Matérialisme et idéologie

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dossier-materialisme-dialectiqueOn peut penser qu'une philosophie matérialiste ne sert pas à grand chose, puisque la philosophie en perd sa primauté et qu'elle ne peut nous promettre aucune consolation ni même de vraiment se libérer des déterminismes sociaux. C'est ce qui fait que dans le domaine politique, domaine où il reste pourtant le plus indispensable, le matérialisme semble être devenu, depuis le déclin du marxisme, absolument intolérable, assimilé à un réalisme cynique. Il est incontestable qu'en faisant du sujet le produit de son temps, les sciences sociales réduisent en effet à la peau de chagrin le rôle des militants et discréditent tout volontarisme face aux forces en présence alors que les foules s'enthousiasment facilement aux discours enflammés de tribuns appelant au soulèvement pour changer d'imaginaire, renverser les savoirs établis, se libérer des anciennes lois et des siècles passés, casser l'histoire en deux pour faire enfin triompher le Bien et la Justice !

N'étant pas nés de la dernière pluie, on ne devrait plus pouvoir croire ces vaines rengaines mais il faut bien constater qu'il est presque impossible de se défaire de la fausse évidence que si "nous" le voulions et si nous nous rassemblions, tout deviendrait possible (Yes we can, si tous les gars du monde voulaient se donner la main, prolétaires de tous pays unissez-vous, paix sur terre aux hommes de bonne volonté, etc). Y renoncer, ce serait consentir à notre servitude et on se perd en conjectures sur les raisons pour lesquelles cela ne marche pas, incompréhensibles, en effet, si c'étaient les hommes qui faisaient l'histoire, ou un esprit qui nous guide et non des processus très matériels, histoire qui n'est pas cette marche triomphante vers la civilisation qu'on imagine à la gloire de notre humanité mais bien plutôt une évolution subie - notamment l'évolution technologique mais tout autant l'évolution culturelle qui l'accompagne.

Nous sommes victimes d'une double erreur de perspective : celle de surestimer notre rôle dans l'histoire et donc la puissance des idéologies par rapport aux causalités matérielles, celle de nous placer à l'origine de nos pensées en déniant leur origine sociale, culturelle, historique qui nous est inaccessible, renvoyée à un jugement moral. Nous ne sommes pas transparents à nous-même, vides de tout présupposés, la part de l'inconscient nous domine plus qu'on ne veut bien l'admettre. Ce qui nous empêche de percevoir l'énorme influence des représentations collectives, c'est que nous les avons intériorisées, notamment en prenant parti. Ce qui montre qu'elles sont cependant plus déterminées que déterminantes au regard des évolutions matérielles, c'est bien qu'elles changent selon les pays et les époques, dans une histoire dont nous sommes le résultat et non pas l'aboutissement, y compris dans notre opposition à l'ordre établi qui épouse elle aussi les discours du moment avec tous leurs codes et illusions (le jihad religieux se substituant aujourd'hui aux révolutionnaires communistes d'antan).

- L'idéologie contre les sciences (causalité)

Alors même qu'elles ont de moins en moins de pouvoir, on voit toujours les démocraties entretenir l'illusion que les discours mènent le monde, pouvant en décider, ainsi que d'une intelligence collective ayant fait pourtant si souvent défaut. Il est certain que les démocraties sont rétives, par nature, aux déterminismes sociaux et aux attitudes passives ou fatalistes auxquelles fascistes et communistes ont voulu s'opposer on ne peut plus résolument. Il est, en effet, incontestable qu'on ne peut se contenter d'être le spectateur passif de sa vie et que notre action est constamment requise pour ne pas se laisser faire. Il est cependant tout aussi certain que notre influence sur le cours des choses est à peu près nulle et que sinon, la volonté de puissance de l'action politique peut tout simplement mener au pire dès lors qu'elle ignore ces déterminismes et veut faire violence à une réalité qui lui résiste.

Il y a deux types de discours opposés qui interviennent très différemment dans le processus historique, celui de l'idéologie (encensée) et celui de la science (décriée). D'un côté, on met en avant l'idéalisme et le volontarisme des valeurs qui prétend changer les hommes et le monde par l'effet de notre bonne volonté et d'une répression implacable (éthique de conviction). De l'autre côté, on doit se contenter de faire du mieux qu'on peut, attentif au matérialisme de l'histoire telle qu'elle se déroule, à l'économie et la société telles qu'elles fonctionnent, avec les hommes tels qu'ils sont (éthique de responsabilité) - ce qui est certes moins exaltant et même un peu méprisable. D'un côté, qu'on peut dire religieux, on s'imagine en effet que ce sont les discours qui donnent forme au réel sans voir à quel point ils sont au contraire complètement déterminés dans leur nostalgie du passé par la situation matérielle actuelle, crise qu'ils ne font qu'exacerber (hystériser). De l'autre, qui est celui de la science et qu'il faudrait réhabiliter, les discours se mettent à l'école des faits et peuvent dès lors y intervenir positivement, matériellement, avec moins de panache sans aucun doute mais plus de résultats. On peut comprendre que les sciences et techniques suscitent la méfiance, assimilées à des instruments de domination et de destruction, il n'y a pourtant pas d'autre voie qui ne soit folie, celle de l'idéologie avec son lot de malheurs dont elle parsème l'histoire, pathologie cognitive faite pour nous égarer et se prendre pour des héros.

Les sciences ne sont certes pas neutres puisqu'elles démentent les idéologies comme les religions (qui n'en veulent rien savoir), ne trouvant nulle trace d'une puissance spirituelle quelconque. Elles sont, il faut bien l'avouer, tout aussi déceptives pour les rêves d'émancipation. Cela ne fait pas du réalisme scientifique l'apanage d'une droite réactionnaire justifiant l'ordre établi, notamment lorsque ce qu'il faut savoir, c'est que la réalité se transforme sous nos yeux de façon de plus en plus accélérée, ne laissant rien en place, avec l'urgence de s'y adapter en changeant les règles du jeu (certes pas à notre guise).

Il ne s'agit donc pas de faire preuve d'imagination comme on nous y invite un peu trop légèrement mais d'éviter des menaces très concrètes et de tirer parti de nouvelles opportunités bien réelles. Ce qui rend les utopies inutiles et dangereuses, c'est leur refus de la réalité au nom des bons sentiments. Il serait bien sûr odieux d'accepter le monde avec toutes ses injustices, nous ne pouvons que nous y opposer au nom de nos idéaux et de nos indignations légitimes. Cela ne devrait pas aller cependant jusqu'à nier la dure réalité et rejeter - comme à peu près tout le monde - ce qu'on appelle imprudemment les "sciences de l'homme", notamment des causalités sociologiques que démontrent pourtant régulièrement les sondages, souvent à la virgule près - en attendant les Big Data, véritable macroscope qui nous met le nez sur nos comportements collectifs en temps réel ! Bien sûr, personne ne va dire qu'il réfute les sciences sociales, mais sans en admettre les trop vexantes conclusions, en les ignorant ostensiblement dans ses convictions comme dans ses comportements. Ainsi, au minimum, la notion de peuple mythique ne devrait plus être tenable, auquel tant de gens voudraient s'identifier encore mais, il faut s'y faire, la dénégation des déterminismes sociaux fait bien partie intégrante des traits caractéristiques des sociétés humaines, de leurs religions et de leurs institutions.

C'est ce qui fait prétendre à des propagandes, pourtant de positions politiques opposées, que les représentations sociales pourraient être changées à volonté, que ce serait juste une question de conviction. Le pouvoir de persuasion y est supposé pouvoir nous libérer des pesanteurs de la sociologie ou de l'histoire, comme des lois de l'économie ou des influences biologiques, au nom de l'universel ou de la nécessité. En faisant appel à une sorte de conversion spirituelle des individus et à l'enthousiasme des foules pour exiger l'impossible, c'est bien la fin des sciences humaines qu'on prononce sur tous les tons : fin de l'histoire, de la division en classes, de l'aliénation, de la domination, etc., rejetant dans l'oubli tous les travaux du passé sur un homme aliéné en des siècles supposés plus obscurantistes que le nôtre...

En dépit de ses prétentions enivrantes, l'esprit n'est pas autonome et nous ne sommes certainement pas libres de croire n'importe quoi ni de faire tout ce qu'on voudrait, cela n'aurait d'ailleurs aucun sens. C'est le privilège de l'âge de pouvoir juger sévèrement ses anciennes croyances comme n'étant que celles du temps. On confond trop facilement notre incontestable autonomie corporelle et notre capacité d'imagination avec une liberté souveraine et un libre-arbitre qu'on voudrait inconditionné, on ne sait comment. Il faut revenir à Rimbaud : "C'est faux de dire : Je pense : on devrait dire : On me pense". Nous sommes des êtres sociaux qui existons dans l'esprit des autres et parlons leur langage mais, aux dernières nouvelles, la croyance au libre-arbitre résisterait à tout, impossible de s'en défaire ! Ce n'est là que l'une de nos nombreuses limitations cognitives qui se manifestent constamment dans l'histoire.

- Matérialisme et culture (appartenance)

Il y a bien deux voies, celle de la vérité ou celle de l'opinion, de la pratique ou des mots, dans une histoire que nous subissons matériellement, où c'est la pratique qui a le dernier mot. Mais un matérialisme dialectique ne peut ignorer l'ordre des discours et les phénomène sociaux qui en perturbent le cours, comment se forment les idéologies et comment elles sont intériorisées. Il n'est certes pas facile de penser le mode d'existence des réalités culturelles et sociologiques que la Droite voudrait réduire à des questions psychologiques ou morales et la Gauche à la simple justification de la domination d'une classe sociale (immorale) alors que ces réalités ont une existence collective et matérielle (textes, institutions, infrastructures, techniques). Au-delà de sa matérialité et de ses rites, de son extériorité, il se trouve que nous intériorisons une partie au moins de notre culture comme l'évidence même, jusqu'à ne pouvoir comprendre le point de vue adverse. Nous n'avons pas le pouvoir d'en décider, seulement d'aller voir des peuples lointains dont les moeurs et les croyances sont tout autres pour prendre conscience des nôtres, de ce qui constitue notre identité sans doute, ou notre subjectivité, mais dans la mesure où l'on n'en est pas conscient (ce qui ne veut pas dire qu'il suffirait d'en prendre conscience pour s'en libérer). Une des choses les plus frappantes, c'est de voir comme les idéologies changent en fonction du moment des cycles économiques (innovation/risque, appropriation/rente, concentration/financiarisation, Étatisation/protectionnisme), manifestant bien leur dépendance de l'infrastructure sans avoir du tout conscience que ce n'est qu'un moment, vécu au contraire comme éternel à chaque fois. Le parallélisme frappant qu'on peut faire entre la crise actuelle et celle de 1929 manifeste à quel point les mêmes mécanismes peuvent enfermer dans les mêmes logiques suicidaires.

Notre culture structurant notre pensée nous est effectivement transparente, impossible à saisir pour la même raison qu'on ne perçoit pas la perception elle-même mais seulement son objet. L'influence de son substrat matériel, du mode de vie est involontaire, de l'ordre de l'habitus ou de l'imitation (d'un "paradigme" comme imitation de la science dominante) - imitation se manifestant de façon caricaturale dans la mode (où la volonté de se distinguer d'un mode de vie dépassé nous fait nous identifier à nos semblables). Il n'y a de transparence à soi que dans le sens où l'on ne se voit pas soi-même, absorbés par notre objet (notre désir ou notre ennemi).

Ne s'attacher qu'aux corps individuels, voire à leur cerveau, dépouillés de tout attribut et auxquels on pourrait imposer n'importe quelle culture nouvelle, n'est pas du tout aussi matérialiste qu'il peut le paraître, en négligeant le fait que le langage est commun et appris, extérieur aux individus tout comme l'organisation sociale. Nous sommes très marqués par notre génération de même que nous dépendons de l'ambiance extérieure à laquelle on participe mais sur laquelle nous avons bien peu de prise. Ainsi, une déclaration de guerre se traduit immanquablement par une adhésion très large à une propagande outrancière. Il ne s'agit pas d'une faiblesse individuelle mais d'une posture collective qui génère sa rationalisation en se renforçant des opinions exprimées.

Il n'est pas plus matérialiste de séparer complètement les représentations de la réalité vécue, l'idéologie de sa base matérielle sur laquelle elle serait plaquée arbitrairement, faite pour nous tromper (théories du complot, pouvoir des médias ou fabrique du consentement) et à laquelle il suffirait d'opposer une idéologie contraire (prolétarienne, des dominés, féministe). Le véritable matérialisme se doit d'être plus dialectique, de rendre compte des représentations collectives et de la superstructure juridique par le système de production et les conditions de vie matérielles, mais tels qu'ils se combinent à l'histoire passée.

L'idéologie n'est pas un simple épiphénomène et la superstructure un double fidèle de l'infrastructure (sorte d'appareil photographique). Si l'expérience du réel forme la subjectivité et donne corps à nos émotions, l'idéologie a sa consistance propre qui rétroagit sur l'infrastructure en bien ou en mal. Le plus souvent, la part de l'humain reste malgré tout celle de l'erreur, comme disait Poincaré, l'idéologie (après la religion) manifestant de façon caricaturale tous nos biais cognitifs. On peut avoir affaire aux théories les plus folles trouvant un terrain favorable dans les périodes troublées, on l'a déjà vu. Ce sont bien des raisons matérielles (chômage de masse) qui font croire à ces sornettes qui ne sont pas du tout le reflet de la réalité mais sont bien liées à l'infrastructure. La succession des idéologies en fonction du moment d'un cycle illustre bien ce mécanisme.

On peut esquisser ainsi à grands traits la combinaison des causes matérielles et idéologiques du nazisme. Son contexte immédiat est celui du ressentiment de la défaite de 1918 et de trop lourdes réparations, d'une crise économique, monétaire et politique alors que l'URSS se développait et que le marxisme gagnait les esprits. Plus anciennement darwinisme et colonialisme avaient forgé une notion de race qui se voulait scientifique, assez différente des anciennes conceptions de la race (juive notamment). Plus anciennement encore la Révolution Française avait ouvert la voie aux idéologies volontaristes en même temps que la revendication particulariste contre l'universel (Fichte). Hitler a fait une sorte de synthèse des idéologies de l'époque avec le pangermanisme (il n'a rien inventé). Très matériellement, les chômeurs ont fourni les troupes enthousiastes d'une exaltation de la race valorisant les plus humbles alors que les étrangers et les juifs constituaient des boucs émissaires faciles.

Malgré tout, l'important n'est pas tant la constitution de l'idéologie nazi à partir de tendances antérieures, ni même sa capacité à susciter l'adhésion des foules mais qu'en dépit de toutes ses incohérences, tous ses revirements (la nuit des longs couteaux), ses massacres, ce qui s'est passé, c'est que cela marchait, l'investissement militaire relançant l'économie et la société faisant preuve d'un étonnant dynamisme. Alors qu'on insiste sur la folie du régime, ce qui devrait étonner, c'est son réalisme et sa rationalité. Ce qui triomphait apparemment, c'était bien l'idéalisme des valeurs alors que sa puissance y compris militaire venait réellement de l'industrie (au grand désespoir du nazi Heidegger) et que c'est au contraire l'idéologie, qui semblait confirmée par les faits, qui causera sa perte en brisant son élan sur des forces bien supérieures, celle du nombre soviétique et celle de l'industrie américaine. Il y a bien une puissance politique ou émotionnelle qu'on peut mobiliser par des discours mais à la fin, c'est toujours la réalité des forces matérielles qui reprend ses droits.

En effet, si l'idéologie a une certaine efficience, celle-ci reste limitée et trompeuse. Il ne faudrait pas s'imaginer non plus, sous prétexte que nous sommes enfermés dans des idéologies et un discours commun repris par les individus, qui n'en sont pas les créateurs mais seulement les supports (on ne fait que répéter des formules, des mots de passe, des discours constitués, des préjugés), que cela voudrait dire qu'il n'y aurait qu'un relativisme intégral des valeurs comme des savoirs, l'homme devenu la mesure de toutes choses dans sa singularité alors qu'il n'est ni au centre de l'histoire, du monde ou de l'évolution. Il y a une diversité de culture et de langue, une diversité de discours avec leur éthique propre, cela ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas un monde commun bien réel ni rien d'universel. Husserl était parti de l'évidence que la logique et la géométrie ne dépendaient pas de la psychologie (pas plus que d'une anthropologie), ne faisant que déployer les conséquences d'un énoncé (d'une définition ou hypothèse) comme la noèse donne forme au noème, l'intentionalité à son objet. Beaucoup de ce qu'on appelle humain relève du cognitif et n'est pas du tout spécifique. La physique elle-même n'est liée au principe anthropique qu'à la marge, restant valable dans tout l'univers. La biologie garde aussi la mémoire de nos origines animales et de l'histoire de l'espèce. Il faut faire la part des choses et ne pas tout noyer dans un relativisme et un subjectivisme universel. Il y a bien une passivité fondamentale de l'évolution qui précède toute subjectivité active. Ce n'est pas de l'ordre d'une soumission mais simplement que nous sommes le fruit de la société et de toute une histoire qui a beau être singulière est façonnée par l'extériorité et l'universel. C'est la première chose à affirmer contre la pensée post-moderne, la matérialité de la cause, son caractère contraignant (notamment pour l'écologie). Les scientifiques n'échappent pas à l'idéologie plus que les autres, c'est pour cela que seule l'expérience et l'observation en fondent l'universalité.

Bien que je trouve très insuffisante l'archéologie des savoirs de Michel Foucault, on peut reprendre son ambition de faire "une histoire matérialiste des idéalités" mais qui ne tombe pas dans le relativisme cette fois, pas plus que dans une anthropologie biologisante ou les pièges d'une essence de l'homme mais nous intègre dans une évolution cognitive située, avec différents processus matériels, qu'il faut bien distinguer, ainsi que leur traduction culturelle. Il serait aussi stupide de nier le substrat biologique en réduisant tout au culturel, à la compréhension, que de vouloir expliquer tout le culturel par le biologique. Le biologique a son importance mais n'est qu'un élément d'une matérialité plus large en évolution constante ainsi que de contraintes discursives ou purement logiques. On sait bien que le système de production reste déterminant en dernière instance car il ne s'agit pas seulement du fait que le capitalisme serait un procès sans sujet (le sujet automate de Moishe Postone) mais qu'il s'impose matériellement, dans l'après-coup de sa puissance effective. Cela ne concerne pas seulement l'infrastructure du système de production mais tout autant la superstructure idéologique qui garde toute son importance.

Si nous ne sommes pas les auteurs de l'histoire et seulement ses acteurs dociles, il faut bien comprendre au-delà de l'explication sociologique ce qui motive notre adhésion, notre engagement dans un discours constitué. Foucault a bien montré que le pouvoir était distribué dans toute la société et non pas localisable (personnifié). Il ne s'agit pas de prétendre, en effet, que les choses se feraient toutes seules (les cycles économiques par exemple) mais que notre participation et nos changements de convictions ou priorités sont surdéterminés par la situation et relativement prévisibles au regard de l'environnement social. C'est ce phénomène social, culturel, qui a de quoi nous étonner.

De nos jours, le féminisme fournit justement un exemple emblématique de ces représentations collectives intériorisées et d'un changement idéologique qui se fonde sur des changements matériels et n'a donc rien d'arbitraire ni ne dépend d'inclinations personnelles et pas autant qu'on le croit de l'activisme féministe. Le féminisme manifeste ce qu'il y a de culturel mais aussi de lié à l'évolution technique, dans la division sexuelle qui n'explique donc pas tout, ce qui ne doit pas aller jusqu'à nier la part du biologique qui saute aux yeux. C'est un réel qui détermine l'idéologie, pas l'inverse. Le féminisme l'illustre à merveille, même à se persuader du contraire...

Je publie de façon séparées, car ayant pris trop d'ampleur, ces réflexions préalables sur les rapports entre idéologie et matérialisme qui se voulaient une introduction aux causes matérielles et sociales du féminisme comme révolution idéologique trop souvent renvoyée à des facteurs individuels alors que c'est le mouvement de toute la société.

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