Comme j'ai eu du mal à le retrouver et que je considère que c'est très éclairant, toujours utile à faire connaître et à relire, je republie ce condensé, qui date de 1996, des parties de la Phénoménologie de l'Esprit de Hegel consacrées à la moralité et à la politique, parties bien trop peu étudiées qui suivent la dialectique du Maître et de l'esclave. Je trouve que condenser ce texte touffu en fait mieux apparaître la dialectique des positions subjectives qu'on peut illustrer avec des exemples très actuels - comme je l'ai fait dans la "version longue" - bien que cela ne puisse évidemment en restituer toute la richesse (et la difficulté). Juste un outil pour ne pas rester coincé dans une posture morale ou politique et mesurer toutes les étapes à franchir...
Moralité
Après la confrontation à la nature extérieure (observation), nous en sommes au point où la conscience de soi n’est plus la certitude de la réalité immédiate, sensible, et de son objectivité, mais se rapporte essentiellement à une autre conscience de soi comme vérité sur soi-même, re-connaissance. "Elle est alors l'esprit qui a la certitude d'avoir son unité avec soi-même dans le dédoublement de sa conscience de soi et dans l'indépendance des deux consciences de soi. Cette certitude doit maintenant s'élever à la vérité".
La conscience de l'unité avec les autres prend d'abord la forme du traditionalisme. Mais celui-ci échoue à se justifier devant des traditions étrangères aussi bien qu'il renonce à se réaliser véritablement. Du coup, sous les critiques des intellectuels, l'unité avec les autres se réduit dès lors à l'égoïsme de la jouissance que chacun dispute à chacun. Mais la vérité de la jouissance est sa fin, consommation du désir qui s'épuise dans la répétition. Avec l'exaltation de la chair, "c'est l'esprit qui se nie avec la force infinie de l'esprit" mais ne peut empêcher que revienne à la conscience la présence angoissante de la mort. Par son côté universel, la conscience surmonte cette menace et trouve en soi le principe du dépassement de son plaisir égoïste comme de la mort dans l'universalité. Cette aspiration morale éprouvée immédiatement comme loi du coeur s'oppose au monde sans plus de raisons que de lui imposer une logique subjective (bonne volonté) qui ne rend pas compte d'elle-même. Ce rejet de la réalité extérieure au nom de pures utopies par une conscience individuelle qui se croit supérieure au monde relève d'un délire de présomption qui peut aller jusqu'à la "folie des grandeurs" et la paranoïa. Si la loi du coeur advient à se réaliser un tant soit peu et se cogne sur le réel, elle perd de son assurance, de sa légitimité face à tous ses ratés et le coeur invoque la fureur extérieure du complot, la main du diable sur de pures intentions. La leçon à tirer de ce délire de persécution est le rejet des prétentions de l'individualité à imposer son arbitraire au cours du monde. C'est plutôt contre cette individualité que va désormais s'appliquer son zèle par la discipline de la vertu. Le cours du monde auquel s'oppose la vertu est justement le règne de l'égoïsme universel et de la recherche du plaisir désormais rejetés. Mais la vertu ne se réalise qu'à la mesure des forces de chacun et sa valeur ne réside donc plus dans sa réalisation mais dans son effort et sa foi. Le mérite se mesurant à la peine, le monde qui nous fait souffrir est revalorisé d'autant comme révélateur de la vertu et de la foi. De plus l'effort et la foi concernent l'individualité dont la discipline voulait se défaire, ne pouvant jouir de ses propres réussites et sans pouvoir modérer l'orgueil de l'ascète comme une boursouflure vide. Plutôt que de rester tournée vers sa propre excellence la vertu ne se suffit plus de la foi mais exige les oeuvres. La vertu est jugée à ce qu'elle fait. Les oeuvres pourtant sont fragiles et multiples, éphémères, disparaissantes. Le but est dès lors tout entier dans le chemin mais l'oeuvre ne vaut plus alors que comme occupation et non plus comme accomplissement. La tromperie, l'escroquerie de cette vertu satisfaite se manifeste dans la compétition sociale ce qui finit par imposer la loi morale, dans son universalité inconditionnelle qui pourtant ne peut rendre compte de la singularité concrète et imposer sa loi sans réflexion. Du coup, ce qui importe à nouveau c'est bien encore la réflexion elle-même, la conscience qui examine la loi et se l'approprie, l'interprète, la loi se réduisant à son application par la conscience. Pourtant là encore la limite est vite trouvée dans le jésuitisme des rationalisations égalisant tout contenu. La conclusion qui s'impose est bien celle de l'impuissance de toute théorie générale à rendre compte des choix pratiques particuliers, tombant dans l'arbitraire. La théorie dépend plutôt désormais de la pratique, devenue politique et qui en détermine la perspective.
Version longue : Misère de la morale
Politique
La nouvelle bonne volonté du Conformisme voulant affirmer son appartenance à son peuple va rencontrer dans l'opposition des devoirs de la famille, comme Loi divine, et des devoirs de la communauté, comme Loi humaine, d'abord la culpabilité puis la corruption avant de s'aliéner dans un Droit formel qui est le règne de la séparation et de la propriété privée (culture et foi). La division entre bien public et propriété privée laisse au jugement de chacun de prendre le parti de la conscience vile (victime intéressée) ou de la conscience noble (prête au sacrifice et à la vertu). Mais le sacrifice qui ne va pas jusqu'à la mort est ambigu et tombe dans la rébellion (à la revendication de la conscience vile). Dès lors, ce n'est plus le sacrifice qui compte mais la justesse du conseil, de la loi et du commandement, son contenu universel comme langage du pouvoir. Cette nouvelle valorisation du contenu s'épuise pourtant dans la flatterie de l'homme de cour jusqu'à perdre dans l'extériorité des raffinements de la culture toute signification sérieuse. Mais la perte du sens est déjà la foi qui se sait être-pour-un-autre, rapport individuel à l'Universel et désir de l'Autre. Le rassemblement encyclopédique du savoir de l'humanité dissout pourtant cette confusion et cet individualisme dans l'unification du savoir de tous et la constitution d'une véritable intelligence collective. Ce rationalisme s'opposera à l'obscurantisme des religions et dénoncera la corruption du clergé. Mais les lumières se révèlent aussi dogmatiques (scientisme) et tombent dans l'hypocrisie, l'utilitarisme matérialiste le plus plat et la passivité. Jusqu'à se retourner en idéologies politiques, comme volonté agissante de tous, mais la liberté absolue conquise par la Révolution française sera accaparée par les factions et sombrera dans la Terreur de la simple suspicion, de la division de la volonté générale, perdant encore ainsi toute effectivité. La défense de l'individu en sortira renforcée au nom d'une nouvelle conscience morale, représentée par Kant, revendiquant cette ineffectivité du pur devoir universel. Le but est cependant dévalué par cette inaction et se retourne enfin dans l'action effective d'une bonne conscience inébranlable qui sait que l'action ne vaut que par son intention, sa conviction propre et sa réalisation consciencieuse. Mais la conviction morale ne vaut qu'à être exprimée et reconnue par l'autre, c'est le langage de la reconnaissance qui unifie les consciences de soi, d'abord dans la confusion de la belle âme inapte elle aussi à l'action. Le jugement moral condamne durement cette passivité et cet incroyable mépris de l'autre mais il ne peut éviter que son propre jugement se condamne à son tour soi-même et confesse ses fautes, s'égalisant enfin à l'autre dans le Pardon et la reconnaissance mutuelle entre pauvres pêcheurs.
C'est pour Hegel à peu près le dernier mot mais si l'histoire a réfuté la fin contemplative qu'il en donne, le Savoir absolu reste d'abord le savoir du savoir comme savoir d'un sujet qui se projetait avant dans son Dieu et devenu histoire (la vérité comme sujet), processus dialectique d'apprentissage qui n'a pas fini de nous surprendre...
Version longue : Les aventures de la dialectique.
Le langage hegelien cité ne lève pas les ambigüités entretenues postérieurement à la Révolution Française sur la Terreur, consistant à l’analyser comme conséquence des Idéologies. Il convient peut-être à propos de rappeler que le terme "idéologie" comme « science politique » a été inventé par la tendance thermidorienne ( à laquelle l’histoire rattache Destutt de Tracy, Sieyès) soit le courant libéral naissant opposé à celui de la gauche ( Saint Just et Robespierre). Les « idéologues » (école de Condillac) dans la suite des physiocrates, entendaient établir une « science des idées » reprenant les textes des Lumières, les thèses de l’empirisme et du sensualisme . Cependant nous sommes en pleine concordance avec le langage de Hegel repris ici. Des Robespierre et Saint Just vécurent (plus que d’autres, car ils en sont morts !) les contradictions entre le "sens de la Vertu" et les contingences extérieures de l’action. Force est de reconnaître qu’ils ont s'adapter à cette « loi d’action et de
réaction » aux événements, que notait pour sa part leur opposant Sieyès . « Nos ennemis parlent le même langage que le nôtre » constatait Robespierre, lequel ne répugnait pas à écouter et prendre en compte le langage du peuple s'organisant, alors que Sieyès prônait la nécessité d’une « langue de la politique » idéologiquement partageable et entre la langue des privilégiés (ancien régime de maîtres dominants) et celle du peuple (les dominés), mais dans lequel il ne perçoit que "de dangereux abus de langage ".
Ce n’est que plus tard que fut érigée l’idéologie politique et l'ambition d’une prise du pouvoir par un parti du prolétariat se réclamant du marxisme.
Je trouve comme vous opportun, dans la situation d’aujourd’hui, de revenir sur ces réflexions théoriques. Même si elles sont complexes.
Non, la Terreur n'est pas la conséquence d'une idéologie préconçue mais plutôt d'un enchaînement d'événements immaîtrisables, de la tension entre l'ennemi extérieur et l'ennemi intérieur. On peut faire de la Révolution à travers Robespierre la réalisation du Contrat social de Rousseau mais c'est très loin de l'application d'une doctrine comme pour le marxisme ensuite, et bien plus le résultat non voulu (on appelle cela un effet pervers) de la confrontation de la liberté au pouvoir. Les choses ne se passent pas comme on l'imagine où les hommes se libèrent de leurs chaînes pour un avenir radieux et embrassons-nous folleville !
Hegel suit les choses assez près puisque s'il a célébré la révolution de son séminaire de Tübingen (avec Hölderlin et Schelling!) et n'a connu la Terreur que de loin, il est venu à Paris au temps du Directoire, témoin de la réaction et de l'écroulement des espoirs révolutionnaires qu'il formulera dans le "premier programme de l'idéalisme allemand" (cf. la débandade de l'avant-garde). La conception de la dialectique se formant par cette expérience du nécessaire dépassement de ces illusions par lesquels ils est malgré tout nécessaire de passer. Il faut que l'esprit s'oppose au monde, qu'il en dénonce l'injustice - sinon c'est ce que Sartre appelle un salaud - mais il faut qu'il découvre sa propre erreur (le négatif du positif) en même temps que le positif du négatif et l'objectivité d'un réel qui résiste à nos désirs. Marx qui tire les leçons de la Terreur en l'assumant comme dictature du prolétariat (purement imaginaire, les dirigeants du prolétariat n'ayant plus rien de prolétaire) est en fait en régression par rapport à Hegel et sur l'histoire de la révolution (qui mène au césarisme).
La force de la succession des figures de la conscience dans ce condensé ne vient pas tant du fait que ce serait la vérité vraie de ce qui s'est passé et se passera toujours mais dans le fait de montrer comment on passe d'une figure à l'autre, comment un discours s'épuise ou passe les bornes et suscite un discours opposé par développement de sa logique interne.
Il est en tout cas sidérant de voir comme tout discours subversif peut être récupéré et que vouloir être le plus subversif, comme Debord, n'empêche pas de devenir un trésor national qu'on expose à la Bibliothèque nationale. Pire, d'être récupéré par l'extrême-droite et toutes sortes de réactionnaires plus ou moins gâteux. La libération des moeurs peut servir d'argument anti-islamique, jusqu'à un certain racisme. L'écologie peut justifier les inégalités et le conservatisme, la psychanalyse peut servir de justification fallacieuse à la défense de la Loi et la restauration du Patriarcat. Tout le monde peut être récupéré, du moins en partie, en sélectionnant ce qui arrange.
L'intérêt de prendre du recul est de ne pas donner tant d'importance à cette récupération qu'au processus historique qui se continue à travers ces mouvements de balancier, conscience de soi de l'Esprit prétend Hegel ou plutôt expérience du réel et rétroaction après-coup sur le sujet, l'esprit, qui n'est pas tant agent que produit de l'histoire auquel il fournit seulement l'énergie vitale ou spirituelle à des processus matériels ou du moins bien réels qui lui donnent forme et sont subis avant que d'être connus (et non voulus avant que d'être).
Qu'est-ce qui est bien, qu'est-ce qui est mal? Mon action, en tant qu'individu, porte-t-elle atteinte au groupe? Mon action au sein d'un groupe porte-t-elle atteinte au pays, à la communauté humaine toute entière? Et aujourd'hui, on ne peut ignorer la doimension écologique de mon action. Mon action porte-t-elle atteinte à l'écosystème?
Suivant les époques, les cultures, ces questions n'appellent pas les mêmes réponses. Une sorte de consensus sur ce qui est bien ou ce qui est mal se dégage, bricolé entre idéologie, réalités, pouvoirs, traditions. Des ruptures ancrées dans des évolutions du monde, dans les luttes de pouvoir, induisent des bouleversements, souvent violents, des codes du bien et du mal jusqu'ici pratiqués.
La dialectique matérialiste a envoyé un signal idéologique fort, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes, du fait de sa prétention à établir scientifiquement la vérité, à être comme le reflet fidèle de la réalités, à mettre à jour crûment les contradictions et à apporter les moyens de les dépasser. Elle a ainsi préparé la place aux sachants, aux dialecticiens, ou prétendus tels, dans leurs exactions qui n'ont pas manqué. Dès qu'on croît posséder la vérité, la suite dramatique ne se fait pas attendre.
Si nous partons de la matière dont on dispose, c'est à dire des objections, comme d'un minerai impur et incertain, est-il possible de développer une pratique de meilleure intelligence collective, de respect et de protection des émetteurs d'objections?
Il est clair que la scientificité du marxisme était douteuse, sans parler de la prétendue science prolétarienne purement dogmatique et véritable arnaque. Il y avait malgré tout des analyses appuyées sur des faits qui font défauts aux utopies actuelles. Ce n'est pas la scientificité qu'il faut laisser tomber. Par contre, il ne faut pas confondre science et religion, en faire un savoir révélé. Ce que la dialectique nous apprend au contraire, c'est qu'on est toujours bien ignorants de l'étape suivante. Le premier constat scientifique devant être celui de notre rationalité limitée, il ne s'agit pas de se faire donneur de leçons mais au contraire d'à chaque fois devoir mener l'enquête en sachant qu'on ne sait rien avant d'y avoir été voir.
Il semble plutôt que la dialectique ne laisse pas beaucoup de chance à l'harmonie des désirs et de débats sereins. On peut prendre l'exemple de l'Art. La protection des oeuvres prétendues transgressives mène à un autre art officiel alors que la prochaine vague créative est méprisée y compris des esprits ouverts à toutes les transgressions. On peut prendre comme exemple l'humanisme le mieux intentionné qui rejette hors de l'humanité ceux qui ne répondent pas à ses idéaux. Il y a bien sûr de nombreux domaines où la discussion peut rapprocher les points de vue mais c'est sur l'essentiel que ça coince, sur l'avenir qui reste tellement incertain et objet de paris incompatibles.
Dans le texte donné en lien par Michel Martin, il s’agit moins de construire dialectiquement une conscience collective que d’une méthode pour éviter les mésintelligences dans un groupe face à un objectif partagé ( petite entreprise, coopérative, collectivité restreinte). Mais pour l’action politique c’est de toute autre chose qu’il s’agit, surtout face à une situation de bifurcation se révélant nécessaire, comme actuellement. Et c’est plutôt toujours la méthode forte qui est préconisée, comme au final de la Révolution Française, selon la méthode donnée par Sieyès lui-même« la confiance doit venir d’en bas, et le pouvoir d’en haut ». D’où la déportation de 360 Jacobins parisiens et 30 assignés à résidence. Disparition de 60 journaux sur 73.. Bonaparte est installé, qui mettra les « idéologues » républicains et apparentés, dont Sieyès,auteur principal de la constitution nouvelle, dans un placard (doré!). La Révolution est forclose en même temps que s’élabore l’idéologie libérale pour deux siècles :" Le peuple ne se rattachera au régime que par la [l’appétit de] prospérité" ( le productivisme, la croissance, la « science » économique ). Mais...
C'est vrai qu'on a besoin de changer assez radicalement de direction et de codes. Le plus probable, c'est en effet que ça se fasse brutalement après une phase de gestation qui est en cours et qu'on peut percevoir avec les mouvements alter, les décroissants...
Mais on peut aussi essayer de développer une culture sensible aux objections et à la protection des objecteurs partout où c'est possible, en accord avec une "philosophie de l'information". Pas sûr qu'au final ça fasse moins mal, que ça évite les mouvements de groupes incontrôlables, les embrasements, mais que tenter d'autre?
Ma nouvelle expérience des débats au sein de la gauche ne laisse aucun espoir - tous trop cons, rien à en attendre. Ce n'est pas de la discussion que viendra la lumière mais de la pression des faits. Il y a un tel gouffre entre les revendication exprimées et leur possibilité effective ! Ce n'est vraiment pas nous qui sommes aux commandes. Une philosophie de l'information part du fait que tout nous vient de l'extérieur, y compris le libéralisme qui n'est pas seulement une idéologie et le capitalisme qui s'impose matériellement, pas seulement par la prospérité qu'il apporte mais bien par sa puissance matérielle.
Du côté opposé, les libéraux bornés, la connerie est tout autant présente quand ils ne cessent de ressasser que la dépense publique de l'état est de 57% du PIB.
Il n'y a que 20% de dépense réellement publique, donc d'arbitrage de dépenses purement publiques. Le reste est de la redistribution, comme les allocations chômage par exemple. Celui qui perçoit cette allocation est le seul à décider, arbitrer, ses dépenses, si il préfère une voiture ou des billets de train, si il préfère des pâtes ou du caviar...
http://economibasic.blogspot.de/2014/11/cest-quoi-une-depense-publique-camarade.html
Vous dénoncez, moi aussi, la connerie générale, mais il me semble que ça risque d'aboutir à aucun espoir raisonnable. Si tout est si noir, alors quelle raison de continuer ? Sans un minimum d'espoir, pour au moins des raisons hormonales, alors le merdier deviendra total.
Je crois bien avoir compris l'aspect illusoire de beaucoup de choses de ce monde quand j'ai sniffé de l'héroine une nuit. Pendant 24 heures, je surplombais le monde, n'avais aucun besoin d'intervenir sur mon entourage, j'étais devenu une simple conscience témoin en temps réel. C'est une expérience pas du tout illusoire. Cette forme de conscience presque ou à peine désincarnée relève du monde de l'information.
J'ai toujours trouvé très paradoxale cette idée qu'il ne faudrait pas désespérer Billancourt et qu'il faudrait entretenir l'espoir même quand il n'y en a pas ! Hitler était très conscient de la nécessité de présenter chaque nouveau combat comme décisif pour la victoire de la cause. C'est effectivement très efficace et pratiqué par tous les démagogues mais cette conception utilitaire de la vérité (comme dans le pari de Pascal et pour les sophistes, communicants, commerciaux) ne peut servir aucune émancipation authentique qui doit s'affronter au réel. Je laisse donc tous ceux qui promettent l'insurrection finale, la victoire de l'extrême-gauche, la sortie de l'Europe, une nouvelle RTT, etc., à leurs propagandes. Ceci dit, il est faux qu'il n'y aurait aucun espoir. Tous ces combats sont perdus mais c'est qu'ils étaient illusoires, par contre, il n'y a pas que des catastrophes devant nous et quelques bonnes surprises au milieu du désastre (Toute ma vie, je n'ai vu que des temps troublés, d'extrêmes déchirements dans la société, et d'immenses destructions). On n'a pas besoin autant qu'on le croit de raisons de vivre qui sont plutôt des raisons de mourir. L'espoir est un poison car il est mensonger. Il est vrai que croire en quelque chose est exaltant mais on le paie d'une façon ou d'une autre. La réalité est intéressante même si elle est injuste. Bien sûr une telle philosophie sans consolation qui n'a rien à promettre n'a aucune raison de faire sa publicité mais ce sont ceux qui cherchent la vérité et à agir sur ce qui dépend de nous qui peuvent y trouver intérêt. Il ne s'agit pas de sombrer dans le quiétisme du spectateur de sa vie, notre action est en permanence requise.
Bien sur la même longueur d'onde concernant cette manie de "il faut être optimiste" qui est si répandue . Cette idée stupide qu'il faille positiver et que c'est de ce positif que sortira qqchose ; optimisme ou pessimisme sont deux notions mouvantes et subjectives n'ayant pas grand chose à voir avec la réalité qui ,seule, au bout du compte est déterminante.
Puisque les grands mouvements populaires sont souvent guidés par l'espoir d'une vie meilleure, exit les conquêtes sociales, la refondation politique etc. ?
Comment en effet, sans illusions nécessaires (le désir de changement) le monde aurait-il socialement progressé (nonobstant ce que l'on met sous cette définition) ?
Il me semble qu'il y a un paradoxe à défendre une conception philosophique renonçant aux affects d'espérance qui sont pourtant aussi un aspect du réel humain à prendre en compte ....
Ce sont au contraire les vendeurs d'espoir qui nous foutent dans la merde et empêchent de s'occuper des vraies solutions. Il est aussi stupide de croire que que les gens ne se battront plus si on ne leur promet pas la lune que de s'imaginer que plus personne n'écrira de textes s'ils ne sont pas rémunérés pour cela. Il est certain que la religion et l'espérance sont humains, faisant partie de notre connerie universelle mais ce n'est pas ce qui fait avancer les choses alors que si on croit que les causalités sont matérielles, pas besoin de se bourrer le mou pour réagir quand il le faut. Il faut être très paranoïaque pour croire qu'on saurait très bien ce qu'il faut faire et qu'on serait responsable des espérances des autres et qu'on devrait déformer la réalité pour avoir une chance de la transformer. Il y aura de nouvelles conquêtes sociales mais il faut abandonner les espoirs d'un monde parfait, c'est sûr.
Il y a un malentendu je pense. Le meilleur des mondes, le monde parfait, les vendeurs d'illusion etc. tout cela est révolu. Nous sommes totalement d'accord là dessus. Je ne sais pas comment le dire autrement.
Prenons par exemple vos propres positions: elles consistent à proposer des pistes pour éviter par exemple les catastrophes écologistes actuelles etc.
Or, si vous même, vous n'aviez pas en tête une autre conception de l'économie cela ne serait être possible. C'est de cela que je parle. Il faut bien, même pour promouvoir un changement du possible concret, je dis bien du possible concret, de l'immédiat, sentir qu'autre chose est possible. C'est de cet autre chose possible immédiat dont je parle, qui nécessairement s'appuie sur un désir de changement.
Peut être est ce un problème de dénomination je ne sais: mais pour agir, pour qu'il y ait ne serait-ce qu'un commencement d'action concrète, il faut un minimum de croyance que cela fonctionnera. Même s'il s'agit d'une grève locale.
Il est bien évident que si je défends un revenu garanti, je pense que ce serait mieux même si je suis loin de penser que ce serait le paradis. On peut donc dire que j'espère qu'on aura un revenu garanti sauf que je n'ai aucun espoir qu'on l'obtienne à court terme et que, au lieu d'espérer, j'essaie d'argumenter, de montrer qu'on en a besoin.
De même j'espérais qu'on ne brûle pas tous les hydrocarbures mais je n'ai plus beaucoup d'espoir sur ce côté non plus (mais il faut continuer à essayer d'avoir des accords sur le climat et à pousser les énergies renouvelables).
Il y a un peu plus d'espoir qu'on ait, à moyen terme, une démocratie un peu moins oligarchique, mais je ne mets plus beaucoup d'espoir dans la démocratie elle-même bien que ce serait une amélioration.
Il y a donc d'une part ce qu'on peut attendre d'une mesure quelconque (presque toujours moins qu'on imagine comme avec les 35h) et d'autre part les chances d'y arriver (et là, ce qui nous attend dans les prochaines années, c'est le contraire de ce qu'on pourrait espérer!). Il ne s'agit pas d'un tout ou rien, mais d'une probabilité plus ou moins faible. Bien sûr qu'on ne peut supprimer l'espoir en tant que projection d'une finalité dans l'avenir et son évaluation, c'est ce qu'on fait perpétuellement dans nos actes, et là, on ne va pas se lancer dans une entreprise qui n'a aucune chance de réussite malgré les imbéciles qui nous serinent : ils ne savaient pas que c'était impossible alors ils l'ont fait - principe de débiles comme de s'attaquer à un ennemi plus fort que nous et se faire balayer par la mitraille. C'est en quoi les vendeurs d'espoir sont une calamité. Un crétin comme Michel Husson, que j'ai réentendu l'autre jour et se persuade qu'on pourrait avoir une RTT massive qui crée plus d'1 million d'emplois (et même plus pourquoi pas), n'a aucune raison de se préoccuper d'un revenu garanti puisque ce serait abandonner l'objectif du plein emploi ! Les partisans de Friot c'est pas mieux qui imaginent à leur portée leur société salariale complètement imaginaire. De l'espoir, ils en ont à revendre, c'est sûr...
Pour ce qui de la sortie de l'Euro, et non de l'Europe, je pense que personne ne le décidera, ou plutôt ce sera une dynamiques des marchés qui pourrait bien la provoquer.
Une désagrégation proche de celle de l'URSS, personne ne l'a vraiment décidée, pas même une armée révolutionnaire.
Quand je parle d'espoir, je ne parle pas du tout de trucs hors sol. J'évoque des avancées qui peuvent paraitre humbles, voire dérisoires aux yeux de beaucoup, mais qui de mon point de vue apporter bien plus d’enthousiasme que prévu. C'est dans mon activité quotidienne que j'améliore des petits trucs et c'est bien plus motivant que de s'imaginer changer le monde n'importe comment et en vain.
Je ne parle jamais d'un monde parfait, je parle d'un monde en perpétuelle création, jamais figée, à l'inverse d'un monde parfait frigorifié. L'espoir que je cite n'a rien à voir avec l'espoir des sûrs d'eux même. Je parle d'un espoir en temps t réel, ajusté en tant que réel. Rien à voir avec des conneries figées les pieds dans le béton des certitudes isothermiques.
On ne changera (peut être) effectivement que par les faits : la vérification douloureuse que tout n'est pas possible ,c'est à dire que l'organisation de la société humaine est soumise à des règles contraignantes (et bénéfiques) ;c'est la soumission volontaire et heureuse à ces contraintes qui nous libère : liberté humaine et contrainte sont intimement reliées .
Par exemple la contrainte physique qui fait que tous se déplacer quand on veut comme on veut dans une voiture individuelle produit des "bouchons" qui peuvent conduire à ce que le but recherché s'autodétruise : impossible de se déplacer ; s'il n'y avait plus de pauvres et que tous nous possédions plusieurs voitures ,de l'argent et du temps : alors les bouchons deviendraient des monuments bloquant tout. Merci donc aux pauvres d'êtres pauvres !
Quant à la "connerie "humaine ,elle est toujours désignée et décrite du haut de notre intelligence ! Là encore , lien indissociable entre connerie et intelligence.....
Changer les codes , les cadres ? Je ne vois pas d'autre chemin que la démocratie consistant à mettre en place des outils de réflexion collective (collective = TOUT le monde)
Après ....que ça marche ou pas ...... Ne dépend sans aucun doute d'aucun d'entre nous .
Sur le thème de la complexité que tu abordes, il y a de nombreux textes d'Edgar Morin qui devraient t'intéresser, c'est son dada.
Pour ce qui est des processus relevant de l'intelligence collective, on rencontre dans la nature des exemples qui ne sont pas exempts de délégations basés sur une sélection préalable des compétences. C'est par exemple le cas des abeilles quand un essaim choisit un nouveau lieu. Le processus de choix, relevant de l'intelligence collective, est entièrement délégué aux éclaireuses (environ 5% des ouvrières). Une abeille ouvrière passe par toutes les étapes de qualification en l'espace de 3 semaines sur une vie complète de 2 mois, toutes les abeilles ne deviennent pas éclaireuses, question de compétence. Mais bon, les abeilles ne sont pas embrouillées par des questions d'ambition personnelle.
Je crois être d’accord avec Michel Mais il faut considérer des niveaux : L’objection relève de réactions plutôt individuelles dans un projet interactif, plus ou moins prédéfini. C’est positif en effet. Alors que la réaction aux pouvoirs en place, en période de crises conjuguées ( moment « pré-révolutionnaire ») comporte des phases de contestation jusqu’à devenir suffisamment collective, et frontale, où il faut aussi surmonter des objections contradictoires selon les intérêts divergents en présence, dans une réalité complexe (classes, croyances, éducation, choix partisans, communautés,…)
L’objecteur et le contestataire sont donc bien complémentaires, mais c’est la réalité, les circonstances, qui déterminent le niveau de ces réactions subjectives en quête de justice et d’une problématique universalité. Par ailleurs, à l’époque de Hegel et Kant on n’avait pas conscience encore de ce que les rapports sociaux dépendent moins d’une conscience morale pensée comme « universelle» que d’une évolution des techniques de production, capable de modifier, de manière de plus en plus critique à l' époque moderne, des « contrats sociaux » antérieurement non contestés.
oui, le travail sur les objections n'évite pas les conflits qui naissent d'options foncièrement différentes et incompatibles. Un chien à beau avoir 4 pattes, il ne peut emprunter deux directions à la fois!
Si Marx est en régression par rapport à Hegel sur la politique et une conception trop naïve de la raison (ou de la science), par contre il le corrige et le dépasse en situant la causalité du côté du système de production et de l'état des techniques.
Ce qui est difficile, c'est de bien percevoir le poids des causalités matérielles pour essayer d'entrevoir les marges de manoeuvre qui nous restent, (nos limites cognitives), d'autant que les brouillages de notre "commune connerie" sont nombreux. C'est le travail que vous essayez de faire, avec à mon goût, un peu trop d'amertume qui limite la diffusion de vos analyses et provoque le rejet.
je ne sais pas si le mot d'amertume est le plus juste. A voir les définitions qui en sont données, il est question souvent de ressentiment, ce qui n'est pas le cas, mais que la vérité ait un goût amer ne me semble pas discutable, ni qu'il y ait déception et regrets, ce qu'il ne faut pas taire. Hegel en avait d'ailleurs fait une sévère dépression devant l'échec de la Loi du coeur si bien intentionnée et le ridicule d'une folie des grandeurs qui se transforme en délire de persécution avant de se résigner à la dialectique et à en être les sujets.
Il n'y a certes aucune raison de vouloir diffuser une philosophie sans consolation, rejetée par tout le monde de la droite religieuse à la gauche activiste, et l'étude de la bêtise humaine rend bien illusoire de croire y échapper. Je ne m'en excepte pas à me corriger sans cesse et n'ai donc aucune certitude à proclamer sinon qu'en partant du matériel on sera moins déçus et plus effectifs mais je suis frappé comme ce qui intéresse les gens, c'est de manifester leurs idéaux en paroles, pas du tout de les réaliser sinon par la magie des mots.
De toutes façons, une vérité qui ne provoque pas le rejet ne valait pas la peine d'être dite...
Je reviens sur le paragraphe où vous écrivez que « tout discours subversif peut être récupéré » Ou bien aussi, il peut s’être détourné du contexte qui nous avait, lui et moi conditionnés autrefois, et le sens auquel je m’attachais devient aujourd’hui inaudible, la figuration est devenue obsolète, ou étrangère à mon imagination, dès lors qu’elle est familiarisée désormais aux empreintes d’autres matrices ; (Je me suis mis à lire Jean Zin, par exemple, ou bien il s’est produit des événements décisifs)
J’apprécie surtout le paragraphe précédent : « La conscience… ce condensé… d’une succession des figures [d’appui] de la conscience »… Nouvelle conscience, de ce que « la conscience de ces figures change [de prise d’appui *]…et passe d’une figure à l’autre…s’épuise, ou passe les bornes, et suscite son opposé par le développement de sa logique interne ». Vous faites la lecture vivante d’un tableau de Cézanne !
. N’en est-il par ainsi donc pour toute forme d’information orale, écrite, dessinée ? Ces figures (formations, signes) pour le plasticien, sont des métaphores pour le poète, les images autrefois pour le théologien (attention, à prendre au seul sens figuré !) et toujours encore des « images » (d’un type nouveau) pour le scientifique. Au sens générique toutes sont encore les prédicats du logicien.?
rhétorique de l’ hypotypose
Vos textes sur Hegel font souvent référence à une "loi du coeur", , comme par exemple pour signaler un "subjectivisme voulant dicter sa loi au monde, ce qu'il appelle "la loi du coeur", pas loin du délire de présomption et de la folie des grandeurs". Pouvez-vous en préciser les modalités? Merci
Je ne peux que renvoyer à la Phénoménologie (à partir de la page 302 du tome I de la traduction d'Hyppolite chez Aubier). On est juste après "la contradiction dans la conscience de soi" entre sa propre subjectivité et la Nécessité d'abord éprouvée comme absolument étrangère à soi pour ensuite s'identifier soi-même (son coeur) à la nécessité.
Je ne peux tout recopier mais on reconnaît là une figure assez commune en politique, bien connue aussi en psychiatrie, menant effectivement à la paranoïa, au délire de présomption d'une singularité voulant être immédiatement universelle et attribuant son échec à quelque complot ou esprit mauvais, bouc émissaire de sa propre folie. Pour Hegel, c'est du vécu mais un stade incontournable de la formation de l'esprit.
Des " déchaînement de présomptions démentes"
Mais alors nous sommes en plein dedans?! Je comprends mieux pourquoi vous faites retour justement, en ce moment, à Hegel?..
« … alors la conscience dénonce l’ordre universel comme une perversion de la loi du cœur et de sa félicité.» Pour bien comprendre de quelle réalité «cœur» est l’image-mot, je suis aussi revenu à son emploi à l’époque des Lumières et même bien avant, jusqu’au Timée de Platon ( pages 183 et suivantes de l’édition poche Flammarion) : Si c’est au niveau de la « moelle » encéphalique que siège l’esprit, derrière le sternum sont les bronches le thymus et le cœur, ont se produisent les rythmes vitaux essentiels: aspir- expir, diastole- systole. Et quant au thymus on sait aujourd’hui qu’il produit des lymphocytes lesquels contrôlent la «tolérance à soi » des intrusions bactériennes. Dans la tradition classique le langage utilise moins l’arbitraire du signe, mais plus une symbolique des formes verbales, sur un fond de discours prioritairement moral. C’est à ce niveau du thymus des bronches et du cœur qu’est dans cette tradition soit assurée l’eurythmie et la félicité du moi, ou au contraire que se crée une disharmonie du souffle et du cœur, donc une souffrance, un mal-être, un clivage du moi et des troubles psychosomatiques, qui peuvent être graves Pour Platon le thymus est l’organe de la colère, ou bien s'y déclenchent des troubles de l’humeur pouvant aller jusqu’à la dépression chronique
Henri Maldiney reprenait à notre époque cette dialectique dans « Art et Existence » : « La charge thymique, la tonalité, la climatique propres à chaque ligne, surface, tension spatiale, couleur, textures, etc, sont plus primitives que celles du mot. Ces moments sont des voies de communication symbiotique avec un fond de monde... » (P. 69)… Après avoir écrit( p.68) : « Le poète et le délirant font violence à la langue. Tandis que dans nos idiomes le langage tend de plus en plus à demander moins à soi même et d’avantage à ce que la langue lui apporte de préconstruit, eux tendent au contraire à réduire la part de l’institué et du légal et à accroître la part du légal et de l’institué.
J’ai eu le plaisir grâce à vous de relire Timée et de rouvrir ce beau le livre de Maldiney. Merci.
erratum: il faut lire: "* à **accroître la part de l'a-légal et de l'improvisé***"Cruauté du lapsus: c'est ce que je ne suis jamais parvenu à réaliser concrètement!
La dialectique de la répétition et de l'inattendu est la logique même de la musique. J'ai un texte sur la musique en cours mais que je ne sais pas si je vais m'y remettre...
Hegel, par le scénario du Maître et du Serviteur-Valet- donne à reconsidérer le sens selon lequel fut jusqu'ici consacré le dogme de la Trinité et vulgarisé une interprétation du christianisme par les églises comme "théorie de la consolation": "Seigneur consolez-nous" ! La promesse du bonheur absolu post mortem ouvrant en réplique les promesses laïques de «lendemains qui chanteront », belles âmes consolez-vous ! Rien ne change dans l’analyse des faits!
Soit à considérer cette Parole, bien connue, du Fils Jésus : "Nul n'entrera dans le Royaume de mon Père, qui n'ait le cœur pur comme un petit enfant". L'entrée possible, dans ce Monde autre n'est nullement donnée à prendre comme différée ! Le dit "royaume du Père" demande seulement notre présence nouvelle à celui même d'ici, celui du Fils. Sauf que devenu république ou démocratie, à partir de Hegel dans l’esprit des Lumières et de révolution accomplies, le royaume n’est plus de droit divin, et l’analyse du philosophe, se fondant sur la raison, double, dépasse et abolit le discours théologique. Mais, sans le réduire à néant il vise à en combler le vide . Au-delà du triangle "Père-Fils- Esprit Saint", sous l’ordre de la Foi, s’est constitué en face désormais une dialectique "maîtrise- service- esprit du droit" du citoyen, sous l’ordre de la raison. Une Aufhebung de l’ancien acte de Foi par la nouvelle Raison agissante…Abolition des privilèges du maître, pour mieux assumer le service d’une maîtrise. On connaît la difficulté de traduire toute la polysémie complexe du verbe allemand aufheben assez décisif chez Hegel : abolir…mais aussi prendre, faire monter, lever au sens de lever une sanction, , abroger, départager, selon le contexte (vérification faite) en langue allemande...
Un fond de ciel calme et serein en fond d’une « démocratie du Père » participant d’une sérénité citoyenne est dans cette parole du Fils ouvrable ici et à partir d'aujourd'hui, sous réserve d'avoir pour modèle le cœur resté pur d’un nourrisson. Qui encore ne suce, ne tète avec le bonheur d’une félicité que ce qui lui est nécessaire, dans la limite du besoin véritable Pas question d’idéologie de l’économie mais d’une consommation qui consiste étymologiquement parlant à con-sumer, sub-sumer, seulement selon le nécessaire. C'est essentiellement écologique comme proposition économique, non? Chaque individu singulier vivant dans le souci de préserver l'intérêt commun de l'espèce.
Je ne pense pas qu'il faut en rajouter dans la sérénité et l'harmonie ni qu'on devrait se satisfaire de notre condition, notre réalité est plus cruelle et divisée. Il y a sans doute une certaine sérénité à ne plus chercher de fausses consolations à un réel si insatisfaisant, cela ne peut signifier qu'on en serait consolé et suffisamment rassasié. Alors que l'extrême-droite monte et que la production de pétrole continue d'augmenter, je trouve pour ma part assez insupportable de ne pouvoir changer le monde comme je l'avais cru, comme il le devrait, et le voir courir à sa perte, sans parler des souffrances du corps et autres inconvénients de l'âge. Je ne serais jamais sage mais ne me laisserais pas faire, tant que je pourrais, voilà tout, rageant contre la connerie humaine qui ne m'épargne pas non plus, mais certainement pas dévoué à une espèce - de très hypothétiques extra-terrestres seraient tout autant respectables - dévoué à l'esprit peut-être, désigné ainsi de façon trop obscure, au bien commun j'espère, mais qui sait ?, pas si sûr que ça d'être aux manettes et de n'être pas ma propre dupe ou plutôt celle de mon temps, absent à moi-même souvent et des rôles qu'on voudrait me faire jouer, en tout cas, loin du regard en surplomb qui domine de haut.