Un revenu de base compétitif

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L'augmentation du chômage n'est pas dû à notre soudain décrochage du niveau d'excellence qui était le nôtre mais plus prosaïquement aux restrictions budgétaires imposées par une crise financière qui touche tous les pays développés et devrait s'achever (mais quand ?) dans un retour de l'inflation qui rendra plus facile les ajustements des salaires comme la résorption de la dette.

En attendant, on ne peut nier que les Allemands nous soient passés devant ces dernières années, depuis les lois Hartz du chancelier Schröder de triste mémoire. Il faut voir ce que c'est, par un prétendu socialiste pressé de s'en mettre plein les poches ! Le principe dit de responsabilisation, consiste à condamner les plus faibles à une pauvreté effectivement en hausse sensible dans ce pays qui s'enrichit sur leur dos. Cette dénégation des sciences sociales, qui prétend rendre les individus responsables de leur sort et de la situation macroéconomique, a du moins l'avantage de faire des économies sur les droits sociaux et soulager les riches écrasés par les impôts ! En plus de culpabiliser les pauvres, ils n'ont vraiment pas honte de les condamner par dessus le marché aux travaux forcés, au travail gratuit pour mériter leurs maigres allocations, et tout cela, pour leur bien évidemment. Le travail rend libre, on vous le dit, c'est ancré dans les gènes sans doute ! Il y a, en tout cas, de vrais salauds. Comme ce ministre britannique menaçant de couper les vivres aux chômeurs qui ne cherchent pas assez de travail alors que le chômage augmente à cause de sa politique budgétaire et s'il n'y a pas de travail, où voulez vous en chercher ? Quand il s'agit de taper sur les pauvres, ont trouve toujours des arguments moraux (ici aussi, bien sûr, on a des raclures comme le ridicule Wauquiez qui pense qu'on n'a plus les moyens d'assurer une vie décente aux plus pauvres tellement la France s'est appauvrie!).

Ce débat se focalise actuellement sur le gain de compétitivité procuré par la diminution des prestations sociales et des salaires. Si la France, qui a déjà une des meilleures compétitivités, doit encore l'améliorer, c'est surtout par rapport à son principal concurrent de la zone Euro (pas seulement par rapport aux pays à bas salaire), par rapport à son dumping social, et cela, sans pouvoir utiliser la dévaluation, donc. Evidemment, une solution idéale serait de faire preuve de tant de dynamisme et d'innovation qu'on n'ait pas besoin de réduire les coûts mais il ne faut pas trop rêver. On n'est pas les seuls dans la course et, en attendant, la précarité gagne de plus en plus, ça c'est sûr. Que font les pays du sud pour s'aligner ? Ils baissent les salaires, solution intolérable mais qui nous pend au nez. Plutôt que dénier le problème vainement, il vaudrait sans doute mieux en prendre acte et en tirer les conséquences. Or, la seule façon de rendre acceptable ces baisses de salaire, ce serait de les compenser par une allocation universelle. Solution que les syndicalistes ont en horreur mais qui pourrait s'avérer très efficace et jouer un bon tour à nos concurrents principaux s'acharnant sur leurs pauvres.

C'est sans aucun doute parler pour ne rien dire car il y a bien peu de chance que ce genre de proposition trop audacieuse soit reprise mais elle m'apparaît pourtant comme imposée par la situation. Ce n'est, en effet, pas du tout ce que je défends d'habitude, un revenu suffisant permettant au contraire de pousser les salaires à la hausse, revenu de résistance, mais là, on parle de baisser les salaires. On peut trouver lamentable qu'on refasse les mêmes erreurs que le chancelier Brüning en 1930, la république de Weimar ayant baissé les salaires de 20% avec les résultats qu'on sait. Cela ne doit pas empêcher d'exiger une compensation pour ces baisses imposées. Ce serait au moins une façon d'introduire le revenu de base dans le débat, ne pouvant espérer qu'on obtienne d'un seul coup le revenu garanti idéal.

Je connais bien les objections que peuvent y faire ceux qui se croient tellement plus radicaux. Certes, on ferait ainsi un cadeau aux capitalistes, mais pourquoi pas si cela faisait vraiment baisser le chômage ? Et plutôt que de s'acharner sur les capitalistes tout en voulant qu'ils nous embauchent, mieux vaudrait pouvoir s'en passer et devenir des travailleurs autonomes, ce que permettrait justement le revenu de base s'il était suffisant. Alors, ce cadeau aux patrons nous permettrait de nous passer de patrons ! Il faudrait aussi pour cela des structures comme les coopératives municipales que je défends pour donner les moyens du travail autonome, mais un revenu de base étant essentiel, ce serait une première étape.

La supposée compétitivité ne se limite pas au montant des salaires mais revendique aussi une plus grande flexibilité qui reporte sur le salarié, devenu variable d'ajustement, les aléas de l'entreprise. Il est certain que l'entreprise y gagne en souplesse mais cela ne peut être acceptable que si l'on obtient en contrepartie un revenu garanti. Cette fois, ce n'est plus un revenu de base mais plutôt une sorte de lissage du revenu devant assurer une sécurité du revenu à défaut d'une "sécurité professionnelle" inaccessible.

La question du droit au revenu pourrait croiser ainsi pauvreté et compétitivité. Rien ne sert, sans doute, d'imaginer une telle éventualité, on ne peut prêter une telle audace à ce gouvernement qui croit que la crise est déjà passée mais voilà bien pourtant ce qui serait un véritable progrès moral à notre portée, qui est aussi progrès de l'information : d'avoir la pauvreté sous les yeux devrait nous la rendre odieuse. La barbarie menace toujours, dans laquelle nous pouvons encore tomber mais dont jusqu'ici, nous avons toujours fini par triompher.

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22 réflexions au sujet de “Un revenu de base compétitif”

  1. Comme d'habitude votre pertinence n'a d'égal que votre "ramage" un peu d'humour ! pardonnez mon incompétence et ma naïveté mais pourquoi les syndicats sont-ils opposés à l'allocation universelle?
    Quand aux gens de "gauche" il me semble qu'ils n'accepterons jamais de faire un cadeau aux patrons même si cela permet de s'en passer plus tard! pour eux c'est viscéral,on réfléchit après!
    La répétition des erreurs de 1930,n'est-elle pas l'éternel retour Nietzschéen!
    La crise n'existe pas de fait elle est inventé par les financiers pour pouvoir spéculer sur les marchés! Etienne Chouard et d'autres l'expliquent clairement,c'est une escroquerie absolue,elle a déjà été employée!
    L'éternel choix entre l'inflation ou le chômage est-il incontournable?Arbeit macht Frei! que de vilains souvenirs!! Wauquiez n'est pas à citer il est débile!
    Vos solutions municipales et autres resteront utopiques tant que le pouvoir s'exercera comme actuellement par le mensonge dont parlait Jean-François Revel, ainsi que par la force des Mafias diverses, financières,politiques,industrielles,sans évoquer l'intoxication idéologique qui varie du domaine politique au domaine religieux,en passant par la Lorraine!(humour)
    l'incroyable complexité des systèmes mis en place et leur interactivité est une astuce comme la mondialisation,pour empêcher toute émergence d'une "solution" simple ou ne serait-ce qu'un peu moins perverse que la situation actuelle qui de fait permet dans cette confusion à toutes les variantes de salopards de tirer les épingles du jeu,politiques financiers, et même intellectuels! hélas! (B H L ),le temps des révolutions est révolu! pour les autres solutions elles sont inefficaces face à la brutalité des moyens employés par les adversaires,guerres,crises sociales violentes,etc......le miracle Gandhi fait parti de l'histoire passée! il ne reste que l'apocalypse au sens Grec (apo:lever,calypto: le voile) en espérant que les lendemains chanteront!
    Pardon pour ce bavardage!

    • Impossible de répondre à tout. Les syndicats sont contre l'allocation universelle car ils sont pour l'augmentation des salaires et qu'ils croient qu'il suffit de dire que les charges sociales sont des cotisations sociales pour que leur montant n'ait plus d'importance. De toutes façons, leur schizophrénie depuis qu'ils ne veulent plus l'abolition du salariat, c'est d'être les acteurs du capitalisme salarial tout en faisant comme si le capitalisme était leur ennemi.

      Evidemment, on ne va pas demander la permission aux gens de gauche de baisser les salaires, on le fera malgré leurs protestations comme en Grèce ou au Portugal. Demander à ce moment là un revenu complémentaire leur paraîtra moins impensable.

      S'il y a des cycles, c'est que les mêmes causes ont les mêmes effets, pas à l'identique quand même, ce qui est très différent d'un éternel retour ne connaissant pas l'histoire.

      Il est complètement débile de prétendre que la crise serait inventée, c'est pire que les théories du complot, de la véritable magie. Toute inventée qu'elle soit la crise de 1929 aura bien des conséquences funestes.

      Le lien entre l'inflation et le chômage est bien connu, notamment avec le NAIRU, mais c'est une caractéristique du capitalisme salarial. Si on arrivait au travail autonome avec un revenu garanti, une inflation insuffisante se traduirait par une baisse des revenus mais pas par du chômage ni un effondrement de la demande qui engage une boucle négative. Il y a toujours eu des cycles mais le capitalisme et la spéculation les amplifient.

      Il n'y a pas de solution simple, encore moins définitive. J'ai parfaitement conscience que ce que je dis est inaudible, c'est peut-être pour un futur indéterminé mais pour l'instant, c'est un texte inutile, juste une façon de penser tout haut.

  2. "une crise financière qui touche tous les pays développés et devrait s'achever (mais quand ?) dans un retour de l'inflation qui rendra plus facile les ajustements des salaires comme la résorption de la dette."
    Il va être temps de "laver les tablettes", comme le dirait l'excellent David Graeber que vous avez cité il y a peu. Une bonne citation, c'est comme un tube, on aime y retourner!: je le cite, ça se passe en Mésopotamie vers 3200 avant JC:

    "...Les marchands, les administrateurs du temple et d’autres nantis ont ainsi pu développer les prêts à la consommation aux agriculteurs qui, en cas de mauvaises récoltes, tombaient dans le piège de la dette. Ce fut le grand mal social de l’Antiquité – les familles commençaient avec la mise en gage de leurs troupeaux, de leurs champs et, avant longtemps, leurs épouses et leurs enfants seraient enlevés pour devenir des « serfs pour dette ». Souvent, les gens abandonnaient totalement les villes pour rejoindre des bandes semi-nomades, menaçant de revenir en force et de renverser l’ordre social existant. Les gouvernants concluaient alors systématiquement que la seule façon d’éviter la rupture sociale complète était de déclarer un « lavage des tablettes », celles sur lesquelles les dettes des consommateurs étaient inscrites, annulant celles-ci pour repartir de zéro. En fait, le premier mot que nous ayons pour « liberté » dans n’importe quelle langue humaine est l’amargi sumérien, qui signifie libéré de la dette et, par extension, la liberté en général, le sens littéral étant « retour à la mère » dans la mesure où, une fois les dettes annulées, tous les esclaves de la dette pouvaient rentrer chez eux."

    Mais je note que ce lavage des tablettes n'intervenait que quand l'ordre social était clairement menacé, en est-on là?

    • Oui, je me dis même qu'il faudrait que je mette cette citation et pas seulement la recommandation dans le commentaire d'avant l'histoire. Cela m'avait impressionné, éclairant notre présent par ces permanences.

      Le jubilé juif avait tenté d'institutionnaliser la remise des dettes qui est tombée en désuétude mais il est vrai que les mobilisations populaires sont un régulateur essentiel des cycles économiques. Pour l'instant, il y a de quoi être déçu. Je l'attribue pour ma part à l'archaïsme des gauches, à leurs idéologies dépassées et leur inadaptation à l'ère du numérique. Il ne suffit pas de se mobiliser, il faut avoir un débouché, ce que prétendent beaucoup mais que la plupart jugent faux. Normalement la pression des faits doit amener aux solutions qui s'imposent mais le temps peut être long avant qu'on s'y décide, entre 10 et 15 ans semble une moyenne. Je crois que si le dollar s'effondre, ce qui devrait déjà être le cas, on aurait une accélération et un complet changement de point de vue. En attendant, il est un peu frustrant de ne pouvoir rien faire.

  3. Il faudrait tout de même aussi regarder les problèmes spécifiquement français, par rapport aux pays voisins, dont peu parlent, c'est le dialogue social archaïque dans les entreprises, le management tout aussi rétrograde autoritariste et tatillon, ergotant sur le moindre détail, entrainant des ambiances et donc des collaborations extrêmement conflictuelles et démotivantes pour travailler et être créatif.

    C'est aussi le coût de l'immobilier francais pas du tout régulé qui plombe le pouvoir d'achat des bas revenus et donc l'économie.

    • Ces faiblesses sont incontestables mais ce n'est pas ce que mettent en avant ni les Français, ni les Allemands, seulement les questions de salaire et de flexibilité.

      Il est un fait qu'avant les lois Hartz, l'Allemagne était en perte de vitesse par rapport à la France malgré tous nos défauts.

      • L'Allemagne a dû aussi assumer des coûts lors de la réunification. La situation économique de l'Allemagne de l'Est n'était pas très reluisante et elle est toujours à la traine 20 ans après. Les médecins de Potsdam n'ont que depuis très récemment des salaires équivalents à ceux de l'Ouest.

        Imaginons que la Grèce devienne française...

        Ceci dit, si tout le monde se met à compresser le pouvoir d'achat, plus significatif que le salaire pour faire des comparaisons, c'est la récession.

  4. Comme d'habitude sur ce site, j'apprécie beaucoup cet article mais je ne vais pas passer mon temps aux compliments et je vais tenter de critiquer l'article même si j'admets ne pas atteindre encore une même profondeur d'analyse. Le but de ce commentaire est de tenter d'apporter un éclairage sur le lien entre le revenu de base et le progrès technique. Il serait intéressant ensuite de confronter les arguments des économistes et des entrepreneurs américains (andrew mcafee, erik brynjolfsson, martin ford, paul krugman,...) avec les théoriciens européens appartenant à l'école de robert kurz et de la théorie critique de la valeur (http://palim-psao.over-blog.fr/). De la même manière qu'il serait intéressant de relier le progrès technique et le revenu de base à l'écologie, à la démocratie liquide et au phénomène d'obsolescence programmée qui ne me semble pas négligeable. Vous êtes d'ailleurs un des rares à articuler des synthèses assez similaires malheureusement encore peu relayées.

    Vous notez dans votre dernier paragraphe que "la question du droit au revenu pourrait croiser ainsi pauvreté et compétitivité". Je vous rejoins là-dessus puisque j'ai toujours pensé qu'il fallait sortir des combats idéologiques stériles opposant le libéralisme et le socialisme. Je pense en effet que le revenu de base permettrait d'allier le meilleur du libéralisme et le meilleur du socialisme.

    Je pense toutefois qu'en dépit de votre intérêt pour la science, vous sous-estimez encore le rôle des progrès techniques actuels et de leurs rôles dans la crise. Je pense que nous sommes devant une situation de biais générationnels dans le sens où une personne relativement jeune comme moi tend à être trop optimiste devant ce phénomène et une personne plus agée comme vous tend à être trop pessimiste après les déceptions des attentes de l'intelligence artificielle dans les années 60/70.

    Un article de Erik Brynjolfsson résume assez bien ce découplage entre la productivité et l'emploi: http://www.nytimes.com/2012/12/12/opinion/global/jobs-productivity-and-the-great-decoupling.html?smid=tw-share

    Un article de Paul Krugman pose ici le débat de manière relativement claire et concise: http://krugman.blogs.nytimes.com/2012/12/10/technology-and-wages-the-analytics-wonkish/

    Enfin la conversation entre Andrew Mcafee, John Markoff et Rodney Brook est eslle aussi assez symptomatique de ce débat:
    http://techonomy.com/2012/11/wheres-my-robot/

    J'ajoute aussi à ces liens celui du site de référence sur la question:
    http://raceagainstthemachine.com/authors/

    Je me permets aussi d'ajouter une petite réflexion personnelle à ce sujet. Jespère que ces réflexions présenteront quelques aspects intéressants même si j'ai conscience qu'elles enfoncent beaucoup de portes ouvertes.

    Durant son dernier passage sur le plateau de l'émission "Ce soir ou jamais" de Frédéric Taddéi, Paul Jorion a déclaré, de mémoire, "les gains de productivité augmentent, les travailleurs sont remplacés par des robots et des logiciels, donc il y a de plus en plus de richesses et de moins en moins de travailleurs et par conséquent il y a de plus en plus d'inégalités et de chômage" (je résume ici très approximativement l'intervention). Je suis aussi de cet avis qui me semble rare et il me semble que cette analyse a le mérite d'éclairer de nombreux rapports entre productivité, augmentation des inégalités, obsolescence programmée, criminalité, pathologies médicales, et à mon avis la plupart des problèmes socio-économiques actuels que la richesse non distribuée du progrès technologique amplifie. Des économistes du MIT tels que Andrew McAfee et Erik Brynjolfsson réalisent en ce moment des recherchent très intéressantes à ce sujet et la localisation de ces deux économistes au MIT ( université à la pointe en terme de science et d'intelligence artificielle) a très probablement participé à leur prise de conscience des changements technologiques actuels et futurs provoqués par l'intelligence artificielle. Le graphe ci-dessous de Andrew McAfee montre très bien cette tendance de croissance de la productivité et du GDP en parallèle avec une baisse de l'emploi:

    En effet, les dernières applications en intelligence artificielle (google cars et IBM watson) ont été stupéfiantes et les investissements actuels en intelligence artificielle au niveau de la Silicon Valley (Peter Thiel, Jeff Hawkins, Ray Kurzweil, Pete Norvig de Google,...) sont d'un niveau très élevé. Il me semble que les gens ne se rendent pas compte de ce phénomène pour quatre raisons:
    - Ils pensent qu'il y aura toujours d'autres métiers. C'est l'argument principale avancé contre cette thèse qui fait l'erreur de prendre pour une loi fondamentale de la nature, pour un axiome mathématique, ce qui n'est qu'une vérité historique. Si jusqu'à présent, les gains de productivité ont toujours créé autant ou plus de travail qu'ils n'en ont détruit, qu'est-ce qui nous garantie que cela sera toujours le cas? Ainsi, si au XIXeme siècle il était facile pour un agriculteur de devenir ouvrier en quelques semaines, les choses ne seront-elles pas différentes au XXIème siècle?C'est la question centrale que des économiste comme Andrew McAfee, Erik Brynjolfsson et Martin Ford étudient. Ainsi, si 'intelligence artificielle réalise des fonctions de plus en plus complexes alors un avocat remplacé dans son métier (ce sont des cas réels et non hypothétiques d'avocats remplacés par des logiciels) ne pourra pas devenir ingénieur ou docteur pour occuper un autre poste rapidement en quelques semaines ou en quelques mois. Aussi, l'argument selon lequel une automatisation crée plus d'emplois qu'elle n'en détruit, n'est-il pas fallacieux dans le sens où le but de l'automatisation est justement de remplacer la main d'oeuvre humaine par la machine? On en revient alors à l'argument selon lequel les gens dont l'emploi a été automatisé exerceront une autre activité. Oui mais si l'ensemble des tâches humaines remplaçables par l'ordinateur diminue, il sera de plus en plus difficile pour ces personnes de trouver un autre emploi. Cette montée du niveau d'expertise de la machine sera intéressante puisque se posera alors la question de ce qui reste à l'être humain et donc de l'essence de l'être humain, à savoir la sensibilité et la créativité plus difficilement remplaçables à moins que la machine ne développe cette sensibilité et ne devienne finalement elle-même un être humain.
    - La seconde raison est que des prédictions ont été réalisé dans l'intelligence artificielle depuis plusieurs décennies et ont été déçues. Les gens pensent donc que cela n'arrivera pas. Là encore, outre qu'il s'agit comme dans le cas précédent d'une vérité historique vérifiée seulement sur une période donnée, cet état de fait est aujourd'hui contredit. Il ne s'agit pas cette fois en effet de prédictions mais de faits. Les voitures google sont mises au point et ont déjà parcouru des centaines de milliers de kilomètres. Il ne s'agit plus que de problématiques de législations à mettre en place. De la même manière la technologie IBM watson est déjà appliquée dans plusieurs domaines ( remplacement de la lecture de dossiers dans les cabinets d'avocats, bientôt aide au diagnostique médical,...) ainsi que d'autres technologies dont le HFT en finance.
    - Des phénomènes participent encore à ralentir ce développement technologique. Ainsi l'obsolescence programmée crée une production inutile et donc "fictive" et par conséquent des emplois "fictifs" (par exemple lorsque vous êtes obligé d'acheter cinq machines à laver en vingt ans au lieu d'une seule et à ce rythme, nous risquons dans vingt ans d'acheter des machines à laver mensuelles que les gens s'arracheront pour leur designs). Ce phénomène absurde contribue à diminuer le taux de chômage et à retarder le changement de modèle économique pour améliorer les dividendes des actionnaires à un coût écologique et humain insupportable. De la même manière, l'existence d'une main d'oeuvre à bas coût dans les pays émergents a ralenti très provisoirement l'automatisation. Les incitations à l'automatisation viennent en effet de la hausse des salaires et c'était ainsi l'esclavage de l'Antiquité qui expliquait en grande partie l'écart entre le niveau scientifique durant l'Antiquité et son niveau technique. Lorsque la bulle de la main d'oeuvre bon marché explosera, les incitations à l'automatisation vont elles aussi se développer.
    - L'idéologie du travail selon laquelle l'homme vit pour travailler empêche les gens de se poser ces questions. cette idéologie est entretenue par la peur et la honte de l'exclusion ainsi que par une pression incitant à faire partie des gagnants. Si le travail ennoblie lorsqu'il sert la communauté, on peut se poser la question du travail pour le travail et s'il n'est pas absurde de travailler trois fois plus pour consommer des biens programmés pour s'autodétruire trois fois plus vite et pour enrichir les actionnaires de ces entreprises. Le travail de André Gorz sur la question est passionnant, notamment lorsqu'il rappelle les 200 jours par an de congé au Moyen-Age avec des journées de six heures ou lorsqu'il évoque l'approche du travail avant le XXème siècle.

    A cela s'ajoute qu'aux délocalisations d'usines vont succéder dès les années 20 des délocalisations massives de fonctions de service à haute valeur ajoutée en Asie. Après l'agriculture et l'industrie, le secteur des service va employer de moins en moins de monde aussi. Cette délocalisation ne va t'elle pas, comme dans le secteur secondaire, freiner l'automatisation des services pour un temps avant de l'accélérer avec la hausse des salaires dans ces pays et l'augmentation de la taille du marché du travail?

    Pour résumer, la principale question est de savoir si, en augmentant le niveau de complexité des tâches pratiquées par les machines (robots ou logiciels), on arrivera pas à un point à partir duquel l'automatisation (en robotique mais surtout en intelligence artificielle) supprimera plus d'emplois qu'elle n'en créera. L'économiste Martin Ford qui travaille à la Silicon Valley affirme que c'est le cas. Les économistes Andrew McAfee et Erik Brynjolsson étudient la question mais n'ont pas encore tranché.
    J'aimerais ajouter pour conclure ma conviction que les réflexions économiques, qu'elles qu'elles soient, doivent se faire en parallèle de réflexions sur la mise en place d'une création monétaire publique ainsi que sur la mise en place d'une réelle démocratie, c'est à dire d'une une démocratie non parlementaire dans le sens des réflexions de Etienne Chouard.

    Voici quelques liens à ce sujet pour ceux que ce sujet intéresse:

    Le livre de Martin Ford disponible en intégralité:
    http://www.thelightsinthetunnel.com/LIGHTSTUNNEL.PDF
    Le site des économistes du MIT mis à jour quotidiennement avec des blogs, des comptes twitters,...:
    http://www.thelightsinthetunnel.com/LIGHTSTUNNEL.PDF
    Le reportage concernant l'obsolescence programmée:
    http://www.youtube.com/watch?v=0VwCPQ7iLwc
    Le reportage concernant le revenu de base:
    http://www.youtube.com/watch?v=-cwdVDcm-Z0

    En complément à cette question, il faudrait savoir quelles sont les réponses à apporter si cette problématique se confirme dans les années à venir. La solution la plus appropriée me semble être celle du revenu de base pour les différentes raisons suivantes. Je serais très intéressé par vos commentaires au sujet des points suivants ainsi que par vos idées concernant l'ajout de nouveaux points.

    Le revenu de base peut être appliqué de manière indépendante mais, de manière idéale, sera appliqué avec d'autres réformes fondamentales telles que l'interdiction de l'obsolescence programmée, la création monétaire publique et la démocratie directe ( dans le sens des travaus de Etienne Chouard) et une culture de l'entrepreneuriat.
    Le revenu de base n’est attaché à aucun parti, est de droite comme de gauche. Le revenu de base est libéral pour la création de richesses et socialiste pour la répartition de richesses.
    Le revenu de base, s’il n’est lié à aucune idéologie, est lié à la décence commune orwélienne dans laquelle il trouve sa source. Il s’agit pour reprendre la formule d’un précurseur français, Jacques Duboin, de répondre à l’injustice criante de la misère dans l’abondance.
    Le revenu de base est étroitement lié au problème de l’obsolescence programmée puisque il nécessite de comprendre comment optimiser le niveau de vie d’une population grâce au revenu de base. Il faudrait d'ailleurs étudier quel serait le taux de chômage sans une obsolescence programmée qui n'a pour but que d'augmenter les dividendes des actionnaires et dont la pollution détruit la planète. Il faudrait interdir cette absurdité qui consiste à programmer l'autodestruction des biens produits puisque ce processus engendre un travail et une pollution inutiles n'a d'autre finalité que de maintenir l'esclavage salarial. On peut rejeter le revenu de base mais pour le comprendre, il faut comprendre qu'il est étroitement lié à l'obsolescence programmée, le système actuel étant obligé de créer de l'obsolescence programmé pour maintenir le taux de chômage suffisamment afin d'éviter des émeutes.
    Le revenu de base n’est pas une utopie économique et a été défendu par de nombreux économistes, sous des modalités variées, de quelques sensibilités politiques qu’ils soient.
    Le revenu de base permettrait de sortir de l’esclavage salarié et de revaloriser les travaux les plus pénibles qui, lorsque les individus ne seraient plus forcés de travailler dans n’importe quelles conditions pour survivre, seraient automatisés et/ou mieux rémunérés.
    Le revenu de base permettrait de sortir de la société du court terme. Les gens pourraient suivre leurs passions à long terme.
    Le revenu de base permettrait un réel socialisme en donnant à chacun un revenu pour vivre.
    Le revenu de base permettrait un réel libéralisme en laissant à chacun la possibilité de suivre ses passions et de créer des entreprises sans être paralysé par la peur du déclassement et de la mendicité en cas d'échec.
    Le revenu de base permettrait de redonner de la dignité aux métiers méprisés aujourd’hui. Ainsi, si l’on prend l’exemple d’un ramasseur d’ordure, le ramasseur d’ordures pourra reprendre des études grâce au revenu de base. Il pourra aussi s’il a besoin de plus d’argent, ramasser des ordures par intermittence. Ce travail sera alors mieux payé puisque les gens démunis auront la possibilité de survivre sans pratiquer ce travail. Ce travail sera aussi mieux considéré puisque il s’agira d’une aide à la société que le travailleur n’est pas dans l’obligation de faire.
    Le revenu de base augmenterait la conscience citoyenne, l’esprit critique et la démocratie. Grâce au revenu de base, les individus pourraient reprendre des études et sortir d'un travail aliénant dans le sens où il n'a pas de sens pour eux et où sont unique finalité est le salaire.
    De la même manière que l’esclavage durant l’Antiquité a freiné le progrès en dépit du niveau scientifique théorique, l’esclavage salarié incite les sociétés à ne pas automatiser, y compris les activités les plus pénibles, parce qu’elles ont des esclaves salariés à leur disposition.
    Le revenu de base permettrait d’augmenter le niveau artistique et scientifique d’une population en laissant la possibilité aux individus de poursuivre leurs passions.
    Le revenu de base réduirait la criminalité lorsque les gens dans la détresse matérielle ne seraient plus incités au vol et au crime.
    Le revenu de base mettrait en valeur et récompenserait le citoyen qui participe à l’augmentation du revenu de base par l’innovation au détriment de l’individu mis en valeur dans notre société et travaillant dans un métier à valeur ajoutée faible ou même négative pour la société (publicité, finance, avocat d’affaire, marketing,…).
    Le revenu de base permettrait de sortir de l’idéologie du travail qui sacralise le travail pour le travail. Cette idéologie, répandue par une élite elle rentière, décrète que le sens de la vie réside dans le travail. Le revenu de base permettrait de travailler pour vivre et non de vivre pour travailler.
    Le revenu de base permettrait une flexibilité du travail nécessaire dans un monde où les données techniques, sociologiques et économiques s’accélèrent et nécessitent de longues formations entre deux activités professionnelles.
    Les modalités de fonds nécessaires au revenu de base sont des discussions qui devraient venir dans un second temps. Il faut cependant noter que ce système s’applique déjà dans plusieurs pays et que de nombreux prix nobels en assurent la possibilité.
    Le revenu de base redonnerait une dignité aux chômeurs qui ne seraient plus des parasites mais des individus bénéficiant comme tous les citoyens d’un revenu de base. La technique politique de division du peuple ne sera alors plus possible. De plus, certains chômeurs ne pourront plus toucher 5000 euros à 6000 euros parfaitement injustifiés en périodes d’inactivité. Les aides telles que le RSA et les allocations familiales seront remplacées par un revenu de base qui simplifiera le système d’aides sociales.
    Le revenu de base permettrait de diminuer les coûts médicaux des angoisses liées au chômage et au harcèlement au travail.
    Le revenu de base permettrait de recentrer la société vers les valeurs humaines et non vers les valeurs financières. Ainsi, les incitations qui amènent des femmes à se marier avec un homme pour son statut social seraient par exemple moins fortes. De la même manière, les incitations amenant aux amitiés intéressées seront-elles-aussi largement diminuées.
    Avec le progrès technique, de plus en de richesses sont créées avec de moins en moins d’hommes. Ainsi, les détenteurs de capitaux s’enrichissent de plus en plus, le chômage augmente et les esclaves salariés, souls la pression de la peur de se retrouver sans ressources, sont prêts à travailler avec des salaires de plus en plus faibles. Une telle situation risque de s’aggraver avec le progrès technique jusqu’à produire des guerres civiles partout dans le monde. Les adversaires de la thèse de la montée du chômage avec le progrès technologique prétendent que cette situation a été démentie par l’histoire, notamment par la révolte des luddites et des canuts. A cet argument, nous répondons qu’un exemple historique n’a pas valeur d’axiome mathématique. Mais surtout, nous ajoutons que la situation est très différente. A l’époque, un agriculteur perdant son travail par l’automatisation pouvait rapidement occuper un poste d’ouvrier dans une usine. Aujourd’hui, la technique (robotique et intelligence artificielle) automatise des tâches de plus en plus complexes. Un avocat remplacé par un logiciel (des cas très récents existent), ne pourra pas devenir docteur en deux semaines. Un chauffeur routier remplacé par des camions sans conducteurs (la technique existe et les le processus législatif est enclenché aux USA ne pourra pas se réorienter en quelques semaines).
    Le revenu de base nécessite un certain protectionnisme qui ne fonctionnerait pas comme une mise en autarcie d’un pays mais comme un système d’écluses filtrant les biens et les services.
    Les politiques pourraient être enfin jugés sur leurs capacités à œuvrer pour le bien commun, c’est-à-dire sur leurs capacités à augmenter le niveau du revenu de base.
    Sans revenu de base, les individus soumis au chômage et à l’esclavage salarial sont soumis à la dette. Le revenu de base permettrait de diminuer le pouvoir des banques et de renforcer celui des individus.
    Comme l’a déclaré Serge Latouche, il faut décoloniser l’imaginaire. Il s’agit donc de sortir de l’idéologie du travail pour retrouver un travail créatif qui apporte une valeur à la société et il faut sortir de la réduction des problèmes à la politique et à l’économie. Ainsi, la crise de la dette est aussi liée aux développements techniques tels que l’informatique et internet. Aussi, les innovations techniques (moteur à explosion, ordinateur, feu, électricité) ont souvent une importance au moins aussi importante dans le développement de nos sociétés que la politique et l’économie même si science, politique, art et économie sont souvent enchâssés de manière complexe.
    L’argument selon lequel les gens ne feraient plus rien avec un revenu de base est réfuté par les études de psychologie économiques (entre autres Samuel Bendahan) selon lesquels le regard des autres et le besoin de valorisation priment sur l’argent. Les mouvement open source, le volontariat (pompiers, ONG,…) et les systèmes de prix et de médailles démontrent que le besoin de reconnaissance sociale est ce qui prime et que ce besoin ne disparaîtra pas en cas d’instauration d’un revenu de base. De plus ce système aurait pour but d’encourager les gens à entreprendre (en abaissant la peur de l’exclusion qui amène la majorité des gens à ne pas créer d’entreprise et à occuper un poste de salarié par besoin de sécurité afin de nourrir leur familles et de payer un loyer ou des traites qu’ils ont du prendre pour payer un appartement)et à inciter les gens à innover et à créer des entreprises.
    Le revenu de base serait une incitation à l'entrepreneuriat (besoin humain de reconnaissance) alors que le système actuel est une incitation au fonctionnariat (peur de l'avenir, du chômage et de l'exclusion, besoin pragmatique d'un revenu régulier pour élever une famille,...).

    • Le commentaire est plus long que l'article et j'ai déjà répondu à ces arguments, tout-à-fait vainement ! Certes, ces positions forment un discours cohérent et qui peuvent facilement convaincre un auditoire. Elles ont d'ailleurs été défendues par Jacques Robin et André Gorz, entre autres. Elles ne m'en paraissent pas moins débiles (l'affirmation de Gorz qu'on travaillait moins avant étant particulièrement idiote, au moins depuis la journée de 8H car les débuts du capitalisme ont effectivement été terribles mais les récits qu'on a des époques précédentes n'ont rien d'idylliques).

      Je ne comprends pas qu'on puisse donner quelque crédit à la relève des hommes par la machine de Jacques Duboin qui utilisait ces arguments en 1932 au moment d'un chômage de masse alors qu'après 1945 on a retrouvé le plein emploi. Pus de 90% de la population était agricole, le fait qu'il n'y en ait plus que 3% n'a en rien supprimé le travail, ce sont juste les professions exercées qui ont complètement changé.

      Certes, il y a un chômage technologique temporaire. Marx remarquait déjà que si les économistes libéraux avaient raison de dire que la mécanisation ne supprimait pas l'emploi global, ils n'avaient pas l'outrecuidance de prétendre que ce serait les mêmes salariés mis au chômage qui trouveraient un autre emploi dans les secteurs en développement. Il y a donc un chômage frictionnel qui augmente avec l'accélération de l'automatisation mais cela reste relativement marginal par rapport à un chômage de masse qui est monétaire et budgétaire (keynésien). Il peut aussi y avoir un chômage importé par la concurrence de pays pauvres qui absorbent ainsi un surplus monétaire qui fait défaut aux pays riches et crée du chômage.

      Rien à voir avec la disparition du travail qui est une erreur sur ce que sont le travail et la monnaie. D'ailleurs, Jeremy Rifkin ne parlait pas de "fin du travail" comme on a traduit son livre, mais de fin de l'emploi (job), ce qui est tout autre chose. Il y a certes une complète transformation du travail, une sortie du salariat, mais le travail comme inversion de l'entropie n'a pas de fin car l'entropie est universelle. Je ne sous-estime absolument pas les bouleversements en cours et la disparition de professions entières (comme les dactylos remplacées par les centres d'appels) mais on pourra toujours rendre service aux autres et améliorer les choses pourvu que les gens intéressés aient l'argent pour le payer.

      Passer de l'état actuel d'automatisation et d'intelligence numérique à une singularité exponentielle où tout serait automatisé et géré par un ordinateur omniscient est tout simplement du délire. J'ai été très choqué de constater comme depuis la fin des années 1990 (Matrix) on prend la science-fiction pour non seulement quelque chose de sérieux, mais pour le réel lui-même et de la véritable science. C'est vraiment pathologique et ne témoigne que de l'ignorance de l'histoire comme de la nature de l'intelligence. Evidemment si on fait de l'intelligence une puissance divine indéfinie, il suffit de l'augmenter imaginairement pour s'en effrayer mais ce ne sont que des délires, des effets de langage ou d'un emballement de la cervelle. Ce n'est pas parce qu'on va pouvoir remplacer des avocats, des professeurs ou des routiers par des systèmes numériques qu'il n'y aura plus rien à faire (c'est d'ailleurs très confus puisqu'on parle ici à la fois de fin du travail et d'entrepreneuriat). De toutes façons, rien ne sert de s'étriper sur ces utopies de fin de l'histoire, il suffit d'admettre que pour l'instant, on n'y est pas encore, et que du travail, il y en a encore besoin et qu'il y a encore bien trop de tâches ingrates qui ne sont pas encore automatisées (et devront l'être).

      Il ne s'agit pas de dire que tout reste comme avant, le travail se transforme profondément, ce qu'on peut appeler la disparition du travail mais qui est particulièrement idiot alors que c'est au contraire l'accès au travail autonome, le travail lui-même prenant la place de la consommation, ce qui est un changement complet, ayant besoin d'un revenu garanti, mais vraiment pas la fin du travail qui devient au contraire le premier besoin de la vie (il s'agit bien de vivre pour travailler) quelque soit tout le baratin par lequel on croit pouvoir faire du travail une simple idéologie sous prétexte qu'il y a toujours eu une idéologie du travail servie aux classes laborieuses. L'idéalisme consiste à décrocher du réel et croire que c'est l'idéologie qui est déterminante alors qu'elle est entièrement déterminée par des intérêts matériels.

      Ce qui caractérise le vivant n'est pas la consommation et la jouissance mais l'activité qui ne peut être très longtemps une activité gratuite, la question du sens du travail ne se limite pas à en voir le bout et en épouser la finalité mais qu'il soit valorisé et socialisé. Ce sont les autres qui donnent sens à notre production, en fixent le prix ou découragent de continuer (il faut une rétroaction positive), le remplacement du prix par la réputation étant un cas particulier pas du tout généralisable. En ce sens, on peut dire que le travail a toujours existé, le salariat n'en ayant été qu'une forme particulière qui effectivement est désormais dépassée, insuffisante, alors même qu'on a 90% de la population qui est salariée, c'est ça qu'on appelle la fin du travail, et on a tort car cela empêche de penser le travail autonome et ses institutions (l'entrepreneuriat étant bien un travail mais pour le démocratiser, il faut des institutions).

  5. La formation tout au long de la vie devient indispensable et le numérique peut apporter une aide conséquente, sorte d'Enseignement Assisté par Ordinateur, tout comme des machines peuvent aider à la rééducation fonctionnelle après un accident ou une maladie.

    Des approches intéressantes de l'enseignement croisé de numérique :

    http://www.rslnmag.fr/post/2011/7/1/sugata-mitra_et-l-experience_a-hole-in-the-wall_le-revolutionnaire-pacifiste-de-l-education.aspx

    http://www.khanacademy.org/

    • Oui, je suis persuadé que l'accès au savoir mondial est un événement considérable et que des enfants, pour qui le numérique est si naturel, peuvent s'en emparer mais le plus important de cette expérience, c'est de souligner que les enfants apprennent mieux en groupe par imitation et émulation. Il n'y a aucune raison de limiter le numérique à la solitude. Par contre, impossible d'éviter les fausses interprétations, ce qu'il faut apprendre, c'est des procédés de vérification en fonction de la fiabilité des sites. Des sites dédiés à l'enseignement sont effectivement d'excellents portails pour cela. Ce qui vient d'exploser, c'est plutôt de suivre les cours publics des grandes universités par vidéos, avec validation par ces universités. Ce n'est pas rien puisque cela permet de ne plus avoir à emprunter des sommes considérables pour faire ses études, ouvrant la voie à des catégories plus modestes. C'est, bien sûr, plus difficile, pas comparable avec aller vraiment à l'université mais ce n'est pas si insurmontable, il y a toute la matière qu'il faut. Il y a de nombreux exemples d'enseignements qui étaient loin d'être de ce niveau, ce qu'on perd d'un côté, on le gagne peut-être au centuple de l'autre ?

      • En 1991, j'avais repris des études et je trouvais qu'on utilisait peu ou pas les moyens techniques qui existaient à l'époque, j'avais flairé cette évolution possible en imaginant comment l'enseignement pourrait être amélioré.

        J'avais évoqué cette aproche à une jeune prof de français en Lycée, elle m'avait regardé avec des yeux ronds en estimant que ce serait une barbarie.

        Le pire que j'ai vu, c'est en fac de droit en 2001, le prof récitait son cours et il fallait grater à toute vitesse, même pas foutu de nous fournir un document sur lequel on aurait pu annoter.

        Par ailleurs, le gros avantage d'un cours vidéo, c'est de pouvoir repasser les passages que l'on a mal compris, car délicats ou par manque d'attention qui n'est pas constante pendant la journée.

  6. Contrairement à ce que certains affirment en boucle, ce ne sont pas les subprimes qui sont la cause majeure de la crise financière, mais l'épargne chinoise, celle d'autres émergents aussi, donc pas forcément non plus celle de richissimes individus comme aussi toujours mis en avant. Il ne s'agit donc pas non plus d'activités spéculatives à prise de risque, contrairement à la doxa en cours, mais simplement d'un souci de sécuriser un bas de laine sur des titres sans risques.

    On peut rajouter aussi l'activité de refinancement de prêt qui a fait croire à certains particuliers propriétaires que leur maison était devenue un distributeur de billets gratuits, ce que voulait instaurer Sarko en France :

    "Les subprimes exotiques ont représenté moins de 5% des nouveaux prêts contractés aux Etats-Unis entre 2000 et 2006."

    "L’intensification de l’épargne en Chine et dans d’autres économies émergentes, notamment les pays exportateurs de pétrole, a fait chuter les taux d’intérêt à travers le monde à partir de 2004. Les bons du Trésor américains et les autres titres supposés sans risque se sont retrouvés trop convoités, ce qui a fait grimper leurs prix et descendre les taux d’intérêt."

    http://www.slate.fr/story/49619/ECONOMIE-chine-responsable-crise

    • Le responsable, c'est le cycle de la dette et de l'inflation. Les subprimes ne sont qu'une conséquence, résultant de l'euphorie, de l'oubli des cycles en croyant que les arbres vont jusqu'au ciel, quand il suffisait d'emprunter pour s'enrichir. Ce qui a provoqué la crise des subprimes, c'est le retour de l'inflation à la fois sur le pétrole et l'alimentation avec les émeutes de la faim, même si depuis la récession, l'inflation est contenue mais elle ne demande qu'à repartir (et elle est importante dans les pays en développement rapide).

      • La cause des cycles c'est la rationalité limitée. En l’occurrence, la spéculation est secondaire, c'est plutôt une crise des investissements inadaptés. Une inaptitude à déceler les investissements utiles, problème de prospective et de projection.

        Donc fatalement, il arrive des murs.

        • Certes, notre rationalité limitée est cause de tous nos soucis mais dans les cycles, il y a surtout un effet d'entraînement. On ne peut dire que les investissements spéculatifs étaient inadaptés car ils produisaient beaucoup de profit avant le krach des subprimes. Tout le problème, c'est qu'on ne peut tenir trop longtemps une résistance à des vagues de fond.

          Quand j'étudiais les cycles, juste au début de la bulle internet, j'avais rencontré l'auteur d'un livre sur le Kondratieff qui était directeur des études stratégiques de la BNP et qui avait perdu son poste parce qu'il freinait l'entrée de la banque dans la bulle, ce qui la privait de revenus considérables. Il vaut mieux avoir tort avec les marchés que raison contre eux, vieux principe. Ainsi, ne pas profiter de l'aubaine de la hausse immobilière pour augmenter le niveau de vie des pauvres était on ne peut plus rationnel, Sarkozy avait même annoncé qu'il le ferait sauf qu'il n'a pas eu le temps avant la crise !

          On peut assez facilement flairer les bulles en train de se faire mais quand cela dure plus de 10 ans il est naturel de se dire qu'on doit se tromper. Ainsi, le dollar devrait s'effondrer depuis longtemps. Il ne le fait pas alors on invente une nouvelle théorie monétaire comme on inventait une nouvelle économie au moment de la bulle internet. La rationalité limitée, c'est ici les démentis du réel qui nous égarent, une certaine inertie qui empêche de voir le mouvement (et surtout les différentes temporalités). C'est ce qui fait pareillement qu'on croit être dans le vrai parce que, comme l'Allemagne, on réussit mieux que les autres depuis 5 ans alors que ces positions sont si temporaires. C'est ce qui fait qu'on ne peut réguler les cycles longs car c'est leur longueur qui détermine les idéologies dominantes sensées les réguler, ce sont les vérités qui changent en même temps que les réalités des différentes phases du cycle (comme des différentes phases de l'amour).

  7. Cette proposition ainsi argumentée me convient tout à fait. Elle permettrait a des gens (j'en connaît) qui en ont envie de se livrer a des activités très utiles et qui leur plaisent. Ca permettrait de faire apparaître autre chose qui pourrait peu a peu gagner du terrain.

    Mais c'est vrai que les syndicats ne sont pas la dessus du tout. C'est peut être les nouveaux damnés de la terre que sont les jeunes gens qualifiés qui ne trouvent pas de boulot et qui ont plein de projets qui peuvent porter ça. J'en connaît à 25 30 ans qui ont déjà avec le statut d'auto entrepreneur combiné avec des aides et beaucoup d'ingéniosité qui déjà fait plein de chose. Avec un peu de revenu garanti, ils seraient plus à l'aise pour inventer leurs activités.

    • C'est comme en grimpe, plutôt que de plomber les initiatives, un baudrier et une corde pour assurer la course sur la paroi dont chacun voit bien les risques.

      C'est cela le revenu garanti, permettre à l'imagination de faire son travail avec un minimum de sécurité en cas de vol ou de dévissage.

  8. Il est quand même déprimant que cela ne serve à rien de le dire et qu'on aille systématiquement dans la mauvaise direction alors que les urgences écologiques et sociales sont de plus en plus insoutenables. Il faudrait retrouver un moyen de peser sur les événements mais pour l'instant, je ne le vois pas et c'est dramatique.

  9. Un article très intéressant sur les relocalisations industrielles (limitées) aux USA :

    http://www.paristechreview.com/2012/12/20/emplois-industriels/

    En 2015 les coûts de production américains seraient inférieurs de 15 % à ceux de l’Allemagne et de la France, de 21 % par rapport à ceux du Japon, de 23 % par rapport à l’Italie.

    Une partie des avantages comparatifs qui avaient attiré ces firmes en Chine se sont évaporés au fil des années : les salaires y ont augmenté de 15 % à 20 % par an, tandis qu’aux Etats-Unis, ils ont stagné. La Chine souffre notamment d’une pénurie de main d’œuvre qualifiée, qui fait flamber les salaires des cadres locaux.

    En 2005, explique le BCG, il en coûtait 30 % de moins de faire fabriquer en Chine que dans les pays développés. En 2013, cet écart sera ramené à 16 %.

    En terme de coût du travail, la Chine avait dépassé les Philippines en 2012, dépassera le Mexique en 2013 et devrait dépasser Taïwan en 2018 ou 2019.

    Si 10 % de la production est rapatriée aux Etats-Unis, la Chine perdra 300 000 emplois, mais seulement 40 000 nouveaux emplois seront créés aux Etats-Unis.

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