Une brève histoire de l'avenir, Jacques Attali, Fayard, 2006
Voilà le genre de livre qu'on ne croyait plus possible à notre époque post-moderne, retour des grands récits mythiques qui prétendent éclairer l'avenir par un passé lu à travers le prisme déformant des enjeux idéologiques du moment, au prix de multiples anachronismes ou approximations. Bien sûr, Jacques Attali est habitué des hautes sphères. De cette hauteur, on ne s'embarrasse pas de petits détails ni de patientes vérifications, bien loin de Fernand Braudel dont il se réclame ! On peut trouver cela consternant mais c'est surtout le retour à une idéologie décomplexée, des belles histoires qu'on se raconte pour justifier l'ordre établi et notre démocratie de marché !
Ce n'est pas qu'il n'y ait beaucoup de bonnes choses, c'est le propre de l'idéologie de mêler le vrai et le faux pour recouvrir finalement la réalité d'un voile dogmatique qui cache autant qu'il peut éclairer, trop aveuglante vérité sans doute, entre fulgurances et jugements péremptoires, quand ce ne sont pas de simples erreurs, mais cette vision de l'avenir se veut bien trop la continuation d'un passé révolu et ne tient pas compte assez du complet bouleversement de toutes les règles depuis notre entrée dans l'ère de l'information...
Il y a sans doute là une nécessité anthropologique de recours au mythe pour donner sens à notre existence, unifier notre expérience commune, s'approprier notre histoire. Ce qu'il faut juger, ce n'est donc pas tant le roman historique qui nous tient en haleine que l'idéologie sous-jacente, idéologie qui est ici du même tonneau que celle de la prétendue "Fin de l'histoire" de Fukuyama, dont il se moque pourtant : la marche de la civilisation serait celle de la liberté, assimilée à celle des marchands et des nomades (alors que ceux qui construisent les civilisations sont les sédentaires et que tout a commencé par les premiers villages au Moyen orient). L'histoire aboutissant finalement à l'indépassable démocratie de marché ! C'est toute la thèse de ce livre, la naturalisation de la démocratie de marché comme notre incontournable destin, assimilant de plus le marché à la démocratie aussi bien qu'au capitalisme (Galbraith avait pourtant dénoncé fortement cette utilisation de l'expression "économie de marché" en lieu et place de capitalisme). C'est non seulement faire comme si notre situation présente était déjà là de toute éternité, mais c'est surtout un écran de fumée pour camoufler le fait qu'il s'agit déjà d'un modèle dépassé à l'ère de l'information et de la montée d'un post-libéralisme (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas conservation du marché dans son nécessaire dépassement).
Son pouvoir apparaît déjà familier, comme s'il avait depuis toujours été là. Tous les usurpateurs ont voulu faire oublier qu'ils viennent d'arriver. Guy Debord, Commentaires p25
La reconstruction du passé
Pour rendre cette histoire crédible, il suffit de faire le récit d'un point de vue exclusif, de vider l'histoire de toute autre détermination que l'ordre marchand, et de retrouver à des époques invraisemblables les préfigurations d'aujourd'hui. Bien sûr, l'idéologie touche au réel, exprime une expérience concrète, porte un réel pouvoir de conviction, perspective qui se découpe soudain sous une lumière rasante qui semble tout unifier et rencontre notre propre intérêt à le croire. C'est du même ordre que notre roman personnel qui nous fait interpréter toute notre vie comme une suite d'échecs lorsqu'on déprime et que plus rien ne vaut rien, alors qu'on se construit l'enfance d'un chef quand on savoure quelque succès ! Les choses sont beaucoup plus partagées et complexes dans la réalité.
Ce qui manque à ces grands récits, qu'on ne peut éviter sans doute (il faut donc construire les siens), c'est tout simplement la dialectique. Lorsque Hegel fait de l'histoire humaine l'histoire de la liberté comme conscience de soi, ce n'est pas tout-à-fait la même chose que d'en faire une banale idéologie libérale car cette liberté est contradictoire, dialectique, elle n'est pas donnée et doit se limiter elle-même dans le droit pour devenir liberté objective, c'est une construction historique provisoire et notre présent contient les germes de sa négation : l'anti-totalitarisme qui a trop justifié ce totalitarisme marchand aboutit logiquement à un anti-libéralisme conséquent pour défendre nos libertés justement et construire un "notre monde". Si personne ne peut aller au-delà de son temps, nous avons du moins à prendre parti sur ce qui nous parait désirable et non pas nous faire les spectateurs d'une histoire qui se ferait sans nous.
Impossible de passer en revue toutes les inexactitudes et les faits contestables donnés comme des évidences. Qu'on sache du moins que la tri-fonctionnalité (clergé, noblesse, tiers-état) spécifique aux indo-européens selon Dumezil est attribuée à tous les peuples de la Terre même les Chinois et que l'histoire des Hébreux prend sa source dans la Bible, histoire à laquelle plus aucun historien sérieux ne prête crédit (voir "La Bible dévoilée", passé récemment à la télé), jusqu'à prétendre que l'existence de Jésus serait attestée alors qu'il n'y en a aucune trace (qu'on lise "La guerre des Juifs" de Flavius Josèphe). Toutes les religions ne peuvent être vraies en même temps et celle là pas plus qu'une autre ! Bien sûr c'est très marginal (bien que cela participe à son caractère mythique, s'imaginant même Jérusalem comme dernière capitale de l'empire marchand!), mais, au fond, tous les faits sont marginaux, ce qui compte c'est de marcher à grands pas pour délimiter son territoire. Cette désinvolture n'est d'ailleurs pas sans quelques éclairs et nous offre un foisonnement d'aventures avec une vision élargie (macroscopique) de l'histoire humaine.
Les à-peu-près abondent. L'ouvrage dans son ensemble est scintillant, voire vertigineux de scintillance, mais il repose sur beaucoup de lieux communs non critiqués. (critique sur "automates intelligents")
II faut dire que le récit prend de l'épaisseur, et un peu plus de pertinence à parler de capitalisme, à partir du XIVème siècle. Il est intéressant par exemple de rappeler que l'imprimerie a favorisé le nationalisme, ou bien d'insister sur la pauvreté de l'Angleterre par rapport à la France et encore plus à la Hollande, au tout début de l'ère industrielle qui devait assurer sa domination au XIXème. Il est plus contestable, mais amusant, de faire l'hypothèse que la libération sexuelle viendrait des transistors, permettant aux jeunes d'écouter de la musique sans les parents ! C'est un peu trop du fast thinking, négligeant tant de facteurs. Curieusement, on ne parle pas du servage par exemple, qui ne rentrerait pas bien dans sa démonstration alors qu'il nous fait croire que c'est déjà le salariat qui se développerait en ces temps moyen-âgeux ! mais, le plus embêtant, c'est l'assimilation de la démocratie et de l'oligarchie, bien distingués pourtant par Aristote car la domination de la richesse et des marchands n'est pas celle du peuple et de la guerre. C'est la thèse principale du livre, thèse qu'il faudrait plus que nuancer...
Enfin, vouloir privilégier la mobilité en tout n'a aucun sens, surtout s'imaginer qu'on le sera "de plus en plus" sans limites (c'est le mauvais infini qui prolonge indéfiniment le présent). Il y a au contraire une dialectique entre ceux qui construisent et ceux qui colportent, il y a des contradictions de la liberté, des cycles (ainsi la mobilité et le risque ne sont favorisés qu'au début du cycle de Kondratieff pour passer ensuite à l'investissement puis la consolidation des acquis). La mobilité est bien nécessaire mais pas sans les institutions et l'inertie sociale, tout aussi indispensables à la reproduction quoiqu'en pense l'élite mondialisée. Il ne peut être question de nier l'importance de la mobilité, ni même qu'elle doit être favorisée. L'erreur n'est pas là et "le contraire de l'erreur n'est pas la vérité mais une erreur contraire". L'erreur c'est de ne voir qu'une face des choses, de garder un point de vue unilatéral !
"L'erreur n'est pas le contraire de la vérité. Elle est l'oubli de la vérité contraire", Pascal, IV.2.148
En dehors de cette thèse sur la démocratie de marché et de sa fascination pour la mobilité, les enseignements que Jacques Attali croit pouvoir tirer du passé sont largement inspirés de Fernand Braudel, les nuances en moins. La question qui se pose, c'est de savoir si tout cela garde un sens à l'heure du numérique, des réseaux mondialisés et de l'économie immatérielle à l'ère de l'information...
L'Histoire longue, on l'a vu, a obéi jusqu'ici à quelques règles simples ; depuis que la démocratie et le marché sont apparus, l'évolution va dans une direction unique : de siècle en siècle, elle généralise la liberté politique et canalise les désirs vers leur expression marchande. De siècle en siècle, l'ensemble des démocraties de marché se rassemble en un marché de plus en plus vaste et intégré, autour d'un "coeur" provisoire. Pour prendre le pouvoir sur le monde marchand, pour devenir le "coeur", une ville, ou une région, doit être le plus grand noeud de communication du moment et être dotée d'un très puissant arrière-pays agricole et industriel. Le "coeur" doit aussi être capable de créer des institutions bancaires assez audacieuses pour oser financer les projets d'une classe créative, mettant en oeuvre des technologies nouvelles, permettant de transformer le service le plus envahissant du moment en objet industriel. Le "coeur" doit enfin être capable de contrôler politiquement, socialement, culturellement et militairement les minorités hostiles, les lignes de communication et les sources de matières premières. p164
La construction de l'avenir
Rien de plus inutilement risqué que la prévision de l'avenir. Non seulement le risque de se tromper est grand mais il ne sert à rien d'avoir raison avant les autres ! C'est pourtant une nécessité de l'écologie, du long terme, du passage de l'histoire subie à l'histoire conçue. Ce n'est donc pas d'avoir tenté l'exercice qu'on peut reprocher à Jacques Attali, c'est même tout à son honneur. Hélas, sans une compréhension un peu précise des phénomènes on se contente la plupart du temps de prolonger les courbes actuelles, ce qui est d'assez peu d'intérêt. Il faudrait essayer d'intégrer des ruptures de seuil et des retournements dialectiques, même si c'est très difficile. Ainsi, on ne peut prédire une transparence devenue presque totale à l'ère de l'information sans noter que la dictature de la transparence entraînera inévitablement le règne du secret et de la dissimulation ! On est certes entré dans une société de contrôle et même d'auto-contrôle, il est donc possible que se multiplient des "surveilleurs", mais les téléphones mobiles suffiront sans doute à remplir cette fonction, et il devrait surgir aussi de multiples stratégies pour s'y soustraire. Que pourrait bien vouloir dire enfin des moeurs encore plus libres qu'aujourd'hui ? Serait-ce Sade : Français encore un effort pour être républicains ? Il est bien plus probable qu'on assiste à un certain reflux (limité espérons-le).
De même, le marché peut bien dominer aujourd'hui la terre entière comme le Nazisme en 1941, cela n'empêche pas un déclin prévisible du marché dans une économie numérique de la gratuité et qu'il a déjà perdu une grande part de sa légitimité. La description apocalyptique d'un libéralisme intégral digne de Gary Becker pour les prochaines années, et qui verrait la dissolution de l'Etat, la privatisation des armées, etc. semble bien peu probable alors que les réactions contre le libéralisme se font déjà de plus en plus fortes, même aux Etats-Unis. Enfin, le fait que le temps devienne la ressource rare est opportunément souligné mais sans en tirer toutes les conséquences car c'est aussi ce qui devrait limiter drastiquement toute croissance future de l'immatériel et remettre en cause un modèle de développement basé sur la croissance et qui n'est pas soutenable !
La simple projection des tendances actuelles est à la fois indispensable, pour en voir les limites, et dérisoire sur le long terme, car trop éloigné des cycles effectifs et des bouleversements historiques qui ne manqueront pas de se produire. Ainsi, au simple niveau technologique, parler d'atteindre la limite des batteries au lithium dans 20 ans est un peu ridicule alors qu'on disposera sans aucun doute bien avant de batteries d'un tout nouveau type beaucoup plus performantes (super condensateurs à base de nanotubes de carbone). De même, la fin de l'empire américain qu'il renvoie à 2025 pourrait se produire dans les prochaines années tant les signes avant-coureurs sont déjà bien présents (déficit commercial, crise immobilière, perte du monopole du dollar au profit de l'Euro, etc.). Il faudra peut-être tout ce temps mais, ce qu'il appelle l'hyperempire destiné à succéder à l'hyperpuissance américaine vers 2050, c'est tout simplement ce que Toni Négri théorisait dès l'an 2000 comme "Empire" dépourvu de centre et entièrement déterritorialisé. Comme dans toute science-fiction, c'est donc bien du présent le plus actuel dont on nous parle, beaucoup plus que d'un avenir lointain. La domination des assurances et du divertissement n'ira sans doute pas jusqu'aux extrémités qui sont décrites, pas plus que la paupérisation du prolétariat supposée par Marx dans son Manifeste, même si la société passe souvent d'un excès à l'excès inverse. On peut espérer que la réaction démocratique n'attendra pas 2050 pour se manifester alors qu'elle se fait déjà de plus en plus forte. De même que 1984 n'était pas tant notre avenir que la description romancée de l'URSS en 1948, de même 2050, c'est 2005 ! La charge critique est bien sûr salutaire même si elle est parfois un peu trop chargée, caricature nécessaire pour souligner le trait, l'absurdité d'un libéralisme qui nous prive de toute liberté et d'une vie de pacotille, hypernomade et vide. Ce n'est pas forcément notre avenir, mais c'est bien plutôt notre présent !
De même, la phase d'hyperconflits semble tellement plus proche, beaucoup plus que dans le livre, mais, si le risque nucléaire est certes plus grand que jamais, ce qui est très effrayant, les interdépendances devraient sans doute limiter les guerres à des conflits locaux. Certes, d'une façon ou d'une autre, il faut s'attendre au pire, on n'y échappera pas même s'il est de courte durée et devrait être suivi d'une forte réaction démocratique en effet. Le désaccord n'est pas là, ni même sur une simple question de dates, mais dans la signification même de notre existence humaine ! Au fond, on peut dire que Jacques Attali est tellement persuadé que la démocratie de marché est le dernier mot de l'histoire et qu'on n'y peut rien, qu'il lui faut une catastrophe apocalyptique au moins pour changer le cours du temps et créer le miracle d'une nouvelle humanité (une "transhumanité" à la hauteur de nos idéaux). On peut penser au contraire que les ferments du renouveau sont déjà présents partout et que le libéralisme a déjà fait son temps, l'écologie-politique reformulant complètement toutes les questions à l'ère de l'information et du développement humain... Ce n'est certes pas gagné d'avance, et il faudra peut-être une accumulation de catastrophes écologiques et nucléaires pour redresser la barre, en tout cas, il est certain qu'en rejetant ce renouveau démocratique à la fin du siècle, on se projette assez loin pour laisser libre cours à toutes les utopies... Seulement, l'utopie "hyperdémocratique" n'est pas plus réaliste que l'hyperempire à la Mad Max décrit précédemment. Les prévisions optimistes sont aussi fautives que les pessimistes avec un point de vue trop unilatéral et sans la moindre nuance, encore moins de dialectique ! Ce ne sera pourtant ni cet enfer, ni ce paradis !
Des acteurs d'avant-garde, que je nommerai les transhumains, animeront - animent déjà - des entreprises relationnelles où le profit ne sera plus qu'une contrainte, et non une finalité. p366
Elles développeront, pour le bien-être de chaque individu, des biens essentiels (le plus important sera le bon temps), et pour le bien-être de tous un bien commun (dont la dimension principale sera une intelligence collective). p367
Ce couronnement final de la démocratie pourrait laisser croire que le reste du livre serait donc une sorte de fable destinée à montrer les impasses de la "démocratie de marché" et le danger des tendances actuelles afin de prendre dès maintenant une autre orientation, altermondialiste et coopérative. Ce qui s'oppose pourtant à cette interprétation favorable, c'est d'une part la fresque historique précédente, qui semble ne laisser aucune alternative à cette marchandisation du monde, mais surtout la stratégie défendue à la fin pour la France et qui est loin de s'y opposer frontalement puisqu'elle voudrait, par exemple, valoriser l'enrichissement personnel, baisser la taxation du capital et hâter l'adaptation de la France et de l'Europe à ce monde marchand qui va à sa perte ! C'est bien plutôt l'hyperdémocratie qui est considérée comme une utopie inaccessible même si elle représente la seule chance de survie de l'humanité ! On a l'impression d'une grande schizophrénie entre un idéal rejeté dans un au-delà lointain et notre dure réalité que la raison doit accepter comme notre horizon indépassable. Le chapitre sur l'hyperdémocratie, dont la charge est certes fortement critique et souvent assez juste, ne semble finalement guère plus qu'un acte de foi, pour "sauver son âme" contre la mort qui gagne.
C'est le point sur lequel on peut s'accorder, ce monde n'est pas vivable, foulant aux pieds toutes les valeurs humaines. Mais notre désaccord portera non seulement sur la durée de cette fuite en avant mais plus encore sur la nécessité de construire l'alternative dès maintenant. Certes, l'histoire pourrait bien lui donner raison, ne laissant aucune chance au renouveau démocratique avant la fin du siècle, mais nous ne sommes pas spectateurs et notre responsabilité est de hâter le pas. Non seulement les germes de l'avenir sont déjà présents mais ils condamnent la perspective d'un capitalisme financier qui n'est pas durable. Ce serait la pire contre-vérité de prétendre que ces idées généreuses auront leur temps mais bien plus tard, comme le communisme devait succéder au capitalisme triomphant ainsi qu'à une dictature du prolétariat impitoyable, alors que tout a changé déjà, le développement de la précarité manifeste à quel point les nouvelles forces productives de l'économie immatérielle sont entrées douloureusement en contradiction avec les institutions salariales comme le productivisme capitaliste entre en contradiction avec les contraintes écologiques, exigeant dès maintenant de nouveaux rapports sociaux ainsi qu'une révolution dans l'organisation de la production. L'avenir est là qui nous attend, il n'y a rien à attendre, pas de temps à perdre !
L'histoire n'est pas un déroulement linéaire, la fin n'en est pas donnée ni la vérité de ce que nous sommes, même si cette vérité devra bien intégrer tout ce qui nous a précédé : le libéralisme, certes, mais sans oublier le communisme, ni même le fascisme sans doute pas plus que l'anarchisme... Le dernier mot, le paradis terrestre, n'est pas pour demain, cette hyperdémocratie sans négatif comme il ne peut y avoir mieux et qui n'est pas à portée de main, c'est le moins qu'on puisse dire, bulle de savon plutôt de toutes les propagandes idéologiques, de même que l'homme nouveau est l'appel de toutes les tyrannies si ce n'est de purifications ethniques ou religieuses... Le nécessaire sursaut citoyen n'est pas un sursaut moral surhumain, transhumain, extra-terrestre, dirigé contre notre propre nature égoïste, vaniteuse et prête à vendre père et mère ! Ce n'est pas la lutte du bien contre le mal, où le bien est bien mal armé. Les choses sont plus simples : tout a changé autour de nous et c'est à nous maintenant de changer, oscillant comme toujours entre un excès d'idéal et un excès de réalisme cynique. L'avènement de la gratuité ne sera pas le fruit de nos vertus, non, mais la conséquence de la reproduction numérique, à coût presque nul, et de notre mise en réseau planétaire.
Non, il n'est pas question de sacrifier à la fausse morale marchande de l'intérêt privé, au dogmatisme égoïste du libéralisme, à la marchandisation du monde. Pas question de prétendre inciter les gens à s'enrichir par leur travail, comme si c'était le travail qui enrichissait ! Ces valeurs déjà ringardes sont bien dépassées à l'ère de l'information, du travail collaboratif et du développement humain. Vouloir être riche est tout simplement ringard. Vouloir réaliser quelque chose, oui, entreprendre, réussir, monter sa petite affaire même, mais s'enrichir ? Quoi de plus nul ? Les valeurs marchandes ont toujours été méprisées par les hommes libres et refoulées des relations familiales. Elles ont eu leur part, leur temps, celui des vedettes d'un jour, elles ont eu leur rôle historique aussi dans le développement des forces productives et dans l'uniification du monde, place maintenant, comme avec les logiciels libres, au talent et au véritable mérite, un peu plus au moins, c'est une question de survie ! Peut-être pas tout de suite, peut-être pas demain. Il faudra peut-être attendre bien des désastres, mais ce qui commence déjà n'est pas un monde tout de lumière où tout sera facile, c'est juste un pas de plus vers notre humanité, la correction de nos erreurs précédentes et l'adaptation aux réalités nouvelles, avec tout autant de ratés, tout autant de bons côtés.
La seule question qui se pose est celle de notre capacité à prendre notre avenir en main, de la constitution d'une conscience collective, de notre volonté de vivre ensemble. Les enjeux d'aujourd'hui sont déjà ceux de l'écologie, de la relocalisation de l'économie, du développement humain (pas de l'hyperclasse hypernomade hyperconne) et, finalement, de la si difficile construction de l'intelligence collective. Ce n'est pas gagné mais voilà comment je concluais déjà en 2001, un compte-rendu du livre de Thierry Gaudin, 2100, récit du prochain siècle, 1990 : "Au-delà des nouveaux matériaux, de la conquête des océans, de l'énergie solaire et autres merveilles c'est bien l'éducation, notre capacité cognitive collective qui apparaît comme l'enjeu de ce siècle, inversant toutes les valeurs, renforçant l'individuation (pas l'individualisme), l'autonomie, l'intériorisation en même temps que la conscience universelle et les valeurs féminines".
vous avez bien du courage de vous attaquer au cas de ce pauvre attali. quelle grosse merde son bouquin ! mais ce qui est le plus pathétique c'est de le voir debouler sur les plateaux de télévision pour nous faire sonnuméro de prophète à 2 balles... il me semble aussi qu'il avait participé au club des 10 avec jacques robin . est-ce pour cela que vous le lisez , ou sa position centrale dans le capitalisme français suffit t'elle à attirer votre attention ?
c'est drôle car mis à part le cas très caricaturale d'attali, je n'ai pas le sentiment qu'il y ai une tendance lourde au retour des grands récits . j"aurait même plus tendance à être persuadé du contraire, ce qui rend la caricature attali encore plus drôle évidement...
amitiés
ps je me demande si votre site ne rencontre pas un pb : les caractère sont en très gros , ce qui rend la lecture assez difficil et la mise est différente .
Jacques Attali a effectivement fait partie du groupe des dix (avec Jacques Robin, Henri Laborit, Edgar Morin, René Passet, Joël de Rosnay, Michel Rocard, Henri Atlan, etc.) et c'est Jacques Robin qui m'a donné le livre pour que j'en fasse un compte-rendu. Le succès rencontré par ce livre justifie d'en tenter une analyse. A vrai dire, je ne crois pas que les grands récits se soient jamais arrêtés, c'est plutôt qu'il y en a plusieurs mais ces grandes fresques sont légions, pas seulement Attali ou Fukuyama, on pourrait citer Hans Jonas, David S. Landes, mais il y a pléthore. La nouveauté c'est la rencontre du public.
Pour les caractères, cela doit être dû à la police de caractère par défaut du navigateur. La présentation actuelle est proportionnelle à la taille définie par l'utilisateur mais elle a été faite pour une police de 16 pixels, ce qui est la valeur par défaut de la plupart des navigateurs actuels.
Je suis persuadé que s'il se trouvait quelqu'un capable prévoir l'avenir à moyen terme, ses écrits seraient jugés tellement peu vendables (pas assez originaux, trop confus et par moment complétement stupides) pour qu'il trouve seulement un éditeur!