois féministes, effacer toutes les traces juridique de l'ancien patriarcat ce qui fera tomber en désuétude l'idéologie qui va avec. Ensuite, au niveau personnel, c'est l'affaire de chacun, personne n'étant plus forcé à rien et vouloir politiser ses amitiés, c'est comme vouloir imposer sa religion. Bien sûr on peut vouloir ne fréquenter que des co-religionnaires de même qu'on peut légitimement réclamer de ses amis un traitement égalitaire, pas besoin pour cela d'en faire une question politique, ce qui n'est dans ce cas que faire appel au surmoi social et une sorte de terrorisme intellectuel qui rompt la relation.

            C'est une question très importante mais en fait, il y a peu de monde qui pense que le privé est politique, il n'y a que quelques écologistes ou féministes qui s'imaginent que le sort du monde se joue dans leur intimité. Nous sommes heureusement dans une époque post-totalitaire même si beaucoup ont du mal à en faire leur deuil.

          • "au niveau personnel, c'est l'affaire de chacun, personne n'étant plus forcé à rien et vouloir politiser ses amitiés, c'est comme vouloir imposer sa religion."
            Bien d'accord, et on a tort quand on reproche à tel ou tel personnalité politique d'un bord d'entretenir des relations d'amitié avec telle autre personnalité d'un bord opposé.
            Il n'y a guère qu'avec des personnes calées sur des positions totalitaires que la discussion privée est impossible si on n'est pas du même bord, ce qui est logique.

            Oui, c'est une bonne idée d'article qui pourrait clarifier les idées.

            Pour Evelyne Sullerot, je ne défends pas toutes ses positions, mais j'ai beaucoup apprécié sa sensibilité qui lui a évité de se laisser enfermer dans le féminisme.

          • On a quand même plutôt besoin de féministes que de réactionnaires pour continuer à avancer même si c'est loin d'aller aussi vite qu'elles voudraient et que pas mal s'égarent dans de faux combats.

    • et aussi :
      "Anita Sarkeesian, influente vidéoblogueuse spécialiste de la représentation des femmes dans les jeux vidéo, a annulé la tenue d'une conférence ce mercredi à l'université de l'Utah après une menace de tuerie. « Les féministes ont gâché ma vie et j'aurai ma revanche, pour moi et pour ceux qu'elles ont lésés », a écrit un étudiant dans un courrier électronique adressé à plusieurs responsables du campus, rendu public par the Standard Examiner et promettant « la plus grande tuerie dans une école de l'histoire américaine ». "
      http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/10/15/une-feministe-americaine-annule-une-conference-apres-une-menace-d-attentat_4506512_4408996.html?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter

  9. Dans Pour la Science, il y a un article sur "les origines de la division sexuelle du travail" et un autre sur la monogamie.

    Sinon PMO s'attaque aux théories du genre et "aux tordus queers", devenant de plus en plus ouvertement réactionnaires au nom de la nature éternelle ! Ils confondent nature et norme (ils devraient lire "le normal et le pathologique") et au fond ne nient pas seulement l'évolution technique mais l'évolution biologique et humaine. Ceci dit, c'est absolument logique et confirme mon article car si le féminisme a des causes matérielles et technologiques, remettre en cause la technique est bien remettre en cause le féminisme (complice de la technique et du capitalisme par la destruction du patriarcat).

    http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=539

  10. Une marxiste des années quatre-vingt (Eleanor B. Leacock) prétendait qu'il n'y avait pas de domination masculine chez les chasseurs-cueilleurs, cette domination ne venant qu'avec l'échange succédant au partage alors que l'exclusion des femmes de la sphère publique serait liée à une éducation des enfants devenue privée et non plus communautaire.

    http://revueperiode.net/le-genre-dans-les-societes-egalitaires/

    C'est une bonne chose de montrer que le patriarcat n'est pas un fait de nature, qu'il y a des exceptions et de très grandes différences dans la place donnée aux femmes. C'en est une autre de prétendre que la domination masculine serait récente et que les sociétés originaires étaient égalitaires et pacifiques.

    Paradoxalement, il n'y a rien qui change plus que notre préhistoire, ce qui rend caducs des travaux de plus de 10 ans ! Alors, quand on prétend donner crédit à la belle histoire que nous raconte Engels dans "L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État", on sait au moins qu'on en un pleine idéologie...

    Le mythe du bon sauvage a vécu mais les recherches sur le nombre de victimes par meurtre chez les chasseurs-cueilleurs, bien supérieur aux sociétés civilisées, sont postérieures à ses travaux. Les tribus sont pris dans des guerres incessantes ou vendetta, les dettes de sang étant sans fin. Le dernier Pour la Science fait même l'hypothèse que cela aurait accéléré l'évolution humaine. Ces conflits mortels étaient liées aux armes létales des hommes, dès les premières pierres taillées. On a fini par comprendre que cela n'était pas du tout incompatible avec une plus grande coopération interne, un renforcement de l'attachement communautaire (contre l'ennemi) et une baisse de l'agressivité (de la testostérone) à mesure de la puissance des armes.

    http://jeanzin.fr/2014/11/01/revue-des-sciences-novembre-2014/#Science

    Plus spécifiquement sur les inégalités de genre, que des hommes auraient perçues à tort car ce ne seraient que des hommes, manque de bol, c'est Françoise Héritier qui soutient son universalité. D'autres le contestent (y compris Paul Jorion). Ce qui n'est pas contestable, c'est qu'il y a de grandes différences selon les cultures et qu'il peut y avoir des exceptions (plus les hommes restent longtemps éloignés de la maison et plus les femmes doivent récupérer de pouvoir). La question est de savoir s'il y a une inversion de hiérarchie entre le masculin et le féminin, ce qui ne semble pas être le cas et que confirme le texte de Eleanor B. Leacock qui confirme qu'il y a bien une division sexuelle du travail et une hiérarchie entre le travail de l'homme et celui des femmes.

    Un homme pouvait se rendre ridicule en faisant un travail habituellement fait par les femmes.

    Plutôt que vouloir fonder le féminisme sur une origine naturelle préservée de toute domination, il vaut mieux le justifier par l'évolution (du travail, des techniques, du monde, des esprits), une libération de la tradition et non le retour à un état originel. Le féminisme fait partie des forces les plus progressistes actuelles, ne pouvant qu'être tournées vers le futur et non un passé révolu.

  11. Inégalités hommes femmes au travail : tout s’explique par les enfants.
    http://www.internetactu.net/2014/11/06/productivite-nouveaux-capteurs-nouveaux-indicateurs/

    Les candidats les plus recherchés étaient les hommes avec enfants. Pourquoi ? Parce que dans les représentations des managers, ces hommes seront plus impliqués dans leur travail pour ne pas le perdre du fait de leurs responsabilités familiales. La catégorie la moins recherchée était au contraire les femmes avec enfants, parce que le sens commun veut qu’elles soient moins impliquées dans leur travail du fait de leurs obligations familiales.

  12. Le livre "Des femmes respectables", de la sociologue anglaise Beverley Skeggs sur les femmes qui travaillent dans le care a l'intérêt de remettre en cause le féminisme bourgeois (qui veut accéder aux postes de direction alors que les femmes du peuple détestent cet individualisme) ainsi que leur statut de victimes passives, en montrant que c'est l'accès à la respectabilité (la reconnaissance) qui est déterminant pour elles (et l'opérateur de la reproduction sociale et du patriarcat ?). Elles ne se sentent pas dominées par leurs hommes qu'elles trouvent faibles, ce qui ne les empêchent pas de respecter la division sexuelle des tâches de même que, je suppose, cela n'empêche pas leurs hommes d'être un peu machos. Le féminisme accusant de ne pas voir la domination masculine peut donc être lui-même accusé de ne pas voir la domination de classe.

    On retrouve ce que disait Lacan que pour le populaire, c'est la femme qui tient les cordons de la bourse mais c'est dans les classes supérieures qu'il y a une infériorisation de son rôle. Cependant, tout cela est variable, montrant simplement qu'il ne faut pas confondre les représentations sociales avec la réalité et qu'il y a toutes sortes de façons de s'arranger des stéréotypes sociaux mais qu'il ne s'agit pas en tout cas d'une classe masculine opprimant une classe féminine mais bien de culture partagée en évolution inexorable (très désynchronisée entre populations avancées et attardées).

  13. Très intéressant texte de Claude Meillassoux à la fois sur une interprétation matérialiste des mythes et la constitution de la domination masculine, déconstruisant même l'opposition de l'Homme et de la Femme. On est d'autant plus surpris que soudain, il fasse de la domination masculine une entreprise intentionnelle du mâle comme personnification de tous les hommes ! La valorisation du guerrier semble un choix de dominant et non la conséquence de la guerre avec ses voisins tout comme de l'évolution des armes. Tout-à-coup le matérialisme semble disparaître mais malgré le simplisme de la formule, son analyse colle au contraire aux conditions de reproduction. S'il maintient cette fiction de l'intentionnalité du mâle dominant, c'est de ne pas introduire la sélection après-coup par le résultat qui a éliminé matériellement les autres structures sociales, pas seulement par la guerre. Ce qui est intéressant, c'est bien plutôt comment l'ordre social et nos conditions matérielles d'existence comme de reproduction formatent nos représentations et convictions. Il ne suffit pas de souligner avec justesse que l'idéologie dominante est celle de la classe dominante car l'étonnant, c'est qu'on y croit (les femmes au moins autant que les hommes), que ce ne seraient pas des contes pour enfants...

    Tandis que le mythe et la légende émanent, semble-t-il, toujours des instances dominantes, le conte peut être aussi l’expression de classes infériorisées.

    Partant d’une critique matérialiste du structuralisme de Lévi-Strauss, l’anthropologue Claude Meillassoux proposait en 1979 une interprétation du mythe en tant qu’expression des rapports sociaux, comme un récit dont on ne saurait saisir le sens sans en restituer la fondamentale historicité. Centrant son analyse sur la genèse historique de la domination masculine, il montre le rôle central que revêt la reproduction sociale, en lien étroit avec la transformation des rapports de production, dans la fabrique des mythes. Il révèle par là même le concours apporté par les productions mythiques à « la grande entreprise historique du mâle » : l’assujettissement des femmes à son ordre et à ses normes.

    La grande entreprise historique de l’homme (mâle) a été de s’emparer des fonctions reproductrices des femmes en même temps que de contenir le pouvoir qu’elles en tirent. À cette fin, tout a été utilisé : la violence, la guerre, l’éducation, l’esclavage, la loi, l’idéologie, les mythes.

    http://revueperiode.net/la-grande-entreprise-historique-du-male-ou-de-lhistoricite-des-mythes/

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