La bulle sociale

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Au moment où la société découvre qu’elle dépend de l’économie, l’économie, en fait, dépend d’elle. Cette puissance souterraine, qui a grandi jusqu’à paraître souverainement, a aussi perdu sa puissance. (Guy Debord, La Société du Spectacle)

Non seulement la société doit tenir debout, mais elle doit avoir l'air de tenir debout ! (Pierre Legendre, La société comme texte)

La crise du crédit est une crise de confiance nous dit-on, confiance qui a été mal placée et trompée, confiance devenue impossible dans un château de cartes et un emballement qui se nourrissait de lui-même mais n'était pas tenable (pas plus que les chaînes d'argent ou les systèmes de vente pyramidale), et ce malgré toutes les belles théories fort imaginatives qui voulaient nous démontrer le contraire, hautes mathématiques à l'appui ! On n'imagine pas les dégâts, d'avoir voulu croire que l'argent pouvait faire de l'argent et que les arbres pouvaient monter jusqu'au ciel, soudain il semble qu'on ne peut plus croire en rien ni se fier à personne. Sauf aux Etats pense-t-on, derniers remparts contre la panique généralisée, mais pour combien de temps ?

En effet, si elle est indispensable au fonctionnement du système économique et financier, à sa fiabilité comme à sa fluidité, il faut bien admettre que la confiance constitue aussi le fondement de nos sociétés, confiance qui n'est pas donnée et peut se perdre entre populations même après une longue cohabitation, on l'a vu encore récemment. On ne peut absolument pas se reposer sur la stabilité d'un ordre social qui peut assez facilement se disloquer et retourner à la barbarie, de même qu'il ne faut pas trop se fier à l'apparente soumission ou résignation des classes populaires. Là aussi, un peu trop de confiance dans la stabilité sociale amène à négliger assez le risque systémique pour s'engager dans une surenchère d'arrogance et d'étalage des richesses qui sombre dans le bling-bling pendant que la précarité et les inégalités explosent. On a fait des révolutions pour moins que ça ! Rien ne laisse présager encore le retour de mobilisations sociales, bien trop faibles pour l'instant, mais ce n'est pas seulement le système financier qu'il faudra refonder, le pacte républicain aussi, qu'on le veuille ou non ! et, pour cela, il faudra crever tout autant les bulles écologiques et sociales.

Ce qui permet aux bulles spéculatives de gonfler pendant des années, semblant démentir toute analyse rationnelle, tient à la certitude que tout continuera comme avant. Pourtant, on sait bien que les temps changent et que les civilisations sont mortelles. Les causes de l'effondrement peuvent être externes (guerre, épidémie) ou internes (écologiques ou sociales) de simplement passer la mesure par défaut de régulation. On constate historiquement qu'un peu d'inégalités dynamise une société, signe de toute civilisation, mais tout autant que trop d'inégalités peut provoquer son effondrement. On a vu aussi, avec les analyses de la crise de 1929 par Eccles, Galbraith, Livingston, que trop d'inégalités et un partage capital/travail trop favorable au capital menaçait l'économie elle-même en nourrissant la spéculation financière. C'est sans doute la leçon qu'il faut retenir de la crise actuelle, leçon qui avait été oubliée depuis quelque temps déjà...

Il ne faut pas se leurrer, à supposer qu'on puisse éviter le sauve qui peut général et l'écroulement de toutes les institutions, prendre conscience de l'importance de la société comme totalité, de la philia qui nous relie tout comme de la puissance publique ou de l'action collective que cela peut nous permettre, ne devrait pas signifier seulement le retour de l'Etat et du politique mais tout aussi bien des solidarités sociales et de la réduction des inégalités. Impossible de continuer à culpabiliser les individus les plus faibles et les traiter d'assistés quand ils subissent les conséquences des excès des plus riches. Impossible de se défausser sur le marché quand les marchés ne fonctionnent plus. Même si ce n'est pas encore tellement dans l'air du temps, voilà qui devrait donc s'imposer rapidement dans ce contexte, et non seulement dans une logique de sécurité sociale mais bien de développement humain et de valorisation des compétences, à l'étonnement ébahi des libéraux les plus fanatiques, chantres d'une concurrence à outrance et d'un individualisme forcéné.

Il ne fait aucun doute que le rôle du dogmatisme et des fausses théories est primordial dans la constitution des bulles, non seulement pour la confiance dans la stabilité du système mais aussi pour la justification des inégalités (dur pour les victimes et bienveillant avec les prédateurs). On peut parier qu'il sera tout aussi difficile pour les libéraux d'admettre leur propre totalitarisme que pour les staliniens de naguère : comment de si belles théories, de telles évidences "scientifiques", de si bonnes intentions peuvent-elles se révéler non seulement fausses mais immorales et cruelles, totalement inhumaines et couvrant les excès les plus absurdes. Comment peut-on oppresser au nom de la liberté ? C'est bien compliqué, oui. La convalescence risque d'être longue et douloureuse, il ne faut pas s'attendre à des conversions immédiates chez les plus convaincus même si beaucoup ont déjà retourné leur veste, mais ceux qui s'imaginent qu'il y aura juste quelques petites régulations à rajouter, sans rien changer à tout le reste, se trompent lourdement car dès lors qu'on ne se fie plus au "laisser faire", la question devient politique mettant en cause nos visions de l'avenir et nos priorités sociales. On met là le doigt dans un engrenage qui peut aller loin, jusqu'à l'écroulement du système peut-être même, selon ce qu'on appelle "l'effet Gorbatchev". Non seulement c'est la fin du divin marché, de la course à la richesse et du règne sans partage de la quantité, mais c'est plus essentiellement la fin de l'irresponsabilité collective, qu'elle soit écologique ou sociale.

Sans un tel dogmatisme sûr de son bon droit, jamais la bulle sociale n'aurait été jusqu'à la rupture mais on conçoit qu'il soit quasi insurmontable de devoir abandonner ce qu'on s'était persuadé être la nature même, justifiant, paraît-il, une concurrence généralisée ! Passons sur le fait qu'on voudrait nous réduire ainsi à de simples animaux et que, même la loi de la jungle n'est pas aussi impitoyable que le voudraient certains libéraux : la solidarité est bien la règle en général, à l'intérieur des espèces au moins. De toutes façons, les questions ne se posent pas du tout à ce niveau alors que nous passons de l'ère de l'énergie à l'ère de l'information qui est aussi l'ère de l'écologie et du développement humain. C'est d'abord l'ère des réseaux qui exige de plus en plus de coopération et de formation. Il faudrait donc d'abord prendre la mesure des transformations radicales intervenues entre la force de travail industrielle et un travail devenu plus immatériel, exigeant de passer du travail forcé au travail choisi et du salariat au travail autonome. Ce qui est valorisé désormais, ce n'est plus notre force physique mais notre autonomie et ce qu'on a de plus humain, bien loin d'une obsolescence de l'homme. Hélas, le dogmatisme n'est pas seulement libéral et, là-dessus, la gauche a plutôt du retard sur les libéraux qui en tirent argument pour accuser toutes les idées de gauche d'archaïsme !

Il n'empêche qu'il faudra se faire à cette nouvelle façon de penser dans une économie en réseau, de même qu'il faudra bien admettre que les inégalités ont atteint un seuil où elles sont devenues intolérables, la limite du ridicule étant trop souvent outrepassée. On sait que ce n'est pas la première époque qui a poussé l'arrogance et l'arrivisme à ces extrémités, ce qui s'est plusieurs fois assez mal terminé ("après-moi le déluge", ils ne croyaient pas si bien dire !). Même si tout le monde reste persuadé qu'il n'y a pas d'alternatives en dehors d'un peu plus de régulation, c'est une illusion car c'est à la base que les fondations ont été sapées. Impossible de savoir dans combien de temps mais l'unité et la solidarité sociale devront être refondées et cela signifie en premier lieu, comme l'avait voulu le conseil national de la résistance, crever la bulle sociale, revenir à des rapports démocratiques plus égalitaires pour conquérir de nouveaux droits et développer l'autonomie de chacun.

Il ne faut pas que les écologistes de fraîche date ne se fassent d'illusion non plus, l'éclatement de la bulle sociale est aussi un préalable à l'éclatement de la bulle écologique ! Jean-Paul Fitoussi montre assez bien, dans "La nouvelle écologie politique" (République des idées), qu'il n'y aura pas d'écologie sans réduction des inégalités. Les effets désastreux du réchauffement climatique sont avant tout des catastrophes sociales (p68) auxquelles des sociétés trop injustes ne peuvent répondre. Si la vulnérabilité de l'homme est immanente à la condition humaine, celle de la Nature n'est perceptible qu'au travers du surcroît de vulnérabilité qu'elle fait encourir à l'homme p18. Dans une société où prévaudrait un sentiment d'injustice, où les tendances au repli sur soi et au conflit domineraient, il nous semble qu'il y aurait peu de place pour l'altruisme intergénérationnel, p66. Le caractère démocratique des sociétés, enfin, est un facteur décisif dans les réponses aux crises, que ce soit la lutte contre la famine, la misère ou les pollutions, comme l'a montré Amartya Sen. Les institutions et les équilibres sociaux ont un rôle beaucoup plus important que ne croient les libéraux aussi bien pour l'écologie que l'économie.

Pour sauver l'économie, il faut sauver la société, pas seulement les banques, et pour sauver la société il faut la démocratiser et réduire les inégalités afin de pouvoir habiter le même monde au moins. C'est seulement par une solidarité retrouvée que la confiance peut revenir et la machine repartir sans trop de ratés, sinon la crise risque de traîner en longueur (on voyait toujours le bout du tunnel en 1929 !). Il faut donc le répéter, même si personne ne veut y croire, la meilleure solution aux inégalités, le New Deal dont le retour serait le plus immédiat à la fois dans la réduction des inégalités et la stabilisation de l'économie, c'est sans conteste l'institution d'un revenu garanti pour tous, d'un côté, avec, de l'autre, l'augmentation des impôts et de leur progressivité. Il y a certes bien d'autres investissements possibles pour nous aider à sortir de la crise, en particulier les investissements écologiques dont il faudrait saisir la chance au lieu de repousser vainement les urgences. Le défi technologique posé par l'écologie est loin d'être aussi négatif qu'on le craint, il serait plus que temps de s'y mettre ! Le coût de la réduction des inégalités comme des pollutions paraît certes toujours exorbitant, mais, comparé aux banques comme au coût des désordres sociaux ou des catastrophes écologiques, c'est un très bon investissement, vraiment !

De toutes façons, une bonne partie devrait être financée tout simplement par l'inflation, ce que Keynes appelait l'euthanasie des rentiers, véritable impôt sur l'argent qui le transforme en "monnaie fondante". Une inflation raisonnable n'est pas seulement favorable aux jeunes et aux actifs (quand leurs rémunérations sont indexées sur l'inflation), mais elle est aussi favorable aux investissements et aux entrepreneurs. Tout est encore une question de régulation, encore faut-il que ce soit la bonne et il semble bien, hélas, que, là aussi, il faudrait une révolution au moins pour changer les règles trop rigides de la BCE !

En tout cas, après la bulle spéculative et libérale, c'est la bulle écologique et sociale qui doit éclater. Les politiques sociales ne nous appauvrissent pas mais nous enrichissent, c'est le repli sur soi et la répression des pauvres qui nous privent de leurs richesses. Il faut se persuader pourtant que cette dimension économique, malgré son caractère déterminant, n'est encore qu'un aspect de la question, tout comme les dimensions écologiques et sociales, alors que c'est plus fondamentalement la conscience de notre solidarité réelle, telle qu'elle s'est révélée avec la menace systémique, qui doit se traduire en solidarité sociale et développement humain. Question de vérité, d'humanité et de raison.

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21 réflexions au sujet de “La bulle sociale”

  1. Merci pour ce point de vue qui tire l'analyse vers le haut:
    Il n'y aurait rien de plus stérile que la vaine polémique entre doctes "Diafoirus" Experts Economistes qui se contenteraient d'opposer les médecines ultra-libérales aux médecines interventionistes sans approfondir davantage le diagnostic.

    La refondation sociale qui s'impose est d'ordre civilisationnelle et mondiale.
    Force est de constater que les outils classiques (partis, syndicats, ...) font et feront encore longtemp défaut pour opérer une telle refondation.

    Cette refondation n'a pas d'ailleurs pas encore trouvé ses "Lumières" ni défini les contours de ce que pourrait être un nouveau "contrat social et environnemental", pour les citoyens du monde.

  2. Oui, j'écris peut-être un peu trop en ce moment, mais c'est que les temps sont exceptionnels et demandent réflexion. Je ne dis pas tout-à-fait ce qui se dit ailleurs mais je vais arrêter là quelque temps car je serais en déplacement et serais pris ensuite par ma revue des sciences. Il risque de s'en passer pas mal entre temps ! En tout cas, il est bon de savoir qu'on peut toujours compter sur ses ennemis et quelques haines tenaces, cela rassure sur la stabilité du monde quand tout s'écroule autour de vous...

  3. Tout se joue demain sur les hedge funds (voir l'article de Jorion sur contreinfo), si ça casse ça va ouvrir une multitude de possibilités de contestation sociale.

    Ca me réjouit pas trop de voir l'humanité en baver, mais s'il faut en passer par là pour une refondation....

  4. Je suis bien sûr avec attention les analyses de Paul Jorion souvent éclairantes mais si demain peut être une journée chaude, effectivement, le mal me semble plus profond car c'est tout un système fondé sur le crédit qui est mis en cause. On verra bien mais ce n'est pas de l'astrologie et si le système s'écroule, c'est qu'il n'était pas tenable, c'est qu'il y avait tromperie sur la marchandise et bulle spéculative auto-entretenue qui est la cause de la crise qui suit l'éclatement de la bulle. On ne peut cacher la réalité sous le tapis trop longtemps. Il ne s'agit pas de souhaiter qu'on en bave, mais qu'on en bavera sans qu'on l'ai voulu alors qu'on aurait les moyens de l'éviter...

  5. bonjour jean est ce qu'il t'est possible de dérouler un peu plus le fil de ta pensée sur le "sauve qui peut général et l'écroulement de toutes les institutions"

    sinom ce qu'il faut faire me semble tout simplement énorme . même si on a pas le choix est ce vraiment possible ? après 30 ans de conneries débitése à la chaine , et ça continu , je me demande si tu ne surestimes pas la capacité des gens à changer . et en plus là tu parles de prise de consience collective .

  6. Oui, je parle d'une réalité absente, je suis toujours un peu trop intempestif de me projeter quelques coups à l'avance (j'annonçais la crise dès 2006 au moins, avec cette atmosphère de fin de monde). Ce n'est certes pas très vendeur et peut paraître vain mais d'une part je ne vois pas l'utilité de répéter ce que disent les autres, qui me semble d'ailleurs un peu court, et, d'autre part, j'écris surtout pour moi, pour essayer de mettre en ordre mes idées, mettre en série les événements, dresser des plans de bataille pour essayer d'orienter l'action. La suite dira si cela a servi à quelque chose.

    Donc, bien sûr, tout est contestable dans ce que je dis puisque ce n'est pas l'opinion générale et que je ne connais pas l'avenir mais nous vivons de grands bouleversements. C'est une période qui nous incite à réapprendre la dialectique et redécouvrir l'existence des cycles avant de croire à nouveau que tout sera toujours pareil.

    On semble bien loin de tout sentiment révolutionnaire, je ne vois pas plus d'espoir que d'autres dans l'ambiance actuelle. Ce n'est qu'une déduction purement intellectuelle pour le proche avenir d'un renversement idéologique qui est à peine entamé tant qu'on s'imagine pouvoir s'en sortir sans encombre à courte échéance. Ce qui est possible quelque temps avant de rechuter, tant on voit que cette "prise de conscience" est lente, ralentie par les interdépendances. Il s'agit bien pourtant d'une prise de conscience historique de l'échec de l'auto-régulation des marchés, ce qui a eu de grandes conséquences dans les années 30. Il est possible que rien ne se passe, que l'homme ne soit plus déjà qu'un souvenir, qu'il n'y ait plus de liberté ni d'intelligence. Je crois tout le contraire mais ce sont les événements qui en décideront, sans doute après de longs errements. Il est probable qu'il n'y aura pas ici d'écroulement de l'Etat et de toutes les institutions, ce qui pourrait se produire là où des Etats auraient fait faillites mais je m'avance beaucoup, il s'agit simplement de ne pas considérer que l'hypothèse extrême soit impossible.

    La situation la pire devrait ressembler à l'Argentine lors de la disparition de sa monnaie. J'ai essayé de montrer que le capitalisme ne disparaîtrait pas tout seul malgré la crise (La fin du capitalisme, vraiment ?) mais surtout ce qu'on pourrait faire localement (La reconstruction du monde) puis nationalement (Pour un New Deal) en mettant, plus généralement, la priorité sur la réduction des inégalités (La bulle sociale). Tout cela ne servira peut-être à rien, en tout cas dans l'immédiat, mais c'est ma contribution au mouvement, pour essayer d'aller au maximum des potentialités du moment historique, même à être toujours un peu à contre-courant. Pas tant que ça d'ailleurs sur le retour de la question des inégalités :

      "Le secrétaire général de la CFDT avertit qu'après un «repli sur soi», «la colère va monter dans les entreprises» et que les salariés auront «de grandes exigences sur une meilleure redistribution des résultats». «C'est à fleur de peau, les militants sont dans une colère comme j'ai rarement vu», prévient-il, rappelant que «jamais les écarts de salaires n'ont été aussi importants»".
  7. Je suis sûrement naïf par rapport à ceux qui croient que rien ne pourra plus jamais changer et qu'on en est réduit aux lamentations mais j'ai un point de vue historique et dialectique qui me permet de penser que ce n'est qu'aveuglement de croire qu'il n'y a jamais de retournements et qu'il est encore plus naïf de croire que nos nouveaux maîtres sont là pour toujours. Les systèmes et les idéologies passent qui voudraient faire oublier qu'ils ne sont là que depuis 20 ou 30 ans tout au plus et pas depuis les débuts de l'histoire comme on voudrait nous le faire croire.

    Par contre, je ne vois pas le rapport avec Sarkozy, ni ce qui empêcherait même s'il devenait président de l'Europe (ce qui est bien peu probable !) d'aller dans le sens que j'indique sinon que, bien sûr, il n'y a aucune raison pour que ça se fasse tout seul et que, donc, rien ne peut assurer que tout cela se termine bien, j'en suis bien d'accord, ces indications n'ayant une utilité peut-être qu'une fois que tout le reste aura échoué. Il semble tout de même qu'il y en ait qui ne sachent pas bien lire...

  8. Vous n'en avez pas marre de rejouer le philosophe mal compris et celui qui l'a plus longue que les autres en théorie dialectique et historique chaque fois qu'un type vous adresse une critique ? Je dis ça, c'est pour vous. C'est tellement stéréotypé l'artiste maudit qui pose au salon et le philosophe mal compris qui a raison.

    M'enfin, vous savez ce que j'en pense.

  9. @Creon

    Creon, on ne sait rien de vous. Parlez-nous un peu de vous. Il sera plus facile de mettre un nom au stéréotype auquel vous appartenez. Je suis sûr que cela ne vous fera pas mal, même si nous trouvions à parler avec justesse de vous.

    Jean, quoique vous en pensiez, ne parle pas seul. Il s'insère dans son époque, malgré son relatif retranchement, avec une distance convenable pour prendre la mesure de nos folies collectives.

    Il s'oppose aux idées qui s'impose en logique d'idées, à tous nos raccourcis faciles. C'est d'abord cela qui le caractérise. Quant à suivre le fond de ce qu'il propose, ses alternatives au productivisme, il n'est pas besoin d'aller bien loin pour se rendre compte, que le camp adverse s'affaiblit et qu'il y a maintes filiations entre elles et celles d'Alain Caillé (MAUSS) par exemple, ou celles de Jacques Sapir et dans une moindre mesure les siennes et celles du récemment nobélisé Paul Krugman.

    Pour ma part, je suis convaincu, que ce dont nous aurons bientôt le plus besoin, c'est d'alternatives économiques cohérentes, apte à faire système. Il n'y pas assez de gens comme Jean qui s'y sont affecté. Il faut bien sûr avoir été précédemment capable d'interpréter ce qui ne va pas dans notre monde, ce qu'il y a de nouveau aussi, ce qui peut se faire localement là où nous sommes face aux forces qui s'appliquent au loin ou au-delà de nous, avec lesquels il est sage de composer ou contre lesquels nous pouvons peu, afin de faire les propositions qui ont un véritable potentiel correcteur et libérateur.

    Nous devrions tous nous y affecter davantage, dans nos quartiers comme dans nos écoles. Tentons ensemble de faire un doctorat populaire en alternatives durables et crédibles, appuyées d'expérimentations concrètes et attentivement suivies.

  10. Les anonymes n'ont pas la parole, ce ne sont que des êtres virtuels, des machines automatiques à délivrer toujours le même message.

    Mon principal objet, à travers sciences et philosophie, c'est la bêtise dont il est fait démonstration, ici sous la forme du petit commissaire politique qui voudrait me faire taire, mais il est bien évident que tout philosophe est forcément incompris de la foule, vouloir le contraire c'est renoncer à la philosophie.

    Il est primordial de revenir à une pensée dialectique et historique mais le minimum, c'est d'admettre que les choses peuvent changer, qu'elles sont rongées de l'intérieur. Ce n'est pas ce qu'on rencontre d'ordinaire dans la "pensée unique" de tous les dogmatismes pour qui tout est plus simple et déjà vécu car, qu'est-ce qu'on m'oppose ? Que rien ne pourra jamais changer et que tout est foutu ? La leçon de l'histoire, c'est au contraire que les premiers peuvent devenir les derniers, les vainqueurs d'hier s'avouer vaincus et les empires s'écrouler et il n'y a rien d'autre à faire qu'à essayer de profiter de l'occasion plutôt que se lamenter vainement sur la fin des temps.

    En écrivant sur mon blog, je ne prétends à rien d'autres qu'à dire ce que j'en pense, à donner mon éclairage par rapports aux lectures que j'ai pu faire. On en fait ce qu'on en veut. Cependant, je n'écris pas pour ne rien dire ni pour répéter ce que tout le monde dit mais parce que je trouve trop bêtes les discours ambiants, que je ne suis pas satisfait des analyses qui sont données, que j'éprouve un vide à combler, le besoin de répondre aux conclusions trop rapides en donnant quelques arguments qui contredisent les idées à la mode et questionnent nos certitudes en apportant un peu plus de complexité. Ce n'est pas que je sois content de moi, ce n'est qu'une contribution comme une autre à la réflexion politique, qui devra être complétée par d'autres, je trouve cela très insuffisant mais quand même, il faut bien le dire, un peu moins que le reste...

  11. N'en faisons plus des tartines, je vous ai déjà dit à peu près tout ce que j'avais à vous dire. D'ailleurs mon commentaire n'était absolument pas relatif à la qualité de la critique qu'on vous adressait, mais à votre réaction face à la critique. Qui est ici la même que celle que j'ai pu expérimenter plus tôt (réflexe basique d'autodéfense par dénégation). Savoir accueillir la critique de l'autre à l'intérieur de l'économie de son esprit me semble d'une bien plus sûre sagesse que ces grandiloquences de la théorie dialectique venue de Marx et Hegel. Si c'est pour se retrouver avec un Jean Zin au pouvoir qui écoutera ses critiques comme le capitalisme à écouter la sienne, autant aller se pendre chez un autre dictateur.

    Je ne vais pas vous exposer ce que je vous ai déjà dit avant, le développement aberrant du monde moderne ne m'intéresse absolument pas et je me moque passablement de sa survie comme de celle de l'humanité (je ne suis certainement pas humaniste), ce qui m'intéresse bien davantage ce sont les moyens de survivre à l'autodestruction du monde moderne (non pour moi, qui ne la verrai pas ; mais pour ceux qui auront l'intelligence d'y survivre). J'ai travaillé sur ces projets dans les années 90 autour de philosophes et de mathématiciens pour une modélisation des conditions de survie aux limites dans des interstices structurelles dévastés (Théorie des interstices ; voire les expériences en Afrique du Sud). Nous sommes bien loin de votre réformisme avec son air juvénile de révolutionnarisme (pour le teint sans doute). Je continuerai malgré tout à venir lire vos papiers, ils ne m'intéressent pas outre mesure, sauf pour me donner la température des altermondialos recyclés.

    J'ai lu le petit livre que vous me recommandiez dernièrement. Je l'ai trouvé comique. Il était très en dessous de la réalité quant aux dégâts qu'entraînerait pour l'homme et la planète le bordel atomique. Pour le reste je n'ai pas de goût pour les batailles de caricatures.

  12. Monsieur Zin,

    Depuis février 2007, et la lecture d'un papier de Paul JORION, je suis attentivement le développement de la crise.

    Oui, moi aussi cela me rappelle le livre "La grande implosion" que vous citez dans le lien "Un climat de...".

    Donc, suivant les analyses techniques de Paul Jorion, j'attendais impatiemment votre article sur la crise... Et je suis déçu ! Tout cela reste très flou.

    Conseils amicaux :

    Dans mon entourage immédiat, je suis considéré comme un expert ; gràce à la lecture de Jorion, j'ai impressionné par la justesse de mes prévisions !
    Plus sérieusement, pour expliquer grossièrement ce qui est en train de se passer et ce qui va peut-être de se passer, je conseillais de voir le film catastrophe "Le jour d'après" (2004) ; pas pour le sujet (le climat) mais pour la compréhension psychologique.

    Et cela me fait penser à une tribune récente de Alain Badiou dans Le Monde, "De quel réel cette crise est-elle le spectacle ?"
    http://www.lemonde.fr/opinions/a...
    L'auteur selon moi reste "angélique" et "théorique".

    Je m'étonne de l'absence de débats "pratiques". Comment La France (on pourrait choisir un autre exemple), ou son gouvernement, peut continuer à agir avec une telle Puissance (la centaine de milliards étant devenue l'unité de compte), sans qu'il y ait le moindre débat politique un peu sérieux.
    Pour l'instant pas de crise politique intérieure. L'électroencéphalogramme individuel ou collectif reste désespérément plat... "Business as usual" !

    Cela va-t-il durer encore longtemps ? faut-il s'en réjouir ?

  13. Evidemment, il est ridicule de penser que je pourrais avoir aucun pouvoir, même au niveau local où je me situe. Pour penser ainsi, il faut être dans de tout autres schémas de pensée. Or, il y a des pensées irréconciliables, au moins dans l'action et il est inévitable que chacun prenne l'autre pour un imbécile comme entre croyants de différentes religions mais je déçois beaucoup de gens qui me croient ouvert à ce que je considère comme des bêtises, voire des délires. Il n'y a aucun droit démocratique d'avoir raison dans un relativisme généralisé mais la vérité est l'enjeu de luttes, c'est certain, voire de guerres de religions. La science n'est pas démocratique en ce sens là mais seulement dans sa capacité de transmission à tout homme de n'importe quelle culture ou croyance. L'enjeu n'est pas la simple survie, mais la conscience de soi et de notre liberté. Sinon, je ne suis pas du tout représentatif des altermondialistes même si mes textes circulent, c'est sans conséquences semble-t-il, pour l'instant du moins...

    Je suis désolé bien sûr de décevoir, c'est sûrement décevant en effet, mais je ne peux faire plus, le flou étant la caractéristique des phénomènes chaotiques. On me gratifie souvent du titre d'économiste mais je ne le suis pas plus que physicien parce que j'ose parler de physique ! Paul Jorion est bien plus compétent que moi et je l'approuve dans la plupart des cas (pas tous). Il avait lui-même approuvé mon analyse du "dénouement de la crise" en janvier. La nouveauté qui apparaît à beaucoup depuis, c'est le rôle des inégalités dans la constitution de bulles spéculatives.

    Je n'aime pas du tout l'article de Badiou, vraiment vide. Au stade où on en est, un véritable effondrement du système, et non plus des banques, paraît possible, voire probable. Il semble que la coordination internationale pourrait gérer la situation mais cela paraît quand même bien difficile et cela signifierait surtout une sorte de gouvernement mondial et de système planétaire intégré, l'achèvement de la mondialisation. Impossible que la crise soit courte maintenant comme on a pu l'espérer, il faudra bien se mobiliser pour éviter le pire mais il est relativement normal d'attendre que les événements se précisent. C'est comme sur les marchés financiers désertés par les gros investisseurs et réduits aux spéculations entre traders accentuant la volatilité. Après la catastrophe, ça sera tout autre chose et il n'y aura pas de quoi se réjouir sans doute mais cela dépend un peu de nous...

  14. Merci pour ce lien, que j'ai trouvé effectivement très intéressant même si je ne suis pas d'accord avec tout. Je trouvais que cette crise ressemble trop aux autres crises pour qu'on puisse la mettre sur le dos de l'ère de l'information, mais cela n'empêche pas que la crise se produit à l'ère de l'information, après la bulle internet. La force de l'argumentation de Michel Volle, c'est d'en faire un effet de l'unification du monde par les réseaux financiers informatisés, une crise provoquée par la mondialisation (et c'est bien un aspect de sa dimension systémique telle qu'elle apparaît). Sa faiblesse, c'est de ne pas prendre en compte les dimensions sociales et spéculatives :

    "Les réseaux ont permis d’unifier le marché financier mondial. Il a été dès lors possible de diluer le risque en logeant les placements les plus dangereux dans les actifs apparemment les plus sûrs.

    Dès lors le risque disparaissait, ou semblait disparaître, car le système financier tout entier en était solidairement garant : la catastrophe, si elle se produisait, serait systémique, la Terre s’arrêterait de tourner. Or la Terre ne peut pas cesser de tourner : donc il n’y avait plus aucun risque !

    Ainsi l’énormité du risque est devenue un facteur de sécurité : quand tout se tient, rien ne peut tomber car si quelque chose tombait, tout tomberait – et il est impossible que tout tombe. Cela rappelle irrésistiblement la fameuse phrase d’Hitler : « l’énormité d’un mensonge est un facteur de crédibilité[3] » – jusqu’à la catastrophe finale exclusivement, bien sûr."

    http://www.volle.com/travaux/cri...

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