Le savoir-vivre à l’usage des post-modernes

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C'est fou le nombre de gens qui voudraient nous apprendre à vivre, flics, curés, psychologues, éducateurs, philosophes médiatiques, etc. A cette foule innombrable, se joignent désormais quelques pseudo-révolutionnaires pontifiants et surtout les nouveaux écologistes qui nous font la morale et prétendent savoir ce qu'il nous faut : une vie naturelle et même pour certains une écologie mentale, mazette ! D'une certaine façon, on peut dire que cette pression sociale est inévitable mais si « le temps d'apprendre à vivre, il est déjà trop tard », c'est qu'apprendre à vivre, on ne fait que ça, c'est la vie elle-même et pourquoi il ne peut y avoir de véritable « savoir-vivre » en même temps que ce savoir nous constitue et se construit tout au long de notre existence avec son lot de ruptures, de retournements, de désillusions, de surprises.

Ce serait une terrible régression pour nos libertés de ne pas respecter une stricte laïcité sur ce sujet et, de même que les professeurs n'ont pas à se prendre pour des éducateurs mais à transmettre leur savoir, l'écologie-politique ne peut décider de ce que serait la bonne vie, devant absolument se limiter aux dimensions cognitives et politiques sans pénétrer aucunement dans l'espace privé auquel doit être laissé la plus grande autonomie.

Comme toute séparation, celle du privé et du public reste malgré tout relative et poreuse, ce qui était déjà sensible dans la médecine et ses enjeux biopolitiques mais se manifeste singulièrement de nos jours avec le féminisme ou l'écologie. C'est pourtant cette séparation entre morale et politique qu'on cherchera à maintenir fermement ici en montrant d'abord pourquoi il ne peut y avoir de véritable savoir-vivre (qui serait une vie déjà vécue) malgré ce qui se présente comme tel, puis, on essaiera de démêler dans les préceptes écologistes ce qui relève de la politique et ce qui relève d'un strict moralisme.

C'est un dur métier de vivre, avec l'impression souvent de ne pas être à la hauteur, de ne pas y arriver même si on sauve les apparences, pas de quoi se la jouer ! Pour ma part, il est assez notoire que je manque tout-à-fait de savoir-vivre avec mon mauvais caractère et mon côté asocial. Pas le genre qu'on accueille dans les petites utopies qu'on se fabrique avec des bons sentiments. Ce n'est pas qu'il manque de traditions millénaires pour prétendre nous délivrer du mal, du poids du négatif, nous dire où est le bien et nous dicter ce qu'on doit faire. A l'origine, la philo-sophie se distinguait explicitement de ces sagesses et de leur dogmatisme comme de leurs techniques corporelles au profit d'un amour de la vérité plus risqué, d'un savoir en progrès (entre scepticisme et dogmatisme) mais on attend pourtant toujours du philosophe qu'il nous apprenne à vivre. A quoi peut bien servir en effet toute cette philosophie si elle ne procure pas le bonheur tant attendu ? C'est donc bien ce que nous promettront tous les philosophes avec leurs éthiques assez semblables, d'Aristote à Spinoza. Avec Kant et sa morale universelle implacable, ça se complique nettement, plutôt du côté de la persécution mais c'est avec Hegel et Freud que ces promesses seront dénoncées comme trompeuses et même comme dépourvues de sens, malgré la volonté de Nietzsche de redonner puissance à l'idéal du moi (au narcissisme du surhomme) comme à la morale elle-même en inversant un peu bêtement toutes ses valeurs.

C'est effectivement autour de Nietzsche mais aussi de Wilhelm Reich et d'un certain marxisme (Marcuse notamment) que se reconstruira une nouvelle norme morale, celle de la libération sexuelle et de la société de consommation valorisant à outrance une jouissance débridée. Les discours critiques eux-mêmes se trouvent pris dans cette idéologie montante. Ainsi, avant même les écologistes, la focalisation sur la vie quotidienne des situationnistes a pu produire un nouveau moralisme paradoxal dont les « pro-situs » ont été le symptôme mais qu'il ne suffit pas de dénoncer comme l'a fait Guy Debord avec obstination, il aurait fallu ne pas mériter leur admiration béate. Lorsqu'on prétend que « pour savoir lire, il faut savoir vivre », il ne faut pas s'étonner ensuite que tout un tas de snobinards comme Sollers veuillent le reprendre à leur compte pour en faire une affaire de bon goût. Il est aussi significatif que Raoul Vaneigem ait cru pouvoir écrire un « Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations » que j'avais dévoré étant encore lycéen mais qui me semble un peu ridicule aujourd'hui, au contraire des livres de Debord que je lis toujours avec profit. J'avais trouvé quelque peu déplacée la critique de Lacan protestant à l'époque qu'il n'y avait pas de savoir-vivre, comme s'il n'avait pas vu le caractère ironique du titre pourtant si évident ! Bien sûr, il avait raison, même à prendre le contrepied des manuels de savoir-vivre, il s'agissait bien de nous dire comment vivre, de se donner en modèle et de faire paradoxalement de la jouissance un devoir moral. De même, la critique de la consommation et du spectacle sous ses allures égalitaires et critiques est vite devenue élitiste et culpabilisante, autant dire spectaculaire.

Ces contradictions ne sont pas fortuites et Guy Debord aurait pu en trouver la raison, aussi bien chez Hegel, dont il était un grand lecteur, que chez Freud qu'il n'a pas assez bien compris (sans parler de Lacan qu'il a rejeté sans le connaître). On peut les expliquer historiquement par sa position subjective et son passage par le lettrisme faisant de l'artiste lui-même sa seule oeuvre d'art. En effet, pour Debord, à la différence de Vaneigem, le savoir-vivre n'est pas tellement de l'ordre de la jouissance et du vivant mais plutôt de l'art, de l'artifice, de la création de soi, de l'événement, de la vérité, de la critique active opposée à celui qui subit passivement. C'est le portrait de l'artiste en révolutionnaire qui ne pouvait que provoquer l'admiration des spectateurs ! Cette posture de dandy est bien de l'ordre du savoir-vivre mais la dimension artistique en fait du moins un savoir plus problématique qu'un hédonisme borné et plus proche d'un existentialisme soucieux de donner sens à l'existence. Il faut lui savoir gré aussi d'avoir su à chaque fois évoluer et critiquer ses erreurs, des prétentions artistiques du lettrisme à celles plus révolutionnaires de l'I.S, jusqu'à la dissolution finale dans un parcours impeccable inaccessible à ses suiveurs. Vivre en poète, voilà certainement une bonne règle de vie à condition de ne pas tomber dans la niaiserie et d'y joindre le sérieux révolutionnaire. Pourtant, même sous cette forme séduisante, on se tromperait lourdement à croire pouvoir décider ainsi de notre vie, figée dans une pose, quand c'est largement la vie qui décide pour nous et qu'on sera toujours inégaux à nos idéaux. Du fait même de toucher à la vérité de l'être, le risque ici est bien de la plus grand inauthenticité à mimer l'authenticité et s'interdire de reconnaître le rôle qu'on joue par là pour les autres.

Pour Freud, la recherche du bonheur va certes de soi tout autant que son échec, désir de l'interdit ou de l'impossible, désir de la mère à jamais perdue, mais il n'y a pas de savoir-vivre possible quand le sujet n'est plus cause de soi et que son désir, sans le savoir, c'est le désir de l'Autre. La seule chose qu'on peut faire, c'est l'analyser. Avec Hegel, c'est autre chose bien que la cause dépasse aussi l'acteur de l'histoire qui se fait berner par la « ruse de la raison » faisant triompher la raison à son insu, les passions privées se mettant presque malgré elles au service d'intérêts universels, du simple fait qu'elles parlent et sont obligées de se justifier. L'important, c'est qu'on n'est plus avec la dialectique dans le simple développement d'une essence, l'expression d'une « nature » (Spinoza) comme si on était des plantes, mais dans une lutte avec soi-même et avec les autres où l'on est plutôt sujet du savoir, d'un savoir qui progresse en se reniant partiellement à chaque fois. Il n'est plus question d'un bonheur contemplatif, ni même de morale mais de politique, d'action historique et de reconnaissance sociale. C'est cela qui devrait nous intéresser, ce passage de la morale au politique, du savoir-vivre à l'intelligence collective

Ainsi l'esprit s'oppose à lui-même en soi ; il est pour lui-même le véritable obstacle hostile qu'il doit vaincre ; l'évolution, calme production dans la nature, constitue pour l'esprit une lutte dure, infinie contre lui-même. Ce que l'esprit veut, c'est atteindre son propre concept; mais lui-même se le cache et dans cette aliénation de soi-même, il se sent fier et plein de joie.

De cette manière, l'évolution n'est pas simple éclosion, sans peine et sans lutte, comme celle de la vie organique, mais le travail dur et forcé sur soi-même ; de plus elle n'est pas seulement le côté formel de l'évolution en général mais la production d'une fin d'un contenu déterminé. Cette fin, nous l'avons définie dès le début ; c'est l'esprit et certes, d'après son essence, le concept de liberté. (Hegel, Leçons sur la philosophie de l'histoire, Vrin p51)

On comprend mieux dès lors pourquoi le savoir-vivre des philosophes n'était souvent qu'un savoir mourir et le bonheur promis une mortelle indifférence, se retirant simplement du jeu pour la raison qu'il n'y a pas de salut individuel mais seulement collectif (au moins pour l'écologie) et, dans ce collectif, se produit immanquablement une différenciation des individus et de leur savoir-vivre particulier, toujours pris dans un discours qui n'est plus l'expression d'une essence universelle mais une dialectique entre sujet et objet, entre savoir et vérité, entre groupes comme entre individus, processus dans lequel on est partie prenante. Tout savoir doit être appris, mais nous sommes plutôt les sujets du savoir et de la technique, on apprend bien à vivre mais c'est parce que c'est la vie qui nous inflige ses dures leçons et qui se fait savoir sans qu'on ait notre mot à dire ni pouvoir s'y soustraire !

Inutile donc d'aller chercher dans quelque secte ou autres entreprises de développement personnel un savoir-vivre qui nous manquera toujours, tant que nous serons vivants. Les réponses apportées sont d'ailleurs toujours à peu près les mêmes sous leurs habits neufs. En dehors du fait, qu'assez comiquement, pour les philosophes il n'y a pas d'activité plus haute que de philosopher, d'Aristote à Spinoza, c'est bien la contemplation qui est le Graal nous donnant accès à la quiétude et la réconciliation avec le monde, c'est-à-dire une passivité qu'on maquille en joie un peu forcée tout de même, voire, pour compenser, en promotion de l'activité en tant que telle, activisme sans objet. Tout autre chose sont l'étonnement, le désir, l'indignation, la révolte, qui n'ont cure du savoir-vivre ; tout autre chose est la vraie vie tant il y a division entre savoir et vérité. Il faut vraiment une foi de croyant ou des méthodes efficaces d'abrutissement pour ne pas voir comme ce prétendu savoir-vivre se trouve vite débordé de toutes parts. Finalement, heureusement qu'il n'y a pas de savoir-vivre et qu'il n'y a pas que la contemplation béate dans la vie, car ce serait une vie qui ne vaudrait plus guère la peine d'être vécue. On peut dire que c'est l'intuition centrale de l'existentialisme français de comprendre à quel point c'est le non-sens même du monde qui fait tout le sel de l'existence, sommée de lui donner sens justement (faire la différence). Sartre fait certainement partie des maîtres de liberté, mais on reste au niveau individuel, ce que les marxistes lui reprochaient tant.

Pour les écologistes, c'est autre chose, on ne peut dire que la dimension politique soit absente de leurs règles de vie, avec une conception plus collective que les situationnistes ou même que les féministes, d'où une difficulté particulière à distinguer public et privé. Beaucoup s'en sortent en colportant une conception magique de l'auto-organisation dont rend bien compte le concept de « simplicité volontaire » qui est supposée à la fois être volontaire, et non pas imposée par les autres, tout en se persuadant que cela pourrait être une volonté universellement partagée. On peut dire que toutes les religions s'y sont essayées sans réussir à autre chose qu'à imposer une norme autoritaire et culpabilisante provoquant surtout beaucoup d'hypocrisie. Presque toutes les philosophies prêchent aussi cette simplicité volontaire, bien que ce soit pour de toutes autres raisons que la nécessité écologique, car c'est tout simplement raisonnable, évidence qui doit certes être opposée au matraquage publicitaire (qu'il faudrait supprimer) mais qui n'a pas plus de chance de se généraliser qu'il y a 2500 ans ! De même, il est naturel de vouloir que les conseilleurs prêchent d'exemple. Rien d'original. On est bien là dans le savoir-vivre, si l'on veut, mais justement, pour cela, on ne peut trop en attendre ni en faire une exigence politique ni oublier les enjeux de prestige aussi bien derrière la consommation que son rejet, ce pourquoi je réfute le mot d'ordre... tout en le mettant largement en pratique pourtant !

On peut mettre sur le même plan la traditionnelle critique de l'avoir au profit de l'être qui semble prendre les gens un peu pour des débiles. C'est, d'une part, un peu trop optimiste sur la possibilité de combler notre manque à être tout comme sur le caractère amical des luttes pour la reconnaissance, mais, d'autre part, c'est négliger le caractère pacificateur de l'objet transitionnel et sa dimension symbolique. « Moins de biens, plus de liens », qu'ils disent. Tout doux, les gars ! Moins de biens pour ceux qui en ont trop, ok, mais plus de liens, faut voir ! Il est très intéressant de lire Homo aequalis de Louis Dumont qui montre qu'on échange effectivement la dépendance des hommes dans les sociétés hiérarchiques avec la dépendance des choses dans les sociétés marchandes, ce qui n'a certes pas que des désavantages dans l'autonomie donnée aux individus par rapport à leur communauté d'origine (ou même leur famille). Il n'y a pas d'état originaire harmonieux, ni d'accès à l'être comme le constatait déjà Montaigne, qu'une enfance fantasmée. La prétendue jouissance de l'Être et de la vraie vie fait partie des poses et du cinéma qu'on fait pour les autres, sans le savoir souvent, sans une once de savoir-vivre en tout cas!

Que la critique de la technique se fasse au nom d'un rapport originaire à l'Être (Heidegger), ou de la défense de notre monde vécu (Husserl, Gorz), le savoir-vivre serait de résister à la déshumanisation, voire à la disparition d'un sujet décidément bien fragile et toujours menacé. Il y a certainement besoin d'humaniser nos villes mais, à l'opposé de ce que croyait Anders, le système technique ne mène pas à l'obsolescence de l'homme mais bien à la valorisation de ce qu'il y a de plus humain en nous au contraire et qui ne peut se robotiser. Inutile de vouloir revenir au poinçonneur des Lilas ni au travailleur de force, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aurait rien à critiquer, simplement le vécu subjectif n'est guère définissable malgré son apparente évidence. L'ère du numérique montre que notre vécu est moins celui du corps que de l'esprit et de la conversation, accentuant notre fonction de parlêtre, notre devenir langage et la différenciation entre nature et culture, réel et virtuel. On comprend qu'on puisse s'en alarmer et revenir à des conditions de vie plus naturelles, ce que tout le monde peut faire, j'en témoigne, sans renier cette extraordinaire ouverture sur le monde que nous connaissons. Là encore, le problème commence quand on veut décider pour les autres à partir de ses inclinations propres. Ainsi, pour moi la campagne, c'est surtout ce qui permet la plus grande des solitudes, alors que la ville permet de multiplier les contacts, mais j'alterne plutôt et ne profite que trop peu des merveilles de la nature, tout en devant affronter tous ses désagréments...

La plupart des écologistes sont persuadés de savoir ce qu'il nous faut : une vie naturelle, équilibrée entre travail, famille, loisirs, une multiactivité sans division du travail ni spécialisation, un homme complet enfin, capable de tout faire... autant dire que tout le monde serait interchangeable ! Il ne fait aucun doute qu'une politique écologiste doit permettre et favoriser des vies équilibrées ainsi qu'espaces verts et jardins dans les grandes villes mais la division du travail n'est pas si mauvaise quand elle ne va pas jusqu'à la parcellisation des tâches et qu'elle ne renforce pas les dominations mais seulement nos interdépendances et la complémentarité des talents. On peut en tout cas vouloir devenir virtuose dans sa partie, tout comme il est respectable de vouloir être polyvalent. Il est certainement souhaitable que chacun se pose la question de savoir si la vie qu'il mène lui parait satisfaisante, avec de grandes chances de répondre par la négative, mais cela ne dit pas comment il faudrait vivre, les réponses pouvant changer avec le temps, la maladie, l'âge, les opportunités et déceptions, alternant les excès et les périodes plus calmes. Il faut se garder des tentations totalitaires et, comme écologistes justement, préserver la pluralité des modes de vie et des fins légitimes, refuser l'uniformisation, l'optimisation, la normalisation.

Pas la peine de parler de ceux qui voudraient que tout le monde soit gentil et que tout le monde s'aime, comme si ce n'était pas si souvent l'amour des nôtres qui nous dressait les uns contre les autres. On a bien vu ce que donnait une religion d'amour ! D'être fils de pasteur explique assez le ressentiment acharné de Nietzsche contre toute morale. Cela ne m'empêche pas plus que d'autres de ressentir ces grands élans d'amour pour l'humanité entière, ni d'être ému aux larmes par des gestes de générosité ou les mobilisations populaires mais on ne fait pas de politique avec des bons sentiments, ce qui est la porte ouverte à toutes les manipulations, à la théâtrocratie si ce n'est l'amour du maître.

Reste au moins, pour un écologiste, la nécessité d'une vie saine dira-t-on. Le seul savoir-vivre écologiste concernerait ainsi notre santé ? L'ironie, c'est que, c'est justement à propos de notre santé, en tant que médecin, que Descartes visait à être « maître et possesseur de la nature »[1], ce que le nazi Heidegger lui a reproché et tant d'autres après lui, comme on s'acharne sur un bouc émissaire un peu trop facile ! La confusion entre politique et morale mène cette fois à l'hygiénisme. Il ne s'agit pas de survaloriser la « grande santé » qui manquait tant à Nietzsche alors qu'il faudrait plutôt faire la part de la maladie, de la faiblesse, de la dépression, de la déviance. Les utopies écologistes sont un peu trop souvent faites pour des jeunes en pleine forme et bien sur tous rapports, ce qui est leur côté boy scout, laissant de côtés ceux qui ne peuvent suivre. Il n'y a rien de plus normatif que le culte du corps et la focalisation sur la santé, même si Canguilhem montre avec raison que le vivant redéfinit tout le temps ses normes (le corps se renforçant après l'infection).

Il faut bien pourtant écologiser nos vies mais l'écologie-politique doit s'inquièter d'abord de l'incidence de l'environnement, y compris le stress ambiant, ce qui n'a rien à voir avec la morale. Ainsi l'impact du tri sélectif ne dépend pas tant d'actes individuels que de l'organisation de la collecte. A contrario les standards actuels des wc gaspillent énormément d'eau, on pourrait parler aussi bien des transports collectifs, etc. Réduire les nuisances n'est pas de l'ordre d'un savoir-vivre et améliorer la santé de la population ne signifie pas que les citoyens devraient se préoccuper en priorité de leur santé, comme si cela primait tout et que la vie était désirable à n'importe quel prix, nous réduisant à la condition animale, à l'élevage dans un "parc humain" comme disait l'autre. Il faut accepter les conduites à risque ou déviantes comme faisant partie de notre humanité et légitimes non seulement dans les fêtes mais aussi bien au niveau individuel lorsqu'elles sont assumées comme telles dès lors qu'elles ne nuisent pas trop à l'entourage, tout en assurant des politiques de réduction des risques, ce qui n'a rien de contradictoire. Il sera difficile hélas de contrer des pulsions totalitaires toujours présentes avec leurs illusions de solutions simples et unanimes, foules prêtes à se jeter sur des marginaux accablés de tous les maux.

Ces importantes réserves faites, il reste un point de vue écologiste sur la médecine qu'il faut prendre en compte. En effet, la critique de la technique s'applique en particulier à la médecine scientifique et aux industries pharmaceutiques dont il ne s'agit pas de nier les formidables avancées mais chacun sait à quel point c'est un domaine où le progrès se révèle ambivalent, qu'on songe aux antibiotiques qui développent des résistances, aux maladies nosocomiales ou bien aux allergies provoquées par un excès d'hygiène mais on sait que tout remède peut être un poison dès lors qu'il est actif. C'est ce qui pousse les écologistes, en accord avec la médecine la plus récente, à privilégier la nutrition et le mode de vie (l'exercice) pour la prévention de nombreuses maladies, ainsi qu'à réhabiliter les médecines naturelles en première approche et lorsque le risque vital n'est pas engagé. A ce niveau, on peut dire que la « simplicité volontaire » est bonne même pour notre santé (tout comme de ne pas manger de viandes rouges) ! Cependant, là aussi, se préoccuper du stress et des relations sociales ne peut signifier qu'on devrait éviter tout stress, et tomber dans un ennui mortel, ni que les relations sociales pourraient se passer sans frictions comme s'il n'y avait aucun enjeu et que les bonnes manières devaient étouffer toute dissension. On ne peut mettre sur le même plan individu et collectif, morale et politique. Il y a quand même de quoi s'inquiéter à juste raison d'une confusion des genres qui paraît à peu près inévitable mais qu'il faut absolument combattre.

On ne peut servir deux maîtres à la fois. Entre vérité et thérapeutique ou normalisation, il faut choisir. Or nous avons besoin de vérité pour nous en sortir collectivement, pas de méthode Coué, ni de pensée positive, ni de soummission aveugle, c'est-à-dire de refoulement dont on connait les ravages (y compris en économie). C'est bien parce qu'il faut reconnaître les choses telles qu'elles sont, bonnes ou mauvaises, qu'il n'y a pas de savoir-vivre qui vaille sinon peut-être l'expression du négatif si c'était vivable mais la vérité n'est pas toujours bonne à dire, on le sait, et amène plutôt divisions et conflits. Il faut être un rustre pour déroger aux règles élémentaires de la politesse alors qu'il n'y a que la vérité qui blesse ! Plus fondamentalement, c'est parce qu'on n'est pas cause de soi qu'il n'y a pas de sagesse pensable dès lors qu'on dépend de l'état du monde et que ce sont les autres qui nous rendent malades et malheureux la plupart du temps. Les gens heureux s'illusionnent souvent sur leurs propres capacités à construire un bonheur qui dépend en bonne partie pourtant de leur environnement, de la reconnaissance sociale et de l'amour reçu (voire de leur revenu par rapport aux voisins!), plus que des remèdes de pacotille ou superstitions auxquels ils peuvent l'attribuer indûment, la vie se chargera de le leur rappeler, durement la plupart du temps (The harder they come).

Quand on ne peut pas changer notre environnement à notre convenance, les meilleurs remèdes, on les connait, à part l'activité, c'est de rire et chanter mais on n'a pas toujours le coeur à rire... La mauvaise humeur est une vraie touche du réel disait Lacan. Il proposait cependant une éthique de la psychanalyse, dont la formule « ne pas céder sur son désir » reste ambiguë mais qui vaut mieux que la course à la jouissance, et qui était destinée surtout à trancher avec la répression des désirs, répression qu'on nous prêche constamment désormais sous prétexte de réfréner une consommation de marchandises dont la cause n'est pourtant pas individuelle mais liée au système de production. Le renforcement du surmoi ne fait que renforcer la dureté du jugement et la violence contre soi se traduit immanquablement en violence contre les autres. De quoi promouvoir plutôt, avec cette éthique du désir, les figures "hors norme" du révolutionnaire, de l'artiste, du saint.

On peut y voir une sorte de savoir-vivre encore, aussi vain qu'un autre sans doute, bien qu'il se confronte à la vérité du désir et se présente plutôt comme non-savoir et manque de savoir-vivre ! Il faut se rendre à l'évidence, si tant de gens recherchent ce savoir-vivre dans la religion, la philosophie, le développement personnel, l'écologie, etc., il faut se persuader qu'il manque à tous car nous sommes plutôt sujets du savoir et acteurs d'une histoire à laquelle nous ne comprenons rien mais dont la fin n'est pas écrite d'avance. Voilà pourquoi le manque de savoir nous ouvre à l'existence comme à l'Autre dans sa différence, le manque de savoir-vivre permettant d'échapper à la norme et d'oser dire ses quatre vérités alors que « la voie qu'on prétend être la voie, n'est pas la voie », c'est sans issue : parce que nous sommes en chemin, nous sommes partie prenante et non pas achevés, parce que nous restons des enfants qui avons tout à apprendre de la vie, seul espoir qu'il nous reste (à quoi bon vivre, s'il n'y a plus rien à découvrir ? Orgueil funeste de la dépression). Cela n'empêche pas qu'il y a des urgences à traiter politiquement, des mesures à prendre, une alternative à construire, pas besoin pour cela de nous faire la morale !

Notes

[1] « nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices, qui feroient qu'on jouiroit sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie » Descartes, Discours de la méthode, 6ème partie, p80

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61 réflexions au sujet de “Le savoir-vivre à l’usage des post-modernes”

  1. bien d'accord. sur la simplicité volontaire , c'est vrai que c'est une morale ( en vogue chez les bobos aujourd'hui) qui est aussi une politique à croire que tout le monde va s'y mettre . mais du point de vue philosophique et du point de vue de la transmission des connaissances , l'expression qui se prête le mieux c'est celle d'ascèse sur laquelle on a construit les pire saloperies, les pires soumissions, comme une bonne part du génie révolutionnaire . des cyniques à jean zin .moi c'est surtout l'aspect cognitif qui me frappe et qui ouvre la porte à cette intelligence collective dont vous parler justement où politesse et savoirs vivres consiste à faire attention ( cognitif ) et prendre soin ( observance ) . mais il faut dire que pour des raisons de santé c'est plutôt une bonne chose la simplicité volontaire . je veux dire à partir du moment où on est déjà faible et malade , qu'on a une petite vie plutôt souffreteuse , ce qui n'empêche en rien d'avoir une grande santé : comme certains précaires qui sont au bord du suicide, dans l'oeil de la persécussion et qui trouvent encore les moyens de résiter à l'inquisition ou comme deleuze , de constitution fragile, un vieillard limite cotorep, qui écrivait "mille plateaux" , cette éblouissante introduction à la vie non fasciste . et qui soulève encore aujourd'hui le couvercle de son cercueil pour dire à quel point il n'est pas vraiment des leur. à travers ce livre on comprend peut être qu'il y a une morale du minoritaire , un style de vie ludique et expérimental ( non sans accrocs et sans ratés) qui débouche quand même sur de fortes implications politiques quand l'indiscipline devient discipline . c'est peut être qu'entre le privé et le public , il y a la place pour des communautés et une critique "artiste" . de ce point de vu là aussi on comprend pourquoi nous avons malgré tout besoin des objets et en quoi peuvent- ils servir à nous humaniser et ébranler la société du mensonge .

  2. J'aurais dû effectivement parler de la philosophie du care et je trouve très juste de souligner l'aspect cognitif de la politesse, l'attention aux choses et aux gens, véritable savoir-vivre.

    C'est, entre autres, la lecture du petit livre de Stéphane Lavignotte sur la décroissance qui m'a fait écrire ce texte sans doute trop exclusivement centré sur le caractère normatif du savoir-vivre.

  3. J’ai toujours reconnue comme essentielle cette parole de Mallarmé : « L’homme, et son authentique séjour terrestre, échangent une réciprocité de preuves » J’ai toutefois changé le sens de lecture de cette phrase qui, selon mon savoir-vivre ou mon savoir-faire jusqu’à il y a peu ( une bonne part d’acquis par transmission, une petite part personnelle peut-être) s’appliquait à l’expression d’un sujet humain dans le cadre objectif et respectable de son séjour naturel. Ayant découvert plus tard les dégâts d’une telle vision économique,désormais universellement répandue, je retiens cette parole tout à son opposé, que je crois écologique : Elle nous dit la nécessité d’assumer l’étroite interrelation entre deux entités contradictoires . L’animal humain et ses désirs, dans la biosphère comme principe de réalité. Mallarmé ne me parle plus ici de la nécessité, pour bien dire et bien vivre, de bâtir une œuvre « sur nature » ( en conformité visible avec l’environnement). Il affirme que toute connaissance ( ce que nous estimons comme un « à faire savoir » possible) se construit, sur des hypothèses d’authenticité présumée, à l’épreuve des conditions de la Biosphère , de l’espace global et d’une très longue durée du désir infini du vivant ( toute la Biomasse). Et je crois nécessaire de compléter Mallarmé par Cézanne qui décrit son travail comme l’acte quasi notarié établi par la chair sensible et pensante dressant « une minute du monde qui passe » Sans prétention d’exercer un pouvoir, « être la plaque sensible » où s’inscrit l’authenticité non pas des choses selon Untel , mais d’un incertain rapport individualisé aux choses, dans leur moment contradictoire. Curieuse « étude » notariale que celle de Cézanne qui se sentait, sur le motif, « coloré par toutes les nuances de l’infini », songeant « que l’histoire du monde date du jour où deux atomes se sont rencontrés, où deux tourbillons, deux danses chimiques se sont combinés ». Certes il ne s’agissait pas, pour des Mallarmé ou Cézanne, de dresser l’acte d’authenticité d’un rapport comptable sur les valeurs en Bourse de leurs oeuvres. Ils se fussent très bien contentés d’un revenu universel garanti suffisant !

  4. J'ai pas tout compris mais Mallarmé se plaignait de devoir enseigner et pensait mériter bien plus qu'un revenu garanti, ce qu'on ne peut nier certains de ses vers brillant toujours d'un éclat mystérieux. Il était très mondain et ne manquait sûrement pas de savoir-vivre.

    Cézanne, lui, était un peu fêlé, selon Zola au moins, et manquait tout-à-fait de savoir-vivre semble-t-il, aussi solitaire que Van Gogh. La peinture de Cézanne est fascinante car elle dit autre chose de la nature que les impressionnistes qui restaient à la surface des choses, dans la perception, pour en révéler les lignes de force et la consistance. On touche là aux limites du dicible et donc du savoir dans cette confrontation à l'extériorité. C'est quand même de prendre ce risque de passer pour un fou qu'on appelle vivre en artiste.

  5. Ne touchez-vous pas vous-même aux limites du recevable (à l'innommable ) avec des propositions cependant très concrètes comme d’abolir le salariat, de créer des coopératives municipales, un revenu universel garanti,…
    Des artistes comme Mallarmé ou Cézanne ou Van Gogh furent en leur temps étiquetés comme dandy mondain, fêlé, ou fou, ou encore " maudits" tels Utrillo ou Lautrec, soient défiant tout « savoir-vivre ». Je les compare à Gorz dans son domaine autre, car ils proposèrent des contre- savoir-vivre et des contre- savoir- faire dans les conditions de leur époque et dans leur domaine d’action spécifique. Zola ne comprit rien à Cézanne comme Baudelaire n’avait pas non plus su reconnaître Manet et encore moins Monnet comme peintres de la vie moderne .Surtout pas les prendre comme référence absolue de lucidité!
    Qu’est-ce que ce « savoir vivre » qui aurait manqué au « modèles » sur lesquels j’appuie mon commentaire, sinon la langue de bois la plus conservatrice : faire retour au sentiment d’être au monde si possible avec authenticité, serait toucher à l’indicible, au dandysme, choisir la solitude de l’asocial un peu fêlé ? En effet pour les partisans du « savoir-vivre » en bonne conformité sociale, toute tentative de devenir autre, de mise en cause des bons usages reconnus, c’est passer du noble au non noble, donc à l’ignoble, glisser à une singularisation déplacée ? Ainsi du révolutionnaire, du réformiste radical, du pauvre oubliant qu’il n’est qu’un gueux, ou du bourgeois qui s’acoquine avec les colleurs d’affiche : ils seraient dépourvus de savoir vivre ? Je crois que moi non plus je n’ai pas tout compris de votre réponse . Voulez-vous dire que le savoir -vivre original de l'artiste n'est qu'une fêlure sans conséquence sociale donc pardonnable, et jamais un modèle transposable en écologie politique? Le savoir vivre comme "livre des civilités" me parait sans grand intérêt.

  6. Ce que je dis, c'est au contraire que l'absence de savoir-vivre constitue une ouverture à l'être, à la vérité, à l'indicible en échappant aux normes, ce qui expose aussi à la marginalisation voire à la folie. C'est le savoir-vivre que je mets en accusation comme déjà vécu (semblable en cela à la marchandise).

  7. Envers l'habituel vécu, et la route tracée des civilités apprises, ce " savoir-vivre malgré tout, en construction et en manque", comme en précession de soi, serait donc le seul qui se doive accepter: faire son chemin en marchant... C'est alors ex-sister , fusse au péril de soi?

  8. Cette « conscience identitaire », dont on nous rabat les oreilles, ne fait-elle pas partie d’un « savoir-vivre » réputé en danger, à maintenir et conforter dans ses valeurs face à l’intrusion d’autres mœurs , cultures et religions ?

    Pour prendre un exemple historique : on a acquitté Raoul Villain, l’assassin de Jaurès. Marc Sangnier, témoignant en sa faveur, a déclaré : « Le souvenir qui me reste de lui est celui d’un être tendu à suivre ce qu’il croyait être la vérité. Il a dû se figurer absolument que Jaurès était un traître qui allait perdre la France. Messieurs, comment un être de droit, sincère et loyal a pu être amené a une si épouvantable et audacieuse conclusion ? ». En regard de tout un vocabulaire montrant que les sentiments de l’assassin à l’égard de sa victime le mettaient en conflit avec les règles du son savoir-vivre républicain, il va de soi qu’à cette époque la majorité républicaine considérait l’internationalisme de Jaurès comme contraire au savoir-vivre consensuel impliquant une pleine adhésion au patriotisme anti- allemand.

    http://www.reflexions-socialisme-ma...

  9. Oui, c'est tout le danger d'une identité qu'on a peur de perdre comme son humanité et qui n'est souvent qu'un mode de vie et un ordre social qu'on croit devoir défendre. Il est assez incompréhensible qu'on ne tire pas les leçons du passé et qu'on ne voit pas où mènent les dérives moralistes, les appels aux valeurs et les beaux discours plein d'idéalisme. Comment de si belles intentions pourraient-elles conduire aux massacres de la guerre de 14-18 d'abord, puis des nazis ensuite, gens dont le savoir-vivre était si apparent (ils étaient si corrects), tout comme les japonnais. De notre côté on a bien massacré les peuples colonisés au nom de la civilisation. Il faut arrêter ces mauvaises philosophies qui ne sont que pure idéologie et parler concret, revendications, propositions, organisation en arrêtant de vouloir émouvoir les foules en leur racontant des histoires et en nous faisant la morale, ce qui veut dire mettre l'opprobre sur toute une partie de la population rejetée de l'humanité. Avoir peur de perdre son identité, c'est croire que les autres l'ont déjà perdue.

  10. Du savoir vivre il en faut bien un peu, sous forme de politesse, d'attention à l'autre ne serait ce que pour ne pas s'enfermer, même si il y a toujours le risque opposé de l'obséquiosité ou de relations trop lisses qui deviennent vite mortelles d'ennuis, enfin en ce qui me concerne.

    Mais pour beaucoup, le problème est plutôt celui du savoir survivre qui relève plus de l'ordre d'une création que d'un savoir capitalisé quelque part.

  11. Bien sûr, sans aucun savoir-vivre on est mort ou dans un asile ou une prison ! Ce que je mets en cause, c'est l'imposition (totalitaire) d'un savoir-vivre supposé régler les problèmes, y compris la politesse et l'attention aux autres générant hypocrisie et refoulement (d'ailleurs Yvan qui évoque fort à propos cet aspect n'est pas le dernier à manier l'insulte). Parler d'un manque de savoir-vivre n'est pas dire qu'il est complètement inexistant alors que je soutiens au contraire qu'il est toujours en construction et que nous sommes plutôt les sujets du savoir. C'est comme lorsqu'on parle de non-savoir qui ne peut absolument pas être l'absence de tout savoir, une ignorance crasse, alors que c'est plutôt "l'ignorance docte", un savoir qui n'empêche pas l'étonnement et qui connaît d'autant plus ce qu'il ignore qu'il découvre des terres inexplorées (alors que les plus ignorants croient souvent tout savoir, au moins que d'autres savent).

    C'est ce qu'il y a de chiant avec la dialectique, les positions sont toujours complexes et à front renversé, pas ce qu'il faudrait en politique où l'on a besoin de mots d'ordre simples. Ceci dit, c'est très proche de ce que peut dire le nazi Heidegger, sans aucune dialectique cette fois, dans "l'essence de la vérité" où il relie avec raison vérité, liberté et non-savoir. C'est ce qui fait que Dieu ne peut être libre car il sait toujours ce qu'il faut faire et n'a pas le choix, sans que le réel ne puisse lui résister donc lui ex-sister. Le temps n'existe pas pour lui comme le temps de l'apprentissage historique. Il ne s'agit donc pas de feindre n'avoir aucun savoir-vivre mais de rester un apprenti.

    Je voulais finir en disant que le savoir-vivre ici serait de défendre nos libertés. J'ai reculé car même la défense des libertés peut être facilement détournée dès qu'elle est affichée comme bien suprême (ainsi résister à la normalisation n'est pas valoriser l'anormal!). A chaque fois ce qu'on écrit est une réponse, un rééquilibrage par rapport aux dérives du moment. On peut donc être amené à dire exactement le contraire dans des contextes opposés...

  12. Certes, Olaf, on doit sans doute s’accorder sur un minimum de « savoir-vivre » en laïcité : Refus de l’injure, pas d’atteinte à l’honneur, se montrer tolérant, sans quoi la vie devient insupportable. Certes, on a même instauré progressivement un art de « savoir- donner- la mort » aux ennemis, aux animaux, avec civilité.
    Ce qui me conduit à poser ici la question des lois laïques de 1905, qui instauraient une nouvelle bonne manière d’éduquer : On n’aura plus le droit de développer à l’école républicaine ce qui n’est pas consensuel (ce qui fâche, ce qui peut choquer les consciences familiales) Ma question est : Dans quel contexte idéologique considéra-t-on que l’ enfant est une sorte de plante à élever, une conscience en formation dont aucun parti pris du maître ne doit risquer d’influencer un esprit encore ignorant et inachevé ? Contexte d’une époque coloniale, ignorante quant à elle des lois de la biodiversité ( importation et exportation des espèces végétales et animales sans aucune précaution, comme objets de pure curiosité, ou pour leur rentabilité due à une rareté organisée) culte du bon sauvage, à libérer de son état primitif pour l’installer dans le confort d’une idéologie qui se déclarait universelle. Et qui, par conséquence, considérait tout autre mode de vie ou art de vivre comme diabolique, comme primaire, comme ridicule, donc comme un ennemi à détruire, par l'accession subie aux " bonnes manières occidentales ...Cette idéologie n’est pas encore inactive!
    Bonne question, de la part de Jean, que celle d’un nouveau savoir-vivre ou art de vivre à instaurer pour un monde post-moderne. C'est beaucoup plus probant de poser ainsi concrètement,ces problèmes que de ferrailler sur des "valeurs" morales. Jean nous donne matière à réflèchir

  13. oui peut être qu'on peut nier le savoir vivre au nom du savoir survivre , ce que depuis les grecs on appel la 'métis' qui s'oppose au "logos" ( savoir démonstratif, argumentatif) et au "mythos" ( savoir raconter). il n'y aurait pas de savoir vivre juste quelques ruses( combines , esquives , ...) pour déjouer les pouvoirs . c'est un savoir dont on ne parle pas tellement , qui ne s'enseigne pas vraiment , mais qui me semble prendre de plus en plus d'importance socialement . à mon avis ça signe notre irréssistible devenir langage où le langage lui même est un lieu privilégié d'exercice du contrôle et des pouvoirs.

  14. Dévoiler ses ruses, c'est les rendre inopérantes. La ruse n'est pas universalisable, elle tient au kairos, c'est en ça que c'est un savoir-vivre sans doute mais ce n'est certainement pas le mien, dévoilant plutôt toutes mes cartes et donnant le bâton pour me faire battre...

  15. Le kairos ou opportunité me semble être la texture de l'histoire, Marx envisageait la fin du capitalisme en le laissant se déployer à l'excès, il y a un temps pour tout.

    Les ruses en cours existent depuis longtemps, que chacun les connaisse me parait plutôt nécessaire pour les esquiver.

    On les apprend sur le tas mais aussi par les enseignements
    dits académiques, mais on les oublie jusqu'au jour où on s'en rappelle. Dans ce domaine la seule nouveauté est ce rappel.

  16. Sinon, le dernier remake de Milgram, le jeu de la mort, semble être une confirmation de la tendance à la soumission, forme de savoir vivre finalement. Sauf qu'on peut se demander si il n'y a pas un biais à l'expérience, dans la mesure où les pourcentages se font sur ceux qui ont accepté de se prêter au jeu, donc il y a eu un premier filtrage des candidats, sélectionnant les plus prédisposés.

  17. La présence d'un public aussi me semble plus importante que "l'autorité", équivalent plutôt à une hypnose. Je n'ai pas vu l'émission qui me semblait un peu malsaine (et surtout je regarde très peu la télé) mais quand même je trouve positif qu'on mette en valeur la soumission, meilleur moyen pour en sortir (relativement). Il ne faut pas se faire d'illusion, les nazis sont toujours parmi nous, on n'aura jamais un peuple de héros.

    Un des auteurs a aussi écrit le "manuel de manipulation à l'usage des honnêtes gens" qui est à lire même s'il n'y a pas grand chose dedans, c'est essentiel : on voit que c'est en invoquant la liberté de l'autre qu'on le manipule le mieux. Dire "vous êtes libres", c'est le début de l'arnaque!

  18. Oui, selon l'élégante formule : " La soumission librement consentie". Staline disait que plus est gros un mensonge, plus il passe. Puissance de l'énormité quasi hypnotique.

    Staline ou Hitler auraient pu nous apprendre quelque chose, car très rusés, il apparait que ça n'est pas acquis car l'éducation qui les dénonce ne remet pas en cause sa propre autorité. La remise en cause s'arrête toujours sur notre palier.

    L'histoire de la poutre dans l'œil...qui est plutôt une lumière enchanteresse.

  19. Mais je rejoins la remarque sur le public qui a une influence prépondérante dans l'histoire, c'est dessus que surfe l'autorité
    opportune.

    Une forme de grégarité, masse critique, est nécessaire au phénomène. On pourrait enseigner ça à l'école, je rêve...

  20. Sinon, moi aussi je regarde peu la télé, vivant en Allemagne, seule une chaine française y est diffusée, et j'ai encore du mal à suivre les émissions en allemand, ma faiblesse linguistique, cognitive.
    Je fais des efforts, je lis des parcelles d'auteurs allemands pour en saisir un peu de leur approche. Gros boulot en soi, mais récompensé d'en comprendre un peu quelque chose, malgré la langue, sa grammaire et la distance phonétique, tempo, de mon parlé méditerranéen.

    D'autre part, j'ai souvent trouvé la télé un peu crétine, surtout quand je fumais des pétards, ce qui me mettait dans un état de considérations très critiques, me procurant des moments d'humour appréciables. Mais il n'y a pas que du mauvais dans la télé, ça vaut le coup de la regarder de temps à autre pour se rappeler là où on est, au moins.

  21. Juste pour remarquer qu'à partir de l'instant où Brunet a introduit la notion de métis, se retrouvent dans les commentaires les notions de ruse, tromperie, enchantement, voire une allusion aux pétards,...Et pour rappeler que Jean a parlé de " rééquilibrage par rapport aux dérives antérieures" , ce qui relève aussi des facultés multiples de la déesse grecque Métis! Mère aussi de prévoyance, de prudence autant qu'elle a l'art d'installer des pièges ( comme Socrate par l'interrogation) comme de manipuler certes les breuvages , qui font rendre au sens de vomir , restituer, mais aussi permettent de mieux assimiler,au sens de digérer, et art de créer des techniques. Soit toute la complexité du processus de la métamorphose?
    " Urgence de la métamorphose" prévenait Jacques Robin avant de nous quitter

  22. Je dois beaucoup à Jacques Robin car c'est grâce à lui que j'ai compris la rupture entre l'ère de l'énergie et l'ère de l'information, rupture qui n'est pas technique bien qu'elle trouve sa possibilité dans les technologies numériques, mais qui est conceptuelle, de l'ordre du passage de l'inerte au vivant. C'est une telle rupture anthropologique, dont personne ne prend toute la mesure, qu'on peut parler de métamorphose si l'on veut, ce qui est une traduction possible d'aufhebung mais que je trouve un peu "trompeuse" justement.

    J'avais refusé de faire son dernier livre avec lui tant nous avions de divergences notamment sur cette question, qui est celle de l'article, du changement personnel dont il attendait des miracles alors qu'il y a un changement cognitif, de nécessaires nouveaux rapports de production adaptées aux nouvelles forces productives, d'autres formes de démocratie et toute une série de transformations qu'on peut voir légitimement comme une métamorphose de la société qui ne sera pas sans répercussion sur les individus et les modes futures, mais sans métamorphoser les individus eux-mêmes, sans beaucoup plus de savoir-vivre, sans abolir le négatif et tout le savoir passé (sociologie, psychologie, psychanalyse), notamment sans pouvoir supprimer les luttes pour la reconnaissance, l'égoïsme, la compétition, la bêtise, etc., qui ne font que changer de forme pour une rationalité toujours aussi limitée. On peut sans conteste utiliser le terme métamorphose pour ces réarrangements systémiques, mais à condition de penser à Kafka plutôt qu'au papillon !

    D'une certaine façon, je suis pour la transformation personnelle et le "dérèglement de tous les sens", mon modèle à moi restant Rimbaud et sa poésie de Chaman, mais c'est une expérience cognitive qui reste éphémère même s'il lui faut "de larges plages de temps" et laisse inchangée "notre inhabileté fatale", ce qu'on appelle improprement notre nature humaine qui n'a guère évoluée depuis Aristote et ne changera pas tant qu'on croit car ce qu'on prend pour des caractéristiques humaines ne sont souvent que des contraintes structurales qui tiennent à la situation, au discours, au système, voire à la biologie. Il est effectivement étonnant qu'on soit si proche des anciens et d'être obligé d'admettre que Machiavel sera aussi pertinent dans le futur...

  23. Je ne suis déjà que trop intervenu. Encore une fois cependant , pour vous rendre raison. Vous m’avez fait remarquer que « métamorphose » pourrait traduire Aufhebung. Jean Pierre Lefebvre traduisant Hegel s’explique longuement sur son choix de traduire Aufhebung par « abolition » : il opte pour ce mot en français parce qu’il comporte le même radical latin « olesco » présent dans « adolescent » et renvoyant à « un processus de vie progressif ou récessif, positif ou négatif, selon le préfixe » Tout en remarquant que Hegel retient le verbe aufheben pour ses vertus dialectiques,et pour exprimer le négatif, il note qu’ « abolir » n’est pas « réduire à néant ».

    Votre rappel du versant kafkaïen dans la processus de métamorphose est bien nécessaire pour qui, comme moi, s’illusionne trop facilement par la rassurante « métaphore du papillon »( illusion d'un progrès toujours en adolescence charmeuse) au risque de trop facilement, pour « passer à autre chose », mettre aux oubliettes de l'Histoire ou de la littérature la "chiante" dialectique. Merci pour le rappel.
  24. Une des choses les plus importantes qu'on doit apprendre d'Hegel et qu'oubliait le marxisme, c'est que toute négation est partielle, c'est pour cela qu'il y a progression des connaissances et non pas abolition des anciens savoirs (Newton est conservé par Einstein qui le contredit). On ne peut dire qu'abolir ne renforce pas l'illusion d'en finir complètement même si ce serait raisonnable de comprendre ainsi l'abolition de l'esclavage, voire de la peine de mort. Pour Agamben, le mot aufhebung traduirait le verbe employé par Paul pour dire que l'amour abolit la Loi au sens où il la réalise. On n'en a pas fini pour autant avec la Loi. J'aurais tendance à préférer "achever" qui comporte les 2 sens de réaliser et terminer mais qui manque de négativité cette fois. Je trouve préférable de ne pas traduire pour garder à aufhebung le statut de concept défini par Hegel dans toute sa complexité, ou alors il faut changer de mot selon les contextes car on ne peut dire que la qualité abolit la quantité par exemple. Il y a de l'intraduisible, c'est étonnant mais il y a un dictionnaire européen qui les rassemble. L'important n'est pas de traduire mais de comprendre le rôle du négatif et des retournements de situation qui restent relatifs.

    En avant première de la revue des sciences, je signale ici une expérience de psychologie expérimentale qui met en évidence le mécanisme de la "main invisible", me semble-t-il.

    C'est, en fait, assez trivial : ceux qui appartiennent à de grands ensembles et des sociétés ouvertes, habitués à côtoyer des étrangers, sont plus honnêtes avec les étrangers que ceux qui sont repliés sur leur petite communauté et traitent plus rarement avec des étrangers. Cela n'empêche pas que des paysans isolés respectaient les lois de l'hospitalité mais on a quand même ainsi la manifestation de la "main invisible" puisque rien n'oblige à être honnête avec un étranger, sauf que si on ne l'était pas, les grandes sociétés ne seraient tout simplement pas possibles. Il y a donc là une contrainte sociale invisible en même temps que très forte, tout ce qu'il y a de plus rationnelle y compris pour notre intérêt propre dès lors qu'il y a un tel différentiel entre les avantages qu'on tire de cette société ouverte et celui relativement négligeable qu'on obtiendrait à rompre les règles de savoir-vivre, de la réciprocité, de la civilité. On comprend que les droits de l'homme sont ceux des marchands car, c'est ce que disait Adam Smith, le boucher malhonnête ne reste pas longtemps boucher ! La contrainte que les grandes sociétés font peser sur les individus n'est pas une servitude volontaire mais une contrainte du champ, la culture, la civilisation étant une intériorisation des normes, ce qui remplace la force de contrainte extérieure par l'information interne, l'auto-nomie mais qui dépend de la légitimité et du respect des normes par les autres, du niveau de confiance alors que, lorsqu'on tombe dans l'anomie, ces attitudes comme celles de coopération ne sont plus possibles car pour coopérer il faut être plusieurs. Le savoir-vivre dépend bien du milieu social.

  25. Bonjour et bravo pour votre site
    Debord n'a qu'été qu'une étape dans la construction intellectuelle du situationnisme. Il a été "renversé" par J.P Voyer en 3 publications :
    - Introduction à une science de la publicité" - champ libre, 1975
    - " Rapport sur l'état des illusions dans notre parti...
    Institut de préhistoire contemporaine- 1979,
    - Revue de préhistoire contemporaine - 1982.
    Pour ma part, les si-tues, à vouloir faire le déni de la pulsion de mort et conjuguer le verbe désirer sur le mode impératif ne pouver déboucher que sur le suicide ou la solitude...
    Amicales salutations

  26. Je suis assez scié de voir qu'il y a des partisans de JP Voyer qui dans le délire est un extrême. Il est vrai qu'il a un style flamboyant et qu'il a hérité de Debord surtout l'art de l'insulte. En fait il a été humilié et a passé le restant de sa vie à essayer de s'en venger. Il représente un peu comme Pierre Guillaume, ces drôles de cadavres sur le parcours de Guy Debord qui montrent la dangerosité de s'acoquiner avec la vérité. Il faut lire les dernières lettres envoyées à Guy Debord où il revient sur ce qu'il a dit la veille témoignant d'une pensée à vif mais prise dans des impasses à se perdre dans la logique au lieu de s'arrimer au réel. Passé les bornes, il n'y a plus de limite et on peut bien prétendre que l'économie n'est qu'une idéologie comme si la puissance matérielle ne s'imposait par force. On peut préférer n'importe quelle connerie à la triste réalité et se mettre à défendre les religions en croyant combattre ainsi en quoi que ce soit la vénalité qui s'étale dans le pays le plus religieux, les USA, mais en justifiant réellement toutes les régressions et de véritables illusions cette fois. Bien sûr, dans ses critiques, il y a de la vérité. Rien de tel que la haine pour débusquer les faiblesses de l'autre et ses contradictions, mais au milieu d'un tel fatras... Ceci dit, si c'est lui qui s'exprime sur les blog de Paul Jorion, il semble être devenu plus raisonnable. Ou c'est juste une question de savoir-vivre pour qui sait se tenir en bonne société ?

  27. avec la notion d'hospitalité on voit bien qu'une société ne peut tenir sans un code minimum de socialisation qui consiste à accueillir, adopter ( même des gens qui nous dérangent), faire attention . moi je suis quand même surpris de la sauvagerie que prennent les relations sociales et c'est sans doute ça qui me donne le plus la haine. maintenant il n'y a plus de limite à la connerie (et à la folie) des gens. je ne sais pas si ce point de vue vient du fait que je suis plutôt jeune , mais j'avais quand même l'impression qu'il y a à peine dix ans ( sans parler de la france ou l'italie dans les années 70) c'était pas comme ça , les voisins , le boulot , même la famille et les "ami(e)s". les gens étaient peut être un peu plus complexés et n'osaient pas se lacher publiquement . je trouve que c'est surtout ça qui empoisonne la vie sociale qui fait qu'au quotidien c'est irrespirable qu'on a toujours l'impression d'avoir à faire à des putes et des escrocs ou des gens qui s'imagine qu'on veut les assassiner ou les voler . alors l'idée d'en revenir aux relations de face à face , moi ça me fait terriblement peur , j'aurais trop envie de commencer par distribuer des coup de battes , parce que trop d'affronts , parce que il y a des moments où il n'y a plus qu'à tirer la chasse . c'est sans doute de ce voir réduit dans le regard de l'autre à juste de la merde ( ou une abbération historique) qui est vraiment insupportable . c'est pour ça que je me dis qu'un peu de morale et de savoir vivre ( le minimum : faire attention, écouter, adopter ou à défaut tolérer.) ça irait quand même un peu mieux . même pour mettre en place cette démocratie cognitive , se dire qu'il y a quand même des limite à ce qu'on peut faire ou laisser faire , que ça ne peut pas être n'importe quoi ou sinon "c'est ferme ta gueule". et un bon coup de pied au cul ou une bonne dérouillée ça fait toujours réflechir .

  28. vous écriviez: "En retour, la volonté de défendre une loi morale qui soit véritablement universelle se révèle inapplicable, aboutissant à une morale réflexive, morale de la responsabilité et de la vigilance (pouvant aller jusqu'à la désobéissance civique) qui débouche enfin sur l'engagement politique, seul à même de rendre le monde un peu plus juste en dépassant l'impuissance morale et la conscience malheureuse de l'individu isolé."

    responsabilité ( sur les conséquences de nos actes), vigilance ( prendre soin, faire attention), désobéissance on est d'accord sur les principes moraux . j'ajouterai "médiation" ( morale du dialogue : ni discussion , ni bavardage , ni solitude ( isolé tout seul ou dans la foule) , mais dialogue sous la condition de la médiation , du tiers-inclu) et publicité ( ce qui compte c'est la publication de nos essais , de nos tentatives , fuent'ils avortés) ce qui à l'heure d'internet s'impose encore plus .
  29. On ne peut se passer de normes (il y a toujours du savoir-vivre, heureusement) dès lors qu'il y a du langage, de la communication, mais il faut un jeu avec les normes, c'est toute la difficulté, non pour "abolir" les normes mais pour qu'elles ne recouvrent pas le réel par leur hypocrisie où une vie déjà vécue ne nous apprend plus rien. Il faut donc faire son deuil aussi d'une perfection des normes, d'une amitié de principe qui n'empêche pas la sauvagerie sous-jacente. Ce jeu avec les normes, le refus de se plier aux règles, est un jeu dangereux mais indispensable où justement il n'y a pas de règle, c'est là où s'exprime notre liberté, contre les nôtres, non pas pour détruire les normes ou faire n'importe quoi, mais pour sauver la vérité des échanges.

    Je suis hélas bien conscient de la difficulté des relations de voisinage et donc d'une démocratie de face à face. La relocalisation devra se faire avec les gens tels qu'ils sont et ce n'est pas drôle, mais il y a de quoi en rabattre certes sur nos utopies. Je ne vends pas de rêves, il faut prendre en compte ce négatif mais ça ne se règle pas en disant les gens ne sont pas gentils, il faut qu'il soient plus gentils. On n'a rien à attendre du savoir-vivre ici, il faut juste pardonner, autant dire s'aveugler poliment, la politesse étant une façon d'annuler toute parole, d'éviter tout contact (ce n'est pas la conscience qu'on en a qui rend vivable les rapports avec les autres) mais il suffit d'un mouvement social de grande ampleur et la solidarité sera de nouveau à la mode ("Qu'il vienne, qu'il vienne, le temps dont on s'éprenne"!).

    Je précise qu'ici, on organisait de belles fêtes avant entre voisins, et puis les problèmes de voisinage s'accumulant avec les années, cela n'a plus été possible, l'ambiance se détériorant gravement entre certains. Là, ce qu'on peut toujours considérer comme un manque de savoir-vivre, n'est pas positif du tout et emmerde tout le monde, on ne peut dire pourtant que ce ne soit pas un peu trop compréhensible. Il vaut mieux savoir qu'il faut faire avec que de se fier à une civilisation des moeurs illusoire ou même de s'imaginer qu'on ne serait nous-mêmes que bien intentionnés. Il ne s'agit pas de ce qu'on peut souhaiter, mais de ce qui est possible.

    Le passage de la morale à la politique est effectivement le coeur de ce texte et trouve sa source dans cette paraphrase de la Phénoménologie qui me semble essentielle (un des textes principaux à lire sur ce site) mais si la dialectique implique les médiations, ce n'est pas sans conflits inévitables. La vigilance ici n'est pas de l'ordre du soin mais la mobilité pour ne pas ignorer les signes négatifs et savoir corriger le tir, corriger nos erreurs ou s'opposer à celles des autres. On ne s'entendra jamais facilement car la vérité n'est pas donnée, ni la reconnaissance...

  30. Amusant, j'avais rédigé un com qui s'est évaporé suite à une erreur de manip de ma part. Enfin, j'y disais à peu près pareil, le savoir vivre comme base de départ inévitablement normée mais largement insuffisante et nécessaire dont l'erreur toujours tentante serait de se faire croire qu'elle puisse atteindre une perfection coulée dans le bronze, ou le béton.

    C'est effectivement, le piège du langage trop bien fait qui nous fait miroiter l'immobilisme de la fin atteinte. Alors qu'il serait mieux, ou moins bien, d'en voir plutôt le début du mouvement, Bewegung qui fait suite au Aufhebung. Bon, excusez mes germano pratiques en cours.

  31. @Jean Zin :

    Je ne suis certes pas le mieux placé pour le dire, mais le texte est très bon et très complet. Et les commentaires de même. Vous devez faire des jaloux d'avoir des lecteurs si bons!

    Contradiction dans le sujet...?
    Entre théorie et pratique, le savoir-vivre s'y perd... N'empêche, en ce moment on est en plein dedans avec l'injonction faite aux immigrés d'adopter le savoir-vivre d'ici, l'assimilation chère à notre Zemmour nationale!
    En tout cas, votre texte, ainsi que les commentaires, m'ont beaucoup plus...

  32. Je suis conscient des insuffisances de l'article, le sujet méritant un livre plutôt, sujet inépuisable toujours à reprendre. Il ne s'agit que d'une intervention située mais ce qui m'a surpris c'est de ne pouvoir incorporer les commentaires dans le texte lui-même, leur intérêt étant d'être des commentaires justement, explorant ce que le texte ne pouvait aborder directement.

  33. On peut dire effectivement que la dette est la base du savoir-vivre, du don, des échanges, la présence en nous du social plus fort que la vie même (on peut se suicider pour dettes sinon en être rongé jusqu'à la mort). Ne pas payer ses dettes, c'est perdre son identité (s'exiler, changer de nom). Au niveau des Etats, c'est un peu différent même si ne pas payer ses dettes, c'est toujours prendre le risque de s'exclure des échanges, mais ce n'est clairement pas une question de savoir-vivre, seulement de rapports de force et de pression des intérêts même s'il y a des choix à faire. Ainsi, la Grèce n'a pas pour l'instant la possibilité de prendre la même voie que l'Argentine mais une grève générale dure et longue pourrait changer la donne, acceptée dès lors par les autres pays sans l'exclure du marché mondial.

    Même si ce n'est pas le lieu d'en discuter, je relève que dans le lien, où il y a des choses intéressantes sur les monnaies locales, il y a aussi des absurdité comme le fait qu'il faudrait emprunter pour payer les intérêts ! De même, l'idée que les banques puissent inscrire leurs pertes au bilan sans que cela n'inquiète personne est tout-à-fait comique... De toutes façons, tout cela devrait se régler de façon plus systémique, la contamination devant toucher un grand nombre de pays.

  34. En fait de changement, ce que j'espère surtout c'est que l'humanité se débarrasse petit à petit de certaines contraintes corporelles; notamment par un recadrage radical de tout ce qui constitue le secteur tuyauterie de la corporéité humaine. D'abord avec l'alimentation, qui devrait à mon avis s'artificialiser - style menu de vaisseau spatial ou mieux encore, baxters du service de médecine interne - , avec comme corollaire un déchargement des corvées d'évacuation, dont on ne peut que difficilement contester la pesanteur et l'abjection. Mais dans les mêmes zones corporelles, et ceci n'est sans doute pas neutre, une autre affaire de tuyauterie est aussi à recadrer radicalement. Je reste sidéré de cette pensée unique qui propose à la commercialisation un viatique dont l'objectif est le toujours plus, sans se préoccuper qu'on pourrait tout aussi bien proposer dans le commerce des substances qui abolissent carrément les besoins de ce secteur de la tuyauterie. Encore heureux que l'âge exonère dans une certaine mesure de cette forme d'asservissement - que dénote bien dans le chef de l'homme la position à genoux derrière la femme, une position quasi de prière, mais à qui, pour quoi? Dans une certaine mesure ai-je dit, puisque apparemment trop souvent les exigences physiques du jeune âge se retrouvent relayées par un certain affaiblissement moral et mental propre à un grand âge sombrant dans le vice - d'où ce recours à un certain viatique. Alors que l'évolution du couple vieillissant et de plus en plus cadavérique indique clairement le sens de son aventure : l'abolition du besoin qui a présidé à la constitution de ce couple. Son sens est son non-sens ou son dénouement : le couple a fait son temps et se retrouve en position flat.
    Puisque la science permettra sans doute bientôt que la procréation se fasse de manière complètement artificielle, il est certain que toutes ces affaires de frottements de tuyaux se retrouveront sans objet, sauf pour les zélotes du ramonage évidemment.
    Mais pour moi l'évolution humaine indique clairement ce chemin de libération vis-à-vis de toute cette tuyauterie asservissante.
    Je ne vois qu'une seule circonstance atténuante qui pourrait en attendant mieux accorder la grâce au tuyau : l'effet de l'alcool.
    La pierre d'achoppement à cette abolition du tuyau restant néanmoins que si nous sommes fondamentalement des tuyaux, c'est parce que l'univers lui-même a peut-être une forme tubulaire, ce qui expliquerait que les physiciens quêtant la matérialité ne font que trouver de plus en plus de vide. Si en plus cette forme de l'univers est un tuyau de Möbius…

  35. Curieux commentaire. Certes nous sommes à la base des tuyaux, un de nos lointains ancêtres était un simple tube mais je ne crois pas qu'on va artificialiser la nourriture alors qu'on revient au naturel, la nourriture étant reconnue comme une des bases de la santé. On a besoin de matière, il faut faire travailler tous les organes sauf à les atrophier. La "libération" invoquée est illusoire, de l'ordre de l'oiseau qui voudrait supprimer la résistance de l'air qui lui permet pourtant de voler...

  36. Avec la procréation et la gestation entièrement effectués en laboratoires spécialement dédiés, il est certain que le patriarcat soit en question, mais ce n'est pas une nouveauté. Beaucoup plus le matriarcat, actuellement omnipotent, sera remis en cause. On peut rester stupéfait en effet que dans cette société où le quidam est soumis à des contraintes officielles pour tout et rien - à tel point qu'il faudra sans doute un jour être détenteur d'un permis en règle pour pouvoir marcher dans la rue - dans cette société hyper-réglementariste donc, on ne trouve aucune initiative pour instaurer une sorte de permis de maternité. C'est grave.
    On laisse alors des femmes sans conditions ni formation préalable s'occuper de ces êtres sans défense que sont les nouveau-nés. Or la femme en général ne s'est jamais signalée par sa supériorité intellectuelle. Ce monde évolué dans lequel nous vivons doit son évolution essentiellement aux hommes, à leur travail intellectuel notamment; c'est donc un monde fait par les hommes dont profitent aussi les femmes (machines, etc.,), même s'il n'y a jamais eu de remerciements.
    On ne dira jamais assez que la violence conjugale n'est somme toute qu'un rendu à la femme pour un prêté de la mère. L'homme ne se fait que le médiateur entre une violence reçue de la mère puis retournée à l'épouse; c'est la logique de la loi du talion, impossible d'y échapper, ce qu'une femme a infligé, une autre femme le recevra en retour par la suite. C'est que lié à ce permis de maternité susmentionné, il y a cette constatation du tabou concernant la violence de la mère à l'égard de ses petits. La plupart des mères peuvent être qualifiées d'intrusives. Inutile ici d'insister sur toutes les formes concrètes ou figurées que peut prendre à chaque fois cette violence intrusive - une panoplie qui va du suppositoire à la double contrainte, ce ne sont que des exemples. Mais il est certain que la violence subie par le nouveau-né resurgira plus tard sous une forme ou une autre, et notamment dans la violence conjugale. D'où l'enjeu d'une formation et d'un permis ou diplôme de maternité.
    Mais tout ceci requiert également un réajustement quant à une problématique plus générale, à savoir le droit dit par les tribunaux. En effet, le code civil, pour peu qu'on l'étudie, se révèle manifestement avoir été fait par des hommes pour des hommes. En clair il manque dans ce code civil tout ce qui touche à la féminité dans sa délinquance spécifiquement féminine. Si ce code civil peut être comparé à un filet dont les mailles ont pour objet de réguler l'admissible et l'inadmissible, force est de constater que ces mailles ne concernent que les hommes et ne sont en rien adaptées aux femmes et à leur type spécifique de délinquance. Rappelons ici que les crasses, dont les femmes sont coutumières, naviguent essentiellement dans les eaux troubles du non-dit et du trop-dit ou du commérage, de l'hypocrisie et des coups bas faits dans le dos, de la méchanceté gratuite, toutes choses qui échappent à un code civil surtout orienté sur une délinquance masculine beaucoup plus franche, rationnelle et directe. Il y a donc clairement un ajustement à opérer eu égard à un code civil, qui trop favorable aux femmes, rend les hommes inaptes à se défendre juridiquement contre cette délinquance féminine qui leur pourrit la vie.

  37. Que les femmes peuvent être toutes aussi coriaces que les hommes, c'est probable, mais de là à instaurer un permis de maternité, voire pourquoi pas un permis équivalent de paternité, ça me parait illusoire et aller effectivement dans le sens d'une inflation de réglementations qui à être en trop grand nombre finissent par enlever toute utilité.

    Enfin le non dit ou les commérages ne paraissent pas être l'exclusivité des femmes, sauf qu'à les idéaliser on leur en veut plus de déroger à un idéal ou de la même manière on ne veut rien voir en quoi elles sont en dehors de l'idéal.

    Ceci pose la question tout de même, de comment vivre en couple et d'élever des enfants sachant que le couple est lié par des malentendus et sûrement un riche commerce de névroses auquel on ne peut probablement pas échapper, simplement l'accepter peut être en jouant le jeu des psychodrames sans en être tout à fait dupe, non pas tant de l'autre, mais de la situation où chacun amène ses brouettes de pitoyable
    instable et propice à toutes les misères de l'échec.

    Peut être qu'il faut une forme d'humour pour ça, une sorte de comedia del arte, les relations de couple et probablement les autres aussi sont de cet ordre.

  38. @Alotar : C'est l'effet Zemmour ? En tout cas ça dé-conne à plein tube !

    Certes, il y a comme toujours un embryon de vérité (il y a du vécu) mais ce n'est pas seulement que toute vérité n'est pas bonne à dire, c'est qu'un point de vue trop unilatéral devient une contre-vérité très dangereuse, comme l'anti-islamisme, pouvant justifier toutes les violences. Hitler croyait, lui, que c'étaient les Aryens qui avaient tout inventé, les autres n'étant au fond que des animaux ! On peut bien dire "It's a man's man world, but it would be nothing without a woman or a girl" ! L'évolution rapide du chromosome Y suggère que ce sont les femmes qui ont forgé les hommes à leur image (l'image qu'elles s'en faisaient), privilégiant les beaux parleurs.

    Les femmes ne sont certainement pas nos inférieures. Ce sont elles qui ont sans doute inventé le langage narratif. Ce sont elles qui transmettent la culture, la langue maternelle (la religion aussi...), ce sont elles qui éduquent. S'il y a toutes sortes de mauvaises mères, ce sont les pères qui rendent fous (ou qui violent leurs filles, battent leur femme). L'intelligence des hommes est contestable, notre rationalité étant très limitée. Il ne faut pas juger des hommes sur leurs meilleurs représentants, en si petit nombre. Il y a aussi des femmes exceptionnelles. Les connes sont sans doute majoritaires, tout comme les gros cons, ces insultent ne faisant que faire porter aux individus le poids de nos limitations, les raisons des difficultés de vivre et de nos malentendus qui ne tiennent pas tant aux personnes, de même que ce n'est pas en supprimant les violents qu'on supprime la violence.

    La colère est mauvaise conseillère, nous illusionnant sur nous-même comme sur l'autre qu'on charge de tous nos propres maux. Il faudrait vraiment en finir avec la domination masculine comme avec toute domination, ce qui n'est jamais gagné toute situation recréant des différenciations et hiérarchies. Cela n'empêche pas qu'il y a bien des différences entre les hommes et les femmes, et qu'il y a une domination féminine effectivement étouffante (Big Mother), que j'ai rencontrée aussi bien chez les écologistes que les psychanalystes. Colette disait des meurtres passionnels que souvent la victime l'avait bien cherché. Ce sont des questions qu'il faut affronter mais pas de façon aussi simpliste et partisane.

    De même, on n'est pas loin du permis d'être mère avec tout le suivi médical prénatal, mais s'il fallait donner le droit de vivre à ceux qui le méritent, ce serait le carnage. La démocratie est basée tout au contraire sur le fait que même les idiots peuvent voter ce qui vaut mieux que de réserver le vote à ceux qu'on croit plus sages que les autres. Sur ce point, le libéralisme vaut beaucoup mieux que l'aristocratie. Il faut faire son deuil d'une justice parfaite et d'une sagesse introuvable comme de rapports humains harmonieux (on n'a jamais tout ce qu'on mérite). Il faut faire avec tous les travers de l'humanité...

    En tout cas, ce genre de réaction prouve justement, s'il en était besoin, qu'il ne faut pas rêver, on est loin de vivre au paradis, y compris dans les familles. C'est toujours dans les familles, en effet, qu'il y a le plus de meurtres contrairement à ce qu'on croit, et c'est bien là que les névroses se développent. On ne gagne rien cependant à vouloir s'en mêler. Il vaut mieux respecter la séparation entre privé et public qui permet au moins de ne pas être enfermé dans ses névroses et pouvoir jouer entre univers distincts où les rôles sont redistribués.

  39. Vous dites que la cause de la consommation de marchandises est le mode de production. N'est-ce pas un raccourci que vous prenez, au lieu de chercher à regarder en face le tableau hideux de nos contemporains? Ceux-ci, à défaut d'accumuler du capital, accumulent des objets, croyant combler le vide de leur existence, alors qu'ils ne font que le creuser d'autant plus.
    La responsabilité est double, mais elle est avant tout celle de l'individu, qui croit être autonome et libre, alors que la condition de possibilité de l'individu est la société. Aujourd'hui la société n'est qu'un marchepied pour des individus se faisant les fossoyeurs de structures sociales millénaires.

  40. C'est la nouvelle vulgate (bobo) depuis longtemps mais on voit bien que ce moralisme de bas étage n'est qu'une façon de mépriser ses (hideux) contemporains en se croyant meilleurs qu'eux. Cet individualisme culpabilisant mérite des claques s'imaginant être opposé à l'ordre du monde alors qu'il le renforce en croyant que l'individu serait responsable alors que l'individualisme est une idéologie collective et la mise en concurrence systématique résultant de l'organisation sociale et des rapports de production dont les causes sont matérielles.

    C'est bien sûr un raccourci de dire que la société de consommation résulte du mode de production capitaliste (fordiste) et de son productivisme mais il y a suffisamment de textes où je le démontre plus en détail. L'existence même de la publicité omniprésente suffirait à le prouver mais quand on veut consommer moins on se rend compte à quel point c'est difficile, à quel point l'organisation sociale et les marchandises disponibles ne permettent pas de réduire significativement ses consommations.

    C'est curieux mais moi je ne connais personne qui accumule des objets, je ne connais pas ce genre de connards décervelés qu'on nous présente comme le modèle dominant depuis "Les choses" de Pérec au moins, comme si un frigidaire était un achat inutile. Je ne connais que des gens qui ont du mal à joindre les 2 bouts et font ce qu'ils peuvent. Il y a bien sûr des gens qui achètent des grosses voitures pour frimer mais la frime n'est pas d'aujourd'hui et n'a pas à voir forcément avec la consommation, en tout cas, ce n'est pas ce qui en représente la grande masse. Un jeune écolo me donnait comme exemple de cette consommation effrénée l'achat compulsif de musique, ce que je ne trouve absolument pas condamnable et même à encourager, plutôt par téléchargement bien sûr. Rien à voir avec un gâchis qui est organisé !

    Au lieu d'éructer sur ses contemporains, il faut se battre ensemble pour changer l'organisation sociale et le mode de production, relocaliser l'économie, sortir du salariat productiviste en passant du travail forcé au travail choisi grâce à un revenu garanti. On ne se sauvera pas tout seul ni par la bonne volonté des individus, l'écologie n'a rien à voir avec une religion, il n'y aura de salut que collectif, politique et pas du tout moral à la mord moi le noeud !

  41. Il est un peu facile de ne voir dans l'individualisme qu'une idéologie collective, comme si il y avait une sorte de déterminisme contre lequel l'individu ne pourrait rien. L'individu se rue dans l'individualisme parce qu'il a de bons côtés, que je reconnais d'ailleurs, et que vous soulevez dans votre texte, comme la possibilité de s'émanciper d'un groupe trop oppressant.

    Mais de même que la famille est une structure monarchique, au sein de laquelle tout peut se passer, le meilleur comme le pire, ce qui ne doit pas amener à idéaliser la famille, l'individualisme fabrique quantité de petits monarques, bien décidés à faire ployer le monde en fonction de leurs désidératas.

    Bien sûr qu'il existe des individus qui accumulent, j'en connais moi-même. Mais je ne leur jette pas forcément la pierre: ils cherchent à conjurer leur existence et la dépression qui va avec. Alors, certes, nous avons grandi, pour ma génération en tout cas (années 80), dans une idéologie de consommation de masse censée équivaloir au bonheur. Mais il est trop facile de se cacher sa responsabilité, sans risquer d'être ce que Sartre appelait un "salaud".

    La consommation est une arme à double-tranchant. Elle apaise temporairement nos motions pulsionnelles, mais en même temps elle a des conséquences considérables, comme la délocalisation et la mise au chômage de quantité de gens. C'est un asservissement.

    Vous convenez qu'on ne sortira de cette situation que collectivement: il va falloir que l'individu tyrannique cède la place, que les gens (moi y compris - car contrairement à ce que vous dites, je ne me place pas au-dessus du lot) acceptent de céder sur leurs pulsions. N'est-ce pas justement en se contenant qu'a été possible la civilisation (Norbert Elias)?

  42. @Sam :

    Bien sûr, Sam, c'est très bien de s'y mettre individuellement, mais apparemment, d'après vos dire, vous même n'y arrivez pas... Et de toute façon, votre solution individuelle ne tient pas dans ce système, justement pour une des conséquences que vous pointez: le chômage!... Surtout si les gens s'y mettent vraiment, comme vous le souhaitez...
    C'est le système qu'il faut changer! Je ne sais si les propositions de Jean sont la médication nécessaire à apaiser toutes les folies contemporaines, je ne suis pas assez savant pour ça, mais elles ont le mérite d'exister, et au vu de l'état lamentable de la gauche et du néant neuronale, à quelques exceptions près, qui y règne, ça rafraîchit drôlement!
    Et oui, nous sommes sous le règne du déterminisme absolu. Quand on s'en rend compte, on prend une claque! mais on s'y fait...comme pour presque tout!

  43. J'ai juste critiqué un point du long texte de Jean, donc loin de moi l'idée de le remettre intégralement en question. Néanmoins ce dualisme individuel/collectif me chagrine un peu, et Jean qui a lu Dumont devrait le savoir. Dans ses "Essais sur l'individualisme", ce dernier explique que des deux termes d'un dualisme, l'un est issu de l'autre. Il n'y pas pur antagonisme mais aussi parenté.

    Je sais bien que nous sommes déterminés par notre chimie corporelle et le contexte dans lequel nous nous inscrivons. De là à dire que nous sommes absolument déterminés, il y a plus d'un pas à parcourir. C'est un peu comme l'inné et l'acquis. On a beau avoir un ADN, pour autant des paramètres environnementaux entrent en jeu: ce n'est pas une partition d'orgue de barbarie!

    Bref, mon propos est qu'on ne changera pas le système sans en changer aussi quelque peu ses acteurs. Le tout et la partie, encore un beau dualisme...

  44. Je comprends que la formule de Lucien Goldmann que j'ai employée paraisse excessive, ce que je trouvais moi-même avant de mieux comprendre à quel point notre marge de liberté était limitée, y compris dans le choix des marchandises, ne serait-ce que par manque d'information, à cause de notre ignorance mais lorsqu'on sait on n'a pas plus le choix sinon de faire ce qu'on doit faire. La liberté est l'argument des religions pour nous faire croire au diable et que tout est question de bonne volonté et de bonne foi (depuis Zarathoustra), refoulant les véritables causes. Dire que "l'hypothèse du sujet individuel est une idéologie déformante, élaborée elle-même par un sujet collectif" a cependant un sens précis, matériel, relevant de l'organisation collective. On peut citer Elias, en effet, assez spinozien en l'occasion :

    La société et ses lois ne sont rien en dehors des individus; la société n'est pas simplement un "objet" "face" aux individus isolés; elle est ce que chaque individu désigne lorsqu'il dit "nous". 105

    C'est seulement à partir du moment où l'individu cesse de penser ainsi pour lui tout seul, où il cesse de considérer le monde comme quelqu'un qui "de l'intérieur" d'une maison regarderait la rue, "à l'extérieur", à partir du moment où, au lieu de cela - par une révolution copernicienne de sa pensée et de sa sensibilité -, il arrive aussi à se situer lui-même et sa propre maison dans le réseau des rues, et dans la structure mouvante du tissu humain, que s'estompe lentement en lui le sentiment d'être "intérieurement" quelque chose pour soi tandis que les autres ne seraient qu'un "paysage", un "environnement", une "société" qui lui feraient face, et qu'un gouffre séparerait de lui. 99

    C'est une erreur cependant de croire que la civilisation renforcerait les normes par rapport aux populations originaires qui sont pleins de tabous et de règles rigides, connaissant d'autant plus des libérations de violence (et les dettes de sang). La civilisation des moeurs est plus matérielle, s'accommodant au contraire d'une libération des moeurs. En tout cas, ce qui est sûr et devrait clore la discussion, c'est que, si on croit à la liberté et qu'on veut changer les hommes, c'est foutu, on n'y arrivera pas plus que dans les précédents millénaires, croire le contraire est folie, histoire qu'on se raconte pour ne rien faire et manifestation d'une trop bonne opinion de soi. La liberté, c'est l'exception, pas la règle. Il est certain par contre qu'à changer d'organisation sociale on changera les individus, sans en faire ce qu'on veut mais, par exemple, un revenu garanti devrait renforcer à la fois l'autonomie des individus et les revendications collectives au contraire de l'individualisation des salaires.

    De même que l'angoisse de la mort nous révèle le monde comme totalité, la catastrophe crée les conditions pour percevoir notre solidarité effective mais il faut un événement collectif pour nous rassembler et la seule question n'est pas de notre individualisme mais de l'alternative, de savoir quoi faire, comment sortir du productivisme et c'est sur ce point qu'on manque de projets crédibles car ce n'est pas en diminuant un petit peu nos consommations qu'on va s'en sortir, il faut se mobiliser collectivement pour la relocalisation de l'économie et sa réorientation vers le développement humain, c'est-à-dire la valorisation de la personne. Il ne s'agit pas de nier l'individu fondu dans sa communauté mais de développer son autonomie sans le couper des autres et de ses solidarités sociales, une société des individus sans individualisme. Je suis moi-même très solitaire, cela ne m'empêche pas d'être solidaire, mais qu'on ne vienne pas me faire la morale !

    Sur l'individualisme comme construction sociale et même autonomie subie, il y a ce texte très récent d'Alain Ehrenberg :
    http://www.laviedesidees.fr/Societe...

  45. Je n'ai pas écouté Castel qui semble bien minimiser le rôle des psychiatres et médecins dans l'ordre social mais il semble que l'heure de la réaction anti-Foucault ait sonné !

    Un petit livre de Mandosio ressort ses critiques contre les foucaldiens, critiques que je peux partager mais il est assez absurde de vouloir réduire l'apport de Foucault à rien. Ce n'est certes pas le révolutionnaire qu'on prétend, mais sa leçon d'inauguration au Collège de France "L'ordre du discours" est lumineuse. Il a apporté beaucoup d'autres choses sur l'incarnation du pouvoir, etc.

    Par contre, il est certain que sa dogmatisation par ses thuriféraires est insupportable, le Tiqqun 2 étant l'illustration de cette critique systématique qui tourne à vide avec une cohérence effrayante qui est on ne peut plus séduisante mais ne mène à rien...

    Ce serait donc une bonne chose qu'on sorte de l'adulation et qu'on ait un rapport plus critique à Foucault mais sans refouler ce qu'il a apporté d'essentiel. Comme à chaque fois, avec l'existentialisme, le structuralisme, etc., on s'imagine que ces modes changeaient tout, rejetées ensuite trop complètement alors que ces mouvements nous lèguent un apport incontournable même s'il est beaucoup plus mince que ne le croyaient leurs zélotes. Foucault s'est trompé bien souvent mais on ne peut se passer de lui pour autant. Je n'approuve pas son moralisme final et n'épouse pas ses outrances, ni ses épistémés, etc., mais il a bien plus d'importance pour moi que Deleuze par exemple. La démarche de Mandosio est on ne peut plus moraliste car c'est en dénigrant l'homme qu'il annule son oeuvre, comme s'il fallait le coeur pur de l'initié pour atteindre à la vérité dans sa simplicité, mais c'est une illusion, la science elle-même avançant par son mauvais côté où le faux est un moment du vrai.

  46. De ce que j'en ai lu et écouté, il reconnait pas mal d'ap
    ports de Foucault mais en réfute quelques propositions. Donc un commentaire modéré de Foucault, rien d'une mise à l'index.

    Les propos m'ont rappelé l'ethnopsychiatrie de Nathan, à savoir la mise en relation des symptômes avec la culture d'origine selon laquelle un malaise est narré selon des termes différents selon la culture. Le psychisme est lié à une culture et à ses évocations, donc loin d'un individualisme pseudo auto centré, plutôt un individu décentré.

  47. vous dites :
    Par contre, il est certain que sa dogmatisation par ses thuriféraires est insupportable, le Tiqqun 2 étant l'illustration de cette critique systématique qui tourne à vide avec une cohérence effrayante qui est on ne peut plus séduisante mais ne mène à rien...

    moi perso je suis en train de lire l'herméneutique du sujet et je vais bientôt lire "le gouvernement de soi" , et ça me semble eblouissant . il y a un enjeu à confronter la pensée de foucault à la psychanalyse lanacienne , histoire de pervertir la clinique et faire la clinique de la perversion ( comme le fait très bien jean paul ABRIBAT , le psychanalyste et philosophe bordealais ).

    mais sur tiqqun c'est vai , moi je vois ça comme une sorte de poésie révolutionnaire très philosophique , mais qui au final est le retour du religieu en grande pompe et correspond bien aux sectarisme des marginaux , autonomes , que j'ai connu . perso c'est pas dis que je ne face pas quand même un bout de chemin avec eux , mais c'est sur un plan affectif autant qu'intellectuel, car au final c'est vrai qu'il y a une impasse , la philosophie et son histoire ne pouvant se résumer à "l'anti oeudipe et mille plateaux de deleuze " et à la révolution molécullaire de guatari" . mais moi je vois en tiqqun en plus du côté autonome un peu dogmatique des praticiens de la socioanalyse , qui me sont précieux , vu que il y a plus beaucoup de gens qui lisent ce genre de litérrature et adoptent ce genre de démarche . CF le texte : la métaphysique critique pourrait commencer comme une science des dispositifs ( que je trouve pas mal dans cette veine )

  48. Je ne vais pas laisser tous ces commentaires personnels mais le malentendu est complet.

    Outre que je suis très déceptif pour tous ceux qui m'aiment et vraiment attaché à ma solitude (très mal vue), je ne prétends absolument pas "être" un révolutionnaire, j'essaie simplement d'être un homme libre et ce qu'on appelait un "honnête homme". Je suis persuadé qu'une révolution est nécessaire et inévitable, ce qui est très différent de se vouloir révolutionnaire, et si toute révolution a sa part de fête (et de violences) ce n'est absolument pas ce qui m'intéresse (il y a trop de fêtes) mais les alternatives concrètes et les institutions qui peuvent en sortir (les dispositifs).

    Je suis donc effectivement un peu trop sérieux et pisse-froid, surtout dans cette période de deuil ici, sans doute même un vieux con déjà. Je ne veux pas empêcher les enfants de s'amuser pour autant mais ce n'est plus de mon âge. Il est illusoire de vouloir vivre comme un jeune à l'approche de la soixantaine, sauf exceptions. Vieillir est vraiment une saloperie, au moins pour une grande partie des gens et la dégénérescence commence un peu avant la cinquantaine, pas seulement pour les femmes (cela dépend bien sûr de la façon dont on a vécu). On a du mal à s'y faire, on en est même surpris alors qu'il n'y a rien de plus naturel , hélas.

    En tout cas je ne suis pas un héros, ni un exemple, plutôt un raté, un faible (mauvais sang de Rimbaud) et ne compte pas prendre la tête de l'assaut contre le vieux monde (place aux jeunes), juste écrire de ma retraite, et tant que je peux, des textes pour essayer d'en éclairer les enjeux peut-être, ce que je ne réussis apparemment pas, mais c'est tout ce que je peux faire pour le temps qu'il me reste à vivre...

  49. J'ajoute que la transgression n'a rien de révolutionnaire, au contraire, elle ne fait que renforcer la Loi. Ceux qui s'extasient de leurs conduites transgressives ne sont donc pas du tout révolutionnaires. Il n'y a qu'une façon d'être révolutionnaire, c'est de changer la loi, pas de la transgresser ce qui ne relève que de causalités névrotiques personnelles sauf pour ceux qui croient qu'il y a un "être" révolutionnaire, être qui n'est pensable qu'en acte et seulement par ses conséquences sociales. La révolution n'est souvent qu'une métaphore de la liberté ou de la colère mais qui se retourne en normativité totalitaire pour ceux qui croient qu'il y a un envers de la réalité.

    Quelque part, Marx montre le rôle fondamental joué par le voleur dans la défense de la propriété privée et le développement d'une police empêchant les révoltes populaires. C'est ce qui a motivé le rejet excessif du lumpen prolétariat identifié aux jaunes qui jouent contre leur camp. Le terrorisme joue aussi ce rôle de renforcement des contrôles et de l'état d'exception. La transgression ne prouve rien, c'est comme en art, il ne suffit pas de transgresser, il faut que ce soit pour dire quelque chose, pour oser dire ce qu'on ne veut pas entendre et pas seulement pour se faire remarquer !

  50. De toutes façons, il ne s'agit pas de refaire Mai68 qui n'a débouché sur rien qu'une défaite électorale. Il faudrait plutôt viser quelque chose comme le programme national de la résistance si ce n'est 1936, mais bien sûr ce n'est jamais la répétition de l'ancien.

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