La politique est un théâtre

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Certains ont de la démocratie et de la politique une vision on ne peut plus naïve, comme s'il suffisait de changer de général pour gagner la guerre, de donner un mandat ou un ordre pour qu'il soit exécuté, comme si ce n'était qu'une question de choix rationnel dans un contexte d'information parfaite ou même de simple bonne volonté. Evidemment, les choses doivent leur paraître fort étranges, au point d'imaginer quelque complot ou forces obscures pour expliquer que les gouvernants ne fassent pas ce qu'ils voulaient faire et parlent tous la même langue de bois. Il y a pourtant de bonnes raisons à cette impuissance du pouvoir, qu'il faudrait mieux comprendre et dont l'épisode que nous vivons peut servir de parfaite illustration.

Ce n'est pas seulement que les gouvernements ne font pas ce qu'ils veulent mais ils prennent des décisions absurdes au su et au vu de tout le monde. Ce n'est pourtant pas qu'ils sont complètement idiots. On fait comme si c'était une question de morale ou simplement d'intérêt voire de rapport de force mais c'est plutôt que le champ politique a ses contraintes spécifiques. La notion de discours élaborée par Foucault ou Lacan, implique que, loin de ce qu'on s'imagine, l'on ne peut ni dire ni faire n'importe quoi, il y a des formes et des codes à respecter, un jargon spécial à utiliser, des procédures à suivre, des instances de validation, avant de subir dans l'après-coup l'épreuve du réel, la pression des faits sur lesquels on se cogne.

C'est un jeu de théâtre qui n'a rien d'abstrait mais dont on a un magnifique exemple. Ainsi, on voit que les Allemands sont obligés de montrer qu'ils ne peuvent pas payer à fonds perdus (et ils ont bien du mal à ce que leur supériorité actuelle ne leur monte à la tête). Les Grecs (ou les Espagnols, les Italiens, les Français, etc.) sont obligés de montrer qu'ils font tous les efforts possibles, aussi insensés soient-ils. Et comme ces politiques ne font qu'aggraver le problème, les peuples sont obligés à leur tour d'y mettre un terme pour que les gouvernements avouent leur impuissance et changent du tout au tout sous la pression des faits encore mais qui est cette fois la pression de la foule. Chacun est dans son rôle et notre libre-arbitre très réduit, quelque soit notre intelligence de la situation.

Les mobilisations sociales ont ici un autre rôle que celui des élections. Les dirigeants sont dans leur rôle et les dirigés dans le leur qui est différent même si ceux-ci ont voté pour ceux-là. J'ai été frappé par l'expérience de la seule grève qu'il y a eu dans mon entreprise et comme cela avait changé le rapport de force avec le banquier. Le client comme le banquier mettaient la pression pour qu'on achève un chantier difficile à mettre au point et je ne pouvais qu'être le relais de cette pression auprès des autres salariés, la situation de l'entreprise devenant très précaire. La pression était cependant contre-productive, ne pouvant faire avancer quoi que ce soit. La grève éclair déclenchée par ceux qui n'en pouvaient plus a permis immédiatement de débloquer la situation, dans l'intérêt de tous. Bien sûr, il ne s'agit pas de comparer les situations ni de prétendre que ça se passe toujours aussi bien, seulement de comprendre comme la réaction des gens peut être indispensable et décisive, avec les rôles différenciés de chacun, qu'on ne peut se fier à nos représentants les mieux intentionnés faisant face à des puissances supérieures.

Le problème, c'est qu'il ne suffit pas de défiler sagement de la Nation à la Bastille ou même à la place d'Italie ! Il ne suffit même pas que ce soient des manifestations de masse. Les gouvernements ne peuvent céder trop vite, ils passeraient pour complices (c'est un peu comme en amour!). Ils sont obligés de faire mine de ne pas se laisser impressionner et, sinon, d'avoir reculé là aussi sous la contrainte d'urgences indéniables (on est toujours dans le TINA, gouverner, c'est suivre la nécessité). Pour que la rue impose sa loi, il ne s'agit pas de simplement faire nombre. C'est un préalable, sans doute, mais ne sert souvent à rien, on le voit bien en Grèce comme en Espagne même si le gouvernement portugais a fait marche arrière sur sa mesure la plus controversée. On peut toujours opposer au nombre des manifestants tous ceux qui ne manifestent pas. Pour contrebalancer des intérêts économiques puissants, les manifestations doivent aboutir à des situations de blocage qui rendent impossible de continuer, obligent à revoir les positions antérieures ou retirent toute légitimité au pouvoir en place.

Comment atteindre ce point de non retour ? On peut dire que cela dépend de notre degré d'indifférence à l'intolérable mais il faut souvent qu'il y ait mort d'hommes, hélas, pour avoir cet effet. Ce n'est pas tant une stratégie délibérée qui peut y mener qu'une montée aux extrêmes tant que l'irréversible n'a pas été commis. En Grèce, aussi bien la grève générale que les grandes manifestations et la montée de la violence n'y ont rien fait encore, ce qui peut décourager les mobilisations mais encourager un peu plus la violence, y compris fasciste. C'est là qu'il peut être utile d'avoir conscience de l'objectif de blocage et de se rappeler qu'il s'agit malgré tout de théâtre, qu'il s'agit de se situer sur le terrain de la violence symbolique pas sur celui des forces de l'ordre qui seront toujours mieux armées. Ce pourquoi l'agitation culturelle autour des occupations a été plus qu'utile même si cela n'a débouché sur rien pour l'instant. Il faudra bien passer à la vitesse supérieure si l'effondrement économique ne se produit pas avant.

Les Français n'en sont pas là quand les Grecs n'arrivent encore à aucun résultat mais on ne pourra éviter de passer par une exacerbation des tensions tant que la situation continue de s'aggraver petit à petit. Il faut que chacun joue son rôle, manifeste son existence, fasse valoir ses droits et résiste à l'oppression. On n'a pas plus le choix que nos gouvernants : on est libre mais la liberté ne s'use que si on ne s'en sert pas. Elle a surtout un prix à chaque fois démesuré (sinon elle ne vaudrait pas grand chose). Nous sommes incontestablement à l'une de ces périodes où l'intervention de tous est décisive, mais le moment incertain où il ne s'agira plus seulement de manifester entre-soi. Voilà encore ce qui ne se décide pas mais auquel on peut participer le moment venu, sans oublier donc la dimension théâtrale de la politique que Platon appelait la théâtrocratie. En tout cas, c'est à nous de jouer même si on ne sait pas encore ni quand, ni comment dans cette crise qui traîne en longueur et qu'il faudrait plutôt précipiter pour en finir si le coût ne risquait d'en être exorbitant.

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35 réflexions au sujet de “La politique est un théâtre”

  1. La supériorité allemande ?

    "Qu’en est-il de la France ? Elle ressemble bien plus à l’Italie qu’à la Finlande. La dette nette de l’Etat est de l’ordre de 80 % du PIB et le patrimoine net de la population française de 510 % du PIB. Au total, les Français sont encore plus riches que les Italiens, avec environ 135 000 euros par tête en 2011. De quoi faire rêver les Allemands : le patrimoine net des particuliers et de l’Etat y est de 320 % du PIB, très proche du ratio finnois, mais avec un PIB par habitant plus faible, cela ne représente que 100 000 euros par tête."

    http://s182403251.onlinehome.fr/spip.php?article886

  2. Bonjour

    l’irréversible est en marche , hyper inflation, destruction des emplois, économie de l'état exsangue, avec une possible main mise sur une partie de l'épargne des particuliers ( type assurance vie) pour éviter l’effondrement total des banques en construisant un décor de façade pour les étrangers qui possèdent et achètent encore de la dette française .
    ma question: comment mieux utiliser cette épargne avant sa confiscation dévaluation par l'état ?
    Vous avez développé depuis plusieurs années les coopératives municipales avec une monnaie autonome, pouvez vous nous proposer des références de statuts qui permettraient de conserver cette autonomie lors de la crise aiguë.
    Je suis un lecteur de votre blog depuis plusieurs années , et je n'ai pas trouvé cette réponse!
    merci e

  3. Dans un contexte de krach de la dette, le meilleur investissement, c'est de faire des dettes... A taux fixe bien sûr, car ils sont historiquement bas et vont forcément monter. Il faudrait donc investir en grande largeur et au plus long terme possible car l'inflation devrait rendre les remboursements ridicules. Sinon, il suffit de posséder des biens matériels qui ne devraient pas dévaluer mais, selon les endroits, l'immobilier peut baisser de 50%, de même que l'or (un peu moins) mais du moins on ne perd pas tout. Moi, je n'ai pas du tout ce genre de problèmes !

    Une monnaie locale ne devrait pas être affectée par une hyperinflation, au contraire, elle devrait prendre plus de valeur. Pour le reste, je suis désolé de décevoir les attentes mais si je donne des arguments pour des coopératives municipales, je n'ai pas de solution clef en main, hélas. En cas d'effondrement systémique, le niveau local devient vital et, pour peu qu'on puisse avoir une monnaie de rechange prête à l'emploi, il y a de quoi s'en sortir.

    En fait, je dis que je n'ai pas de solution clef en main car je suis conscient des difficultés, de la nécessité de partir du terrain et de l'insuffisance de ce que je propose mais j'ai quand même fait un kit de création d'une coopérative municipale (qu'il faudrait que j'améliore) et un wiki sur le sujet (héla fermé à cause du spam), plus le dernier texte à consulter (pdf).

      • J'en suis certain autant qu'on peut être certain de quelque chose, n'étant pas devin. Comme diraient les physiciens, c'est probable à 1 chance sur 1 million près ! Cette théorie des taux négatifs a été faite en 1943 et la suite a bien démontré le contraire, conformément aux cycles de Kondratieff. En tout cas, ça s'est toujours passé comme ça. L'inflation est bien plus favorable à l'investissement et de toutes façons, le développement des pays les plus peuplés nous y mène tout droit. Une fois le monde unifié sous un même gouvernement on pourrait peut-être faire autrement mais ce n'est même pas sûr...

  4. Dire que la politique est un théâtre et que chacun y joue son rôle est une évidence ; de là à nous dire que pour bien faire de la politique il faut bien jouer son rôle et que ma foi on pourra avoir la chance de participer parfois à l'avancée de l'histoire , c'est selon moi pousser le bouchon un peu loin !
    Dans les périodes troubles , sans visibilité et minées de diverses menaces , nous avons besoin , non d'acteurs , non de sachants , non de chefs etc mais de personnes sachant prendre du recul, interroger le fonctionnement et le but de la société et nous aidant à poser ENSEMBLE les bonnes questions. Nous avons besoin d'être éclairés sur ce que nous sommes et où nous allons et l'activité politique bien comprise , qui n'est pas seulement une simple gestion de l'existant , est une activité d'interrogation.
    En fait tout en sachant reconnaître l'aspect vain et théâtrale de la politique , les choses étant ce qu'elles sont , nous aurions bien, besoin de politique, c'est à dire à partir des choses telles qu'elles sont tenter avec humilité certes, de les interroger pour les faire progresser..
    Je ne parviens pas à me défaire de cette idée qu'il nous faudrait créer un outil polique officiel de recherche , étude , débat , qui s'intéresserait non à la gestion des affaires , mais au projet de société.

  5. Ce n'est pas parce que c'est du théâtre que c'est vain mais qu'il faut passer par l'expression publique. Or, l'expression démocratique étant plurielle, ce n'est pas quelque chose qu'on maîtrise, seulement notre propre expression. C'est bien beau de vouloir penser et agir ensemble mais il y a plusieurs ensembles. Je suis le premier à défendre la nécessité d'une démocratie cognitive mais c'est bien parce qu'on en a besoin et qu'on n'y arrive pas car la question de la vérité n'est pas si simple. J'ai assez participé à un parti pour savoir que s'affrontent des vérités qui se croient toutes aussi incontestables les unes que les autres et fermées aux vérités contraires, juste dans un rapport de force. Tout le monde s'imagine intelligent et se posant les bonnes questions mais si on fait une réunion pour s'interroger par exemple sur la crise financière et les dettes, on sait d'avance ce qu'on va se dire. Il ne manque pas de think tanks mais on sait bien que ce sont des boîtes à idéologie plus que de pensée. Il y a des efforts de recherche qui sont méritoires comme la République des idées, mais cela ne va pas très loin. Les gouvernements ne manquent pas d'experts mais cela ne suffit pas pour qu'apparaisse l'évidence de ce qu'il faut faire, l'Allemagne pensant comme un prêteur et les autres comme des débiteurs, etc.

    Je ne pensais pas du tout comme ça avant de faire de la politique. J'y croyais et pensais aussi qu'il s'agissait surtout de donner les bonnes informations et d'être de bonne foi. Ce sont les réalités massives qui m'ont démenti. Il y a des blocages idéologiques comme dans les sciences où les partisans d'un nouveau paradigme ne peuvent convaincre ceux de l'ancien (Planck disait qu'il fallait juste attendre qu'ils meurent). Il se trouve que je me suis spécialisé dans ces vérités inassimilables qui donnent une moins haute idée de nos compétences cognitives que nos prouesses techniques, en particulier pour le revenu garanti, la gratuité numérique, la légalisation des drogues mais, dans une moindre mesure, c'est un peu la même chose avec la relocalisation, le post-industriel, le travail autonome (la sortie du salariat), le concept d'information, etc. Ce sont des nouvelles évidences qui ne s'imposeront qu'à la longue, j'espère dans pas trop longtemps, comme a pu le faire le féminisme, mais qui ne dépendent pas d'une force de conviction qui est à peu près nulle contre ceux qui s'y opposent au nom des anciennes évidences. En attendant, les appareils fonctionnent avec les anciens discours de plus en plus inopérants pourtant et sourds à tout ce que je peux dire. Et puis un jour, ils apparaitront complètement ringards et on pourra reprendre l'offensive mais il ne sert à rien de vouloir se battre contre un ennemi supérieur en nombre (du moins, on ne le fait pas longtemps), il faut attendre forcément un moment plus opportun qui ne dépend pas entièrement de nous.

    • Votre discours en devient très démobilisant à force de vouloir être réaliste. Ce n'est pas que ce que vous dites n'est pas raisonnable. Mais j'y vois plutôt la construction de bonnes raisons pour vous protéger, pour ne pas tenter de pousser concrètement, de ne pas CONFRONTER votre principale proposition positive: coopérative municipale+revenu garanti+monnaie locale. Vous pourriez y découvrir si votre utopie a un quelconque ressort de vitalité ou non, ou les modifications qu'il faut apporter à votre projet pour qu'il devienne viable... enfin revenir à la manœuvre armé de toute l'expérience politique et anthropologique que vous avez acquise et arrêter de tourner en rond.
      Qu'est ce que ça fait si ça rate?
      Ce serait bien le diable, si vous vouliez y passer un peu de temps à vous occuper de votre bébé, si vous ne trouviez pas deux ou trois maires pour tenter l'aventure. Vous dites que vous êtes prêts à aider une initiative qui se manifesterait. Mais un tel "enthousiasme" n'est pas pour rassurer et inciter à y aller. Si vous y croyez si peu comment voulez-vous qu'un maire, qui n'y a pas réfléchi aussi longuement que vous, ait envie de tenter le coup?

      • Il faut effectivement se démobiliser quand il n'y a pas de perspectives à l'action. Je suis contre l'activisme, ce n'est pas la peine d'épuiser ses forces, on ne peut qu'y perdre toute crédibilité et quand on constate qu'on est inaudible, il faut bien en tenir compte. On ne peut dire que je fasse rien en attendant.

        Bien sûr, si vous trouvez 2 ou 3 maires prêts à tenter l'expérience je suis partant pour aider autant que je peux mais je crois que ce ne sera pas si facile et qu'il faudra plutôt que la crise s'aggrave avant (je n'ai obtenu, pour ma part, aucune attention de la part de maires verts, ce que j'ai trouvé un peu fort), ce sont des entreprises dans lesquelles on ne se risquera qu'à la dernière extrémité quand tout le reste aura raté (comme prévu).

        Il est vrai par contre que, pour l'enthousiasme, je n'ai plus l'âge. Comme dit Olaf, ce serait d'abord aux jeunes de se bouger au lieu de faire des manifs du 3ème âge. Il faut quand même rappeler que, même s'il n'y a pas d'issue à court terme, le contexte de crise promet de l'agitation et des bouleversements (qui ne seront pas forcément ceux qu'on souhaite).

    • Sur le revenu garanti et les évolutions en cours :

      Nous sommes des millions à vouloir un changement de politique. Maintenant, c’est surtout aux jeunes engagés dans la société d’avoir le courage de nous montrer le chemin, de prendre les idées radicales, utopiques et de les pousser jusqu’à ce qu’elles deviennent soudainement réalistes. Nous devons travailler et utiliser nos talents pour diffuser cette énergie, inviter les gens à s’activer. Bien sûr, il y a toujours une sorte de défaitisme, mais cette énergie peut soudainement devenir très positive.

      http://www.bastamag.net/article2679.html

      • Le problème, c'est que la contradiction traverse les travailleurs avec notamment des syndicats qui ont des intérêts opposés aux précaires (sous prétexte d'opposition au précariat) et notamment au revenu garanti. Le revenu universel gagne du terrain de façon continue mais encore très minoritaire. Or, il faut dépasser un seuil élevé pour justifier une réorganisation totale de la logique du système.

  6. Le réalisme à la Jean Zin est précieux et met en garde contre les illusions ; en tous cas moi il m'apprend.,même si parfois c'est comme une douche froide .

    Mais la capacité même à réaliser les limites de l'action politique qui par beaucoup d'aspects sont éclatante , ne peut que nous conduire , ou à renoncer ou à rechercher par où et comment lui donner plus d'efficience ; je reste persuadé (jusqu'à temps que je ne le serai plus et renoncerais ? ) qu'il manque une dimension à l'activité politique qui pour l'instant se cantonne à la gestion du présent des affaires de la cité ; ce positionnement méthodologique , certe indispensable , présente l'inconvénient majeur de placer les acteurs en situation de conflits d'intérêt et rapports de force qui se traduisent actuellement dans les élections , la lutte pour conserver ou acquérir le pouvoir , les revendications des divers autres acteurs . On est donc pas du tout en position d'étude et recherche rationnelle .
    Il me semble donc ( encore ) qu'une avancée politique et démocratique majeure consisterait à se doter d'un nouvel outil politique , déconnecté de la gestion et formaté pour la réflexion plus globale sur la compréhenesion du fonctionnement , de l'organisation et des buts de la société . Ce serait plus un outil prospectif et de projet , un outil d'étude d'analyse et de débat destiné à mieux comprendre ce qui nous arrive , ce qui n'aura pas un impact immédiatement mesurable comme des élections , mais qui au final et plus subtilement devrait faire évoluer les choses de la même manière que tout apprentissage et prise de conscience peuvent le faire : en profondeur.
    On trouve déjà les prémisses de ce genre d'outil dans tous les évennements , reportages , réunions,blogs etc où collectivement sont abordés des thémes sociétaux ; mais c'est à la bonne volonté d'initiatives des uns ou des autres , ni systématisé méthodologiquement , ni institutionalisé , ce qui réduit de beaucoup la portée et l'intérêt de ces initiatives , ces paroles non portées et légitimées par l'institution , faisant partie du bruit ambiant produit par cette liberté de tout dire sans que ces dires puissent être écoutés et pris en compte dans un débat réellement public.
    Il s'agirait donc de proposer un nouveau cadre politique public doté de moyens d'animation, recherche investigation,dédié à la recherche sociétale , à la réflexion collective et participative sur nous mêmes , notre manière de nous organiser et de vivre .

  7. Il est effectivement très étonnant qu'on se fasse tant d'illusions et d'abord sur la vérité elle-même qui nous paraît simple et transparente quand elle est si complexe et déroutante. J'avais beau être critique envers la "démocratie bourgeoise", j'avais une confiance naïve dans la démocratie avant que les Verts ne me présentent aux législatives et où j'ai compris que ça marchait par réseaux et que le vote n'est pas ce qu'il parait (les études géographiques et sociologiques l'avaient pourtant bien établi).

    J'ai compris le gouffre qu'il pouvait y avoir entre la réalité et nos représentations lors d'une réunion entre les intellectuels des EGEP (surtout du GRIT) et Denis Baupin représentant les Verts mis sur la sellette à cause de leurs dernières péripéties démocratiques et l'échec prévisible des EGEP (Etats Généraux de l'Ecologie Politique, expérience avortée d'imitation des Belges). Patrick Viveret sommait les Verts de modifier leurs pratiques et leurs statuts pour continuer à participer mais, moi qui venait de les quitter, je savais bien que personne chez les Verts, notamment pas le pauvre Denis Baupin, n'avait ce pouvoir délirant d'imposer ainsi cette volonté à tous alors que tout était structuré autour de tendances ennemies qui étaient aussi un partage des postes. Pourtant, intellectuellement, ces réalités ne comptaient pas et la solution pouvait sembler s'imposer d'elle-même, ce qui n'est pas du tout le cas !

    Avant de pratiquer moi-même un groupe d'intellectuel, je m'imaginais effectivement qu'on devrait pouvoir se mettre d'accord, mais Michel Husson pensait que nos positions étaient trop différentes pour qu'on puisse continuer ensemble un groupe d'ATTAC que des militants m'avaient demandé de rejoindre. Au GRIT, au lieu de "désaccords féconds" mes divergences étaient considérées par certains comme des insultes (si effectivement on trouve idiot ce que quelqu'un dit, on le traite d'idiot). Cela n'arrive pas quand on pense comme tout le monde mais seulement quand on défend une perspective différente, or on croit que c'est ce qu'on cherche dans une discussion ou des blogs alors qu'on ne fait que renforcer sa propre opinion (et lorsqu'une opposition se manifeste, c'est sous la forme du troll). Quand on se félicite d'un débat, comme ceux précédant le référendum, ce n'est pas qu'on s'y est confronté à des désaccords inconciliables mais qu'on y a trouvé de nouveaux arguments pour conforter notre opposition.

    L’institutionnalisation de la vérité existe, et j'y ai même participé une fois ! C'est un machin créé par l'ONU et qui s'appelle le "collegium international éthique, scientifique et politique" sensé regrouper les intelligences du monde. Des gens très bien y ont participé comme Amartya Sen, Stéphane Hessel, etc., mais le résultat est tout simplement ridicule ou du moins inutile (une perte de temps). Le vrai collegium international, c'est plutôt la science mais, là aussi, il ne faut pas croire que ce soit simple, que tout le monde soit d'accord. C'est un processus pluriel et instable, avec des modes, des intérêts, des paradigmes, etc. (ce qui n'empêche pas d'avancer). Encore une fois, pour s'en rendre compte, il faut tomber sur des vérités nouvelles et non assimilables qui vous mettent dans la même position que tous les délires du moment. Ainsi, pour les vieux marxistes, le post-industriel et le travail autonome ne sont que de pures fictions idéologiques car le travail sera toujours matériel et s'incarnera toujours dans des marchandises...

    Lacan disait qu'il n'y a pas d'Autre de l'Autre pour mettre tout le monde d'accord. Il y a des autorités qui servent de garant, mais personne pour garantir le garant lui-même, de sorte que même s'ils adorent un dieu unique, il y a plusieurs religions qui se font la guerre. Bergson pensait que lors de la publication de son premier livre, le monde en serait changé. Il fut étonné que cela ne changeait rien et a dû revenir à plus de modestie, mais l'étonnant, c'est ce qu'on s'imagine avant alors que, lorsqu'on apporte quelque chose de nouveau comme Cantor avec ses transfinis, il faut du temps pour l'intégrer à l'opinion courante et savoir qu'en faire.

    Certes, une fois qu'on a fait ce constat, la seule question qui vaille est de savoir comment s'organiser puisqu'on a besoin d'action collective mais le premier réflexe est de faire comme avant, ce qui est un obstacle difficile à contourner. J'ai beau y réfléchir, je ne vois pas bien ce que je pourrais faire de plus à ce stade mais la situation devrait évoluer assez vite normalement.

    • "J'ai beau y réfléchir, je ne vois pas bien ce que je pourrais faire de plus"
      Prendre votre bâton de pèlerin pour trouver un site d'accueil à votre coopérative municipale+revenu garanti+monnaie locale. Il n'y a que vous qui puissiez le faire, parce que vous y croyez et que vous êtes armé pour éviter les cul de sac qui feraient capoter le projet. Il se peut que ce soit un maire de droite type démocrate chrétien qui soit le bon candidat, qu'est-ce que ça fait?

      Si Endenburg s'était contenté de mettre sa sociocratie sur le papier, aucune entreprise ne se serait organisée avec cet outil très audacieux. Il lui a fallu 10 ans pour passer de l'idée à un outil fonctionnel, cad qui fonctionne à peu près comme il le souhaitait. Je bosse en recherche appliquée. On a l'habitude de mesurer l'effort qu'il faut à chaque stade d'une innovation. On donne un effort de 1 pour l'idée construite, un effort de 10 pour sa validation au stade proto et un effort de 100 pour arriver à la production. Dans le cas de votre tryptique, je dirais qu'on se situe entre 1 et 10 et qu'il faudrait atteindre les 10 pour savoir s'il faut poursuivre ou abandonner l'idée. Environ une idée sur 10 arrive au bout du processus.

      • Voilà ce qui s'appelle une vue de l'esprit, car je n'ai ni l'énergie, ni l'âge ni la personnalité qu'il faudrait pour cela, c'est l'échec assuré. Je ne surestime pas mes moyens. On dirait que j'ai trouvé un produit qu'il me faudrait commercialiser mais je ne m'identifie pas du tout au triptyque que je défends, je donne les raisons qui me semblent les justifier et si on trouvait mieux, j'en serais enchanté, mais j'attends plutôt qu'on soit contraint de les adopter.

        Encore une fois, si une équipe municipale voulait s'engager dans l'aventure, je serais bien sûr à leur côté mais les quelques démarches que j'ai pu faire n'ont pas du tout abouti ni celles de militants qui m'avaient contacté pour leur ville. Je n'ai aucune baguette magique et ce sont des projets qui exigent un très grand investissement. Enfin, je veux éviter à tout prix la position de leader à laquelle on me met toujours mais que je déteste, préférant ma solitude. Si mes raisons sont bonnes, elles n'ont pas besoin de moi pour les soutenir.

        • Se connaître est une force. J'abdique donc, à regret, dans mes encouragements à vous décider à passer aux TP.
          Toutefois, il y a quelque chose que vous pourriez peut-être faire, ce serait d'ouvrir un site spécialisé entièrement consacré à la coopérative municipale+revenu garanti+monnaie locale. Le site actuel est trop généraliste pour donner de la visibilité à ce projet, l'approfondir, et éventuellement servir de soutien à ceux qui voudraient se lancer.

          • Mais, ça aussi je l'ai déjà fait avec 3 wikis qui n'ont presque pas fonctionné et qui ont été l'objet d'un spam intensif. S'il y a une demande, il suffirait de les réveiller. Malgré tous les espoirs qu'on met dans internet, il ne suffit pas de faire un site, hélas...

          • Les Wikis existent toujours, mais ils y en a 3, ce qui ne facilite pas la vision d'ensemble et c'est quand même moins bien que votre blog WordPress pour discuter, pour écrire de nouveaux articles, bref pour faire vivre l'idée.

          • Je n'ai pas tout regardé en détail mais c'est bien sûr le même projet. Une réalisation quelconque a peu de chance d'être conforme à quoi que ce soit, surtout si elle est la première et n'a pas toutes les conditions remplies. Je ne m'en suis pas mêlé car je trouvais bien qu'il y ait une pluralité mais pour l'instant, c'est encore un échec de plus.

          • Je trouve que ce n'est pas très sérieux, on aurait besoin dans un premier temps de regrouper les forces, pas de les disperser. Votre supervision intellectuelle et vos critiques apporteront des informations indispensables à la conduite d'un premier proto, même si vous ne voulez pas être leader.
            Je peux rechercher un cadre de soutien (il en existe au niveau national ou européen) pour monter un projet, ce serait un effort de formalisation aboutissant sur un programme qui permettrait de rassurer une municipalité et réduire ses réticences à s'engager. Si je trouve un tel cadre, est-ce que vous m'aidez à écrire ce programme?

        • Ma situation est comique, fut pas si longtemps j'avais pas un rond en poche et étais au RMI. Maintenant, je viens de m'apercevoir que je fais partie des 3% les mieux payés, selon la courbe http://www.blog-emploi.com/index.php/post/2011/10/31/salaires-ou-vous-situez-vous

          De plus, pas plus tard qu'il y a 2 jours, on me sollicite pour un poste de COO en France ( Chief Operating Officer ), sorte de salaire à 100 000 euros plus stock options et autres avantages.

          Le produit en cours de développement est génial, mais pas encore validé.

          C'est probablement le seul argument qui peut me motiver, de participer au développement d'un produit qui fait rupture. Le pognon promis reste secondaire.

          Mais j'ai une déficience, je ne me vois pas comme un directeur opérationnel, une forme de timidité peut être maladive. Je n'aime pas le pouvoir, ni pour moi, ni pour les autres...

      • Les mouvements sociaux ressemblent aux mouvements de la bourse, tant que les vagues des valeurs en cours ne se sont pas cassées sur la côte, la plupart ne cherchent et ne regardent pas ailleurs.

        Ensuite, il faut du temps pour sortir la tête de l'écume post déferlante.

  8. La crise des ânes
    Un homme portant cravate se présenta un jour dans un village. Monté sur une caisse, il cria à qui voulait l’entendre qu’il achèterait cash 100 euros
    l’unité tous les ânes qu’on lui proposerait.
    Les paysans le trouvaient bien un peu étrange mais son prix était très intéressant et ceux qui topaient avec lui repartaient le portefeuille rebondi, la
    mine réjouie.
    Il revint le lendemain et offrit cette fois 150 € par tête, et là encore une grande partie des habitants lui vendirent leurs bêtes. Les jours suivants, il
    offrit 300 € et ceux qui ne l’avaient pas encore fait vendirent les derniers ânes existants.
    Constatant qu’il n’en restait plus un seul, il fit savoir qu’il reviendrait les acheter 500 € dans huit jours et il quitta le village.
    Le lendemain, il confia à son associé le troupeau qu’il venait d’acheter et l’envoya dans ce même village avec ordre de revendre les bêtes 400 €
    l’unité.
    Face à la possibilité de faire un bénéfice de 100 € dès la semaine suivante, tous les villageois rachetèrent leur âne quatre fois le prix qu’ils l’avaient
    vendu et pour ce faire, tous empruntèrent
    Comme il fallait s’y attendre, les deux hommes d’affaire s’en allèrent prendre des vacances méritées dans un paradis fiscal et tous les villageois se
    retrouvèrent avec des ânes sans valeur, endettés jusqu’au cou, ruinés.
    Les malheureux tentèrent vainement de les revendre pour rembourser leur emprunt. Le cours de l’âne s’effondra. Les animaux furent saisis puis loués
    à leurs précédents propriétaires par le banquier.
    Celui-ci pourtant s’en alla pleurer auprès du maire en expliquant que s’il ne rentrait pas dans ses fonds, il serait ruiné lui aussi et devrait exiger le
    remboursement immédiat de tous les prêts accordés à la commune.
    Pour éviter ce désastre, le Maire, au lieu de donner de l’argent aux habitants du village pour qu’ils paient leurs dettes, le donna au banquier, ami intime
    et premier adjoint, soit dit en passant.
    Or celui-ci, après avoir rétabli sa trésorerie, ne fit pas pour autant un trait sur les dettes des villageois ni sur celles de la commune et tous se trouvèrent
    proches du surendettement.
    Voyant sa note en passe d’être dégradée et pris à la gorge par les taux d’intérêts, la commune demanda l’aide des communes voisines, mais ces
    dernières lui répondirent qu’elles ne pouvaient en aucun cas l’aider car elles avaient connu les mêmes infortunes.
    Sur les conseils avisés et désintéressés du banquier, toutes décidèrent de réduire leurs dépenses : moins d’argent pour les écoles, pour les
    programmes sociaux, la voirie, la police municipale... On repoussa l’âge de départ à la retraite, on supprima des postes d’employés communaux, on
    baissa les salaires et parallèlement on augmenta les impôts. C’était, disait-on, inévitable mais on promit de moraliser ce scandaleux commerce des
    ânes.
    Cette bien triste histoire prend tout son sel, quand on sait que le banquier et les deux escrocs sont frères et vivent ensemble sur une île des Bermudes,
    achetée à la sueur de leur front. …
    On les appelle les frères Marchés.
    Très généreusement, ils ont promis de subventionner la campagne électorale des maires sortants …

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