Formation de l'Esprit

(La Moralité dans la Phénoménologie de Hegel)
L'invention de soi (morale) La création du monde (politique)
 
La "conscience malheureuse ", la "conscience honnête", le combat de la " conscience noble" et de la "conscience vile", etc., toutes ces parties isolées contiennent (bien que sous une forme encore aliénée) les éléments nécessaires à la critique de domaines entiers, tels que la religion, l’État, la vie bourgeoise, etc. Marx II 125
La difficulté de la philosophie hégélienne est à la hauteur de son importance pour la pensée mais, surtout, pour la pratique politique. Malgré l’idéologie platement positiviste de l’économie-spectaculaire, l’échec du communisme oblige en effet à revenir à la dialectique hégélienne qui était née justement des échecs de la Révolution française où la Liberté se retournait en Terreur et ne triomphait enfin que sous l’aspect de la dictature napoléonienne. Si l’important reste bien la leçon politique, il faut commencer pourtant par la moralité qui y conduit et concerne plus intimement notre époque.

1. L’invention de soi
 
Résumé (Raison, Théorie)
La conscience de l’unité avec les autres prend d’abord la forme du traditionalisme. Mais celui-ci échoue à se justifier devant des traditions étrangères aussi bien qu’il renonce à se réaliser véritablement. L’unité avec les autres se réduit dès lors à l’égoïsme de la jouissance que chacun dispute à chacun. Mais la vérité de la jouissance est sa fin, consommation du désir ou être-pour-la-mort. Par son côté universel la conscience surmonte cette menace et trouve en soi le principe du dépassement de son plaisir égoïste. Cette aspiration morale éprouvée immédiatement comme loi du coeur s’oppose au monde sans plus de raisons que de lui imposer une logique subjective qui ne rend pas compte d’elle-même. Si elle advient à se réaliser un tant soit peu, cette loi perd de son assurance, de sa légitimité et le coeur invoque la fureur extérieure du complot, la main du diable sur de pures intentions. La leçon de ce délire de persécution est le rejet des prétentions de l’individualité à imposer son arbitraire au cours du monde. C’est plutôt contre cette individualité que va désormais s’appliquer son zèle par la discipline de la vertu. Le cours du monde auquel s’oppose la vertu est maintenant constitué du règne de l’égoïsme universel et de la recherche du plaisir désormais rejetée. Mais la vertu ne se réalise qu’à la mesure des forces de chacun et sa valeur ne réside donc plus dans sa réalisation mais dans son effort et sa foi. Le mérite se mesurant à la peine, le monde qui nous fait souffrir est revalorisé d’autant comme révélateur de la vertu et de la foi. De plus l’effort et la foi concernent l’individualité dont la discipline voulait se défaire, ne pouvant jouir de ses propres réussites et sans pouvoir modérer l’orgueil de l’ascète comme une boursouflure vide. Plutôt que de rester tournée vers sa propre excellence la vertu ne se suffit plus de la foi mais exige les oeuvres. La vertu est jugée à ce qu’elle fait. Les oeuvres pourtant sont fragiles et multiples, éphémères, disparaissantes. Le but est dès lors le chemin, l’oeuvre vaut comme occupation et non plus comme accomplissement. La tromperie, l’escroquerie de cette vertu satisfaite se manifeste dans la compétition sociale et impose finalement la loi morale, son universalité inconditionnelle qui pourtant ne peut rendre compte de la singularité concrète et imposer sa loi sans réflexion. Ce qui importe dès lors c’est bien encore la réflexion elle-même, la conscience qui examine la loi et se l’approprie, l’interprète, la loi se réduisant à son application par la conscience. Pourtant là encore la limite est vite trouvée dans le jésuitisme des rationalisations égalisant tout contenu. La conclusion qui s’impose est bien celle de l’impuissance de toute théorie à rendre compte des choix pratiques, tombant dans l’arbitraire. La théorie dépend plutôt désormais de la pratique devenue politique et qui en détermine la perspective.
 
a) L’invention de soi
(1) Le règne de l'éthique
 
(2) L'essence de la moralité (l’intellectuel et la société)
(a) le plaisir et la nécessité (abrutissement)
(b) La loi du coeur et le délire de présomption (utopie et folie)
 
(c) La vertu et le cours du monde (le réformisme)
b) L’affirmation de soi
(a) Le règne animal de l'esprit et la tromperie (l’Homme de lettres)
(b) La raison législatrice (le moraliste)
(c) La raison examinant les lois (l’intellectuel critique, l’idéologue)


 
2. La création du monde (la ruse de la raison)
 
Résumé (Esprit, Pratique [comparer avec ph II p296-297, 306-307])
La nouvelle bonne volonté du Conformisme voulant affirmer son appartenance à son peuple va rencontrer dans l’opposition des devoirs de la famille, comme Loi divine, et des devoirs de la communauté, comme Loi humaine, d’abord la culpabilité puis la corruption avant de s’aliéner dans un Droit formel. Les équivoques du Droit laissent au jugement de chacun de prendre le parti de la conscience vile (victime intéressée) ou de la conscience noble (prête au sacrifice et à la vertu). Mais le sacrifice qui ne va pas jusqu’à la mort est ambigu et tombe dans la rébellion (à la revendication de la conscience vile). Dès lors, ce n’est plus seulement le sacrifice qui compte mais la justesse du conseil, de la loi et du commandement, son contenu universel comme langage du pouvoir. Cette valorisation sans limite du contenu s’épuise d’abord dans la flatterie jusqu’à perdre dans l’extériorité de la culture toute signification sérieuse mais la perte du sens est déjà la foi qui se sait être-pour-un-autre, rapport individuel à l’Universel. Le rassemblement encyclopédique du savoir de l’humanité dissout pourtant cette confusion et cet individualisme dans l’unification du savoir de tous et s’opposant au savoir religieux dénoncé par les Lumières comme corruption du clergé et création humaine intéressée (obscurantisme). Mais les lumières et la puissance de sa critique sombrent pourtant dans l’hypocrisie, l’utilitarisme matérialiste et enfin l’inaction. Jusqu’à se retourner en pure Volonté du peuple, comme volonté agissante de tous, liberté absolue de la Révolution française qui sombre pourtant dans la faction et la Terreur de la simple suspicion, de la division de la volonté générale, perdant encore ainsi toute effectivité. La nouvelle conscience morale, représentée par Kant, revendique cette ineffectivité de l’universalité comme pur devoir être, simple volonté divine. Le but est cependant dévalué par cette inaction et se retourne enfin dans l’action effective d’une bonne conscience inébranlable qui sait que l’action ne vaut que par son intention, sa conviction propre et sa réalisation consciencieuse. Mais la conviction ne vaut qu’à être exprimée et reconnue par l’autre, c’est le langage de la reconnaissance qui unifie les consciences de soi d’abord dans la confusion de la belle âme inapte elle aussi à l’action. Le jugement moral condamne durement cette passivité comme hypocrisie et mépris de l’autre mais il ne peut éviter que son propre jugement se condamne à son tour soi-même, s’égalisant enfin à l’autre dans le Pardon. C’est pour Hegel à peu près le dernier mot mais si l’histoire a réfuté cette fin contemplative, le Savoir absolu reste le savoir du savoir comme histoire, processus dialectique.
Le conformisme
La culpabilité (Double bind)
L’aliénation (résumé de la suite)
Conscience Noble et conscience Vile (le Jugement)
Le langage du pouvoir
Le royaume de la foi
Le royaume des lumières
La liberté absolue et la terreur
Le devoir moral (Kant)
La bonne conscience
Le langage de la reconnaissance (Rousseau)
La belle âme (le Romantisme, Novalis)
Le grand Pardon
La fin du savoir
La suite de l’histoire

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